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Révolutions Arabes - Page 170

  • Attentats. La stigmatisation fait florès (A l'Encontre.ch)

    Dessin du «Daily Mail»

    Dessin du «Daily Mail», le 17 novembre 2015

    Par Rédaction A l’Encontre et Thomas Cluzel

    Dès les attentats meurtriers du 13 novembre à Paris, la campagne politique visant «la communauté musulmane» s’est développée. Le Front national a matraqué ses trois thèmes anti-immigré·e·s et anti-musulmans. Le premier est formulé de la sorte: «Nous devons retrouver des frontières nationales. Nous devons arrêter les flux de migrants qui arrivent.» Autrement dit, migrants=réfugiés=terroristes potentiels.

    Le second: «Il y a 11 000 fichés S qui auraient dû faire l’objet d’une perquisition.» Selon la pratique et le droit français la fiche S est un élément de surveillance, pas de culpabilité. D’après les experts du droit constitutionnel français, une personne ne peut pas être arrêtée au motif qu’une fiche S a été établie sur elle. Laurent Wauquiez, député des Républicains (ex-UMP) et coutumier de la surenchère, «a proposé la création de camps pour toutes les personnes ciblées par une fiche S, soit plus de 11 000 personnes», comme l’expliquent entre autres sur Mediapart (18 novembre 2015) Lénaïg Bredoux et Mathieu Magnaudeix. Ils ajoutent: «François Hollande a indiqué lundi que le gouvernement allait saisir le Conseil d’Etat pour examiner la faisabilité juridique d’une telle disposition.» Même si Hollande estime que le Conseil d’Etat jugera qu’une telle disposition est anticonstitutionnelle, «il ne veut surtout pas laisser un millimètre à la droite sur le terrain sécuritaire», comme le soulignent les deux journalistes.

    Le troisième leitmotiv du FN: «Le code de la nationalité doit être intégralement refondé.» Autrement dit, le FN demande la déchéance de nationalité de «ceux qui participent de la mouvance islamiste». Le quotidien Le Monde, dans sa rubrique en ligne signée «Les Décodeurs», le 17 novembre, écrit à ce propos: «Le Conseil constitutionnel rappelait dans une étude de 2008 qu’en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, elle-même basée sur la déclaration universelle des Droits de l’homme, “les nationaux ont un droit général et absolu à entrer, séjourner et demeurer en France”». Le droit international reconnaît en effet à chacun “le droit d’entrer sur le territoire de l’Etat dont il est le ressortissant”. Dans son allocution au Congrès réuni à Versailles, le président François Hollande a lui affirmé souhaiter une modification de la loi afin qu’elle permette de retirer la nationalité française aux binationaux nés Français, en plus des binationaux naturalisés.» L’escalade sécuritaire, qui peut servir d’humus à la stigmatisation des musulmans, est sans limites.

    Face à cette situation, dans un billet envoyé à la rédaction d’A l’Encontre, le 16 novembre, Jacques Chastaing indiquait à juste titre un élément concret pour fonder une riposte politique: «Les gens qui sont dans la rue pour se recueillir en silence sont aussi les mêmes, comme à Metz ou Lille, qui ont crié «Dehors les Fascho», «A bas les racistes» et qui les ont repoussés. Malgré la confusion, nous pouvons nous appuyer sur ce sentiment d’un mouvement anti-raciste et anti-fasciste et lui offrir une possible représentation, surtout si l’extrême droite identitaire ou le FN continuent leurs provocations et attaques.»

    Nous publions ci-dessous un compte rendu de la presse internationale qui met en lumière, de manière crue, une propagande islamophobe dont des médias, significatifs, sont les vecteurs. (Rédaction A l’Encontre)

    *****

    Quand elle a vu sa photo dans la presse, sa mère s’est mise à vomir. C’était lundi soir, un Français d’origine maghrébine de 28 ans, habitant Bruxelles, découvrait avec stupeur son visage à la Une de deux journaux, DH (Belgique) et LAATSTE NIEUWS. Sous sa photo, la légende le présente comme Brahim Abdeslam, l’un des terroristes responsables des attentats de Paris. Sauf qu’il n’est pas, évidemment, Brahim Abdeslam, lequel s’est fait exploser trois jours plus tôt sur le boulevard Voltaire. En revanche, il a effectivement «le tort» de porter le même prénom: Brahim. Mais lui s’appelle Brahim Ouanda. Aussitôt, le jeune homme a porté plainte. «J’ai été choqué, dit-il, après les attentats et notamment par le fait que cela venait de Molenbeek, la commune de mon enfance. Mais là, je suis encore plus sous le choc, après l’association qu’on a faite entre ces attaques et moi.» Une tragique mésaventure, donc, longuement racontée sur le site de la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) et qui témoigne du risque facile qui existe aujourd’hui de stigmatisation à l’encontre de la communauté musulmane.

    Et que dire, encore, de l’attitude de ces deux journalistes de CNN (chaîne d’information des Etats-Unis). Dimanche dernier, les deux présentateurs en plateau interrogent Yasser Louati, le porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France, qui se trouve lui sur la place de la République, à Paris. Les journalistes s’inquiètent notamment du fait que la communauté musulmane ne dénonce pas davantage les massacres de masse perpétrés par des individus «de ses rangs» (sic). Aussitôt, Yasser Louati les reprend: «Ils ne sont pas de nos rangs. Notre camp est le camp français, dit-il. Ne faites pas d’erreur à ce propos.» Réponse du journaliste: «Si votre camp, c’est la France, comment se fait-il que personne au sein de la communauté musulmane en France n’ait su ce que ces personnes étaient sur le point de faire? Parce qu’il me semble que c’était un plan d’envergure, et il y avait forcément des gens au-delà des sept terroristes tués qui savaient quelque chose, et si quelqu’un savait c’était probablement au sein de votre communauté. Et pourtant personne n’a rien dit.» Interrogé sur le site Big Browser (blog du Monde), Louati n’en revient toujours pas et s’insurge de telles questions: «C’est de la folie. L’Etat n’a pas fait son travail mais nous, nous aurions dû savoir et prévenir ces événements! Je suis extrêmement déçu par CNN, comment peuvent-ils avoir une approche aussi simpliste?» Toujours est-il que les deux journalistes, eux, n’en démordent pas. Et voici comment se conclue l’entretien, avec les deux présentateurs en plateau: «Même si ce n’est pas leur faute, ça vient quand même de la communauté musulmane. Ils ne peuvent pas se dérober».

    Quoi qu’il en soit, depuis les attentats de vendredi, les amalgames font florès. Deux jours seulement après les tragiques évènements, le candidat aux primaires républicaines, Jeb Bush, expliquait, notamment  sur CNN, que le gouvernement américain devrait concentrer ses efforts pour aider les réfugiés syriens chrétiens, mais pas les musulmans.

    Le prestigieux magazine américain TIME a, lui, ouvert ses colonnes à Marine Le Pen. Une tribune dans laquelle la présidente du Front National écrit notamment: «Trop souvent, nous avons confondu hospitalité et aveuglement. Tous ceux que nous avons accueillis ne sont pas venus avec un amour de la France et de son mode de vie.»

    Ou quand les attentats de Paris conduisent à un spectaculaire virage à droite

    Le terrorisme qui a frappé aveuglément la capitale française joue en faveur de l’extrême droite, s’inquiète notamment le journal d’Alger EL-WATAN, avant de préciser qu’Arabes et musulmans qui vivent en France risquent d’en faire les frais.

    Et puis au sein de l’Union européenne, cette fois-ci, les amalgames entre réfugiés et terroristes refont surface. Récemment, le tabloïd anglais DAILY MAIL, le deuxième journal en nombre de ventes quotidiennes, a publié un dessin qui lie très clairement réfugiés syriens et terroristes. Intitulé «Les frontières ouvertes de l’Europe», on y voit des réfugiés, à l’évidence musulmans. Parmi eux, l’un porte une kalachnikov, un autre une tenue de camouflage et une dernière un voile intégral. Et tous traversent les frontières avec une nuée de rats à leurs pieds. Une association, entre rats et réfugiés, qui n’est pas sans rappeler la propagande nazie antisémite.

    En Allemagne, le journal de Berlin DIE WELT, l’un des trois plus grands quotidiens du pays, ne laisse là encore que peu de doute quant au message qu’il entend véhiculer: nombre d’immigrants et leurs enfants ne chérissent pas vraiment l’idée de s’intégrer dans une société dont ils n’apprécient pas les traditions culturelles et dont le mode de vie les choque. C’est dans leurs rangs, dit-il, que sont recrutés les terroristes. Et d’en conclure: «il ne s’agit pas de les montrer du doigt, il s’agit d’une évidence».

    De son côté, son confrère de Munich SÜDDEUTSCHE ZEITUNG est là tout de même pour rappeler une évidence et expliquer que faire des parallèles entre migration, islam et terrorisme mène à des amalgames dangereux. Oui, concède le journal, une communauté a une responsabilité, un rôle à jouer dans la société. Mais elle ne peut pas être rendue responsable, surtout lorsqu’il s’agit d’une communauté définie aussi sommairement que «les musulmans».

    Quoi qu’il en soit, dans ce contexte, on peut d’ores et déjà prédire que la politique d’asile commune et d’immigration de l’Union européenne risque d’être fortement mise à mal. Et cette tentation du repli sur soi qui étreint l’Europe tout entière inquiète notamment THE NEW YORK TIMES. Verrouiller hermétiquement les vannes est souvent, dit-il, la solution de facilité politiquement opportune brandie après des attaques terroristes. Or ces réponses sont fausses. Freiner l’exode des réfugiés de Syrie doit faire partie du plan global pour mettre un terme à la guerre en Syrie. En revanche, construire de nouvelles barrières pour les laisser dehors, sous le prétexte absurde que les musulmans sont intrinsèquement dangereux offrira une propagande de choix à l’organisation Etat islamique.

    (Intervention de Thomas Cluzel sur France Culture à 7h24, le 19 novembre 2015)

    Publié par Alencontre le 19 - novembre - 2015
     
  • Tunisie : Sfax à la veille de la grève générale régionale du 19 novembre (Essf)

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    Contrairement aux prophéties péremptoires concernant l’établissement d’une hypothétique « paix sociale » en Tunisie suite à l’attribution du prix Nobel de la paix à l’UGTT et au syndicat patronal UTICA, cet article rédigé le 15 novembre laissait présager un bon départ pour le cycle de grèves générales régionales décidées par l’UGTT dans l’ensemble du pays. A l’heure où cet article est mis en ligne, la mobilisation à Sfax semble être une pleine réussite..... A suivre.

    L’UGTT de Sfax ressemble ces jours-ci à un nid d’abeilles. Est à son ordre du jour la réussite de la grève générale régionale annoncée pour le 19 novembre. Celle-ci inaugure un cycle de grèves comparables dans l’ensemble des régions de Tunisie.Dans quel contexte se situent ces grèves ?

    Il est indispensable de rappeler que la centrale UGTT a été un acteur politique majeur en 2013-2014.(1) Elle a réussi pendant cette période à imposer la reconnaissance de son rôle historique dit « national », en tant qu’élément d’équilibre et de stabilité du pays.
    Les interlocuteurs de l’UGTT espéraient qu’il en résulterait l’instauration d’une « paix sociale » de deux ans, ainsi qu’un silence du syndicat au sujet des « réformes » imposées par le Plan d’ajustement structurel dicté par le FMI et les autres bailleurs de fonds. (2)

    Mais simultanément, l’UGTT se devait de répondre aux attentes des salariés, décidés à mettre fin à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat. Dans ce cadre, des augmentations et des primes spécifiques ont pu être arrachées dans le secteur public. Il a fallu pour cela maintes grèves et mobilisations, parties de plusieurs secteurs comme par exemple l’enseignement et la santé publique.

    De son côté, le patronat tunisien a persisté à ne pas appliquer une grande partie des accords sectoriels conclus avec l’UGTT dans le secteur privé. Invoquant la crise économique, il n’envisage à ce jour que des augmentations salariales minimes, ne devant pas dépasser le taux d’inflation proclamé par le pouvoir et qui est très en deça de la réalité.

    Suite au blocage des négociations dans le secteur privé, la Commission administrative nationale de l’UGTT a décidé, le 8 novembre, le déclenchement d’une série de grèves régionales. Les dates en ont été précisées le 12 novembre. Et, comme d’habitude, la première grève concerne la région de Sfax où elle a été décidée pour le 19 novembre.

    Pourquoi les grèves commencent-t-elles par la région de Sfax ?

    La région de Sfax est la première région industrielle du pays, et une des plus combatives. C’est la plus rodée et la plus opérationnelle lors des grandes mobilisations ou grèves. Cela a par exemple été le cas lors de la fameuse grève générale régionale du 12 janvier 2011 qui a été un des principaux préludes à la fuite de Ben Ali. Il en a été de même suite aux assassinats politiques de 2013.

    L’Union régionale de Sfax est également la pierre angulaire de l’UGTT pour des raisons historiques : c’est le lieu de naissance de l’UGTT et de nombre de ses dirigeants, dont le premier secrétaire général et héros national Farhat Hached. La tradition veut que deux membres du Bureau exécutif de l’UGTT sur treize proviennent de cette région.

    Dans ce contexte, l’UGTT de Sfax a appelé l’ensemble des salariés du privé à faire grève le 19 novembre. En solidarité, ceux du secteur public sont invités à débrayer sur le tas entre 10h et 11h, puis à se rendre à l’assemblée générale du secteur privé qui se tiendra devant le siège de l’UGTT. Tout le monde partira ensuite en manifestation jusqu’au siège du Gouvernorat (l’équivalent de ce que sont en France les Préfectures).
    La mobilisation dans le privé va s’adosser sur des secteurs clés, connus pour leurs traditions combatives et militantes, ainsi que par leur poids dans la région : la chimie et le pétrole,3 le textile, la construction métallique ainsi que le secteur de la restauration. Les militants font le maximum pour réussir une mobilisation d’ampleur, digne de la réputation de la région, en vue d’organiser une véritable démonstration de force.

    Une grève capitale pour la classe ouvrière tunisienne

    L’UGTT a face à elle le syndicat patronal UTICA, son partenaire dans le « quartet du dialogue national », et qui reste inflexible pour le moment.

    Elle se trouve également face à un gouvernement de plus en plus fragilisé. Celui-ci doit en effet affronter la grave crise traversant le parti Nidaa Tounès ainsi que l’alliance au pouvoir.
    En ce qui le concerne, le gouvernement redoute ces tensions sociales, car il a été mis en demeure d’appliquer sans nouveau retard les « réformes » exigées par les « bailleurs de fonds » pour qu’ils continuent à financer un pays de plus tributaire de la dette extérieure.

    Il est vital pour les travailleurs tunisiens, broyé par misère et la pauvreté, que les mobilisations en cours débouchent sur un coup d’arrêt à la dégradation continuelle de leur pouvoir d’achat.
    Il en va de même pour la direction de l’UGTT avant qu’elle ne s’envole pour recevoir, le 10 décembre, un prix Nobel vantant les mérites du compromis et du « dialogue ».

    Sfax, le 15 novembre 2015, par MOULEH Mohamed Abdel

    Mohamed Abdel Mouleh est militant de la Ligue de la Gauche Ouvrière et du Front Populaire à Sfax.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36429

  • Syrie. Raqqa: 200 000 habitants pris au piège (A L'Encontre)

    raqqa

    Il y a encore cinq ans, la moitié des Syriens ne savaient pas situer Raqqa sur la carte de leur pays. La ville fut pourtant, jadis, la capitale d’été du célèbre vizir Haroun al-Rachid. «Même le présentateur de la météo à la télévision syrienne avait du mal à placer le nuage prévu au-dessus de la ville, ironise un de ses habitants réfugié en Turquie. Aujourd’hui, Obama évoque le carrefour Al-Naim [principale place des exécutions publiques menées par les hommes de l’Etat islamique], Hollande dit avoir frappé le “stade noir” et des dizaines d’avions de reconnaissance qui coûtent des millions de dollars scrutent les caniveaux. Raqqa occupe les discussions au sommet du G20 à Antalya, ils pourraient au moins nous inviter, ces goujats!»

    La septième (et la plus insignifiante) ville syrienne n’a cessé de gagner en célébrité depuis le printemps 2013, quand les premiers hommes masqués de l’Etat Islamique (Daech) y ont fait leur apparition, puis l’ont investie en nombre, petit à petit, pour en faire la capitale syrienne de leur califat, proclamé un an après.

    Langage codé

    A la limite entre désert et vallée de l’Euphrate, la cité, bombardée par toutes les aviations [1] qui comptent dans le monde, en est pratiquement coupée. Les seules communications parfois possibles avec l’extérieur se font par Internet, disponible uniquement dans des cybercafés fermement surveillés par les hommes de Daech. Les habitants y vont pour donner des nouvelles à leurs proches, pour les rassurer et parler de santé ou de vie quotidienne, parfois en langage codé.

    Les informations, rares, sont souvent difficiles à vérifier, mais peuvent passer par des relais improbables ou des indiscrétions des maîtres du terrain. Ainsi, les douze corps entreposés actuellement dans la morgue de l’hôpital national seraient ceux des jihadistes tués dans les frappes aériennes françaises de dimanche et lundi. Ahmad [2], ancien militant pro-démocratie réfugié en Allemagne, a pu obtenir quelques précisions à leur sujet. «Huit ont été tués dans la zone dite des Madajen [lieu d’élevage de volailles], dans le petit village de Sahal, à quelques kilomètres de la ville où se trouve un dépôt d’armes de Daech. Quatre autres, des Asiatiques, sont morts dans le raid du centre d’entraînement militaire qui était celui des jeunesses du Baas, à l’entrée ouest de la ville en venant d’Alep, et que les Français ont désigné comme un centre de commandement de Daech. Le site se trouve en sortant à gauche du pont Al-Rashid sur l’Euphrate, bombardé il y a une dizaine de jours par les Russes», affirme Ahmad expliquant que des dépôts de munitions ont probablement été touchés aussi par les frappes françaises. «Tant que ça reste dans les airs, toutes ces opérations ont un effet essentiellement médiatique et revanchard. Vous nous explosez, on vous bombarde et ainsi de suite», précise-t-il.

    Les bombardements français sur Raqqa n’ont pas fait de victimes civiles, les habitants comme des sources de Daech elles-mêmes le confirment [1]. En revanche, la terreur semée par tous ces raids aériens épuise la population, d’autant qu’ils provoquent la coupure de l’électricité et de l’eau dans toute la ville. «Le bilan des 30 raids en vingt-quatre heures se mesure plutôt par des crises cardiaques chez les personnes âgées dans la ville», dit l’exilé en Allemagne, branché en permanence avec ses proches sur place.

    Les frappes russes, elles, sont plus meurtrières puisque leurs cibles sont désignées par l’armée du régime de Bachar al-Assad et visent souvent des marchés et autres lieux publics. La veille des raids français, douze civils ont ainsi été tués par l’aviation russe. Celle-ci a pris le relais des Mirage français le lendemain, menant pas moins de 127 raids en vingt-quatre heures, soit deux fois plus qu’en temps ordinaire en Syrie, essentiellement sur Raqqa. Pour la première fois, des tirs de missile de croisière Kalibre ont été effectués depuis un sous-marin croisant en Méditerranée. Ils sont intervenus juste après la confirmation russe que l’avion de Charm el-Cheikh avait été explosé par une bombe à bord.

    En plus des bombardements quotidiens par les airs, les habitants de Raqqa subissent au sol la terrible pression paranoïaque des hommes de Daech. En réaction aux raids, les jihadistes interdisent la circulation, coupent l’électricité et peuvent accuser n’importe qui de donner des renseignements à leurs nombreux ennemis. «On ne sort plus de chez nous que pour les courses indispensables», confie par Internet une ancienne institutrice quinquagénaire restée seule pour garder la maison familiale alors que ses frères et sœurs sont partis en Turquie pour pouvoir scolariser leurs enfants. «Les civils ne peuvent même plus partir s’ils le veulent.» Daech a interdit récemment aux gens de quitter la ville pour empêcher la sortie des informations.«Raqqa est devenue une immense prison sous les bombes», explique-t-elle.

    Familles ouïghours

    Quelque 200’000 habitants se retrouvent pris au piège. C’est plus ou moins le nombre de personnes que comptait la ville avant le conflit, sauf que la population a changé. Des dizaines de milliers de Raqqaouis sont en effet partis ces deux dernières années pour échapper aux lois du califat et à ses atrocités. Ils ont été remplacés par des familles djihadistes venues du monde entier, qui prennent leurs maisons. «Ils sont partout avec leurs femmes et leurs enfants, installés parmi les habitants», dit l’institutrice, qui n’a pu empêcher que l’appartement de 120 m2 de son frère soit occupé par deux familles ouïghours.

    Mêlés à la population civile, les hommes de Daech «s’en servent comme boucliers humains», précise Ahmad. C’est pourquoi il est difficile pour l’aviation de les atteindre. «Plus d’un an de frappes aériennes n’a pas affecté Daech, qui s’est même renforcé», considère Yassin Swehat, directeur du site d’études Al-Jumhurya, originaire de Raqqa. «Poursuivre dans la logique de la guerre contre le terrorisme en l’escaladant se révèle un cercle vicieux», ajoute-t-il, estimant que «seule une nouvelle approche internationale agissant sur les sources du problème en Syrie et en Irak peut changer les choses, plutôt que de balancer des missiles sur Raqqa». (Article mis en ligne le 18 novembre 2015 sur le site de Libération)

    Publié par Alencontre le 19 - novembre - 2015
    Par Hala Kodmani
     
  • Nouveautés sur Orient 21

  • A propos des derniers attentats terroristes en Arabie saoudite (Lcr.be)

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    Depuis l’attentat contre une mosquée chiite du village d’Al-Dalwa dans la région d’Al Ahsa, qui a tué huit personnes et en a blessé neuf autres, il y a eu une série d’attaques terroristes, notamment celle de la mosquée de l’Imam Ali à Qudaih, dans l’est de l’Arabie saoudite, le 22 mai. Près de vingt et une personnes y ont trouvé la mort.

    Elle a été suivie de l’attentat contre la mosquée d’Al Anoud le 29 mai, où sont tombées quatre personnes. Des dizaines d’autres y ont été blessées, notamment trois cadres de la protection populaire, chargée de la protection des mosquées et du contrôle des fidèles. La protection populaire a été fondée suite au massacre de Qudaih. Ces jeunes ont courageusement sacrifié leurs vies pour sauver le reste des fidèles.

    Ils ont empêché d’entrer dans la mosquée un terroriste vêtu en femme, qui s’est alors fait exploser, les emportant dans la mort. Cela a été suivi de l’attaque d’un rassemblement de chiites lors des rites de l’Achoura à Saïhat, qui a vu tomber cinq personnes, dont Bouthaïna Alabad, une étudiante en médecine. Et le 26 octobre, une attaque terroriste a eu lieu dans  une mosquée ismaélienne de Najran, au sud de l’Arabie saoudite, qui a tué deux personnes et fait des dizaines de blessés. Il ne fait aucun doute que tous ces attentats ont une dimension confessionnelle.

    Dans le même temps, des attentats terroristes ont visé des agents de la sûreté dans plusieurs villes : Arar, Taief, Riyad, etc. Les opérations terroristes ont été suivies de marches bien organisées pour la défense des droits de l’homme, et contre le terrorisme et la violence. Elles ont connu une affluence populaire, des slogans y ont été scandés, condamnant l’incitation à la haine et le confessionnalisme. En outre, les événements d’Al Anoud ont bénéficié d’une couverture médiatique locale et internationale, qui a souligné l’héroïsme des trois jeunes hommes, notamment Mohammad Alarbash. Puis vinrent les funérailles des martyrs, considérées comme les plus massives de l’histoire de la région, avec à chaque fois des cortèges et des processions d’un demi million de personnes.

    L’engrenage terroriste

    Les opérations terroristes ne sont pas nouvelles au niveau local et le spectre du terrorisme n’est issu que de la crise sociale dont le pouvoir a été le premier responsable. Les attentats perpétrés dans le passé sont dus à une accumulation de crises qui ont fait sauter un fusible : l’ère de la guerre du Golfe, la crise du 11 septembre et l’étape du printemps arabe. L’État a mis en échec le terrorisme par des actions locales, des attentats et des séries d’arrestations. De la guerre du Golfe dans les années quatre-vingt-dix en passant par les années 2003 (l’année des attentats dans les ensembles résidentiels à Riyad, habités par des étrangers et des occidentaux) jusqu’à 2009 avec la tentative d’assassinat de Mohammad Ben Nayef par Abdallah Talaa Asiri, qui était le n° 85 sur la liste des personnes recherchées par la sécurité.

    De cette époque sanglante l’ex-vice-ministre de l’Intérieur est sorti comme le plus important dirigeant policier qui a pu protéger le pouvoir et le peuple, et vaincre effectivement le terrorisme. Cela a ouvert la voie au petit auxiliaire qui a accédé au faite du pouvoir actuellement, le mandat du pacte. D’où l’adoption par les médias officiels aujourd’hui de ce slogan : « Le terrorisme est sorti de sa tombe pour mieux y retourner », en référence à l’héroïsme de Ben Nayef, l’homme qui mettrait en déroute le terrorisme dans le futur.

    Le pouvoir qui a fait face au terrorisme a pratiqué simultanément un autre terrorisme contre des activistes et des réformateurs, sous prétexte de lutte antiterroriste. Il a arrêté des personnes innocentes et a prononcé à leur encontre des condamnations monstrueuses. Certains sont sortis de prison, d’autres y sont encore oubliés. « L’antiterrorisme a de tout temps été le discours le plus en vogue d’un pouvoir qui veut défendre son pouvoir » (Bassem Chit)

    La terreur est le fils légitime de la classe dirigeante, mais un fils ingrat ! C’est le fruit de l’action de la classe dirigeante qui a entretenu la haine par la division de la société. Toute cette ruine est un contrecoup porté au système répressif et à d’injustice qui ne doit son existence qu’à l’État qui l’alimente !

    Certains médias s’en sont pris à des pays étrangers, comme l’Iran, d’autres ont ciblé des courants politiques sunnites et les ont accusés d’être la source du terrorisme. Si nous regardons attentivement l’histoire, nous comprendrons que l’entité réelle qui a concouru à l’émergence du terrorisme est l’alliance politique des forces impérialistes et de leurs alliés dans la région – nous le retrouvons clairement dans l’histoire de certains terroristes qui ont été soumis à la violence et la torture dans les prisons, ou comme cela est arrivé lors de manifestations des années 1990 organisées par différents courants, que l’État a combattus et dont les cadres ont été arrêtés et jetés dans ses cachots ­— lorsque certains sont sortis ils se sont impliqués dans des opérations terroristes entre 2003 et 2008. Le châtiment collectif et le déni des droits à l’expression et la manifestation ont contribué à  l’augmentation du désespoir qui a été pris en charge par des organisations terroristes qui ont visé – et visent – l’État et des citoyens paisibles. De la même façon que les politiques racistes et le colonialisme ont produit le terroriste John – citoyen britannique de Daech en Irak -, les autorités saoudiennes ont produit le terroriste Shammari. Tous deux sont sortis des prisons politiques. C’est l’État qui a nourri la terreur par la violence organisée, la torture dans les prisons, le lavage des cerveaux, la terreur religieuse dans les programmes scolaires et l’encouragement du prosélytisme sur les chaînes officielles.

    Lors de la visite de Mohammad Ben Nayef aux victimes de l’attentat terroriste à l’hôpital central de Qatif, il y a eu un échange entre lui et l’un des proches des victimes. Le citoyen lui a dit : « Si le gouvernement n’assume pas son rôle, il participe au crime. » Le prince lui a répondu : « L’État joue son rôle et quiconque le doublera sera poursuivi. »  Effectivement, deux jours plus tard, le président des comités populaires de Qatif a été arrêté, puis s’est tenu le procès de ses membres ; Cela révèle le double langage de l’État et son confessionnalisme dans les médias officiels, qui avaient pour slogan « Le citoyen est le premier policier » suite à l’attentat d’Al Anoud.

    Mohammad Ben Nayef a appelé lors de son discours consécutif aux événements de Qudaih à « Ne faire qu’un avec l’État » et par la suite il a qualifié les martyrs des comités populaires comme des martyrs du devoir, dans une tentative de hold-up sur les forces populaires qui avaient mis en pratique l’auto-organisation pour protéger les fidèles des attentats terroristes, lors d’un combat auquel les forces gouvernementales n’avaient pas participé. Leur conférer ce titre ne revient qu’à frapper le mouvement des masses et le remplacer par un programme de désillusion militaire dont le peuple n’a pas bénéficié, sinon par des arrestations et des provocations aux points de contrôle, la répression, les meurtres dans les rues. Ils ne sont pas nécessairement des « martyrs du devoir », nous n’avons pas besoin d’une médaille du courage venant d’un pouvoir qui a fait souffrir le peuple, qui a ouvert la voie à la terreur et se réveille maintenant dans le vacarme d’attentats que sa politique n’a su contenir.

    Les facteurs qui ont ouvert la voie à la récente vague de terrorisme

    La classe dirigeante saoudienne a participé à créer les conditions sociales et politiques de reprise du terrorisme par le financement et le soutien ouvert ou implicite à différentes factions de la contre-révolution, l’armement de groupes extrémistes dans le but de sécuriser ses intérêts sur la carte régionale des quotas car « la créature échappe à son créateur et se retourne contre lui. Frankenstein n’est pas lui-même le monstre, mais celui qui le créa, à partir de morceaux de cadavres. Ce Frankenstein de notre temps savait pertinemment qu’en assemblant des éléments produits par la décomposition de diverses sociétés musulmanes, il créait et nourrissait un monstre » Gilbert Achcar, Le Choc des barbaries.

    Localement, l’État a adopté des méthodes policières implacables, consistant en plus de répressions et d’arrestations. Il a procédé à relancer et à consacrer le confessionnalisme sous toutes ses formes. Au moment où l’État a soutenu les factions djihadistes, il a écarté le ministre de la Culture et de l’Information locale, Abdul Aziz Khoja, lorsque ce dernier a pris la décision de fermer la chaîne confessionnelle Wissal après l’attentat terroriste d’Al-Dalwa. La Choura aussi a voté à l’unanimité en juin dernier contre la promulgation d’une loi criminalisant le confessionnalisme au motif que la Constitution du régime refuse la discrimination confessionnelle et religieuse.

    L’État continue de faire avorter les révolutions populaires par tous les moyens, en soutenant les régimes capitalistes et les forces réactionnaires contre-révolutionnaires. Le régime saoudien réactionnaire est le leader de la contre-révolution, dont il est le père spirituel !

    Conclusion

    Nous devons apprendre des événements historiques et des étapes des luttes du peuple. Ce sont des  lueurs d’espoir d’une société qui se soulève contre des régimes de tyrannie : la sortie dans la rue de centaines de personnes à Djeddah en 2011 en protestation contre l’insuffisance des infrastructures qui a conduit à la catastrophe des inondations, les manifestations du 5 février de la même année, qui ont vu la participation de plus de quarante femmes proches des prisonniers politiques devant le siège du ministère de l’Intérieur dans la capitale Riyad, la révolte des prisonniers à Al Hayer en 2012, en 2013, le nombre des manifestants s’est élevé à deux cents femmes et hommes devant le ministère de l’Intérieur, les manifestations de Qassim la même année, pour arriver au soulèvement de Qatif et l’émergence du mouvement populaire qui a fait vingt-sept martyrs.

    Le mouvement révolutionnaire contre la politique de la classe dirigeante est le fer de lance de la lutte contre le terrorisme. Le maintien de cette classe est à la racine de la reproduction du système terroriste, de l’exploitation et de l’injustice.

    Cela nous prouve que notre unique ennemi est un ennemi organisé et il faut que nous aussi nous nous organisions, dans toutes nos appartenances, pour l’affronter ;

    Pour aujourd’hui, nous disons :  « Nous voulons tous nos droits, nous voulons la liberté religieuse et la liberté d’expression, nous voulons voir disparaître la discrimination confessionnelle, nous voulons une répartition juste de la richesse, nous voulons une justice sociale, sans oublier la libération des prisonniers, des militants et des oubliés. Nous affrontons l’État et nous arracherons les droits pour extirper à la racine la violence et le terrorisme officiel religieux. 18 novembre 2015 par Nidhal Farah

    (Traduction de l’arabe, Luiza Toscane et Rafik Khalfaoui )

    Source : http://www.al-manshour.org/node/6635

    http://www.lcr-lagauche.org/a-propos-des-derniers-attentats-terroristes-en-arabie-saoudite/

  • Tarbes Palestine

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  • Sahraouis: « Expulsés de notre terre, le Sahara occidental, envahie par l’Espagne puis par le Maroc » (Npa)

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    Entretien. Sahraouis, ils sont 200 jeunes à vivre dans un campement précaire sous un pont à Bordeaux. Demandeurs d’asile, ils n’ont droit à une allocation de 350 euros qu’au bout de 6 mois minimum. Et alors qu’ils devraient bénéficier de par la loi d’un hébergement, d’un suivi administratif et social, ils sont à la rue, parfois depuis deux ans déjà. Mais l’entraide, l’aide individuelle ou celles de l’ASTI, la LDH, la CIMADE, le soutien de militants et leurs convictions, les aident à tenir et à avancer. Après leurs interventions à la fête du NPA 33, au meeting du comité jeunes et à une rencontre militante à notre local, Luchaa, Michan et Bahadi ont répondu à nos questions.

    Pourquoi chercher refuge à Bordeaux ?

    Luchaa : La migration de personnes de notre génération en France est nouvelle. Venant pour la plupart de camps de réfugiés à Tindouf, en Algérie, nous y avons souvent étudié, ainsi qu’en Espagne, en Lybie, à Cuba et au Venezuela.

    Mais nous avons été récemment contraints de partir vraiment, après avoir été expulsés de notre terre, le Sahara occidental, envahie par l’Espagne puis par le Maroc. Les Sahraouis vivant dans les territoires occupés par ce pays, qui sont aussi les plus prospères, avec la capitale Laâyoune, et surtout les mines (fer, phosphate…) et une côte très poissonneuse, sont des parias dans leur propre pays. Ils sont durement réprimés s’ils se révoltent. Le Maroc les a séparés par un mur de 2 700 km rempli de mines anti-personnel des 30 000 autres Sahraouis vivant dans la partie libérée par le Front Polisario, une zone quasi désertique et inhospitalière reconnue comme État par 84 nations,mais par aucune grande puissance mondiale. 120 000 autres Sahraouis, soit presque la moitié de la population sahraouie, vit dans des camps en Algérie, chassée par la guerre du Maroc contre le Front Polisario, guerre au cours de laquelle le Maroc a utilisé du phosphore blanc et du napalm contre les civils en lutte contre l’occupation, avec la complicité des grandes puissances.

    Interdits de séjour sur notre propre terre, parqués dans des camps en Algérie, nous avons été poussés à tenter l’asile politique en même temps qu’une vie meilleure pour nous et les nôtres. Nous ne demandons pas de l’aide, nous menons un combat politique.

    La vie dans les camps était précaire, bien que solidaire. Mais depuis le 23 octobre, c’est devenu un enfer. Des pluies d’autant plus torrentielles qu’elles sont rares dans le désert ont inondé nos camps : du jamais vu depuis 40 ans que nous y vivons. Il y a eu en peu de jours plus de 90 000 victimes, dont 25 000 sans logis.

    Que peuvent faire les militants ici en France ?

    Michan : La France et l’ONU disent depuis le cessez-le-feu de 1991 entre le Maroc et le Front Polisario qu’il faut une solution politique : organiser un référendum pour l’autodétermination du Sahara occidental sous l’égide de l’ONU et de sa mission spéciale, la MINURSO. Mais en même temps, la France oppose toujours son veto à l’ONU pour la tenue du référendum !

    En 1977, l’aéroport de Mérignac a vu décoller des Jaguar destinés à bombarder les villages rebelles sahraouis. Plus récemment, lors de sa visite au Maroc en septembre dernier, Hollande a promis la Légion d’honneur à Abdellatif Hammouchi, directeur de la Sécurité nationale et tortionnaire avéré. La semaine suivante, Mohammed VI, dont le père Hassan II a fait ses études à Bordeaux, y est venu en voyage privé.

    Bahadi : Les intérêts de la France sont politiques et économiques. Il y a eu des campagnes internationales de boycott de produits issus des côtes sahraouies. Mais la France continue à exploiter des espaces maritimes du Sahara occidental. La France a besoin du pétrole, du fer extrait du Sahara occidental.

    Alors, aidez-nous, partis, associations, à faire entendre la voix de notre peuple pour sa liberté, et à dénoncer le pillage par la France et les puissances impérialistes de nos richesses, mais aussi des hommes comme nous obligés de fuir le Sahara.

    Propos recueillis et traduits de l’espagnol par Mónica

  • Afps

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    Le journal Le Monde publie, dans son édition datée du mardi 17/11, un article intitulé "Le Bataclan, ciblé de longue date par les islamistes".

    Nous leur avons envoyé dès lundi matin, alors que l'article figurait déjà sur le site internet du journal Le Monde, la mise au point suivante, restée à cette heure sans effet.

    Amitiés
    Le Bureau National

    "Sous le titre « Le Bataclan, un haut lieu de la culture ciblé de longue date par les islamistes », l’article met gravement en cause notre association et le mouvement de solidarité avec la Palestine par ses approximations et amalgames.

    Il se  réfère à un communiqué publié en  janvier 2009 au lendemain de l’opération « Plomb durci » contre Gaza.  L’AFPS, avec trois autres organisations, y dénonçait un gala au profit des œuvres sociales du Magav, corps israélien des gardes-frontières. Dénonciation politique d’un soutien à l’armée israélienne qui nous apparaissait effectivement scandaleux.

    En quoi cette critique politique a-t-elle quelque chose à voir avec le fait que le Bataclan ait pu être « de longue date ciblé par les islamistes » ? En rien évidemment, sauf que l'article enchaîne bien légèrement sur le fait que ces protestations s’accompagnent alors de menaces anonymes de représailles (au Bataclan ou au Théâtre du Gymnase). Et qu'il fait état ensuite d’une information non vérifiée sur un projet d’attentat avorté en cette même année 2009.

    Nous ne pouvons lire cet article que comme un tour de passe-passe profondément choquant établissant une filiation entre le mouvement de solidarité avec la Palestine et les tueurs de Daech. Rapprochement d’autant plus choquant que la revendication de Daech ne se réfère en aucune façon  à la Palestine, mais, selon l'article lui-même, aux « idolâtres rassemblés dans une fête de perversité ».

    A l’heure où sommes sous le choc de ces actes de barbarie, nous estimons être en droit d’attendre du Monde qu’il ne se laisse pas aller à de tels amalgames et  vous remercions de bien vouloir faire paraître cette mise au point."