Révolutions Arabes - Page 233
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Non au gaz de schiste
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Des militants antigaz de schiste au Parlement européen le 3 juin (Liberté.dz)
Une invitation leur a été adressée le 5 mars dernier
Une militante, qui fait état de contacts établis avec pas moins de 80 ONG à travers le monde, estime qu’il n’y a aucun inconvénient à prendre part à cette journée que compte organiser le Parlement européen.
Parallèlement à la reprise du mouvement de protestation antigaz de schiste, à In-Salah, des militants confirment avoir été officiellement invités par José Bové, député français du parti écologique au Parlement européen, pour participer à une journée qui sera consacrée exclusivement aux schistes.
Sur initiative de ce militant altermondialiste farouchement opposé aux schistes, cette journée est prévue pour le 3 juin prochain au Parlement européen, à Bruxelles. “Effectivement, j’ai été personnellement contactée par le biais d’un collaborateur de M. Bové, et ce, depuis le 5 mars dernier. D’ailleurs, ce n’est pas nouveau, et pour moi et pour d’autres militants antigaz de schiste de la région, d’être contactés par ce militant. Nous avons déjà eu des contacts avec plusieurs militants étrangers”, a confirmé Mme Hassina Zegzeg, citoyenne et militante antigaz de schiste d’In-Salah, remettant en cause, du coup, ceux qui ont soutenu tout le contraire, comme nous l’avions rapporté dans l’une de nos précédentes éditions. D’après elle, si des citoyens d’In-Salah évitent de parler des contacts avec des étrangers, c’est parce qu’ils subissent “de fortes pressions”. La même militante précise que des contacts sont établis avec pas moins de 80 ONG à travers le monde.
De ce fait, Mme Zegzeg ne trouve aucun inconvénient à prendre part à cette journée que compte organiser le Parlement européen. Bien au contraire, dit-elle, c’est une aubaine pour porter haut la revendication des citoyens d’In-Salah concernant la question du gaz de schiste qui, souligne-t-elle, ne concerne pas que l’Algérie, mais également plusieurs pays dans le monde.
Selon elle, la personne la mieux indiquée pour participer à cette journée, à Bruxelles, est Ladjel Segni, professeur à l’université d’Ouargla, dont le soutien aux militants d’In-Salah est exprimé publiquement.
Contacté par téléphone hier, M. Segni confirme, à son tour, le bien-fondé de l’invitation dont parlait M. Bové dans un récent entretien accordé au confrère El Khabar.“Oui, nous avons été contactés par M. Bové et comptons bien participer à la journée du Parlement européen sur les schistes prévue pour le 3 juin. J’irai sans aucune hésitation, car c’est un problème qui concerne tous les militants antischistes du monde entier”, a-t-il tranché. Pour M. Segni, “tous les moyens sont bons pour arrêter le projet du gaz de schiste que les pouvoirs publics s’entêtent à poursuivre, faisant fi de l’opinion publique”. En attendant Bruxelles, M. Segni indique, par ailleurs, qu’une série de regroupements des militants antigaz de schiste est programmée au niveau national.
Il citera, entre autres, les rencontres prévues les 2 et 11 avril prochain, respectivement à Batna et à Tiaret, puis deux autres à Tizi Ouzou et à Béjaïa dont les dates ne sont pas encore arrêtées. -
2014, année la plus meutrière pour les civils Palestiniens depuis la Guerre des Six jours de 1967 (Le Vif.be)
Le nombre de civils Palestiniens tués lors d'affrontements avec Israël a atteint en 2014 un niveau sans précédent depuis la guerre des six jours de juin 1967, selon un rapport de l'ONU rendu public jeudi."2014 a connu le pire bilan pour les pertes civiles parmi les Palestiniens depuis 1967", en raison surtout du bilan des morts durant l'opération "Bordure protectrice" lancée l'été dernier par l'armée israélienne dans la bande de Gaza.
Lors de cette opération, "plus de 1.500 civils ont été tués, 11.000 ont été blessés et 100.000 déplacés", des personnes qui n'avaient toujours pas retrouvé de domicile fin 2014, selon le rapport annuel de l'Office des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires dans les territoires palestiniens occupés (Ocha).
Au total, 2.220 Palestiniens, dont des combattants, ont été tués dans la bande de Gaza. Parmi les victimes figurent 550 enfants, précise le document intitulé "Vies fragmentées". Côté israélien, 73 personnes ont été tuées, dont 67 soldats.
Ocha a indiqué ne pas avoir été en mesure de vérifier lui-même le nombre de victimes fourni par des ONG, des sources palestiniennes et israéliennes.
En Cisjordanie occupée et à Jérusalem, 58 Palestiniens ont été tués et 6.028 autres blessés en 2014, soit le niveau le plus élevé depuis des années, ajoute le rapport. Durant la même période, 12 Israéliens ont été tués. Le nombre de Palestiniens détenus "pour des raisons de sécurité" a pour sa part augmenté de 24% à 5.258 prisonniers en moyenne mensuelle l'an dernier.
En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, 1.215 Palestiniens ont été expulsés de leur domicile détruit par les autorités israéliennes, soit le chiffre le plus élevé depuis qu'Ocha a commencé en 2008 à faire ce type de décompte.
Le rapport dénonce également la poursuite de l'expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est contraire au droit international.
"Au total, quelque 4 millions de Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza sont restés sous un régime d'occupation militaire israélienne", déplore l'Ocha26/03/15 à 08:39 - Mise à jour à 08:39 -
Isoler Israël (Afps Rennes)
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a toutes les raisons de se réjouir.
Il a provoqué la surprise en remportant une victoire décisive aux dernières élections législatives, s’assurant ainsi un troisième mandat consécutif. Son parti, le Likoud, a obtenu un avantage de cinq sièges à la Knesset sur son principal rival, l’Union sioniste de centre-gauche. Mais il faut s’attendre à ce que les célébrations soient de courte durée. La tactique employée par Netanyahu pour parvenir à ce résultat – en revenant sur son engagement en faveur d’une solution à deux États avec la Palestine et en promettant de poursuivre les implantations de colonies dans les territoires occupés – aura sans doute de graves conséquences politiques et diplomatiques pour Israël.
Ces dernières années, la ligne dure suivie par le Premier ministre de l’État hébreu a sapé de manière croissante la crédibilité d’Israël tout en convainquant les Palestiniens vivant dans les territoires occupés qu’un véritable accord avec Israël était impossible. (En fait, les Palestiniens n’ont montré que peu d’intérêt pour le résultat de ces élections). Maintenant que Netanyahu a durci sa rhétorique, avec pour récompense un renouvellement de son mandat, il faut s’attendre à ce que le mouvement international visant à isoler Israël prenne de l’ampleur. En fait, il ne fait plus aucun sens de soutenir des négociations directes entre Israël et les Palestiniens parce que les hypothèses qui sous-tendaient cette approche ont volé en éclats.
La première hypothèse était que les deux parties acceptaient la solution de deux États comme base d’un accord de compromis.
Et Netanyahu avait de fait déclaré lors d’un discours à l’Université Bar Ilan en 2009 qu’il était prêt à accepter la création d’un État palestinien à condition qu’il soit démilitarisé et que les Palestiniens reconnaissent Israël comme la patrie du peuple juif. Ce n’est plus le cas : deux jours avant les élections, Netanyahu a explicitement promis que son gouvernement n’accepterait jamais la création d’un État palestinien.
La seconde hypothèse implicite des négociations de paix était qu’Israël, étant un pays démocratique, ne souhaiterait pas imposer pour toujours sa loi à un autre peuple par le biais d’une occupation militaire, niant ainsi son droit humain fondamental à l’autodétermination. Mais Netanyahu a maintenant démontré qu’Israël n’est une démocratie que pour ses citoyens juifs, en rejetant les citoyens israéliens arabes, qui représentent 20 pour cent de la population du pays, en des termes racistes flagrants. Aux dernières heures des élections, Netanyahu a appelé les Israéliens juifs à aller voter parce que « les électeurs arabes se rendent en masse vers les bureaux de vote ».
En réduisant à néant les deux hypothèses sans lesquelles toute négociation avec les Palestiniens est impossible, le gouvernement israélien et, indirectement, la majorité des Israéliens ont détruit le mince vernis de légitimité que la communauté internationale avait appliqué à un pays qui occupe un autre peuple depuis bientôt cinq décennies. Les raisons qui justifiaient de ne pas critiquer Israël de manière trop virulente au sein des institutions internationales ou de recourir au boycott pour punir Israël pour ses crimes de guerre ne sont plus valables.
Certains groupes ont bien sûr reconnu depuis longtemps que des mesures plus draco- niennes s’imposaient, notamment celui créé par des Palestiniens de la diaspora et des sympa- thisants en 2005, la campagne internationale Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), qui a pour objectif de faire en sorte qu’Israël cesse de violer le droit international, en particulier en ce qui concerne sa politique de colonies de peuplement. Le mouvement BDS a rencontré assez d’opposition dans plusieurs régions du monde, pour ses tactiques jugées inutiles et injustifiées. Cette situation va changer.
De même, les États-Unis se sont opposés à l’adhésion de la Palestine – qui a le statut d’État observateur non membre à l’Onu – à la Cour pénale internationale (CPI). Malgré l’absence de progrès dans les négociations de paix, l’administration américaine continue à croire à la démocratie israélienne et à la volonté de l’État hébreu de poursuivre dans le sens d’une solution à deux États. Cela aussi va changer.
Pour le dire simplement, alors que le gouvernement israélien est revenu sur son engage- ment à négocier la paix avec la Palestine, la communauté internationale ne peut plus justifier l’approche suivie jusqu’à présent. Elle doit maintenant se conformer à ses valeurs proclamées et isoler Israël, politiquement et économiquement. Les dirigeants à travers le monde doivent en outre soutenir les tentatives faites par la Palestine pour résoudre le conflit avec Israël par le biais d’agences internationales neutres comme la CPI. Et les forums internationaux, tel le Conseil de sécurité des Nations unies, doivent condamner le refus de l’État hébreu à mettre fin à une occupation de 47 ans et lui faire clairement comprendre qu’il ne bénéficiera plus d’une diplomatie de deux poids, deux mesures.
En 1990, lorsque Saddam Hussein a envoyé les troupes irakiennes envahir le Koweït au prétexte de reprendre des territoires perdus, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté, en vertu du chapitre VII de la Charte de l’Onu, pour l’imposition d’un strict embargo financier et commercial contre l’Irak. De même, lorsque l’Afrique du Sud, sous le régime de l’apartheid, niait ses droits humains fondamentaux à la population noire, majoritaire dans le pays, la communauté internationale a appliqué une campagne de désinvestissement et de sanctions de grande ampleur.
Aujourd’hui, Israël évoque des raisons historiques pour occuper un autre peuple. Son gouvernement, qui a révélé ses tendances racistes, nie à quatre millions de Palestiniens leurs droits fondamentaux et utilise même la force militaire à leur encontre. La communauté internationale se doit de répondre en conséquence en intensifiant les boycotts, les désinvestissements et les sanctions, jusqu’à ce que les Palestiniens puissent vivre librement dans un État réellement indépendant aux côtés d’Israël.
Daoud Kuttab, L’Orient le Jour, lundi 23 mars 2015
© Project Syndicate, 2015. Traduit de l’anglais par Julia Gallin
Daoud Kuttab (@daoudkuttab), ancien professeur à l’Université de Princeton, et fondateur et ancien directeur de l’Institut des médias modernes de l’Université al-Qods à Ramallah, est un militant pour la liberté de la presse au Moyen-Orient.
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Michel Warschawski : Obama en a plein les bottes... (Afps Rennes)
... Mais vont-ils vraiment réévaluer leur politique envers Israël ?
La première visite officielle après la victoire de Netanyahou sera celle du Président de la Chambre des Représentants, John Beiner. C’était la moindre des choses : ce dernier avait invité le Premier Ministre israélien à parler devant le Congrès quelques jours avant les élections, sans même en informer la Maison Blanche. Un coup de pouce électoral plus une gifle au Président démocrate.
"Les États-Unis vont devoir réévaluer leur politique au Moyen Orient" a annoncé la Maison Blanche dès l’annonce de la victoire du Likoud. Ce ne sont pas les raisons qui manquent, en particulier l’annonce par Netanyahou, quelques jours avant les élections, que les engagements annoncés dans le discours de Bar Ilan était révolus et qu’il n’y aurait pas d’État Palestinien. Ce n’était certes pas un scoop, mais le dire ouvertement était une gifle à Obama.
Pourtant ce qui a choqué encore plus le Président états-unien a été l’appel hystérique de Netanyahou à aller voter "car les Arabes se mobilisent par milliers pour faire tomber la droite". Aux États-Unis de tels propos sont le comble du politiquement incorrect et pour Obama ils ont l’odeur pestilentielle des États du Sud avant la victoire du mouvement des droits civiques. Il n’a d’ailleurs pas caché son opinion sur ces propos.
Qu’Obama en ait plein les bottes du néo-conservateur Netanyahou ne fait aucun doute et qu’il ait été à la fois surpris et déçu par sa nouvelle victoire, se voyait sur sa figure. Mais tout autre est la question : voudra-t-il ou pourra-t-il en tirer des conséquences pratiques ?
Plus directement : l’administration américaine est-elle prête à utiliser l’arsenal de pressions qui est à sa disposition pour forcer la main du gouvernement israélien, ou plutôt lui casser les reins ? Rien n’est moins certain.
Obama va sans doute demander – et obtenir –la tête de l’Ambassadeur israélien à Washington qui a ouvertement comploté contre lui, et, vraisemblablement aussi, remplacer certains des responsables du dossier israélien dans l’administration par des fonctionnaires moins inféodés à Tel Aviv et à l’AIPAC. Mais il ne touchera pas aux liens stratégiques entre les USA et Israël, qui sont l’intérêt des deux partenaires.Deux jours après les élections, le journaliste Peter Beinhard, a titré sa chronique dans le Haaretz (20 Mars 2015) : "Le processus de paix est fini, c’est maintenant le moment des pressions". S’il s’oppose au BDS, il écrit pourtant qu’il faut "soutenir toute forme de pression non-violente". Franchement, la différence me semble trop subtile.
Dans le site du même journal le chercheur Avinoam Barel écrit : "Le grand vainqueur dans les élections israéliennes c’est le BDS". Nous l’espérons, mais surtout nous devons faire tout notre possible que la mise en place d’un gouvernement d’extrême-droite, ouvre les yeux de tous celles et ceux qui n’ont pas encore compris que seules des sanctions sévères peuvent mettre fin à l’occupation coloniale et au déni des droits du Peuple Palestinien.
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Révolte arabe 1916-1918 (Orient 21)
La grande révolte arabe de 1916 fait suite aux promesses britanniques visant à encourager la création d’un grand royaume arabe (correspondance Hussein-MacMahon, 1915).
Dans l’esprit des décideurs britanniques, la formation d’un tel État, revanche arabe après des siècles de domination ottomane, s’entend comme une récompense à terme pour l’aide que les Arabes pourront accorder à Londres dans les opérations menées contre les Ottomans, entrés en guerre contre les puissances de l’Entente, à la fin de l’année 1914.
Les Arabes, en particulier Hussein, chérif de la Mecque, sont approchés par des émissaires, en particulier le colonel Thomas Edward Lawrence, de l’Arab Bureau du Caire. De leur côté les Français les encouragent également, en leur envoyant le lieutenant-colonel Édouard Brémond, un officier colonial. Tandis que les Puissances centrales, Allemagne et Autriche-Hongrie, alliées de l’empire ottoman, tentent également d’attirer à elles les Arabes pour conserver leur neutralité, voire pour obtenir leur participation aux combats contre les Français et les Anglais, puissances coloniales.
Séduits par la réalisation de ce vieux rêve de la restauration de la grandeur arabe, encouragés par des apports monétaires et militaires, Hussein et ses Bédouins passent à l’action en juin 1916. Le soulèvement contre les Turcs se traduit par le siège de places fortes (Médine) et par une progression en direction du nord, vers la Transjordanie puis la Syrie, en parallèle aux efforts britanniques (troupes australiennes et néo-zélandaises) à partir du Sinaï, vers la Palestine.
Immortalisés par le film de David Lean Lawrence d’Arabie, les principaux faits d’armes des troupes arabes sont le sabotage du chemin de fer du Hedjaz et l’attaque de ses principales gares, la prise d’Aqaba (juin 1917), mais surtout celle de Damas en septembre 1918. Cette dernière est concédée par Londres, pour satisfaire symboliquement Hussein, avec une entrée triomphale de son fils Fayçal.
Dans les faits, la contribution arabe aux opérations militaires britanniques et à la victoire sur l’empire ottoman ne conduit pas à la récompense attendue.
Entretemps, les promesses britanniques (et françaises) sont concurrencées par un autre engagement, contradictoire : le 2 novembre 1917, par la déclaration Balfour, Londres appuie l’idée d’un « foyer national juif » en Palestine, privant d’emblée le royaume arabe unifié de ce territoire.
Ayant avancé en vain l’idée d’un grand royaume arabe lors de la conférence de Versailles, Fayçal prend l’initiative de le proclamer lui-même, à partir de Damas, désormais sous contrôle français après l’évacuation des troupes britanniques. L’entité est éphémère : créée en janvier 1920, l’initiative arabe est réprimée dans le sang en juillet de la même année.
Pour compensation, les hachémites sont placés à la tête des deux entités nouvellement créées. Le mandat britannique de Transjordanie se voit attribuer un émir : Abdallah, fils de Hussein, tandis que son frère Fayçal, défait à Damas, prend la tête du royaume d’Irak, qui succède au mandat de Mésopotamie.
19 mars 2015
http://orientxxi.info/documents/glossaire/grande-revolte-arabe,0838
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Aux origines du nationalisme arabe (Orient 21)
Révolte en temps de guerre contre l’empire ottoman
Le Pain (Al-Raghîf) de Toufic Youssef Aouad, que les éditions Sindbad/Actes Sud viennent de rééditer, est paru pour la première fois en 1939.
Considéré comme le premier roman moderne de la littérature libanaise, il est aussi devenu un classique littéraire de la première guerre mondiale, un témoignage rare de la grande famine qui a ravagé le Mont-Liban entre 1915 et 1918. Aouad fait de ces années noires le terreau d’une révolte qui entraînera ses personnages à combattre aux côtés des troupes de Fayçal, pour reconquérir Damas.
— Dans le désert, loin, très loin d’ici, là où est né le Prophète béni, dans la plaine qui s’étend à perte de vue et où le soleil brûle comme un fer rougi sur les sables infinis… Là-bas a commencé une révolution contre les Turcs.
— Et qui a gagné ?
— La victoire est entre les mains de Dieu. S’Il le veut, les Arabes l’emporteront, Tom.
— Et la faim disparaîtra, n’est-ce-pas ? Nous mangerons de nouveau du pain blanc.C’est à Tom, enfant famélique d’un village du Mont-Liban, qu’un résistant apprend qu’il est temps d’espérer un avenir meilleur.
Meilleur, c’est-à-dire débarrassé en tout premier lieu du conquérant ottoman qui, en 1914, « s’abattit sur le pays avec la brutalité de l’oppresseur » et « se permit tous les abus, toutes les injustices, toutes les exactions », dit Toufic Youssef Aouad dans l’introduction à son roman historique, Le Pain (Al-Raghîf), paru pour la première fois en 1939.
Nous sommes à la veille de la révolte arabe de 1916 contre la domination turque. La famine et la misère déciment des dizaines de milliers de Libanais. Un militant nationaliste, Sami Assem, se cache dans une grotte en haute montagne où son amoureuse, Zeina, lui apporte régulièrement de quoi se nourrir et les dernières nouvelles du pays. Lassé de son isolement, Sami quitte sa cachette, tue par erreur un soldat déserteur et finit par être arrêté. La rumeur de sa mort incite Zeina à fomenter l’assassinat du gouverneur turc de sa province. Mais Sami a en réalité échappé à l’exécution capitale et à la prison et poursuit son combat contre les convois ottomans dans le désert, avant la reconquête de Damas sous le commandement de l’émir Fayçal. Son sacrifice héroïque assombrira la belle Zeina, au cœur de la liesse populaire qui suit la libération de la capitale des Omeyyades.
Le roman, social autant qu’historique, a pour théâtre la terrible famine qui a ravagé le Mont-Liban entre 1915 et 1918. Selon les chiffres, entre 120 000 et 200 000 Libanais, soit un tiers de la population, sont morts de faim au cours de cette période. Les causes en sont connues, explique l’historien libanais Youssef Mouawad1 : d’abord une invasion de sauterelles en 1915 qui a ravagé les récoltes.
Puis — et surtout —, pas moins de deux blocus : d’abord le blocus maritime des Alliés, qui avait pour but d’empêcher toute importation d’armes ou de munitions dont auraient pu profiter les Ottomans ; ensuite, celui des voies de communication terrestres imposé par Jamal Pacha, gouverneur ottoman de Syrie et de Palestine. Selon les propos rapportés par le professeur Antoine Boustany, le chef des forces ottomanes, Enver Pacha, aurait déclaré : « L’Empire ottoman ne recouvrera liberté et honneur que lorsqu’il aura été débarrassé des Arméniens et des Libanais. Nous avons supprimé les Arméniens par le fer, nous supprimerons les Libanais par la faim »2.
Cette « arme de la famine » — dont les Alliés espéraient également, pour leur part, qu’elle précipiterait la révolte arabe —, est à l’origine de la violence sociale dépeinte dans le roman de Aouad : trahisons, abandons, cruautés, corruption, prostitution, vols... La faim, ressort dramatique, hante les personnages, les rend fous, idiots et prêts à tout. Elle transforme la population en « hordes affamées » : « des vieillards, des femmes, des enfants, certains pouvant encore marcher, la plupart étendus avec leurs gémissements pour seul bien. » Les gens se ruent sur le crottin des chevaux de l’armée ottomane pour y récupérer quelques grains d’avoine. Ils grattent la terre, mangent des carcasses décomposées d’animaux. Et meurent, comme dans cette scène de référence souvent citée :
Il y avait là une femme étendue sur le dos, envahie de poux. Un nourrisson aux yeux énormes pendait à son sein nu (…) La tête de la femme était renversée et ses cheveux épars. De sa poitrine émergeait un sein griffé et meurtri que l’enfant pétrissait de ses petites mains et pressait de ses lèvres puis abandonnait en pleurant.
L’autre ferment de la révolte qui anime les héros est la répression aveugle et arbitraire qui s’abat sur une population misérable :
« Quant à la gare d’Aley, il y régnait une atmosphère terrifiante. Les soldats allaient et venaient avec leurs baïonnettes étincelantes. Ils bousculaient les prisonniers et tançaient les gens, et ceux-ci ressemblaient à des spectres dressés. Enfants et vieillards tendaient la main pour mendier. Les femmes et les jeunes filles en haillons, le regard désespéré, les yeux exorbités, proposaient leurs beauté pour une ration de pain. » Dans la prison d’Aley, siège de la Cour martiale turque et antichambre de la mort par pendaison commandée par Jamal Pacha, un prisonnier raconte à Sami le genre de « raisons » pour lesquelles tant d’hommes sont incarcérés : « Hanna Dahan (…) avait été trahie par un portrait de Napoléon trouvé dans sa maison ; un autre par une lettre reçue d’un ami d’Amérique évoquant l’État turc en des termes qui n’étaient pas pour plaire aux autorités ; un troisième était accusé d’avoir offensé le sultan… ».
L’héroïsme des résistants vient en contrepoint de la lutte pour la survie de ces années noires.
La résistance prend les traits d’un nationalisme naissant, qu’une conversation entre Sami et son juge ottoman révèle aussi simplement que clairement :
— « Nous cherchions à faire valoir nos droits.
— Vos droits ! Attention à ne pas me mettre en colère ! Depuis quand avez-vous des droits en dehors des grâces du sultan, dont jouissent équitablement tous les Ottomans ?
— Nous sommes des Arabes qui demandent leur liberté et leur indépendance.Et c’est dans une autre conversation, cette fois entre le maronite Sami et Kamel, un camarade de combat musulman, que va s’énoncer une fraternité baptisée dans le sang et dont le sens est d’emblée questionné :
— Nous avons déclaré le djihad contre les Turcs.
— Les Turcs aussi ont déclaré le djihad contre nous. Lequel des djihad te semble donc le plus juste ?
— (…) Le califat doit revenir aux Arabes. Les Arabes vaincront et renoueront avec leur gloire passée. Ils verront la renaissance de l’ère des califes (…). Nous y désignerons le roi Husayn commandeur des croyants, et il y élira demeure. Nous l’entourerons de nos poètes, de nos savants et de nos intellectuels.Mais Sami le nationaliste n’adhère pas au djihad.
Pas plus qu’il ne considère que son combat s’inscrit dans une « guerre de religion ». Pour lui, « il s’agit d’Arabes qui se battent contre les Turcs pour recouvrer leur liberté et de Turcs qui combattent les Arabes pour continuer à les soumettre. Aujourd’hui, nous assistons à la naissance du véritable nationalisme arabe, dont la mère est la révolution. »
La modernité de ce roman réside essentiellement dans sa composition où prédominent les parties dialoguées.
Elles permettent une approche des personnages dans leur diversité et leurs contradictions, en évitant tout à la fois une « psychologisation » individualisante — que l’histoire d’amour entre Zeina et Sami pourrait induire — et la pesanteur du récit historique à message pédagogique. Et c’est de la même manière avec Dans les meules de Beyrouth, publié en 1973, que Toufic Youssef Aouad restituera plus tard, comme en écho, l’atmosphère de la fin des années 1960 et la radicalisation des luttes politiques et idéologiques, celles qui plongeront deux ans plus tard le Liban dans la guerre civile.
Pour l’heure, nous sommes, à la fin du livre, en 1918. Damas libérée jubile ; la faim et la souffrance sont oubliées, « les fantômes de l’injustice et de l’ignorance » ont disparu comme par enchantement et tous les espoirs de liberté sont permis. Le rêve d’unité arabe du roi Fayçal n’est pas encore brisé et les révolutionnaires survivants comme Zeina peuvent croire que leurs morts n’ont pas été sacrifiés en vain.
Françoise Feugas 5 mars 2015 -
La réélection de Nétanyahou enterre définitivement le « processus de paix » (Orient 21)
Washington s’interroge sur sa politique palestinienne
Le nouveau succès électoral de Benyamin Nétanyahou met un point final au « processus de paix » ouvert en 1993 avec les accords d’Oslo. Il a porté aussi à son paroxysme la crise entre Tel-Aviv et Washington, même si les Etats-Unis continueront à soutenir Israël. Et le recours aux Nations unies redevient une option envisageable pour les Palestiniens.
Les élections législatives israéliennes ont accouché d’une surprise.
Donné battu, Benyamin Nétanyahou les a emportées, et d’assez loin, sur son adversaire de centre gauche du Camp sioniste. Ce retournement, le premier ministre israélien l’a réalisé en flattant outra-geusement dans les derniers jours de sa campagne les deux propensions les plus répandues dans sa société : d’abord la peur et la conviction que toute « concession aux Palestiniens » constitue une « menace existentielle » ; ensuite un racisme anti-arabe plus prégnant que jamais dans le pays.
En appelant, le jour-même du scrutin, les électeurs à se mobiliser pour faire obstacle à « la gauche et [aux] ONG en train d’amener massivement des hordes d’Arabes aux bureaux de vote », et après avoir déclaré, la veille, que lui au pouvoir un État palestinien ne verrait jamais le jour, « Nétanyahou a révélé son vrai visage, et les électeurs ont aimé ça »1, a conclu le chroniqueur du quotidien Haaretz Aluf Benn. Le soir de l’élection, fêtant la victoire, le premier ministre est apparu aux côtés du chanteur Amir Benayoun, auteur d’une chanson si raciste envers les Arabes que le président de l’État, Reuven Rivlin, avait annulé une invitation qu’il lui avait envoyée.
L’élection en dit long sur l’état de paranoïa et de déni dans laquelle vit la société juive israélienne. Celle dont l’État passe son temps à capturer toujours plus de terres palestiniennes, à limiter l’accès à l’eau des paysans palestiniens, à imposer des tracasseries administratives épuisantes et inépuisables à des humains privés de tous droits politiques depuis des décennies, celle qui terrorise l’autre société en usant d’une force militaire quasi sans contrepartie, qui enferme des civils sans jugement ni même inculpation pour des périodes infinies grâce à ses lois d’exception, cette société-là se perçoit elle-même comme la victime et vit dans une peur constante.
Pour elle, la moindre concession serait « le début de la fin » – et l’égalité avec le Palestinien une impossibilité absolue. Une attitude qui rappelle l’enfermement mental et politique des sociétés coloniales, celle des dits « Européens » en Algérie, en Rhodésie et ailleurs, sociétés recroquevillées sur le maintien intégral de leur système de domination, ou encore celle des « Blancs du Sud » aux États-Unis, à l’époque de la ségrégation raciale.
Cette société, par elle-même, n’est plus en mesure par ses propres moyens de s’ouvrir à l’Autre, de lui reconnaitre sa qualité d’humain égal en droits et en dignité. Elle porte en elle trop de culpabilité occultée, niée, accumulée depuis si longtemps. Elle est désormais prête à suivre Nétanyahou qui lui propose de transformer constitutionnellement l’identité de l’État d’Israël en un Etat ethnique (l’« État du peuple juif »), dont les citoyens ne disposeraient pas tous des mêmes droits, selon qu’ils sont juifs ou pas. Le 9 novembre 2014, Sheldon Adelson, le milliardaire propriétaire de casinos à Las Vegas et Macao qui est aussi le premier financier des campagnes de Nétanyahou, était interrogé à Washington sur les risques de dérive d’Israël vers un abandon formel de la démocratie.
Réponse : « Je ne crois pas que la Bible dise quoi que ce soit sur la démocratie. Dieu n’a pas dit un mot sur la préservation d’Israël comme État démocratique. [Vous me dites qu’]Israël ne sera plus un État démocratique. Et alors ? » On n’a pas connaissance que ces propos aient dérangé le récent vainqueur de l’élection israélienne. État non démocratique parce qu’occupant une population dénuée de droits, Israël l’est de facto depuis longtemps déjà. Mais inscrire dans la loi l’ethnicité comme fondement du droit ne serait pas une évolution anodine. C’est à cette possibilité-là qu’a adhéré dans sa majorité la société israélienne le 17 mars.
La fin des accords d’Oslo
Le « processus de paix » est définitivement décédé. Plus exactement, beaucoup, depuis des années, voulaient ou faisaient semblant de croire qu’il était toujours vivant. La fiction de ce « processus » perdurait. Sa longue agonie, engagée après l’échec des négociations de Camp David à l’été 2000 et le déclenchement subséquent de la seconde Intifada palestinienne, a pris fin avec l’affirmation sans fard de Nétanyahou, la veille du scrutin, de son opposition à la création d’un État palestinien. Lorsqu’il a, victoire acquise, tenté de laisser croire qu’il n’avait pas définitivement renoncé à l’idée des deux États, la Maison Blanche a refermé la porte de façon assez abrupte. De fait, ce n’est pas tant le « processus » que la paix elle-même qui est hors de propos. Et c’est, d’une certaine façon, un succès pour la stratégie de Mahmoud Abbas. Car si les Israéliens ne veulent pas la paix, les Palestiniens, après tant de massacres, d’oppression quotidienne, n’en font pas plus leur priorité. Ce qu’ils veulent c’est la liberté, la fin de l’occupation.
Et tel est bien le sens de l’offensive diplomatique engagée par le chef de l’Autorité palestinienne devant les Nations unies pour obtenir du Conseil de sécurité la reconnaissance de son État dans les frontières de 1967. Jusqu’ici prévalait la logique des accords d’Oslo de reconnaissance mutuelle entre Israël et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), en 1993, qui se résumait à une idée : « la terre contre la paix ».
Autrement dit : si une « paix juste, durable et globale ainsi qu’une réconciliation historique »2 est signée avec les Israéliens, les Palestiniens auront une terre – donc un Etat. Sur fond d’échec de la seconde Intifada, et avec l’enlisement de négociations intermittentes ne débouchant jamais sur rien d’autre que la poursuite ininterrompue de la colonisation israélienne et l’aggravation des conditions de vie de sa population, Abbas, en allant à l’ONU, a inversé cette logique. Ce n’est plus « la terre contre la paix », c’est désormais « la paix pour la terre ». Autrement dit : la terre d’abord, donc l’évacuation israélienne des territoires occupés, la paix viendra ensuite, une fois que l’État palestinien aura été érigé. Si elle survient, ce qui n’est pas certain…Mais « la paix » ne peut plus constituer un préalable à l’évacuation des territoires palestiniens.
Avec la réélection de Nétanyahou, ce renversement de la logique d’Oslo commence lentement à faire son chemin dans les milieux diplomatiques.
Comme l’a écrit l’analyste Peter Beinart, dans l’administration américaine, beaucoup pensent que l’option de « la négociation menant à l’instauration de deux Etats côte à côte est vraiment morte »3 Dès lors, si l’idée d’un État unitaire pour les deux peuples reste du domaine de la rêverie, tant les Israéliens dominent aujourd’hui les Palestiniens sur tous les plans (diplomatique, économique, technologique, universitaire, militaire, etc), et tant les Palestiniens aspirent à ériger leur État pour ne plus subir le joug israélien — et si l’idée d’un retrait des Israéliens de leur propre initiative sur la frontières de juin 1967 parait encore plus inenvisageable —, il ne reste qu’une solution : celle d’un retrait des Territoires occupés imposé à Israël de l’extérieur. Tel est le sens sous-jacent de l’annonce américaine d’une « réévaluation de la position » des États-Unis au lendemain du succès électoral de Nétanyahou. « Israël ne peut maintenir indéfiniment son contrôle sur un autre peuple ; l’occupation qui dure depuis près de 50 ans doit cesser », a déclaré Denis McDonough, le chef de cabinet de Barack Obama, le 23 mars, devant le lobby pacifiste pro-israélien J Street à Washington.
Vers une résolution de l’ONU ?
Un tournant dans la relation americano-israélienne ? À quoi pourrait ressembler la « réévaluation » de sa relation à Israël que la Maison Blanche a annoncée ? Le New York Times cite « des officiels » anonymes selon qui la présidence envisagerait la possibilité de soutenir désormais une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui validerait le principe d’une solution à deux États de part et d’autre de la frontière de juin 19674 (avec d’éventuels échanges mineurs de territoires). Ainsi, Israël serait placé devant une situation nouvelle – l’inscription dans le droit international de frontières qu’il récuse (l’État n’a jamais déterminé ses propres frontières et, en Cisjordanie, exige en tout état de cause, en cas d’accord, de préserver la partie orientale de Jérusalem, la vallée du Jourdain et les « grands blocs » de colonies érigés depuis 1967). Interrogé sur ce point, la porte-parole de la Maison Blanche, Jan Psaki, a déclaré : « Nous ne préjugeons pas de ce que nous ferions en cas d’action à l’ONU ».
Le retour de la question palestinienne aux Nations unies, la possibilité de voir Washington abandonner son veto systématique au Conseil de sécurité, constituerait pour Israël un échec majeur. Car l’admission occidentale sans faille jusqu’ici de sa légitimité à mener des « négociations bilatérales sans préalables » avec les Palestiniens constituait un élément clé de sa capacité à maîtriser à sa guise ces négociations. Et l’assurance de bénéficier d’un veto américain en toutes circonstances a grandement contribué au sentiment d’impunité avec lequel Jérusalem a pu mener sa « politique de la force » sans se heurter à aucune restriction de la communauté internationale depuis des décennies. La poursuite ininterrompue de la colonisation comme les bombardements répétés et croissants sur Gaza en ont été des exemples criants.
Déclarer illégale la poursuite de la colonisation ?
On n’en est pas encore à un soutien américain à une résolution onusienne sur un plan de partage territorial entre Israël et la Palestine. Mais le simple fait que cela puisse s’envisager est symptomatique d’un tournant majeur, dont il reste difficile de pressentir comment il pourrait évoluer. Pour Peter Beinart, qui a visiblement interrogé de nombreux officiels à la Maison Blanche, plutôt que de lever son veto à une résolution contraignante sur les frontières reconnues d’Israël — qui est la pire hantise des Israéliens, Likoud comme travaillistes —, Washington pourrait commencer par ne pas opposer son veto à une résolution onusienne moins grave, déclarant illégale la poursuite de la colonisation5.
D’autres assurent que les États-Unis pourraient aussi lever leur prévention sur le dépôt par Abbas d’une plainte contre Israël pour « crimes de guerre » devant la Cour pénale internationale au sujet de la colonisation. De toute façon, aucune décision ne devrait être prise avant l’automne, c’est-à-dire avant de savoir si un accord est conclu avec l’Iran sur la question de son nucléaire militaire.
S’il l’est, cet accord « sera historique et montrera que l’administration américaine est disposée à résister à l’opposition d’un Congrès républicain et à négocier avec les membres de son propre parti qui doutent, et aussi à tenir bon face aux pressions israéliennes »6, commente Aaron David Miller, vice-président du Centre d’études internationales Woodrow Wilson à Princeton, qui fut conseiller aux affaires proche-orientales sous Bill Clinton. Selon lui, quoi qu’il fasse, Nétanyahou sera « en fin de compte dans l’incapacité d’empêcher » la mise en œuvre d’un tel accord s’il est signé. Dès lors, bénéficiant d’un soutien international, le président américain serait en position de mieux imposer son point de vue aux dirigeants israéliens.
Reste que, lors de son appel à Benyamin Nétanyahou pour le « féliciter » de son succès électoral, Barack Obama, s’il a réitéré ses critiques des propos de son interlocuteur sur la nécessité de contrer les « masses d’Arabes » allant voter et réaffirmé qu’il récusait son point de vue sur l’Iran, lui a également assuré qu’il n’entendait en aucune manière modifier la politique américaine de soutien militaire à Israël (3 milliards de dollars annuels). Pour le moment, l’heure des pressions autres que diplomatiques n’a pas sonné.
Sylvain Cypel 25 mars 2015 -
Algérie: chemiserie de Larbâa Nath Irathen : « 9 mois Barakat ! » (Afriques en lutte + El Watan))
Les travailleurs de la chemiserie de Larbâa Nath Irathen, pour la plupart des femmes, ont observé un sit-in, avant-hier, devant le siège de la wilaya de Tizi-Ouzou, pour dénoncer les agissements, qu’ils qualifient d’« injustifiés », de l’actuelle responsable de la chemiserie et demander une commission d’enquête et l’affectation d’un nouveau directeur.
« 9 mois Barakat, nos enfants ont faim », « Pour sauvegarder l’entreprise, on demande un directeur » et « Non à la fermeture de l’entreprise », sont les slogans que l’on pouvait lire sur les banderoles brandies pas les protestataires.
Dans une déclaration dont une copie nous a été remise sur place, les signataires dénoncent « la manipulation relancée par les dépôts de plaintes contre certains travailleurs sans qu’il y est aucun dépassement constaté par les services de police sur les lieux… ». Les signataires ajoutent : « N’étant pas satisfaite, la directrice a mobilisé un groupe de jeunes délinquants pour qu’ils provoquent des troubles devant l’entrée de la chemiserie ». Les rédacteurs du document se disent convaincus de « La complicité de certains cercles à vouloir faire traîner la situation actuelle pour éviter l’apparition de la face cachée de l’iceberg qui serait fatale pour beaucoup de responsables ». Ils poursuivent : « Nous ne comprenons pas à qui profite cette situation de confusion totale et le silence observé par les parties concernés par le conflit ? ».
Ce conflit qui remonte au 21 juillet 2014 est dû, selon les grévistes, à la « Hogra » sévissant au sein de ladite entreprise
« L’entreprise compte 99% de femmes et la dernière d’entre-nous a dix ans d’ancienneté. Quand il s’agissait de problèmes socioprofessionnels, nous n’avons rien dit, mais quant un sous-directeur arrive au point d’insulter des travailleuses et à leur dire des mots indignes et que des mécaniciens de machines lèvent la main sur ces dernières nous avons dit non non et non et nous avons déclenché la grève… », nous déclarera Mme Messaouda Bouzid, membre de la section syndicale UGTA de la chemiserie qui fustigera l’actuelle responsable de la chemiserie et qui nous expliquera les origines du mal qui gangrène cette entreprise : « Cette intérimaire affectée à la chemiserie du centre le 12 mars dernier n’est pas compétente et n’a pas les diplômes requis pour gérer l’entreprise. Pis encore, elle est du clan de l’ancien directeur et c’est comme si celui-ci n’avait jamais quitté l’entreprise. Cette responsable est même allée jusqu’à utiliser la force publique contre les travailleurs, vous imaginez ? Nous ne voulons pas d’elle et demandons aux hauts responsables de nous affecter un nouveau directeur « neutre » cette fois sans parti-pris pour aucun des deux clans et ce le plus vite possible pour rouvrir l’entreprise car nous sommes dans le désarroi le plus total ».
Dans leur missive, les grévistes interpellent le wali et le ministre de l’Industrie, leur demandant de « diligenter une commission d’enquête et trouver une solution à ce conflit qui n’a que trop duré ». Si rien n’est fait, « Nous passerons à la vitesse supérieure, nous enclencherons d’autres actions dont une grève de la faim… », menacent les grévistes. 25 mars 2015
Source : La Dépêche de Kabylie
http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/algerie/article/algerie-chemiserie-de-larbaa-nath
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A Tunis, la Coalition pour le climat prend de l’élan (Reporterre)
Plus d’une centaine d’associations, d’ONG et de mouvements internationaux se sont réunis à Tunis à la veille du Forum social mondial. Objectif : s’accorder sur les stratégies de pression pour peser sur le sommet de l’ONU sur le climat à Paris, fin 2015 et poursuivre le mouvement ensuite.
En préambule du Forum social mondial qui se déroulera cette semaine à Tunis, la plateforme Coalition climat 21 s’est réunie lundi et continuera à travailler ce mardi. Elle regroupe plus d’une centaine d’organisations françaises issues de la société civile.
L’objectif : définir avec des représentants des réseaux internationaux les orientations sur l’organisation de la mobilisation autour de la COP 21, la conférence des Nations Unies sur le climat qui se tiendra fin 2015 au Bourget, près de Paris. Poser les bases d’un mouvement pour la justice climatique sur le long terme. Et mettre en place un rapport de forces capable de peser sur cette négociation entre 193 Etats.
Dans un amphithéâtre de la facuté de droit de Tunis, près de deux-cents personnes se lèvent comme une seule femme à la question « Qui est ici pour un mouvement sur la justice climatique ? ». Née il y a un an, la coalition climat entend dépasser d’anciens clivages entre les organisations considérées comme « modérées », et d’autres perçues comme plus « radicales. »
« Entre Climate action network (le réseau historique d’ONG travaillant sur le climat, ndlr) et Climate justice now (réseau d’ONG issues du monde du développement), on peut travailler ensemble même si on n’a toujours les mêmes stratégies ni les mêmes tactiques, assure l’Indienne Payal Parekh. Il n’y a pas un seul chemin. »
Des chemins qu’il s’agit d’élargir au maximum. « Sans mobilisation populaire, rien n’est possible, dit Christophe Aguitton, d’Attac. On a réussi à regrouper l’essentiel du mouvement environnementaliste. Il s’agit maintenant de trouver les moyens de son enracinement dans le temps, bien au-delà de la COP 21 ».
Une échéance qui nourrit un scepticisme évident chez les militants échaudés par le fiasco de la conférence de Copenhague en 2009. « Comme les Etats ne veulent pas se coincer, les objectifs de réduction de gaz à effet de serre chiffrés, datés et contraignants, ne feront pas partie des négociations, alors que c’est un des points cruciaux », se désole-t-il.
Même son de cloche pour Nicolas Haeringer, de l’association 350.org : « Peut-être la réponse n’est-elle pas dans la négociation entre des Etats prisonniers d’intérêts privés, mais plutôt dans ce que portent la société civile et les collectivités locales, qui ont la main sur des leviers permettant de favoriser la transition énergétique ».
Un exemple ? « Les campagnes de désinvestissement, qui incitent les institutions à investir dans les énergies renouvelables plutôt que de mettre leurs billes dans l’une ou l’autres des 200 entreprises qui possèdent les plus grosses réserves de gaz, de pétrole et de charbon ». Selon lui, « la seule chose que l’on peut attendre des Etats, c’est qu’ils ne rajoutent pas de nouveaux obstacles à la transition énergétique ».
Des obstacles dans le genre du Tafta, le traité transatlantique commercial en cours de négociation ? L’articulation entre la campagne anti-Tafta et la COP 21 est le Graal recherché par Amélie Canonne, spécialiste des accords de commerce et d’investissement pour le réseau Aitec : « Signer ce traité et mettre en oeuvre une politiques ambitieuse de lutte contre le changement climatique est incompatible. Le Tafta va notamment favoriser le commerce des énergies fossiles entre l’Europe et les Etats-Unis, comme c’est déjà le cas au Canada. Entre le Tafta et le climat, le gouvernement devra choisir. Et pour nous, c’ est une raison de plus pour s’unir. »
- Une forte délégation d’Alternatiba est présente
Nicolas Haeringer en est persuadé : « On est à un tournant de la construction de mouvements de mobilisation, avec des exemples très concrets comme les ZAD. Il est nécessaire de connecter les mobilisations locales à des campagnes plus globales ».
Soutenir les luttes contre les « grands projets climaticides » fait partie des ambitions de la coalition : tout comme aider aux constructions d’alternatives (type Alternatiba, Amap, villes en transition...), mener des actions contre les lobbies de l’énergie, organiser des rassemblements, et initier des actions massives de désobéissance civile.
24 mars 2015 / Isabelle Rimbert (Reporterre)