KRIVINE Alain - 1er novembre 2014
Internationalisme : le soutien pratique mené de France envers la révolution algérienne
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KRIVINE Alain - 1er novembre 2014
Internationalisme : le soutien pratique mené de France envers la révolution algérienne
Cinq mois après les massacres de Gaza, alors que la poursuite de la colonisation, les déclarations guerrières et l’intensification de la répression meurtrière contre les Palestiniens semblent leur seul horizon, les dirigeants israéliens viennent d’essuyer une inédite série de camouflets sur le terrain extérieur qui traduit leur isolement. Sur le plan judiciaire d’abord. A Luxembourg, la décision du Tribunal de l’Union européenne de retirer le Hamas de la liste des organisations terroristes, (...)
ARTE Reportage / 29-11-2014 "En Israël, l’industrie pétrolière est l’une des plus secrètes du pays. Les caméras de télévision sont interdites sur les sites d’extraction. Peut-être parce que les cuves de pétrole brut et les tours de forage ne sont qu’à une centaine de mètres des territoires palestiniens ? Selon les géologues palestiniens 85 % des gisements exploités par Israël se trouveraient en dehors de ses frontières. Les Palestiniens voient d’un mauvais œil les forages israéliens. L’or noir, synonyme (...)
CNPJDPI / CPPI Paris, le 12 décembre 2014 A monsieur François Hollande Président de la République Palais de l’Elysée Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris Monsieur le Président, L’Assemblée Nationale a voté, par 339 voix contre 151, le 2 décembre dernier, une résolution demandant au gouvernement de reconnaître l’Etat de Palestine. A son tour, le 11 décembre, le Sénat a adopté par 153 voix contre 146 la résolution en faveur de la reconnaissance de l’Etat de Palestine. Ces votes sont l’affirmation que (...)
Il y a un volet politique dans les visites guidées de Jérusalem effectuées par Daoud al-Ghoul. Ce dernier, âgé de 31 ans, lorsqu’il parcourt la Vieille Ville, emmène les visiteurs rencontrer des résidants dont l’eau a été coupée par la municipalité d’arrondissement contrôlée par Israël ou des gens qui ont été battus ou arrêtés par des soldats. Les Palestiniens que ses invités rencontrent, luttent pour maintenir une communauté vivante et forte, en dépit de la volonté des colons israéliens et des autorités de les (...)
L’agence des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA – United Nations Relief and Works Agency) a averti jeudi 18 décembre que, faute de fonds, elle ne serait bientôt plus en mesure de fournir des abris aux habitants de Gaza privés de toit depuis la guerre de l’été. « A moins que la situation ne change rapidement, nous n’aurons plus d’argent en janvier, ce qui signifie que nous ne pourrons pas fournir d’aide au loyer aux familles affectées ni d’aide aux réparations [des logements (...)
Les représentants de 126 Etats, réunis mercredi en conférence à Genève, ont rappelé mercredi l’obligation de respecter le droit international humanitaire dans les Territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est, un message jugé biaisé par Israël. La déclaration, adoptée par consensus, énonce les principes fondamentaux du droit international humanitaire que tous les membres signataires de la quatrième Convention de Genève doivent respecter en ce qui concerne la protection des (...)
(Scouts palestiniens)
L’AG de l’ONU avait proclamé 2014 l’année de la Palestine.
Quelle année en effet pour les Palestiniens !
Sur le terrain, « Tsahal », l’armée qui possède un État, a continué à pousser ses pions :
poursuite de la réduction de la place des Palestiniens en Cisjordanie comme peau de chagrin, avec son cortège de morts et d’arrestations
judaïsation violente de Jérusalem-Est annexé, avec de plus expulsion « administrative » et sans motivation de jeunes Palestiniens de la ville ; provocations sur l’Esplanade des Mosquées, tentative grossière mais dangereuse au plan mondial pour transformer le conflit colonial en conflit religieux
judaïsation du Nakab/Neguev par concentration des Bédouins palestiniens dans des villes dortoirs et destruction de leurs villages, et poursuite de la colonisation de la vallée du Jourdain
manifestations racistes contre les Palestiniens comme contre les immigrés, et menaces sur les manifestations pacifistes
Gaza, bien sûr, Gaza sous blocus, Gaza victime d’un déluge de fer et de feu pour punir les Palestiniens d’avoir obligé toutes les factions à constituer un gouvernement d’unité nationale. Plus de 2200 morts, plus de 11000 blessés, des dizaines de milliers de Gazaouis encore sans-abri à l’entrée de l’hiver...
Sur le plan juridique et parlementaire, poursuite de l’escalade dans les discriminations proposées par l’extrême droite du Likoud et ses alliés d’extrême extrême droite : interdiction de la commémoration de la Naqba, projet d’État national du peuple juif, interdiction d’appeler à la campagne BDS,.. Cet été, comme le tribunal Russell l’a montré, outre la recension des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, c’est de bien des secteurs de l’opinion, y compris des responsables politiques et religieux, que sont partis de véritables incitations au génocide !
Sur le plan diplomatique, « l’incapacité » de John Kerry à influer sur le gouvernement Nétanyahou a été manifeste, les lobbys sionistes, juifs comme évangélistes, interdisant au gouvernement US toute mesure de rétorsion, obtenant même du Congrès unanime le maintien d’un soutien militaire indéfectible, les USA réapprovisionnant Israël en munitions dès après l’opération « Bordure protectrice ». Le Président Hollande a été probablement cette année le chef d’Etat allant le plus loin dans l’affirmation de la solidarité occidentale à Israël, s’excusant de ne pas lui exprimer son amour en chantant, et affirmant en plein carnage le droit d’Israël à se défendre ! Quant à l’Union européenne, même si elle a agacé le gouvernement israélien par ses mesurettes sur l’étiquetage ou le blocage théorique des produits des colonies, elle a maintenu l’essentiel de l’accord d’association, au mépris de l’article 2 qui prévoit pourtant une suspension de l’accord en cas de non-respect des droits humains par Israël. L’opération « bordure protectrice » n’a même pas donné lieu à enquête internationale.
Un concentré de cette lâcheté de l’autoproclamée communauté internationale, en fait de sa solidarité sans faille avec son allié, nous est donnée par l’absence quasi complète de réactions devant la mort d’un ministre palestinien directement consécutive aux coups reçus des soldats de l’armée d’occupation, pour avoir osé manifester de façon non violente contre une nouvelle implantation coloniale, illégale même du point de vue israélien !
Quelles peuvent être alors les quelques lueurs d’espoir ?
D’abord, et avant tout, l’extraordinaire résistance du peuple palestinien, résistance armée légitime à Gaza, résistance le plus souvent non armée des comités populaires contre la construction du Mur ou contre des checkpoints, grèves de la faim des prisonniers à l’isolement, résistance à l’étouffement à Jérusalem,...
Ensuite, s’il y a bien un processus de fascisation en Israël, il est loin d’être achevé. Non seulement Nétanyahou a été conduit à convoquer de nouvelles élections, mais il se trouve encore des jeunes pour refuser de participer à une armée criminelle, des journalistes courageux pour dénoncer l’aggravation du régime d’apartheid, d’anciens membres des « services secrets » pour dire tout haut qu’Israël fonce dans le mur...
Enfin, si la plupart des dirigeants de la « communauté internationale » se déshonorent dans le soutien à cet État voyou, les sociétés civiles, elles, multiplient les preuves de leur écœurement devant ces comportements honteux. Malgré le honteux maintien de la circulaire Alliot-Marie en France et la poursuite de la tentative de criminaliser les actions, malgré la tentative lamentable soutenue par Valls et Hollande d’accrocher à nos actions l’infamante accusation d’antisémitisme, la campagne BDS se développe en France comme elle s’étend à l’étranger, les actions de Boycott économique, culturel, universitaire, sportif, se multiplient. Et cette campagne obtient des succès, même si les Sanctions tardent à venir, le Désinvestissement est à l’ordre du jour ; les adhésions mondiales d’associations syndicales à BDS se développent, les ventes des produits des colonies baissent, des chefs d’entreprises s’inquiètent, Sodastream doit déménager de Cisjordanie, des cargos de marchandises israéliennes sont arrêtés aux Etats-Unis, Veolia complice d’Israël perd de gros marchés...
Cet été, il y a eu des manifestations dans le monde entier, plus de 500 manifestations en France contre l’agression israélienne sur Gaza, souvent dans des villes qui n’en avaient pas connues pendant l’opération « plomb durci ». Une nouvelle génération s’est levée pour marquer sa solidarité.
La reconnaissance de l’État de Palestine par les deux tiers des États du monde, qui s’est étendue à plusieurs États européens cette année, est le signe encourageant que la mobilisation des peuples peut parvenir à faire bouger un tant soit peu des dirigeants aussi rétifs soient-ils.
L’Union Juive Française pour la Paix salue le peuple palestinien et sa résistance. En 2014, elle a gagné en visibilité et s’est renforcée, car parmi les Juifs de France eux-mêmes l’exaspération devant la politique israélienne et devant la prétention du CRIF à les engager en soutien a grandi. Elle appelle à une particulière vigilance dans les semaines qui viennent, car les surenchères sont à craindre dans la période électorale qui s’ouvre. Elle s’engage, et engage tous ses adhérents à développer encore plus et mieux la solidarité sous toutes ses formes, en développant et approfondissant les cadres unitaires, notamment celui de la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanctions.
Le manque de coordination et les lacunes majeures de l’assistance humanitaire se traduisent par une situation très difficile pour la plupart des 900 000 personnes déplacées par le conflit en Irak qui ont fui vers le Kurdistan irakien, a déclaré Amnesty International.
Les délégués d’Amnesty International qui viennent tout juste de rentrer d’une visite au Kurdistan irakien ont constaté que de nombreuses personnes déplacées ne disposent pas des biens de première nécessité dont elles ont besoin pour survivre durant l’hiver – couvertures, vêtements chauds et chauffage notamment. Des milliers vivent dans des camps très mal équipés ou dans des campements informels, dans des conditions très rudes.
« La réponse humanitaire présente de graves lacunes. De nombreuses personnes vivent dans des camps ou des bâtiments mal équipés, sans murs ni abris pour se protéger du froid, du vent, de la pluie. Vêtus d’habits légers, les enfants courent dans tous les sens, dans un froid glacial. Dans certains camps, les toilettes et l’eau potable manquent. Dans certains campements de fortune, il n’y en a pas du tout. Alors que l’hiver arrive, la situation risque de s’aggraver fortement, a déclaré Khairunissa Dhala, conseillère sur les droits des réfugiés à Amnesty International.
« La communauté internationale et le gouvernement régional du Kurdistan doivent mener une action concertée afin de venir en aide à ceux qui se sont installés à l’intérieur ou à l’extérieur des camps, dans le but d’éviter un désastre humanitaire de grande ampleur. »
Le gouvernement régional du Kurdistan a fait des efforts pour fournir des logements et des services d’urgence aux personnes déplacées. Cependant, la communauté internationale a réagi avec lenteur et, surtout, l’aide humanitaire n’est pas suffisante pour répondre aux besoins premiers.
Les fonds manquent cruellement. Le Plan de réponse stratégique pour l’Irak 2014-2015 lancé par les Nations unies n’est financé qu’à hauteur de 33 %. La part du budget couvrant les abris et d’autres équipements de base n’est jusqu’ici financée qu’à hauteur de 23 %. Plusieurs projets de l’ONU ne sont pas financés au-delà de mars 2015.
« Les personnes déplacées ont peu de chances de pouvoir rentrer chez elles bientôt ; c’est pourquoi il faut renforcer le financement, la planification et la coordination en vue de venir en aide à ceux qui souffrent le plus », a déclaré Khairunissa Dhala.
Les abris
Environ 120 000 personnes déplacées vivent actuellement dans 12 camps gérés par des agences humanitaires ou le gouvernement régional du Kurdistan, dans le gouvernorat de Dohuk. Cependant, ces camps n’ont pas la capacité d’accueillir toute la population déplacée. La plupart sont éparpillés dans des centaines de campements informels installés sur des chantiers, des centres communautaires et d’autres lieux. D’autres ont trouvé des logements privés.
La situation en termes de logement, d’équipements et de services varie grandement d’un camp à l’autre. Au camp de Bersive I, qui accueille environ 10 000 personnes, les tentes ne sont pas vraiment imperméables, il n’y a pas d’eau chaude et le nombre de toilettes et de douches est inférieur aux normes humanitaires minimales. Ces piètres conditions découragent certains de venir y trouver refuge.
Amnesty International s’est également rendue dans des campements informels à Dairaboun et Zawita, et a constaté une pénurie d’aide et un manque critique d’installations sanitaires.
Selon l’ONU, environ 40 % des personnes déplacées dans le gouvernorat de Dohuk vivent sur des chantiers et des bâtiments en cours de construction, qui pour la plupart n’ont pas de murs, de fenêtres ni de portes, et sont ouverts au froid, au vent et à la pluie. Ces personnes n’ont pas de chauffage, d’eau ni d’installations sanitaires. Amnesty International a également confirmé des cas d’enfants qui chutent des bâtiments et se blessent gravement ou se tuent.
De nombreuses familles qui ont trouvé un abri dans ce genre de bâtiments ont déclaré à Amnesty International qu’elles n’auraient pas survécu sans la bonne volonté des habitants du secteur. Elles n’avaient pas reçu d’autre aide depuis des mois. Mais la pression exercée sur ces habitants commence à se faire sentir. Certains propriétaires privés affirment que les personnes déplacées doivent maintenant partir, afin de pouvoir terminer les chantiers.
Khani, une jeune femme de 22 ans qui vit dans le sous-sol d’un bâtiment non terminé avec six autres familles, s’est vu demander de quitter les lieux. Ils n’ont ni eau ni gaz, et disposent d’un chauffage que leur a fourni une association caritative. « Nous avons besoin de plus de couvertures et de vêtements. C’est notre priorité pour l’instant », a-t-elle expliqué.
Tandis que le gouvernement régional du Kurdistan fait des efforts pour transférer les personnes installées dans des bâtiments non terminés vers les camps, il ne semble pas avoir envisagé de solutions de remplacement, par exemple des logements adaptés situés hors des camps.
« Toute personne se retrouvant sans abri après avoir fui les violences qui déchirent l’Irak a droit à un abri sûr, chaud et adapté. C’est d’autant plus urgent que l’hiver arrive. Personne ne doit être expulsé s’il n’a nulle part où aller. Les autorités du gouvernement régional du Kurdistan doivent collaborer avec l’ONU et les organismes humanitaires afin de fournir aux personnes déplacées un abri adéquat », a déclaré Khairunissa Dhala.
L’accès à l’éducation
Selon les estimations, 252 000 enfants d’âge scolaire (entre six et 17 ans) sont déplacés dans la région du Kurdistan. Très peu d’enfants dont les familles se sont entretenues avec Amnesty International dans les camps et les campements informels vont à l’école. De nombreux camps n’ont pas d’école, certaines familles n’ont pas les moyens de payer le transport, d’autres ont besoin que leurs enfants travaillent pour survivre. Certains parents ont expliqué que leurs enfants qui suivaient auparavant le programme en arabe enseigné dans le reste de l’Irak étaient incapables de suivre le programme en kurde.
« L’éducation doit être une priorité de la réponse humanitaire à la crise. Ces enfants ont déjà perdu leur maison, ils ne doivent pas être privés de leur droit à l’éducation », a déclaré Khairunissa Dhala.
Enfin, Amnesty International demande aux autorités, ainsi qu’à l’ONU et aux organismes humanitaires, d’améliorer l’enregistrement de tous ceux qui sont déplacés à l’intérieur de leur pays, afin d’évaluer correctement les besoins et les vulnérabilités.
Complément d’information
Depuis le début de l’année 2014, plus de deux millions d’Irakiens ont été déplacés en raison des affrontements qui déchirent le pays. La région du Kurdistan accueille 48 % de l’ensemble de la population déplacée, c’est-à-dire environ 946 266 personnes.
Depuis janvier 2014, la région du Kurdistan a connu trois vagues de déplacement, conséquences de la progression militaire du groupe armé qui se fait appeler État islamique (EI). La première s’est déroulée lorsque les forces de l’EI ont pris le contrôle de secteurs du gouvernorat d’Anbar en décembre 2013 et janvier 2014, causant la fuite de nombreuses familles (principalement des arabes sunnites). La deuxième vague a eu lieu en juin et juillet 2014, après la prise par l’EI de villes et villages dans le nord de l’Irak (notamment Mossoul), entraînant le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes, pour la plupart membres de minorités religieuses et ethniques. La troisième s’est déroulée lorsque l’EI a pris le contrôle de la région de Sinjar, dans le nord-ouest de l’Irak, le 3 août, faisant fuir des centaines de milliers d’habitants, pour la plupart membres de la minorité des Yézidis.
Avec une population de cinq millions d’habitants, la région du Kurdistan accueille environ 230 000 réfugiés syriens, en plus des personnes déplacées.
19 décembre 2014
Entretien avec Julien Salingue,
mené par «Kévin l’impertinent»
Le Comptoir: Les députés ont voté le mardi 2 décembre dernier la reconnaissance française de l’État palestinien. Qu’en pensez-vous?
Julien Salingue: Précisons que les députés viennent de voter qu’ils «invitaient» le gouvernement à reconnaître l’Etat palestinien, ce qui n’est pas une petite nuance. C’est-à-dire que c’est une invitation qui n’a pour le moment aucun effet concret et qui, en réalité, n’en aura pas. Le gouvernement ne reconnaîtra pas l’Etat palestinien, car ce n’est pas la stratégie actuelle de la diplomatie française qui dit qu’il faut plutôt relancer les négociations et ne pas froisser l’État d’Israël. Alors pourquoi ce vote et pourquoi maintenant? Je pense qu’il y a de plus en plus de gens, y compris parmi les députés socialistes, qui prennent conscience, notamment depuis cet été, que beaucoup de Français sont sensibles à la question palestinienne, notamment dans leur électorat ou ex-électorat. Ils se sont donc dit qu’il était peut-être temps de faire un geste, aussi symbolique soit-il, en direction de cet électorat qu’ils ont peur de perdre.
La seconde chose, c’est que c’est un mouvement européen: plusieurs responsables politiques de l’Union européenne (UE) sont, je le pense, assez excédés par l’Etat d’Israël, y compris par son attitude vis-à-vis des pays européens. C’est symbolique, or c’est une manière de dire aux responsables israéliens que tout n’est pas permis. Concrètement, cela ne débouchera sur rien et ne changera pas la situation là-bas, il ne faut pas se faire d’illusion.
Et quels intérêts la reconnaissance de l’État palestinien pourrait représenter pour le gouvernement français et pour sa diplomatie?
Le seul intérêt que pourrait avoir le gouvernement français, ça serait de redorer son image dans le monde arabe. Celle-ci est depuis pas mal d’années, notamment avec la présidence Sarkozy, largement écornée, et encore plus depuis cet été avec les déclarations de l’Elysée (Hollande) au début des bombardements sur Gaza. Ça serait l’occasion de renouer avec ce mythe d’une diplomatie française autonome, notamment vis-à-vis des États-Unis, et parfois critique d’Israël.
Tradition chez les présidents français qui remonte à De Gaulle et va jusqu’à Chirac…
Exactement. C’est le gaullisme «historique», l’idée d’une indépendance, ou au moins d’une autonomie diplomatique. Même si cela ne correspond plus à grand-chose, et que l’idée d’une politique «pro-arabe» était largement surfaite, cette image se perpétue. On inaugure des rues «Jacques Chirac» à Ramallah… Le seul intérêt qu’aurait le gouvernement Hollande-Valls, ce serait donc de renouer avec cette posture et cette image. Mais, en termes d’influence concrète sur l’évolution des événements là-bas, une reconnaissance formelle n’aurait absolument aucun impact, tout simplement parce que l’Etat d’Israël ne comprend pas ce langage. Le seul langage qu’il comprenne, c’est la menace de sanctions, assortie par un passage à l’acte. Il suffit de se souvenir que la Palestine a été admise à l’ONU comme Etat non-membre il y a deux ans, ça n’a absolument pas empêché l’État d’Israël de continuer à coloniser ou de bombarder Gaza cet été. Tant qu’il n’y aura pas de politique concrète, tant qu’Israël ne sentira pas concrètement que sa politique a un coût, économique et diplomatique, rien ne bougera.
Les événements récents à Jérusalem nous ont rappelé que la ville est au cœur du conflit. En quoi le partage de Jérusalem est-il important pour les Palestiniens et les Israéliens? Vu l’importance qu’a cette ville dans les trois monothéismes, ne faudrait-il pas plutôt en faire une cité indépendante et internationale?
La résolution 181 de l’ONU prévoyait un statut international pour Jérusalem, sans partage. C’était une zone sous statut international, mais ça n’a jamais été respecté. D’un côté, l’État d’Israël a annexé Jérusalem, y compris sa partie arabe au début des années 1980, et a proclamé que c’était sa capitale une et indivisible et n’a rien voulu entendre.
De l’autre côté, il y a les Palestiniens qui souhaiteraient une souveraineté sur la ville de Jérusalem, ou au moins sur sa partie arabe, entre autres celle qui abrite les lieux saints.
Tout le problème étant que la politique d’annexion d’Israël s’est accompagnée de contraintes de colonisation. Aujourd’hui, il y a 200’000 colons à Jérusalem-Est et dans la banlieue environnante, ce qui a coupé la ville de son arrière-pays en Cisjordanie. Le but est d’obtenir, par une politique de fait accompli, une très grande majorité juive pour empêcher tout partage. Quelles peuvent être les solutions? Un partage international de la ville: pourquoi pas? Mais de mon point de vue, cela ne doit pas se faire pour des raisons religieuses, mais pour des raisons politiques. Si les Palestiniens sont attachés à Jérusalem, ce n’est pas parce qu’ils y prient, mais parce qu’ils y vivent. De même, si les Palestiniens de Cisjordanie veulent aller dans cette ville, ce n’est pas que pour y prier. Il faut se rappeler que, jusqu’en 1993, Jérusalem était le poumon économique de la Cisjordanie. En réalité, Jérusalem est un carrefour humain, politique, économique et religieux. Il ne faut pas se contenter du prisme religieux. Qui plus est, il ne peut y avoir de solution à la question de Jérusalem sans un règlement de l’ensemble des questions (colonies, réfugiés, etc.).
En France, beaucoup de pro-Palestiniens affirment que les médias seraient entre les mains des «sionistes». De l’autre côté, beaucoup de pro-Israéliens reprochent aux mêmes médias d’accabler le gouvernement israélien. Quel est le traitement médiatique du conflit dans l’Hexagone?
Les médias ne sont ni pro-Israël, ni pro-Palestine, mais ils sont médiocres, de manière générale, en ce qui concerne le traitement du conflit opposant Israël aux Palestiniens. Il y a quand même des journalistes qui font du bon travail, y compris dans de grands médias, et il ne faut pas le sous-estimer. Mais le «bruit médiatique», les grands titres et la couverture un peu mainstream, sont très dépolitisés. On oublie les enjeux de fond et on court après les événements: les attentats, les bombardements, les assassinats, etc. Et on saute d’un événement à un autre sans jamais donner d’éléments de fond. On dépolitise et on «déshistoricise». J’avais appelé cela, dans un article publié il y a quelques années, «le syndrome de Tom et Jerry». On a l’impression qu’on a affaire à deux adversaires qui se tapent dessus et se courent après, mais on ne sait jamais pourquoi. C’est ce qui permet de comprendre pourquoi une partie de l’opinion qui a des sympathies pour la cause palestinienne a l’impression que les médias sont pro-Israël. Comme les questions de fond ne sont jamais rappelées et que, sous prétexte de fausse neutralité, il y a un traitement qui se veut «équilibré», que la parole est autant donnée aux uns qu’autres, que l’on veut montrer les réalités vécues par les uns et par les autres, on oublie qu’il y a un occupant et un occupé. Après, qu’il y ait des pro-Israëliens qui considèrent que la couverture est pro-palestinienne, c’est soit de la mauvaise foi, soit c’est parce qu’aujourd’hui, défendre la politique de l’Etat d’Israël, c’est défendre une politique de droite, voire d’extrême droite, et que les médias ne le font (heureusement) pas. Il ne faut pas oublier qu’il y a quand même un gros travail mené par certains journalistes, mais que ce qui est montré n’est pas la réalité dans sa complexité, et les moyens ne nous sont pas offerts pour comprendre. Dans ces conditions, une majorité du public se désintéresse, ou se dit que les choses sont trop compliquées et que les torts doivent être partagés.
Les manifestations de cet été en faveur du peuple palestinien ont été le théâtre de dérives antisémites, certes minoritaires, mais visibles quand même. Le rôle des organisations de gauche n’était-il pas de prévenir et de se désolidariser au mieux de toutes marques d’antisémitisme?
Je pense que la gauche au sens large et le mouvement de solidarité avec la Palestine en particulier se sont largement démarqués de toute manifestation d’antisémitisme, et ce depuis bien longtemps. Ce n’est pas parce que dans une manifestation de 20’000, 30’000 ou 40’000 personnes, il y a trois abrutis avec une caricature antisémite, qu’il faut en tirer des conclusions concernant la nature des manifestations. Le cordon existe depuis longtemps et j’estime qu’en réalité il y a une peur (liée à une pression) qui fait que le mouvement de solidarité se sent en permanence obligé de se justifier. Ce phénomène dénote plutôt une surestimation de la réalité de l’antisémitisme en son sein.
Je pense qu’il faut être très clair: le mouvement de solidarité avec la Palestine n’a rien à voir avec l’antisémitisme. Les forces solidaires des Palestiniens rappellent que c’est une question politique et non une question ethnique ou raciale. J’estime que le boulot est largement fait. Par contre, il y a deux véritables dangers.
Le premier, c’est qu’il peut y avoir certains courants comme Egalite & Réconciliation (Alain Soral) qui veulent surfer sur le mouvement de solidarité avec la Palestine (sans en être membres) pour diffuser des messages antisémites en facilitant les amalgames; c’est une menace bien réelle qu’il ne faut pas sous-estimer.
Le second, c’est qu’il peut y avoir des amalgames qui sont favorisés par certains des soutiens inconditionnels d’Israël. Parce que quand dit: «les Juifs de France soutiennent l’État d’Israël», il entretient l’amalgame. Quand des groupes ultra-sionistes appellent à des rassemblements de soutien à Israël devant des synagogues, ils entretiennent l’amalgame.
Surtout qu’il y a des juifs qui soutiennent la Palestine et qui ont manifesté cet été…
Oui, c’est vrai. Les amalgames viennent donc également de certains parmi ceux qui soutiennent l’Etat d’Israël et je pense qu’il faudrait leur demander autant de comptes, voire davantage, qu’au mouvement de solidarité, car ce ne sont pas des individus isolés qui entretiennent cet amalgame-là, mais des forces institutionnalisées comme le Crif (Conseil Représentatif des Association Juives de France). De même que l’Etat d’Israël lui-même qui se proclame être l’«Etat des Juifs» et prétend agir «pour le Peuple juif» entretient les confusions dans lesquelles certains s’engouffrent. Ce genre d’amalgame n’est pas de la responsabilité du mouvement de solidarité pour la Palestine. Il serait temps de l’admettre et de questionner publiquement l’ensemble des «amalgameurs».
Le polémiste et théoricien national-socialiste Alain Soral qui monte actuellement son parti, Réconciliation national, est-il le grand gagnant des événements de cet été et des faiblesses de la gauche gouvernementale sur le sujet? Et ces événements ont-ils révélé une inquiétante convergence entre extrême gauche anti-impérialiste et extrême droite antisémite?
Il n’y a aucune convergence entre ces forces, pour la simple et bonne raison que la gauche authentiquement anti-impérialiste ne veut rien avoir à faire, et n’a rien à voir, avec ce type de courants-là. Il n’y a donc pas de convergences possibles. Ce n’est pas parce que certains individus basculent vers Soral, alors qu’ils avaient plutôt une identité de gauche, que cela correspond à un mouvement de fond des organisations. Il ne faut pas surestimer ce phénomène, même s’il ne faut pas non plus sous-estimer le phénomène Soral. Mais il a également montré toutes ses limites cet été. Je ne pense pas qu’il en sorte gagnant, au contraire. Plus il y a de mobilisations organisées sur la question palestinienne et plus il est perdant. Parce que Soral et sa bande ne mobilisent pas sur la question palestinienne. Qu’est-ce qu’ils proposent comme perspective aux gens au nom de leur antisionisme? Rien ! Parce qu’en vrai, cela ne les intéresse pas, Soral et ses amis. Eux, ils veulent s’appuyer sur une critique justifiée de la politique israélienne et un sentiment d’indignation légitime pour prospérer, en mélangeant soigneusement antisionisme et antisémitisme. L’«antisionisme» de Soral n’est pas un vrai antisionisme. Je le dis et le répète: Soral n’est pas antisioniste.
L’antisionisme, c’est l’opposition au projet historique de construction d’un État juif en Palestine et maintenant que cet État existe, c’est l’opposition à sa perpétuation comme Etat juif et discriminatoire. L’«antisionisme» de Soral est une opposition à un sionisme qui serait une entité transnationale qui gouvernerait le monde, qui aurait une politique bancaire, une politique économique, une politique sociale, etc. [Le mythe raciste du«Juif omnipotent et omniprésent», pour Soral]. Ça n’a rien à voir avec le sionisme! Je veux dire, que «le sionisme» n’a pas d’opinion sur le mariage homo ou sur la crise économique! Non, le sionisme est un courant politique précis, avec différentes sensibilités en son sein, qui voulait la création de l’Etat d’Israël et veut le maintenir tel quel. Derrière cet amalgame, nous savons très bien que ceux qui sont visés ne sont pas les sionistes, mais les Juifs. Il ne faut pas sous-estimer le danger, mais il ne faut pas être sur la défensive.
Ceux qui sont authentiquement solidaires des Palestiniens et ont témoigné de cette solidarité ces dernières années, ce n’est pas la bande à Soral. C’est le mouvement de solidarité avec la Palestine qui a construit la campagne de boycott, qui construit des partenariats avec des Palestiniens. Le combat, il faut le mener en faisant de la politique, et ça sera le seul moyen de couper l’herbe sous le pied des Soral et compagnie. Je précise également que le vote du Parlement français, aussi symbolique soit-il et malgré les arrière-pensées électoralistes de nombre de parlementaires socialistes, témoigne quand même d’un élément important: contrairement à ce que Soral raconte, ce n’est pas le Crif, le gouvernement israélien ou Bernard-Henri Lévy (BHL) qui décident de la politique française. Car le Crif, le gouvernement israélien et BHL étaient opposés à la résolution parlementaire, et l’ont fait savoir. Les députés ne s’engagent certes pas à grand-chose, mais la décision qu’ils ont prise est l’inverse de ce que voulait le Crif.
C’est quand même la démonstration claire que le lobby pro-Israël – qui évidemment existe et peut avoir par moments une emprise, notamment lorsque ses positions font écho aux vues du gouvernement français – n’est pas si puissant que cela. Ensuite, cela montre que ce qui pèse, ce n’est pas les discours de dénonciations stériles, mais ce sont les vraies mobilisations, qu’il s’agisse des manifestations de cet été ou du développement, depuis de longues années, de la campagne BDS (Boycott – Désinvestissement – Sanctions).
Pour en revenir une dernière fois aux mobilisations de cet été, que pensez-vous de certains cortèges que nous pourrions qualifier de «communautaires», je pense notamment au collectif Cheikh Yassine [du nom d’Ahmed Yassine, fondateur et ancien leader du Hamas, assassiné en 2004] qui a manifesté avec la gauche?
Je pense que les sources de la solidarité avec la Palestine peuvent être nombreuses. Ça peut être la tradition anti-impérialiste de la gauche radicale. Ça peut être religieux: la majorité des Palestiniens sont des musulmans. Il peut y avoir un mobile «communautaire» également, qui découle d’une identification avec une population arabe agressée. Les vecteurs peuvent être multiples et je ne juge pas des motivations: il n’y en a pas une qui soit a priori plus valable, ou plus digne, que les autres. Le vrai problème est de savoir comment est posée la question palestinienne. Si tu la poses en termes strictement religieux ou communautaires, tu es largement à côté de la plaque.
C’est une question politique, territoriale, coloniale. Mais, on peut avoir des motivations différentes et poser la question de la même façon. Après, que dans des manifestations se retrouvent des courants plus «communautaires» ou plus religieux, moi ça ne me choque absolument pas, à partir du moment où ils sont très clairs, comme le reste des courants politiques (je ne leur demande pas davantage de comptes qu’aux autres) sur, par exemple, l’absence d’amalgames entre antisionisme et antisémitisme ou sur le refus de toute discrimination au sein du mouvement de solidarité. A partir du moment où tout le monde est d’accord sur le fait qu’il ne faille pas tout mélanger et que nous sommes sur un pied d’égalité quelles que soient notre religion ou notre couleur de peau, c’est bon. Dans le cas contraire, il faut rompre avec les groupes et groupuscules qui ne sont pas clairs là-dessus.
Le reproche que je ferais à Cheikh Yassine, puisque ce groupe était mentionné dans la question, porte sur ce point. Ils influencent des gens très sincères et actifs dans la mobilisation, mais ils sont prêts à intégrer n’importe qui et travailler avec n‘importe qui, sous prétexte qu’il faut être le plus nombreux possible pour défendre les Palestiniens. Or, à un moment donné, même si tu es plus nombreux – ce qui reste à démontrer – si tu tolères dans tes rangs, ou près de toi, des gens qui font des amalgames et mélangent tout, tu dessers la cause palestinienne. En gros, il faut juger au cas par cas et poser les questions très clairement, dans un rapport d’égalité avec les autres groupes, sans le paternalisme qui domine encore trop souvent chez certaines forces du mouvement de solidarité. C’est-à-dire que je ne suis pas celui qui décide qui a le droit ou qui n’a pas le droit de venir, mais à partir du moment où nous nous mettons d’accord sur le cap et le contenu d’une manifestation, nous devons les respecter. Et ceux qui ne les respectent pas ne doivent pas s’étonner de ne pas être les bienvenus.
La gauche de la gauche dénonce à juste titre les dérives du gouvernement israélien et de «Tsahal», ladite Armée de défense israélienne. Mais on l’entend cependant moins sur celles Hamas qui n’est ni réputé pour son pacifisme, ni pour sa modération. Sa vision n’est-elle pas trop idéologique? Ce sont quoi «les dérives du Hamas»?Je pense à sa charte qui reste violente ou encore à sa branche armée…
Tous les groupes palestiniens ont une branche armée. Pour prendre les choses dans l’ordre, sur les moyens d’action utilisés par les Palestiniens, la première chose à rappeler est qu’à l’heure actuelle, aucun parti politique palestinien – à l’exception du Parti communiste palestinien, qui se nomme actuellement «Parti du peuple palestinien» – n’a renoncé à la lutte armée. C’est vrai pour le Fatah ou une large partie de la gauche. Nous pouvons comprendre pourquoi: ils restent sous occupation et sont victimes d’une agression militaire. Le simple fait de se défendre militairement paraît logique et légitime. À plusieurs reprises les Nations-Unies ont consacré le droit des peuples sous occupation de se défendre par les armes. Alors de mon point de vue, c’est tout à fait légitime. Après, sur la stratégie, «est-ce que c’est utile et est-ce que c’est le moment?», j’ai envie de dire que ce sont les Palestiniens qui sont le mieux placés pour le savoir, car ce sont eux qui vivent les bombardements, les contrôles et la répression. Ils en discutent entre eux. Ils ont des désaccords. Par moments, ils suspendent la lutte armée et par moments, ils la reprennent.
Je suis très méfiant, pour être poli, vis-à-vis de ceux qui, très confortablement installés dans leurs canapés dans les pays occidentaux, disent au peuple palestinien: «Attention avec vos armes, ça vous dessert». Ça fait soixante-dix ans que les Palestiniens luttent, a priori, ils savent à peu près ce qu’ils font. Et même s’ils font des conneries, je ne suis pas là pour juger à leur place. Et surtout, c’est le troisième point, la moindre des choses quand on est de gauche, c’est d’être solidaire des droits des Palestiniens et ne pas conditionner ce soutien aux choix tactiques qu’ils utilisent. Même si je n’étais pas d’accord avec la manière dont ils luttent, je ne cesserais pas d’être solidaire de leurs droits.
De même, pour finir sur cette question, je ne conditionne pas mon soutien aux représentants que ce peuple a choisi d’élire. Car, il ne faut pas oublier que la dernière fois où il y a eu des élections, le Hamas était majoritaire. S’il y en avait de nouvelles aujourd’hui, on ne sait pas ce que cela donnerait, mais il est probable que le Hamas resterait majoritaire.
Après, nous avons le droit de dire que nous ne sommes pas d’accord avec telle ou telle organisation. Mais je ne suis pas pour une focalisation sur le Hamas, parce que pendant les quinze ans de l’application des accords d’Oslo, personne n’a dit grand-chose sur l’OLP et le Fatah. Alors qu’au niveau de l’autoritarisme, de la corruption et de la répression, ils n’étaient pas tout blancs, loin de là, et ce y compris sur les questions religieuses. A Ramallah, il y a une police qui fait respecter le ramadan dans les rues par exemple: c’est une police de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.
Après, en tant que militant de gauche – ou d’extrême gauche –, j’ai un projet de société différent du Hamas, ça c’est clair. Donc, j’ai des partenariats privilégiés avec des organisations politiques avec lesquelles je me sens plus proche, à savoir la gauche palestinienne. Mais je ne m’interdis pas de discuter avec des gens du Hamas de mes désaccords, tout en les considérant comme des égaux.
Pour conclure, j’entends bien ce truc qui consiste à dire que si l’on critique Israël, il faut également critiquer les dérives au sein du peuple palestinien. Je ne suis prêt à le faire que si nous n’oublions pas que les organisations de gauche et progressistes – et c’est valable pour l’ensemble de la région – ont été détruites systématiquement par les régimes en place et par Israël, avec les soutiens des pays occidentaux, et qu’elles ne vont pas se reconstruire par miracle. Les Palestiniens au départ n’étaient pas derrière des courants religieux, et on a refusé de leur donner leurs droits. Quand ils étaient dans la négociation, on a refusé de leur donner leurs droits. C’est donc un peu facile de leur dire aujourd’hui qu’il faut négocier et ne pas être derrière les organisations religieuses. Ils ont essayé un moment, mais ça n’a pas marché. Et par ailleurs, ça ne durera pas éternellement.
Vous avez répété plusieurs fois au cours de cet entretien que le conflit est avant tout politique et non religieux, et vous avez raison. Mais, le recours au religieux tend à prendre le pas sur le conflit politique. D’abord, qu’en pensez-vous? Ensuite, importer le conflit à l’intérieur de nos frontières [France] ne risque-t-il pas d’attiser les conflits communautaires et d’instaurer un climat de guerre civile en France, où nous avons les plus fortes communautés musulmane et juive d’Europe?
La question de l’importation a plutôt tendance à me faire sourire. Car personne n’«importe» la question palestinienne en France. Par contre, l’Europe et, en l’occurrence, la France, a exporté ses conflits là-bas. Parce que la colonisation et la partition souvent artificielle du monde arabe sont dues à la France, à la Grande-Bretagne etc., et à leurs rivalités. Le génocide [des Juifs, entre autres] pendant la Seconde Guerre mondiale vient des pays européens. Et nous avons exporté nos conflits intra-européens dans cette région du monde. Donc, il ne faut pas s’étonner après qu’il y ait un retour de bâton: c’est logique et parfaitement normal. Il n’y a pas de raison de parler d’importation: nous avons exporté nos conflits!
Qui plus est, à partir du moment où le gouvernement français prend des positions sur le conflit israélo-palestinien, il est logique que la population se positionne ou manifeste si elle n’est pas d’accord, comme sur toutes les autres questions. Je refuse ce terrorisme de «l’importation». C’est une question légitime, et c’est normal que la population d’un pays comme la France prenne parti, car c’est en partie de la faute de la France si les événements qui se passent là-bas ont lieu.
Je comprends la crainte en France qui consiste à penser que cette situation prend trop d’importance, ou que certains tentent de monter les communautés entre elles et que les questions religieuses sont trop mises en avant au détriment des questions politiques. Oui, mais c’est précisément pour cela qu’il faut continuer de se bagarrer pour rappeler que c’est une question coloniale et politique, même si nous pouvons avoir l’impression, par moments, que, là-bas, les discours religieux semblent dominer.
Mais qu’est-ce que cela veut dire? Par exemple, est-ce que l’élection du Hamas était un vote politique ou religieux? C’était un vote politique. Je connais des chrétiens qui ont voté pour le Hamas. Ils n’ont pas voté pour la charia mais pour une organisation qu’ils estimaient plus apte à mener le combat de libération nationale que les autres. Il ne faut pas sous-estimer ce phénomène. Ils ont voté pour ceux qui ont refusé la capitulation, poursuivi la lutte, dénoncé la corruption, critiqué la stratégie des négociations et d’Oslo. Ils sont apparus comme incarnant cela. Ce résultat ne signifiait pas que les Palestiniens se sont réveillés, d’un coup, plus religieux qu’avant.
Après, que parmi les Palestiniens, il y en ait qui tentent de mettre en avant les questions religieuses plus que les questions politiques, bien sûr. Mais c’est plus marginal qu’il n’y paraît, y compris du côté du Hamas.
Dans ma question, je ne visais pas exclusivement les Palestiniens. Du côté d’Israël, et notamment de l’extrême droite, il y a aussi une instrumentalisation du religieux.
J’allais y venir. En Israël, il y a une nette instrumentalisation des référents religieux pour légitimer le projet de colonisation, que ce soit à Jérusalem ou à Hébron. Ils se justifient en disant que la Torah explique que c’est chez eux. Mais, même quand il y a une instrumentalisation du religieux pour la colonisation israélienne, il faut rester sur le terrain politique: je ne vais pas aller discuter de la Torah avec eux! Non, ce n’est pas le problème.
Le problème est que cette terre est sous occupation et que des gens se font exproprier, bombarder et expulser. Il faut ramener le débat sur le terrain politique, comme le font les Palestiniens là-bas ou certains Israéliens, même s’ils sont de plus en plus marginaux et ultra-minoritaires. Il y a une volonté délibérée, chez certains membres de l’establishment israélien de tourner cela en conflit religieux, parce que c’est là qu’il y a le plus d’effets. Car, à partir du moment où ils s’inscrivent dans un conflit de religion, on entre dans la rhétorique du choc des civilisations et ils espèrent avoir le soutien des pays occidentaux: ils ne sont pas stupides! Ce n’est pas qu’ils croient profondément en cette histoire de Torah, même si certains colons y croient. Mais les dirigeants politiques ne sont pas fous. Et face à cette instrumentalisation, je le répète, la politique est la meilleure réponse. Là-bas, les Palestiniens le font. Certains Israéliens essaient de le faire. Ici, en France, nous devons le faire aussi et refuser le glissement sur le terrain du religieux, comme un Meyer Habib [directeur du groupe Vendôme – bijouterie de luxe – et député de la 8e circonscription des Français de l’étranger], par exemple, s’en est fait le spécialiste.
Mais il faut également reconnaître l’existence de revendications d’ordre plus religieuses, comme le droit d’aller prier à Jérusalem, tout en soulignant que ce droit n’est pas que religieux: il est également politique, car il concerne la question de la liberté de culte et surtout de la liberté de circulation. Et ça, c’est un problème qui concerne tous les Palestiniens, au quotidien, et qui est un des problèmes les plus essentiels pour eux, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou non-croyants. (Publié le 19 décembre dans «Le comptoir» qui reprend la formule de Balzac: «Le comptoir d’un café est le parlement du peuple».)
• 12 juin: trois adolescents Israéliens âgés de 16 à 19 ans disparaissent en Cisjordanie. Benyamin Netanyahou son gouvernement accusent le Hamas, qui nie toute implication, mais salue l’événement.
• A partir du 15 juin, le gouvernement israélien lance une opération baptisée «Gardien de nos frères», visant à «éradiquer le Hamas». Plus de 2500 soldats sont déployés au sud de la Cisjordanie. Bilan au 30 juin: 420 Palestiniens arrêtés – dont 305 appartenant au Hamas – 200 bâtiments fouillés. Cinq Palestiniens trouvent la mort dans cette opération.
• Le Hamas réplique par des tirs de roquettes en direction de Jérusalem, Tel-Aviv et Haïfa, qui ne font ni dégâts majeurs, ni victimes.
• Le 7 juillet, Israël lance l’opération «Bordure protectrice» et déploie 1500 soldats et 40’000 réservistes et lance un raid aérien. Démarre un conflit armé qui dure plusieurs semaines.
• Le 28 août, l’Egypte, Israël et l’État de Palestine annoncent un cessez-le-feu. Bilan: près de 68 morts israéliens dont 64 soldats; près de 2000 du côté palestinien, dont au moins 1444 civils et 478 enfants.
• 18 novembre: un attentat à Jérusalem fait quatre morts du côté israélien, ceci dans un contexte très tendu où de nombreux Palestiniens manifestent contre la colonisation.
• Le 2 décembre, Netanyahou annonce des élections législatives le 17 mars 2015, espérant une majorité plus à droite.
Julien Salingue est docteur en sciences politiques. Il a publié, entre autres, La Palestine d’Oslo (L’Harmattan, 2014), Israël, un Etat d’apartheid? Enjeux juridiques et politiques (L’Harmattan 2013), en collaboration avec Lebrun Céline.
Ce 17 décembre s’annonce comme un « mercredi noir » pour la diplomatie israélienne, constate sur Al-Monitor l’éditorialiste israélien Ben Caspit.
« Le système judiciaire européen [a retiré] le Hamas de sa liste des orga- nisations terroristes ; les Etats membres de la Convention de Genève se réu- nissent à la demande de la Palestine pour convenir de plusieurs résolutions à l’encontre d’Israël ; le Parlement européen [s'est prononcé] sur une version adoucie d’une résolution de reconnaissance d’un Etat palestinien. Et, last but not least, le projet de résolution palestinien sera soumis au Conseil de sécurité. »
Soutenu par la Ligue arabe et déposé par la Jordanie – actuellement membre non permanent du Conseil de sécurité –, ce projet demande la fin de l’occupation israélienne sur les Territoires palestiniens dans un délai de deux ans. Bref, « il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu une telle offensive diplomatique contre Israël », fait observer Ben Caspit.
Il explique que, si la résolution va indubitablement être bloquée, la pression qui pèse sur Israël pourrait finir par convaincre l’électorat, appelé aux urnes au mois de mars, que « maintenir [le Premier ministre] Nétanyahou en poste ne conduira qu’à un enfer diplomatique sans issue [...] et qu’il leur faut trouver un leader capable de récupérer le soutien américain, de mener des négociations avec les Européens et, surtout, de parler aux Palestiniens ».
http://www.courrierinternational.com/dessin/2014/12/17/un-jour-noir-pour-la-diplomatie-israelienne
En plein mois de février, les forces de l’ordre ont procédé à la destruction forcée des logements des habitant-e-s de Douar Ouled Dlim situé à Guich Loudaya à Rabat (Maroc). Plus de 36 logements ont été détruits, laissant les habitant-e-s sans aucune ressource. A ce jour, ils/elles vivent dans des campements de fortune, faits de bâches en plastique maintenues par quelques morceaux de bois et de tôles amassés ici ou là. Les forces de l’ordre ont entouré leurs terres- aujourd’hui vendues à la Société d’Aménagement Ryad-, par des panneaux de tôle. Enfermé-e-s dans une prison à ciel ouvert, ces citoyen-ne-s sans terres sont surveillé-e-s par les chiens du service de sécurité mis en place pour les empêcher de reconstruire.
Parallèlement, au mois de mars, les forces de l’ordre sont intervenues au Douar Drabka, également situé à Guich Loudaya, pour procéder à la destruction des pépinières et des échoppes commerciales dans lesquelles les habitant-e-s vendaient légumes et fruits issus de leurs cultures.
Situé en plein dans le quartier résidentiel de Hay Ryad, les terres de la tribu Guich Loudaya, sont des terres collectives agricoles, dans lesquelles la tribu Guich vit depuis plusieurs générations. Ces terres leur ont été octroyées par le Sultan Moulay Abderrahmane en 1838, en compensation de leurs services - en tant que tribu guerrière – au royaume chérifien. Depuis son installation sur ces terres, la tribu Guich, à l’origine nomade, a opté pour l’agriculture vivrière.
Du fait de l’expansion de la ville de Rabat, ces terres constituent un enjeu foncier considérable convoité par les promoteurs immobiliers et par les politiques urbaines. L’accaparement des terres Guich, se fait par l’intermédiaire de la mise sous tutelle du ministère de l’Intérieur qui revend ces terres à des prix dérisoires aux promoteurs immobiliers sous couvert d’un besoin d’urbanisation de la ville de Rabat. Ces opérations sont menées en violation des dispositions du Dahir (décret royal) du 27 avril 1919 qui avait retiré au Ministère de l’Intérieur la tutelle de ces terres et avait accordé la propriété pleine et entière à la collectivité de la tribu Guich.
Aujourd’hui, les destructions continuent. Depuis le 17 juin, les habitants vivent sous la menace de l’expulsion. Le jeudi 18 décembre 2014, les forces de l’ordre vont procéder à la destruction des maisons restantes et des baraquements en plastique.
Nous assistons à un démantèlement brutal du dernier bastion existant d’agriculture paysanne de la ville de Rabat et ce au profit de promoteurs immobiliers qui façonnent une ville blanchie de toutes les formes populaires et collectives d’occupation de l’espace. Sous la bénédiction du ministère de l’Intérieur et sous couvert de lutte contre les bidonvilles, la privatisation des terres collectives laisse chaque jour des Marocain-e-s sans terre. La prédation foncière nationale couverte par les directives des instances internationales doivent cesser ! Nous ne voulons pas d’une ville façonnée par des standards internationaux libéraux mis au profit d’une minorité au pouvoir qui, sous couvert de modernisation, entraîne la marginalisation urbaine, détruit toute forme d’autonomie agricole et alimentaire, et massacre les formes traditionnelles de gestion de l’espace.
Nous, organisations signataires de cet appel :
• Réclamons l’arrêt immédiat des expulsions.
• Réclamons qu’une solution de relogement adaptée soit proposée aux habitants
• Soutenons les citoyens de Guich Loudaya dans leur droit légitime à disposer de leurs terrains et de préserver leur activité agricole.
• Appelons toutes les organisations et tous les individus à se mobiliser dans la lutte contre la prédation foncière et exprimer toute la solidarité avec les habitants de Guich Loudaya ainsi que toutes les victimes d’expulsion illégales et illégitimes.
Stop aux expulsions et à la prédation foncière ! La terre appartient à ses habitant-e-s et à ceux/celles qui la travaillent !
Organisations signataires de l’appel :
• ATTAC Maroc
• Droit au logement (France)
• No Vox international
• AMDH/ Paris Ile de France
• ATMF (France)
• ACSUR Catalunya
• Observatoire de la Dette dans la Globalisation, Catalogne
• CGT Andalucia
• Confédération paysanne France
Des liens pour en savoir plus sur l’affaire Guich Loudaya
Page de solidarité Facebook :
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Liens vidéos youtube :
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