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Révolutions Arabes - Page 214

  • Algérie Annaba : La laiterie de L’Edough paralysée par la grève (Afriques en lutte)


    Las d’attendre la réalisation des promesses de l’administration, les employés de la laiterie de l’Edough bloquent l’entrée de l’entreprise.

    Les employés de la laiterie de l’Edough de la wilaya de Annaba, ont amorcé jeudi dernier, un mouvement de grève illimité, apprend-on auprès de quelques-uns d’entre eux. Au motif de ce débrayage, plusieurs revendications socioprofessionnelles soulevées par les grévistes, dont la permanisation des contractuels. Ils réclament des contrats de durée indéterminée « Nous voulons des contrats de durée indéterminée, car étant des contractuels, nous risquons à n’importe quel moment de faire l’objet d’une compression. »

    Aussi, outre l’exigence de l’augmentation de la prime de rendement, les contestataires revendiquent 20% des bénéfices de l’entreprise, qu’ils exigent percevoir sous forme d’augmentation salariale.

    Dans le même sillage, les employés de la laiterie de l’Edough, sis à la daïra d’El Bouni, ont manifesté leur ras-le bol des fausses promesses, quant à leur permanisation et leur insertion. « Nous sommes fatigués d’attendre les promesses de l’administration, qu’elle n’a jamais honorées », ont-ils dit.

    S’agissant des conditions de travail, les grévistes ont fait état des mauvaises conditions de leur emploi, « nous exerçons dans les pires conditions que vous pouvez imaginer » ont-ils lancé. Nous invitant du coup à nous rendre à la laiterie, pour constater de visu le manque d’hygiène et l’insécurité, entre autres dures les conditions de travail. Les contestataires ont dénoncé des détournements et des dépassements dans la gestion de l’entreprise, dont les retombées ont eu un effet direct sur leur salaire.

    « Nous demandons à la tutelle de dépêcher une commission d’enquête pour constater l’anarchie et les malversations caractérisant l’entreprise », ont rétorqué plusieurs grévistes. Et d’ajouter : « L’entreprise va à la dérive, les détournements sont couverts par des ponctions sur nos salaires. »

    Devenue insoutenable, la situation prévalant aujourd’hui, à la laiterie de l’Edough, risque d’avoir un impact sur la production et la distribution du lait dans la wilaya de Annaba.

    Une situation qui au moment où nous mettons sous presse, a, d’ores et déjà, généré la perturbation dans la distribution du lait au chef-lieu de la commune de Annaba, El Bouni, Sidi Amar et El Hadjar, pendant que les zones retirées de la wilaya n’ont pas été alimentées en ce produit de large consommation. En attendant le dénouement de ce bras de fer qui oppose depuis jeudi, les travailleurs de la laiterie de l’Edough à l’administration, le sachet de lait restera absent sur les étals des vendeurs, au motif d’un conflit, qui privera probablement le consommateur pour une durée indéterminée, si toutefois les contestataires camperont sur leur position, faute de prise en change de leurs doléances par l’administration.

    Source : L’Expression 1er juin 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/algerie/article/algerie-annaba-la-laiterie-de-l

    Voir aussi au Maroc:

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/maroc/article/morocco-electricity-workers-strike

  • Paris-Sétif (Npa)

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  • "Palestine en vue" Premier festival du film palestinien en Rhône-Alpes

    "Palestine en vue" Premier festival du film palestinien en Rhône-Alpes

    Ce premier festival du film palestinien, initiative de la toute jeune association ERAP (échanges Rhône-Alpes Palestine), après avoir démarré sur Annecy en mai, se déroulera* du 3 au 12 juin dans une dizaine de villes de la région.

    Plus de vingt séances de cinéma avec dix films différents

    A travers ce festival, l’association souhaite faire connaître au public rhône-alpin la Palestine, sa société, ses problèmes quotidiens, sa culture et notamment la richesse de son art cinématographique.

    Ouverture du festival le 3 juin 2015 à 20h au Cinéma Comoedia – LYON

    Projection « Les Chebabs de Yarmouk » En présence de Monsieur l’ambassadeur Hael El Fahoum, d’Emad Burnat et du réalisateur Axel Salvatori-Sinz

    L’invité d’honneur du festival est Emad Burnat, agriculteur palestinien et cinéaste, Il est le premier palestinien nommé pour l’ Oscar du meilleur long métrage documentaire.

    Mais aussi, participeront aux débats Béatrice Guelpa (journaliste), Norma Marcos (Fragment d’une Palestine perdue), Shereen Suleiman (service culturel de la Mission de Palestine), Rachid Mashrawi (Letter from Al Yarmouk), Salvatori Sinz (Les Chebabs de Yarmouk), Amer Shomali (18 fugitives) liste non limitative ....

    Plus d’info

    http://www.france-palestine.org/Palestine-en-vue-Premier-festival-du-film-palestinien-en-Rhone-Alpes

  • Livre. «Marxisme, Orientalisme, Cosmopolitisme», de Gilbert Achcar (A l'Encontre.ch)

    9782330050948Par Samy Joshua

     

    Gilbert Achcar a fait ses classes politiques au Liban. Il est professeur à la School of Oriental and African Studies à Londres. Il est un des meilleurs spécialistes des questions qu’il traite (un «expert» pourrait-on dire, si ce terme ne s’attirait le dédain de l’auteur tout au long du livre, à juste titre, tant il en est d’autoproclamés sur la scène médiatique). Or éclairer ces questions dans l’état de confusion où la gauche française est plongée, en particulier depuis les attentats de janvier 2015 et leur suite, est une ardente nécessité. Ce court ouvrage y contribue grandement. Il comporte quatre contributions écrites à des dates différentes, dont l’une sur les rapports de Marx et l’orientalisme spécialement pour cette occasion. La première parution du livre s’est faite en anglais en 2013.

    «Religion et politique aujourd’hui: une approche marxiste»

    Le premier article concerne la conception marxienne de la religion, et l’analyse de la relation entre religion et politique en général, et plus spécialement l’analyse comparée de la théologie de la libération et de l’intégrisme islamique. L’auteur avance que «le fait que la religion survive encore à l’aube du Ve siècle après la «révolution scientifique» est une énigme pour quiconque adhère à une vision positiviste du monde, mais pas pour un entendement marxiste authentique… non seulement la religion a survécu jusqu’à notre époque en tant que partie de «l’idéologie dominante», mais elle a produit encore également des idéologies combatives de contestation des conditions sociales et/ou politiques en vigueur.».

    Les marxistes sont familiers de la fameuse Introduction à la Critique du Droit de Hegel, dans laquelle Marx donne ses formules tant citées: la religion est une expression de la «misère»; «l’expression sublimée» de la «misère réelle». Et aussi une protestation contre cette situation. Mais malheureusement, selon Achcar, «Marx n’a pas poursuivi sa réflexion sur la dimension «protestation» de la religion». De même que «Engels tenta maladroitement d’expliquer Münzer comme une «anticipation en imagination du communisme», et la dimension chrétienne comme un simple déguisement». Autrement dit, Achcar critique une vision trop peu dialectique entre la forme (religieuse) et le fond (social), comme si les deux n’interféraient pas. Or, ils le font, et il convient d’analyser ces liens dans chaque cas: quelle période historique, mais aussi quels thèmes religieux. C’est au nom même du matérialisme historique que l’auteur plaide «pour une sociologie comparative marxienne des religions». Où le concept d’origine Wébérienne «d’affinités électives» tiendrait une place importante (là entre certains aspects du «christianisme dans sa phase charismatique et un programme social communistique» repéré chez Thomas Münzer).

    Analyse que Achcar applique à la théologie de la libération d’un côté, à l’islamisme radical de l’autre. D’où il ressort que: «Tous les courants de l’intégrisme islamique se dédient pareillement à ce qui peut être décrit comme étant essentiellement une «utopie médiévale réactionnaire». L’affirmation que «L’idée orientaliste superficielle…selon laquelle l’intégrisme islamique est le penchant «naturel» anhistorique des peuples musulmans est totalement aberrante». Alors que: «Le parti le plus grand parmi les partis communistes qui n’étaient pas au pouvoir dans le monde (était), un parti qui s’appuyait officiellement, donc, sur une doctrine athée, se trouvait dans le pays comptant la plus grande population musulmane: l’Indonésie». Et que, d’un autre côté, «Nasser fut, sans aucun doute, un croyant sincère…quand bien même il devait devenir le pire ennemi des intégristes. » Gilbert Achcar résume alors ce qu’il a développé depuis longtemps quant aux racines qui ont permis le développement de l’islamisme. Défaite du nationalisme et carences de la gauche radicale; intégrisme promu contre la gauche par le royaume saoudien et son parrain américain; l’exacerbation de la crise…dans le Moyen Orient élargi; effets de l’offensive néolibérale et effondrement du « communisme soviétique».

    Un commentaire sur ce sujet complexe de la religion aujourd’hui. Si on peut approuver aisément l’auteur sur tous les points développés, il faudrait parvenir à élargir le tableau aussi à l’indéniable tendance mondiale à la sécularisation. Car si, incontestablement, la religion «survit», cela va de pair avec la progression d’un autre phénomène. Les enquêtes montrent que jamais les agnostiques déclarés (et même les athées explicites) n’ont été aussi nombreux dans le monde, et ceci y compris en pourcentage de la population. Phénomène qui touche désormais un pays aussi ancré dans les religions que les Etats-Unis. Et qui, à l’évidence, est une «marque de fabrique»  de l’Europe (et, loin devant encore, de la Chine). Et ce malgré le quasi-écroulement de la perspective de tradition marxiste. Comment rendre compte de ceci est une question en soi. Et plus encore, dans la sociologie marxiste des religions que Achcar appelle de ses vœux, se pose celle de la manière dont peuvent cohabiter les religions (dans leur diversité) et cette tendance de fond, au moins dans les endroits où elle est avérée, et ailleurs peut-être si elle se confirme dans les décennies à venir.

    «L’orientalisme à rebours: sur certaines tendances de l’orientalisme français après 1979»

    Le second article concerne la manière dont certains critiques de l’orientalisme classique ont évolué vers un «orientalisme à rebours», inversant les présupposés essentialistes du premier, tout en les conservant comme cadre méthodologique. Gilbert Achcar s’appuie sur le livre de Sadik Jala Al-Azm, Orientalism and Orientalism in Reverse, paru en 1981 (Khamsin, N° 8, Londres, Ithaca, 1981) avec ses deux catégories : « la première, déjà identifiée par Edward Saïd, consiste en une reproduction de la dichotomie essentialiste…mais avec des valeurs inversées…». La seconde est synthétisée par l’auteur en 6 points.

    1° L’Orient islamique et l’Occident sont antithétiques, y compris en ce qui concerne le marxisme; 2° le degré d’émancipation de l’Orient ne peut être mesuré à l’aune de critères occidentaux, comme la démocratie, la laïcité et la libération des femmes (on peut y ajouter je suppose la considération des orientations sexuelles); 3° les instruments épistémologiques des sciences sociales occidentales sont entièrement non pertinents dès qu’ils sont «exportés»; 4° la force motrice fondamentale qui meut les masses musulmanes est d’ordre religieux; 5° la seule voie des contrées musulmanes vers leur renaissance passe par l’Islam; 6° les mouvements de «retour à l’Islam» ne sont jamais réactionnaires mais des mouvements progressistes.

    L’auteur s’attache alors à décrire l’évolution de ce positionnement chez les orientalistes français après 1979 (révolution islamique iranienne), même si, bien entendu, la question ne se limite pas à eux. Si on laisse de côté Michel Foucault, qui, certes sans retour critique, mis fin assez rapidement à son soutien aux processus iraniens, cela concerne les penseurs phares dans le domaine: Olivier Roy, Olivier Carré, Gilles Kepel, François Burgat, entre autres. Dont les évolutions furent diverses, parfois contraires sur le plan politique (avec par exemple pour certains la mise au service des officines impérialistes de cette «compréhension» jugée imparable). Avec désormais sur la scène française « …deux écoles. L’une a été appelée «néo-orientalisme» par Farhad Khosrokhavar, bien qu’il s’agisse plutôt d’une tendance inhérente à «l’orientalisme» traditionnel; en deux mots, c’est l’idée que l’islam est incompatible avec la modernité. J’ai appelé l’autre école «nouvel orientalisme», car elle est véritablement nouvelle, et l’ai définie comme soutenant l’idée que l’islam… est en fait la seule et incontournable voie du monde musulman vers la modernité». Les deux partageant «un noyau commun…la vision essentialiste».

    L’auteur pourtant ne néglige pas de faire soigneusement la part entre ceux qui se rangent derrière les dominants occidentaux, et ceux qui, comme Burgat, se sont engagés « …courageusement…contre la vague d’islamophobie» touchant la France, même si c’est « …avec d’énormes illusions». Car on ne peut sans précautions étendre la condamnation de régressions historiques de grande envergure à la discrimination portée envers des populations minoritaires d’Occident. Complexité des positionnements politiques indispensable sur ces questions cruciales, excluant le simplisme, et condition incontournable d’un débat de fond.

    «Marxisme et Cosmopolitisme»

    L’auteur décrit quatre conceptions du cosmopolitisme à travers l’histoire. Ethique (remontant à Diogène se déclarant «citoyen du monde»); institutionnelle, en faveur d’un gouvernement mondial ; conception fondée en droit, comme dans le « Projet de paix perpétuelle» de Kant; ou économique (sources variées, mais souvent sous l’influence d’Adam Smith et sa «Richesse des Nations», où alors elle se ramène au libre-échange généralisé).

    Achcar nous fait parcourir les chemins du concept, en particulier au sein du mouvement socialiste et ouvrier, où, pendant longtemps, il n’eut pas le caractère péjoratif qu’on lui a connu par la suite (souvent synonyme «d’internationalisme» en fait à cette époque). Il décrit sa funeste transformation par Staline (une autre manière de dire «juifs», pétrie donc d’antisémitisme), mais refuse que cette riche idée, propre aux combats pour l’émancipation humaine, soit jetée aux orties. La notion de cosmopolitisme est au contraire au carrefour de son ancrage historique, et de ses relations avec les données contemporaines de la mondialisation et de l’altermondialisme. Bien entendu rien n’est simple en la matière et l’auteur fait sa place à la crainte de Hannah Arendt, convaincue qu’un «gouvernement mondial» serait synonyme de tyrannie et qui affirme : « Nul ne peut être citoyen du monde comme il est citoyen de son pays…Peu importe la forme que pourrait prendre un gouvernement du monde doté d’un pouvoir centralisé s’exerçant sur tout le globe, la notion même d’une force souveraine dirigeant la terre entière…ce serait là la fin de toute vie politique…Ce ne serait pas l’apogée de la politique mondiale mais très exactement sa fin». Mais le débat doit se ré-ouvrir dit Achcar : «Si la défense de la souveraineté nationale est certainement justifiée et nécessaire face à la coercition impérialiste, elle apparaît inévitablement anachronique…à une époque où la «mondialisation» est certainement une réalité et non une phrase creuse». Il s’inscrit dans ce que De Sousa Santos appelle: «le cosmopolitisme insurgé », et défend que « le combat socialiste doit aspirer à dépasser les réalisations cosmopolites du capitalisme en s’appuyant sur l’idée de justice mondiale».

    «Marx, Engels et «l’Orientalisme»: sur l’évolution épistémologique de Marx»

    Ce dernier article débute, inévitablement, sur l’approche critique de Edward Saïd, et de son œuvre majeure, L’Orientalisme (publié en anglais en 1978) en particulier à propos de ses caractérisations, infondées aux yeux d’Achcar, du marxisme comme seulement enraciné dans l’ethnocentrisme européen. Certes, comme le dit l’auteur à propos de l’ouvrage phare de Said,

    «L’orientalisme a bien été un jalon éminent sur cette longue voie menant à la liberté», par «le dévoilement, à une échelle de masse, d’un état d’esprit «occidental» eurocentrique et colonial omniprésent et profondément enraciné».

    Mais l’ouvrage, s’il fut durement attaqué par ceux qui niaient qu’il puisse exister un tel état d’esprit le fut aussi, et à juste titre nous dit Gilbert Achcar, par nombre de spécialistes de la question, au premier rang desquels Maxime Rodinson, pourtant abondamment cité par Saïd, mais sans, manifestement, qu’il ait saisi la totalité de sa pensée. Rodinson, tout en saluant «l’effet de choc de son livre (qui) se révélera très utile» craignait que ceci ne conduise dit l’auteur: ‘à une doctrine «dogmatique qui rejetterait apriori tout apport étiqueté «orientaliste» au nom d’une conception «antiorientaliste»…c’est l’appellation «postcolonial» qui allait plus tard être utilisée à cet égard jusqu’à l’abus».

    L’article de Gilbert Achcar est plus spécialement consacré non à une étude détaillée des apports et des critiques (nombreuses dès l’origine, avec un fort renouvellement de nos jours, voir Kevin Anderson, Vasant Kaiwar, Vivek Chiber, David Harvey et autres) de l’ouvrage de Saïd, mais plus spécialement au rejet de l’affirmation (passablement peu informée et gratuite) de Saïd considérant Marx comme un spécimen du même «orientalisme général». Ce faisant il prend la suite d’auteurs critiques présents dès l’époque, Sadik Jalal Al-Azm, Mahdi ‘Amil, Samir Amin ou Aijaz Ahmad. Ainsi «‘Amil accusa la critique par Saïd de la pensée occidentale de tomber elle-même dans le piège de l’essentialisme en rangeant Marx dans le même sac que d’autres penseurs «occidentaux» sur la base d’une définition géographique de leur positionnement culturel». En fait dit l’auteur : «Omettant le lien entre essentialisme et idéalisme philosophique, Saïd ne mentionne pas une seule fois dans L’Orientalisme ce qui est certainement l’exposé le plus caractéristique de la perspective «orientaliste» occidentale – qui se trouve, sans surprise, dans le sommet de la philosophie idéaliste qu’incarnait Hegel».

    Avec son article Gilbert Achcar se livre alors à une analyse précise de cette question. Au-delà de la constatation, banale mais importante, que le point de vue de Marx et Engels fut scientifiquement et concrètement limité par leurs connaissances «eurocentrées», en ceci qu’elles furent pendant tout un temps indirectes, la vraie question est donc celle de la survivance de racines idéalistes chez Marx.

    On connaît la thèse de Althusser, très critiquée mais pourtant hautement roborative, de l’existence d’une «coupure épistémologique» entre le Marx encore partiellement idéaliste et le Marx marxiste, développant seulement ensuite vraiment la méthode du matérialisme historique. A l’appui de ceci, Achcar rappelle à quel point les premières approches de Marx en plusieurs domaines en sont témoin. Par exemple. l’ode unilatérale au rôle révolutionnaire de la bourgeoisie que l’on lit dans certaines pages du Manifeste, ou dans les premiers articles sur l’Inde et la conquête de l’Algérie. Et encore la «théorie» de la succession inévitable des modes de production développant à l’évidence la même vision que Hegel sur la progression unilatérale de «l’Idée» (la Raison) et de la «Civilisation». On en trouve aussi des éléments dans les premiers écrits concernant la religion. Même en prenant ses distances par rapport à l’approche purement idéelle de la question, on voit Marx utiliser des termes révélateurs quant à «l’essence du Juif» (dans un ouvrage, par ailleurs important par les bases qu’il jette quant à la distinction entre ce qui ensuite s’appellera droit formel et droit réel, mais avec des formules sur l’essence du Juif qu’on ne peut lire aujourd’hui sans frémir, rappelle Achcar) ou l’incomplétude des premières approches, encore bien essentialistes, du christianisme (voir le premier article du livre).

    Achcar suit Althusser sur ce point, mais tout en soulignant, avec raison, que les choses sont plus compliquées. D’un côté, le matérialisme historique est déjà à l’œuvre avant «la coupure», et de l’autre, des traces idéalistes subsistent tout du long, tout en se raréfiant. Et là Achar apporte à Saïd la critique la plus importante. En réalité le matérialisme historique de Marx et Engels (et au-delà de leurs productions à telle ou telle période) est justement l’antidote (et en fait le seul) à tous les essentialismes. On en voit d’ailleurs le développement quand l’un ou l’autre précisent, modifient voire bouleversent leurs conceptions sur le colonialisme par exemple. Certes ceci beaucoup à partir de l’exemple de l’Irlande qu’ils avaient sous les yeux, mais en saisissant aisément, à partir de là, la portée générale de la question. A ce titre, effectivement, le fantastique travail que représente L’Idéologie Allemande et les Thèses sur Feuerbach (non publiées de leur vivant pourtant) viennent poser les bases, à ce jour indépassables, à la fois de la compréhension de l’essentialisme comme de son ancrage dans l’idéalisme, et la possibilité d’en sortir.

    Oui, décidément, un ouvrage ramassé offrant une lecture indispensable à qui refuse de céder aux facilités intellectuelles du temps, facilités dont le simplisme et le «campisme» conceptuel nous habituent malheureusement aux temps de guerre en cours et à venir. Or, comme on le sait depuis longtemps, la première victime de la guerre c’est la vérité. (29 mai 2015)

    Gilbert Achcar, Marxisme, orientalisme, cosmopolitisme, Sindbad, Actes Sud, 2015, 248 p.

    Publié par Alencontre le 30 - mai - 2015
     
  • Marianne: bonne route!

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    Marianne, après une halte à Brest reprend sa route vers Gaza.

  • Gaz de schiste Algérie (Basta)

    « Quelles que soient les provocations du pouvoir, notre mobilisation restera pacifique »

    Peu médiatisée, la mobilisation citoyenne se poursuit en Algérie contre l’exploitation des gaz de schiste. Entre arrestation de caricaturiste engagé et convocation policière d’opposants à la fracturation hydraulique, les autorités tentent de freiner le mouvement. Basta ! a rencontré l’un des piliers de cette lutte, Mouhad Gasmi. « Il va y avoir tôt ou tard une convergence des luttes, prédit-il, et je suis convaincu que cela peut faire vaciller le régime si le gouvernement continue à camper sur ses positions. » Rencontre.

    « Une fois rentré en Algérie, je crains qu’on m’arrête ». Les craintes de Mouhad Gasmi, opposant farouche à l’exploitation de gaz de schiste, étaient fondées. Le 13 mai, il a été convoqué avec trente autres militants, par la police d’Adrar, la ville algérienne où il vit, suite à une plainte déposée cinq mois plus tôt par le directeur d’un hôpital pour « insulte et saccages de biens » [1]. Des accusations réfutées par Mouhad. « Nous avons organisé un sit-in devant l’hôpital pour revendiquer de meilleures conditions d’accueil et nous avons exprimé notre soutien aux médecins qui travaillent dans des conditions pénibles », indique t-il au site d’informations Impact 24. Nous n’avons insulté personne et nous n’avons jamais cassé le moindre objet. » Le militant a pour l’instant été relâché, mais sera traduit en justice.

    Cette pression policière est-elle en lien avec les activités militantes connexes de Mouhad ? Cet activiste infatigable pour le droit au travail et les chômeurs algériens est pleinement engagé depuis fin décembre dans une mobilisation citoyenne inédite contre l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. C’est à Tunis, à l’occasion du Forum social mondial fin mars, que Basta ! a pu le rencontrer. Sa famille habite à In Salah, une ville de 50 000 habitants au cœur du Sahara, proche des sites de forage qui menacent de précieuses ressources en eau [2]. Dès 2013, son implication dans la ligue de défense de droits des chômeurs l’amène à participer à des conférences sur les risques liés à l’exploitation des gaz de schiste. D’emblée, les préoccupations liées à la préservation de l’eau et l’impact sur la santé des populations l’interpellent. Adepte des réseaux sociaux et réalisateur amateur de petites vidéos, il commence à diffuser des informations à ce sujet sur le web. 

    Un mouvement social venu du désert

    Mouhad refuse d’être qualifié de leader de la contestation. « Le mouvement est de la base, comme moi, insiste t-il. Je ne fais que contribuer à l’organisation d’une contestation. » Durant des mois, il parcourt les villes et oasis du Sud de l’Algérie pour informer et aider à la constitution de groupes de citoyens. Une tâche compliquée quand il s’agit de populations très éloignées des unes des autres, ne disposant pas forcément d’un accès aux technologies modernes d’informations et de communication. L’annonce officielle en décembre 2014 par le gouvernement algérien du forage d’un premier puits près d’In Salah va donner un coup d’accélérateur à la mobilisation.

    Pour passer à la vitesse supérieure, rien de mieux qu’un campus universitaire, où étudiants et enseignants commencent à rallier la lutte. Des cadres de la compagnie pétrolière publique Sonatrach apportent même leur expertise. Les premières assemblées générales s’organisent. Les femmes vont alors jouer un rôle déterminant dans la prise de conscience : elles font du porte-à-porte pour exposer les dangers des gaz de schiste. Le 29 décembre, un premier rassemblement attire plusieurs milliers de personnes dans une ville qui compte 50 000 habitants.

    Combat contre l’impunité des multinationales

    Le manque de transparence entourant les opérations pétrolières et gazières renforce la ténacité des opposants. « Il y a une grande opacité dans les produits chimiques utilisés, c’est le secret gardé des multinationales, affirme Mouhad. Ce dont on est sûr c’est que les produits toxiques utilisés pour la fracturation hydraulique sont toxiques et déversés ensuite dans la nature. » Si la pollution remonte à l’exploitation du gaz et du pétrole conventionnel débutée il y a plus d’un demi siècle, l’absence de réglementation en la matière a soulevé la colère. Dans la région saharienne, les dégâts environnementaux sont déjà perceptibles (lire notre enquête, notamment l’absence de traitement des eaux et boues de forage). « Les multinationales polluent depuis des décennies en toute impunité », fustige l’activiste.

    Des mobilisations émergent dans d’autres régions du Sahara. « Nous demandons l’arrêt immédiat du fracking, la réparation immédiate des dégâts dans les eaux usées, et un rapport qui justifie l’exploitation du gaz de schiste. » La demande officielle de moratoire sur le gaz de schiste, envoyée le 21 février par le collectif d’In Salah et cosignée par des experts algériens, n’a reçu pour l’heure aucune réponse du président Abdelaziz Bouteflika et du Premier ministre. Le président algérien a en revanche réaffirmé fin février sa volonté de faire « fructifier » et de « tirer profit » de tous les hydrocarbures, dont les gaz de schiste qualifiés de « dons de Dieu »...

    Le régime algérien sous pression citoyenne

    « Les citoyens d’In Salah prennent de plus en plus conscience que ce problème de gaz de schiste est intimement lié à la nature du pouvoir algérien. Soit cette question sera enterrée et l’on ne gagnera pas, soit elle peut faire vaciller le régime », analyse Mouhad. Son rôle dans le mouvement d’opposition aux gaz de schiste en Algérie est incontestable. Et connu des autorités algériennes qui n’hésitent pas à l’occasion d’un débat à Tunis où Mouhad intervient, à le qualifier publiquement d’ « agent du Mossad », le service secret israélien honni... Tous les moyens sont bons semble t-il, pour tenter de disqualifier le mouvement.

    Mouhad est très attaché à l’autonomie du mouvement et à son caractère non partisan. « Il va y avoir tôt ou tard une convergence des luttes, prédit-il, et je suis convaincu que, si le gouvernement continue à camper sur ses positions, cela le mettra en grandes difficultés. » A ses yeux, la médiatisation de la lutte peut contribuer à faire pression sur le pouvoir. Pour lui comme pour ses camarades, elle peut aussi permettre « d’éviter une répression violente et sanglante dans la région. »

    Le 20 avril, relève Mediapart, le caricaturiste Tahar Djehiche a été convoqué par la police, accusé d’avoir partagé des dessins sur Facebook autour de la problématique de l’exploitation du gaz de schiste [3]. La récente convocation de Mouhad par la police à Adrar devrait, elle, déboucher sur un procès. Le militant l’assure : « Quelles que soient les provocations du pouvoir, notre mobilisation restera pacifique ».

    Pour aller plus loin : le rapport de Basta ! et l’Observatoire des multinationales sur Total et les gaz de schiste en Algérie (à télécharger ici)

    par Sophie Chapelle 20 mai 2015

    Notes

    [1Lire l’article d’Impact 24

    [3L’un de ses dessins a été jugé insultant pour le président Bouteflika par les policiers car il le campait à l’intérieur d’un sablier croulant sous le sable d’In Salah. Lire à ce sujet sur Mediapart Algérie : l’opposition au gaz de schiste souligne les impasses du régime (lien payant).

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  • Kurdes (Bretagne et diversité)

    Peuple kurde (Peuple kurde - A cheval sur plusieurs états)

    Les Kurdes sont aujourd'hui 35 millions, liés par une culture commune mais vivant écartelés entre quatre États : Turquie, Irak, Iran et Syrie, ainsi qu'à l'étranger. En effet, près de 2 millions d'entre eux ont dû émigrer, et se considèrent en exil, au sein de la diaspora kurde. L’aspiration à un État propre a toujours été très forte dans l’ensemble du Kurdistan et s'est maintenue en dépit de multiples répressions.

    Tous les Kurdes partagent des dialectes issus du kurde, langue indo-européenne de la branche iranienne, et une culture et une histoire communes.

    Seul le Kurdistan irakien jouit d'un statut autonome, partout ailleurs les revendications kurdes sont ignorées ou bafouées.

    Les Kurdes appartiennent au rameau iranien de la grande famille des peuples indo-européens. L'ère kurde est datée de 612 avant J.C, et ce sont les Mèdes qui fondent un empire, en Assyrie, Iran et Anatolie. Ce règne des Mèdes s'achèvera vers le milieu du VIème siècle av. J.C., mais leur religion et leur civilisation domineront l'Iran jusqu'à l'époque d'Alexandre le Grand. On est un peu dans le flou sur ce passé lointain-

    Après avoir opposé une résistance farouche aux invasions arabo-musulmanes, les Kurdes finirent par se rallier à l'islam, sans pour autant se laisser arabiser. Cette résistance s'étala sur près d'un siècle.

    A la faveur de l'affaiblissement du pouvoir des califes, les Kurdes qui jouaient déjà un rôle de premier plan dans le domaine des arts, de l'histoire et de la philosophie, commencent à affirmer dès le milieu du IXème siècle leur propre puissance politique. Mais le cours de l'histoire est bouleversé par les invasions massives des peuplades déferlant des steppes de l'Asie centrale. Puis ce sont les invasions turco-mongoles du XIIIème siècle.

    Dans la deuxième moitié du XVème siècle le pays kurde va prendre forme comme une entité autonome, unie par sa langue, sa culture et sa civilisation mais politiquement morcelée en une série de principautés. Cependant, la conscience d'appartenir à un même pays est vive, au moins parmi les lettrés.

    Au début du XVIème siècle le pays kurde devient l'enjeu principal des rivalités entre les empires ottoman et perse. Placés devant le choix d'être un jour ou l'autre annexés par la Perse ou d'accepter formellement la suprématie du sultan ottoman en échange d'une très large autonomie, la plupart des dirigeants kurdes optèrent pour cette seconde solution. Ce statut particulier assura au Kurdistan près de trois siècles de paix.

    La société kurde aborda la Première Guerre Mondiale divisée, décapitée, sans projet collectif pour son avenir. En 1915, les accords franco-britanniques dits de Sykes-Picot prévoyaient le démembrement de leur pays.

    Le clivage s'est accentué au lendemain de la défaite ottomane face aux Puissances Alliées, en 1918. Le Traité International de Sèvres  de 1920, qui préconisait la création sur une partie du territoire du Kurdistan d'un Etat kurde, restera cependant lettre morte. Le 24 juillet 1923, un nouveau traité fut signé à Lausanne, qui consacrait l'annexion de la majeure partie du Kurdistan au nouvel Etat turc. Auparavant, la France avait annexé à la Syrie, placée sous son mandat, deux provinces kurdes. Le Kurdistan iranien vivait en état de quasi-dissidence par rapport au pouvoir central persan. Restait encore en suspens le sort de la province kurde de Mossoul, très riche en pétrole.

    Ainsi fin 1925, le pays des Kurdes, connu depuis le XIIème siècle sous le nom de "Kurdistan", se trouvait partagé entre 4 Etats: Turquie, Iran, Irak et Syrie. Et pour la première fois de sa longue histoire, il allait être privé même de son autonomie culturelle.

    Victime de sa géographie, de l'Histoire et aussi sans doute du manque de clairvoyance de ses propres dirigeants, le peuple kurde a été sans doute la population qui a payé le plus lourd tribut, qui a souffert le plus du remodelage de la carte du Proche-Orient.

    Extraits d'une conférence de Kendal Nezan, Président de l'Institut kurde de Paris.

      Peuple kurde - A cheval sur plusieurs états

    Les Kurdes sont aujourd'hui 35 millions, liés par une culture commune mais vivant écartelés entre quatre États : Turquie, Irak, Iran et Syrie, ainsi qu'à l'étranger. En effet, près de 2 millions d'entre eux ont dû émigrer, et se considèrent en exil, au sein de la diaspora kurde. L’aspiration à un État propre a toujours été très forte dans l’ensemble du Kurdistan et s'est maintenue en dépit de multiples répressions.

    Tous les Kurdes partagent des dialectes issus du kurde, langue indo-européenne de la branche iranienne, et une culture et une histoire communes.

    Seul le Kurdistan irakien jouit d'un statut autonome, partout ailleurs les revendications kurdes sont ignorées ou bafouées.

    Les Kurdes appartiennent au rameau iranien de la grande famille des peuples indo-européens. L'ère kurde est datée de 612 avant J.C, et ce sont les Mèdes qui fondent un empire, en Assyrie, Iran et Anatolie. Ce règne des Mèdes s'achèvera vers le milieu du VIème siècle av. J.C., mais leur religion et leur civilisation domineront l'Iran jusqu'à l'époque d'Alexandre le Grand. On est un peu dans le flou sur ce passé lointain-

    Après avoir opposé une résistance farouche aux invasions arabo-musulmanes, les Kurdes finirent par se rallier à l'islam, sans pour autant se laisser arabiser. Cette résistance s'étala sur près d'un siècle.

    A la faveur de l'affaiblissement du pouvoir des califes, les Kurdes qui jouaient déjà un rôle de premier plan dans le domaine des arts, de l'histoire et de la philosophie, commencent à affirmer dès le milieu du IXème siècle leur propre puissance politique. Mais le cours de l'histoire est bouleversé par les invasions massives des peuplades déferlant des steppes de l'Asie centrale. Puis ce sont les invasions turco-mongoles du XIIIème siècle.

    Dans la deuxième moitié du XVème siècle le pays kurde va prendre forme comme une entité autonome, unie par sa langue, sa culture et sa civilisation mais politiquement morcelée en une série de principautés. Cependant, la conscience d'appartenir à un même pays est vive, au moins parmi les lettrés.

    Au début du XVIème siècle le pays kurde devient l'enjeu principal des rivalités entre les empires ottoman et perse. Placés devant le choix d'être un jour ou l'autre annexés par la Perse ou d'accepter formellement la suprématie du sultan ottoman en échange d'une très large autonomie, la plupart des dirigeants kurdes optèrent pour cette seconde solution. Ce statut particulier assura au Kurdistan près de trois siècles de paix.

    La société kurde aborda la Première Guerre Mondiale divisée, décapitée, sans projet collectif pour son avenir. En 1915, les accords franco-britanniques dits de Sykes-Picot prévoyaient le démembrement de leur pays.

    Le clivage s'est accentué au lendemain de la défaite ottomane face aux Puissances Alliées, en 1918. Le Traité International de Sèvres  de 1920, qui préconisait la création sur une partie du territoire du Kurdistan d'un Etat kurde, restera cependant lettre morte. Le 24 juillet 1923, un nouveau traité fut signé à Lausanne, qui consacrait l'annexion de la majeure partie du Kurdistan au nouvel Etat turc. Auparavant, la France avait annexé à la Syrie, placée sous son mandat, deux provinces kurdes. Le Kurdistan iranien vivait en état de quasi-dissidence par rapport au pouvoir central persan. Restait encore en suspens le sort de la province kurde de Mossoul, très riche en pétrole.

    Ainsi fin 1925, le pays des Kurdes, connu depuis le XIIème siècle sous le nom de "Kurdistan", se trouvait partagé entre 4 Etats: Turquie, Iran, Irak et Syrie. Et pour la première fois de sa longue histoire, il allait être privé même de son autonomie culturelle.

    Victime de sa géographie, de l'Histoire et aussi sans doute du manque de clairvoyance de ses propres dirigeants, le peuple kurde a été sans doute la population qui a payé le plus lourd tribut, qui a souffert le plus du remodelage de la carte du Proche-Orient.

    Extraits d'une conférence de Kendal Nezan, Président de l'Institut kurde de Paris.

    Et aujourd'hui ?

    De nombreux épisodes guerriers se sont succédé au cours du siècle dernier : révoltes dans les années 30, république du Kurdistan éphémère en 1946, instabilité irakienne dans les années 60, coups d'état, années 80 marquées par la guerre irako-iranienne. L'état irakien de Sadam Hussein va violemment vouloir éradiquer la question kurde : destruction de 90% des villages, internement d'1,5 million de civils kurdes, usage d'armes chimiques à Halabja, ville martyre du Kurdistan. Deux millions de Kurdes vont se réfugier dans le Kurdistan irakien autonome, sous l'égide des Nations Unies.

    Autre trajectoire pour les Kurdes de Turquie. La résistance nationale kurde fut très discrète jusqu'à l'émergence du PKK, Parti des Travailleurs de Abdullah Öcalan, en 1978. La lutte armée va reprendre dès 1984, s'est poursuivie dans les années 1990, puis contre les peshmergas irakiens en 1992-1993. Après l'arrestation d' Öcalan, en 1999, le parti décida de chercher une solution politique dans le cadre d'une Turquie démocratique. Ce n'est toujours pas choses faite, et les emprisonnements arbitraires, y compris d'élus kurdes légitimes sont monnaie courante. Partis dissous, représailles, arrestations et déportations y compris sur le territoire européen, assassinats comme en janvier 2013, autant d'épisodes sombres qui laissent à penser que la question kurde est loin d'être résolue.

    En Iran, les Kurdes se sont vus déclarer la guerre par l'Ayatollah Khomeiny en 1979. Les leaders kurdes du PDK-Iran vont être assassinés. Un dialogue dit constructif a repris par la suite, mais c’est pourtant en Iran que la situation des Kurdes reste la plus dramatique.

    Avec ses deux à trois millions de Kurdes (peut-être plus, peut-être moins), le Kurdistan syrien, appelé Kurdistan occidental (en kurde : Kurdistana Rojava), deviendra-t-il une réalité géographique, politique et économique ? A l’image du Kurdistan oriental, devenu province fédérale du Kurdistan irakien - économiquement et politiquement stable. Mais le conflit en cours en Syrie a bien d’autres enjeux. Jusque lors, une partie des kurdes syriens n’ont pas la nationalité syrienne et sont donc des « sans-papiers ».

    Les Kurdes parlent des dialectes proches les uns des autres, tous issus du kurdelangue indo-européenne de la branche iranienne: le sorani au Kurdistan du Sud et de l'est, le kurmandji  dans les quatre parties, le zazaki au Kurdistan du Nord, et d'autres dialectes sont parlés au Kurdistan tels que le lori, le laki, le gorani, etc. Comme une conséquence de la division du Kurdistan entre plusieurs Etats, la langue kurde est écrite en trois alphabets distinct: latin, cyrillique, arabe. La majorité des Kurdes est sunnite (80 %), mais il existe d'autres croyances tels que l'alévisme, le yézidisme, le zoroastrisme, le christianisme, le judaïsme (actuellement en Israël) et dans une plus faible proportion le chiisme.

    Et côté cinéma ?

    Le plus connu des cinéastes kurdes, Yilmaz Güney, qui filme la Turquie des années 60 et 70, dépeint les Kurdes sans jamais les nommer, censure oblige, dans un cinéma de la marginalité qui met aussi en scène les femmes et les couches sociales déclassées.
    Yol, Le troupeau, Elégie, Espoirrestent des chefs-d'œuvre.

    La double évoultion, régionalisation de la question kurde et constitution d'une diaspora kurde semblent être à la base d'une nouvelle représentation artistique des Kurdes.
    Cinq grands films illustrent cette quête : Beko de Nizamettin Ariç, Kurde de Turquie, Un temps pour l'ivresse des chevaux du Kurde iranien Bahman Ghobbadi, Tableau noir de l'iranienne Samira Makhmalbaf, Vive la mariée... et Passeurs de rêves de Hiner Saleem.
    Il faut citer aussi le Kurde syrien Mano Khalil, et parmi les talents confirmés aujourd'hui, le Kurde de Turquie Kazim Öz.
    La diaspora kurde a établi un important festival de films kurdes à Londres.

    Notes cinéphiles d'après Hamit Bozarslan - 2003

    Quelques pistes bibliographiques kurdes...

    http://www.bretagne-et-diversite.net/fr/peuples/kurdes/

     

  • Berbères (Bretagne et diversité)

    Peuples berbères

    (Peuples berbères - Principales zones berbérophones)

    Les Berbères, ou Imazighen, sont présents à l'heure actuelle dans une dizaine de pays de l'ensemble Maghreb-Sahara-Sahel :

    Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, ainsi que, pour les Touaregs, Niger, Mali, Burkina-Faso et Mauritanie. Mais l'Algérie et le Maroc sont, de loin, les deux pays qui comptent les populations berbérophones les plus importantes, près de 20 millions. Signe fort de l'identité berbère, la langue berbère est riche d'une tradition orale qui a su intégrer les médias modernes. De plus, la renaissance volontariste de l'alphabet traditionnel, le tifinagh, a permis de suppléer à la mémoire collective... Confrontés à l'arabisation de leurs territoires, les Berbères résistent de mille façons, et peuvent encore modeler le visage du Maghreb de demain.

    Les berbérophones

    L'évaluation du nombre de berbérophones est une question difficile et controversée car il n'existe pas dans les pays concernés de recensements linguistiques systématiques et fiables [...] Pourtant, si l'on soumet à la critique l'ensemble des chiffres avancés par les diverses sources, depuis les débuts de la présence coloniale française jusqu'à nos jours, on peut raisonnablement estimer les berbérophones à :


    – environ 25 % de la population en Algérie, soit entre 7 et 8 millions
    – environ 40 % de la population au Maroc, soit 12 à 13 millions

    Au Maroc, la berbérophonie est répartie en trois grandes zones dialectales qui couvrent l'ensemble des régions montagneuses : au nord, le Rif avec le dialecte tarifit ; au centre, le Moyen-Atlas et une partie du Haut-Atlas avec le dialecte tamazight ; au sud/sud-ouest – Haut-Atlas, Anti-Atlas et Sous –, le domaine chleuh avec le dialecte tašelhit.

    En Algérie, les principales régions berbérophones sont la Kabylie et les Chaouias de l'Aurès, et de petits îlots résiduels, de faible importance, excepté le Mzab.

    Le troisième et dernier grand ensemble berbérophone est constitué par les populations touarègues, à cheval sur plusieurs pays à travers la zone saharo-sahélienne : principalement le Niger et le Mali. Les autres pays : Algérie, Libye, Burkina-Faso comptent des effectifs touaregs plus modestes. L'ensemble des populations touarègues avoisine cependant le million d'individus.

    Le reste de la berbérophonie est constitué par des isolats, disséminés entre Tunisie, Sud de la Mauritanie (Zenaga), Égypte dans l'oasis de Siwa et Lybie. Du fait de l'exode rural, il existe de très consistantes communautés berbérophones dans les principales villes du Maghreb. Mais le processus a touché aussi l'Europe, notamment la France, où l'immigration berbère est très ancienne et numériquement considérable : les Kabyles à eux seuls y représentent sans doute un bon million de personnes.

    Unité et diversité de langue berbère

    La langue berbère se présente donc actuellement sous la forme d'un nombre élevé de « dialectes », c'est-à-dire de variétés régionales, répartis sur une aire géographique immense et souvent très éloignés les uns des autres. Les échanges linguistiques entre les différents groupes berbérophones sont faibles en raison même de ces distances ; ce ne sont que les mouvements de populations récents et les médias modernes, avec la radio, les disques, les cassettes, qui ont rétabli le contact. [...]

    On a parlé de berbérophones et de berbérophonie car, à l'heure actuelle, le critère le plus évident, le plus indiscutable d'identification des populations berbères est la langue. Non qu'il n'y ait d'autres traits socio-culturels distinctifs – une tradition orale spécifique, un patrimoine culturel, des particularités d'organisation sociale… – mais tous ces autres paramètres ont un pouvoir discriminant moins net.

    Ces berbérophones, identifiés par une pratique linguistique spécifique, sont de nos jours démographiquement minoritaires parce que le Maghreb a connu depuis le Moyen Âge un lent processus d'arabisation linguistique. Le fond du peuplement maghrébin est donc d'origine berbère : l'immense majorité des arabophones actuels ne sont que des Berbères arabisés depuis des dates plus ou moins reculées. Mais au niveau des réalités socio-culturelles présentes, il est évident que la berbérité, la conscience d'être Berbère est liée à la berbérophonie et ne concerne plus qu'une minorité, importante, de la population de ces pays [...]

    L'écriture berbère : tifinagh et libyque

    Les Berbères possèdent une écriture alphabétique consonantique qui leur est propre depuis l'Antiquité. Son utilisation a perduré chez les Touaregs qui la dénomment tifinagh. Chez eux, cette écriture a des fonctions essentiellement ludiques et symboliques ; elle n'a pas servi à fixer la mémoire historique ou la littérature de ce groupe [...]

    Une tradition orale riche et diverse

    Les Berbères ont et ont toujours eu une tradition littéraire très vigoureuse et diversifiée : poésie, contes, légendes, devinettes et énigmes… En fait, dans les sociétés berbères traditionnelles, tous les moments de la vie, quotidiens ou exceptionnels, sont ponctués par la littérature, poésie, chants, contes… [...]

    La quête identitaire berbère

    Mais la clef de voûte, l'inspiration permanente est indiscutablement la quête identitaire. Recherche du moi individuel et du nous collectif face à l'arabité et à l'arabisme négateur, face à l'Occident aussi, elle prend des formes diverses : quête mythologique, plutôt désespérée ou parcours de combat [...]

    D'après Salem Chaker, professeur à l'INALCO, Directeur du centre de recherche berbère.

    Et côté cinéma ?

    La figure du Berbère a d'abord irrigué le cinéma colonial abondant, plus de 250 films tournés, qui prévaut jusqu'aux indépendances. Fictions, imaginaire et mythes comme pour L'Atlantide de Jacques Feyder (1921), Touaregs au coeur de La croix du sud d'André Hugon (1931) ou Chleuhs de l'Atlas dans Itto de Jean Benoît Lévy et Marie Epstein (1934).

    Ensuite, on trouvera des films à caractère ethnologique ( Le rite du ligoté de Paul Pascon, Airs en terre berbère de Izza Genini ) ou des films historiques. Mais l'inspiration viendra aussi de l'adaptation d'auteurs comme Mouloud Mammeri, dans L'opium et le bâton de Ahmed Rachedi, La colline oubliée de Abderrahmane Bouguermouh. La montagne de Baya de Azzedine Meddour remet en scène des traditions ancestrales, Machaho de Belkacem Hadjaj revient au monde rural kabyle, La maison jaune de Amor Hakkar nous ramène dans les Aurès...

    En 1994, le Festival de Douarnenez dédie son éditions aux Berbères

    Aujourd'hui, à Agadir au Maroc, se tient ISSNI N' OURGH, le  festival international du film amazigh (8 éditions) : http://www.festivalissninourgh.com/

    Enfin de nombreux portraits de musiciens, leaders, ou artistes berbères émergent ces dernières années. A signaler aussi de nombreux festivals de cinéma amazigh, qui ne sont pas encore très confirmés et des expériences de formations plus riches de promesses, comme à Béjaïa en Kabylie.

    Quelques repères bibliographiques :

    http://www.bretagne-et-diversite.net/fr/peuples/berberes/

     

  • Bretagne et diversité: Près de 400 films emblématiques de la diversité culturelle dans le monde (BED)

    Peuple palestinien

    Peuple palestinien - Territoires palestiniens et camps de réfugiés

    L’histoire de la Palestine pourrait débuter avec Canaan ou la Bible, la conquête romaine ou les Evangiles, les Byzantins ou la conquête arabe, les Croisades ou Saladin, ou encore l’Empire ottoman. On peut aussi avancer qu’elle ne peut être saisie qu’à travers les trois religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam). On peut encore l’aborder à partir du conflit permanent entre la vallée du Nil et celle de l’Euphrate, entre deux grandes civilisations, l’Egypte pharaonique d’un côté, Sumer et Babylone de l’autre. Toutes ces entrées sont possibles pour raconter la Palestine. Mais toutes disent que les « commencements » au sens de l’instant zéro, n’existent pas en réalité. Elias SANBAR

    Les siècles passés 

    Commençons donc par la Haute Antiquité, où la terre de Palestine était déjà une région d’échanges et de convoitises. Les Philistins, d’où vient le nom « palestinien », se sont fixés au 12ème siècle avant J-C, sur la bande côtière du sud-ouest de la terre de Canaan, c'est-à-dire dans une région longeant la Méditerranée depuis l'actuelle bande de Gaza jusqu'à Tel-Aviv et Jaffa.


    Au 1er siècle avant J-C, au moment de la formation du christianisme, les Romains conquirent la Palestine, dont la religion officielle était le judaïsme.
    Pendant la période byzantine, du 4ème au 7ème siècle après J-C, la Palestine apparut comme « la terre des Chrétiens ».


    Au 7ème siècle, après la victoire des armées arabes, ses habitants se convertirent peu à peu à l’islam. La soif de pouvoir de l’Eglise de Rome favorisa le développement des Croisades, dont l’un des buts était la reconquête du tombeau du Christ. C’est parce que cette région de la Méditerranée a toujours été une zone de passages et d’échanges économiques, au croisement de l’Orient et de l’Occident, que toutes les religions s’y sont rencontrées et ont pu s’y développer.


    A partir du 16ème siècle, la Palestine fut dans l’empire Ottoman, basé en Turquie.


    Vers 1900, elle comptait près de 600 000 habitants, surtout musulmans, avec 10% de Chrétiens et 3% de Juifs. C’était un pays essentiellement rural cultivant aussi bien des produits destinés à la consommation domestique, que d’autres, emblématiques, exportés dans tout le Moyen-Orient : huile d’olive, savon de Naplouse, oranges de Jaffa, agrumes… Des villes comme Jaffa, Haïfa et surtout Jérusalem connurent un important développement.


    C’est la preuve que le slogan « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », avancé par les pionniers du sionisme au moment de leur installation, qui laissait entendre que la Palestine était inhabitée et qui niait ainsi l'existence d'une culture palestinienne distincte, n’est pas fondé.

    L’histoire contemporaine de la Palestine 

    Elle se confond malheureusement avec celle du « conflit » qui débute à la fin du XIXème siècle quand Théodore Herzl fonde le mouvement sioniste en Europe. Dans les premières années du XXème siècle, au moment de la montée des nationalismes et de l’apparition des premiers pogroms en Russie, on assiste à la naissance d’un sentiment antisémite qui entraîne la création, par des intellectuels, d’une «identité juive ». En même temps, au Moyen-Orient, se développe un mouvement nationaliste arabe (y compris un sentiment national palestinien) qui souhaite se séparer des Turcs.


    Après la 1ère guerre mondiale, tout le Moyen-Orient est placé sous la tutelle de la Grande-Bretagne et de la France. En 1916, M.Sykes et F.Georges-Picot se partagent le « butin ». Pour la France : le Liban et la Syrie, pour les Britanniques : l’Irak, la Palestine et l’actuelle Jordanie. En 1917, la déclaration Balfour prévoit que « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif». Avec l’arrivée au pouvoir de Hitler, l’antisémitisme se renforce et à la fin de la seconde guerre mondiale, les Juifs sont poussés en masse vers la Palestine. Ses habitants ont à faire face à la fois à la colonisation britannique et à la colonisation sioniste qui, dès le début, vise, leur départ, en organisant une politique délibérée et massive de rachat des terres. Les Palestiniens, chassés de chez eux se révoltent. Les organisations sionistes établissent des colonies qu’ils cultivent de manière collective dans les kibboutz.

    La création d’Israël

    Aucun compromis n’est trouvé quand éclate la 2nde guerre mondiale. La Grande Bretagne décide de porter l’affaire devant l’ONU qui propose, en 1947, un plan de partage des territoires. Alors que les Juifs représentent moins de 30% de la population et ne possèdent que 6,5% des terres, l’état juif se voit attribuer 56,5% du territoire. Le mouvement sioniste engage une politique de terreur qui débouche sur la création de l’état d’Israël en 1948. De nombreux massacres sont perpétrés.

    Les survivants, terrorisés, s’enfuient, emportant avec eux la clé de leur maison, car ils espèrent revenir bientôt. C’est la Nakba (la catastrophe).

    800 000 Palestiniens, sur une population de 1,4 million à la veille de 1948, sont expulsés. 151 000 demeurent en Israël, et les 450 000 habitants de Gaza et de la Cisjordanie « ne sont pas déplacés mais détachés de leur patrie ». Les autres s’installent dans les autres pays arabes : Liban, Syrie, Jordanie, où ils ont un statut de réfugiés, soumis à des régimes plus ou moins coercitifs. Ils sont des « porteurs de pays » et reconstituent dans les camps leurs territoires perdus, perpétuant leurs us et coutumes, véritable paradoxe d’un mouvement national traditionnel dans ses mœurs et révolutionnaire dans son idéologie politique.


    En 1950, est créée l’UNRAW, une agence de l’ONU chargée de venir en aide aux populations palestiniennes déplacées. Sa mission est provisoire puisqu’adossée à la fameuse résolution 194, votée à l’ONU, qui prévoit le « droit au retour ».


    Au lendemain de la proclamation de l’Etat d’Israël, les Palestiniens, ne pouvant accepter les propositions de partage qui leur sont faites, s’organisent pour reprendre leur destin en mains. C’est la première guerre israélo-arabe. Lors de l’armistice, en 1949, Israël est en possession de 78% du territoire et les expulsions de Palestiniens se poursuivent. Dès lors de petits groupes de résistants commencent à lancer des attaques contre l’Etat d’Israël. En 1957, un groupe de combattants, parmi lesquels Yasser Arafat, décide de réunir tous ces résistants, et fonde le Fatah, d’abord clandestin.


    En 1967, Israël lance une nouvelle guerre, connue sous le nom de « guerre des six jours ». Plus de 300 000 Palestiniens sont encore exilés et le conflit prend une dimension internationale. L’ONU adopte une nouvelle résolution qui confirme les frontières de 48 et reconnaît aux Palestiniens le droit au retour dans leurs villes et villages, mais sans en préciser la date. Les colons juifs refusent de quitter leurs maisons.


    Cette défaite renforce l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) créée quelques années auparavant par le Président égyptien Nasser, et Yasser Arafat est élu Président de l’OLP. Après des années noires, la Résistance palestinienne est dans l’impasse et pour prouver qu’elle n’a pas disparu, elle mène des actions spectaculaires : prise d’otages, détournements d’avions, etc… Elias Sanbar écrit : « L’image positive du Palestinien se dévoie : le fedayin masqué, qui gardait l’aura du résistant, devient le terroriste cagoulé, preneur d’otages à Munich. La cause palestinienne en sera marquée.  Des années durant, les Palestiniens essaieront, par leur retour à un combat légitime, par leur adhésion plus tard à une paix négociée, de se défaire de cette accusation d’être « un peuple terroriste.»

    Yasser Arafat et l’Autorité palestinienne

    Malgré tout, le nouveau leader palestinien obtient d’importants succès diplomatiques reconnaissant les droits légitimes de son peuple et la représentativité de l’OLP, auprès de Ligue arabe, puis de l’ONU et de l’Europe. « Tout s’est construit surtout à l’extérieur de la Palestine et c’est encore à l’extérieur que la résistance palestinienne livre ses combats contre l’armée israélienne qui envahit le Liban en 1982 pour en chasser l’OLP qui s’installe alors à Tunis ». En 1988, les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza organisent une révolte généralisée contre l’occupant : c’est l’Intifada. Ce cri d’un peuple revendiquant son indépendance est repris par le Conseil national palestinien à Alger quelques mois plus tard qui proclame la création d’un Etat palestinien. La Conférence de Madrid en 1991, les accords d’Oslo en 1993, la déclaration européenne de 1999 et la résolution 1397 du Conseil de sécurité consacrent cette reconnaissance de l’identité palestinienne. La reconnaissance du pays a été confirmée par l’admission de la Palestine à l’UNESCO en 2011 et à l’Assemblée générale de l’ONU en 2012.
    Même si aucune des résolutions de l’ONU concernant Israël n’a été appliquée depuis... personne ne peut plus nier l’existence de la Palestine et des Palestiniens.

    La naissance du Hamas

    Issu du mouvement des Frères musulmans, le Hamas a essaimé dans tout le monde arabe. En Palestine, il a été fondé en 1987, après l’Intifada. Ne reconnaissant pas l’Etat d’Israël, il est opposé aux accords d’Oslo et prône la lutte armée, argument utilisé par Israël pour rompre le dialogue avec l’Autorité palestinienne. En 2006, il remporte les élections législatives et entre au gouvernement de l’Autorité palestinienne, puis prend le contrôle de Gaza. La 2ème Intifada éclate en 2000 et cette fois, elle est armée. Si la 1ère Intifada avait débouché sur un espoir, la seconde le referme. Elle a eu pour conséquences l’accélération de la colonisation et la construction du Mur dit de « séparation », devenu la matérialisation d’un projet d’annexion, par une société israélienne elle-même dans l’impasse.

    Les rêves de paix d’Alain Gresh

    (Directeur adjoint du Monde diplomatique)
    exprimés dans son ouvrage : « De quoi la Palestine est-elle le nom ? »


    « Il est facile de résumer l’état du conflit en Palestine : une impasse meurtrière alimentée par les haines et les peurs, une injustice insupportable cachée sous « l’indifférence de ceux qui ne sont pas concernés ». La seule solution qui apparaissait jusque-là réaliste, deux états vivant côte à côte, s’éloigne à la vitesse à laquelle s’étend la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem.
    Si l’on accepte cette réalité – la présence sur la terre de Palestine de deux peuples -, il faut en tirer les conséquences : la solution ne peut être imposée par l’une des deux parties ; elle nécessite un combat commun pour un projet commun. Projet chimérique ? Pas plus que le pari de l’ANC sud-africain...Il ne s’agit pas ici de fixer des contours précis d’un dénouement idéal, qui ne peut être dessiné que par les protagonistes, mais plutôt de réfléchir sur la voie à emprunter. »

     

    Et côté cinéma ?

    Un excellent festival, Israéliens, Palestiniens, que peut le cinéma ? né sous l’impulsion de Janine Euvrard se tient à Paris chaque année depuis 2003, et a donné naissance à un livre éponyme. Depuis leur aîné Michel Khleifi, les Palestiniens ont pris leur image en charge et leurs réalisateurs sont prolifiques : Rashid Masharawi, Azza el Haszan, Elia Suleiman... travaillant aux côtés de leurs confrères israëliens : Elia Suleiman, Assi Dayan, Amos Gitaï ou Avi Mograbi ... ou de la cinéaste juive Simone Bitton.

    Contribution de Monique Prévost, avec Isabelle Tuil-Tordjman.

    Bibliographie succinte

    • Israéliens, Palestiniens, que peut le cinéma ? de Janine Halbreich-Euvrard , Ed. Michalon
    • De quoi la Palestine est-elle le nom ? d’Alain Gresh, Ed. Actes Sud
    • Dictionnaire amoureux de la Palestine de Elias Sanbar, ed.Plon
    • La Palestine expliquée à tout le monde de Elias Sanbar, ed.Seuil
    • Atlas des Palestiniens, ed. Autrement
    • Salaam Palestine de Bruno Pilorget, Marc Abel et Véronique Massenot, un carnet de voyages illustré
    • Le site de France-Palestine http://www.france-palestine.org/

    http://www.bretagne-et-diversite.net/fr/peuples/palestiniens/