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Révolutions Arabes - Page 172

  • Leila Seurat, le Hamas au-delà des discours (Afps)

    Diplômée d’un doctorat en science politique, et du master de recherche « monde musulman » de Sciences-Po Paris, Leila Seurat est actuellement chercheure associée au Centre de Recherches Internationales (CERI/ CNRS). Son travail interroge le couple intérêt/idéologie à travers le cas du Hamas. Le mois dernier, elle a publié aux éditions du CNRS Le Hamas et le monde, préfacé par Bertrand Badie, qui fut son directeur de thèse. Loin des discours dogmatiques, des préjugés religieux, et de certaines idées reçues, l’ouvrage met en lumière la « boîte noire » du mouvement islamiste palestinien : stratège pragmatique, intransigeant et négociateur, parti de gouvernement.

    Thomas Vescovi, Conseil national de l’AFPS, mardi 3 novembre 2015

    Avant d’évoquer votre livre, et l’actualité, pouvez-vous expliquer ce qu’est le Hamas ?

    Le Hamas est la branche palestinienne des Frères Musulmans. Ces derniers étaient présents en Palestine bien avant la création d’Israël, puisque le frère de Hassan al-Banna, fondateur et théoricien du mouvement, avait réalisé un voyage en Palestine à la fin des années 1930 pour y ouvrir un bureau, à Jérusalem-Est. Les militants de ce mouvement vont d’ailleurs être très actifs dans la première guerre israélo-arabe, entre 1947 et 1949, et vont payer un lourd tribut. Cette précision est importante car les autres forces politiques palestiniennes accusent régulièrement le Hamas d’être arrivé sur le tard, de ne pas être « vraiment » nationaliste. En réalité, jusqu’en 1967, des militants du mouvement vont participer à différentes actions armées contre les forces d’occupation, particulièrement dans la Vallée du Jourdain.

    Pour contrer le caractère nationaliste du Hamas, le Fatah insiste sur la posture attentiste du mouvement jusqu’au déclenchement de la première Intifada. Or nous savons qu’en 1984, le cheikh Yassine avait été arrêté pour possession d’armes. Il est vrai que ses différents militants vont converger, au moment du déclenchement du soulèvement populaire de décembre 1987, pour quitter leur posture quiétiste et participer pleinement à la lutte armée. Le Fatah comme le Jihad islamique étaient nés d’une scission au sein des Frères Musulmans, critiquant leur immobilisme face à Israël.

    Le soir du déclenchement de la première Intifada s’organise une réunion, dans la résidence de cheikh Yassine, où est décidée la création du Hamas, officialisée deux jours plus tard. Il faudra attendre le mois d’août 1988 pour que la Charte du mouvement soit rendue publique.

    De par ses liens avec les Frères Musulmans, le Hamas est entouré d’une image négative, celle d’un mouvement islamiste, employant les armes du terrorisme. Dans quelle mesure le Hamas distingue-t-il, dans ses actions et son idéologie, le religieux du profane ?

    Ma thèse démontre qu’il n’y a pas de dichotomie entre les intérêts et l’idéologie. L’idéologie n’est d’ailleurs pas forcément religieuse. Une idée en soi n’est pas une idéologie, mais la manière dont elle est construite peut devenir une idéologie. De part la lecture des origines du conflit proposée par le Hamas, la Résistance devient ainsi une idéologie. Avec le déclenchement des « Printemps arabes », s’est constitué un nouveau discours, plaçant le Hamas au centre de l’énergie populaire des soulèvements, un précurseur, un exemple à imiter. L’élément principal n’était pas l’utilisation du religieux, mais la victoire électorale du Hamas aux législatives palestiniennes de 2006. Dans ce schéma, l’idéologie, qu’elle soit religieuse ou non, ne fait qu’accompagner, des intérêts contingents. Son caractère religieux n’en fait pas un mouvement différent des autres partis politiques. La singularité du Hamas par rapport aux autres mouvements issus des Frères Musulmans, c’est l’emploi de la lutte armée.

    Justement, quelle est la place d’Israël dans ce jeu idéologique ?

    Il existe un flou sur cette question. Certains dirigeants affirment que le Hamas n’entretient aucune forme de relation avec Israël, que ce soit de manière directe ou indirecte. Pour autant, d’autres dirigeants affirment que, pour les questions humanitaires ou celles relatives aux prisonniers, ils peuvent mener des négociations indirectes avec Israël. Le reste est considéré comme illicite. L’objectif est évidemment de se différencier dans l’opinion publique de l’Organisation de Libération de la Palestine. Concrètement, l’étude des différents dossiers montrent d’une part les tractations entreprises entre le Hamas et Israël sur différentes questions, avec souvent l’Egypte comme médiateur, particulièrement lorsqu’il est question de trêves ; d’autre part des cas où des dirigeants du Hamas se sont entretenus directement avec leurs homologues israéliens sans intermédiaire comme l’ont montré les négociations autour de la libération du soldat Gilad Shalit : Ghazi Hamad, vice ministre des affaires étrangères du Hamas représentait le Hamas et Girshon Baskin, un universitaire, Israël. Ce sont bien des négociations directes qui ont contribué à conclure cet accord d’échange de prisonniers.

    En 2006, le Hamas a remporté les élections législatives palestiniennes, sortant de l’opposition pour former à lui seul le gouvernement de l’Autorité Palestinienne. Comment le mouvement s’est adapté à ce nouveau contexte ?

    Il y a eu une première rupture en 2005. Au mois de mars, les accords du Caire, signés par toutes les factions palestiniennes, consacrent la participation du Hamas au jeu électoral. Jusque là, celui-ci ne participait qu’aux élections locales. Le Hamas avait ainsi refusé de participer aux élections législatives de 1996, considérant qu’un engagement dans ce processus signifierait une reconnaissance de l’Autorité Palestinienne, et une manière de légitimer les accords d’Oslo. Pour expliquer, cette volte face, il assure que désormais les accords d’Oslo sont morts ; la participation aux structures de l’AP ne peut donc plus les légitimer. Toutefois, il est évident qu’au delà du discours, l’objectif du Hamas était indéniablement de profiter des ressources offertes par l’Autorité Palestinienne, née de ces accords.

    Cette même année 2005 coïncide également avec la sortie d’Israël de la bande de Gaza. L’armée est cantonnée aux portes du territoire, et les colonies sont démantelées. Pour le Hamas, c’est une victoire de la résistance. C’est d’ailleurs sur ce point qu’il faut lire aujourd’hui les différences d’appréciation du soulèvement : pour le Fatah qui se situe plutôt dans une logique d’apaisement, la seconde Intifada a été un échec ; pour le Hamas au contraire qui prône l’élargissement de la mobilisation, la seconde intifada n’a été qu’un échec partiel puisqu’elle a quand même conduit à l’évacuation de la bande de Gaza.

    L’autre élément à souligner tient dans l’affirmation répétée du Hamas à la légitimité du gouvernement formé en mars 2006. Ce gouvernement, mené par Ismaël Haniyeh, va tenir onze mois. Une période courte mais considérée par le Hamas comme une apogée. Dans les faits, ce gouvernement a souffert du fait que quasiment tous les Etats arabes, ainsi que la communauté internationale, continuaient à considérer l’OLP comme seule et unique représentante du peuple palestinien. Arrive ensuite 2007, et la prise de Gaza par la force par le Hamas. Commence une période de discrédit pour le Hamas, notamment parce que le second gouvernement qui va être créé, mené par Salam Fayyad, est rapidement reconnu comme légitime par les Etats arabes et la communauté internationale.

    Les Printemps arabes ont signifié une redistribution de certaines cartes politiques pour le Hamas, puisque son chef Khaled Mechaal a quitté Damas, où le mouvement avait son leadership extérieur, au profit de Doha, au Qatar. Quelle est la situation depuis ?

    Les guerres qui ont lieu aujourd’hui au Moyen-Orient s’enlisent vers une confessionnalisation entre sunnites et chiites. Les ruptures sont à plusieurs échelles. D’abord l’axe chiite, Iran, Syrie, Hezbollah, qui soutenait financièrement le Hamas, est mis à mal. Des militants du Hamas ont participé à la lutte contre les troupes d’Assad, voire sur certains terrains, les combattants du Hezbollah. Ensuite, il faut aussi remarquer que ces divisions concernent aussi le monde sunnite, entre les Frères musulmans et les différentes mouvances se réclamant du salafisme, des quiétistes aux jihadistes. Ces luttes ont lieu au sein même de la bande de Gaza où des groupes qui se revendiquent de Daech bien que ne lui étant pas officiellement affiliés, combattent le Hamas.

    En février 2012, lorsque Mechaal a quitté définitivement Damas, il y a eu une période de flou, son bras droit Abu Marzouk essayant de faire réinstaller les bureaux au Caire. Finalement Doha a représenté une base plus stable pour le mouvement. La période de transition est terminée puisque le bureau politique du Hamas est en train de se reconstituer au Qatar. Un élément sensible de cette recomposition régionale est le rapprochement entre le Qatar et l’Arabie Saoudite, de moins en moins virulente à l’égard des Frères Musulmans. Pour les Saoudiens, la menace principale reste l’Iran. Ils essayent donc de fortifier leurs liens avec l’ensemble des acteurs politiques sunnites de la région, y compris du côté des Frères musulmans et du Hamas, afin d’empêcher ce dernier de consolider à nouveau ses relations avec la République islamique. Toutefois, ces signes ne constituent pour l’instant que les prémices d’un possible réalignement stratégique du Hamas et d’un rapprochement significatif avec l’Arabie saoudite qui n’a pour l’instant pas encore pris forme. Si en juillet dernier, Mechaal s’est rendu en visite à Doha, où il n’était plus le bienvenu depuis 2007, l’Arabie Saoudite nie ces rapprochements, indiquant que l’objet de sa visite n’était pas religieux et martelant que l’OLP demeure seul représentant du peuple palestinien.

    L’Iran avait en effet très mal accueilli la réorientation de politique étrangère préconisée par Mechaal. En juin 2013, le Cheikh Youssef al-Qardawi accusa dans un discours à la grande mosquée de Doha, en présence de Mechaal, l’Iran et le Hezbollah de faire le jeu des sionistes. Le même mois, dans un communiqué, Mechaal demandait solennellement à l’Iran de se retirer de Syrie. Les réponses iraniennes visent essentiellement Mechaal, devenu persona non grata à Téhéran, et non les dirigeants du Hamas à Gaza, puisque l’on sait que les figures des brigades des martyrs d’al Qassam, branche armée du mouvement, refusent la rupture avec leur financier iranien.

    L’Union Européenne considère le Hamas comme un mouvement terroriste. Celui-ci cherche-t-il à se faire accepter par l’Occident ?

    Le Hamas cherche à obtenir la reconnaissance. Depuis 2006, le mouvement a multiplié les tentatives pour obtenir cette légitimité obtenue par les urnes et pourtant « bafouée ». L’Union européenne est centrale dans ce travail de lobbying : à travers l’action diplomatique de ses députés, invités par la Fédération Internationale des Parlementaires ou par d’autres institutions européennes, le Hamas tente d’être reconnu en tant que gouvernement légitime. Des membres du Hamas et de son instance exécutive se rendent souvent en Europe via leur statut de député. C’est le cas de Mouchir al-Masri qui s’est rendu plusieurs fois à Genève entre 2012 et 2014. Néanmoins, ces visites se font exclusivement dans un cadre parlementaire, et il arrive fréquemment qu’elles soient annulées, lorsque l’étiquette de membre du Hamas est révélée publiquement. Ce qui est intéressant, c’est que ces pressions ne viennent pas seulement d’Israël ou de groupes soutenant Israël, mais aussi de l’OLP qui souhaite demeurer l’unique interlocutrice.

    Depuis plusieurs mois différents médias spéculent autour d’un accord entre Israël et le Hamas, via la médiation de Tony Blair, visant la mise en place d’une ligne maritime pour désenclaver Gaza. Tractation que l’OLP considère être une atteinte au projet national palestinien, les négociations ne se faisant pas sur Gaza et la Cisjordanie, mais uniquement sur Gaza. Qu’en est-il vraiment ?

    Il y a des faits avérés de discussions entre les Israéliens et le Hamas depuis l’hiver 2014 visant à une trêve de longue durée en échange d’une ligne portuaire depuis la partie turque de Chypre vers Gaza. Ne nous trompons pas, cela n’implique pas un port, mais une ligne portuaire. Les cargaisons seraient déchargées à plusieurs milles de la baie de Gaza, et les débats portent notamment sur qui contrôlerait ce point de connexion entre la ligne portuaire et Gaza. Par ailleurs, les négociations se font à Doha, donc même si un l’accord parvenait à être signé, rien ne peut présager que les autorités du Hamas à Gaza l’acceptent. Mais, vu la situation humanitaire désastreuse de la bande de Gaza, on peut imaginer qu’un accord soit accepté y compris par le Hamas de l’intérieur pour lequel l’assouplissement du blocus par Israël demeure une priorité. Ce qui est certain, c’est qu’en poursuivant de telles discussions avec Israël, le Hamas, depuis Doha, fait le jeu de l’État hébreu qui cherche à divise les Palestiniens et à échapper à l’édification d’un État.

    Le Hamas n’est-il pas concurrencé par d’autres mouvements palestiniens, à commencer par le Jihad islamique palestinien ?

    Politiquement non, puisque le Jihad islamique ne participe pas aux élections, et ne revendique pas, comme le Hamas, une large base militante. En revanche, sur la lutte armée, le Jihad islamique accuse le Hamas de ne plus être un mouvement de résistance, d’avoir accepté trop de compromis pour rester au pouvoir. Tout n’est pas soluble dans la résistance.

    Là où il y a concurrence également, c’est sur les liens avec l’Iran. Actuellement, Téhéran est sans doute plus proche du Jihad islamique, qui à l’inverse du Hamas n’a pas pris position en Syrie, et dans sa lutte contre Israël s’avère tout aussi efficace. Les salafistes quant à eux rejettent à la fois le Hamas et le Jihad Islamique, jugés pro-Chiites. Cela ne mérite cependant pas que l’on spécule, mais c’est une donnée à prendre en compte.

    Le soulèvement actuel semble se focaliser sur la Cisjordanie et les Palestiniens d’Israël. Comment le Hamas gère-t-il la bande de Gaza dans ce contexte ?

    Le Hamas a clairement affirmé son soutien au soulèvement, tout en refusant de lancer des roquettes. Ses forces de sécurité empêchent d’ailleurs toutes les autres factions armées d’opérer des actions contre Israël. Son soutien ne reste donc qu’au niveau du discours. Il y a deux choses à retenir. La première c’est que le Hamas est fatigué de ces trois dernières guerres à Gaza, particulièrement de la dernière. Il ne souhaite donc pas pour l’instant prendre part à la mobilisation. Par ailleurs, l’amplification du soulèvement en Cisjordanie peut également favoriser le Hamas dans sa volonté de décrédibiliser l’Autorité Palestinienne. Le Hamas cherche à tout prix à mettre en difficulté Abbas notamment sur la question de la gestion des Lieux Saints, jugé incapable de les protéger, et la coordination sécuritaire. Dernièrement, à Hébron, le Hamas a accusé des policiers palestiniens en civil d’empêcher les manifestants de lancer des pierres. En bref, selon lui, Abbas étoufferait l’avancée de l’Histoire, alors que le Hamas l’impulse.

    http://www.france-palestine.org/Leila-Seurat-le-Hamas-au-dela-des-discours?var_mode=calculhttp:

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • L’appel à boycotter Israël déclaré illégal (Essf)

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    « La France est la seule démocratie où l’appel au boycott par un mouvement citoyen pour critiquer la politique d’un Etat tiers est interdit» « Les droits de producteurs étrangers doivent-ils prédominer sur une liberté politique? Où est la limite? »

    , par JACQUIN Jean-Baptiste

    Il n’y a plus aucun doute possible : le simple appel à boycotter des produits israéliens est totalement illégal en France. Et sévèrement puni. Deux arrêts de la Cour de cassation du 20 octobre, passés inaperçus en dehors des réseaux militants et des juristes spécialisés, font de la France l’un des rares pays du monde, et la seule démocratie, où l’appel au boycott par un mouvement associatif ou citoyen pour critiquer la politique d’un Etat tiers est interdit.

    Concrètement, la Cour de cassation a confirmé la condamnation par la cour d’appel de Colmar de 14 militants du mouvement Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) à 28 000 euros de dommages et intérêts aux parties civiles et chacun à une amende de 1 000 euros avec sursis. Il leur est reproché d’avoir, le 26 septembre  2009 pour les uns et le 22 mai  2010 pour les autres, participé à une manifestation dans un magasin Carrefour à Illzach, près de Mulhouse (Haut-Rhin), «   appelant au boycott des produits en provenance d’Israël  ». Ils portaient des tee-shirts avec le slogan «  Palestine vivra, boycott Israël   » et distribuaient des tracts aux clients sur lesquels était écrit   : «  Acheter les produits importés d’Israël, c’est légitimer les crimes à Gaza, c’est approuver la politique menée par le gouvernement israélien.  »

    Il n’a été relevé aucune dégradation, aucune entrave au fonctionnement du magasin (qui n’a pas porté plainte) ni aucun propos antisémite. Le mouvement BDS déploie sa stratégie dans de nombreux pays (Grande-Bretagne, Etats-Unis, Belgique, Allemagne, etc.) au moyen d’appels aux boycotts commerciaux, universitaires ou culturels pour faire pression sur Israël.

    Pour la haute juridiction française, cela est néanmoins constitutif du délit de «   provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée   » (article 24 alinéa 8 de la loi sur la presse).

    Seuls les embargos sont légaux

    La campagne BDS lancée par des militants propalestiniens en 2005 à travers le monde fait l’objet depuis 2010 de poursuites systématiques dans l’Hexagone. Une circulaire aux procureurs datant de février 2010 – Michèle Alliot-Marie était alors ministre de la justice – visait spécifiquement les «  appels au boycott de produits israéliens  » et recommandait aux parquets d’apporter «   une réponse ferme   ».

    Mais les tribunaux et cours d’appel ont hésité et divergé, entre annulations de poursuites, relaxes au nom de la «  liberté d’expression   » et condamnations au titre de la «  provocation à la discrimination   ». Désormais, l’interprétation de la Cour de cassation s’impose à tous. Seuls les boycotts décidés par l’Etat, à savoir les embargos, sont légaux.

    «   C’est une grande régression  », s’offusque Antoine Comte, l’avocat de BDS, qui se dit « déterminé à porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme   ». Il compte invoquer l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme sur la liberté d’expression. La Cour de Strasbourg ne devrait pas trancher avant deux ou trois ans. M. Comte insiste sur le fait que la loi de 1972 introduisant ce délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence «   était destinée à protéger les individus contre le racisme  ».

    La France est isolée sur cette voie

    Glenn Greenwald, le journaliste américain connu pour avoir publié les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance des Etats-Unis, a vertement réagi sur son site (The Intercept) à la décision du 20 octobre. Il raille la «   France, autoproclamé pays de la liberté, qui fait de vous un criminel   » pour être allé dans un supermarché vêtu d’un tee-shirt appelant à boycotter d’Israël.

    Pour Pascal Markowicz, avocat, membre du comité directeur du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), la Cour de cassation «   se contente d’appliquer la loi  ». Si la France est isolée sur cette voie, «  c’est que beaucoup de pays n’ont pas de lois aussi poussées en matière de lutte contre les discriminations », analyse-t-il. « Le problème est que derrière BDS il n’y a pas que la volonté de critiquer un Etat ou de défendre une cause. » Certaines actions du BDS ont parfois donné lieu à des propos antisémites.

    Le cas français «   pose problème   » en revanche à Patricia Vendramin, coauteure d’un livre d’analyse sur les pratiques du boycott (Le Boycott, Ingrid Nyström et Patricia Vendramin, Presses de Sciences Po, 144 p., 13  euros). Directrice d’un centre de recherche en sociologie et sciences politiques à l’université de Louvain-la-Neuve, elle constate qu’en France «   tous les appels au boycott ne sont pas traités de la même manière   ». Les appels au boycott contre l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, contre la Birmanie du temps de la junte ou même le Mexique au moment de l’affaire Florence Cassez n’ont jamais fait l’objet de poursuites.

    «  Liberté de choix   »

    «   La décision de la Cour de cassation est totalement contraire à ce mouvement de fond de la société civile où les consommateurs se mobilisent sur des questions d’éthique  », dénonce Ghislain Poissonnier, un magistrat qui soutient le mouvement BDS. « Perçu à certains moments comme l’arme des pauvres, le boycott trouve aujourd’hui toute sa place dans l’univers des activistes contemporains », soulignent Mmes Nyström et Vendramin en conclusion de leur ouvrage. Sauf en France.

    Dans leur arrêt, les juges constatent que cet appel au boycott discrimine «  à raison de l’origine et de l’appartenance nationale des producteurs et des distributeurs israéliens   ». Ils concluent que la liberté d’expression peut être soumise à « des restrictions ou sanctions qui constituent (…) des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre et à la protection des droits d’autrui   ».

    Une interprétation que conteste Jean-Christophe Duhamel, ingénieur en recherche en droit à l’université de Lille-II. «  Le droit d’autrui est respecté puisque l’appel au boycott est un appel au consommateur à exercer sa liberté de choix. Il ne s’agit pas d’une action qui, par exemple, empêcherait la livraison de produits israéliens dans le magasin, et cela n’entrave en rien la liberté économique du producteur israélien. »

    Cette «  défense de l’ordre et de la protection des droits d’autrui   » invoquée par la Cour de cassation fait craindre à M. Poissonnier «   des conséquences en chaîne pour la liberté d’expression ». Et d’interroger  : «  Les droits de producteurs étrangers doivent-ils prédominer sur une liberté politique ? Où est la limite ?  »

    Jean-Baptiste Jacquin

  • Syrie. L’Etat d’Assad tire profit des milliers de disparitions forcées (Al'Encontre.ch)

    La femme d'un activiste politique disparu en 2013 tenant une photo  de sa famille. © Amnesty International - Mark Esplin

    La femme d’un activiste politique disparu en 2013 tenant une photo
    de sa famille. © Amnesty International – Mark Esplin

    Par Amnesty International

    L’ampleur et le caractère orchestré des dizaines de milliers de disparitions forcées perpétrées par le gouvernement syrien au cours des quatre dernières années sont exposés dans un nouveau rapport publié par Amnesty International le 5 novembre.

    Ce rapport intitulé Between prison and the grave: Enforced disappearances in Syria montre que l’Etat tire profit des disparitions forcées nombreuses et systématiques qui constituent des crimes contre l’humanité, par le biais d’un marché noir insidieux: les familles qui cherchent désespérément à savoir ce qu’il est advenu d’un proche disparu sont impitoyablement exploitées par des individus qui leur soutirent de l’argent.

    «Les disparitions forcées commises par le gouvernement font partie d’une attaque généralisée et froidement calculée menée contre la population civile. Il s’agit de crimes contre l’humanité qui s’intègrent dans une campagne soigneusement orchestrée destinée à semer la terreur et à écraser le moindre signe de dissidence à travers le pays», a déclaré Philip Luther, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

    L’ampleur de ces disparitions est tragique. Le Réseau syrien pour les droits humains a rassemblé des informations sur au moins 65’000 disparitions enregistrées depuis 2011, dont 58’000 disparitions de civils. Les personnes capturées sont généralement détenues dans des cellules surpeuplées et dans des conditions épouvantables, et sans aucun contact avec le reste du monde. Beaucoup meurent des suites de maladies et de torture ou sont victimes d’une exécution extrajudiciaire.

    Les disparitions forcées source de financement du régime

    Les disparitions forcées sont devenues tellement systématiques en Syrie qu’un marché noir s’est mis en place avec des «intermédiaires» ou «négociateurs» qui se font payer des dessous-de-table allant de plusieurs centaines de dollars à plusieurs dizaines de milliers de dollars par des familles désespérées qui tentent de retrouver leurs proches disparus ou de savoir s’ils sont même encore vivants. Ces dessous-de-table représentent maintenant «une grande part de l’économie» selon un militant syrien des droits humains. Un avocat de Damas a aussi dit à Amnesty International que ce système constitue «la poule aux œufs d’or pour le régime […], une source de financement sur laquelle il s’est mis à compter».

    Des familles ont cédé toutes leurs économies ou vendu leurs biens immobiliers pour payer des dessous-de-table afin de savoir ce qu’il était advenu de leurs proches disparus – parfois en échange de fausses informations. Un homme dont les trois frères ont disparu en 2012 a dit à Amnesty International qu’il a emprunté plus de 150’000 dollars pour tenter de savoir, en vain, où ses frères se trouvaient. Il est actuellement en Turquie où il travaille pour rembourser ses dettes.

    «Ces disparitions qui brisent des vies ont aussi créé une économie de marché noir basée sur la corruption, qui fait commerce de la souffrance des familles ayant perdu un des leurs. Ces familles se retrouvent mutilées et accumulent les dettes», a déclaré Philip Luther. Ceux qui tentent de savoir ce qu’il est arrivé à un membre de leur famille qui a disparu risquent souvent d’être arrêtés ou soumis eux-mêmes à une disparition forcée, ce qui ne leur donne guère d’autre choix que de recourir à ces «intermédiaires».

    Un ami de l’avocat syrien spécialiste des droits humains Khalil Matouq, qui a fait l’objet d’une disparition forcée il y a deux ans, a dit que les disparitions forcées font partie d’une «grande stratégie mise en œuvre par le gouvernement pour terroriser la population syrienne». Sa fille, Raneem Matouq, a également été soumise à une disparition qui a duré deux mois, et elle a vécu une expérience horrible en détention.

    Citons le cas particulièrement effroyable de Rania al Abbasi, une dentiste, qui a été arrêtée en 2013 en même temps que ses six enfants âgés de deux à quatorze ans, alors que son mari avait été capturé la veille au cours d’une descente effectuée à leur domicile. On est depuis sans nouvelles de cette famille. Ces personnes pourraient avoir été prises pour cible parce qu’elles avaient apporté une aide humanitaire à d’autres familles.

    Certains Etats ainsi que l’ONU ont condamné les disparitions forcées, mais la dénonciation de ces actes ne suffit pas. Il y a plus d’un an et demi, en février 2014, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la Résolution 2139, qui demande qu’il soit mis fin aux disparitions forcées en Syrie, mais il n’a pas encore pris de mesures supplémentaires pour garantir sa mise en œuvre.

    «Les Etats qui soutiennent le gouvernement syrien, notamment l’Iran et la Russie, qui a récemment commencé à mener des opérations militaires en Syrie, ne peuvent pas fermer les yeux sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis massivement avec leur appui. La Russie, dont le soutien est essentiel pour le gouvernement du président Bachar el Assad, est parfaitement placée pour convaincre ce gouvernement de mettre fin à cette campagne cruelle et lâche de disparitions.»

    Pour en savoir plus sur la campagne d’Amnesty International réclamant la fin des disparitions forcées en Syrie, veuillez cliquer ici. (Communiqué de presse publié le 5 novembre 2015, Londres – Genève)

    Publié par Alencontre le 5 - novembre - 2015
     
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  • Tunisie : bientôt cinq ans après la chute de Ben Ali 1 (Essf)

     

    Dans le numéro de la revue Inprecor paru fin octobre 2015 figure un long article sur la Tunisie. Le premier chapitre en est publié ci-dessous.
    Il est possible de se procurer l’intégralité de cet article en s’abonnant à la revue http://www.inprecor.fr/abonnement.clp
    Cette revue est également disponible auprès de la librairie « La Brèche ». http://www.la-breche.com

    Une version en castillan est dès à présent disponible sur http://vientosur.info/spip.php?article10543

    Janvier 2011 a vu se lever un immense espoir de bifurcation de l’histoire dans le bassin méditerranéen, et au-delà :
    – dans la région arabe, la vague révolutionnaire partie de Tunisie s’est rapidement propagée dans un bon nombre de pays ;
    – l’exemple de l’occupation de la place Tahrir au Caire a directement inspiré les « Indignados » des « mouvements des places » contre l’austérité néo-libérale en Grèce ou dans l’Etat espagnol.

    Près de cinq ans plus tard, la contre-révolution a incontestablement marqué des points avec notamment :
    – les massacres organisés par Bachar El-Assad et les forces islamistes en Syrie ;
    – le retour en Egypte d’un pouvoir militaire encore plus répressif que celui de Moubarak.
    La guerre fait par ailleurs rage dans de nombreux pays de la région, et notamment dans la Lybie toute proche.
    C’est dans ce cadre qu’est abordée la situation en Tunisie.

    Un pouvoir restaurationniste

    Depuis janvier 2015, le pouvoir est exercé par une coalition dirigée par Nidaa Tounès. Ce parti se situe dans la continuité des gouvernements de l’époque Ben Ali. Nidaa a inclus dans le gouvernement de coalition qu’il a formé, le parti islamiste Ennahdha, son adversaire proclamé avant les élections d’octobre 2011.(1)

    Le premier objectif du pouvoir est de faire barrage au processus révolutionnaire en Tunisie et d’y restaurer l’ordre capitaliste néocolonial dicté notamment par les multinationales européennes, les institutions financières internationales et l’Union européenne.
    Pour y parvenir, il a proclamé l’état d’urgence, au lendemain de l’attentat terroriste de Sousse (2),dans le but de restreindre les libertés démocratiques, combattre les grèves et asphyxier le mouvement social. (3)
    L’objectif particulier d’Ennahdha est de :
    - ne pas subir le même sort que ses cousins égyptiens condamnés à mort ou emprisonné par le pouvoir militaire,
    - obtenir l’impunité de ses responsables (affaires de corruption et implication dans des dossiers de violences),
    - maintenir en place les milliers de personnes qu’il a installé dans l’appareil d’Etat suite à son accès triomphal au pouvoir en 2012.
    L’objectif auquel est particulièrement attaché Nidaa Tounès est de garantir l’impunité aux corrompus de l’ère Ben Ali (projet de loi dit de « réconciliation économique ») (4).

    L’enchaînement des faits depuis 2011

    Le 17 décembre 2010, une vague de mobilisations est partie de la jeunesse des régions les plus déshéritées, et dans laquelle la gauche syndicale et associative était très impliquée. Par la suite, le ralliement à l’insurrection révolutionnaire du mouvement lycéen et des habitants des quartiers populaires, notamment à Tunis, a rendu possible son extension à l’ensemble du pays. Le 14 janvier, le dictateur Ben Ali a été contraint d’abandonner le pouvoir.
    Il convient de noter que les organisations islamistes n’ont pas participé à ce processus, et cela d’autant plus que la majorité de leurs cadres était à l’époque en exil, et une autre partie en prison.

    Entre mars 2011 et décembre 2011, le notable de l’ancien régime Beji Caïd Essebsi, retiré de la vie politique depuis une vingtaine d’années, est devenu Chef du gouvernement.
    Il est parvenu, non sans peine, à faire partiellement rentrer le fleuve dans le lit, ce qui a accentué la distanciation entre une partie de la jeunesse et le mouvement ouvrier.

    Après la victoire électorale du parti islamiste Ennahdha le 23 octobre 2011, Essebsi a annoncé son retrait de la vie politique. Il y a ensuite fait un retour fracassant en fondant le parti Nidaa Tounès. Celui-ci agglomérait autour de sa personne différentes traditions politiques, unies dans un discours de rejet quasi viscéral de l’Islam politique.

    En 2012 et 2013, la politique des gouvernements dirigés par Ennahdha (5) était centrée sur les objectifs suivants :
    - poursuivre la politique néo-libérale,
    - noyauter l’appareil d’Etat, islamiser la société, remettre en cause les droits des femmes,
    - organiser et/ou couvrir les violences contre le mouvement social et la gauche.
    Dans ce cadre, des milices islamistes ont été mises sur pieds, dont les « Ligues de protection de la révolution » (LPR). Des prédicateurs islamistes du Moyen-Orient parmi les plus rétrogrades, circulaient librement en Tunisie. Le Président de la république Marzouki en a accueilli officiellement certains au palais présidentiel, ainsi que des responsables des LPR. (6)
    D’importantes mobilisations ont eu lieu contre les tentatives du pouvoir de remettre en cause des droits des femmes, ainsi que contre les violences émanant des milices islamistes et/ou du pouvoir (tir à la chevrotine de la police sur la population de Siliana, attaque du siège de l’UGTT, assassinat de deux dirigeants du Front populaire, etc. (7)

    En janvier 2014, le gouvernement Ennahdha (8) a finalement été contraint de démissionner (cette période est abordée dans la suite de ce texte). Certains islamistes, notamment au sein de la jeunesse, ont basculé dans le terrorisme en Tunisie, ainsi que dans le djihadisme dans d’autres pays. Simultanément on a assisté à une reprise de l’activité gréviste (ce point sera développé par la suite).

    Suite aux élections législatives, puis présidentielles, de la fin 2014, le pouvoir est passé aux mains de Nidaa Tounes qui a ouvert son gouvernement à Ennhadha et à deux petits partis.
    Une vague gréviste sans précédent s’est développée au premier semestre 2015, ainsi que d’importantes mobilisations sociales dans les régions les plus déshéritées (ce point sera développé par la suite).

    L’UGTT, une exception tunisienne

    Dans aucun autre pays de la région arabe n’existe une organisation syndicale comparable à l’UGTT.(9)

    Forte de 750 000 membres appartenant principalement à la Fonction publique et au secteur public (10), (dont 47 % de femmes) (11), l’UGTT organise environ un tiers des salariés de son champs de syndicalisation.

    Depuis sa fondation en 1946, l’UGTT ne s’est pas contentée d’une seule fonction revendicative. Elle s’est au contraire toujours simultanément engagée dans l’action politique, notamment lors de la lutte pour l’Indépendance, où elle a joué un rôle de premier plan.

    Coexistent au sein de l’UGTT des membres appartenant à l’ensemble du spectre politique tunisien. Ils/elles doivent pour cette raison faire passer au second plan leur appartenance partisane éventuelle, le plus souvent située à gauche de l’échiquier politique.

    Dans toute son histoire, l’UGTT a oscillé en permanence entre résistance au pouvoir et corruption par celui-ci, aptitude à l’affrontement et volonté de négociation, mode pyramidal bureaucratique de décision et système de pressions internes sur la direction, multiplicité des forces centrifuges et volonté de maintenir un cadre collectif.
    Face aux régimes répressifs qui se sont succédé depuis l’Indépendance, l’UGTT a souvent servi de refuge efficace aux forces de la gauche politique et associative. Il en a résulté une capillarité profonde et durable entre ces trois types d’organisations.

    Pour toutes ces raisons, l’UGTT a joué un rôle central lors de toutes les crises qu’a traversées la Tunisie. Ce n’est donc pas par hasard si c’est autour d’elle que s’est finalement organisé le départ du gouvernement Ennahdha en janvier 2014.

    , par LEROUGE Dominique

    à suivre...

    Notes :

    1. Participent également au pouvoir l’UPL autour de l’affairiste douteux Slim Riahi, et le parti ultra-libéral Afek Tounès.

    2. L’attentat de Sousse du 26 juin 2015 a causé au total 38 morts. Il faisait suite à l’attentat du Bardo du 18 mars qui en avait fait 23.

    3. « Déclaration du Front populaire sur la promulgation de l’état d’urgence » (7 juillet 2015)
    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article35383

    4. Cette volonté de blanchiment suscite les applaudissements de l’UTICA (syndicat patronal historique, l’équivalent tunisien du MEDEF et de la CGPME) : http://www.lapresse.tn/article/l-utica-attachee-a-la-loi-de-reconciliation-economique-et-financiere/94/5250
    En ce qui la concerne, l’organisation patronale CONECT demande que cette procédure soit même étendue à l’ensemble des Tunisiens !
    http://www.businessnews.com.tn/tarek-cherif-propose-detendre-la-reconciliation-economique-a-tous-les-citoyens,520,58979,3

    5. Deux autres partis étaient associés au pouvoir d’Ennahdha : le CPR de Marzouki à qui avait été accordée la présidence de la République, Ettakatol (section tunisienne de l’Internationale socialiste), dirigé par Ben Jafaar, à qui avait été attribuée la présidence de l’Assemblée constituante.

    6. http://www.kapitalis.com/politique/14124-le-palais-de-carthage-deroule-le-tapis-rouge-au-predicateur-wahhabite-nabil-al-awadi.html
    http://www.businessnews.com.tn/Tunisie---Une-délégation-des-LPR,-avec-«-Recoba-»,-chez-Marzouki-au-palais-de-Carthage,520,35636,3

    7. En novembre 2012, la police a tiré à la chevrotine sur la population de Siliana. Le 4 décembre 2012, des milices islamistes ont attaqué le siège national de l’UGTT. Le 6 février 2013, un dirigeant du Front populaire, l’avocat Chokri Belaïd, a été assassiné devant son domicile. Il en a été de même le 26 juillet pour Mohamed Brahmi, un autre dirigeant du Front populaire.

    8. Concernant la période située entre l’assassinat de Mohamed Brahmi (26 juillet 2013) et la démission du gouvernement Ennahadha (janvier 2014), un grand nombre d’articles sont disponibles sur http://www.europe-solidaire.org/spip.php?rubrique130

    9.Voir la présentation de l’ouvrage d’Hélà Yousfi sur l’UGTT :
    http://www.solidaires.org/article51054.html ou http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34977 ainsi que la série d’articles concernant la longue histoire de l’UGTT sur http://www.europe-solidaire.org/spip.php?rubrique1027

    10. On compte en effet 1,5 million de salariés dans le secteur privé ainsi que 800 000 fonctionnaires et salariés du secteur public. http://www.lapresse.tn/article/public-prive-la-satisfaction-des-uns-la-grogne-des-autres/94/5734

    11. Il n’y a jamais eu de femme au Bureau exécutif de l’UGTT, et leur présence est très faible dans les structures intermédiaires, y compris dans les branches très féminisées comme l’Education.

  • Arrêt des poursuites contre l’avocat tunisien Ali Kalthoum (Essf)

    Communiqué

    L’Union syndicale Solidaires exprime son entière solidarité avec Maître Ali Kalthoum, déféré le 3 novembre devant le juge d’instruction.
    Infatigable défenseur des droits de l’Homme sous le régime de Ben Ali, cet avocat de Gafsa avait notamment été un des organisateurs de la défense des prévenus dans les procès ayant suivi le soulèvement du bassin minier de 2008.

    Ali Kalthoum est aujourd’hui poursuivi pour son action en tant que membre du comité cherchant à faire toute la lumière sur l’assassinat, le 6 février 2013, du leader de gauche Chokri Belaïd.
    Il lui est notamment reproché d’avoir affirmé que le juge d’instruction chargé de l’enquête avait couvert des personnes impliquées dans cet affaire.

    L’Union syndicale Solidaires s’élève contre le retour de pratiques de l’époque Ben Ali et participera aux actions de soutien à Maître Ali Kalthoum.

    Paris, le 4 novembre 2015 , par Union syndicale Solidaires

  • Yémen. Des armes à fragmentation brésiliennes auraient été utilisées dans une attaque lancée par l'Arabie saoudite et ses alliés (Amnesty)

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    Les forces de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont recouru à un modèle brésilien de munitions à fragmentation, interdites au niveau international, lors d'une attaque contre un quartier résidentiel d’Ahma à Sada (nord du Yémen) cette semaine, blessant au moins quatre personnes et répandant de dangereuses sous-munitions non explosées sur des terres agricoles des alentours, a déclaré Amnesty International vendredi 30 octobre.  

    L’organisation a recueilli les propos d’un certain nombre de résidents locaux, dont deux victimes, les professionnels de santé qui les soignent, un témoin et un militant local qui s’est rendu sur place peu après l’attaque. Les projectiles non explosés retrouvés sur les lieux de l’attaque sont similaires à des bombes à sous-munitions de fabrication brésilienne dont on sait que l’Arabie saoudite les a utilisées par le passé.

    « Parce que les armes à sous-munitions sont par nature non discriminantes, leur utilisation est interdite par le droit international humanitaire coutumier. En fait, près de 100 États interdisent leur fabrication, leur stockage, leur transfert et leur utilisation, compte tenu des dégâts uniques et durables qu’elles causent », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    « Outre le fait de tuer et blesser des civils lors de leur utilisation initiale, de nombreuses sous-munitions n’explosent pas à l’impact et continuent à présenter pendant des années un risque mortel pour toutes les personnes qui sont à proximité. La coalition dirigée par l’Arabie saoudite doit immédiatement cesser de les utiliser, et tous les camps doivent publiquement s’engager à ne jamais déployer d’armes à sous-munitions et envisager de devenir parties à la Convention mondiale sur les armes à sous-munitions. »

    Témoignages

    L’attaque a eu lieu vers midi mardi 27 octobre 2015, dans une zone résidentielle d’Ahma, à environ 10 kilomètres au nord-ouest d’al Talh dans le district de Sahar, près de la ville de Sada. Ahma se trouve à une quarantaine de kilomètres de la frontière avec l’Arabie saoudite. 

    Un militant local qui s’est rendu sur le site plusieurs heures après l’attaque a trouvé trois sous-munitions non explosées situées à une vingtaine de mètres les unes des autres - une dans un champ d’une ferme locale, une autre près d’une serre et une troisième près d’une mosquée. À la connaissance d’Amnesty International, l’objectif militaire le plus proche est un marché à al Talh, à une dizaine de kilomètres au sud-est, où il est établi que des armes sont vendues et qui a été visé par des frappes aériennes à au moins cinq occasions distinctes depuis le début, en mars, de la campagne de bombardements menée par l’Arabie saoudite et ses alliés. 

    Des témoins ont décrit comment, malgré l’absence d’aéronefs militaires, une série de roquettes ont sifflé dans le ciel et explosé en vol, suivies de dizaines d’explosions au sol. Ces témoignages et les éléments retrouvés sur le terrain confirment l’utilisation de munitions à fragmentation tirées par le biais de roquettes sol-sol, elles-mêmes propulsées par un système de lance-roquettes multiple.  

    Salah al Zara, 35 ans, agriculteur local, se trouvait sur la route principale à 50 mètres, lorsque la frappe est survenue. « J’étais à moto avec un ami et nous allions dans la direction de Dhahyan, lorsque j’ai vu [...] quatre roquettes en pleine descente [...]

    Chacune a pris une direction différente ; il y avait deux minutes d’intervalle entre les roquettes. Il y a d’abord eu quatre explosions dans le ciel, et puis cinquante au moment de l’impact au sol. Les munitions ont atterri sur un groupement de 30 maisons et commerces. »

    Saleh al Muawadh, 48 ans, un agriculteur père de 10 enfants, a parlé à Amnesty International au téléphone depuis son lit à l’hôpital d’al Jamhouri, dans la ville de Sada : « Je passais à moto sur la route principale près du lieu de l’attaque quand j’ai senti plein d’éclats de métal. L’impact de la frappe s’est ressenti jusque dans des fermes situées à deux kilomètres du site. »

    Des blessures causées par des éclats

    Selon des professionnels de la santé ayant soigné les victimes de cette attaque, un des blessés, Abdelaziz Abd Rabbu, 25 ans, atteint au torse et à l’abdomen, est dans un état critique.

    Abdelbari Hussein, 22 ans, un autre civil blessé lors de la frappe, a déclaré à Amnesty International : « J’étais assis dans mon magasin quand l’attaque s’est produite. Je n’ai pas entendu d’avion, seulement des explosions. » Il a été blessé à l’abdomen par des éclats métalliques.

    Même si l’attaque a pu viser des Houthis et d’autres membres de groupes armés parmi la population civile, le recours à des armes frappant sans discrimination comme les munitions à fragmentation est interdit par le droit international humanitaire. Tout recours à des armes à dispersion est contraire à cette règle.

    Interdiction des bombes à sous-munitions

    Les armes et munitions à fragmentation contiennent entre des dizaines et des centaines de sous-munitions, qui sont libérées dans l’air, et se répandent sans discrimination sur une large surface pouvant mesurer des centaines de mètres carrés. Elles peuvent être larguées ou tirées depuis un avion ou, comme dans ce cas, projetées depuis des roquettes sol-sol.  

    Les sous-munitions ont par ailleurs un taux de non explosion élevé - ce qui signifie qu’un fort pourcentage d’entre elles n’explosent pas à l’impact, et deviennent de fait des mines antipersonnel qui représentent une menace pour les civils, des années après leur déploiement. La fabrication, la vente, le transfert et l’utilisation de munitions à fragmentation sont prohibés par la Convention de 2008 sur les armes à sous-munitions, signée par plus de 100 États. 

    Bien que le Brésil, le Yémen, l’Arabie saoudite et les autres membres de la coalition menée par cette dernière qui prennent part au conflit au Yémen ne soient pas parties à la Convention, elles sont tenues, en vertu des règles du droit international humanitaire coutumier, de s’abstenir d’utiliser des armes qui par nature frappent sans discrimination et représentent invariablement un danger pour les civils. 

    L’ASTROS II brésilien

    Amnesty International, Human Rights Watch et la Coalition contre les sous-munitions ont recueilli des informations sur le recours de l’Arabie saoudite et ses alliés à quatre modèles de munitions à fragmentation dans le cadre du conflit au Yémen à ce jour, dont trois de fabrication américaine.  

    Mais cette attaque récente semble marquer la première utilisation de munitions à fragmentation brésiliennes dans ce conflit.

    Plusieurs entreprises brésiliennes produisent ce type de munitions. Si Amnesty International n’a pas été en mesure de confirmer de manière indépendante la marque et le modèle des sous-munitions larguées sur Ahma, celles-ci présentent des similitudes avec des dispositifs fabriqués par une entreprise brésilienne nommée Avibrás Indústria Aeroespacial SA.

    L’ASTROS II, un système de lance-roquettes multiple monté sur un camion, est fabriqué par Avibrás. L’ASTROS II peut tirer plusieurs roquettes de suite à brefs intervalles, et trois de ses roquettes peuvent être équipées d’un nombre de sous-munitions pouvant aller jusqu’à 65, et possèdent un rayon d’action pouvant atteindre les 80 km, selon le type de roquette. Le site Internet de l’entreprise le dit « capable de tirer des roquettes longue portée et conçu comme un système d’armement stratégique ayant un fort pouvoir dissuasif. »

    Selon le Landmine and Cluster Munition Monitor, qui effectue un suivi sur les mines terrestres et les munitions à fragmentation, Avibrás a vendu ce type de munitions à l’Arabie saoudite par le passé, et Human Rights Watch a recueilli des informations sur leur utilisation par les forces saoudiennes à Khafji en 1991, « laissant derrière elles un nombre élevé de sous-munitions non explosées. »

    « Le Brésil doit immédiatement préciser quelle est l’étendue de ses transferts internationaux de munitions à fragmentation interdites, qui remontent à des décennies. Le Brésil et les autres États continuant à permettre la production et le transfert de ces armes ne peuvent prétendre qu’ils n'ont pas conscience de l’impact qu’elles ont sur les civils au Yémen et ailleurs. Le Brésil doit immédiatement mettre un terme à leur fabrication, détruire ses stocks et adhérer à la Convention sur les armes à sous-munitions sans plus attendre », a déclaré Átila Roque, directeur exécutif d’Amnesty International Brésil.  

    Vendredi 30 octobre, Amnesty International a parlé avec un haut responsable d’Avibrás qui avait vu les images en provenance du Yémen. Il a déclaré que la forme « ressemble » à certains des modèles d’Avibrás et n’a pas exclu qu’il s’agissait d’un de leurs produits, mais a ajouté que cela était assez improbable compte tenu du calibre. Il a toutefois reconnu que l’entreprise a fabriqué des calibres du même type au début des années 90, et a déclaré qu’il mènerait une enquête plus approfondie. 30 octobre 2015

    https://www.amnesty.org/fr/press-releases/2015/10/yemen-brazilian-cluster-munitions-suspected-in-saudi-arabia-led-coalition-attack/