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Algérie - Page 19

  • Gaz de schiste : La lutte qui a changé les habitants d’In Salah (Algeria Watch)

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    Plus d’un an après les manifestations anti-gaz de schiste, les habitants de cette ville du Sahara ne sont plus les mêmes. Rassemblés, ils comptent bien rester des interlocuteurs pour les autorités dans le développement de leur région.

    Sous les arcades de la place, les passants et les marchands le saluent. Abdelouahab Messaoudi, 32 ans, jean, veste et chaussures Caterpillar ocres assorties, répond toujours avec un immense sourire. Désormais, tout le monde connaît ce fils d’un employé de l’Algérienne des eaux. Pendant huit mois, il a tenu la kheïma qui servait de QG aux opposants au gaz de schiste sur la place Soumoud.

    «Les vieux nous ont dit qu’ils n’avaient jamais vu un mouvement aussi solidaire depuis l’indépendance», raconte-t-il. Fin décembre 2014, lorsque les habitants de la ville découvrent que l’État lance des explorations de gaz de schiste à 16 km de là, ils se serrent les coudes pour se faire entendre. «Des hommes allaient faire les courses, des femmes faisaient la cuisine.

    Ce sont les femmes qui ont bloqué l’accès à la daïra», se souvient le jeune homme qui organise à l’époque la prise en charge de plusieurs victimes blessées dans les affrontements avec les forces de l’ordre. «Le gaz de schiste a fédéré et effacé les communautarismes. Nous étions dans un bateau en pleine mer. La coque était trouée. Tout le monde devait participer, sinon tout le monde se noyait», résume Mehdi, 30 ans, aide-cuisinier dans l’une des bases vie d’In Salah.

    Méfiance

    A la nuit tombée, Abdelouahab retrouve des amis, sous une kheïma. Mohamed, 31 ans, faisait partie des premiers manifestants. Il a été licencié en représailles par GTP comme 64 autres salariés. «Les négociations avec l’entreprise n’ont rien donné. Nous l’avons attaquée en justice», raconte-t-il. Le jeune homme n’a toujours pas retrouvé de travail. «Il y a du travail à In Salah, mais il faut de la maarifa», ajoute Abdelouahab qui, lui aussi, est au chômage. Le tribunal examine toujours une plainte déposée par le P/APC pour destruction d’un parc de la commune. «Les 18 accusés ont participé à la mobilisation. Cette plainte est un règlement de compte», affirme l’un des leaders de la contestation.

    A la rentrée universitaire, les autorités ont voulu démolir une petite boutique qui fait face à l’université de Tamanrasset. «Le propriétaire a beaucoup aidé les étudiants qui manifestaient l’année dernière», raconte un habitant. Le jour de la destruction, des dizaines d’étudiants ont bloqué l’avancée des forces de l’ordre et empêché la démolition du magasin. «En guise de remerciements, le propriétaire a organisé une fête dans la cité universitaire», se souvient un jeune protégé du froid par son burnous.

    Chèche bleu enroulé autour de la tête, Djamel Addoun, 50 ans, sert le thé. Ce retraité de l’éducation est l’un des photographes de la place Soumoud. «Aujourd’hui, les habitants se tiennent au courant de tout ce qui se passe dans la ville. Ils sont vigilants parce qu’ils ne font plus confiance à l’État», explique-t-il. «A In Salah, le FLN nous disait de voter Bouteflika, on votait.

    Pour nous, l’État ne pouvait vouloir que notre bien. Quand les habitants se sont rendu compte que cet État pouvait leur faire du mal, ils ont passé deux mois dehors», explique un ingénieur de la ville. Sous la tente, dans les effluves de khor, jeunes et moins jeunes, évoquent les mois de rassemblement avec nostalgie et fierté : «Nous avions une opinion, nous l’avons exprimée, nous l’avons défendue. On n’aurait jamais pensé y arriver», ajoute l’ingénieur. Aujourd’hui, lors des cérémonies de mariage, on chante encore des chants anti-gaz de schiste.

    Trahison

    Le matin, le vent froid soulève le sable et fait voler les foulards. Abdelouahab salue un jeune homme fin en survêtement qui conduit un fourgon blanc. Lahcene Nakhou, 28 ans, tient une boutique d’informatique sur l’une des avenues de la ville. Il est le frère d’Ahmed, 32 ans, décédé pendant les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, asphyxié par les gaz lacrymogènes. Ce fils d’une famille de nobles de la ville s’est senti trahi : «Pendant les affrontements, j’étais avec le commissaire pour apaiser les esprits mais mon frère est mort à cause de leurs bombes lacrymogènes».

    Lahcene insiste : «Ils ont traité les manifestants de fils du Mali et de perturbateurs. Ils considèrent qu’à In Salah personne ne comprend rien.» Ces insultes-là, la réponse des autorités, sont toujours une blessure importante pour les habitants. «Les responsables nous ont fait comprendre que pour eux, la citoyenneté ce n’est que de l’encre sur du papier», ajoute Abdelouahab.

    Rap

    A 200 m de la place Soumoud, le café de la piscine est l’un des lieux de rendez-vous des jeunes de la ville. Il y a du thé, du café, le wifi et la télévision. Abdelouahab y retrouve Adel, rappeur des Desert Boys, un groupe de la ville qui a participé à la contestation. Salarié de In Salah Gaz, diplômé en sécurité environnementale, Adel, 27 ans, est né à In Salah, comme les autres membres du groupe. «Le gaz de schiste est néfaste. Nous devions nous mobiliser sur le terrain et à travers notre musique», dit-il. Desert Boys a donc enregistré un featuring avec Lotfi Double Canon intitulé «Samidoun». Un an plus tard, Adel considère qu’il y a encore des problèmes qui doivent être au cœur de ses chansons. «Il n’y a pas assez de travail, pas assez de lieux pour les jeunes. Nous avons d’autres combats à mener», sourit-il.

    Écoute

    Les jeunes, c’est le coeur de cible du nouveau wali délégué, Lakhdar Seddas. Ancien chef de daïra de Beni Ounif, cet énarque de 56 ans reçoit les habitants tous les jours : «Nous avons découvert que derrière les manifestations, il y avait des revendications d’ordre social. Il y a une cassure entre les citoyens et les représentants de l’Etat.

    L’éloignement de la ville du chef-lieu de la wilaya était l’une des causes principales de cette cassure.» Les habitants apprécient ce nouveau responsable qui fait du travail de proximité sa priorité. «Avant, pour se faire entendre, nous devions attendre la visite du wali depuis Tamanrasset. Cette affaire de gaz de schiste c’est aussi un problème d’écoute : comment ont-ils pu vouloir nous imposer ce projet alors que tout le monde s’y opposait ?», se souvient Abdelouab.

    Devant son hôtel fermé par les autorités locales, près du marché, Abdelmalek est ravi de l’évolution : «L’APC n’avait rien fait en quatre ans. Depuis l’arrivée du wali délégué, la route a été améliorée et il y a de l’éclairage public. C’est déjà un signe de changement». Autre symbole, la population raconte en souriant que Lakhdar Seddas fait le plein pour son véhicule à la station-service comme les autres habitants.

    Maraîchage

    «On sent que l’Etat s’intéresse à cette région mais ce n’est pas la Californie», nuance un cadre. In Salah reste une ville où la vie est éprouvante. La température l’été y atteint 50°C, il y pleut deux jours par an, et l’eau de source qui alimente la ville, trop salée, rend les habitants hypertendus. «Après des mois de contestation, il fallait canaliser l’énergie de la mobilisation. On veut voir l’avenir sous d’autres perspectives que les hydrocarbures. Nous voulons désormais développer une vision basée sur le maraîchage et la plantation d’arbres», explique Hacina Zegzeg l’une des figures de la contestation, qui veut créer avec son mari l’association Smart Sahara.

    Sa fille, Djihad, fait des exposés sur le gaz de schiste «pour sensibiliser» et tente d’organiser une opération de plantation d’arbres dans son lycée : «On me dit que se sont des problèmes d’adultes mais nous devons aussi participer au développement de notre ville». Au début du mois de janvier, des habitants de la sortie ouest de la ville ont entendu un grondement sourd. Tout le monde a cru à une explosion de gaz. «On n’a jamais eu aucune information sur les explorations. Aujourd’hui, on a appris à se méfier de tout», explique Hacina.

    Personne ne sait si l’exploration est terminée. «L’appareil de forage et tous les travailleurs ont été envoyés à Hassi Messaoud. Il n’y a plus que les maintenanciers et les gendarmes», raconte l’un des employés du site. Sur la place Soumoud, il ne reste comme témoignage de la lutte qu’un slogan écrit en vert sur un mur ocre. Abdelouahab traverse encore cette place ensablée tous les jours : «Nous sommes toujours debout et nous saurons faire face si l’Etat décide de lancer d’autres projets de gaz de schiste».
    Beratto Leïla El Watan, 29 janvier 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/gaz_schiste/lutte_un_an_apres.htm

  • Revue de Solidaires: l'Algérie

     

    Sommaire

    Introduction

    François Gèze: L’histoire méconnue de l'UGTA, trop longtemps syndicat unique et interlocuteur exclusif des syndicats français

    Entretien avec Omar Benderra:
    Le temps de la dictature rentière est compté

     

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/div/livres/revue_solidaires.htm

  • Répression des dernières manifestations : l’étonnante brutalité des forces de l’ordre (Algeria Watch)

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    La semaine qui s’achève aura été agitée à Oued El Ma, dans la wilaya de Batna.

    Les habitants de cette commune sont sortis manifester à partir de lundi pour dénoncer la marginalisation de leur région et l’absence de projets de développement. Ils ont fait l’objet d’une violente répression de la part des forces de l’ordre, selon plusieurs témoignages. Dans un communiqué publié ce samedi, le Front des forces socialistes (FFS) a notamment dénoncé les « dépassements en gros commis par les forces de sécurité », tels que des « arrestations arbitraires de citoyens, des violations de domiciles et destruction de la propriété privée ».

    Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ainsi que l’intervention musclée de ces derniers dans la commune d’Oued El Ma ne sont pas sans rappeler la stratégie agressive utilisée par les forces de l’ordre en réponse au mouvement de protestation des travailleurs de l’usine SNVI de Rouiba en décembre dernier.

    Dans les deux cas, l’intervention des forces de l’ordre aura été immédiate et démesurée, en contraste avec ses méthodes habituelles. Car si les forces de l’ordre en Algérie sont traditionnellement et notoirement connues pour leur brutalité, la nouveauté réside dans la façon systématique avec laquelle les forces de l’ordre basculent désormais vers celle-ci.

    Cette nouvelle stratégie tranche par exemple avec la façon dont les forces de l’ordre avaient géré les émeutes de 2011. Si la répression avait bien été au rendez-vous, elle avait néanmoins d’abord laissé place à une période d’observation. L’action des forces de l’ordre semblait par ailleurs contenue, elle ne laissait pas transparaître de la nervosité comme c’est le cas actuellement.

    Qu’a donc changé entre ces émeutes-là et celles d’Oued El Ma ? Une option probable serait peut être que les autorités semblent vouloir transmettre un message à ceux qui seraient éventuellement tentés de sortir dans les rues. L’action des forces de l’ordre pourrait servir donc de démonstration de force destinée à décourager toute velléité de protestation, au moment où la situation économique s’apprête à s’aggraver en Algérie.

    Par Radia Touri, TSA, 23 janvier 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvrepr/brutalite_forces_securite.htm

    Lire aussi:

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/revolte/occuper_rue.htm

  • Béjaïa : Marche contre la vie chère

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    Ils étaient plusieurs centaines de travailleurs à marcher hier à partir de la maison de la Culture jusqu’à la place Saïd-Mekbel.

    Ils sont issus de plusieurs secteurs de la fonction publique, à savoir des communes, de la direction des équipements publics, de la culture, de l’administration publique, de l’enseignement supérieur et des œuvres universitaires, de l’éducation nationale, de la santé publique, de la formation professionnelle, etc.

    Cette action a été observée par la coordination du Syndicat national des administrations publiques (SNAPAP) qui a appelé en parallèle à une journée de grève.

    Les manifestants ont tenu à dénoncer vertement « la politique d’austérité adoptée par le gouvernement qui s’est traduite par des augmentations sur les prix de l’énergie et des services et qui ont généré, par ricochet, d’autres hausses dans certains secteurs et sur certains produits ». Les mécontents ont évoqué en mal la loi de finances de l’exercice en cours (2016). 

    « Nous sommes sortis aujourd’hui pour dénoncer la politique d’austérité décidée, sans pitié, par le gouvernement et qui a enfoncé le pouvoir d’achat des travailleurs à travers la loi de finances 2016 », a asséné Nacer Kassa, président de la coordination du SNAPAP de la wilaya de Béjaïa. Et d’ajouter : « Nous nous attendions à l’amélioration de notre pouvoir d’achat par une hausse conséquente des salaires mais nous avons été surpris par les mesures d’austérité et les augmentations entérinées dans la loi de finances que nous dénonçons énergiquement ». 

    Augmentation conséquente des salaires, révision du statut de la fonction publique et des statuts des secteurs qui en dépendent, baisse de l’IRG, révision du point indiciaire, ouverture de postes budgétaires, intégration des contractuels, arrêt des harcèlements envers les travailleurs et syndicalistes sont autant de points figurant dans la plate-forme de revendications de la coordination. 20 janvier 2016 | 19:52

    http://www.jeune-independant.net/Bejaia-Marche-contre-la-vie-chere.html

    source:

    https://www.facebook.com/PSTDZ/?fref=nf

     

  • Algérie. «Il faut reconstruire l’espoir parmi les travailleurs et les travailleuses, les jeunes, tous les opprimé·e·s, désorientés.» (Al'Encontre.ch)

    Soumia Salhi

    Soumia Salhi

    Le projet de révision constitutionnelle approuvé lundi par le Conseil des ministres consacre, entre autres,  «la parité entre les hommes et les femmes sur le marché de l’emploi ». Mme Soumia Salhi militante féministe et syndicaliste revient sur cette disposition. Le quotidien El Watan a décidé de suspendre provisoirement l’espace réservé aux réactions des lecteurs, en raison de la multiplication de commentaires extrémistes, racistes et insultants. (Rédaction)

    Le projet sur la révision de la constitution consacre la parité homme/femme. En tant que militante pour l’émancipation de la femme, que vous fait une telle décision?

    C’est un pas positif. Nous revendiquons la parité, nous y travaillons depuis toujours. Bien sûr, l’objectif central du projet de révision de la Constitution est de revenir sur la concentration des pouvoirs édictée en 2008 par la précédente révision. Mais, nous héritons à chaque fois de l’introduction de principes généreux en faveur des femmes. Après la promotion des droits politiques de la femme en 2008 et l’imposition qui en a résulté d’une représentation féminine dans les assemblées élues, nous avons en 2016 l’affirmation d’un objectif de parité dans le monde du travail et d’une promesse d’action de l’Etat pour l’accès des femmes aux responsabilités. Il eut été judicieux d’opter pour une rédaction plus claire qui édicte l’objectif de parité partout dans la société, au travail comme au niveau des responsabilités professionnelles, syndicales et politiques. Il est bon d’inscrire aussi l’obligation qui en résulte d’action de l’Etat pour promouvoir cet objectif. Les modalités sont accessoires et nous en débattrons dans la société au cours du lent cheminement nécessaire

    Alors que cette parité est consacrée par la Constitution la réalité du terrain est tout autre. Les différents organismes et classements mondiaux, tel que le Forum Economique Mondial mettent l’Algérie, à la queue du peloton…..

    Oui je sais, on classe parfois l’Algérie derrière les pays du Golfe qui sont, comme chacun sait, des paradis pour le sort des femmes. Ces classements sont des outils de propagande des puissants, si l’Algérie leur vendait Sonatrach elle gagnerait des dizaines de places. Nulle part au monde, la parité n’est réalisée et ce, même dans les pays les plus avancés dans le domaine de l’égalité homme femme, les pays nordiques. Le dernier rapport mondial sur la parité estime qu’il nous faut patienter 81 ans pour atteindre la parité au travail! Aucun pays n’a atteint la parité à tous les niveaux.

    Pour nous, la parité est un objectif de notre lutte et nous marquons des points. Notre société est en train de passer d’une société rurale caractérisée par la grande famille patriarcale où l’oppression des femmes est radicale à une société urbaine basée sur la petite famille mononucléaire et le salariat féminin qui se développe et bouleverse les pratiques sociales.

    Les mentalités sont restées proches de celles qui correspondaient à l’ordre social antérieur, aujourd’hui largement disparu. Les pratiques sociales changent dans la douleur. C’est connu, les mentalités sont toujours en retard sur l’évolution sociétale et la vague régressive des années 1990 tire aussi ses origines de ce gigantesque bouleversement en cours qui voit l’émergence de la femme algérienne et son irruption dans la vie publique. Quand j’ai commencé à militer pour les droits des femmes, les statistiques disaient que 97% d’entre nous étaient des femmes au foyer. Trois à quatre dizaines d’années plus tard nous sommes une sur six à travailler, la moitié des cadres de la santé et de l’éducation, 40% des juges, un tiers des députés… sur certains critères nous sommes très en  avance mais globalement nous sommes bien en retard par rapport aux pays développés où le salariat sape les bases économiques du patriarcat depuis plusieurs siècles sans en avoir fini, d’ailleurs, avec l’idéologie patriarcale

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    Que faudrait-il faire pour concrétiser, sur le terrain, l’égalité des sexes, selon vous?

    C’est un combat complexe, un combat sur plusieurs plans. La revendication de l’émancipation des femmes, et donc de la fin de l’oppression subie, n’est pas une abstraction produite par des esprits purs. Notre action est rendue possible par une évolution objective de la société. L’égalité promise par toutes les constitutions depuis 1962 témoigne de l’élan généreux du mouvement de libération nationale, mais elle ne pouvait se concrétiser pour ma mère et les femmes de sa génération, enfermées ou marginalisées dans l’espace féminin du village, souvent analphabètes… Les moudjahidates [les femmes ayant combattu pour l’indépendance face à la Frabce coloniale], si importantes par la légitimité qu’elles nous procurent, étaient un petit groupe marginalisé. Mais la scolarisation massive depuis l’indépendance a provoqué une présence massive des jeunes femmes dans l’espace public en contradiction avec la loi non écrite de l’ordre patriarcal.

    C’est le début du mouvement féministe, refus du code de la famille inégalitaire mais aussi sur des questions plus immédiates comme l’autorisation de sortie pour les femmes. Alors que l’urbanisation bouleverse la donne sociale, l’arrivée des diplômées sur le marché du travail réhabilite toutes les travailleuses, réorganise l’espace public et impose une mise à jour des pratiques sociales. Ce processus ne s’est pas ralenti même durant la décennie 90. Des questions nouvelles sont mises en discussion dans la société : harcèlement sexuel, violence, accès aux responsabilités, apport économique des femmes dans le couple…

    Il y a une dialectique entre la lutte idéologique contre les mentalités rétrogrades, les combats concrets sur le terrain socio-économique et les combats juridiques pour transcrire nos droits dans les lois du pays. Ce que nous visons c’est changer la réalité dans la société. A côté du succès remarquable obtenu au plan législatif contre les violences faites aux femmes, par exemple, notre victoire est que notre campagne est devenue un fait de société, un sujet de conversation courant et que cela favorise le changement de comportement. Et comment les femmes seraient-elles des égales si elles n’ont pas la possibilité de l’autonomie économique, celle d’un salaire, d’un logement. Comment pourraient-elles être plus nombreuses au travail s’il n’y a pas une socialisation des tâches ménagères par des garderies, des cantines et des transports scolaires.

    L’Algérie a adopté en 2008, le système de quota. En plus d’assurer une meilleure représentativité de la femme dans les assemblées, ce système a-t-il permis une meilleure implication de la femme dans la gestion des affaires publiques et dans la prise de décisions?

    Nous en sommes encore au niveau symbolique mais le symbole est plus visible. 30% d’élues à l’APN (Assemblée populaire nationale) c’est encore peu fréquent dans le monde. Mais aucune sénatrice chez les partis. Le pouvoir est encore masculin, dans les pays comme le nôtre il l’est un peu plus que dans certains pays développés. Et la société résiste encore à cette reconnaissance. Pourtant la crise de l’école fait une large majorité féminine au bac et parmi les diplômés. Sans une politique de quota on ne peut pas progresser. Les femmes sont encore largement minoritaires au niveau des responsabilités mais ce qui a changé c’est que des voix féminines participent à la vie publique, aux débats de la société. Nous sommes devenues visibles, incontournables. Nous sommes au début d’un lent processus qui mène à la parité.

    Certains parlent d’une sorte d’absentéisme de la nouvelle génération dans tout ce qui est militantisme et action citoyenne. Partagez-vous ce constat et quelle en seraient les raisons à votre avis ?

    Notre génération vient d’une époque d’espoir et nous sommes passées à ce moment d’effondrement du mouvement ouvrier qui structurait auparavant l’action démocratique. Mais soyons sérieuses, dans les années soixante-dix nous étions une poignée dans quatre grandes villes du pays, aujourd’hui il y a, à travers le pays, des centaines de collectifs féminins les plus divers. Des jeunes, beaucoup de jeunes activent. Mais les collectifs militants ont le plus souvent laissé place à des activités associatives rythmées par les projets des ONG ou ceux du gouvernement. Les autres sont invisibles. Enfin on en est tous là à travers le monde. Il faut reconstruire l’espoir parmi les travailleurs, les travailleuses, les jeunes, les femmes et tous les opprimé·e·s complètement désorientés. (Entretien publié dans El Watan le 13 janvier 2016)

    Publié par Alencontre1 le 14 - janvier - 2016
  • Hocine Aït Ahmed, le militant infatigable de la démocratie (Algeria Watch)

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    Hocine Aït Ahmed, l’un des neuf chefs historiques du FLN, est décédé mercredi 23 décembre dernier en Suisse à l’âge de 89 ans.

    Impliqué dès son jeune âge dans la lutte nationaliste, il adhère au Parti du Peuple Algérie (PPA) à 17 ans alors qu’il était lycéen. A 20 ans, il rédige pour la direction du parti le texte connu sous le nom « rapport Zeddine » qui esquisse la stratégie de la lutte armée.

    A la suite de ce rapport, le parti crée l’Organisation Secrète (OS) qu’il dirigera après la mort de Mohamed Belouizdad. Suite à la crise qui secoue le parti au début des années 1950, il appartiendra au courant populiste révolutionnaire qui créera le FLN et qui lancera l’insurrection le 1er Novembre 1954. En 1956, il est arrêté avec Ben Bella, Boudiaf, Khider et Lacheraf dans l’avion qui avait été mis à leur disposition par le roi Mohammed V et qui avait été détourné par l’armée de l’air française au-dessus de la méditerranée.

    Libéré lors du cessez-le-feu en mars 1962, il s’opposera en vain au renversement du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) par l’Etat-Major dirigé par le colonel Houari Boumédiène. Il sera élu député dans la nouvelle Assemblée Nationale, se faisant remarquer par ses prises de position en faveur d’un Etat de droit et d’élections pluralistes. Lorsque le tandem Boumédiène-Ben Bella imposera le système du pari unique, il organise en 1963 une dissidence armée qui se limitera à la Kabylie. Arrêté en 1964, il sera jugé et condamné à mort par le régime de Ben Bella. Il s’évadera de prison en 1966 et s’installera à l’étranger où il continue à diriger son parti, le FFS, dans la clandestinité.

    A la suite des émeutes d’octobre 1988 qui mettront fin au système du parti unique, il rentre à Alger pour réorganiser son parti et le faire participer aux différentes élections. Face à la déferlante islamiste, il incarne l’espoir d’une démocratie ancrée dans les idéaux du mouvement national dont il est une des figures emblématiques.

    Il accepte le résultat des urnes même lorsque les élections sont remportées par les islamistes. C’est ainsi qu’il s’oppose à l’annulation du scrutin remporté par le FIS fin décembre 1991, et appelle à une marche historique le 2 janvier 1992 qui rassemble plus d’un million de personnes à Alger sous le slogan « ni Etat policier, ni Etat intégriste ». Cela n’empêche pas le coup d’Etat de janvier 1992 qui fera plonger le pays dans une violence meurtrière.

    En janvier 1995, il prendra part à la réunion de Rome à laquelle participent les partis qui ont eu des députés en décembre 1991 (FIS, FFS et FLN). Il apportera sa vision et son expérience dans la rédaction de la « Plate-Forme de sortie de crise », appelée « le contrat de Rome », rejeté par les chefs militaires opposés à l’idée de laisser la politique à des civils qu’ils ne choisissent pas. Malgré les pressions sur les militants de son parti, dont certains ont été assassinés dans des conditions non élucidées à ce jour, et malgré les campagnes de dénigrement dont il était quotidiennement l’objet, celui que le DRS appelait « le marabout de Lausanne » s’accroche à l’espoir d’un Etat civil dirigé par des élites représentatives élues par la population. Son parti présentera sa candidature au scrutin présidentiel d’avril 1999. Ayant été informé la veille que les chefs militaires avaient donné des instructions à l’administration pour truquer les élections en faveur de leur candidat, Abdelaziz Bouteflika, il se retire en refusant de légitimer par sa participation une élection dont le résultat avait été décidé à l’avance.

    Profitant de sa maladie apparue en 2012, la police politique infiltre le FFS et suscite une crise au sein de la direction, ce qui affaiblit le parti qui perdra des cadres de grande valeur. Soumis à des pressions de la part du régime, celui-ci arrive à infléchir sa ligne politique en lui faisant accepter les élections truquées et la gestion policière du champ politique.

    Après avoir détourné le FFS de sa vocation de vrai parti d’opposition, le régime opère un hold-up sur la mémoire de Aït Ahmed en suscitant des articles de presse dithyrambiques sur lui, occultant son combat pour la démocratie. Dans son message de condoléances à la famille du défunt, le président Bouteflika ira jusqu’à écrire que Aït Ahmed s’était évadé de la prison française alors qu’il s’était évadé en 1966 de la prison à l’époque du colonel Boumédiène.

    Après l’avoir pourchassé de son vivant, le régime récupère sa mémoire en décrétant un deuil national de 8 jours pour mieux cacher ce pourquoi Aït Ahmed a combattu. Avec lui, l’Algérie a raté l’occasion de se donner comme Chef d’Etat un homme qui incarnait à la fois le nationalisme et l’idéal démocratique universel.

    Lahouari Addi
    Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon  6 janvier 2016

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/tribune/addi_hommage_ait_ahmed.htm

    Lire aussi:

    http://elwatan.com/contributions/l-ideal-democratique-constante-chez-ferhat-abbas-et-hocine-ait-ahmed

  • Hocine Aït Ahmed sur Algeria Watch

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  • Nouveautés sur Afriques en Lutte

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    manifalger

    Il y a 55 ans, le 11 décembre 1960, au chant de « Min djibalina talaa saoutou el ahrar », le peuple algérien descendait dans la rue, la poitrine nue, face aux mitrailleuses françaises. « C’est fini, on ne se taira plus, même s’il faut en mourir », clamait-il.

    Bravant la mort, le peuple occupe le haut du pavé dans les grandes villes comme Alger, Oran et Constantine, où la population algérienne – les indigènes comme les Européens les appelaient – est surveillée de très près par les officiers français de l’action psychologique à travers les S A U. Le peuple descend dans la rue également à Skikda, Annaba, Bejaia, Blida, Cherchell, Tlemcen …

    Pour illustrer l’ampleur des manifestations populaires patriotiques du 11 décembre 1960 qui urent lieu sur tout le territoire national, je voudrais évoquer, à titre introductif au débat, l’exemple de Belcourt et de la Casbah
    Belcourt. Il est 10 heures. Sous une pluie fine, une marée humaine, brandissant le drapeau de l’Algérie combattante, surgit des quartiers populaires du Vieux Kouba, du Ruisseau, du Clos-Salembier, de Birmandreis, en passant par le Ravin de la Femme Sauvage. Grossie par la foule descendue des hauteurs de Belcourt et des lieux environnants, elle s’approche du quartier européen du Champ-de-manœuvres où s’étaient groupés les partisans de l’Algérie française.
    Sur fond du chant patriotique Min Djibalina, des milliers de voix entonnaient à l’unisson :

    « Vive le GPRA
    Abbas au pouvoir
    Algérie musulmane
    Vive l’ALN !
    Vive le FLN ! « 

    « C’est un spectacle qui coupe le souffle, écrit un journaliste français. La rue Albert – Rozet (laaguiba comme les enfants de Belcourt la nomment), une ruelle de 3 mètres de large, qui descend sur près de 800 mètres des hauteurs de Belcourt, semble prête à éclater sous la tempête qui s’y déchaîne. 5000 Musulmans sont entassés et brandissent des drapeaux vert et blanc à croissant rouge, des pancartes :

    -Algérie indépendante
    – Libérez Ben Bella
    – Referendum sous contrôle de l’O N U
    – Lagaillarde au poteau

    Au premier rang, des jeunes lèvent le poing. Derrière eux des jeunes juchés sur des épaules, brandissent des banderoles « Vive le FLN », témoigne le journaliste français.

    Sur une large banderole barrant la rue de Lyon (aujourd’hui Mohamed Belouezdad), on lit Négociations.
    Une sorte de réponse au général de Gaulle, Président de la République française, qui, avant d’entamer son voyage en Algérie au mois de décembre 1960, avait réaffirmé son refus de discuter avec le GPRA de l’avenir de l’Algérie, lors d’un discours prononcé à Paris le 4 novembre, un mois auparavant. Le but de son voyage en Algérie était de présenter aux corps constitués son projet de loi qu’il devait soumettre à référendum le 8 janvier 1961. Le projet de loi portait sur la mise en place d’un Parlement et d’un exécutif algérien « qui, une fois établis, détermineront en temps utile, la date et les modalités du référendum d’autodétermination ». « Construire l’Algérie algérienne sans et contre le FLN », disait Bernard Tricot, collaborateur immédiat de de Gaulle. C’est cette Algérie que les officiers de l’action psychologique voulaient faire plébisciter par les Algériens.

    Les militants du Front de l’Algérie française, le FAF, accueillirent, par des cris hostiles, le général de Gaulle, arrivé en Algérie le 9 décembre 1960. Ils appelèrent à la grève générale. C’est pour étendre cette grève aux quartiers musulmans qu’ils entrèrent en force dans Belcourt. « Ils sont venus nous provoquer, déclara un jeune de Belcourt à l’envoyé spécial du quotidien français Le Monde. Nous avons réagi ». D’où le caractère apparemment spontané de la manifestation, comme le souligne un responsable de la zone 6 de la wilaya IV. Mais le peuple d’Alger était conscient de l’enjeu. Sa réaction fut politique. Il surprit les officiers de l’action psychologique qui pensaient l’entendre crier « Algérie algérienne », lui faisant avaliser, par- là, la politique néocoloniale du général de Gaulle intéressé par les gisements de pétrole de l’Algérie.
    En voyant le drapeau de l’Algérie combattante surgir dans Alger qu’il pensait « pacifiée », un des officiers confia à un journaliste français : « Nous avons subi un véritable Diên Biên Phû psychologique… Pensez qu’on crie « Vive le FLN ! ». Reprenant cette réaction, le journaliste écrivait : « L’explosion des sentiments populaires…réduisait à néant les constructions de l’action psychologique ».

    Un autre exemple pour illustrer ces manifestations sorties des entrailles de la société humiliée par le colonialisme français. Celui de la Casbah, berceau du nationalisme algérien, symbole de la lutte permanente contre l’ordre colonial sanguinaire, la Casbah qui connut la torture et les disparitions au cours de la Bataille d’Alger.
    La Casbah, encerclée par les Zouaves, entourée d’une triple rangée de barbelés, la Casbah des guillotinés réveillée par les you you des mères des martyrs crie à pleins poumons :

    « Tahya el Djazair,
    Yahia el Istiqlal. « 

    A travers les ruelles en escaliers, les enfants arborent le drapeau de l’Algérie combattante.
    Les manifestations patriotiques de masse gagnèrent tout le territoire, malgré les dangers de mort. Car il y a eu des morts par dizaines. Les militaires français tirèrent sur la foule à Alger, à Oran. Ils tuèrent la petite écolière Saliha Ouatiki (13 ans) dont l’enterrement au cimetière Sidi M’Hamed fut troublé par les tirs des militaires français sur la foule qui accompagnait l’enfant-martyr à sa dernière demeure.

    En ce mois de décembre 1960, la guerre d’indépendance entrait dans sa septième année. Les manifestations de masse, se conjuguant à la lutte armée, contraignirent le gouvernement français de discuter de l’avenir de l’Algérie avec le GPRA et de signer avec lui le cessez-le-feu, le 18 mars 1962.
    Les manifestations populaires, prélude de la victoire finale, marquèrent ainsi un tournant décisif dans la longue lutte du peuple algérien pour l’indépendance.

    Si le peuple, un jour, …….

    Mohamed Rebah Déc 11, 2015

    • C’est à Diên Biên Phû, au Viet Nam, que le corps expéditionnaire français subit la défaite qui sonna le glas du colonialisme français dans cette région. Un historien allemand qualifia les manifestations de décembre 1960 en Algérie de Diên Biên Phû politique pour la France impériale.

    http://www.babzman.com/les-journees-de-decembre-1960-le-tournant-decisif-par-mohamed-rebah/