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Révolutions Arabes - Page 229

  • Maroc : hier et aujourd’hui, le pouvoir réprime (Npa)

    Manif commémorative de 1965

     

    En mars 1965, à coup de blindés et mitraillettes, l’État réprimait les manifestations déclenchées par une mesure de restriction à l’accès à l’éducation pour les lycéens, manifestations auxquelles s’étaient greffés les chômeurs et travailleurs des quartiers populaires et bidonvilles.

    La journée du 23 mars fut sanglante, notamment à Casablanca (on parle de mille morts dont beaucoup enterrés dans des fosses communes). Hassan II déclarait le 30 mars : « il n’y a pas de danger plus grave pour l’État que celui de soi-disant intellectuels. Il vaudrait mieux que vous soyez illettrés »... La nature réelle du pouvoir se révélait : une dictature qui a su inverser le rapport de forces en sa faveur.

    Après l’indépendance, le désenchantement

    Durant la décennie 1956-1965, il y avait eu le démantèlement des armées de libération au Nord comme au Sud, armées qui estimaient que le combat pour l’indépendance n’était pas achevé et devait se poursuivre à l’échelle du Maghreb. En 1962, la Constitution posait les bases d’une monarchie despotique. Le mouvement syndical connaissait une scission mais surtout un processus de bureaucratisation accéléré, une dépolitisation de l’action revendicative, en échange de privilèges matériels considérables.

    L’Union nationale des forces populaire (UNFP), principal parti d’opposition, a été paralysée, en raison de l’arrestation de milliers de militants, de ses ambiguïtés stratégiques et divisions entre ailes radicales et réformistes. Son principal leader en exil, Ben Barka, sera enlevé et assassiné en octobre de la même année.

    La monarchie a su reconstruire ses bases sociales d’appui autour des grands propriétaires fonciers, ­restructurer l’appareil d’État et l’armée dirigée par des officiers liés autrefois à l’armée coloniale et avec le soutien matériel de l’État français. Moins de 10 ans après l’indépendance formelle, l’irruption populaire témoignait d’un désenchantement : ni avancées sociales ni libertés démocratiques. Ce désenchantement traduisait le divorce grandissant entre le pouvoir et la population, mais aussi le décalage entre les oppositions et les majorités populaires.

    Radicalisation après le mouvement

    Le 7 juin 1965, Hassan II impose un « État d’exception » inaugurant la longue nuit des années de plomb. La répression massive devient une norme de gouvernement. Néanmoins, cette séquence ouvre aussi un processus de radicalisation. Une partie de la jeunesse du parti communiste marocain et de l’UNFP s’interrogent sur leur passivité et participation au fameux colloque d’Ifrane, sous le patronage de Sa Majesté, colloque censé traiter des problèmes de l’éducation nationale alors que le sang n’avait pas fini de sécher dans les rues de Casablanca.

    Des anciens résistants cherchent aussi une autre voie. L’impact le plus visible de ce processus est dans l’Union nationale des étudiants du Maroc (UNEM) et chez les lycéens. Dés 1966-1967 se forment les noyaux révolutionnaires, pour beaucoup d’obédience marxiste-léniniste. Le contexte régional et international pèse également. La « nouvelle gauche » se constitue officiellement en 1970, dont une des composantes s’est appelé « Mouvement du 23 mars ».

    Aujourd’hui, un maillon du néocolonialisme français

    50 ans après, la monarchie, en plus d’être absolue, est une des composantes principales de la bourgeoisie. La plupart des partis sont domestiqués. Si le niveau de répression n’est plus le même, ce n’est pas en raison d’une démocratisation du régime mais de sa capacité à développer une stratégie de cooptation, de paix sociale clientéliste et à isoler les luttes. Mais l’ensemble des responsables des années de plomb sont toujours en place, et la répression est quotidienne.

    À leur tour, les processus de lutte ont évolué : ce n’est pas sous forme d’émeutes mais de contestations de masse prolongées que les résistances se déploient, ce n’est pas à travers un prisme idéologique mais bien souvent autour des questions sociales et démocratiques concrètes que toute une nouvelle génération se politise.

    Le 22 mars 2015, à l’appel de courants radicaux de l’UNEM et avec le soutien de la gauche de lutte a eu lieu une manifestation à Rabat, à la mémoire du 23 mars 1965 mais aussi contre la privatisation de l’enseignement public et la militarisation des facultés. En soutien aussi aux prisonniers politiques dont certains sont en grève de la faim.

    Dans ce contexte, la décision de l’État français d’accorder une légion d’honneur à un tortionnaire avéré – Abdellatif Hammouchi, directeur général des services de renseignements – apparaît comme un droit à l’impunité accordée à l’État marocain. Une complicité néocoloniale tant la monarchie relaye les intérêts des entreprises du Cac 40, de la Françafrique et les exigences de l’Europe forteresse. Par la solidarité internationale, c’est ce lien qu’il faut briser.

    Chawqui Lotfi

  • Tunisie : retour du forum social mondial de Tunis (Npa)

    Immédiatement après l’attentat du 18 mars au musée du Bardo, les organisateurs du Forum social mondial (FSM) ont refusé de se laisser intimider et ont maintenu l’intégralité du forum, y compris les deux manifestations, en ouverture le 24 mars et en clôture le 28.

    Au final, environ 45 000 personnes ont participé au FSM à l’université de Tunis, contre 60 000 en 2013. Le nombre d’étrangers est resté à peu près stable, la diminution de certaines délégations étant compensée par la hausse d’autres, par exemple d’Amérique latine ou d’Afrique, et même une quarantaine de Chine.


    Par contre, il y a eu une baisse sensible du nombre de TunisienEs, même si le nombre de jeunes du pays hôte marquait l’animation du FSM dans toutes ses dimensions. Deux explications sont avancées : les déceptions accumulées sur les perspectives politiques, ainsi qu’une météo exécrable qui empêchait notamment les plus désargentés de dormir sous des tentes.

    Nouveau souffle ?

    Une préoccupation devient prégnante parmi les initiateurs des Forums sociaux : quel nouveau souffle serait possible pour cet acquis majeur de « l’altermondialisme » ? Celui-ci reste en tout cas un rendez-vous important pour tous les réseaux de lutte : sur les questions écologiques, paysannes et de souveraineté alimentaire, féministes, syndicales, de solidarité internationale et pour l’autodétermination des peuples, contre les institutions financières et les multinationales, etc. La question des migrants et réfugiés a été beaucoup plus présente que dans les forums précédents.

    À l’heure où ces lignes sont écrites, il est trop tôt pour tirer un bilan plus complet de ce Forum. Dans l’immédiat, nous reproduisons ci-contre une intervention de Fathi Chamkhi lors d’un des nombreux débats concernant la dette.

    Dominique Lerouge et Jacques Babel

     

    ****

    "En Tunisie, nous sommes accablés par cette plaie qu’est la dette. On a fait une révolution, mais la dette est toujours là.

    Aujourd’hui la Tunisie est en crise et dans l’impasse. Elle est en quelque sorte coincée par deux intégrismes : l’intégrisme religieux, et l’intégrisme du néolibéralisme qui a fait tant de mal au peuple tunisien, qui l’a saigné à blanc, notamment à cause de la dette. La dette est un outil de pillage, mais c’est aussi un outil de domination politique. À travers la dette, les multinationales et les États impérialistes imposent un régime néocolonial. Ils remettent en cause notre souveraineté nationale et nous empêchent d’avancer vers l’émancipation sociale.

    À en juger par le mécontentement actuel, la rage qui existe dans le cœur des TunisienEs, on est en droit de se demander si nous n’allons pas vers une seconde révolution. En ce moment, il y a par exemple un mouvement de grève très important des enseignants du second degré. Ils sont 90 000 et ont fait une série de grèves de 48 heures. Puis ils ont refusé de faire passer les examens trimestriels.

    Leur syndicat UGTT a décidé d’appeler à boycotter également les examens du troisième trimestre, ainsi que les examens nationaux si leurs revendications n’étaient pas satisfaites. J’ai cité ce mouvement social pour montrer combien les Tunisiens aspirent au changement. Il s’agit d’un désir énorme qu’ils ont exprimé à plusieurs reprises. Mais la dictature de la dette est là. L’économie et la société tunisienne ont été restructurées de façon à rendre le pays « addict » à la dette. Ce système qui nous a été imposé nous a fait beaucoup de mal, il a causé beaucoup de ravages sociaux.

    L’Union européenne décide à la place des TunisienEs : elle donne ses ordres et le gouvernement les exécute, ne faisant que gérer les affaires courantes en se moquant royalement de l’expression démocratique des citoyens tunisiens.

    Le FMI, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement disent tous dans leurs discours qu’ils sont pour l’aide, les réformes, leur désir de faciliter la transition démocratique. Mais ils sont les premiers à leur barrer la route.

    Nous menons la bataille contre la dette depuis le départ du dictateur. Nous disons aux TunisienEs que Ben Ali n’était qu’un paravent qui cachait la vraie dictature. Aujourd’hui, avec ses 15 députés, le Front populaire continue cette lutte. Et l’opinion publique, les classes laborieuses et la jeunesse doivent s’approprier cette question. À l’image de la Grèce et peut-être un peu plus encore car nous subissons cette dictature néolibérale de la dette depuis 29 ans, la Tunisie est aujourd’hui à la croisée des chemins : ou bien ce sera l’impasse, et tous les dangers comme on l’a vu avec le terrible attentat terroriste du 18 mars dernier ; ou bien ce sera l’alternative, en avançant dans ce changement que veut la grande majorité des TunisienEs. Et nous sommes déterminés à faire triompher cette deuxième voie, comme nous l’étions face à la dictature de Ben Ali. Nous sommes décidés à ôter de notre route tous les barrages qui l’obstruent, en commençant par la dictature que nous impose la Commission européenne".

    Fathi Chamkhi
    (Député du Front populaire, militant de la LGO et animateur de Raid/Attac/CADTM Tunisie)

  • “L’exploitation coloniale, des violences extraordinaires” (Npa)

    Entretien. Enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université d’Évry-Val-d’Essonne, Olivier Le Cour Grandmaison vient de sortir un nouveau livre, l’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies (1). Nous l’avons rencontré à cette occasion.  

    Le livre commence par une surprenante description du désastre sanitaire qui accompagne les débuts de la colonisation. Peux-tu en donner quelques éléments et explications ?


    Les causes de ces désastres sanitaires, constatés par de nombreux médecins qui occupent souvent des responsabilités importantes au sein de l’institution médicale et/ou militaire, sont multiples. Elles sont liées au retard de la médecine et de l’hygiène coloniales françaises comparées à celles de la Grande-Bretagne qui est à l’époque très en avance dans ces domaines, notamment en raison de sa longue expérience impériale en Inde. À cela s’ajoute le conservatisme, souvent dénoncé par les médecins et certains officiers supérieurs, de la hiérarchie militaire, et un mépris certain pour la vie des soldats du rang. De là ces désastres fort coûteux sur le plan humain et parfois même susceptibles de retarder des opérations militaires pourtant jugées essentielles par les autorités politiques.

    C’est le cas, par exemple, en 1881 : alors que la France s’apprête à envahir la Tunisie, plusieurs divisions sont réunies à Marseille et Toulon dans des conditions sanitaires pour le moins mauvaises. Bilan : Plus de 800 décès et 5 000 malades ! Rappelons enfin que jusqu’en 1910, les armées françaises comptent plus de vétérinaires pour soigner les chevaux que de médecins pour soigner les soldats. À la veille de la Première Guerre mondiale, 700 praticiens aux armées manquent toujours à l’appel.

    Face à ce « désastre », quelles mesures d’auto-protection va mettre en œuvre le pouvoir colonial pour « protéger » ses forces coloniales ?


    Une telle situation est à l’origine de la mobilisation individuelle et collective des médecins qui vont batailler pour imposer de nouvelles règles d’hygiène dans un contexte où, si l’on connaît les mécanismes de transmission de certaines maladies, comme le paludisme par exemple, nul ne sait comment le soigner. Faute de guérir, il faut donc prévenir de toute urgence, en multipliant les prescriptions relatives à l’alimentation, au logement des soldats et aux casernes, aux vêtements et à l’organisation des opérations militaires elles-mêmes. Enfin, dans le cadre d’une division raciale du travail élaborée par les médecins, entre autres, les forces armées dans les colonies vont recourir à de nombreux soldats « indigènes » pour assumer les tâches les plus rudes : travaux du génie, notamment, afin de préserver la santé des militaires français et leur efficacité lors des combats.


    Au-delà des troupes appelées à servir en outre-mer, ces mesures préventives concernent aussi la société coloniale dans son ensemble. Elle est traitée comme un vaste corps physique, sexuel, économique, social, urbain et politique, qu’il faut protéger d’un environnement naturel et humain jugé extrêmement dangereux sur le plan sanitaire. Chaque partie de ce vaste organisme, indispensable à sa vie comme à son développement – hommes, femmes, voies de circulation, maisons, cimetières, quartiers d’habitation –, doit obéir aux « lois de l’hygiène » pour bénéficier ainsi d’une sécurité sanitaire optimale et indispensable au succès de la colonisation. Comme l’écrivent de nombreux médecins, « l’indigène est un réservoir à virus », et il faut donc s’en éloigner pour se protéger des nombreuses maladies qu’il est susceptible de transmettre.


    De telles conceptions sont au fondement de nombreuses prescriptions. Elles concernent les relations sexuelles interraciales, par exemple, qui sont alors proscrites afin de protéger « l’homme blanc » des maladies vénériennes. Ces prescriptions sont également au principe de l’organisation ségréguée des principales villes coloniales qui doivent comprendre des quartiers européens et des quartiers « indigènes » nettement séparés. En matière d’urbanisme, les enjeux sont également sécuritaires – assurer au mieux la protection des biens et des personnes des Européens – et politiques – inscrire dans l’organisation même de la ville l’ordre colonial comme ordre colonial hiérarchisé au sommet duquel se trouve le Blanc. Là encore, les pratiques coloniales de la Grande-Bretagne ont été autant de modèles pour les hygiénistes et les urbanistes français. Enfin, et pour des motifs identiques, cette ségrégation s’étend aussi aux hôpitaux construits en outre-mer.

    Dans la continuité d’un de tes ­ouvrages précédent, Coloniser, Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial (2), tu reviens sur les violences faites aux « indigènes », mais moins en termes d’affrontements, de barbarie militaires, que de « vie quotidienne », notamment dans le cadre de la division raciste du travail. Quelques illustrations ?


    En ce qui concerne les modalités de l’exploitation coloniale, l’analyse précise des conceptions et des pratiques révèle des violences extraordinaires liées aux méthodes employées. Je pense en particulier au travail forcé imposé à l’ensemble des populations civiles du Congo français. L’exemple alors célèbre est celui de la construction de la ligne de chemin de fer destinée à relier Brazzaville à Pointe-Noire sur la côte atlantique. 17 000 morts « indigènes » lors de la construction des 140 premiers kilomètres et des taux de mortalité de 57 % dans certains camps de travail établis pour réunir la main-d’œuvre indispensable à la réalisation de ce chantier.

    Je précise que ce dernier chiffre est celui qui a été rendu public par le ministre des Colonies de l’époque, André Maginot. Quant à l’entreprise chargée de cette « glorieuse » construction, il s’agit de la Société de construction des Batignolles, connue aujourd’hui sous le nom de Spie-Batignolles, l’un des plus grands groupes du BTP français. Il y a peu, l’un des anciens PDG, Jean Monville, vantait encore les réalisations remarquables de son entreprise lors de « l’aventure outre-mer »...

    Dans la conclusion, tu évoques largement le livre de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. En quoi illustre-t-il ton propos ?

    Ce texte de Conrad est à l’époque connu de tous ceux qui s’intéressent aux colonies. Ce n’est pas un hasard si André Gide dédie son livre Retour du Congo à cet écrivain. Avant beaucoup d’autres, Conrad a découvert l’extraordinaire brutalité quotidienne de l’exploitation coloniale, le mépris raciste qui la légitime et les conséquences dramatiques de cette exploitation : des morts par dizaines de milliers, des régions entières abandonnées par leurs habitants autochtones qui fuient les réquisitions, les déportations et le travail forcé.

    Contrairement à beaucoup de ses contemporains, Conrad n’euphémise pas ces pratiques. Au contraire, grâce à une investigation littéraire, il les dévoile avec une précision remarquable. À l’heure où, en France, sévit de nouveau un révisionnisme colonial allègre, Au cœur des ténèbres rappelle utilement ce passé meurtrier.

    Propos recueillis par Robert Pelletier
    1 – Fayard, 2014, 23 euros
    2 – Fayard, 2005, 22 euros

    «  Les Blancs ne communiquent avec les Noirs ou les Jaunes que pour les asservir ou les massacrer. Les peuples que nous appelons barbares ne nous connaissent encore que par nos crimes. (…) allons-nous armer sans cesse contre nous en Afrique, en Asie, d’inextinguibles colères et des haines insatiables et nous préparer pour un avenir lointain sans doute, mais assuré, des millions d’ennemis ? »

    Anatole France (1906), mis en exergue dans la conclusion d’un précédent ouvrage d’Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial.

  • Veni, Vidi... Vinci (Npa)

    Une plainte déposée par une ONG (l’association Sherpa pour la défense des populations victimes des crimes économiques) et la Fédération CGT de la construction vise les activités du groupe de BTP français Vinci au Qatar. Sa filiale QDVC emploie directement 3 000 salariés et 6 000 dans des entreprises sous-traitantes. « Les enquêtes menées sur place concluent à l’utilisation par ces entreprises de menaces diverses pour contraindre une population vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement indignes et à une rémunération dérisoire », dénoncent Sherpa et la CGT.

    Si footballeurs et spectateurs vont éviter l’été qatari, ce n’est pas le cas des milliers de travailleurs migrants employés sur les chantiers du Mondial 2022. La durée maximale hebdo du travail au Qatar est en principe de 60 heures mais peut atteindre 66 heures, et le salaire mensuel sur les chantiers est de 700 ryals, soit 176 dollars. Les ouvriers sont souvent maintenus dans une situation de servitude, contraints de vivre et travailler dans des conditions terribles sans possibilité de protester ni de partir, puisque leurs passeports sont confisqués d’entrée par les employeurs. Sherpa et la CGT ont mené une enquête de terrain, difficile, car les migrants sont terrorisés par le risque de représailles s’ils témoignent.


    Cette plainte est déposée alors que, le 30 mars, l’Assemblée a commencé à examiner la nouvelle mouture de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales vis-à-vis des activités de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger. Ce texte a été considérablement édulcoré par rapport au projet initial : il ne prévoit plus qu’une amende relativement modeste et rend l’imputation de la responsabilité beaucoup plus difficile. Et pourtant, Gattaz et le Medef sont frontalement contre. Une nouvelle leçon de choses : comme en matière fiscale, les patrons préfèrent l’ombre à la lumière, et veulent pouvoir exploiter en paix.

    http://npa2009.org/actualite/veni-vidi-vinci

  • Contre DAESH et Al-Assad (Lcr.be)

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    Appel urgent à la solidarité internationale avec les populations syrienne et kurde

    La situation en Syrie reste dramatique. Le pouvoir dictatorial continue à massacrer son peuple sans gêne, les groupes terroristes djihadistes continuent à semer la mort là où ils passent. Quant aux populations civiles, tant syrienne que kurde, piégées entre ces groupements d’hommes armés, elles sont condamnées à payer un lourd tribu pour avoir réclamé la liberté et la justice sociale.

    La solidarité internationale tarde à se manifester.

    Le bilan de la dernière attaque des escadrons de la mort de l’Etat islamique (DAESH) les 30 et 31 mars dernier contre le village de Maboujah, dans la banlieue est de Salmyah à Hama, fait état d’une cinquantaine de morts dont des femmes et des enfants et de dizaines de blessés.

    Les groupes terroristes ont attaqué le petit village de plusieurs endroits et se sont acharnés sur les humbles citoyens laissés pour compte. Ils ont exécuté plusieurs personnes sur-le-champ, dont certaines battues à mort ou brûlées vives, avant de se livrer au pillage de dizaines d’habitations, mettant le feu à plusieurs autres. Ils ont ensuite emporté plusieurs femmes avec eux.

    Les populations des villes et villages rebelles vivent toujours sous la menace des incursions des groupes terroristes ou des bombardements aveugles du régime sur des quartiers d’habitation. Ces jours-ci elles redoutent que le scénario de Maboujah ne se reproduise à Salmyah. Déjà le mois de mars dernier les groupes terroristes ont attaqué la localité d’al-Qanafez dans la banlieue est de Salmyah ; cette incursion s’est soldée par plusieurs morts et blessés.

    Après quatre années du déclenchement de la révolution syrienne, l’on comptabilise 215 518 morts dont le tiers sont des civils parmi lesquels plus de 10 000 enfants . Il y a plus de 3 millions de réfugiés et presque un tiers de la population totale (soit plus de 6,5 millions de personnes) est déplacée dans son propre pays. Les réfugiés syriens survivent dans des conditions très précaires et manquent de tout. Ceux qui ont réussi à atteindre le continent européen sont confrontés à des obstacles énormes pour obtenir l’asile et la protection quand ils ne sont pas contraints au retour forcé, et leur situation dans les pays voisins (Liban, Egypte…) n’est pas meilleure.

    Les puissances internationales et leurs alliés dans la région sont scandaleusement engagés aux côtés du régime dictatorial d’Al Assad, ou dans les meilleurs des cas sont en train de chercher une « sortie politique » dont Assad et son régime feraient partie, alors que leurs armes parviennent facilement entre les mains des divers groupes terroristes qu’ils entendent combattre ! Ces dernières semaines, tout le monde en est bien informé, les puissances impérialistes et leurs alliés dans la régions s’inquiètent plus de la situation au Yémen et de la « montée en puissance » des houthis plus que de l’expansion de DAESH qui a mis sous son contrôle des pans entiers des territoires syrien et irakien, réduit en esclavage des milliers de personnes, surtout des femmes, et menace d’égorger d’autres populations.

    Suite au massacre terrible dans la village de Maboujah, des militants révolutionnaires et des activistes de la banlieue et la ville de Salmyah qui craignent pour leur sécurité et celle de leurs familles ont lancé un appel à toutes les forces progressistes pour qu’ils affirment leur solidarité et leur soutien au peuple syrien et à ses aspirations justes.

    Plus que jamais, les militant.e.s et les organisations révolutionnaires et progressistes et les peuples du monde entier doivent affirmer leur solidarité avec la lutte et la résistance des masses populaires syriennes qui se sont soulevées pour la dignité, la liberté et la justice sociale. Seule la solidarité internationale peut aider à relancer le processus révolutionnaire.

    Nous appelons à construire cette solidarité afin de consolider la lutte contre le régime dictatorial d’Al-Assad et ses alliés dans la région et ailleurs et contre les groupes djihadistes obscurantistes jusqu’à leur démantèlement.

    A bas le régime dictatorial !

    A bas les groupes djihadistes terroristes ennemis de l’émancipation de peuples.

    Oui à toutes les formes d’aide pour l’auto-organisation et l’autodéfense des masses populaires syriennes !

    Oui à toutes les formes d’aide et de solidarité pour la relance du processus révolutionnaire !

    Vive la solidarité internationale !

    Le secrétariat national de la LCR-SAP

    —————————-

    L’Association Solidarité Syrie (association enregistrée en France) a pour objectif d’apporter son aide au Courant de la Gauche Révolutionnaire.

    Coordonnées du compte de l’association:
    SOLIDARITE SYRIE
    LIEU DIT LA VOLINIERE
    27270 ST AUBIN DU THENNEY FRANCE
    CAISSE D’EPARGNE NORMANDIE
    c/ETABL.: 11425
    c/Guichet: 00900
    n/compte:08000936276
    c/Rib: 67
    BIC / CEPARFPP142
    FR76 1142 5009 0008 0009 3627 667

    http://www.lcr-lagauche.org/contre-daesh-et-al-assad-appel-urgent-a-la-solidarite-internationale-avec-les-populations-syrienne-et-kurde/

     

     

     

  • Nouveautés sur Association France palestine Solidarité

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  • Au Yémen, un enchevêtrement de conflits et d’ambitions géopolitiques (Orient 21)

    L’Arabie saoudite et l’Iran face à face

    Le sommet arabe du Caire a décidé la création d’une force commune destinée, même si cela n’est pas clairement affirmé, à faire face à la montée en puissance de l’Iran – plus qu’à celle de l’Organisation de l’Etat islamique. L’intervention de l’Arabie saoudite et de ses alliés au Yémen répond à la même préoccupation, alors même que Téhéran négocie sur son programme nucléaire et que l’issue de ces pourparlers aura des conséquences majeures sur les relations régionales.

    Dans la nuit du 25 au 26 mars, l’Arabie saoudite a lancé l’opération «  Tempête décisive  » au Yémen et entamé le bombardement des positions des milices houthistes qui s’étaient emparées de la capitale Sanaa, avaient renversé le président Abd Rabbo Mansour Hadi et progressaient vers le sud et le grand port d’Aden. Dix pays participent, plus ou moins intensément et plus ou moins directement à la coalition qui s’est mise en place sous l’égide de Riyad : cinq des six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) (en plus de l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et à l’exception d’Oman), auxquels il faut ajouter l’Égypte, le Maroc, la Jordanie, le Soudan et le Pakistan.

    Cette coalition a obtenu le soutien des États-Unis  ; la porte-parole du Conseil national de sécurité a déclaré que le président Barack Obama «  avait autorisé la fourniture de soutien logistique et de renseignement pour appuyer les opérations militaires du CCG  »1. Une cellule commune de planification avec l’Arabie saoudite a été mise en place. Pourtant, si l’on en croit Jamal Khashogji, un journaliste saoudien très introduit dans les cercles dirigeants de son pays, selon un article intitulé «  The Salman principle  » (La doctrine Salman), Riyad aurait mis Washington devant un fait accompli : «  Nous avons décidé d’intervenir au Yémen, auraient dit les responsables saoudiens en substance. Etes-vous avec nous ou non  ?  ». Si cela était confirmé, ce serait un changement important dans la politique saoudienne qui reste pourtant toujours très dépendante des États-Unis, y compris en termes militaires.

    Le Pakistan, tout en assurant sa détermination à assurer la sécurité et l’intégrité territoriale du royaume wahhabite a exprimé quelques réserves. Intervenant devant le Parlement, le ministre de la défense Khawaja Asif a déclaré : «  Nous ne participerons à aucun conflit qui provoquerait des différences entre pays musulmans, aggravant les lignes de fracture qui sont aussi présentes chez nous et dont nous devrons supporter les conséquences  », faisant ainsi allusion aux tensions persistantes entre la minorité chiite et la majorité sunnite2.

    Chiites contre sunnites  ?

    Cette référence aux divisions confessionnelles conforte tous ceux qui lisent l’affrontement actuel à travers le prisme d’un choc entre sunnisme et chiisme, dont l’antagonisme remonterait aux origines même de l’islam, aux guerres de succession après la mort du prophète Mohammed en 632. C’est cette vision qu’illustre une carte du Monde publiée le 27 mars. Tous les clichés abstraits et a-historiques ressortent dans nombre de commentaires — affrontement millénaire, haines inextinguibles, querelles théologiques — pour expliquer les événements, au détriment des analyses politiques et géopolitiques.

    Toute la difficulté de dépasser la lecture confessionnelle et de déceler les enjeux de pouvoir qui structurent réellement les conflits de la région provient du fait que les acteurs engagés sur le terrain donnent eux-mêmes du crédit à l’opposition sunnite-chiite et agissent en conséquence. La lecture confessionnelle conduit à une simplification objective de la confrontation et écrase la complexité dans l’esprit des analystes que nous sommes comme dans celui des combattants.

    Les houthistes, nous explique-t-on, sont des chiites et leur progression indisposerait le puissant voisin saoudien. Pourtant, en septembre 1962, quand un coup d’État républicain mit fin à l’imamat millénaire zaydite installé à Sanaa, une longue guerre civile s’ensuivit. Et Riyad appuya, finança, arma les tribus zaydites que l’on qualifie aujourd’hui de «  chiites  ». Les zaydites sont une branche de l’islam rattachée au chiisme  ; contrairement aux chiites iraniens, ils ne reconnaissent que cinq imams et non douze. Longtemps considérés comme «  modérés  » — dans leurs mosquées, ils prient fréquemment aux côtés des sunnites —, ils ont subi ces dernières années l’influence de Téhéran.

    Mais, comme le reconnaît Simon Henderson, un analyste appartenant à un think tank américain dépendant du puissant lobby pro-israélien, et peu susceptible de sympathie envers les mollahs : «  Nous ne connaissons pas l’ampleur du soutien de l’Iran aux houthistes — et nous ne savons pas si les Iraniens considèrent leur prise de pouvoir comme un objectif stratégique majeur ou une conséquence d’événements fortuits.  » Et la déclaration d’un député iranien l’an dernier affirmant que trois capitales arabes — Damas, Bagdad et Beyrouth — étaient déjà sous contrôle de Téhéran n’a pas suffi pour y voir un grand dessein iranien3. D’ailleurs, dans les années 2000, durant les présidences de Hachemi Rafsandjani (1989-1997) et Mohammad Khatami, (1997-2005), un rapprochement s’était produit entre Téhéran et Riyad.

    Quatre forces sur le terrain

    Le Yémen ne saurait être réduit à une grille d’analyse confessionnelle. D’abord, il fait partie des quatre pays où le «  printemps arabe  » a débouché sur le départ du président, après une longue lutte marquée par des affrontements armés, mais aussi par un rôle actif de la jeunesse qui n’a pas renoncé à cette place, même si la militarisation des affrontements entre élites l’affaiblit. Au moins quatre forces occupent le terrain au gré d’alliances instables :

    - en premier lieu, l’ancien président Ali Abdallah Saleh, auquel une partie importante de l’armée est restée fidèle. Il est aussi zaydite, mais il s’est opposé pendant de nombreuses années aux houthistes  ;

    - les houthistes, entre 2004 et 2009. Saleh les a longtemps combattus (en s’appuyant alors sur les islamistes sunnites) avant de s’allier à eux en espérant regagner son pouvoir. Leur alliance paraît fragile et le Congrès général populaire de l’ancien président a critiqué leur offensive contre le sud  ;

    - les sudistes, qui regrettent leur indépendance du temps de la République démocratie et populaire du Yémen (RPDY), le Yémen du Sud. Depuis l’unification des deux Yémen en 1990, ils se sont plusieurs fois soulevés contre l’autorité centrale et réclament à nouveau l’indépendance. Alliés de circonstance aujourd’hui à Hadi et au parti Al-Islah proche des Frères musulmans dans leur combat contre les houthistes, ils n’oublient pas que ces deux derniers ont mené une répression violente contre eux, notamment en 1994  ;

    - enfin, Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), la seule filiale d’Al-Qaida disposant d’une base territoriale. Elle s’oppose certes aux houthistes, mais n’a aucune sympathie pour le président Saleh ni pour l’Arabie saoudite où elle est implantée et poursuit son action clandestine et ses attentats. Pour sa part, l’organisation de l’État islamique (OEI) a revendiqué sa première action au Yémen, un attentat dans une mosquée de Sanaa qui a fait environ 150 morts le 20 mars dernier. Mais ces développements ne semblent pas inquiéter la coalition créée par l’Arabie saoudite.

    L’implication de Riyad

    L’enjeu de cette guerre dépasse bien évidemment le Yémen, qui n’est qu’un des fronts dans une région qui sombre dans le chaos et se décompose sous les coups de boutoir des interventions étrangères, des régimes dictatoriaux agrippés au pouvoir et des milices non-étatiques.

    L’une des interrogations porte sur le sens de l’implication saoudienne. La monarchie prétend aligner une centaine d’avions de combats et aurait massé 150 000 soldats sur sa frontière avec le Yémen : un déploiement impressionnant. S’agit-il de montrer que, face à l’Iran et alors que les États-Unis se désengagent en partie, le pays veut reconquérir un rôle central dans toute la région  ?

    Cette mobilisation marque-t-elle un infléchissement politique impulsé par le nouveau roi Salman et les jeunes princes qui l’entourent  ? C’est ce que pense Nawaf Obeid, un intellectuel saoudien proche du pouvoir : «  La nouvelle direction saoudienne, organisée autour de jeunes princes dynamiques et de technocrates, développe une doctrine de politique étrangère pour relever les défis lancés par les tensions régionales. Cette doctrine est fondée sur la légitimité de la monarchie et le rôle central du royaume pour le monde musulman. Comme gardienne des deux Lieux saints de La Mecque et Médine, l’Arabie est dans une position unique pour s’élever au-dessus de la mêlée de la dernière décennie et de combler les divisions entre les principaux pays sunnites  »4.

    Pourtant, l’armée saoudienne a-t-elle les moyens de cette stratégie  ? Elle a déjà subi une défaite face aux milices houthistes, pourtant mal armées mais en pleine maitrise de leur territoire, en 2009. Peut-elle engager des troupes au sol, au risque de l’enlisement de ses soldats, et cela malgré le soutien du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, qui semble oublier que le Yémen fut un Vietnam pour l’armée égyptienne entre 1962 et 1967  ? De nombreux commentateurs égyptiens s’interrogent sur la durée d’une telle intervention et sur ses buts politiques5.

    Car si les cartes sont en partie rebattues dans la région, l’alliance dite «  sunnite  » n’est pas sans fissures et «  le danger perse  » n’est pas suffisant pour colmater toutes les brèches. L’Arabie saoudite semble un peu plus conciliante qu’en 2014 à l’égard des Frères musulmans, s’est rapprochée du Qatar et de la Turquie, alors que cette dernière est régulièrement dénoncés par Le Caire. Même les organisations islamistes semblent en partie réservées par rapport à une intervention qui divise le monde musulman. Le Front salafiste égyptien, dont la figure de proue est le cheikh charismatique Abou Ismaïl (aujourd’hui en prison), analyse le conflit comme «  un affrontement entre l’Occident et l’islam  », dans lequel «  les régimes arabes qui appuient la cause américano-sioniste cherchent à mettre en échec les soulèvements des peuples arabes  ». Tout en stigmatisant le «  complot iranien  », il a condamné les bombardements saoudiens, rappelant qu’aucune coalition ne s’était créée pour sauver les musulmans de Syrie et d’Irak6. Quant aux Frères musulmans égyptiens, tout en soutenant Riyad qui prétend vouloir rétablir «  le pouvoir légitime  » au Yémen, ils ont beau jeu de rappeler que ce même pouvoir légitime au Caire est celui de Mohamed Morsi.

    L’enjeu des négociations sur le nucléaire

    On ne saurait négliger l’importance géopolitique du Yémen. Le pays contrôle l’entrée de la mer Rouge (vers le canal de Suez) et le détroit de Bab El-Mandeb, certes moins important que celui d’Ormuz, mais par lequel passe une partie du pétrole et du gaz à destination de l’Europe. D’autre part, depuis le 11-Septembre, le Yémen est un maillon central de la «  guerre contre le terrorisme  » et des forces spéciales américaines y étaient stationnées, coordonnant les actions contre AQPA (notamment les tirs de drones). Or, les États-Unis viennent d’évacuer leur base d’Al-Anad suite à l’avancée des houthistes vers Aden. Et AQPA et Américains se retrouvent côté à côté dans le combat contre les houthistes.

    Washington est confronté à un dilemme similaire en Irak, alors que les milices chiites encadrées et entraînées par Téhéran mènent l’offensive contre l’OEI. Lors de l’offensive en cours des troupes de Bagdad contre la ville de Tikrit contrôlée par cette dernière, les États-Unis ont conditionné leur aide aérienne au retrait des conseillers iraniens.

    À la veille de la conclusion des négociations sur le nucléaire iranien, l’Arabie saoudite a renforcé sa main. Quelle que soit l’issue, il s’agit d’affirmer sa place face à Téhéran et de se préparer aux deux scénarios : un accord et le réintégration de l’Iran dans le jeu régional par les Occidentaux  ; un échec avec toutes les escalades militaires envisageables.

    Alain Gresh
     
  • Vu d’Algérie. Désormais, “être arabe, c’est être sunnite et contre l’Iran” (Courrier Inter)

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    La Ligue arabe a approuvé, le 28 mars, la création d’une force arabe de défense et décidé de soutenir la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite qui mène une offensive au Yémen contre les milices houthistes. L’arabité est ainsi assimilée au sunnisme, déplore le quotidien Liberté.

    Le monde arabo-musulman du Moyen-Orient est entré en guerre avec lui-même. Déjà précarisée par le conflit israélo-palestinien, la déstabilisation de l’Irak et de la Syrie, la fragilité du Liban, le terrorisme latent en Egypte et la révolte sourde à Bahreïn, la région est entrée dans un état d’instabilité sécuritaire qui devrait se prolonger. A force d’être manipulées, les contradictions confessionnelles, jusqu’ici étouffées par la force, se sont réveillées.

    Composé de dictatures résiduelles, dans un univers converti à la démocratie et régnant sur des Etats aux frontières artificiellement délimitées par les anciennes puissances occupantes, le monde “arabe”, dans sa partie orientale, endure de récurrentes contestations ethniques, territoriales ou confessionnelles.

    Une “guerre mondiale arabe”

    Pour des besoins de stratégie, l’arabité est ici assimilée au sunnisme. Une identité ethnoculturelle est apparentée à une doctrine religieuse. Et, par glissement, l’on plonge dans une confrontation stratégique entre “monde arabe” et Iran. Etre arabe, c’est être sunnite, du côté du roi de Riyad et contre l’ayatollah de Téhéran : voici la fatalité de notre “identité”, “constante” et irrécusable, paraît-il, celle que nos dirigeants nous ont imposée, si ce n’était cet argument [inscrit dans la Constitution] de non-intervention de l’ANP [Armée nationale populaire algérienne] à l’extérieur de nos frontières !

    Sans sous-estimer l’hégémonisme iranien et l’usage belliqueux qu’il fait de ses têtes de pont confessionnelles, le constat s’impose : toute une “guerre mondiale arabe” pour défendre un régime (yéménite) et un autre (saoudien) qui risque de pâtir de la chute du premier ! L’“unité arabe” n’est sollicitée que pour la défense de régimes politiques menacés. Car, enfin, ce n’est pas la question de la légitimité de leurs pairs qui étouffe les dictateurs “arabes” ! Et les troupes iraniennes n’ont pas envahi le Yémen.

    Modèles politiques les plus rétrogrades

    Quand il s’est agi de contenir l’offensive brutale de Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique (EI)], les Arabes y sont allés en traînant la patte, contraints et forcés par leurs alliés occidentaux. Quant à Al-Qaida en Syrie, le Qatar et l’Arabie Saoudite ont préféré d’abord l’armer et la financer ! Est-ce le “sunnisme” de ces armées terroristes qui en fait des entités tolérables pour les dirigeants arabes ?

    Etrange que même le conflit “israélo-arabe”, comme on l’appelait jadis avant d’abandonner les Palestiniens à “leur” cause, n’ait jamais suscité l’idée d’une armée “arabe” qu’un soulèvement d’une tribu yéménite – arabe – a inspirée !

    Est-ce pour hériter de telles causes – comme le confort politique et sécuritaire des Al-Saoud [famille régnante en Arabie Saoudite] – que nos dirigeants ont voulu, avant notre indépendance, nous imposer cette parenté identitaire ? Est-ce pour nous détourner des idéaux de liberté et de développement qu’ils nous ont amarrés aux modèles politiques les plus rétrogrades et les plus anachroniques des temps modernes ?

    http://www.courrierinternational.com/article/vu-dalgerie-desormais-etre-arabe-cest-etre-sunnite-et-contre-liran

  • Stop la guerre!

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    Yémen. Six enfants comptent parmi les dizaines de victimes des frappes aériennes lancées par l’Arabie saoudite (Amnesty)

     

    Au moins six enfants âgés de moins de 10 ans figurent parmi les 25 victimes des frappes aériennes menées par l’Arabie saoudite contre la capitale yéménite Sanaa dans la matinée du 26 mars, a déclaré Amnesty International après s’être entretenue avec des responsables hospitaliers et des témoins.

    L’organisation s’est en effet entretenue avec du personnel médical de quatre hôpitaux différents, où les corps ont été conduits après avoir été extraits des décombres de 14 maisons touchées par les raids aériens, dans un quartier d’habitation près de l’aéroport international de Sanaa. Les autres victimes étaient des hommes, pour la plupart âgés de 30 à 50 ans.

    On pense que d’autres personnes sont encore ensevelies sous les décombres et au moins 20 blessés, dont quatre femmes, ont été admis à l’hôpital, présentant surtout des blessures par éclats d’obus.Ce lourd bilan de victimes civiles touchées par ces raids pose des questions quant au respect des règles du droit international humanitaire. Toutes les forces armées, notamment saoudiennes, qui procèdent à des frappes aériennes au Yémen doivent prendre toutes les précautions nécessaires en vue d’épargner les civils.

    Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International

    « Cela suppose de vérifier que les cibles sont réellement des objectifs militaires et d’avertir les civils à l’avance lorsque les circonstances le permettent.

    « Les groupes armés houthis et les forces armées yéménites sont également tenus, au titre du droit international humanitaire, de protéger contre les conséquences des attaques les civils se trouvant dans les zones qu’ils contrôlent, notamment en évitant dans la mesure du possible d’installer leurs combattants et leurs armements dans des zones résidentielles », a déclaré Said Boumedouha.

    Étant donné le bilan des victimes civiles, l’Arabie saoudite et les États impliqués dans ces frappes aériennes doivent enquêter afin d’établir s’il y a eu violation du droit international humanitaire. Si des éléments de preuve indiquent que des crimes de guerre ont été commis, les suspects doivent être poursuivis dans le cadre de procès équitables.

    Des responsables du ministère de la Santé du Yémen ont indiqué jeudi 26 mars que les raids aériens avaient fait 25 morts et une quarantaine de blessés. On ignore encore si des combattants figurent parmi les victimes.

    Selon un urgentiste qui a été témoin des événements, la frappe aérienne près de l’aéroport a eu lieu peu avant 3 heures du matin (heure locale), dans le quartier résidentiel de Beni Hawat. Les groupes armés houthis avaient semble-t-il installé un poste de contrôle à 100 mètres de là, et contrôlaient la base d’al Daïlami à 500 mètres environ.

    Les responsables saoudiens ont déclaré le 26 mars qu’ils avaient détruit « toutes les défenses aériennes des Houthis » sur la base d’al Daïlami, attenante à l’aéroport international de Sanaa.

    Beni Hawat est l’un des sites aux alentours de la ville qui ont été frappés par les raids aériens dans la nuit. L’Arabie saoudite a annoncé qu’elle lançait une intervention militaire dans le cadre d’une coalition de 10 pays, notamment de cinq États du Conseil de coopération du Golfe, contre les groupes armés houthistes. Le gouvernement américain a annoncé le 26 mars qu’il allait fournir « un soutien en logistique et en renseignement » à la coalition ; d’autres gouvernements, notamment ceux du Royaume-Uni et de la Turquie, ont approuvé cette initiative. 26 mars 2015, 17:05

    https://www.amnesty.org/fr/articles/news/2015/03/yemen-six-children-killed-in-saudi-arabian-airstrikes/

  • Assad et Daesh unis contre les Palestiniens de Damas (Rue 89)

     

    Le camp palestinien de Yarmouk, dans la banlieue sud de Damas, comptait au moins 100 000 résidents au début de la crise syrienne.

    Les différentes factions palestiniennes sont parvenues à le préserver durant plus d’un an de l’escalade militaire qui gagnait peu à peu le reste de la capitale. Mais le bombardement aérien du camp par l’aviation d’Assad en décembre 2012, officiellement « par erreur », a précipité Yarmouk dans l’horreur du conflit.

    Depuis juillet 2013, l’armée syrienne et les milices chiites qui lui sont alliées (Hezbollah libanais et mercenaires irakiens) ont imposé à Yarmouk un siège d’une extrême sévérité. La population du camp est tombée en-dessous de 20 000 personnes, dont les ressources se sont épuisées avec la poursuite du blocus. Les premiers cas de morts de faim ont été rapportés en décembre 2013.

    Les organisations humanitaires estiment aujourd’hui qu’au moins 166 personnes ont péri de la faim à Yarmouk. Ce chiffre ne prend pas en compte les civils abattus par les snipers du régime lors de leur quête désespérée de nourriture, ni les victimes de séquelles désormais irréversibles d’une sous-alimentation prolongée. Les appels répétés de l’ONU, formellement responsable de ce camp de réfugiés, n’ont débouché que sur des distributions ponctuelles d’aide humanitaire, et non sur la levée d’un blocus aussi meurtrier.

    « On aura Bachar et les djihadistes »

    J’écrivais en décembre 2013, à propos de Yarmouk, que « à jouer Bachar contre les djihadistes, on aura Bachar et les djihadistes ».

    Cette sinistre prédiction s’est réalisée avec l’offensive éclair menée par les djihadistes de Daesh, le 1er avril 2015, qui leur a permis d’occuper la plus grande partie du camp de Yarmouk. Il est impossible que les partisans de Baghdadi, absents de Yarmouk comme de la banlieue de Damas, aient pu ainsi investir un camp hermétiquement assiégé sans une complicité active du régime Assad.

    Le despote syrien, dont le machiavélisme force l’admiration de certains, fait ainsi d’une pierre deux coups : il escompte briser par le truchement de Daesh la résistance de Yarmouk, inébranlable malgré les terribles souffrances de la population ; il met en scène la menace djihadiste à quelques kilomètres du centre de Damas, afin de se poser une fois encore comme moindre mal face à ce péril, alors même que, dans le nord-ouest de la Syrie et à la frontière jordanienne, il vient d’essuyer de très sérieux revers militaires.

    Aux dépens des forces révolutionnaires

    On ne répètera jamais assez que les territoires conquis par Daesh l’ont été aux dépens des forces révolutionnaires, et non du régime Assad. Ce qui était déjà vrai dans le reste de la Syrie l’est aussi à Yarmouk de manière tragiquement caricaturale : la contre-offensive menée par les factions palestiniennes et révolutionnaires contre Daesh, depuis le 2 avril 2015 à Yarmouk, est en effet la cible des pilonnages du régime Assad et des attaques de ses supplétifs.

    Assad et Daesh ne sont que les deux faces du même monstre. Les activistes syriens le martèlent sur tous les tons, sans jamais négliger l’arme de l’humour. Le camp de Yarmouk, bombardé, affamé, mais toujours insoumis, est dorénavant livré par Assad à la terreur djihadiste. Le silence qui entoure une telle barbarie en dit long sur le monde dans lequel nous vivons.

    Face à cette culture de mort, à ce culte de la mort, qui sont partagés par Assad et Daesh, les habitants de Yarmouk opposent leur volonté de vivre, envers et contre tout. Cela s’appelle la résistance, celle du pianiste Ayham Ahmed, toujours assiégé dans Yarmouk, celle des frères Mohammed et Yasser Jamous, rappeurs désormais réfugiés en France.

    N’abandonnons pas Yarmouk une fois de plus à ses bourreaux.

    Jean-Pierre Filiu
    Universitaire
    Publié le 04/04/2015 à 11h37