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  • Paris

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  • Qatar : des organisations internationales dénoncent une économie d’esclavage moderne (Bastamag))

    « Je suis suivi par la police. On dirait qu’ils vont nous faire des problèmes. »

    C’est le dernier message envoyé le 31 août depuis le Qatar par Krishna Upadhyaya et Ghimire Gundev, deux militants britanniques des droits humains. Depuis, ils n’ont plus donné de nouvelles. Les autorités qataries ont révélé le 7 septembre qu’ils étaient retenus prisonniers et interrogés pour avoir “violé les lois” de l’émirat [1]. Les deux hommes travaillent pour l’organisation norvégienne Global Network for Rights and Development (GNRD). Ils se sont rendus au Qatar pour rencontrer des travailleurs népalais et documenter la situation des travailleurs migrants sur les chantiers de la Coupe du monde de football 2022.

    L’organisation Global Network for Rights and Development (GNRD) a lancé aux côtés de la Confédération syndicale internationale (CSI), de la fondation pour la défense des droits de l’homme Front line defenders et de l’ONG contre l’esclavage moderne Anti slavery international une action pour demander la libération des deux militants.

    1,4 million de migrants travaillent dans le petit émirat du Qatar.

    Ils constituent la majorité de la population du pays, mais n’ont pratiquement aucun droit. « Les travailleurs étrangers sont presque réduits en esclavage – totalement soumis au pouvoir de leurs employeurs qui détiennent un contrôle total sur les salaires et les conditions d’emploi, ont le pouvoir d’attribuer les permis de résidence (ne pas en avoir peut conduire en prison) et peuvent refuser au travailleur un changement d’emploi, ou même un visa de sortie pour pouvoir quitter le pays », résumait la Confédération syndicale internationale dans un rapport au printemps dernier.

    Plus d’un millier d’ouvriers sont déjà morts sur les chantiers du Qatar depuis que l’émirat s’est vu attribuer l’organisation du mondial, en 2010. La plupart ont péri d’accidents du travail ou de crise cardiaque (Voir notre enquête "Coupe du monde : Bouygues et Vinci s’installent au Qatar, un pays qui recourt massivement au travail forcé").

    « À chacun de nos voyages au Qatar, les gens ont de plus en plus peur de parler »

    Suite aux rapports accablants de la CSI et d’Amnesty sur cette situation, le Qatar avait promis des améliorations en juin. L’arrestation des deux militants laisse présager du contraire. « Le Qatar semble penser que créer un climat de peur et d’intimidation va détourner l’attention du monde de son économie d’esclavage moderne, a réagi Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI après l’annonce de la disparition des deux hommes. Des centaines de travailleurs migrants, dont beaucoup de femmes, sont en train de dépérir dans les centres de détention de Doha tout simplement pour avoir voulu échapper à des employeurs violents et abusifs. Des journalistes étrangers ont été détenus pour avoir essayer de montrer la vérité, et la répression d’état s’accentue dans un pays qui n’a montré jusqu’à maintenant aucun respect pour les droits humains et les standards légaux de base. »

    En juin, Gemma Swart, de la CSI, témoignait déjà d’une pression grandissante sur les travailleurs migrants depuis les révélations toujours plus précises sur leurs terribles conditions de vie et de travail. « À chacun de nos voyages au Qatar, les gens ont de plus en plus peur de parler » , nous disait-t-elle. Manifestement, l’émirat veut aussi intensifier la pression sur les organisations qui luttent pour les droits de l’homme et des travailleurs. Sans réaction de la part de la Fifa.

    Rachel Knaebel 8 septembre 2014

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  • Nouveautés sur "Agence Médias Palestine"

     
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  • Rencontre avec Georges Ibrahim Abdallah

    A la prison de Lannemezan, l’UJFP a rencontré un homme debout.

     

    C’est la première fois que je rentrais dans une prison. Cela faisait des mois et des mois que j’avais posé ma demande pour pouvoir rencontrer Georges Ibrahim Abdallah.

    J’étais persuadé qu’elle me serait refusée. Gilbert Hanna, de Sud-Ptt et de la radio La Clé des Ondes à Bordeaux, m’avait convaincu de la présenter, ne serait-ce que par principe. Pour les visites non familiales, la question est : "en quoi cette visite peut faciliter la réinsertion du détenu ?".

     

    Quand j’ai été interrogé par la gendarmerie sollicitée par le Procureur de Tarbes, j’ai répondu que je pensais pouvoir apporter en tant que responsable de l’UJFP un point de vue original et intéressant sur la situation aujourd’hui.

    C’est le 29 août que l’autorisation m’a été envoyée, et j’ai donc pu rencontrer Georges dès ce mercredi 3 septembre, accompagné de Gilbert - qui a proposé à l’Union Syndicale Solidaires de relancer l’expression publique de l’exigence de la libération de Georges. Voir par ailleurs la pétition adoptée par son congrès et à laquelle l’UJFP apporte son soutien.

    30 ans, cela fait 30 ans que Georges est en prison. Ce qui frappe tous ceux qui le rencontrent au premier contact, c’est un mélange de force et de sérénité. Quand les grilles s’ouvrent, et que les détenus qui ont de la visite arrivent, Georges apparait d’emblée en sage enjoué et respecté par tous, détenus, gardiens, visiteurs. "Oh, la petite a grandi cet été, comment s’est passé ta rentrée ? ..."

    Je ne vais pas vous raconter plus de 4 heures de discussion, d’autant que j’ai choisi de ne pas prendre de notes cette fois-ci. Dès après notre accolade, Georges s’excuse de ne pas avoir répondu à chacune de mes lettres. Et il évoque courrier, journaux, livres, relations avec ses voisins, et sa pratique intensive d’activités physiques.

    Georges a une connaissance précise de l’actualité de son pays, le Liban, mais aussi de toute la région. Il manie avec bonheur et humour la rigueur du matérialisme historique. Ses points de vue, toujours d’un point de vue de classe, sont discutables, mais jamais dogmatiques.

    Il ne fait pas que remercier l’UJFP de son soutien. Il développe l’idée de la grande importance qu’une association comme la nôtre, aussi modeste soit elle, casse par sa présence et le contenu de ses interventions toute idée que le conflit est religieux ou ethnique, et donc fait obstacle aux analyses réactionnaires et régressives.

    Georges ne veut pas parler de la réunion du Tribunal le 30 septembre à la prison, car il ne veut pas faire de plans sur son éventuelle libération conditionnelle, il a été trop souvent échaudé.

    Je sais que sa cellule déborde de livres et de journaux. Je lui remets cependant nos dernières déclarations, le numéro 1 de "De l’Autre Côté", et le hors série "Tarabut" (mouvement qu’il ne connaissait pas). Et je lui propose, même si je sais qu’il n’en pas vraiment besoin, un livre de la collection du CETIM "pensées d’hier pour demain", celui sur Amilcar Cabral. Sa réaction positive est immédiate : "oui, ça m’intéresse, c’est le genre de documents qui peuvent intéresser ceux avec qui je discute ici".

    Un homme debout.

    Une rencontre qui oblige.

    André Rosevègue lundi 8 septembre 2014  

    http://www.ujfp.org/spip.php?article3500

  • Marseille

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  • Appel pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah (Ujfp)

     

    Voté au 6eme congrès 2014 de SOLIDAIRES à Dunkerque.

    Que cesse un invraisemblable déni de droit.

    Georges Ibrahim Abdallah est l’objet d’un invraisemblable déni de droit de la part du gouvernement français, qu’il importe de faire cesser au plus vite.

    Militant libanais pro-palestinien, Georges Ibrahim Abdallah est emprisonné depuis 30 ans en France.

    Incarcéré depuis 1984, il a battu le record détenu jusque-là par Nelson Mandela (27 ans), le chef du combat nationaliste sud-africain, et revendique désormais le titre de « Doyen des prisonniers politiques en Europe », au même titre que Moumia Abou Jamal, aux Etats-Unis.

    L’homme, il est vrai, est atypique en ce que son parcours transcende les traditionnels clivages ethnico-religieux. Militant communiste issu d’une famille du Nord-Liban, Georges Ibrahim Abdallah a été condamné à la peine maximale prévue par la loi, pour complicité d’assassinat d’un responsable du Mossad israélien et d’un attaché militaire américain à Paris en 1982.

    Au-delà du bien-fondé de sa condamnation sur la base de preuves sujettes à caution, l’homme a purgé, plus que largement, sa peine.

    Libérable depuis 15 ans, il a été maintenu en détention sur intervention directe des Etats-Unis.

    Pour l’exemple, au prétexte qu’un « crime de sang » a été commis à l’encontre de personnes représentant des autorités publiques. Au-delà du débat sur la matérialité de ce crime, il aurait du être libéré selon les règles depuis 1999. De plus la justice, en 2012, a tranché par deux fois, en première instance et en appel, en décidant sa libération, avec à la clé, un arrêté d’expulsion devant être signé par le ministre de l’intérieur.

    Le refus de signer cette expulsion a permis de porter le jugement en cassation. Cette dernière a estimé « qu’un prisonnier de longue durée doit faire une année de libération conditionnelle ». Ce qui est vrai pour un prisonnier français est « faux » pour un étranger qui doit être immédiatement expulsé. Aujourd’hui Georges Ibrahim Abdallah est en détention administrative. Cette exception comme toutes les mesures exceptionnelles a été appliquée à ce prisonnier détenu par la volonté des Etats Unis ET de la France qui porte cette responsabilité.

    Nous exigeons sa libération sans condition. lundi 8 septembre 2014

    Organisations signataires :

    - Union syndicale Solidaires (France)
    - TIE Syndicat Allemand (Allemagne)
    - Syndicat CSP-Conlutas (Brésil)
    - CGT Confederación general de los trabajadores (Espagne)
    - Said Chaoui secrétaire National de la fédération nationale des ouvriers et fonctionnaires des collectivités locales (Maroc)
    - Syndicat SNAPEST des enseignants d’Algérie (Algérie)
    - Abderrahim Handouf syndicat des fonctionnaires (Maroc)
    - UJFP Union Française pour la Paix France.
    - Nouveau Parti Anticapitaliste 65

    http://www.ujfp.org/spip.php?article3502

  • Syrie Assad, Daech et l’Occident… vérités et mensonges!

     

    Yassin Haj-Saleh, écrivain syrien

    Yassin Haj-Saleh, écrivain syrien

    Nous publions, pour information, un texte d’un écrivain syrien, Yasin Haj-Saleh, publié en arabe le 1er septembre 2014 et traduit par les FemmeS pour la démocratie (Femmes syriennes pour la démocratie).

    Elles l’ont mis à notre disposition. Un tel document a son importance pour saisir la situation tragique d’une population insurgée – et terriblement réprimée – qui s’affronte, à la fois, aux forces criminelles dudit Etat islamique et à une dictature qui n’hésite pas à détruire un pays (tout en ayant déjà des projets de captation privée de terrains immobiliers pour spéculer dans le futur), à contraindre à l’exil interne et externe une majorité de sa population, à utiliser la prison, la torture et les barils de TNT pour faire taire la population. Se profile, de plus, une «nouvelle coalition internationale» afin de combattre l’Etat islamique. Un élément qui suscite la réflexion de Yasin Haj-Saleh à propos de la Syrie. Un thème sur lequel nous reviendrons avec diverses contributions. Suit ici l’introduction faite par les FemmeS pour la démocratie au texte de Yasin Haj-Saleh. (Rédaction A l’Encontre)

    «Récemment, l’Etat Islamique (IS ou en arabe Daech) a décapité deux journalistes américains qui s’étaient tous deux dévoués pour faire entendre la voix et la souffrance du peuple syrien!

    Le prétexte invoqué est l’intervention américaine et les frappes aériennes sur des bases ou sur des troupes de Daech en Irak. Toutefois, il faut rappeler ici que Daech dès son apparition s’en est pris aux activistes, aux médecins et aux journalistes syriens qui faisaient partie de la révolution ou qui soulageaient la souffrance de la population ou encore qui faisaient entendre sa voix. Tous ceux qui ont été enlevés par Daech œuvraient pour défendre ou aider les opprimés et pour que la justice et l’humanité ne soient pas oubliées en Syrie. Jamais, jusqu’à tout récemment, Daech et le régime mafieux Assad ne se sont attaqués mutuellement ! Les barils d’explosifs du régime Assad ont toujours épargné soigneusement les forces de Daech à Alep, préférant cibler les civils.

    Tout ça devrait nous inviter tous à nous poser la question du rôle d’Assad dans la naissance de Daech.

    La décapitation de James Foley ajoute un élément semblable, car James Foley a été détenu par le régime Assad en novembre 2012, bien avant la naissance même de Daech (au printemps 2013) et soudainement il se trouve entre les mains de Daech qui le décapite au moment où Assad se propose comme partenaire pour la lutte contre le terrorisme ! En mai 2013, l’AFP a publié qu’il avait été enlevé par des milices pro-régime et qu’il était entre les mains du service de renseignement à Damas.

    Avec une possible intervention de l’Occident en Syrie, les FemmeS syriennes pour la démocratie (FSD) ont jugé utile de traduire un article de l’écrivain syrien Yasin Hah-Saleh qui approfondit la question de Daech. (FSD, 07.09.2014)

    Trois niveaux d’action sont nécessaires
    pour faire face à Daech

    Il semble que les Etats unis et l’occident se préparent à faire face à Daech (Etat Islamique – EI) en Syrie, même s’il est fort probable que ces actions n’iront pas plus loin que des frappes aériennes, et peut-être quelques opérations de commandos. L’objectif probable des frappes serait de mettre cette organisation terroriste naissante sous pression et de l’occuper à rassembler ses forces suite à ces possibles frappes, pour l’empêcher de progresser.

    De son côté le régime syrien s’est dépêché d’offrir ses services dans le cadre de cette action militaire occidentale probable. Tandis que l’occident continue à mépriser Assad, il n’est pas exclu qu’il ait recours à ses services pour avoir une base militaire avancée contre Daech (EI), et par conséquent qu’il facilite la prolongation de sa mainmise sur le peuple Syrien.

    Il est certain que ces frappes seront sans effet si elles se veulent punitives seulement. Il est clair que le recours à la force est nécessaire pour faire face à cette puissance fasciste qui utilise le terrorisme comme tactique de combat, comme outil psychologique et comme méthode pour gouverner. Faire face à cette entité terroriste par la violence n’est pas seulement légitime suite aux crimes qu’elle a perpétrés, mais aussi parce qu’il est impossible de se débarrasser de cette force d’occupation sans utiliser la force. Le problème d’une intervention occidentale probable contre Daech n’est pas seulement qu’elle comprend uniquement une dimension militaire, mais aussi que cette intervention militaire resterait très probablement limitée aux frappes et ne servirait qu’à gérer la crise à la place de lui trouver une solution réelle. Une telle méthode de gestion de crise enlève à notre combat toute dimension de justice et de libération des peuples, et l’assimile à une bagarre entre gamins, dont on veut ignorer la cause profonde, avec pour seul but de calmer le jeu et rétablir la stabilité de la région.

    Il n’y a pas pire que cette méthode, ni plus égoïste et irresponsable. Ce genre de gestion est en partie responsable de la destruction de la Syrie et de la naissance de créatures immondes comme Daech. Peut-être que les Américains pensent que de telles créatures ont leur place naturelle dans le marais du Moyen-Orient. Et ils ont peut-être raison. Mais ce marais est le produit de leurs efforts et de ceux de l’occident au fil de plusieurs générations, tout comme il est le produit de la présence d’une autre entité d’occupation terroriste, Israël, comme maître de la région. Ce marais n’est pas vraiment le produit des « gamins » syriens, irakiens, libanais, etc. Un autre facteur important dans l’apparition d’un tel marais, est le recours perpétuel à des régimes terroristes, comme celui d’Assad et de ses semblables pour garantir la stabilité de la région, au détriment de toute justice et au mépris de toute dignité humaine.

    C’est pourquoi une intervention militaire américaine et occidentale, même si elle a pour but d’en finir avec Daech et non pas de l’affaiblir seulement, ne présente qu’une seule des trois dimensions nécessaires pour être réellement efficace.

    La deuxième dimension consiste à faire face à l’origine du terrorisme dans la région, à savoir le régime syrien, ou bien d’aider les Syriens à y mettre un terme. Punir Daech seulement, alors que le régime syrien a déjà commis pire que Daech, et laisser ce régime criminel dans l’impunité donnerait le pire des messages aux Syriens et aux peuples du Moyen-Orient plus généralement. Sans oublier que de s’attaquer à Daech seul rendrait un grand service à ce dernier et l’aiderait sans doute à justifier et renforcer son action. (En ternissant l’image de la révolution aux yeux de l’Occident, note du traducteur), les groupes islamistes en Syrie et Daech en particulier, auront finalement servi à faire perdre aux Syriens leur confiance dans la communauté internationale et dans la justice mondiale. Basé sur cette perte de confiance, Daech s’apprête à détruire complètement l’image du reste du monde dans notre environnement social et psychologique.

    Il est bien possible qu’une frappe de Daech à al-Raqa, ville qui a déjà été bombardée par Assad, en prenant soin d’éviter les positions de Daech, et bombardée à nouveau récemment sous prétexte de frapper Daech, ait comme conséquence de rapprocher les habitants de al-Raqa de cette organisation à la place de les en éloigner. Les frappes occidentales doivent viser les deux criminels à la fois, Daech et le régime syrien, et ne doivent en aucun cas frapper l’un et laisser l’autre. La décapitation de James Foley, qui est un crime odieux, n’est pas comparable à la mort sous la torture des 11’000 détenus jusqu’en août 2013, pas comparable non plus au massacre aux armes chimiques dans al-Ghouta en août 2013 et aux massacres de Darayya, Jdaydeh Artouz, Banias, al-Houla, al-Treimsseh et tous les autres massacres imputables au régime syrien. Les crimes ne sont pas comparables, mais en sanctionnant un criminel tout en laissant l’autre impuni on détruit la notion même du crime et avec elle celle de la justice et de la sanction juste. Une telle gestion irresponsable pourrait ouvrir la porte au terrorisme et on pourrait même voir naître des créatures pires encore que Daech.

    Il y a une troisième dimension pour faire face à Daech, où les occidentaux ne peuvent ni intervenir ni aider, et il est même préférable qu’ils ne tentent pas de s’en mêler. Daech n’est pas seulement une organisation criminelle, n’est pas seulement le produit de certaines politiques criminelles locales et internationales, Daech a aussi un lien à l’Islam. Les islamistes et les musulmans qui disent que Daech est un produit des services secrets et que l’Islam n’a rien à avoir avec lui se trompent eux-mêmes. Daech est une évolution d’al-Qaïda dans le contexte Syrien et Irakien qui est bien connu, al-Qaïda elle-même étant une organisation d’origine saoudienne et égyptienne. Il n’est pas sérieux de nier l’influence religieuse dans la naissance de Daech, même s’il s’agit là d’un phénomène contemporain. Ce monstre est notre produit, il est né de la décomposition de notre politique, de notre pensée et de notre morale.

    Il est clair que cette troisième dimension pour faire face à Daech ne peut être affrontée que par les musulmans eux-mêmes et les sunnites plus spécialement. Daech est une pensée islamiste qui ne peut être contrée que par la pensée. On doit se demander où se trouve la pensée islamique qui peut faire face à Daech fermement ? Lorsque les islamistes critiquent Daech pour sa conduite cruelle et sa précipitation et son refus d’acheminer les changements graduellement, ils ne le critiquent pas pour son projet de vouloir imposer un pouvoir islamiste par la force. Ceci n’est pas sérieux, tout comme la différence faite par les Américains entre les crimes de Daech et ceux du régime n’est pas sérieuse. Il est nécessaire de dépasser la situation actuelle en amenant une réforme de l’Islam qui en augmente la dimension de la croyance et de la justice et en diminue la dimension du pouvoir et du droit islamiste. C’est une opération à long terme mais nécessaire pour faire face aux entités comme Daech.

    En résumé, Daech est un problème sécuritaire, et plus que ça un problème politique et encore plus que ça un problème de la pensée. Faire face à Daech efficacement doit avoir à la fois une composante d’opposition militaire, et c’est exactement ce que les Syriens opposants au régime ont fait les premiers et avant quiconque, une composante politique qui fait un pas vers la justice en Syrie en mettant un terme au régime syrien criminel, et une composante liée à la pensée musulmane qui arracherait l’Islam des mains de Daech et le Daechisme de l’Islam. (01.09.2014)

    Publié par Alencontre le 7 - septembre - 2014
     
  • Région arabe: l’offensive des contre-révolutions Echanges à l’université d’été du NPA

    À l’heure de l’offensive de l’État Islamique en Irak et en Syrie, et du renforcement du Maréchal Sissi en Égypte, c’était salle comble à Port-Leucate pour tenter de comprendre, où en est le processus révolutionnaire international ouvert en 2011 et visiblement en grand danger aujourd’hui.

    En introduisant la séance, Chawqui Lotfi rappelait pourquoi nous avons analysé comme un processus révolutionnaire au long cours la vague de mouvements de masse qui s’est propagée en 2011 dans la région arabe  : des dictatures et des couches dirigeantes sclérosées, perdant leurs derniers éléments de légitimité avec le rouleau compresseur des politiques néolibérales  ; des formations sociales particulièrement inégalitaires, et des peuples aspirant à la démocratie et à la justice sociale dynamitées par une jeunesse au niveau d’éducation élevé mais sans perspectives d’emploi stable. Les immenses mouvements de 2011, les méthodes de lutte, les premiers acquis ont semé des germes profonds.

    Mais nous avons aussi noté les limites de l’auto-organisation populaire, la faiblesse de la gauche et la vigueur de la résistance des divers centres d’oppression qui indiquaient que ce processus durerait longtemps, avec des avancées et des reculs violents. Les différents intervenants ont soulignés combien en 2014, ce sont les reculs qui dominent. Il faut dire que la difficulté est grande quand les mouvements de masse sont condamnés à s’affronter à plusieurs contre-révolutions sauvages à la fois, sans bénéficier de soutiens internationaux réels  !

    Syrie

    Ghayath Naisse, membre du Courant de la gauche révolutionnaire syrien, alertait sur le grand péril que vit la révolution syrienne. Ayant pu desserrer l’étau du régime sanguinaire de Bachar Al Assad sur 60 % du pays début 2013, elle a été victime d’une offensive méthodique du dictateur et de ses alliés internationaux – iraniens, russes, libanais et irakiens – pour écraser la résistance dans la destruction de masse, pendant que les milices de «  Daech  » récemment rebaptisées «  État Islamique  » (EI), bénéficiaient de bien des complicités pour s’accaparer par la violence les zones libérées. Pourtant la résistance se poursuit, sous ses versants militaires et civils, dans les zones encore libres, comme dans les régions globalement sous le contrôle des forces totalitaires. Et le camarade rappelait l’urgence d’un soutien concret aux révolutionnaires, en insistant sur l’interdépendance entre les différents pays de la région.

    Irak

    Un camarade irakien du NPA a lui aussi resitué l’offensive de l’EI en Irak dans son contexte  : un pays malaxé par le régime de Saddam Hussein, puis par l’invasion américaine, puis par l’affirmation autoritaire et confessionnaliste du premier ministre Al-Maliki. Les tentatives d’autodétermination des populations irakiennes sont maintenant balayées par l’alliance entre EI et une partie de l’ancienne hiérarchie militaire de Saddam Hussein reconvertie dans le jihadisme. Pourtant, là aussi, de nombreuses voix, sunnites comme chiites, récusent la spirale confessionnelle. Un débat a commencé sur l’appréciation du rôle des forces kurdes dans cette situation, qui a été approfondi dans un atelier spécifique animé par un camarade kurde de Toulouse.

    Égypte

    Deux camarades du NPA qui ont séjourné ces derniers mois dans le pays ont précisé la situation difficile des militants et militantes de la révolution égyptienne, face au retour des militaires au pouvoir. Sissi a réussi à surfer sur l’exaspération populaire face à l’aventurisme réactionnaire et néo-libéral des Frères Musulmans. La politique de répression terrible qu’il mène contre ceux-ci s’étend aux militants démocrates, ouvriers et révolutionnaires. Malgré cela les conflits sociaux, en particulier dans les entreprises ne cessent de renaître car aucun problème de fond n’est réglé, même si pour l’instant le nouveau pouvoir tente de renforcer sa légitimité en se prétendant le garant de la stabilité… et de l’arrivée massive de capitaux étrangers.

    Tunisie

    Dominique Lerouge, complété par d’autres camarades dans le débat, revenait sur la montée d’une contre-révolution plus «  douce  », mais tout autant déterminée à étouffer le processus ouvert fin 2010. Cette tendance s’appuie sur l’absence d’auto-organisation de la population et les faiblesses de la gauche, ainsi que sur les contradictions de l’UGTT, syndicat incontournable du peuple tunisien. Dans cette situation, les gouvernements successifs relaient la pression des institutions internationales, et les perspectives d’alternative apparaissent encore bien faibles.

    Libye

    Une contribution a été apportée par Françoise Clément, militante altermondialiste, montrant qu’au delà du chaos actuel autour des batailles pour le pouvoir permis par la profusion des milices armées, le processus reste ouvert avec une société civile réellement existante, des élections qui n’ont jamais permis aux islamistes de légitimer l’hégémonie qu’ils recherchent, et des impérialistes qui ne savent plus à qui se vouer pour obtenir un retour sur leur investissement militaire de 2011.

    Un débat riche a eu lieu sur les interactions politiques régionales comme la question palestinienne, sur la façon dont pourrait émerger une alternative anticapitaliste, ainsi que sur nos responsabilités en tant que NPA. Il s’est poursuivi dans le Forum internationaliste du mardi après-midi, et en «  off  » autour de jeunes camarades syriens et égyptiens présents à l’Université d’été.

    Jacques Babel

    * Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 254 (04/09/2014). http://www.npa2009.org/

  • La guerre à Gaza fait partie de la guerre déclarée au peuple palestinien depuis 65 ans  (Essf)

     
    Gaza : «  Après 45 jours de guerre, plus de 2000 morts et des milliers de blessés, 30 000 bâtiments détruits, il est impensable de revenir à la situation précédant juillet 2014  »

    Franco-palestinien de Jérusalem, Salah Hamouri a 29 ans. Durant 7 ans, il a été prisonnier politique en Israël pour des actes de résistance contre l’occupant. Aujourd’hui étudiant à la faculté de droit à Jérusalem, il travaille pour Addameer, une association qui soutient les prisonniers politiques et lutte pour le respect des droits de l’homme. Nous l’avons interrogé à l’occasion de sa venue à l’Université d’été du NPA.

    Comment analyses-tu la situation à Gaza  ?

    Salah Hamouri – La guerre à Gaza fait partie de la guerre déclarée au peuple palestinien depuis 65 ans. Aujourd’hui, cela fait 45 jours que les Israéliens continuent leur massacre sur tout ce qui est vivant à Gaza. Israël traverse une crise interne, au sein de la coalition. Cette guerre était planifiée depuis longtemps par les Israéliens, et l’enlèvement des trois colons, les tunnels et les missiles, n’ont été que des prétextes pour déclencher l’offensive.

    La résistance est prête pour une guerre à long terme. Les massacres israéliens et les menaces d’occuper Gaza ne feront pas reculer cette résistance. Elle ira jusqu’au bout pour obtenir ses quatre exigences  : la réouverture d’un port et d’un aéroport, la levée du blocus, la libération des prisonniers et le passage entre Gaza et la Cisjordanie.

    Qui résiste à Gaza  ?

    Le message qu’essaient de faire passer les médias – il s’agit d’une guerre entre le Hamas et l’occupant – est une contre vérité. En fait, il s’agit d’une guerre contre toute la population de Gaza. Ce sont tous les Gazaouis qui se font tuer.

    Tout le monde résiste  : les partis islamistes comme le Jihad et le Hamas, et aussi les partis de gauche comme le FPLP, le FDLP, ainsi que la branche armée du Fatah… Il est faux de présenter cela comme une guerre entre Israël et le Hamas, et ceux qui parlent d’un conflit Hamas-Israël veulent uniquement délégitimer la lutte de libération du peuple palestinien.

    Comment expliques-tu qu’en Cisjordanie il n’y ait pas plus de réactions par rapport à cette situation  ?

    Il y a des réactions en Cisjordanie, mais malheureusement elles ne sont pas suffisantes. Il faut comprendre que la Cisjordanie est l’objet de pressions permanentes depuis 2002, les arrestations y sont quotidiennes et toutes les villes sont occupées. Le mois dernier, plus de 2 000 personnes ont été arrêtées. Malheureusement les mesures économiques, mises en place par l’Autorité palestinienne, pèsent aussi sur la population.

    Il y a eu des réactions à Jérusalem. Pourrais-tu nous en parler  ?

    À Jérusalem, il y a eu un grand soulèvement, surtout après l’assassinat du jeune Palestinien de 16 ans qui a été enlevé et brûlé vif par des colons. Toutes les tentatives des Israéliens d’isoler la population palestinienne de Jérusalem de toute forme de résistance ont échoué. La population de Jérusalem est fortement attachée à la résistance et aux droits du peuple palestinien.

    La colonisation à Jérusalem continue  : la confiscation des terres, la destruction des maisons se poursuit. Le rêve sioniste d’unifier les deux côtés de Jérusalem comme capitale unique des Israéliens se perpétue. Ainsi, les cartes de résident de Jérusalem sont retirées pour envoyer les Palestiniens en Cisjordanie. De plus en plus de personnes sont expulsées sous le prétexte par exemple de ne pas avoir payé telle ou telle taxe...

    Comment analyses-tu l’évolution de la société israélienne  ?

    On voit depuis les élections de 2006 et même avant, que la société israélienne va de plus en plus vers l’extrême droite. Il n’y a presque plus de gauche. Par contre, l’extrême droite progresse sans cesse  ! Elle veut s’attaquer non seulement à la population de Gaza, mais aussi à tous les Palestiniens. On a vu des appels pour envoyer devant le tribunal la députée du Parlement israélien, la Palestinienne Hanine Zoabi. C’est une politique raciste et d’apartheid. L’enfermement de cette société israélienne s’accroît chaque jour un peu plus.

    Que penses-tu de l’accord inter­palestinien de réconciliation signé par le Hamas et l’OLP en avril dernier  ?

    C’est quelque chose d’important pour les Palestiniens. Nous savons que nous ne pouvons pas avancer sans l’unité nationale pour notre liberté et notre indépendance. La division a durée 7 ans, et ce n’est donc pas facile de revenir d’un seul coup à la «  normale  ». Il faut se donner du temps pour cette réconciliation, pour les personnes, y compris psycho­logiquement. Malheureusement, tout l’accord n’est pas totalement respecté. La jeunesse palestinienne est très attachée à cette notion d’unité. Israël a utilisé cet accord pour justifier son intervention militaire à Gaza.

    Quel est le rôle joué par l’Égypte et les autres pays arabes  ?

    Nous considérons qu’il y a trois blocs dans la région. Un est favorable à la résistance  : le Hezbollah, la Syrie et l’Iran. Deux autres blocs  : l’Égypte et l’Arabie saoudite d’un côté, et le Qatar et la Turquie de l’autre. Ces quatre pays sont les policiers des États-Unis dans la région. Ils tentent de contrôler le Proche-Orient, non pas dans l’intérêt des peuples, mais pour l’intérêt de chacun de leur régime réactionnaire, soutenus par les États-Unis. Mais nous savons qu’aucun accord ne se fera sans l’Égypte.

    Que penses-tu des accords d’Oslo de 1993  ?

    Cela a été une faute stratégique. Ces accords ont reconnu l’état de l’occupant comme un état normal dans la région et ont donné un prétexte de plus aux pays du monde qui n’avaient pas encore de relation avec l’occupant pour normaliser leurs relations avec celui-ci, comme l’a fait la Chine.

    Oslo et l’accord économique après Oslo ont été des pièges pour nous. C’est une leçon  : nous ne pouvons pas négocier tant que nous sommes faibles. Sans une résistance forte, nous n’aboutirons à rien. Cela s’est vérifié à Gaza.

    La résistance est claire. Après 45 jours de guerre, plus de 2000 morts et des milliers de blessés, 30 000 bâtiments détruits, il est impensable de revenir à la situation précédant juillet 2014. Même la population de Gaza pousse dans ce sens. Durant la trêve, il y a eu des manifestations dont le slogan était  : «  Ne lâchez pas, nous subissons, mais continuez, avancez, on soutient la résistance.  »

    Avec l’avancée permanente de la colonisation, quelles peuvent être les perspectives du mouvement palestinien en terme de revendications  ?

    Les Palestiniens avaient deux choix  : l’un tactique et l’autre stratégique. D’un point de vue tactique, pour rassembler les Palestiniens, la solution de deux Etats ne pouvait être que temporaire, chacun le sait. Cette solution n’existe plus avec la colonisation telle qu’elle est aujourd’hui. Au niveau stratégique, la seule solution est donc un seul État, démocratique, pour tous, qui garantisse le droit au retour des réfugiés. Pour cela, il faut un programme de résistance à long terme.

    Qu’est-ce qui te semble essentiel à développer sur le terrain de la solidarité avec le peuple palestinien  ?

    Toutes les actions de solidarité sont importantes. Par exemple les manifestations internationales sont très importantes, car elles montrent que les Palestiniens ne sont pas seuls, isolés. Les actions de la campagne BDS, pour isoler politiquement et économiquement Israël, la solidarité avec les prisonniers palestiniens retenus dans les prisons israéliennes, les jumelages avec des villes palestiniennes, la nomination de prisonniers comme citoyens d’honneur de villes, l’envoi de délégations qui témoigneront une fois rentrées dans leur pays, etc. toutes ces actions sont utiles et importantes.

    Un dernier message  ?

    Le mouvement de soutien à la Palestine a toujours existé, il faut bien sûr l’amplifier. Le gouvernement français a pris des positions qui sont claires pour nous  : François Hollande a soutenu nettement les justifications du gouvernement israélien dans sa guerre contre Gaza. Le peuple palestinien ira jusqu’au bout de ses revendications, par tous les moyens possibles, et la solidarité internationale renforce notre résistance. HAMOURI Salah

    Propos recueillis le mardi 26 août par Claude B. et Alain J.

    * Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 254 (04/09/2014). http://www.npa2009.org/

  • Sur l’intégrisme islamique « Il faudrait une alternative crédible, enthousiasmante et mobilisatrice (Essf)

     The Arabs

    Entretien inédit avec Maxime Rodinson réalisé par Gilbert Achcar [1] et publié par la revue Mouvements 6/ 2004 (no 36).

    Résumé

    Avec le décès de Maxime Rodinson, survenu le 23 mai 2004 à l’âge de 89 ans, disparaissait l’une des dernières grandes figures d’une lignée exceptionnelle d’islamologues occidentaux – celle des Régis Blachère, Claude Cahen et Jacques Berque, pour ne citer que des Français comme lui. Rodinson appartenait à cet ensemble d’auteurs aux approches pionnières, qui ont défriché le terrain d’études islamiques mises au diapason des autres sciences sociales, étant eux-mêmes affranchis des principaux travers de « l’orientalisme » colonial et sensibles à la cause des populations musulmanes en lutte contre la domination occidentale [2]. Des auteurs (encore) non corrompus par la médiatisation à outrance de l’« expertise », devenue actrice privilégiée de la société du spectacle, à notre époque où l’Islam a recouvré dans l’imaginaire occidental, sous la forme de l’intégrisme et du terrorisme, son statut d’ennemi privilégié.

    Maxime Rodinson se distingue, parmi ses pairs, par l’application au monde musulman d’une grille de lecture marxienne critique. Son rapport à Marx est, du reste, à l’origine de la très grande diversité de thématiques et de centres d’intérêt qui caractérisent son œuvre et qui font qu’elle ne saurait être confinée aux seules études islamiques. Son apport théorique couvre, en effet, des champs plus généraux de la recherche historique ou sociologique que le seul « monde musulman », en dialogue permanent avec l’inspiration marxienne qu’il n’a jamais reniée. Une dimension non moins importante de l’œuvre de Rodinson porte spécifiquement sur le conflit israélo-arabe : son article « Israël, fait colonial ? » paru dans le numéro spécial des Temps modernes consacré au débat embrasé par la guerre de juin 1967 constitua une contribution fondamentale à la définition d’une critique de gauche du sionisme [3].

    La réflexion de Rodinson sur l’« intégrisme islamique » est, tout entière, placée sous le signe de cette même inspiration marxienne : tant en ce qui concerne sa démarche analytique, à la fois fondamentalement « matérialiste » et comparative, qu’en ce qui concerne son attitude politique, où la compréhension (au sens profond du terme) des ressorts de la résurgence de cette idéologie politico-religieuse n’empêche guère l’athée foncièrement anticlérical qu’il était de n’éprouver aucune sympathie à son égard [4].

    L’entretien qui suit – jamais publié auparavant – a été réalisé en 1986 (je n’en ai plus la date exacte), dans l’appartement parisien de Maxime Rodinson, parmi les amas de livres qui jonchaient son plancher, ne trouvant plus de place dans les rayonnages qui recouvraient les murs. J’ai reconstitué ses propos à partir de notes quasi-sténographiques que j’avais prises à l’écoute de l’enregistrement (perdu) – en faisant abstraction de mes propres questions et interventions – dans le but de publier l’entretien dans une revue en gestation qui ne vit pas le jour. Le décès du grand penseur m’a incité à reprendre ce travail et à le publier en guise d’hommage, d’autant plus que ses propos, comme on pourra en juger, conservent, outre leur actualité, une certaine originalité par rapport à son œuvre déjà connue.

    Gilbert Achcar

    Entretien

    Sous la rubrique de « l’intégrisme islamique » – l’appellation n’est pas très bonne, celle de « fondamentalisme » encore moins ; quant au terme « islamisme », il entraîne une confusion avec l’Islam ; « Islam radical » n’est pas si mal, mais aucune appellation ne correspond tout à fait à l’objet – on peut grouper tous les mouvements qui pensent que l’application intégrale des dogmes et pratiques de l’Islam, y compris dans les domaines politique et social, mènerait la communauté musulmane, voire le monde entier, vers un État harmonieux, idéal, reflet de la première communauté musulmane idéalisée, celle de Médine entre 622 et 632 de l’ère chrétienne.

    En cela, il y a une similarité avec une idéologie politique laïque comme le communisme, pour laquelle l’application intégrale des recettes formulées par le fondateur doit mener à une société harmonieuse, sans exploitation ni oppression. Par contre, il n’y a pas d’idéologie similaire dans le christianisme : les intégristes chrétiens pensent que l’application intégrale des préceptes du Christ rendrait tout le monde bon et gentil, mais elle ne changerait pas forcément la structure de la société.

    Cela tient à la différence profonde entre la genèse du christianisme et celle de l’Islam. Les chrétiens formaient au début une petite « secte », un groupement idéologique autour d’une personne charismatique, dans une province reculée d’un vaste empire, l’Empire romain, doté d’une administration impressionnante. Cette petite secte ne pouvait avoir au départ la prétention de formuler un programme politique et social. Ce n’était ni l’intention de Jésus, ni celle des premiers pères de l’Église pendant deux ou trois siècles.

    Avant que l’empereur Constantin ne déclare, en 325, que cette Église (en latin ecclesia, c’est-à-dire « assemblée ») devait être religion d’État, elle avait eu le temps de bâtir un appareil idéologique autonome bien rodé. De sorte que, même après Constantin, se maintiendra la tradition de deux appareils distincts, celui de l’État et celui de l’Église, qui peuvent être en symbiose ou alliés, et l’ont souvent été (l’alliance du sabre et du goupillon, le césaro-papisme, etc.) ; mais qui peuvent également être en conflit (lutte du Sacerdoce et de l’Empire, Louis XIV et Philippe Auguste excommuniés, etc.). Il y a bien quelques exemples protestants d’État-Église (Genève au xvie siècle, le Massachusetts au xviie siècle), mais ce sont des exceptions dans l’histoire du christianisme.

    L’Islam est né dans une immense péninsule en dehors du champ de la civilisation romaine, où vivaient quelques dizaines de tribus arabes, tout à fait autonomes avec seulement quelques institutions communes : la langue, certains cultes, un calendrier, des foires et des tournois de poésie. Dans sa période médinoise (de 622 à sa mort, en 632), Mohammad (Mahomet) est considéré comme le dirigeant suprême, politique et religieux à la fois. Il est chef religieux, en relation avec Dieu, mais aussi chef de la communauté, non soumise à la loi romaine. Il règle les différends, obtient le ralliement de tribus, et répond aux nécessités de se défendre et, le cas échéant, d’attaquer – ce qui est le mode de vie dominant dans ce monde sans État de l’Arabie de cette époque. C’est ainsi que l’on trouve, aux origines de l’Islam, une fusion du politique et du religieux en un seul appareil - du moins en théorie, car lorsque sera créé un vaste empire islamique, la spécialisation des fonctions s’imposera.

    La séparation de la religion et de l’État est contraire à l’idéal de l’Islam, mais pas à sa pratique, car il y a toujours eu des corps d’oulémas spécialisés : les juges en Islam appartiennent à l’appareil religieux, avec d’autres compétences que les juges en droit romain de l’Occident. On trouve là, d’ailleurs, une parenté très grande avec le judaïsme, où, comme en Islam, les hommes de religion, les rabbins, ne constituent pas un clergé sacré, mais sont des savants (la synagogue, le beit midrash sont des lieux d’étude), à l’instar des oulémas.

    Aujourd’hui subsiste néanmoins l’idéal médinois d’une même autorité politique et religieuse. Rarement trouve-t-on, il est vrai, un cas aussi pur de communauté politico-idéologique que celui de l’Islam – sauf le communisme après 1917, qui a connu des schismes comme l’Islam et où les autorités politiques fixent la doctrine tant sur les problèmes théoriques que sur l’idéologie première et sur ce qu’il faut penser. Cependant, là où le communisme est un modèle projeté dans le futur, l’intégrisme islamique adhère à un modèle réel, mais vieux de quatorze siècles. C’est un idéal flou. Lorsque l’on demande aux intégristes musulmans : « Vous avez des recettes, dites-vous, qui dépassent le socialisme et le capitalisme ? », ils répondent par des exhortations très vagues, toujours les mêmes, qui peuvent se fonder sur deux ou trois versets – mal interprétés, en général – du Coran ou du Hadith.

    Or, le problème ne se posait pas du temps du Prophète, parce que personne ne pensait à changer la structure sociale : on prenait les choses comme allant de soi. Mohammad n’a jamais rien dit contre l’esclavage (de même que Jésus n’a jamais rien dit contre le salariat). Certes, l’idée d’une communauté sociale organisée avec des hiérarchies figure dans le Coran, mais elle est tout à fait normale pour l’époque. Mohammad se situe dans la société, alors que Jésus se situe en dehors d’elle. L’Islam, comme le Confucianisme, s’intéressent à l’État, tandis que les doctrines de Jésus ou de Bouddha sont des morales, axées sur la recherche du salut personnel.

    L’intégrisme islamique est une idéologie passéiste. Les mouvements intégristes musulmans ne cherchent pas du tout à bouleverser la structure sociale, ou ne le cherchent que tout à fait secondairement. Ils n’ont modifié les bases de la société, ni en Arabie Saoudite, ni en Iran. La « nouvelle » société que les « révolutions islamiques » établissent ressemble de façon frappante à celle qu’elles viennent de renverser. Je me suis fait réprimander en 1978 lorsque j’ai affirmé, de manière très modérée, que le cléricalisme iranien ne laissait présager rien de bon. Je disais « au mieux, Khomeiny sera Dupanloup, au pire Torquemada ». Hélas, c’est le pire qui est arrivé.

    Lorsque l’on est saisi par l’histoire, on est forcé de prendre des décisions. Il se forme alors des courants politiques : gauche, droite, centre. Sous influence européenne, le monde musulman a emprunté beaucoup de recettes à l’Occident, libérales parlementaires ou socialistes marxisantes. On a fini par être un peu dégoûté de tout cela : le parlementarisme mettait au pouvoir des propriétaires fonciers, le socialisme des couches gestionnaires militaires et autres. On a voulu revenir alors à la vieille idéologie « bien de chez nous » : l’Islam. Mais l’influence européenne a laissé des traces profondes, notamment l’idée que les gouvernants doivent prendre leur inspiration auprès des gouvernés, en général par le vote. C’est une idée nouvelle dans le monde musulman : ainsi, la première chose que fit Khomeiny, c’est organiser des élections et une nouvelle constitution.

    Au sujet des femmes, on peut trouver dans l’Islam tout un arsenal traditionnel en faveur de la supériorité masculine et de la ségrégation. Une des raisons de la séduction de l’intégrisme islamique un peu partout, c’est que des hommes qui se voient dépossédés de leurs privilèges traditionnels par les idéologies modernistes, savent que, dans une société musulmane telle qu’on la leur propose, ils peuvent s’appuyer sur des arguments sacrés en faveur de la supériorité masculine. C’est une des raisons – qu’on occulte très souvent, mais qui est profondément ancrée, et quelquefois inconsciente, d’ailleurs – de la vogue de l’intégrisme islamique : les expériences modernisantes allaient dans le sens d’accorder plus de droits aux femmes, et cela exaspérait un certain nombre d’hommes.

    En 1965, je m’étais rendu à Alger : c’était l’époque où Ben Bella faisait des efforts prudents pour promouvoir l’égalité des femmes. Une association officielle de femmes, qui n’était pas l’association bidon d’aujourd’hui, tenait un congrès dans la capitale. À la sortie du congrès, Ben Bella était venu prendre la tête d’un défilé des femmes dans les rues d’Alger. Des deux côtés, sur les trottoirs, des hommes dégoûtés sifflaient, lançaient des quolibets, etc. Je suis certain que cela a joué un rôle dans le coup d’État de Boumediene et a décidé beaucoup de gens à le regarder avec sympathie.

    L’intégrisme islamique est un mouvement temporaire, transitoire, mais il peut durer encore trente ans ou cinquante ans – je ne sais pas. Là où il n’est pas au pouvoir, il restera comme idéal tant qu’il y aura cette frustration de base, cette insatisfaction qui pousse les gens à s’engager à l’extrême. Il faut une longue expérience du cléricalisme afin de s’en dégoûter : en Europe, cela a pris pas mal de temps ! La période restera longtemps dominée par les intégristes musulmans.

    Si un régime intégriste islamique avait des échecs très visibles et aboutissait à une tyrannie manifeste, une hiérarchisation abjecte, et aussi des échecs sur le plan du nationalisme, cela pourrait faire tourner beaucoup de gens du côté d’une alternative qui dénonce ces tares. Mais il faudrait une alternative crédible, enthousiasmante et mobilisatrice, et ce ne sera pas facile.

    Maxime Rodinson

    Notes

    [1] Politologue.

    [2] Voir sa propre description de l’évolution des études islamiques dans La fascination de l’Islam, La Découverte, 1980.

    [3] Article repris dans Peuple juif ou problème juif ?, La Découverte, 1981.

    [4] On trouvera les principales réflexions de Maxime Rodinson sur l’intégrisme islamique contemporain dans L’Islam : politique et croyance, Fayard, 1993, à compléter par la lecture du chapitre premier de De Pythagore à Lénine : des activismes idéologiques, Fayard, 1993.

    * Pour citer cet article : Achcar Gilbert, « Maxime Rodinson : sur l’intégrisme islamique », Mouvements 6/ 2004 (no 36), p. 72-76 URL : www.cairn.info/revue-mouveme.... DOI : 10.3917/mouv.036.0072

    RODINSON Maxime, ACHCAR Gilbert
    1986