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  • Le Maroc paralysé par une grève générale (Anti K)


    Le Maroc a connu hier un mouvement de grève qui a touché tous les secteurs d’activité, suite à l’appel lancé par quatre influents syndicats, il y a quelques jours.

    D’une durée de 24 heures, ce mouvement a été déclenché en signe de protestation contre le projet de réforme des retraites et la cherté de la vie. Excepté l’Union nationale des travailleurs marocains, syndicat proche du Parti pour la justice et le développement (PJD, islamiste), le mouvement qui préside aux destinées de l’actuel gouvernement, les autres syndicats ont réussi à mobiliser leurs troupes, a rapporté la presse marocaine.

    En effet, l’appel à la grève a été lancé par l’Union marocaine des travailleurs (UMT), l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), la Confédération démocratique du travail (CDT) et la Fédération démocratique du travail (FDT).

    Ces quatre syndicats, considérés comme les plus influents, sont opposés au projet de réforme des retraites que l’actuel gouvernement, dominé par les islamistes du PJD, sous la direction du Premier ministre, Abdelilah Benkirane. Ils protestent également contre la cherté de la vie et la hausse incessante des prix des produits de base. Selon les médias marocains, l’appel à la grève nationale générale a été relayé et soutenu par nombre de confédérations syndicales internationales notamment, la puissante confédération allemande des syndicats DGB qui a exprimé sa solidarité avec les centrales syndicales marocaines qui passent à l’action après l’échec du dialogue social entamé depuis plusieurs mois avec le gouvernement.


    Il est reproché à l’Exécutif le non-respect de ses engagements, dans le cadre de ce dialogue, et ses décisions contraires aux intérêts des travailleurs.

    À noter que la grève touche aussi bien les établissements privés que publics, ainsi que les collectivités territoriales et les professions libérales. Les enseignants stagiaires sont partie prenante  de ce mouvement, ainsi que le secteur de la santé à travers le syndicat indépendant des médecins du secteur public.

     25 février 2016

    http://www.liberte-algerie.com/international/le-maroc-paralyse-par-une-greve-generale-242781

    http://www.anti-k.org/2016/02/25/le-maroc-paralyse-par-une-greve-generale/

  • Algérie : défense des libertés et des droits syndicaux (Afriques en Luttes)

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    Les organisations membres du Réseau syndical international de solidarité et de luttes ont réaffirmé leur soutien au syndicalisme autonome en Algérie, notamment aux militants et militantes de la Confédération Générale Autonome des Travailleurs en Algérie (CGATA). Le pouvoir algérien combat celles et ceux qui luttent pour la défense des droits des travailleurs et travailleuses et pour leur émancipation.

    Encore récemment, le 6 février, la police a encerclé la Maison des syndicats de Bab Ezzouar, puis violemment interpellé et arrêté des syndicalistes ainsi que des militants et militantes des droits de l’Homme.

    Nous dénonçons ces pratiques inacceptables ; comme nous dénonçons le refus de reconnaître les syndicats créés par les travailleurs et les travailleuses, la pratique d’Etat du clonage des syndicats autonomes pour tenter de les discréditer, les licenciements de militants et militantes syndicaux, la répression envers les chômeurs et les chômeuses, etc.

    En Algérie comme ailleurs, nous soutenons le syndicalisme autonome : ce n’est ni à l’Etat, ni aux patrons, de décider comment nous nous organisons. Partout dans le monde, nous luttons pour la liberté syndicale et les droits syndicaux.

    Le dossier de notre numéro 10 de la revue internationale est consacré à l’Algérie : L’Algérie d’aujourd’hui, chronique d’une ignorance savamment entretenue – L’importance des syndicats autonomes dans le combat pour la démocratie – Les luttes du syndicalisme autonome face à la répression incessante – Pétrole et gaz, la malédiction algérienne ? – Chronologie de l’Algérie contemporaine. Et en supplément un panorama du mouvement syndical canadien.

    25 février 2016

    www.solidaires.org/Solidaire...

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/algerie/article/algerie-defense-des-libertes-et

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

    Bienvenue au pays où la seule et unique vérité est celle de l’armée

    Yudit Ilany, journaliste israélienne, mardi 23 février 2016
  • France-Libye. La préparation d’une guerre ouverte, avec ses répercussions régionales, par définition, imprévues (Al'Encontre.ch)

    Une vingtaine de «spécialistes» américains, avec des armes dites lourdes, en civil, en Libye (Mail Online du 18 décembre 2015)

    Une vingtaine de «spécialistes» américains, avec des armes dites lourdes, en civil, en Libye (Mail Online du 18 décembre 2015)

    Par Nathalie Guibert

    Des frappes ponctuelles très ciblées, préparées par des actions discrètes voire secrètes: en Libye, telle est la ligne de conduite de la France face à la menace de l’organisation Etat islamique (EI). Un haut responsable de la défense française confirme au Monde que «la dernière chose à faire serait d’intervenir en Libye. Il faut éviter tout engagement militaire ouvert, il faut agir discrètement.»

    Dans ce pays [1] où la France scrute depuis des mois la menace de l’EI, l’objectif n’est pas de gagner une guerre mais de frapper l’encadrement du groupe terroriste, dans l’idée de freiner sa montée en puissance. Une action menée de concert par Washington, Londres et Paris, comme l’a de nouveau illustré le raid américain du 19 février contre un cadre tunisien de l’EI à Sabratha [2].

    Moyens d’«ouverture de théâtre»

    La ligne fixée par le président François Hollande repose pour l’heure sur des actions militaires non officielles. Elles s’appuient sur des forces spéciales – leur présence, dont Le Monde a eu connaissance, a été repérée dans l’est de la Libye depuis mi-février par des blogueurs spécialisés. Ce n’est pas tout. Plusieurs sources ont indiqué au Monde que la lutte contre les terroristes pouvait couvrir des opérations clandestines, menées par le service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Les premières engagent la France car leurs soldats, même très discrets, agissent sous l’uniforme. Les secondes sont aussi assurées par des militaires, mais restent invisibles.

    Forces spéciales et clandestines sont considérées dans la doctrine militaire comme des «précurseurs», des outils classiques en l’absence de cadre disponible pour une guerre ouverte. Ces moyens, dits «d’ouverture de théâtre», ne préjugent toutefois pas d’une future opération en bonne et due forme.

    Une intervention internationale, dont l’idée est agitée depuis des mois, bute en tout premier lieu sur le rejet des autorités libyennes : elles tolèrent des actions ciblées mais refusent une coalition étrangère sur leur sol. Les principaux acteurs occidentaux qui pourraient constituer une telle force – France, Etats-Unis, ou Italie – n’ont que très peu d’appétit après l’aventure de 2011 qui a tué Mouammar Kadhafi et semé le chaos dans la région, surtout en l’absence d’un mandat de l’ONU. En exerçant une pression nouvelle sur l’EI, l’on risque, en outre, de déplacer le problème vers la fragile Tunisie ou de rapprocher encore la menace du sud de l’Europe. Avec son implantation libyenne, «pour la première fois, l’EI dispose d’une côte», souligne l’état-major de la marine française, qui dévoile: «Nous nous préparons sur des scénarios durs en mer.»

    Eliminations ciblées

    Le 19 février à Sabratha, le Tunisien Nourredine Chouchane a été tué parmi une cinquantaine d’autres personnes par l’US Air Force, une mort non confirmée par la Tunisie. «Nous avons décidé de frapper après avoir déterminé que Chouchane et les autres combattants [dans ce camp] préparaient des attaques extérieures contre des intérêts américains et occidentaux dans la région», a justifié un porte-parole du département américain de la défense.

    Ces raids d’éliminations ciblées sont l’objet d’une coopération étroite entre les services américains, britanniques et français. Ainsi, c’est la troisième fois, depuis juin 2015, que des F15 américains sont partis de la base anglaise de Lakenheath pour frapper les groupes djihadistes dans ce pays.

    Considéré comme le plus haut responsable de l’EI en Libye, l’Irakien Abou Nabil avait, lui, été tué à Derna, en novembre 2015, par un bombardement similaire. Selon les informations du Monde, cette frappe a été initiée par Paris : «L’élimination d’Abou Nabil s’est faite grâce à un renseignement français», assure une source proche.

    Avant lui, en juin 2015, près d’Ajdabiya, c’est le chef du groupe Al-Mourabitoune, Mokhtar Belmokhtar, qui avait été visé par les F-15 américains – mais sa mort, démentie par les groupes djihadistes, n’a jamais été confirmée par le Pentagone.

    Les observateurs extérieurs ne doutent pas que le service action de la DGSE soit très mobilisé, en Libye comme en Syrie. La situation a radicalement évolué par rapport à 2014, quand trois sénateurs proposaient dans un rapport de verser les unités militaires du service clandestin de la DGSE (un groupe aérien et deux centres d’entraînement) dans la corbeille du Commandement des opérations spéciales (COS) des armées. Leur suggestion, illustrant alors d’âpres bagarres de périmètre, n’a pas débouché. «Nos conclusions de 2014 ne sont plus pertinentes, le contexte a changé», confirme l’un des co-auteurs, Jacques Gautier (Les Républicains – LR). «Dans les années 2010-2012, le service était moins sollicité, mais aujourd’hui, la nécessité de renforts devient d’actualité pour la DGSE comme pour le COS.»

    Clandestinité renforcée

    Du point de vue de l’usage des moyens clandestins, une différence d’approche démarque ainsi l’actuel chef de l’Etat de son prédécesseur : selon les spécialistes, Nicolas Sarkozy défendait les opérations ouvertes, convaincu que «tout finit par se savoir». Aujourd’hui, la DGSE est engagée dans un renforcement de la clandestinité. Les effectifs et la formation du service action ont été étoffés. Il compte un millier d’agents. «C’est un instrument de souveraineté dans les mains du président, qui augmente sa marge de manœuvre, argumente un expert du secteur. Dans un monde de plus en plus transparent, il faut que l’Etat puisse faire des choses qui ne se sachent pas, non revendiquées.» La France agissant dans des coalitions, il y aurait aussi des circonstances où elle a besoin d’agir à titre purement national sans que ses partenaires ne l’apprennent.

    Membre d'un commando français en Libye (MEMO - Middle East Monitor, 23 février 2016)

    Membre d’un commando français en Libye (MEMO – Middle East Monitor, 23 février 2016)

    Les orientations du combat militaire contre l’EI s’inscrivent dans le cadre d’une réforme plus large de la DGSE. Son patron, le diplomate Bernard Bajolet, 67 ans en mai, que M. Hollande a prolongé à son poste jusqu’en 2017 au-delà de la limite d’âge, espère mettre en œuvre un «plan stratégique» à l’horizon 2025. La réforme comprend une forte augmentation des effectifs (850 recrutements d’ici à 2019 pour atteindre 7000 agents), des partenariats avec les Européens, un renforcement du renseignement humain pour suivre l’explosion du renseignement technique acquis par les services secrets ces dernières années.

    Face à l’EI, tous les moyens sont employés, et la France est également présente dans le ciel libyen avec des outils conventionnels sur lesquels le ministère de la défense ne communique pas. Engagées depuis la mi-novembre 2015 par des avions de chasse et de reconnaissance, les opérations d’ISR (Intelligence, surveillance, reconnaissance) se poursuivent. Des sources militaires évoquent la nécessité de «préparer l’avenir» pour d’éventuelles actions plus larges, même si cet horizon reste peu clair. Pour l’heure, il s’agit de garantir au président la politique du «hit and run» («frappe et fuis»): disposer d’un renseignement complet à jour, afin de pouvoir frapper dès que se présente l’opportunité de «neutraliser» un cadre connu de l’EI ou de casser un projet d’attentat menaçant la France.

    Parmi les 3000 à 5000 combattants de l’EI en Libye, le nombre des Français ne représenterait qu’ «une poignée», certains faisant partie des quelques dizaines de cadres envoyés d’Irak par Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’EI, pour structurer ses forces en Libye. Mais l’on compterait aussi un nombre indéterminé de binationaux parmi les Tunisiens déjà enrôlés en Libye.

    Publié par Alencontre le 24 - février - 2016

    (Article publié dans Le Monde en date du 24 février 2016)

    [1] Voir, entre autres, l’entretien avec Valérie Collombier reproduit sur ce site en date du 22 février 2016. Et l’article de Patrick Haimzadeh en date du 8 février 2016.

    [2] Voir à ce sujet BBC World. «Islamic State camp in Libya attacked by US planes», 19 février 2016.

    http://alencontre.org/libye-la-preparation-dune-guerre-ouverte-avec-ses-repercussions-regionales

  • Souria Houria

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  • Jean-Pierre Filiu depuis le Caire : Ceux qui ne connaissent rien à l’islam feraient mieux de ne pas en parler – propos recueilli par Heba Zaghloul (Al Ahram)

    Jean-Pierre Filiu

    Invité cette année du Salon du livre du Caire, Jean-Pierre Filiu, historien spécialiste du Moyen-Orient et de l’islam contemporain, a souligné la nécessité pour le monde arabe et l’Occident de « travailler sur leur histoire commune » pour faire face aux défis. Il explique ici sa vision.

    Al-Ahram Hebdo : Dans votre dernier livre, Les Arabes, leur destin et le nôtre, vous parlez d’une histoire partagée entre le monde arabe et l’Occident. Vous mon­trez également que ce dernier a une grande part de responsabilité dans ce qui se passe aujourd’hui au Moyen-Orient. Cette perspec­tive est-elle acceptée en France ?

    Jean-Pierre Filiu : Ce livre a connu un succès tout à fait inattendu après les attentats du 13 novembre. C’est l’un des deux livres — l’autre est le Piège Daech de Pierre-Jean Luisard — que les gens ont le plus achetés après la tragédie. Cela veut dire que ces gens ont souhaité com­prendre et n’ont pas voulu accepter ces explications instantanées, super­ficielles et caricaturales qu’on nous sert trop souvent. Ma démarche n’est pas évidente. Elle oblige à revenir en arrière, sur des parties de notre histoire française qui ne sont pas les plus glorieuses. Mais en tant qu’his­torien, mon devoir n’est pas de faire le tri entre le positif et le négatif.

    Cette histoire partagée est aujourd’hui au coeur de notre devenir. Ce livre a été écrit après les attentats de janvier 2015, et je disais déjà que les assassins de la liberté sont les mêmes en France et en Tunisie. Trop souvent, on a l’impression que le djihadisme ne vise que les Occidentaux, alors qu’il vise beaucoup plus les Arabes en proportion. Il faut aussi dire que les attaques contre Charlie Hebdo étaient liées au Bardo (attaques  contre le musée du Bardo à Tunis). De même qu’après le Bataclan (les attentats du 13 novembre), on a eu l’attaque contre la sécurité présiden­tielle à Tunis. Il y a toujours des liens entre ce djihadisme là-bas et le djihadisme ici, et le « ici » et le « là-bas » par définition sont inter­changeables. Ce défi qui inquiète est partagé, parce que les réponses à lui apporter peuvent être communes. Plutôt que de demander à ce qu’on fasse un choix entre les identités, les nationalités, je dis qu’au contraire, il faut assumer tout en même temps. Parce que c’est par cette richesse qu’on arrivera à progresser.

    Votre discours est tout à fait différent de celui qui est adopté par un certain nombre d’intellectuels français, qui affirment que le problème viendrait non pas des musulmans, mais de la religion musulmane. Un discours considéré comme islamophobe par de nom­breux musulmans …

    Le problème avec les grandes tragédies comme celle que la France a vécue c’est que de nombreux intellectuels se sont exprimés à tort et à travers. Il y a des gens qui ne connaissent rien à l’islam et qui feraient mieux ne pas en parler. Mais comme on leur tend le micro, justement à la faveur de ces tragédies, alors ils s’expriment. Et généra­lement, ce qu’ils disent n’est pas exprimé en tant qu’intellectuels dans leurs disciplines, mais en tant que citoyens qui commentent. Ils n’ont donc pas de légitimité à faire cela. Cela alimente les clichés, les démagogies, les amalgames et les stéréotypes.

    Loin de la théorie du choc des civilisations, vous parlez plutôt de problèmes communs, et donc d’une stratégie commune …

    Au-delà de la stratégie commune, je pense qu’en France, l’intégration est derrière nous. Le fait musulman est devenu incontournable dans nos sociétés. C’est une réalité. Et pour mieux l’appré­cier, la gérer, c’est très important d’être fier de son histoire, d’une histoire commune. L’histoire euro­péenne a été épouvantable. Ce qui s’est passé entre la France et l’Allemagne était inimaginable de violence et d’horreur. Et maintenant, nous sommes pourtant les piliers de l’Europe grâce à un travail d’histoire commune. Entre la France et les Arabes, il faut au moins assumer cette part d’ombre et de lumière qui est partagée.

    Vous dites que l’Histoire se répète et que ce sont les mêmes erreurs qui reviennent, à savoir qu’on considère les Arabes uniquement comme des musulmans, et que l’on ne parle que des minorités du Moyen-Orient au lieu de promouvoir les droits de toute la communauté. Pouvez-vous nous expliquer ?

    Ces erreurs remontent au XIXe siècle, car trop souvent en France, on dit qu’elles viennent de la guerre d’Algérie, mais c’est bien antérieur à cela. C’est aussi le malentendu entre la IIIe République et l’islam. Le fait est que la laïcité à la française s’est faite avec l’Eglise catholique qui, elle-même, avait déjà réglé ses problèmes avec les juifs et les protestants, mais l’islam est absent de ce processus. Il y a aussi une obsession des mino­rités — en clair les chrétiens d’Orient — chez certains groupes de la droite conservatrice qui ne prennent donc pas en compte le destin des Arabes, qu’ils soient chrétiens ou musulmans. Plutôt que de dire que l’Histoire se répète, je dirais qu’il y a des discours qui sont tellement ancrés dans la mémoire collective qu’on ne se rend pas compte qu’ils sont le produit de l’Histoire.

    Selon vous, il faudrait déconstruire le dis­cours de Daech et se concentrer sur les actions de ce groupe ?

    Je travaille sur le djihadisme depuis 30 ans et je pense que ce sont des gens qui ne sont absolu­ment pas intéressants. Leurs litté­ratures et propagandes sont per­verses. En travaillant sur leurs textes ou vidéos, non seulement on leur fait beaucoup d’honneur, mais on leur accorde de l’intérêt. Donc, il faut plutôt s’interroger sur leurs pratiques. On se rend compte que ce sont des Baassistes repeints en vert. Il y a le parti, le moukhabarat, le flicage, la cor­ruption, les viols. Autrement dit, des Baassistes iraqiens dans leur forme la plus totalitaire. La même structure du Baas de Saddam, mais avec d’autres noms. je pré­fère m’interroger sur ces pratiques qui sont épouvantables, surtout pour les Arabes sunnites. Il faut aller voir comment ces derniers sont traités à Raqaa et à Mossoul (villes syrienne et iraqienne sous le contrôle de Daech).

    Cette situation n’est-elle pas le résul­tat direct de l’invasion américaine de l’Iraq en 2003 ?

    Bien sûr, l’invasion de 2003 donne aux djihadistes du Moyen-Orient ce qu’ils appel­lent Al-Ghazwa Al-Mobaraka (l’invasion bénie). Il y a l’ennemi proche et l’ennemi lointain. Là il y a eu l’ennemi lointain venu se mettre à proximité. Le facteur aggravant : La dissolution de l’armée du parti par Paul Bremer, qui met des milliers d’officiers baassistes au chômage et les amène à rejoindre les groupes djihadistes.

    Et cette responsabilité américaine a-t-elle aussi engendré la guerre sunnite-chiite ?

    J’ai connu un monde arabe où l’on ne savait pas qui était sunnite et qui était chiite. En Iraq, au Liban, en Syrie … ou ailleurs. En Iraq, trois ans d’occupation américaine sauvage, d’attentats dji­hadistes presque quotidiens, ont suffi pour arriver à déclencher une guerre entre sunnites et chiites.

    Cela était-il volontaire ?

    Je pense que les Américains, comme tout le monde, sont incapables d’apprendre des erreurs des autres. Les Américains ont mené en 2003 une expédition coloniale qui était complètement hors du temps et en reproduisant les pires erreurs des Français au Liban et des Britanniques en Iraq. Ils ont construit un système communautaire avec trois composantes c’est tout, dans un pays où, pourtant, il y a des Turkmènes, des Assyriens, des Yezedis … Et à l’intérieur de ce système, ils ont donné le pouvoir aux milices. Donc ils ont créé, sous couvert de démocratie, et en faisant voter tous les six mois, le système le plus oppressif qui soit, un système tribalo-milicien.

    Malgré cela, voyez-vous tout de même une lueur d’espoir ?

    Bien sûr, en Iraq par exemple, vous avez un mouvement constitutionnel trans-confessionnel qui dénonce la corruption de toute la classe poli­tique. Evidemment, il n’a pas les armes, mais il invalide les directions des différentes parties qui ne parlent que de confessions. Le mouvement au Liban « Tu pues » se pose aussi très clairement contre les notables confessionnels et affiche des revendications citoyennes.

     
    Publié sur Souria Houria le 24 février 2016
     
     
  • Saint Denis Palestine

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    L’AFFAIRE SALAH HAMOURI de Nadir Dendoune

    Documentaire / France / 2015 / 40’

    Journaliste indépendant, Nadir Dendoune a rencontré Salah Hamouri, début 2012 peu de temps après sa sortie de prison. Le Franco-Palestinien venait de purger une peine de 7 ans en Israël. Citoyen français, mais résidant à Jérusalem, le civil Salah Hamouri avait été jugé par un tribunal militaire, illégal au regard du droit international. L’armée israélienne lui reprochait d’avoir eu l’intention de tuer un rabbin ultra-orthodoxe et d’appartenir au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, admettra que le dossier d’accusation ne comportait aucun élément de preuve. L’histoire de Salah Hamouri, contrairement à celle de Gilad Shalit, ce soldat franco-israélien, enlevé par le Hamas en 2006, avait été très peu médiatisée en France.
    Nadir Dendoune est parti avec sa caméra et son micro pour tenter de comprendre pourquoi l’affaire Salah Hamouri avait suscité peu d’intérêt de la part de la sphère politique et des médias…

    Rendez-vous

    • À Saint-Denis (93), projection suivie d’un débat autour du film : "L’affaire (...) 
      Le samedi 2 avril 2016 à 17h00
      Cinéma l’Écran

      14 Passage Aqueduc
      93200 Saint-Denis

    http://www.ujfp.org/spip.php?article4739

  • Le sionisme, du « rêve » nationaliste au cauchemar colonial (Npa)

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    « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » ? Les fondateurs du sionisme ne furent jamais dupes de leur propre slogan. Loin d’ignorer l’existence des Palestiniens, ils n’y voyaient qu’une main-d’oeuvre à exploiter ou un obstacle à supprimer. Le sionisme, expression d’une révolte contre l’oppression des Juifs d’Europe, fut pourtant d’emblée un projet colonial. 

    L’oppression des Juifs d’Europe est une vieille histoire. A Strasbourg, encore au 18ème siècle, les Juifs devaient quitter la ville au son du cor, à la tombée de la nuit, pour regagner leur ghetto dans les faubourgs. Il fallut attendre la Révolution française pour briser ces discriminations infâmes.

    Le mouvement d’émancipation mit cependant du temps à gagner le reste de l’Europe.

    Au 19ème siècle, cette émancipation prit souvent l’allure d’une assimilation, par laquelle les Juifs perdaient leurs traits culturels particuliers. Malgré la persistance des préjugés, cette tendance à l’assimilation faisait pronostiquer à nombre d’intellectuels juifs du 19ème siècle rien moins que la disparition des spécificités juives en Europe, moyennant l’égalité des droits dans des sociétés de plus en plus libérales, notamment en Europe occidentale. 

    Mais le vrai centre de gravité des populations juives d’Europe était situé dans la partie occidentale de l’Empire russe.

    C’est là que les deux tiers de la population juive du monde étaient concentrés, dans les ghettos et villages du « Shtetl » de Lituanie, Pologne, Ukraine ou Russie. A la fin du 19ème siècle, six millions de Juifs vivaient sous la tutelle du tsar, dans cette « zone de résidence » obligatoire. Leur situation économique était catastrophique. Ils n’avaient pas le droit de posséder des terres et n’étaient pas embauchés comme ouvriers dans la grande industrie naissante. Dans un monde massivement paysan, ils représentaient une fraction considérable de la population citadine, par exemple 20 % de celle de Varsovie, qui comptait 200 000 Juifs. Condamnés à une existence misérable, ils étaient soumis à un antisémitisme légal (pas le droit d’être fonctionnaires, numerus clausus à l’université et dans les professions libérales, corvées et impôts particuliers) et subissaient des explosions chroniques d’antisémitisme, les pogroms, largement attisés par le pouvoir tsariste.

    L’invention du sionisme

    C’est dans ce contexte que le sionisme est né à la fin du 19ème siècle. Il n’était pourtant pas l’invention de Juifs du Shtetl. Son fondateur, Theodore Herzl, était un bourgeois juif autrichien qui se sentait parfaitement assimilé. Mais il racontait lui-même que c’est en France, pays de la première émancipation des Juifs, qu’il vit se déchaîner avec l’affaire Dreyfus une campagne nationale hystérique contre le « traître juif ». Il était évident que la veille oppression n’était pas près de disparaître.

    La situation des Juifs d’Europe était pourtant bien différente à l’est et à l’ouest.

    Une partie de la bourgeoisie et de l’intelligentsia juives occidentales accusaient d’ailleurs la « racaille » juive venue de l’est… d’alimenter l’antisémitisme et refusait avec horreur de pouvoir être confondue avec ces gens. Herzl, lui, en tira d’autres conclusions : que les Juifs dans leur ensemble devaient se donner leur propre Etat. Car il comprenait au moins une chose : les Juifs étaient victimes du processus général de construction des Etats modernes qui partout se créaient sur le dos des minorités et se dotaient d’idéologies nationalistes qui leur étaient hostiles… mais que partageaient Herzl et les autres fondateurs du sionisme.

    Dans L’Etat juif, publié en 1896, il écrivait : « nous avons partout loyalement essayé d’entrer dans les collectivités nationales qui nous environnent, en ne conservant que la foi de nos pères. On ne l’admet pas. En vain sommes-nous de sincères patriotes (…) Dans ces patries où nous habitons déjà depuis des siècles, nous sommes décriés comme étrangers (…) La majorité peut décider qui est l’étranger dans le pays. C’est là une question de puissance, comme tout d’ailleurs dans les relations des peuples (…) C’est donc en vain que nous sommes partout de braves gens. Ah ! Si l’on nous laissait tranquilles ! Mais je crois qu’on ne nous laissera pas tranquilles. »

    Il en déduisait la nécessité pour les Juifs de renoncer à l’assimilation et même à la conquête d’une simple égalité des droits dans chaque pays. Pour construire un Etat juif. Il fallait pour cela un territoire. Après quelques hésitations sur le lieu il proposa la « Terre de Sion », la Palestine, qu’il considérait comme le berceau historique du peuple juif. Les sionistes développèrent toute une mythologie historique, semblable à celles qui se construisaient alors en Europe. Ils reconstruisirent  l’histoire du judaïsme et du « peuple juif » pour fonder les droits d’un Etat juif en Palestine, comme l’a brillamment raconté Shlomo Sand dans son essai « Comment le peuple juif fut inventé ».

    Des raisons prosaïques

    Il y avait au choix de la Palestine des raisons plus prosaïques que le romantisme biblique. L’entreprise semblait impossible en Europe. A moins de se contenter de plus modestes institutions « nationales culturelles », à défaut d’un territoire ? En revanche l’Empire ottoman en déclin, maître de la « Terre sainte », était la nouvelle proie des ambitions anglaises, françaises et allemandes.

    Les Français montraient la voie aux sionistes : après avoir développé une colonie de peuplement en Algérie, ils avaient pris prétexte de l’existence d’une forte communauté chrétienne au Liban pour s’ériger en protecteurs de celle-ci et obtenir de l’empire turc des « capitulations » en faveur de la France. La région du « Mont Liban » devenait peu à peu une enclave coloniale française sur le flan de l’empire déclinant. Pourquoi ne pas faire de même en Palestine ? Y établir une colonie de peuplement juive, appelée à devenir un jour un Etat indépendant, sous la protection d’une grande puissance européenne ?

    Quant aux occupants réels, arabes, de la Palestine, ils ne comptaient pas plus pour Herzl que les Algériens pour les Français. Sur son projet colonial il écrivait : « nous devrions former là-bas une partie du rempart de l’Europe contre l’Asie, un avant-poste avancé de la civilisation s’opposant à la barbarie. » Et notait en 1895 dans son journal, à propos des Arabes : « nous devons les exproprier gentiment. Le processus d’expropriation et de déplacement des pauvres doit être accompli à la fois secrètement et avec prudence. »

    Pendant que des migrants juifs d’Europe orientale s’installaient, mais au compte-goutte, en Palestine, avant même d’ailleurs la fondation d’un mouvement sioniste structuré par Herzl, celui-ci fonda un congrès sioniste annuel et une banque coloniale juive pour recueillir des fonds, investir en Palestine et acheter des terres. Il prit aussi son bâton de pèlerin pour chercher la puissance européenne qui trouverait conforme à ses intérêts d’arracher la Palestine à l’empire turc pour en faire une colonie juive… Quand le Kaiser allemand Guillaume II se rendit en visite d’Etat à Jérusalem en 1898, Herzl fit aussitôt ses valises et se vit accorder cinq minutes d’audience, sans résultat. Ce fut le seul voyage de sa vie en « Terre sainte », dont il jugea d’ailleurs, dans son journal, le « climat très malsain » ! Des courbettes, il alla aussi en faire à Saint-Pétersbourg, capitale de la persécution mondiale des Juifs, pour expliquer au ministre de l’intérieur du tsar que le sionisme n’était pas un mouvement hostile au régime et qu’il conseillait aux Juifs non de se dresser contre le despotisme, mais d’aller chercher refuge en Palestine. Herzl demandait donc de l’aide au ministre pour faciliter l’exil.

    Ce que ce dernier faisait en réalité : la misère et les pogroms chassaient les Juifs de Russie, et cela continua après la guerre mondiale. Mais au grand désespoir des sionistes, les exilés n’allaient pas en Palestine, ou si peu ! Entre 1880 et 1929, près de quatre millions de Juifs émigrèrent de Russie, de Pologne, d’Autriche-Hongrie (puis des Etats successeurs) et de Roumanie. Trois millions allèrent aux Etats-Unis, 500 000 en Europe occidentale. La Palestine, elle, n’accueillit en cinquante ans que 120 000 juifs. New-York était la nouvelle Jérusalem.

    La colonisation de la Palestine

    L’alya (le « retour ») s’est cependant accélérée après la Première Guerre mondiale. Les Etats-Unis, la France et l’Angleterre se faisaient de moins en moins accueillants. Mais surtout, les sionistes avaient enfin réussi à se faire adopter par la première puissance impérialiste, la Grande-Bretagne.  En 1917, en plein conflit, le ministre des affaires étrangères Lord Balfour promettait officiellement « l’établissement d’un foyer national juif en Palestine ».

    Le calcul britannique était parfaitement cynique. Pendant la guerre, ils promettaient la Palestine deux fois, à l’émir Hussein et aux chefs nationalistes arabes comme aux dirigeants sionistes. En même temps, ils négociaient avec l’allié et concurrent français le partage colonial de l’empire ottoman. Les accords Sykes-Picot, plus tard refondus, donneraient la Syrie et le Liban à la France, l’Irak et la Transjordanie à l’Angleterre. Les Britanniques comptaient bien utiliser les colons juifs contre les Arabes. C’était d’ailleurs leur politique en général : découper des frontières selon leurs intérêts, créant un Irak artificiel tout en dispersant les Kurdes, taillant un émirat pétrolier au Koweït, donnant des privilèges à des minorités pour qu’elles soient le relais de leur domination contre le reste de la population. Ils savaient que la logique de la situation pousserait Juifs et Arabes à l’affrontement, ce qui leur permettrait de s’imposer à tous comme l’arbitre indispensable.

    Les sionistes n’étaient pas dupes.

    Ils acceptaient consciemment ce jeu en espérant que l’aggravation du sort des Juifs d’Europe en amènerait de plus en plus en Palestine, et que leur rôle de relais de l’impérialisme les rapprocherait de la création d’un Etat. L’immigration juive s’accéléra. En 1935 il y avait 500 000 juifs en Palestine, soit 29 % de la population totale du territoire à l’ouest du Jourdain.

    Le sionisme « socialiste »

    Mais en même temps cette immigration changea de nature. Elle était au début fortement dominée par des millionnaires conservateurs juifs, comme Rothschild, et par des organisations sionistes dans la ligne de Herzl. Mais au sein du sionisme, spécialement en Europe orientale, se développa un courant qui se proclamait socialiste et ouvrier. Un théoricien sioniste, Ber Borachov, affirmait ainsi vouloir concilier socialisme et nationalisme juif : le peuple juif était « anormal », avec peu d’ouvriers et de paysans, il n’avait pas sa propre structure économique, il était prisonnier d’économies étrangères. Il fallait donc créer en Palestine une paysannerie et une classe ouvrière juives, bases d’un Etat socialiste juif.

    C’est l’idéal que porteraient la plupart des fondateurs des fameux « kibboutz », et dont se font ainsi l’écho, rétrospectivement, Serge Moati et Ruth Zylberman dans leur livre et documentaire Le Septième jour d’Israël : « Les kibboutzim étaient alors comme la vitrine d’Israël. [Ils parlent des années 1950.] On venait s’y incliner avec respect devant ces Juifs d’un type nouveau qui avaient su faire de leur vie un miracle quotidien. Sur les marais qu’ils avaient su assécher, ils avaient bâti des villages pimpants (…) Ils avaient su, eux les enfants des Shtetls [les bourgades d’Europe centrale] et des mellahs [quartiers juifs] d’Afrique du nord, construire une société égalitaire, vraiment socialiste et collectiviste à l’heure où ce mot ne faisait pas encore peur (…) [Ils étaient arrivés en Palestine] animés par le rêve d’un homme nouveau ».

    Cet « homme nouveau », qui fit « fleurir le désert » comme on aime à le dire aujourd’hui en Israël, ne construisit cependant pas ses fermes- villages seulement sur des « marais ». Les sionistes créèrent au début du siècle un « Fonds national juif » qui collectait dans toute la diaspora pour ensuite acheter des terres en Palestine. Les terres étaient souvent achetées aux féodaux arabes, comme si les paysans qui travaillaient ces terres depuis des siècles n’existaient pas. Ceux-ci étaient brutalement expulsés et la colonie pouvait s’installer.

    On vit affluer en Palestine, à partir de 1910 et surtout après la Première Guerre mondiale, toute une jeunesse juive, surtout issue d’Europe orientale, influencée par les idées socialistes, guidée par l’idéal d’une société fraternelle et égalitaire, démocratique et sans exploitation… mais pour l’essentiel nationaliste. Et bien entendu bardée de tous les préjugés racistes et colonialistes de l’Europe dont elle venait. Dans leur travail pourtant presque amoureux sur le kibboutz, Moati et Zylberman, précisent donc : « les kibboutzim constituaient le meilleur des instruments pour mener à bien les objectifs nationaux du sionisme : colonisation juive, conquête territoriale de facto (…) Surtout dans les années 30, alors que l’opposition arabe aux implantations juives allait grandissant, les kibboutzim constituèrent les avant-ponts armés du combat sioniste, châteaux forts dressés face au monde extérieur. Des fermes, oui, mais aussi des forteresses bien armées. » Et si leur nombre passa de 24 en 1923 à 90 en en 1939, ils ne représentaient « qu’une proportion fort marginale de la population juive (entre 3 et 6 %), ils constituaient une véritable élite idéaliste et dévouée qui frappait et exaltait l’imagination des jeunes Juifs de par le vaste monde ». Bref, une avant-garde armée et idéologique.

    Autre paradoxe : ces pionniers d’un « socialisme national » voulaient devenir ouvriers agricoles, mais les grands propriétaires juifs préféraient exploiter la main d’œuvre arabe. Pour développer le « travail juif » à la campagne, ils fondaient donc leur propre communauté agricole, tandis qu’en ville ils luttaient avec âpreté… pour empêcher l’embauche des travailleurs arabes. Les socialistes fondèrent une organisation syndicale, la Histadrout, en 1920. Elle refusa de syndiquer les Arabes. Elle finançait des piquets empêchant la venue de travailleurs arabes dans une entreprise juive, organisait le boycott de la production arabe : il fallait acheter juif.

    C’était conforme à la décision prise en 1929 par le proto-gouvernement du mouvement sioniste en Palestine, l’Agence juive, dominée alors par les socialistes et leur leader David Ben Gourion, de construire par ces méthodes de séparation forcée une « économie juive » autonome en Palestine. Il n’y avait rien de naturel à cette coupure en deux des travailleurs arabes et juifs, malgré les préjugés et la colère des Arabes à se voir peu à peu dépossédés par la colonisation juive. La Histadrout sabota en 1920 une grève commune aux ouvriers arabes et juifs du port et de la raffinerie de Haïfa contre leurs employeurs britanniques, puis en 1931 une grève des camionneurs des deux communautés.

    Ainsi la montée en puissance du courant « socialiste » au sein de la colonisation juive en Palestine ne rendit pas celle-ci moins nationaliste ou anti-arabe.

    Elle contribua à l’orienter davantage vers l’idée d’une complète séparation et le projet d’expulser si possible les Arabes de Palestine, plutôt que de les y tolérer pour en faire un prolétariat corvéable à merci. Et puisque les émeutes antijuives se multipliaient au fur et à mesure des progrès de la colonisation, le paysan et l’ouvrier juif « socialiste » se transformait toujours davantage en colon armé face aux Arabes dépossédés, sous la direction des diverses organisations armées sionistes. Seule une minorité de Juifs, communistes (staliniens et trotskystes), prônaient une perspective commune aux Juifs et aux Arabes et s’efforçaient de les organiser ensemble.

    La grande révolte arabe de 1936

    Cela ne pouvait bien sûr tourner qu’à la guerre, une guerre à plusieurs fronts, opposant les uns aux autres les Arabes, les Juifs et la puissance coloniale anglaise.

    Le 20 avril 1936 une grève générale  dirigée par un Haut-comité arabe à la tête duquel il y avait le (très réactionnaire) grand Mufti de Jérusalem, fut organisée pour imposer aux autorités coloniales la fin de l’immigration juive, l’interdiction de la vente de la terre aux Juifs et la promesse d’un gouvernement désigné par les représentants de la majorité de la population. Elle dura six mois et tourna à l’insurrection.

    Des Arabes menèrent une guérilla dans les collines, firent dérailler des trains, sabotèrent l’oléoduc de l’Irak Petroleum Company (à capitaux britanniques).

    Les villages révoltés attaquèrent parfois les colonies juives, tout en luttant contre les troupes britanniques d’occupation, à tel point que des villes entières échappèrent au contrôle des autorités britanniques. Les Anglais menèrent une répression féroce. Des villages entiers furent rasés, des familles expulsées et regroupées dans des camps. Les pendaisons expéditives et publiques se multiplièrent. Entre 1936 et 1939, l’armée britannique tua des milliers d’insurgés.

    Les organisations sionistes, également visées par la révolte arabe, y virent l’occasion de se rendre indispensables aux Anglais. Elles reçurent l’autorisation de mettre sur pied des milices armées, participèrent à la répression et firent tout pour saboter la grève arabe en fournissant de la main-d’œuvre jaune et en faisant fonctionner les ports et les trains. Chaïm Weizmann, futur premier président d’Israël, le justifia avec un tranquille aplomb : « d’un côté, les forces de la destruction, les forces du désert, se développent, de l’autre tiennent fermement les forces de la civilisation et de la construction. C’est la vieille guerre du désert contre la civilisation, mais nous ne céderons pas. »

    En 1939, une fois la révolte écrasée, les Anglais « récompensèrent » le mouvement sioniste par un « Livre Blanc » qui gelait l’immigration juive. Les Britanniques voulaient renouer le contact avec les chefs féodaux arabes et rééquilibrer le rapport de forces entre les deux communautés pour mieux les dominer.

    Vers la « guerre d’indépendance »

    La Deuxième Guerre mondiale terminée en 1945, ils essayèrent d’ailleurs de prolonger cette politique de bascule, en freinant un moment l’immigration des Juifs qui fuyaient l’Europe où venait d’être perpétré le génocide nazi, pour perpétuer leur mainmise sur la région.

    Une fraction du mouvement sioniste réagit en prenant les armes contre les Anglais. Des sionistes d’extrême droite, admirateurs à leur façon des fascismes européens, constituèrent l’Irgoun, un groupe armé terroriste. Deux de ses chefs, Itzhak Shamir et Menahem Begin, deviendront un jour premier ministre d’Israël. Mais si le mouvement sioniste s’était diversifié politiquement, engendrant son aile gauche socialiste et son extrême droite quasi fasciste, le fond politique restait le même : construire à marche forcée un appareil militaire appuyé sur une population très soudée, pour créer un Etat juif homogène quand l’occasion s’en présenterait.

    Et elle se présenta après la Deuxième Guerre mondiale. Le fait déterminant ne fut pas en soi le génocide perpétré par les nazis, l’extermination de six millions de Juifs européens. Cette tragédie poussa bien entendu  de nombreux survivants à s’évader de l’Europe dévastée et pour beaucoup à choisir l’installation en Palestine. Mais là encore, souvent faute d’alternative. D’autant que des pogroms visèrent les Juifs survivants dans la Pologne de l’immédiat après-guerre.

    10 % des Juifs qui quittèrent l’Europe après la guerre se rendirent en Palestine. Mais sur le plan straté- gique, le fait décisif fut l’affaiblissement de l’impérialisme britannique, son incapacité à garder tel quel son empire colonial. L’Inde elle-même, joyau de la couronne, allait devenir indépendante dès 1947. La Grande-Bretagne se résigna à lâcher la « Transjordanie » et laissa l’ONU toute neuve « régler » le « problème judéo-arabe » que l’impérialisme anglais avait cyniquement contribué à construire lui-même en trois décennies.

    Contrairement aux Arabes de Palestine le mouvement sioniste était prêt et il y eut le dénouement que l’on sait : la guerre de 1948, la proclamation de l’Etat d’Israël, la catastrophe qui frappa des millions de Palestiniens.

    Yann Cézard

    https://npa2009.org/idees/le-sionisme-du-reve-nationaliste-au-cauchemar-colonial

    L’immigration juive en Palestine et Israël (Source : Lemarchand, Atlas géopolitique du Moyen-Orient et du Monde arabe, Complexe 1994.)

    Période Nombre d’immigrés principaux pays d’origine

    1902-1903

     25 000  Empire Russe
    1904-1914  40 000  Empire russe, Roumanie, Europe central
    1919-1931  130 000  Grece, Pologne, Turquie
    1932-1939  210 000  Allemagne, Roumanie, Pologne, Tchécoslovaquie
    1939-1948  180 000  Europe
    1948-1955  690 000  Maroc, Irak, Roumanie, Iran, Pologne, Egypte, Yémen, Turquie, Bulgarie
  • De 1948 à aujourd’hui : la colonisation à tombeau ouvert (Npa)

    1948

    La création d’Israël, l’expulsion des Arabes

    Quel serait le sort de la Palestine après le départ des Anglais programmé pour 1947 ? La direction sioniste refusa tout projet d’un Etat binational démocratique, accepta la proposition d’un partage pour obtenir une base territoriale propre, et construisit une armée pour non seulement défendre, mais étendre ce territoire et en chasser le plus grand nombre possible d’Arabes. David Ben Gourion, qui allait devenir le premier dirigeant de l’Etat d’Israël, écrivait ainsi dès 1937, dans une lettre à l’un de ses fils : « les Arabes doivent partir, mais nous avons besoin d’un moment favorable pour que cela arrive, par exemple une guerre. »

    Cette guerre désirée a démarré avant l’intervention des armées arabes. Dès mars 1948, des centaines de villages arabes et des quartiers arabes de villes comme Haïfa ou Tibériade furent attaqués par les 90 000 hommes de la Haganah, la population regroupée, des hommes exécutés, le reste chassé sur les routes, les maisons détruites ou appropriées. A Deir Yassine, un village près de Jérusalem, c’est toute la population qui fut massacrée. Le mouvement sioniste planifia cette vaste purification ethnique, à la faveur d’un climat de terreur, parce qu’il ne voulait pas accepter un Etat où les Arabes auraient représenté 40 % de la population (1 million d’Arabes, 1,5 million de Juifs selon le plan de partage de l’ONU).

    Le 15 mai, Ben Gourion proclamait l’Etat d’Israël. Ni bien armés ni bien organisés, les Palestiniens devaient compter sur « l’aide » des armées égyptienne, syrienne et jordanienne… qui n’intervinrent qu’a minima. Pire, le roi de Jordanie avait déjà négocié avec le gouvernement sioniste un partage de la Palestine, qui lui livrait Jérusalem-est et la Cisjordanie.  

    Six mois plus tard les combats cessaient. Le résultat était cette Naqba, « la catastrophe », dont parlent les Palestiniens. La création d’un Etat israélien colonialiste et militariste. Aucun droit national pour les Arabes de Palestine. 800 000 d’entre eux chassés de leurs terres et réduits à la condition de réfugiés misérables.

    1950

    Israël, Etat des Juifs du monde entier, pas des Arabes israéliens

    Israël devait être « l’Etat des Juifs ». Le parlement vota la « loi du retour » qui donnait à tout Juif vivant dans le monde le droit de devenir citoyen d’Israël. Au passage, la définition du « Juif » était fondée sur des critères religieux : l’Etat laïc d’Israël gouverné par une gauche ouvertement athée confiait les clefs de l’état-civil et de la nationalité aux religieux, avec l’influence qui irait avec.

    Les 160 000 Arabes restés sur le territoire du nouvel Etat eurent droit pour leur part à la prolongation du régime militaire instauré à l’époque du mandat colonial par les Britanniques : ni libertés ni citoyenneté pleine et entière, impossibilité d’acheter des terres, droit pour le gouvernement de confisquer leurs terres pour les revendre à des Juifs, arbitraire militaire à leur égard. Jusqu’en 1966. Et nul « retour » pour les expulsés de 1948…

    1956

    Une guerre politiquement décisive

    Israël attaqua l’Egypte aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne et envahit le Sinaï. L’URSS et les Etats-Unis firent pression pour arrêter le conflit. L’enjeu fut finalement plus politique que militaire : Israël manifestait sa disponibilité pour être l’allié de l’impérialisme dans la région, contre les peuples arabes. Israël assumait aussi, cyniquement, une rupture profonde avec le monde arabe, qui rendrait plus difficile la vie des Juifs du Maroc à l’Irak… et accélérerait donc leur émigration vers Israël.

    Un million de Juifs de langue arabe immigreront en Israël les deux décennies suivantes. Ces « Mizrahim » étaient assez juifs pour peupler Israël mais trop arabes pour être les égaux des fondateurs venus d’Europe. Ils seront méprisés et surexploités, jusqu’à maintenant. Ben Gourion disait des immigrants juifs marocains : « des poussières humaines, sans langue ni éducation, racines, traditions ou rêve national », qu’il faudrait « remodeler ». Une sorte de colonisation à l’intérieur même de la communauté juive…

    1966

    La fausse émancipation des Arabes d’Israël

    Le gouvernement leva enfin le régime militaire qui pesait sur eux. Ils reçurent une carte d’identité nationale israélienne. Mais sur celle-ci, leur nationalité était dite « arabe ». La majorité des Israéliens sont « juifs »... Il n’y a pas en effet de « nationalité israélienne ». Tout un symbole de ce que l’avenir réservait en fait de discriminations.

    Les villages et quartiers arabes ne bénéficieront jamais des mêmes équipements, écoles, centres de santé. Les Arabes n’ont pas les nombreux droits sociaux conditionnés au fait d’avoir fait son service militaire… qu’ils ne peuvent pas faire. Et les réquisitions de terres continueront. Aujourd’hui, les Arabes sont 17 % de la population et ne possèdent que 2 % des terres du pays.

    1967

    Le grand Israël ?

    Le 5 juin 1967, l’armée israélienne déclencha une guerre éclair et écrasa en six jours les armées jordanienne, syrienne et égyptienne. Le Sinaï et le plateau du Golan furent occupés, et surtout la bande de Gaza et la Cisjordanie. Le gouvernement israélien triomphait : c’était en quelque sorte le rêve du « Grand Israël » cher aux fondateurs qui se réalisait.

    Mais que faire de ces territoires occupés ? Et de sa population arabe ? Les choix du parti travailliste, alors encore largement hégémonique, furent déterminants pour l’avenir. En réalité Israël n’arriva pas à trancher. Les Arabes, contrairement à ce qui s’était passé en 1948, n’étaient pas massivement « partis ». Le gouvernement n’osa pas les expulser. Il n’osa pas non plus annexer purement et simplement les nouveaux territoires occupés. D’ailleurs Ben Gourion, à la retraite, conseilla pour sa part de les rendre, non par respect des droits nationaux des Palestiniens, on s’en doute, mais parce qu’annexer ces territoires sans en expulser ses habitants menacerait démographiquement la nature juive de l’Etat d’Israël.

    La « gauche », l’armée, la majorité des Israéliens n’étaient pas pour autant capables de renoncer à leur conquête. Jérusalem-Est fut annexée (la ville deviendra « capitale éternelle et indivisible d’Israël » en 1980) et d’année en année, un mouvement de plus en plus puissant de colonisation reprit de ce côté de l’ancienne frontière. Les pionniers qui reprenaient ainsi les vieilles méthodes des premiers colons sionistes étaient souvent des fanatiques religieux, qui se regroupèrent dans le Goush Emounim, le « Bloc de la Foi ». Ils s’installaient sur des collines, chassaient les Arabes, puis après s’être fait plus ou moins gronder par les autorités d’Israël, se faisaient vite protéger par l’armée contre la colère des Palestiniens.

    La colonisation de la Cisjordanie commença sous la « gauche » travailliste, qui soit la favorisait, soit ne voulait pas politiquement l’affronter. Il est vrai que le sionisme en général, même s’il était dominé par des athées et des laïcs, a toujours eu des relations coupables – instrumentales – avec le fanatisme religieux. Comme le disait le président de la LDH israélienne à la fin des années 1960, « il y a des sionistes qui ne croient pas que Dieu existe, mais les mêmes vous diront que c’est Dieu qui a donné la terre au peuple juif ».

    C’est ainsi que les religieux, à côté de l’armée, sont devenus l’aile marchante de l’expansion coloniale d’Israël. Alors même que leurs entreprises (qui parfois tournent carrément au massacre de Palestiniens ou à d’infâmes provocations religieuses) entraînent toujours davantage l’ensemble des Israéliens dans une spirale de guerre sans fin, ils peuvent se présenter comme les nouveaux héros du sionisme. C’est ce qui a assuré leur emprise grandissante sur la société israélienne.

    Aujourd’hui, il y  a plus de 500 000 colons dans les territoires occupés. 200 000 sont installés à Jérusalem-est, encerclant la vieille ville arabe. Des territoires palestiniens ont été inclus dans le « Grand Jérusalem » et transformés en zone de peuplement juif. Dans leurs quartiers les ultra-orthodoxes juifs, qui la considèrent comme « leur ville », donnent la chasse aux homosexuels et aux femmes « impudiques » ; ils multiplient aussi les implantations dans la vieille ville arabe et certains d’entre eux rêvent de « rebâtir le Temple » sur l’esplanade des mosquées. La ville « unifiée » et annexée de Jérusalem compte désormais 700 000 habitants, dont 500 000 Juifs.

    1973

    La guerre du Kippour : l’ombre d’un doute ?

    L’Egypte et la Syrie déclenchèrent une offensive en octobre 1973. Surprise, l’armée israélienne dut reculer, puis mit quinze jours pour reprendre le terrain perdu dans le Sinaï et dans le Golan, au prix de nombreux morts.

    La confiance de l’opinion israélienne en son gouvernement et sa capacité à toujours l’emporter militairement en sortait ébranlée. Fallait-il continuer la politique de la chef du gouvernement, Golda Meir, qui ne jurait que par la force et déclarait sans complexe : « les Palestiniens cela n’existe pas. Les Palestiniens c’est nous les Juifs » ? Mais le doute n’était pas permis pour l’écrasante majorité des forces politiques israéliennes. Puisque la force ne suffisait pas, il fallait plus de force ! Six ans plus tard Israël faisait la paix avec l’Egypte mais resserrait encore son emprise sur les Palestiniens et renforçait son appareil militaire.

    1982

    L’invasion du Liban

    Menahem Begin, premier des premiers ministres de droite et son ministre de la défense, Ariel Sharon, décidèrent d’envahir le Liban. L’armée y tua des dizaines de milliers de Libanais et Palestiniens, écrasa Beyrouth sous les bombes et détruisit le quartier général de l’OLP. Le 16 septembre, ses alliés, les milices chrétiennes libanaises, massacrèrent 3 000 hommes, femmes et enfants dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. Ariel Sharon  et l’état-major israélien couvraient et aidaient l’opération.

    Cette fois, des dizaines de milliers d’Israéliens (juifs et arabes), écœurés, manifestèrent à Tel-Aviv pour dire leur honte et leur colère. Ce fut le vrai point de départ d’un « camp de la paix » en Israël. Mais le poids écrasant du nationalisme et la complicité de la « gauche » qui ne voulait pas critiquer l’armée (ses dirigeants ont eux-mêmes beaucoup de sang sur les mains), ont fait que ni Sharon ni aucun officier n’eut jamais à rendre des comptes.

    1987 

    La Première Intifada

    En décembre 1987, alors que l’agitation montait dans les territoires occupés, avec grèves, manifestations, affrontements sporadiques, un camion israélien écrasa quatre ouvriers palestiniens. Ce fut le signal d’un soulèvement général. Les différents groupes de la résistance palestinienne prirent le contrôle de villages et de quartiers, s’attaquèrent à des positions militaires. Mais surtout, jour après jour, la jeunesse palestinienne affronta l’armée, pierres contre tanks.

    Le ministre de la défense (et futur prix Nobel de la Paix,) le travailliste Yitzhak Rabin, donna pour consigne à ses troupes : « brisez-leur les os ! » Ce n’était pas une métaphore. Plus d’un millier de Palestiniens furent tués, des milliers torturés, des dizaines de milliers emprisonnés. Mais aux yeux du monde, la révolte des pierres démystifia largement Israël et rendit enfin visible le peuple palestinien et ses droits nationaux bafoués. Elle provoqua une crise politique et pour ainsi dire morale dans le consensus sioniste. Elle ne chassa pas l’occupant mais aurait pu, aurait dû créer de nouvelles possibilités historiques.

    1993

    L’illusion – et la duperie – d’Oslo

    Le 13 septembre 1993, sous le parrainage de Bill Clinton, Yasser Arafat et Yitzhak Rabin se serraient la main devant la Maison Blanche pour entériner des accords négociés à Oslo.

    Le gouvernement Rabin, tout en devant tenir compte des exigences (limitées) du grand parrain américain, cherchait à transformer son mode de domination des Palestiniens. Un peuple qui venait de prouver sa détermination, mais dont la principale organisation nationale, l’OLP, affaiblie, était peut-être disposée à se laisser domestiquer, voire acheter d’une certaine façon. Les dirigeants israéliens ne cherchaient aucunement à rendre possible une paix fondée sur la constitution d’un véritable Etat palestinien indépendant. Ils voulaient résoudre le dilemme de ces territoires occupés qu’ils ne voulaient ni annexer ni décoloniser, en y offrant à l’OLP la sous-traitance de la gestion de la misère et de la « sécurité », quitte à lui accorder les apparences plus ou moins dérisoires d’un embryon d’Etat.

    La preuve en est qu’après les accords d’Oslo, la situation réelle des Palestiniens ne changea guère. La domination économique israélienne continua, l’implantation des colonies ne fut même pas ralentie. On passa de 200 000 à 400 000 colons en Cisjordanie entre 1993 et 2000. On allait tout droit vers un bantoustan palestinien, à l’image des Etats fantômes inventés par le régime d’apartheid en Afrique du sud.

    Pas de paix sans justice : la deuxième Intifada commençait en septembre 2000.

    2001

    La deuxième Intifada et l’arrivée au pouvoir de Sharon

    Ce nouveau soulèvement du peuple palestinien n’eut pourtant pas les mêmes répercussions idéologiques sur la société israélienne que la première. De multiples raisons peuvent l’expliquer, mais l’une d’entre elles doit être soulignée : le parti travailliste (un des grands partis historiques du sionisme, celui qui dirigea le plus longtemps Israël et qui parraina les premières grandes étapes de la colonisation) avait fait cette fois le sale boulot de décourager la population tentée par la recherche de la paix par des concessions et la reconnaissance du droit des Palestiniens à avoir un Etat

     Rabin lui-même avait laissé la bride sur le cou à la colonisation. Cependant, la haine que lui portait la droite israélienne conduisit à son assassinat en 1995 par un fanatique religieux juif. Son gouvernement ne saisit pas l’occasion de casser les reins de l’extrême droite. Au contraire, le premier ministre Ehud Barak s’ingénia à offrir à l’OLP des « conditions de paix » – la dite « offre généreuse » de 2000 – inacceptables et faites pour ne pas être acceptées. Ce gouvernement expliqua alors aux Israéliens qu’il s’était trompé, que les attentats qui se multipliaient prouvaient bien que les Palestiniens ne voulaient pas la paix, qu’Israël « n’avait plus de partenaire pour la paix », qu’il fallait décidément protéger les colonies en Cisjordanie, construire un mur et bombarder sans retenue de l’autre côté.

    2015

    La guerre permanente

    Il était logique alors que celui qui incarnait le mieux une telle politique devienne le nouvel homme fort du pays. En 2001, Ariel Sharon, le boucher de Sabra et Chatila, était triomphalement élu premier ministre. Depuis  la société israélienne, gangrénée et façonnée par son entreprise coloniale, de massacres en bombardements de Gaza, n’a cessé de tomber toujours plus sous l’emprise des pires forces réactionnaires et racistes. Nouvelles colonies et blocus de Gaza, révoltes palestiniennes, répression de plus en plus barbare : la politique d’Israël est désormais celle de la guerre permanente.

    Yann Cézard

     
  • Maroc : Appel à la grève nationale générale du mercredi 24 février 2016 (Afriques en Lutte)

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    Appel intersyndical UMT, CDT, UGMT et SNE-Sup à la grève générale le 24 février au Maroc.

    Frères et sœurs !

    Les centrales syndicales : l’Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT), l’Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et le Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNE-Sup) ayant épuisé tous les efforts visant à amener le gouvernement à la table des négociations au sujet des questions intéressant la classe laborieuse et l’ensemble des salariés, et vu l’entêtement de l’Exécutif et sa politique de la fuite en avant ainsi que ses tentatives d’imposer le fait accompli en gelant le dialogue social et en occultant le rôle constitutionnel du mouvement syndical ;

    Etant donné le refus du gouvernement d’assumer ses responsabilités politiques et sociales ; vu son reniement de ses engagements et promesses, sa propension à s’en prendre systématiquement aux acquis sociaux et matériels de l’ensemble des couches populaires, à violer les libertés syndicales et son entêtement à ignorer les revendications de la classe laborieuse et de l’ensemble des salariés,

    Lesdites centrales syndicales ont décidé d’observer une grève nationale générale de 24 heures le mercredi 24 février 2016 au niveau de la Fonction publique, des collectivités territoriales, des établissements publics et semi publics, du secteur privé industriel, agricole, forestier et des services, du transport toutes catégories confondues, des commerçants, artisans, des secteurs minier, portuaire, de la pêche maritime et de tous les secteurs professionnels…

    Impliquons-nous tous dans grève nationale générale en vue de :

    - mettre un terme aux atteintes au pouvoir d’achat de l’ensemble du peuple marocain,
    - (d’obtenir) une augmentation des salaires, l’application de l’échelle mobile et l’augmentation des pensions de retraite,
    - l’exécution du reliquat de l’accord du 26 avril 2011 : (institution d’un nouvel échelon, d’indemnités pour le travail dans des régions éloignées et unification du salaire minimum dans les secteurs industriel et agricole),
    - d’atténuer la pression fiscale sur les salaires et les revenus des commerçants et artisans et la mise en place d’un système fiscal équitable,
    - de renoncer à l’approche paramétrique et comptable du dossier des retraites et de concevoir une réforme globale et juste du système de retraites,
    - renforcer la position de l’université marocaine, améliorer la situation des enseignants du supérieur et mettre fin à la privatisation du secteur,
    - imposer le respect des dispositions du Code du travail et auitres lois et règlements sociaux comme (ceux relatifs à) la sécurité sociale et autres, satisfaction des revendications sectorielles et catégorielles et solution immédiate des dossiers des professeurs stagiaires, des étudiants médecins (médecins internes), des administrateurs, des techniciens, des ingénieurs et de toutes les catégories lésées…,
    - promouvoir la situation de la femme travailleuse et reconnaissance des droits humains de la gent féminine (en général),
    - généralisation de la couverture sociale aux chauffeurs de taxis et aux routiers tout en s’occupant de leur situation matérielle et sociale,
    - promulgation du statut des fonctionnaires des collectivités territoriales, -intégration des détenteurs de la licence et création d’une institution sociale,adoption d’une politique sociale visant à résoudre le phénomène du chômage, à embaucher les diplômés et à éradiquer l’emploi précaire,
    - mettre fin à la violation des libertés publiques et syndicales et abrogation de l’article 288 du Code pénal.

    Frères et sœurs !

    Fonctionnaires, travailleurs et travailleuses, salarié(e)s, commerçants et artisans, acteurs politiques et humanitaires, forces vives et société civile ! adhérons tous ensemble, massivement et avec force, à ce combat militant en guise de protestation de la légèreté avec laquelle le gouvernement traite les revendications de la classe laborieuse marocaine et à l’ensemble des strates sociales marocaines !

    Mobilisons-nous donc pour exécuter cette décision historique le mercredi 24 février 2016 !

    Vive la classe laborieuse marocaine ! Vive l’unité syndicale !

    23 février 2016

    http://www.afriquesenlutte.org/maroc/article/maroc-appel-a-la-greve-nationale