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Algérie - Page 21

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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    • Women
      Basic Rights – Five things that Saudi Arabian women still cannot do

      , by GREENWOOD George

      Despite Saudi women standing for office for the first time, the country still has a long journey towards gender equality.
      Around 900 women will be standing among 7,000 people vying for seats on the county’s 284 local councils.
      However, despite finally winning a right in 2015 that British women (...)

    • Tunisie
      Tunisie : Droits violés et libertés menacées

      , par BARAKET Arroi

      A l’occasion de l’anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
      Nawaat s’est adressée à trois organisations de défense des droits humains pour connaître leur évaluation de la situation des droits de l’Homme en Tunisie, cinq ans après le déclenchement de la révolution de la liberté et (...)

    • Régimes d'exception
      Appel des 1000 pour la levée de l’état d’urgence

      14 déc. 2015 — L’appel des 333 est devenu l’appel des 1000. Au total, ce sont plus de 9000 signatures qui ont été enregistrées ce jour.
      Continuons la campagne pour la levée de l’état d’urgence.
      Adressée à à tous les citoyens
      Pour la levée de l’état d’urgence
      Appel des 333 pour la levée de l’état (...)

    • On: Antiwar Struggles
      After November 13: A war: in whose interest ? – “France is always at war”

      ,

      Petition launched in France against the war policy of the presidency after the deadly and murderous killings by the Islamic State in Paris, Novembre 13, 2015.
      A war: in whose interest ?
      No single interpretation, no mechanistic explanation, explains the attacks. Does this mean we have to be (...)

    • Sur: Combat antiguerre
      A qui sert leur guerre ? – « La France est en guerre continuellement. »

      Ce texte, initialement paru comme tribune dans Libération le 25 novembre, s’est transformé en appel aujourd’hui signé par près de 5000 personnes. On peut continuer de le signer ici ! Change.org
      Aucune interprétation monolithique, aucune explication mécaniste n’élucidera les attentats. Faut-il pour (...)

  • La Prochaine Révolution en Afrique du Nord : La Lutte pour la Justice Climatique (Anti-k)

    Une manifestation contre l’exploitation du gaz de schiste à In Salah, sud de l’Algérie en février 2015. (Crédit Photo: BBOY LEE).

    Le changement climatique aura des effets dévastateurs sur l’Afrique du Nord. Il y aura des morts et des millions de personnes seront forcées de migrer.

    La lutte pour la survie et la justice climatique en Afrique du Nord Par Hamza Hamouchene et Mika Minio-Paluello

    Le désert ne cesse de s’étendre. Les récoltes sont mauvaises et les pêcheurs sont entrain de perdre leurs moyens de subsistance. Les pluies deviendront de plus en plus irrégulières, les ressources en eaux diminueront et les tempêtes seront plus violentes. Les étés seront très chauds et les hivers très froids. La sécheresse contraint déjà les villageois à abandonner leurs foyers et l’élévation du niveau de la mer est en train de détruire les terres fertiles. La chute de la production alimentaire et le tarissement des ressources en eau menaceront même les mégapoles comme le Caire, Casablanca et Alger. Les prochaines vingt années vont transformer fondamentalement la région.

    Ceci n’est pas un fait naturel. Le changement climatique est une guerre de classe, une guerre érigée par les riches contre les classes ouvrières, les petits paysans et les pauvres. Ces derniers portent le fardeau à la place des privilégiés. La violence du changement climatique est causée par le choix de l’exploitation continue des combustibles fossiles, une décision prise par les multinationales et les gouvernements occidentaux avec les élites et militaires locaux. C’est le résultat de plus d’un siècle de capitalisme et de colonialisme. Mais ces décisions sont constamment renouvelées à Bruxelles, Washington DC et Dubaï et plus localement à Héliopolis, Lazoghly et Kattameya, Ben Aknoun, Hydra et La Marsa.

    La survie des générations futures dépendra de l’abandon de l’exploitation des combustibles fossiles et de l’adaptation au climat qui est d’ores et déjà en train de changer. Des milliards de dollars seront dépensés pour essayer de s’adapter : trouver de nouvelles sources en eau, restructurer l’agriculture et réorienter la production vers de nouvelles cultures, construire des digues pour repousser les eaux salées et changer la forme et le style d’urbanisme des villes. Mais, cette adaptation serait dans l’intérêt de quelle catégorie de population ? Les mêmes structures autoritaires des pouvoirs qui ont, en premier lieu, causé ces changements climatiques sont en train de préconiser une stratégie pour assurer leur protection et faire davantage de profits. Les institutions néolibérales se prononcent clairement sur leur transition climatique tandis que la gauche et les mouvements démocratiques restent pour la plus part muets sur ce sujet. La question qui se pose : quelles seront les communautés exclues des cercles fermés et bien protégés de ces changements climatiques durs et pénibles?

    Comment le changement climatique transformera-t-il l’Afrique du Nord ?

    Le changement climatique provoqué par l’être humain est déjà bien une réalité en Afrique du Nord. Cette réalité est en train de saper et d’affaiblir les bases socio-économiques et écologiques de la vie dans la région et finira par imposer un changement des systèmes politiques.

    Les récentes sécheresses prolongées en Algérie et en Syrie ont constitué des événements climatiques chaotiques qui ont dépassé et submergé la capacité des Etats et de leurs structures sociales et institutionnelles actuelles, pourtant conçues pour s’en occuper. Les sécheresses sévères à l’est de la Syrie ont détruit les moyens de subsistance de 800 000 personnes et ont décimé 85% du bétail. 160 villages entiers ont été abandonnés avant 2011. Les changements dans le cycle hydrologique réduiront l’approvisionnement en eau douce ainsi que la production agricole. Cela signifie avoir recours à davantage d’importations alimentaires de denrées de base et des prix plus élevés dans les pays qui en sont déjà dépendants, comme l’Egypte. De plus en plus nombreux seront ceux qui connaîtront la faim et la famine.

    Le désert est en progression croissante, s’étalant de plus en plus sur les terres avoisinantes. Une pression immense s’exercera sur les rares ressources en eau, étant donné que la demande augmente plus rapidement que la croissance démographique. L’approvisionnement chutera à cause des changements dans les précipitations des pluies et l’intrusion de l’eau de mer dans les réserves d’eaux potables souterraines. Ces phénomènes sont les résultats du changement climatique ainsi que de l’usage excessif des eaux souterraines. Cette situation risque de mettre les pays du monde arabe au-dessous du niveau de pauvreté absolue en eau, qui se situe à l’échelle de 500 m3 par personne.

    La montée des niveaux de mers est actuellement en train de forcer les paysans à quitter leurs terres en Tunisie, au Maroc et en Egypte. L’eau salée détruit les champs fertiles du Delta du Nil en Egypte et du Delta de la Moulouya au Maroc, menaçant d’inonder et d’éroder de vastes étendues de peuplements côtiers, y compris des villes comme Alexandrie et Tripoli. Les mers elles-mêmes sont touchées par ce changement climatique. En effet, l’absorption de quantités de plus en plus importantes de dioxyde de carbone les rend plus acides, tuant ainsi les récifs coralliens. Cela va influer négativement sur la biodiversité dans la mer Rouge, détruisant ainsi les moyens de subsistance de dizaines de milliers de personnes qui travaillent dans les secteurs de la pêche et du tourisme.

    La chaleur estivale s’intensifiera. L’augmentation des températures et leurs effets « stressants » vont faire des milliers de morts, particulièrement les travailleurs ruraux qui ne peuvent pas éviter les travaux lourds et les activités d’extérieur. La fréquence et l’intensité des événements météorologiques seront extrêmes et plus importantes. Les tempêtes de poussière et les inondations dues au froid glacial menacent les citadins les plus pauvres, surtout les millions de migrants qui vivent dans des zones d’habitation informelle aux alentours des villes. Les réfugiés seront les moins bien-protégés, y compris les Soudanais en Egypte, les Maliens en Algérie, les Libyens en Tunisie et les Syriens au Liban. Faute d’améliorations majeures, les traditions et l’infrastructure urbaine actuelles qui comprennent les systèmes de drainage, les services d’urgence et les structures qui assurent le partage des ressources d’eaux, ne pourront pas être en mesure de faire face à tous ces problèmes.

    Le réchauffement climatique induit plus de maladies à cause des pathogènes d’origine hydrique qui sont propagés par des insectes venant des régions tropicales, atteignant ainsi des millions de gens qui n’ont été jamais exposés. Le paludisme (malaria) et autres maladies se déplaceront vers le Nord, menaçant et les humains et le bétail. Les parasites qui sont déjà présents en Afrique du Nord élargiront leur zone d’action, par exemple, les « leishmanies » risquent de doubler leur aire géographique au Maroc dans les prochaines années.

    Le chaos climatique coûte déjà des millions de vies et des milliards de dollars. La revue médicale « The Lancet » soutient que « la survie de collectivités entières est en jeu » dans le monde arabe.

    L’échec des dirigeants politiques

    Le changement climatique est attribuable à la combustion des carburants fossiles, à la déforestation et à des pratiques agricoles non-durables et insoutenables, encouragées par l’industrie agro-alimentaire. Le dioxyde de carbone et le méthane, qui sont rejetés dans l’atmosphère, sont des produits dérivés de l’activité industrielle des hydrocarbures. Le pétrole comme le gaz, le charbon et les minéraux sont extraits et consommés à grande échelle pour dégager des profits qui serviront les pouvoirs d’État. C’est le capitalisme extractiviste sous lequel nous vivons.

    Les émanations des dioxydes de carbone CO2 proviennent de la combustion des hydrocarbures – que ce soit en voiture, dans la cuisine ou au sein d’une usine – et du dioxyde de carbone (CO2) est relâché dans l’atmosphère. L’accumulation du CO2 réchauffe notre planète. Il existe maintenant un consensus solide au sein de la communauté scientifique qui soutient que si la température moyenne mondiale augmente de plus de 2 degrés Celsius au cours du 21ème siècle, les changements du climat sur notre planète seront à grande échelle, irréversibles et catastrophiques. Le temps presse et les possibilités d’agir se réduisent !

    Selon les sciences du climat, les scientifiques attestent que si l’humanité désire préserver une planète qui ressemble à la nôtre et où la civilisation s’est développée pour y vivre paisiblement, les niveaux de CO2 dans l’atmosphère doivent être réduits considérablement. Les niveaux actuels du CO2, estimés à 400 parties par million (ppm) doivent baisser au dessous de 350 ppm, bien que de nombreux experts soutiennent que tout niveau supérieur à 300 ppm est trop dangereux. Toute augmentation supplémentaire risque de déclencher des points de bascule climatiques comme la fonte du pergélisol (permafrost) et l’effondrement de la couche de glace du Groenland. Quand on atteindra un point de bascule (un seuil climatique), les émissions de carbone accéléreront le phénomène et le changement climatique pourrait échapper réellement à notre contrôle. Notre survie dépend de la décision de laisser 80% des réserves prouvées de combustibles fossiles dans le sol. Malheureusement, l’extraction de plus en plus forte des hydrocarbures fossiles et leurs transformations entrainent des rejets supplémentaires de deux ppm de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, chaque année.

    Les dirigeants politiques du monde entier ainsi que leurs conseillers et les médias se réunissent chaque année pour une autre conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP). Mais en dépit de la menace globale, les gouvernements autorisent l’augmentation des émissions de carbone dans l’atmosphère et permettent à la crise de s’aggraver. Le pouvoir des multinationales a détourné ces pourparlers de leurs véritables objectifs en s’assurant de promouvoir davantage de fausses solutions, bien lucratives. Les nations industrialisées (l’Occident et la Chine) ne veulent pas assumer leur responsabilité alors que les puissances pétrolières comme l’Arabie saoudite essaient de manipuler le processus. Les pays développés du Sud, bien qu’ils constituent la majorité, peinent à provoquer un changement malgré tous les efforts vaillants de pays comme la Bolivie et les petits États insulaires.

    La COP de Paris en décembre 2015 attirera beaucoup l’attention, mais nous savons, d’ores et déjà, que les dirigeants politiques ne permettront pas les réductions nécessaires afin d’assurer la survie de l’humanité. Il faudra que les structures des pouvoirs changent. L’action pour empêcher la crise climatique se tiendra dans un contexte parallèle à d’autres crises sociales.

    La crise et la pression d’en bas

    Le système sous lequel nous vivons connait une crise profonde qui génère plus de pauvreté, de guerres et de souffrances. La crise économique, qui a débuté en 2008, illustre parfaitement comment le capitalisme résout ses propres contradictions et échecs en dépossédant et punissant davantage la majorité. Plusieurs gouvernements ont sauvé les banques qui ont causé des ravages à l’échelle mondiale obligeant les plus pauvres à payer le prix fort. La crise alimentaire de 2008, ayant causé une famine et provoqué des émeutes dans le Sud, démontre quant à elle que notre système alimentaire est défaillant, car monopolisé par des multinationales qui ne cessent d’œuvrer pour maximiser leurs profits à travers une production exportatrice de monocultures, par l’accaparement des terres, la production des agro-carburants et la spéculation sur les produits alimentaires de base.

    L’enrichissement d’une élite qui dicte ses choix et règles sur toute la planète suscite à maintes reprises des révoltes et des rebellions. La vague de soulèvements arabes de l’année 2011 a inspiré des milliards de gens à travers le monde, s’étendant de la Tunisie et l’Egypte aux indignés en Espagne et en Grèce, aux mobilisations étudiantes au Chili, au mouvement Occupy contre le 1%, aux révoltes en Turquie, au Brésil et au-delà. Chaque lutte est différente et liée à un contexte spécifique mais toutes furent un défi contre le pouvoir de cette élite et contre la violence d’un monde néolibéral.

    Ceci est le contexte dans lequel nous sommes confrontés au changement climatique. La crise du climat est l’incarnation de l’exploitation capitaliste et impérialiste des peuples et de la planète. Laisser le choix des décisions, destinées à faire face au changement climatique, à cette élite insolente et immorale nous engagerait sur une voie vers la disparition de la planète. La lutte pour une justice climatique doit être profondément démocratique. Elle doit impliquer les communautés les plus touchées et doit être en mesure de répondre aux besoins vitaux de tous. Cette lutte est une démarche pour bâtir un futur où chacun de nous doit avoir suffisamment d’énergie et un environnement sain et sauvegardé pour les futures générations. Ce futur désiré serait en harmonie avec les demandes légitimes des soulèvements des populations en Afrique du Nord : souveraineté et dignité nationale, le pain, la liberté et la justice sociale.

    Les politiques du climat dans le monde arabophone sont contrôlées par les riches et les puissants

    Qui sont-ils ces participants à l’élaboration d’une réponse au changement climatique dans le monde arabophone ?

    Des institutions comme la Banque mondiale, l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) ainsi que les agences de l’Union européenne s’expriment avec force et se font entendre en organisant des évènements et en publiant des rapports. Elles invoquent les dangers d’un monde réchauffé et soulignent la nécessité d’une action urgente avec plus d’énergies renouvelables propres et des plans d’adaptation. Etant donné le manque d’alternatives, elles semblent avoir des positions relativement radicales par rapport à la position des gouvernements locaux et particulièrement quand elles parlent des conséquences sur les pauvres.

    Cependant, ces institutions sont alignées politiquement avec les puissants et leurs analyses du changement climatique n’intègrent pas les questions de classe, justice, pouvoir et histoire coloniale. Les solutions de la Banque mondiale sont axées sur le marché, sont néolibérales et adoptent une approche descendante (top-down). Elles redonnent le pouvoir à ceux qui possèdent déjà des fortunes sans s’attaquer aux causes profondes de la crise climatique. Au lieu de promouvoir les réductions nécessaires des émissions de gaz, elles offrent des permis pour des activités polluantes et des subventions aux multinationales et aux industries extractives.

    La vision du futur défendue par la Banque mondiale, la GIZ et une grande partie de l’Union européenne est marquée par des économies conjuguées au profit privé et à des privatisations supplémentaires de l’eau, des terres et même de l’atmosphère. Aucune référence n’est faite à la responsabilité historique de l’Occident industrialisé dans la provocation du changement climatique. Un silence inquiétant est entretenu sur les crimes de compagnies pétrolières comme BP, Shell et Total ainsi que sur la dette écologique due aux pays du Sud. Les sociétés nord-africaines qui vivent dans des pays, où la démocratie est absente, continueront de souffrir de l’assujettissement à l’autoritarisme des élites et multinationales qui maintiendront le statu quo.

    Le discours traitant ce sujet est très limité et extrêmement paralysant du fait que ces institutions néolibérales dominent la production du savoir sur les questions du changement climatique en Afrique du Nord. La majorité de la littérature et des écrits sur le changement climatique au Moyen-Orient et Afrique du Nord n’évoquent pas l’oppression ou la résistance des peuples. Il n’y a pas de place pour les peuples mais seulement pour les dirigeants et les experts autoproclamés. Le statu quo continuera de forcer les populations à se déplacer, de polluer les environnements et de mettre des vies en péril. Pour s’organiser et obtenir justice, il faudrait être capable de définir et de proclamer les problèmes actuels et leurs solutions.

    Le vocabulaire de justice autour des questions climatiques

    Comment peut-on combattre quelque chose si on n’est pas capable de la nommer et d’articuler ce qu’on désire à sa place ? Alors que la « justice environnementale » est en usage en arabe, la « justice climatique » ne l’est pas. Cette dénomination est largement utilisée en Amérique latine et dans les pays anglophones, mais elle sonne bizarre en arabe. Nous avons besoin de changer les systèmes énergétiques autour de nous. Pouvons nous alors parler de « justice énergétique » ou de « démocratie énergétique » ?

    Il nous faudrait un vocabulaire pour parler de ces questions et pour décrire la vision d’un futur sain pour lequel nous lutterons. Simplement l’action d’importer des terminologies et des concepts d’autrui ne marchera pas et ne trouvera pas d’échos favorables de la part des populations, si ces concepts ne sont pas issus des racines et des coutumes locales. Cependant, il est important et utile d’échanger des idées et des expériences avec des mouvements qui militent ailleurs dans le monde et d’apprendre d’eux.

    Ce livre évite de formuler des requêtes dans un cadre « sécuritaire » comme la « sécurité climatique » ou la « sécurité hydrique » ou bien la « sécurité alimentaire ». Un futur formulé autour de la « sécurité » soumettra nos luttes à un cadre conceptuel et imaginatif, qui, en fin de compte, renforcera le pouvoir répressif de l’État, axé sur la sécurisation et la militarisation (voire les extraits de l’article de la revue « The Lancet »).

    Plusieurs articles dans ce livre réclament la justice climatique, la justice environnementale et la démocratie/justice énergétique. On ne trouve pas une seule définition pour chacun de ces concepts, ce qui ne diminue pas leurs valeurs pour autant. Dans ces articles :

    ● la « justice climatique » consiste généralement à reconnaitre la responsabilité historique de l’Occident industrialisé dans l’avènement du réchauffement climatique, et ne perd pas de vue les vulnérabilités disproportionnées dont souffrent quelques pays et communautés. Elle admet aussi le rôle du pouvoir dans la provocation du changement climatique ainsi que dans les choix de ceux qui porteront le fardeau. La réponse aux changements climatiques doit prendre en compte les questions de classe, de race, du genre, de l’histoire des dominations coloniales et l’exploitation capitaliste qui perdure. La justice climatique signifie une rupture avec le statu quo (business as usual) qui protège les élites politiques mondiales, les multinationales et les régimes militaires. Son objectif est d’instaurer une transformation sociale et écologique et un processus d’adaptation radicaux.

    ● la « justice environnementale » est généralement centrée autour des besoins des communautés, en obligeant le secteur des combustibles fossiles et autres larges industries à rendre des comptes, et en progressant vers une relation durable et harmonieuse avec la nature. Elle reconnait qu’on ne pourrait pas séparer les effets de la destruction de l’environnement de leur impact sur les peuples. Elle admet aussi que les communautés démunies sont exploitées dans l’intérêt des puissants.

    ● la « démocratie énergétique » et la « justice énergétique » signifient la construction d’un futur où l’énergie est distribuée équitablement, contrôlée et gérée démocratiquement. Les sources d’énergie et les systèmes de transmission doivent être en équilibre avec l’environnement et les besoins des futures générations.

    Il revient au lecteur de voir si ces concepts sont pertinents et utiles en Afrique du Nord. Les descriptions élémentaires fournies ci-dessus ne sont nullement exhaustives et peuvent sûrement être enrichies par des expériences locales.

    Les objectifs de cette publication

    Le but de cette publication est d’introduire des perspectives nouvelles et libératrices, avancées par des intellectuels, activistes, politiciens, organisations et groupes de base progressistes et radicaux des pays du Sud. Nous avons choisi des essais, des entretiens et des déclarations dans lesquels les mouvements sociaux décrivent l’ennemi qu’ils combattent, la manière dont ils s’organisent et leurs revendications. Ils couvrent une large aire géographique, de l’Equateur jusqu’en Inde et de l’Afrique du Sud jusqu’aux Philippines. Nous avons aussi inclus six articles d’Afrique du Nord, qui concernent le Maroc, l’Algérie, l’Egypte et la région au sens large. Il est à espérer que ce livre contribue à l’économie politique naissante du changement climatique en Afrique du Nord, qui examinera les relations entre les industries des combustibles fossiles, les élites régionales et les capitaux internationaux.

    Notre objectif comporte quatre volets :

    1 Souligner l’urgence de la crise climatique en Afrique du Nord et insister sur la nécessité d’une analyse holistique et d’un changement structurel.

    2 Souligner les dangers d’un environnementalisme (écologisme) restreint et contrecarrer le discours néolibéral dominant autour du changement climatique, un discours qui est encouragé et promu par la Banque mondiale et autres institutions néolibérales.

    3 Soutenir la gauche en Afrique du Nord dans ses efforts pour articuler une réponse locale et démocratique face au changement climatique, une réponse qui intègre des analyses d’ordre politique, économique, social, écologique et de classe aussi. Etant donné les pressions de l’autoritarisme, de la répression massive et de la pauvreté généralisée, il est parfaitement compréhensible que la question du changement climatique n’ait fait l’objet que d’une attention limitée dans le passé par les mouvements sociaux en Afrique du Nord.

    4 Donner de l’espoir inspiré des mouvements et luttes des pays du Sud, et réfuter l’affirmation selon laquelle il n’y a rien à faire. La crise climatique découle des actions et décisions humaines qui peuvent être changées.

    Cette publication n’a pas la prétention de fournir toutes les réponses mais plutôt de soulever des questionnements et des défis. A quoi ressemble une réponse juste au changement climatique en Afrique du Nord ? Cela signifie-t-il une évacuation en masse et l’ouverture des frontières avec l’Europe ? Cela signifie-t-il le paiement de la dette écologique et une redistribution des richesses par les gouvernements européens, les multinationales et les riches élites locales ? Faudrait-il rompre radicalement avec le système capitaliste ? Qu’adviendra-t-il des ressources fossiles en Afrique du Nord, qui sont actuellement extraites en grande partie par les multinationales occidentales ? Qui devrait contrôler et posséder les énergies renouvelables ? Nous n’avons pas forcement cherché l’uniformité d’une position, et vous trouverez des perspectives différentes et mêmes contradictoires, mais à notre avis, elles offrent des points de départ pour des discussions importantes.

    Le contenu

    Section 1 : La violence du changement climatique

    Le livre commence par une section qui souligne l’ampleur de la menace posée par le changement climatique. Les extraits de « Santé et pérennité écologique dans le monde arabe : Une question de survie » soutiennent que la survie des communautés entières dans le monde arabe est en jeu. Le discours actuel sur la santé, la population et le développement dans le monde arabe a largement échoué en omettant de communiquer la gravité et le sens de l’urgence. Dans l’article de Mika Minio-Paluello sur la violence du changement climatique en Egypte, elle révèle le niveau brutal de la destruction que risque ce pays. Elle souligne que la violence climatique, qui est une violence de classe, est façonnée de manière à ce que les démunis paieront le prix fort et porteront le fardeau au lieu des riches et fortunés. La survie, selon elle, dépendra d’une adaptation à la transformation qui approche, mais cette adaptation est un processus profondément politique qui pourrait signifier l’émancipation ou davantage d’oppression.

    Dans l’article « Un million de mutineries », Sunita Narain démontre que nous ne sommes pas tous dans le même camp de lutte pour faire face au changement climatique. Alors que les riches veulent maintenir leurs modes de vie, il est impératif d’observer le changement climatique dans les visages des millions de gens qui ont perdu leurs maisons dans les ouragans et dans les mers dont les niveaux ne cessent de s’élever. Il convient clairement de garder à l’esprit que le sort des milliers qui ont péri suite à ces changements climatiques est attribuable aux riches qui ont échoué à réduire leurs émissions de gaz, dans leur poursuite de la croissance économique. Les solutions ne se trouvent pas dans les conférences des élites mais à travers de petites réponses à de grands problèmes qui viendraient de l’environnementalisme des mouvements des dépossédés. Pia Ranada, écrivant des Philippines, décrit un phénomène climatique extrême : le typhon qui a frappé récemment son pays. Elle soutient que les pays du Sud souffrent le plus du chaos climatique. Les pays développés qui ont brûlé une grande partie des combustibles fossiles et qui sont responsables des émissions de carbone qui en découlent, doivent indemniser les communautés et les pays touchés par le changement climatique, en leur payant une « dette écologique ».

    Section 2 : Changer le système pas le climat.

    La deuxième section pose trois questions : Quels sont les facteurs structurels qui contribuent au changement climatique ? Comment imaginons-nous un autre système différent du présent ? Est-il possible de reformer et améliorer les systèmes politiques et économiques actuels pour s’adapter au changement climatique ? Walden Bello, écrivant des Philippines, dans son article « Est ce que le capitalisme survivra au changement climatique ? », soutient que l’expansion du capitalisme a causé l’accélération de la combustion des carburants fossiles et une déforestation rapide, conduisant au réchauffement planétaire. Pour rompre avec cette trajectoire, il nous faudrait un modèle de développement équitable et à faible consommation et croissance, qui améliore le bien-être des populations et accroit le contrôle démocratique de la production. Naturellement, les élites des pays du Nord ainsi que des pays du Sud vont s’opposer à cette réponse globale. Bello estime que nous devrions considérer le changement climatique comme une menace pour notre survie mais aussi comme une opportunité pour engendrer les reformes sociales et économiques, longtemps reportées. Khadija Sharife examine dans son article « Les armes secrètes du changement climatique » comment les paradis fiscaux à l’étranger profitent aux sociétés pétrolières multinationales, aux politiciens corrompus et aux mécanismes du commerce du carbone. Tout cela au dépend des îles comme les Seychelles et les Maldives qui pourraient disparaître complètement avec la montée des niveaux des mers et océans.

    Alberto Costa, un économiste équatorien et un ancien ministre de l’énergie et des mines, se focalise sur le mode extractiviste d’accumulation comme un mécanisme de pillage colonial et néocolonial. Plutôt que de bénéficier des ressources naturelles, les pays qui en sont riches ont fini par souffrir de plus de pauvreté, de chômage et de pollution, d’une faible agriculture et davantage de répression. Dans l’article « Le sol pas le pétrole », Vandana Shiva défie l’idée selon laquelle l’industrialisation est du progrès et remet en cause la valeur qu’on donne à la productivité et au rendement. Elle maintient que notre dépendance envers les combustibles fossiles a « fossilisé notre réflexion ». Shiva appelle à une transition culturelle faisant partie d’une transition énergétique pour arriver à une ère au-delà du pétrole. Dans un système qu’on appelle en anglais « Carbon Democracy », un système ancré dans la biodiversité, tous les êtres vivants auront leurs justes parts du carbone utile et nul ne sera accablé par une part injuste des retombées du changement climatique.

    Malgré des décennies de négociations climatiques très médiatisées, les résultats sont un échec : le statu quo en dépit de la menace. Pablo Solon, qui était auparavant le négociateur en chef de la Bolivie sur la question climatique, décrit dans son article « Le changement climatique : Toute action n’est pas utile » comment les négociations climatiques officielles des Nations Unies ont été détournées par les multinationales, empêchant la prise d’actions nécessaires, afin de garantir les profits à venir. Il avance un plan de dix points pour les mouvements sociaux, qui consiste entre autres à la création d’emplois liés au climat, des mesures pour laisser 80% des combustibles fossiles dans le sol ainsi que soumettre le secteur énergétique au contrôle public et communautaire.

    Section 3 : Attention aux « fausses solutions »

    La troisième section examine comment ceux qui détiennent le pouvoir ont essayé de se servir de la crise climatique pour faire des profits et exacerber les inégalités en poussant à de fausses solutions. Dans l’article « Desertec : Accaparement des sources d’énergie renouvelable », Hamza Hamouchene plaide contre des projets solaires orientés à l’exportation qui placent les intérêts des consommateurs européens et des élites locales répressives au-dessus des intérêts des communautés locales. Il souligne la menace pour les sources d’eau et met Desertec dans le cadre d’un commerce international favorable aux entreprises et multinationales et dans le contexte d’une ruée pour plus d’influence et de ressources énergétique. L’article de Jawad. M sur le Maroc soulève des préoccupations sur la souveraineté nationale et le contrôle de l’énergie renouvelable par les multinationales. Jawad fait une critique du discours du « développement durable » , qui a été vidé de toute signification et a été assujetti aux marchés, et se prononce contre les partenariats publics privés.

    Écrivant depuis l’Afrique du Sud, Khadija Sharife et Patrick Bond révèlent l’échec du commerce du carbone et du Mécanisme du Développement Propre (MDP) à réduire les émissions. Ils exposent la réalité d’un racisme environnemental et de fausses solutions, qui permettent aux compagnies riches de continuer à polluer pendant qu’elles s’assurent de plus grands profits. Le commerce du carbone est une supercherie qui amène beaucoup à croire qu’on pourrait contrecarrer le changement climatique sans un changement structurel. Nous devons reconnaitre que les mécanismes du marché ne réduiront pas suffisamment les émissions globales. Pablo Solon dans un article intitulé « À la croisée des chemins entre l’économie verte et les droits de la nature » nous prévient qu’il ne faut pas se fier à l’économie verte pour notre salut. En privatisant et en poussant la marchandisation de la nature, nous courrons à sa destruction et la nôtre avec. Solon avance spécifiquement une critique du programme de Réduction des Emissions imputables à la Déforestation et à la Dégradation des forêts (REDD) qui selon lui est une autre excuse des riches pour polluer la planète.

    Section 4 : S’organiser pour survivre

    La dernière section se consacre aux manières dont les peuples se mobilisent pour un avenir meilleur et différent. La révolutionnaire égyptienne Mahie­nour El-Massry nous décrit comment le changement climatique est en train de menacer Alexandrie, sa ville natale, et nous parle de ses expériences sur le Delta du Nil et son travail avec les communautés et ouvriers qui sont sur le point de mire du changement climatique et de l’exploitation des entreprises. L’entretien réalisé par Hamza Hamouchene avec Mehdi Bsikri, journaliste et militant algérien, explicite pourquoi des milliers d’Algériens ont protesté contre les plans de fracturations hydrauliques pour extraire du gaz de schiste dans le désert algérien, et décrit comment ils se sont mobilisés contre le gouvernement et les multinationales pétrolières. Un autre petit article d’Alberto Acosta sous le titre « Le défi de l’Équateur » développe le concept sud-américain des « droits de la Terre-Mère » comme un moyen de défendre les droits des communautés et futures générations ainsi qu’une remise en cause des privilèges des puissants afin d’assurer la survie.

    Les mouvements sociaux à travers le monde ont reconnu que la menace du changement climatique transforme leurs luttes. La déclaration « Le changement climatique et la lutte de classes » du National Union of Metal Workers of South Africa (NUMSA – syndicat national sud-africain de la métallurgie) prend fermement position sur une juste transition vers une économie à faible émission de carbone qui est basée sur une propriété sociale, démocratique et contrôlée par les travailleurs. Le syndicat s’oppose à l’appropriation privée de la nature et considère que le changement climatique est une lutte majeure qui va unifier les classes ouvrières dans le monde entier. Pour eux, « nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre nos gouvernements » pour agir. La déclaration de Margarita, signée par plus de cent mouvements sociaux sur l’ile de Margarita au Venezuela en juillet 2014, engage à vivre en harmonie avec les écosystèmes de la terre et dans le respect des droits des futures générations à hériter d’une planète où la vie est possible. Elle appelle les mouvements à créer des fissures dans le système actuel qui n’est pas viable, à entreprendre des actions directes pour éradiquer les énergies sales et combattre les privatisations et l’agroalimentaire. Ce radicalisme et cette conscience progressiste de l’importance de l’environnement pour les humains étaient déjà présents dans les années 1970. Nous avons inclus un article par Aurélien Bernier à propos de la déclaration de Cocoyoc des Nations Unies en 1974, qui a formulé une critique radicale du « développement » , du « libre échange » et des relations Nord-Sud. Elle fut vite enterrée et effacée de l’histoire mais elle reste pour autant pertinente et demeure très urgente.

    Les Nord-Africains dont les vies seront le plus changées, le plus sont les petits paysans sur le Delta du Nil, les pêcheurs de Djerba, les habitants d’Ain Salah et les millions qui vivent dans des habitations informelles au Caire, à Tunis et à Alger. Mais ils sont écartés et empêchés de construire leur avenir. C’est plutôt des régimes militaires avec leurs commanditaires au Riyad, Bruxelles et Wash­ington qui formulent des plans climatiques et énergétiques. Les élites locales nanties collaborent avec les multinationales, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Malgré toutes les promesses faites, les actions de ces institutions démontrent qu’elles sont les ennemies de la justice climatique et de la survie.

    Le changement climatique est une menace mais aussi une opportunité pour instaurer les reformes sociales et économiques qui ont été longtemps différées, déraillées ou sabotées par des élites cherchant à préserver ou accroître leurs privilèges. Ce qui est différent aujourd’hui est que l’existence même de l’humanité et de la planète dépende du remplacement de systèmes économiques basés sur l’appropriation de la rente, sur l’accumulation capitaliste et l’exploitation de classes avec un système ancré sur la justice et l’égalité.

    L’ampleur de la crise signifie qu’il nous faudrait rompre radicalement avec les structures existantes du pouvoir autoritaire et néolibéral. L’urgence laisse croire que nous manquons de temps pour changer le système, mais se fier à ceux qui nous gouvernent nous feraient faire deux pas en arrière pour chaque pas que nous faisons en avant. Nous devons nous inspirer plutôt des mouvements sociaux et des communautés en ligne de mire qui résistent et construisent des voies démocratiques afin de survivre dans un monde réchauffé.

    Ceci sera la lutte globale qui marquera le 21ème siècle.

  • Le CLA avance un taux de suivi de plus de 70% : Grève dans les lycées (Algeria Watch)

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    Le Conseil des enseignants des lycées d'Algérie (CLA) a observé hier une journée de grève dont le taux de suivi a été estimé à plus de 70%, selon les membres du syndicat.

    Cette grève a été enclenchée après l'échec des discussions réunissant jeudi dernier les cadres du département de Nouria Benghebrit et les délégués du CLA. Refusant les promesses et exigeant des réponses concrètes, les membres du CLA se sont mobilisés hier pour faire entendre leur voix à travers le débrayage. Selon le secrétaire général du CLA, Idir Achour, des assemblées générales dans les établissements scolaires ont été organisées le jour de la grève afin de discuter des formes d'actions à mener à l'avenir. Il est fort probable que les grévistes durcissent leur mouvement en optant soit pour une grève de deux ou de trois jours par semaine, ou une journée renouvelable chaque semaine.

    Le SG du CLA a exprimé sa satisfaction quant à la mobilisation des adhérents de son syndicat ainsi que d'autres fonctionnaires. Il a affirmé que certains établissements moyens et primaires ont suivi le mot d'ordre du CLA. « Ils ont observé une grève en guise de soutien et de solidarité», a-t-il souligné. Il a également affirmé que cette action a été vivement soutenue par les fonctionnaires des corps communs en citant ceux des collectivités locales et de la santé.

    Idir Achour explique les motifs ayant poussé les fonctionnaires à entamer cette grève.

    «Nous voulons dire au gouvernement, non à la dégradation du pouvoir d'achat des fonctionnaires ; oui pour l'instauration d'un Observatoire national autonome pour le contrôle du pouvoir d'achat, et la valorisation du point indiciaire en fonction de la réalité des prix ». Il poursuit en disant « non à la remise en cause des différentes formules de retraite mais pour une retraite à 100% et après 25 ans de service effectif ».

    Les grévistes ont également réclamé de leur tutelle la promotion automatique des travailleurs qui réglera définitivement le problème et garantira la stabilité dans le secteur de l'Education nationale. Le syndicat refuse, dans ce sens, que des travailleurs de l'éducation soient induits en erreur concernant le nombre de postes de promotion avancé par la tutelle et qui ne sont en fait que de la poudre aux yeux, selon le syndicat.

    Le CLA réclame, par ailleurs, la concrétisation des promesses cosignées dans le PV du 7 mars dernier, l'intégration de tous les enseignants contractuels et la réintégration de ceux qui sont suspendus depuis 2013. Il exige la réintégration du secrétaire général de Saïda à son poste. Enfin, le syndicat revendique en outre, la construction de nouvelles infrastructures scolaires et le recrutement d'encadreurs pédagogiques qui assureront la stabilité dans les écoles.

    par M. Aziza, Le Quotidien d'Oran, 19 novembre 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/syndicat/greve_lycee_bien_suivie.htm

  • Algérie. «On se dirige vers une logique d’esclavagisme moderne» (Al'Encontre.ch)

    Mahmoud Rechidi

    Mahmoud Rechidi

    Entretien avec Mahmoud Rechidi, secrétaire général du PST

    Le ministre de la Communication [Hamid Girne], muni d’un passeport diplomatique, a été fouillé à Orly, dans les locaux de la PAF (Police de l’air et des frontières) française [le 19 octobre 2015]. Est-ce un «regrettable incident» ou une humiliation pour l’Algérie ?

    Cette affaire nous renvoie au rapport de domination dans lequel le système nous a enfoncés. Quand un ministre algérien se fait humilier de la sorte, cela renseigne sur la soumission de l’Algérie. Mais cela s’explique: quand nos aéroports et l’eau qui coule dans nos robinets sont gérés par des entreprises françaises [par exemple, le groupe Suez], nos ports par Dubaï [Dubaï Ports World pour Alger et Djen Djen ainsi que le singapourien Portek International pour Bejaia], que reste-t-il de notre indépendance?

    Il y a quarante ans, jamais un tel incident n’aurait eu lieu, car l’Algérie de l’époque voulait annihiler ce rapport de soumission. Bien entendu, nous condamnons un tel acte, non pas pour soutenir le ministre, mais pour défendre notre aspiration toujours vivace à l’indépendance, au respect et à la dignité de notre pays.

    L’Etat met en place un organe de surveillance d’internet, ferme El Watan TV, emprisonne des généraux [la purge des généraux sous Abdelaziz Bouteflika a, comme dernier exemple, l’arrestation du général Hocine Benhadid, le 20 septembre]. Veut-il mettre au pas les Algériens ?

    C’est ce que veulent nous faire croire les médias et certains commentateurs politiques. Nous ne rejoignons pas cette analyse. La seule peur du pouvoir est l’embrasement du front social, car c’est la seule réalité sur laquelle il n’a pas d’emprise. Le reste n’est que gesticulations entre les clans du pouvoir. MM. Benhadid ou Hassan sont des généraux qui avaient un pouvoir certain au sein du système que l’on nous présente comme des victimes.

    Si nous sommes par principe contre les arrestations arbitraires, nous ne le sommes pas uniquement pour celles touchant des généraux. Nous n’oublions pas les syndicalistes, les jeunes chômeurs, les manifestants des droits sociaux, victimes également d’arrestations arbitraires, abandonnés dans les prisons sans que les médias se soucient de leur sort.

    Dans le même registre, les derniers propos d’Ahmed Ouyahia, chef de cabinet du président Bouteflika et secrétaire général du RND (Rassemblement national démocratique), sont très clairs…

    Ouyahia joue l’intimidation. Cela annonce effectivement un tour de vis supplémentaire, alors que la situation actuelle est déjà marquée par des dispositions entravant les libertés démocratiques.

    Pour preuve: le droit de manifester est interdit, les médias publics sont interdits à l’opposition, le droit de grève est menacé, la nouvelle loi sur les associations freine l’action citoyenne… autant de signes d’un verrouillage de la scène sociale et politique. Actuellement, on assiste à l’aggravation de la situation dans un contexte particulier, prélude à de nouvelles dispositions économiques, sociales décidées par le gouvernement. D’un autre côté, il faut remettre dans le contexte de lutte de clans les propos de l’ancien Premier ministre. M. Ouyahia [secrétaire actuel, par intérim depuis juin 2015, du RND, qu’il avait présidé de 1998 à 2013; le RND est un des piliers du pouvoir gouvernemental] m’apparaît dans une logique de surenchère dans l’allégeance à un clan pour se positionner dans l’optique de futurs changements.

    Les partis de l’opposition sont accusés de vouloir déstabiliser le pays. Pour vous, le pouvoir convoque-t-il le mythe de la désunion faute de projet politique?

    Je ne sais pas à quels partis de l’opposition M. Ouyahia fait référence, d’autant que la majorité d’entre eux sont sur la ligne défendue par le pouvoir. Ces partis veulent mettre fin aux «grèves sauvages», alors que les travailleurs n’ont que ce seul moyen pour faire plier le pouvoir, c’est écrit noir sur blanc dans leur plateforme.

    Quand Ali Benflis [ancien ministre de la Justice, opposé en 1991 à l’interruption du processus électoral, il revient sur la scène péolitique en 1997, soutient A.Buteflika, puis s’y oppose et est candidat à la présidentielle en 2004 et 2014] affirme que le régime n’est pas légitime pour mener les réformes, il sous-entend être plus légitime pour le faire.

    C’est pourquoi nous avons toujours affirmé que les partis politiques, qualifiés par les médias d’«opposition», sont sur une ligne plus ultralibérale que celle de Bouteflika et ses amis, car aucun de ses partis n’est adossé au front social.

    Comment être accusé de vouloir déstabiliser le pays, quand les partis n’ont pas droit à la parole, pas le droit de manifester, de s’organiser? En réalité, toutes ces accusations sont destinées à cacher l’impasse dans laquelle le pouvoir se trouve, conséquence de ses choix économiques.

    On prête à Bouteflika le projet d’instauration d’un Etat civil. Réussir ce que Abane Ramdane [un des fiigures historiques du FLN, assassiné en 1957 dans un contexte d’affrontement au sein du Front] a voulu mettre en place lors du Congrès de la Soummam [août 1956]…

    C’est le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, qui en a parlé le premier. Malheureusement, venant de lui, cela n’a aucune crédibilité. Ce discours des tenants du pouvoir s’adresse en premier lieu aux militaires, à qui on demande de faire de la place aux tenants de l’argent.

    Le principe de l’Etat civil dans lequel l’armée ne s’ingère pas dans les affaires politiques ne s’octroie ni par Saadani, ni par le Président.

    C’est un combat que l’on doit mener dans un pays où la Constitution ne découle pas de la volonté populaire. Nous militons, au PST, pour l’élection d’une Assemblée constituante souveraine, représentative de la majorité des Algériens et Algériennes, qui soumettrait au référendum populaire un projet de Constitution.

    Ce n’est qu’à partir de là que l’on pourra envisager la mise en place d’une IIe République, comme le réclament certains partis. Dans le même registre, nous pensons que la démarche de certains cache une bataille entre deux factions du pouvoir pour mettre la main sur les secteurs les plus juteux de l’économie nationale.

    La révision de la Constitution va se faire sans débat préalable. Les Algériens doivent-ils être associés à la nouvelle mouture?

    Evidemment que le peuple doit être associé à cette nouvelle révision et en contrôler le processus de débat à travers des comités locaux, de citoyens, de citoyennes…, afin que les résultats reflètent ses aspirations. La concertation dont nous réclamons la mise en place n’a, évidemment, rien à voir avec la démarche du pouvoir qui, sous le couvert de concertation avec des formations affiliées et des personnalités politiques, a mené une opération de marketing.

    ?Les «oligarques» sont-ils les nouveaux seigneurs en l’Algérie?

    C’est leur projet et ils avancent dans ce sens. Les oligarques ont fait fortune sur le dos du secteur public et veulent maintenant le détruire pour l’accaparer. En même temps, ils manœuvrent pour mettre la main sur les réserves de change et les secteurs juteux pour peser sur les décisions politiques.

    C’est l’indépendance de l’Algérie qui est menacée, si ce processus venait à se concrétiser. Pour faire face au danger, rien n’interdit ceux qui se proclament démocrates de constituer un large front pour exiger un minimum des libertés démocratiques.

    Comment jugez-vous la politique d’austérité décidée par le gouvernement?

    Cette politique va encore plomber le pouvoir d’achat des Algériens qui a déjà été massacré dans les années 1990 avec la mise en place du plan d’ajustement structurel, les licenciements, les privatisations, l’article 89 bis qui avait été imposé à l’époque pour faire baisser le SNMG (Salaire minimum national garanti, fixé, formellement, à 18’000 soit quelque 153 euros). La dernière augmentation des salaires ne correspond pas à un rattrapage du pouvoir d’achat du début des années 1990.

    Elle est minime par rapport à la cherté de la vie. Déjà en 2012, le PST militait pour un SNMG à 35’000 DA. A titre d’exemple, la Tunisie, qui n’a pas nos moyens financiers, a un SNMG équivalent à 35’000 DA.

    De plus, aujourd’hui, une campagne est menée par le gouvernement avec la bénédiction de certains médias contre les transferts sociaux, contre les subventions dont profiteraient, paraît-il, les plus riches. De qui se moque-t-on? Qui attend le matin devant les supérettes pour un sachet de lait à 25 DA ? Sûrement pas ceux qui peuvent acheter du Candia [lait français].

    Qui va se soigner dans les hôpitaux? Sûrement pas ceux qui ont des cartes de séjour et vont se soigner à l’étranger, en bénéficiant souvent de la couverture de la CNAS [Caisse nationale d’assurances sociales des travailleurs salariés].

    En réalité, le but de ce pouvoir est de faire baisser le coût du travail et les salaires pour les rendre plus compétitifs. Pour le faire imposer, ils verrouillent le champ politique et démocratique. On se dirige vers une logique d’esclavagisme moderne.

    Faut-il geler l’Accord avec l’UE et sortir de la Grande zone arabe de libre-échange?

    Aujourd’hui que le pouvoir reconnaît que ces accords nous ont fait perdre des dizaines de milliards par an, se pose la question du gel de notre adhésion à l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Si l’Algérie ne bloque pas cette adhésion, nous connaîtrons une situation de déséquilibre pire que celle vécue actuellement. Cela signera la fin de notre tissu industriel.

    On reproche aux formations politiques classées à gauche de continuer à militer à contre-courant face à la globalisation de l’économie… ?Pour nous, l’Etat doit continuer à prendre en charge la satisfaction des besoins sociaux des Algériens. Les biens produits doivent profiter à la population. Il n’y a que le secteur d’Etat qui soit en mesure de gérer, du point de vue stratégique, l’industrialisation du pays.

    Aujourd’hui, les patrons mènent campagne contre l’assainissement des entreprises publiques, alors qu’ils se sont enrichis grâce aux nombreux cadeaux du gouvernement. N’est-il pas temps de faire le bilan de tout ce que l’Etat leur a offert? De leur demander des comptes? Si nous ne sommes pas contre la présence du privé dans l’économie nationale, nous sommes opposés à la destruction du secteur public et au désengagement de l’Etat. (Entretien publié dans El Watan, le 8 novembre 2015)

    Publié par Alencontre le 8 - novembre - 2015
     
  • Fuite des cerveaux : Ces médecins et ingénieurs que nous perdons (El Watan)

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    Pour la première fois, un rapport* de l’Organisation internationale du travail étudie les spécificités de la fuite des cerveaux dans les pays du Maghreb. Qui part et pourquoi faire ? El Watan Week-End a décortiqué le rapport pour vous.

    La génération de la «désillusion»

    Le sociologue du Cread, Karim Khaled, rappelle que l’immigration des compétences algériennes existe depuis 1830 et peut être divisée en quatre périodes. La dernière période qui commence dans les années 1990 est celle de la désillusion, selon lui. Il estime que les intellectuels ont vécu une crise, notamment liée à la «déception» des élites après avoir été «emballées et prisonnières par le discours développementiste des années 1970» ainsi qu’aux «échecs» des luttes politiques des années 1980, 90 et 2000 qui «n’ont pas pu basculer l’équilibre des formes identitaires idéologiques dominantes depuis l’indépendance».

    Pour les universitaires, «l’emprise du politique dominant» a fait de l’université «une institution anomique incapable de se reproduire d’une manière autonome et reste aliénée par rapport à sa propre histoire et à l’histoire de tout son environnement». Selon lui, malgré toutes les politiques de formation à l’étranger et les multiples reformes, «l’enseignement supérieur algérien ne peut être que producteur de foyers migratoires». Cette période se caractérise par une forte concentration de l’intelligentsia algérienne dans les pays du Golfe et dans l’espace de la francophonie, notamment la France et le Canada.

    «Des destinations dans un contexte mondialisé, où des voies nouvelles se présentent aux élites professionnelles algériennes. Il s’agit vraiment d’une nouvelle ère de circulation internationale accélérée par l’avènement des technologies de l’information et de la communication mais avec des reconfigurations et le retour du ‘‘pouvoir de l’identité’’ comme forme de résistance au rythme imposé aux déclassés dans cette révolution numérique», explique le sociologue. Malgré cette diversification dans les destinations des élites intellectuelles algériennes dans les années 2000, la France reste toujours la destination dominante pour des raisons historiques, familiales et linguistiques.

    Au-delà du sentiment de désillusion, le rapport énumère plusieurs facteurs importants de départ : d’abord, les limites d’une carrière professionnelle ou universitaire et les besoins de recherche dans des domaines scientifiques, techniques et technologiques de pointe expliquent en grande partie les départs continus de cadres et d’étudiants à l’étranger. Ensuite, outre le prestige et le rayonnement dans la société, les diplômes d’universités étrangères offrent plus de chance de recrutement à l’international.

    Les lourdeurs administratives, les blocages bureaucratiques, les difficultés socioéconomiques et les limites d’épanouissement culturel motivent également le départ de cadres et d’universitaires. Le taux de chômage très important des diplômés du supérieur, le souci d’assurer un meilleur avenir à ses enfants et les raisons sécuritaires sont enfin d’autres facteurs importants dans le départ.

    Des diplômés du 3e cycle qui deviennent majoritairement cadres

    Ceux qui quittent l’Algérie ont en majorité entre 25 et 45 ans. Les docteurs en santé représentent la plus grande part des effectifs des diplômés les plus élevés exerçant en France. Ils se situent presque au même niveau que les ingénieurs. Ensuite viennent les personnes ayant obtenu un DESS et un master professionnel puis les DEA et masters.

    Ces diplômés sont pour la plupart en activité dans leur pays d’accueil. Ils connaissent certes le chômage, mais nettement moins que ceux qui n’ont pas de formation universitaire. Ils occupent pour la majorité des postes d’emploi dans des professions libérales et intellectuelles. Plus de la moitié des immigrés algériens qualifiés avait un contrat de travail à durée indéterminée, 11% exerçaient des professions libérales et 9,2% étaient au chômage.

    On constate que 34% d’Algériens installés en France sont des cadres ou exercent des professions intellectuelles, contre 14% qui sont des «employés». On observe aussi un niveau assez faible de «brain waste» - soit à travers des emplois n’exigeant pas de niveau supérieur ou alors ils sont sous-employés avec une faible rémunération. 6% d’immigrés faisant le métier d’ouvrier.

    Il y a aussi le «brain waste» relatif, non mesurable encore, c’est la situation qui équivaut à la déqualification des diplômés, en les affectant à des postes de niveau inférieur à leurs qualifications. Le niveau des salaires peut être un indicateur : 35% des personnes perçoivent moins de 1500 euros par mois, 25% entre 1500 et 2500 euros et puis 37% gagnent plus de 2500 euros.

    Les médecins sont les plus concernés

    «L’Algérie n’est pas en situation de pénurie de médecins, elle a formé et forme encore un nombre important de praticiens», explique Ahcène Zehnati, chercheur au Cread. Le nombre de diplômés en médecine a plus que doublé entre 2001 et 2011, il passe de 1714 à 4023. Même chose pour les médecins spécialistes qui sont 897 en 2005 et 1929 en 2013. 11 629 médecins sont formés dans les spécialités médicales et chirurgicales entre 2005 et 2013.

    A titre de comparaison, la Tunisie forme 8 fois moins de généralistes et 4 fois moins de spécialistes que l’Algérie. Cette amélioration de la formation ne concerne cependant pas le personnel paramédical, puisque le rapport entre le nombre de personnel paramédical et les médecins a baissé : Il passe de 3,4 en 1998 à 2,47 en 2012. Pourtant, les médecins constituent la première catégories d’Algériens nés en Algérie et exerçant à l’étranger. Le taux de fuite est supérieur à ceux enregistrés en Afrique du Sud ou au Ghana, par exemple et le nombre de médecins qui quittent l’Algérie augmente constamment depuis 1997. «La destination privilégiée des médecins algériens reste majoritairement la France pour des raisons historiques, culturelles, système de formation, conventions inter-universitaires», rappelle le rapport.

    Près d’un médecin né en Algérie sur 4 exerce, en effet, en France. Les effectifs de médecins spécialistes ne sont pas touchés de la même manière. Pour les médecins nés en Algérie, quel que soit leur lieu de formation, le «taux de fuite» est de 43% pour la psychiatrie. Viennent ensuite l’ophtalmologie, la radiologie et l’anesthésie-réanimation. Pour les médecins nés et formés en Algérie, les taux sont moins importants, mais les spécialités les plus concernées sont là aussi la psychiatrie, la radiologie, l’ophtalmologie et l’anesthésie-réanimation. De manière générale, les médecins qui travaillent dans le secteur public sont plus touchés par le départ que ceux du privé.

    Le rapport ne présente pas les raisons de départ des médecins, mais estime que les salaires pourraient être l’un des facteurs. En 2013, un médecin non hospitalo-universitaire touchait 77 000 DA par mois pour un généraliste, 110 000 pour un spécialiste. Un maître-assistant dans un CHU est payé 90 500 DA et un professeur 183 000 DA. L’étude souligne que ces salaires sont en moyenne une fois et demie plus élevés que les salaires des cadres des entreprises nationales algériennes.

    Les Marocains partent pour faire un troisième cycle

    Les migrations intellectuelles marocaines remontent au XIXe siècle et elles sont aujourd’hui souvent le fait d’élites intellectuelles, de chercheurs ou d’étudiants et de sportifs, avec un taux de retour faible. «Malgré le développement de nouvelles destinations, comme c’est le cas pour la Belgique, le Canada, les Etats-Unis ou les pays de l’ancien bloc de l’Est, la France draine toujours le plus grand nombre d’étudiants marocains», rappelle le rapport. Ils représentent la première population estudiantine étrangère dans les universités françaises avec plus de 15% en 2004. A titre de comparaison, les Algériens représentent 8,5%.

    Aujourd’hui, l’arabisation, la suspension des bourses du gouvernement et les conditions d’inscription plus difficiles ont fait diminuer le nombre de départs, qui reste malgré tout important. Désormais, on part pour préparer un troisième cycle plus que pour faire des études de premier et deuxième cycles. Dans tous les cas, une partie des étudiants à l’étranger, une fois leur cursus universitaire achevé, demeure sur place, pour des raisons familiales ou professionnelles.

    Les meilleurs sont repérés dans les grandes écoles ou laboratoires et sollicités pour intégrer des emplois, parfois même avant l’obtention de leur diplôme. Les autorités ont tenté dans les années 1990 de limiter cette immigration avec des mesures restrictives. Aujourd’hui, l’Etat tente au contraire de structurer la diaspora scientifique marocaine pour favoriser le retour et la collaboration des élites installées à l’étranger avec le Maroc.

    Les boursiers mauritaniens ne rentrent plus au pays

    Plus de 70 000 diplômés mauritaniens vivent aujourd’hui à l’étranger, toutes spécialités confondues. Dans un pays où le taux de chômage officiel est de 10% et où le salaire des fonctionnaires, l’équivalent de 5000 DA par mois, n’attire pas les diplômés, plus de la moitié des diplômés mauritaniens à l’étranger finissent par s’installer temporairement ou définitivement dans leur pays d’accueil. La plupart d’ente eux sont des ingénieurs, scientifiques, universitaires, financiers, qui ont souvent accès à l’étranger à des emplois de haut niveau, notamment dans des organisations internationales, des universités ou des compagnies privées.

    Le départ des diplômés a été poussé par les crises politiques de 1987 avec le Front Polisario et 1989 avec le Sénégal, ainsi que par le plan d’ajustement structurel des années 1980. Le pays octroie des bourses aux étudiants mauritaniens qui veulent étudier à l’étranger, dopant implicitement dans le futur la migration des compétences scientifiques, selon le rapport. Ces bourses sont d’ailleurs à l’origine en grande partie de la mise en place de la diaspora scientifique mauritanienne établie à l’étranger.

    Traditionnellement, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et les pays d’Afrique de l’Ouest particulièrement le Sénégal, la Côte d’Ivoire constituent les principales destinations des boursiers mauritaniens. Face au nombre de diplômés chômeurs très important, «la plupart des étudiants en fin de cycle- notamment ceux des filières francophones- cherchent des inscriptions dans des universités françaises ou se lancent dans l’aventure aux USA, en Australie ou au Canada».


    Leïla Beratto El Watan, 6 novembre 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/article/eco/soc/fuite_cerveaux.htm

  • Tamazight otage de l’inertie des directeurs de l’éducation (El Watan)

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	La langue amazighe peine à trouver son chemin au niveau des écoles d’Alger

    L’enseignement peine à redémarrer dans la capitale

    L’enseignement de tamazight a été élargi, en ce début d’année scolaire, à 22 wilayas. «La généralisation est en cours pour la 23e wilaya, Relizane, avec 8 divisions ouvertes», a annoncé M. Merad, directeur de l’enseignement moyen au ministère de l’Education nationale.

    Contrairement à ce qui a été promis par le ministère, concernant l’élargissement de tamazight à la wilaya d’Alger, aucune nouvelle classe ni recrutement n’ont été effectués. Les directions de l’éducation de la capitale n’ont pas mis en place la procédure nécessaire pour la création de sections d’apprentissage de cette langue, contrairement à ce qui s’est réalisé dans les wilayas concernées par l’enseignement.

    «Il n’y a pas de blocage», assure M. Merad. Il explique que pour l’ouverture d’une section, la direction de l’éducation fait, au préalable, un état des lieux et soumet clairement le choix aux parents d’élèves en procédant à la collecte des choix favorables exprimés avant d’engager les moyens humains nécessaires.

    Or, expliquent des représentants de parents d’élèves de la capitale, «cette procédure n’a jamais été faite au niveau des établissements de la wilaya d’Alger». Le ministère, à travers les directions de l’éducation, est chargé de mener les campagnes de sensibilisation pour l’enseignement de tamazight auprès des élèves.

    «Dans les wilayas concernées par l’ouverture des nouvelles classes de tamazight. C’est au mois de février que les démarches ont été entamées pour la création des sections à ouvrir en septembre», explique le directeur de l’enseignement moyen.

    Et d’ajouter que le rôle du ministère est «purement pédagogique», c’est-à-dire fournir les enseignants et le manuel scolaire et suivre la matière enseignée conformément à la réglementation. Pour ce responsable, l’enseignement de tamazight doit bénéficier de toute l’attention nécessaire, étant un facteur de cohésion «tout comme les autres constantes nationales».

    Dans les cycles primaire et moyen, le secteur compte 1700 enseignants de tamazight. L’enseignement a démarré en 1995 dans 16 wilayas. Le nombre d’élèves est passé de 37 690 en 1995 à 234 690 ces dernières années.


    Effraction

    Si la langue amazighe peine à trouver son chemin au niveau des écoles d’Alger, c’est à travers les cours d’alphabétisation que les Algérois peuvent enfin apprendre à lire et écrire la langue de Mouloud Mammeri. Les cours de tamazight débuteront, selon le secrétaire général du HCA, aujourd’hui. Trois sections seront mises en place, dont une au niveau du siège du HCA.

    Les personnes intéressées peuvent s’inscrire via internet. Une campagne d’affichage est menée par le HCA au niveau des stands du Salon international du livre et sur le site web de la structure. Les cours seront dispensés une fois par semaine, gratuitement. La tablette Azul dotée d’applications d’apprentissage de tamazight sera offerte ainsi que le manuel Aseghmigh pour consolider cet apprentissage.

    L’année de formation se déroule de novembre à juin et le cursus sera sanctionné par une attestation de niveau. C’est en partenariat avec l’association algérienne d’alphabétisation Iqraa que l’enseignement de tamazight pour adultes a été lancé, et ce, conformément à la convention-cadre paraphée le 20 avril 2015 à Alger.

    S’agissant des enseignants qui accompliront cette mission, le HCA a assuré que des sessions de formation de l’enseignement de cette langue concernera comme première étape, 9 wilayas, à savoir Alger, Oran, Ghardaïa, Boumerdès, Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Sétif et Batna. D’autres wilayas intégreront ce processus au fur et à mesure selon un plan de généralisation couvrant tout le territoire national, ajoute le HCA .

    Fatima Aït Khaldoun-Arab le 07.11.15 | 10h00

    http://elwatan.com/actualite/tamazight-otage-de-l-inertie-des-directeurs-de-l-education-07-11-2015-307042_109.php

  • L’enquête sur l’assassinat du militant communiste Henri Curiel pourrait être relancée (Les Inrocks)

    Henri Curiel (Capture d'écran @FanceInter)

    Dans un témoignage posthume, le militant d’extrême droite René Resciniti de Says revendique l’assassinat du militant anticolonialiste Henri Curiel, en 1978. L’avocat de la famille a déposé plainte avec constitution de partie civile.

    Qui a tué le militant communiste et anticolonialiste Henri Curiel, le 4 mai 1978 dans l’ascenseur de son immeuble, à Paris ? Depuis trente-sept ans, cette question est restée sans réponse, car ses deux tueurs n’ont jamais été retrouvés, l’assassinat n’ayant été revendiqué que par un mystérieux “groupe Delta”.

    “Ces dernières années, René devenait bavard”

    Officiellement, l’affaire a été classée sans suite, après un non-lieu. Mais un nouveau témoignage pourrait relancer l’enquête. Pour la première fois, un homme revendique cette exécution dans un livre paru en mai dernier, Le Roman vrai d’un fasciste français, du journaliste Christian Rol (éd. La Manufacture de livres). Celui-ci a recueilli les confidences de René Resciniti de Says, dit l’Elégant, militant nationaliste, avant sa mort en 2012.

    “Ces dernières années, René devenait bavard… […] Sa mort a levé le contrat moral qui nous liait, explique le journaliste Christian Rol dans son avant-propos. S’il était exclu de publier quoi que ce soit de son vivant sans son aval, en revanche, rien ne s’opposait à ce que ce récit lui survive.”

    Parmi les secrets révélés dans ce livre, celui de la mort d’Henri Curiel, militant tiers-mondiste, cofondateur du mouvement communiste au Caire avant-guerre, exilé en France. Selon le témoignage rapporté par Christian Rol, René Resciniti de Says a abattu Henri Curiel de trois balles avec un comparse avant de disparaître dans la foule et de remettre l’arme du crime (un Colt 45) à un troisième homme, le tout sur ordre de Pierre Debizet, patron du SAC, la milice du parti gaulliste.

    “Un agent de Moscou à refroidir, c’est dans le cahier des charges”

    L’attentat est revendiqué auprès de l’AFP comme suit :

    “Aujourd’hui, à 14 h, l’agent du KGB, Henri Curiel, militant de la cause arabe, traître à la France qui l’a adopté, a cessé définitivement ses activités. Il a été exécuté en souvenir de tous nos morts. Lors de notre dernière opération, nous avions averti. Delta”.

    Dans Le Roman vrai d’un fasciste français, René Resciniti de Says assume son acte de manière totalement décomplexée :

    “A l’époque, c’est la guerre froide. Curiel nous est présenté comme le super-agent  de la subversion – même si à l’époque il n’avait aucune activité contre la France. Nous, on ne se pose pas de questions: un agent de Moscou à refroidir, qui plus est traître à la France en Algérie, c’est dans le cahier des charges.”

    Christian Rol reconnaît les limites de l’exercice qui consiste à rapporter ce témoignage, alors que le protagoniste est décédé : comment en vérifier la véracité ? Mais il affirme que celui-ci ne relève pas du délire mythomane, et précise même qu’il y a des acteurs toujours vivants de cette histoire : “Les protagonistes supposés de cette affaire, des amis de certains de mes amis, ne sauraient, évidemment, être cités sous leurs vrais noms… et encore moins être entendus. On ne plaisante pas avec ces gens-là…”

    “Des bouches pourraient s’ouvrir”

    Pour Me William Bourdon, avocat de la famille d’Henri Curiel, contacté par Les Inrocks, ce témoignage est susceptible de relancer l’enquête : “Il est essentiel : c’est la première fois que quelqu’un s’auto-désigne comme un des auteurs du crime, même si c’est post-mortem. On sait qu’il y a au moins deux auteurs, mais un crime politique comme celui-ci implique une organisation. Il est de bon sens de dire que si un des auteurs est décédé, ce n’est pas forcément le cas de ses complices.”

    Pour l’avocat, la plainte avec constitution de partie civile qui a été déposée auprès du doyen du juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Paris devrait conduire à la désignation d’un juge, ce qui n’avait pas été le cas précédemment car personne n’avait été identifié. 28/10/2015 | 11h34

    http://www.lesinrocks.com/lenquete-sur-lassassinat-du-militant-communiste-henri-curiel

    Lire aussi:

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Curiel

  • Aux lendemains des événements du 17 octobre 1961, El Moudjahid publie un article virulent (Babzman)

    octobre

    Dans son numéro du 1er novembre 1961, El Moudjahid ouvre ses pages sur les terribles massacres perpétrés dans les rues de Paris, durant les journées du 17 et 18 octobre précédentes. A commencer par le texte d’une déclaration faite par Benyoucef Benkhedda, au nom du GPRA, lors d’un discours prononcé à Tunis le 24 du même mois. S’ensuit un long plaidoyer sur les violences que subissent les Algériens de l’immigration depuis le début de la guerre. Cet article que Babzman vous propose dans son intégralité, est intitulé « La politique du crime ». Il n’est pas signé, comme la quasi totalité des articles d’El Moudjahid de l’époque, mais nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une grande figure qui prêtait sa plume à cet organe. L’article est accompagné de la photographie d’un Algérien torturé en France.

    La politique du crime

    Depuis le début de la guerre d’Algérie, les Algériens résidant en France n’ont pas échappé aux mesures répressives qui frappent sans discernement l’ensemble du peuple algérien. Les brimades, les vexations et les humiliations de toutes sortes ont été le lot quotidien de l’émigration algérienne. Les méthodes policières qui ont été sadiquement mises au point en Algérie dans les cillas Susini et autres officines des parachutistes, gagnaient peu à peu les locaux de la DST et les commissariats de police en France. Perquisitions, arrestations arbitraires, tortures deviennent chaque jour davantage les moyens de choix des autorités françaises dans leur tentative de briser la volonté irréductible de l’émigration algérienne dans sa lutte inflexible pour défendre ses droits à la liberté et à la dignité et pour la réalisation d’un des objectifs politiques sacrés du peuple algérien : l’indépendance nationale.

    La violence et le droit

    Des millions d’Algériens ont fait le dur apprentissage de la résistance dans les geôles  colonialistes de France. Nombre d’entre eux ont connu dans leur chair et dans leur âme les affres de la torture.

    Depuis 1956, les familles algériennes entassées dans les bidonvilles de Nanterre et e Gennevilliers vivent dans un climat d’insécurité permanente à la merci des policiers et CRS qui organisent des ratissages périodiques avec une brutalité sans pareil.

    Cette terreur policière est loin de venir à bout de la détermination de nos compatriotes en France. Elle n’a fait que renforcer  leur combativité au sein du Front de Libération Nationale qui s’est imposé comme creuset où sont venues se fondre les forces vives de toutes l’émigration algérienne.

    Une lutte héroïque s’engagea alors sur le sol même de l’adversaire et les patriotes algériens ont apporté leur précieuse contribution au renforcement du combat libérateur.

    Dans son désarroi, le gouvernement français développe son système répressif. Les prisons étant insuffisantes pour contenir les dizaines de milliers de militants arrêtés, il a fallu ouvrir de véritables camps de concentration en France même : Larzac, Thol, Mourmelon, Neuville-sur-Ain.

    Parallèlement à ces mesures d’inspiration nazie, une vaste campagne d’intoxication est déclenchée au sein de la population française par le gouvernement français et ses émules ultra-colonialistes et fascistes.

    Colonialisme et fascisme

    Pour justifier une guerre d’extermination coloniale sans issue les gouvernements français successifs ont cultivé le mythe de la grandeur de l’Empire français et ont par là même favorisé le déferlement absurde des idées chauvines et racistes qui sont à l’origine du fascisme.

    Cet état d’esprit qui s’est progressivement développé en France atteignait insidieusement certaines couches de la Gauche française elle-même dont elle a paralysé pendant longtemps les traditionnels réflexes de défense des valeurs fondamentales de démocratie et de liberté.

    Les explosions racistes survenus dernièrement à Metz où les parachutistes sous l’œil complaisant de la population civile, se sont livrés à d’odieux lynchages donnent une idée de la situation dramatique des Algériens en France.

    Par des mesures coécrives et arbitraires le gouvernement français a cru trouver les moyens susceptibles de masquer son refus de s’engager dans la voie d’une solution négociée de la guerre d’Algérie. C’est là la véritable solution capable de résoudre tous les problèmes y compris celui des Algériens de France.

    Jusqu’à présent, le gouvernement français s’est acharné à noyer dans le sang la lutte juste d’un peuple pour sa libération. Au lieu de s’engager dans une décolonisation effective, le gouvernement français donne des dimensions gigantesques à la répression. Dans la logique belliqueuse, il a généralisé ses méthodes de génocide et les applique dans toute leur sauvagerie, en France même.

    L’ère du racisme

    Le gouvernement français en instaurant le 5 octobre 1961 couvre-feu pour les Algériens de la région parisienne a érigé en système de la discrimination raciale.

    Par l’extrême gravité de ces décisions les autorités françaises ont ouvert la porte à tous les excès et ont donné la possibilité et les moyens légaux à tous les courants racistes et fascistes de donner libre cours à leur fureur haineuse et à faire le jeu de ceux qui veulent approfondir le fossé qui sépare Algériens et Français.

    Refusant de s’incliner devant ces mesures scélérates et pour attirer l’attention de l’opinion public française et internationale, les Algériens ont décidé, sous l’égide du FLN de manifester pacifiquement, dans l’ordre et la discipline. Des dizaines de milliers de travailleurs, d’étudiants, de femmes et d’enfants algériens sont descendus dans les rues de Paris pour crier leur indignation contre les mesures d’exception à caractère racial qui les frappent.

    Le vrai visage de la police et des forces de la répression est apparu dans toute sa hideur au service d’un système où le lynchage devient légal, la violence et la brutalité de règle.

    Les événements qui viennent de se dérouler dans la région parisienne donne une image de ce qu’est la guerre d’Algérie et des exactions que subit quotidiennement le peuple algérien depuis sept longues années de guerre.

    Ce déferlement de fureur aveugle contre des manifestants désarmés n’est-il pas le signe éclatant de la faillite totale du colonialisme et l’expression évidente des soubresauts de son agonie ?

    Aux yeux du monde entier, ces tragiques événements illustrent une fois de plus le génocide perpétré par le colonialisme français contre le peuple algérien.

    Alors que des perspectives de négociation commencent enfin à apparaître, les chances risquent d’être sérieusement compromises. Et c’est le gouvernement français qui portera la lourde responsabilité de tels agissements.

    On a toujours affirmé que le colonialisme et ses méthodes sont les meilleurs fourniers du fascisme. L’expérience que vit actuellement la France en est la meilleure preuve. Au fur et à mesure que s’intensifient la guerre d’Algérie et la répression colonialiste, le fascisme s’implante de plus en plus solidement en France. Les institutions républicaines sont minées, les dernières libertés démocratiques menacées.

    Certains Français conscients ont compris cette vérité essentielle. Malgré les débordements racistes d’une fraction de la population française, il s’est trouvé cependant des voix pour s’élever avec vigueur et protester  contre la politique du pire. Un grand nombre d’organisations démocratiques ont pris clairement position contre les violences policières et le racisme. Elles sont sorties du cadre habituel des protestations purement formelles pour entreprendre des actions concrètes afin de mettre un terme à ces mesures d’exception et à ce règne de terreur raciste.

    Les manifestations organisées par l’UNEF, la déclaration des intellectuels français, les pétitions des ouvriers donnent un souffle nouveau à l’action anticolonialiste. Cette prise de conscience laisse espérer un engagement plus positif du peuple français pour faire prévaloir la seule solution susceptible de mettre fin à la guerre d’Algérie, celle d’une négociation immédiate avec le GPRA, car cette lutte sur la paix qui s’impose aujourd’hui plus impérieuse que jamais, sert non seulement les intérêts véritables des peuples algériens et français, mais elle est aussi le moyen le plus sûr de briser la marée fasciste qui déferle sur la France.

    Quant au peuple algérien, convaincu de l’issue victorieuse de son combat, tout en réaffirmant son désir de parvenir à une solution juste et rapide, par al voie de la négociation, demeure farouchement résolu à poursuivre la lutte jusqu’à la liquidation totale du colonialisme.

    In El Moudjahid N° 86, du 1er novembre 1961

    http://www.babzman.com/aux-lendemains-des-evenements-du-17-octobre-1961-el-moudjahid-publie-un-article-virulent/

  • Massacre du 17 octobre 1961 : le crime d’Etat d’une métropole coloniale (NPA)

    Mardi 17 octobre 1961. Paris. Au petit matin. Les hommes de Maurice Papon, préfet de police de Paris, se tiennent prêts, plus que jamais, à dégainer la flingue et la matraque. Ce jour là, les algériens de métropole, pour la plupart concentrés dans les usines parisiennes s’apprêtent à manifester pour la première fois dans les rues de la capitale. Manifestation préparée en secret, contre le couvre-feu raciste décrété à l’encontre des nord-africains. A l’appel du FLN, ils vont affronter, de manière massive et pacifique, les escadrons de la police française, pour revendiquer leur droit à l’indépendance de leur territoire national, l’Algérie encore maintenue sous domination coloniale française. Véritable massacre, dénié par l’histoire officielle, censuré au point d’être maintenu dans l’oubli durant de longues années, la répression de masse qui s’abat sur les manifestants ce jour-là est d’une rare violenc

    La manifestation du 17 octobre 1961 est le pendant métropolitain de la guerre d’Algérie et l’expression de toute la violence de l’Etat français pour maintenir sa domination raciste et impérialiste. Son chef d’orchestre : Maurice Papon, ancien secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous le gouvernement de Vichy, collaborationniste et organisateur de rafles de juifs. Il a été choisi pour l’occasion. Reconnu pour son « efficacité », on sait, au sein de l’appareil d’Etat, et au premier chef de Gaulle qui l’a nommé à son poste, qu’il ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit d’exécuter les ordres.

    Depuis août 1961 déjà, la répression s’intensifiait à l’encontre des algériens, et de quiconque, tunisien, portugais, marocain, italien, a la peau plus foncée et le cheveu brun et bouclé. Plus forts que jamais étaient les rafles, les chiens, les coups, les « ratonnades » comme les porteurs de matraques aiment à les appeler… Le FLN décide fin août de reprendre sa campagne d’attentats en métropole, abandonnée pourtant depuis plusieurs semaines à cause des négociations entre le gouvernement français et le gouvernement provisoire d’Algérie. Arrestations, contrôles arbitraires, descentes dans les lieux de vie des populations maghrébines et rafles n’ont jamais été aussi systématiques. L’offensive policière prend place dans les rues, les bus et le métro parisien. Pour Papon, « pour un coup rendu, nous en porterons dix ». Le quartier de la Goutte d’Or dans le 18ème arrondissement est particulièrement visé. En septembre, les noyés. Chaque jour ou presque. Latia Younes, Salat Belkacem, Ouiche Mohammed, Mohammed Alhafnaouissi, et bien d’autres encore dont certains ne seront jamais identifiés. A partir du 2 octobre, un couvre-feu anti-arabe est installé : qui l’enfreint risque une mort certaine. C’est la stratégie de la tension qui est choisie par De Gaulle et son fidèle premier ministre, Michel Debré, partisan de l’Algérie française, qui compte ne rien perdre du rapport de force et profite de la répression pour maintenir au sein du territoire français la région du Sahara, zone qui révèlera par la suite ses denrées pétrolifères.

    Dans ce contexte là, la résistance des algériens de métropoles s’organise, mais avec un changement de stratégie. Face à la répression, il faut s’unir. Les algériens, encadrés par le puissant appareil du FLN choisiront la manifestation et la démonstration de force par le nombre. Celle-ci vise l’opinion publique. Les consignes sont de ne céder à aucune provocation et à aucune violence. Trois itinéraires sont choisis et le mot s’est répandu parmi la population algérienne. Aux portes de Paris, aux stations Etoile, Opéra, Concorde, Grands Boulevards, les manifestants sont systématiquement matraqués jusqu’à ce qu’ils s’effondrent. Sur le boulevard Bonne-nouvelle, au pont de Neuilly, au Pont-Neuf d’Argenteuil et ailleurs, la police tirent sur les manifestants. Sur le Pont saint Michel, des hommes sont jetés à la Seine.

    Ce jour là, plus de 10 000 algériens sont interpellés et internés au Palais des Sports, au Parc des expositions, au Stade de Coubertin, au centre d’Identification de Vincennes pendant près de 4 jours. Les autorités françaises qui s’en tiennent à la version d’un échange de tirs entre policiers et manifestants déplorent 3 morts. Pour le FLN, ils seraient plusieurs centaines à être décédés sous les coups de la police française aux ordres du criminel Maurice Papon, pour avoir osé crier et revendiquer le droit à l’égalité, à l’auto-détermination et à la dignité.

    « Liberté, Egalite, fraternité » répètent en boucle depuis ces sombres temps présidents et gouvernants, y compris ceux qui se satisfont encore aujourd’hui des « bienfaits du colonialisme ». Mais qui est encore dupe ? Nous n’oublierons jamais Malik Oussekine assassiné par les voltigeurs de Pasqua en 1985. En février 2005 la droite fit même passer à l’assemblée une loi insistant sur la nécessité de mettre en valeur « l’aspect positif de la colonisation » dans les livres d’histoire. Avec le temps, rien n’a changé. Aujourd’hui encore la justice donne toute l’impunité à ses policiers : elle a refusé il y a peu de reconnaitre la qualité de meurtre à la mort en 2005 de Zyed et Bouna, il y a 10 ans. Malgré les 54 ans qui nous séparent de ce véritable pogrom orchestré par l’Etat français à l’encontre de la population algérienne en métropole, il y a toujours des voix au sein de la classe politique pour contester la nature des faits. Ainsi, en 2012 où pour la première fois le massacre a été reconnu, quoique bien du bout des lèvres, par l’Etat français en la personne de François Hollande, les Gaino et Sarkozy refusaient « l’engrenage de la repentance ». Ce discours n’exprimait par seulement la crainte de voir les deniers publics ailler à l’indemnisation des familles des victimes, mais surtout de voir s’affirmer lecaractère raciste de la République française, aujourd’hui comme fauteuse d’oppression et de domination des autres peuples, d’Afrique tout particulièrement, qu’elle continue de rançonner ou d’agresser militairement, quand ils ne sont pas gouvernés par des dictateurs à sa botte.

    A l’heure de la chasse aux rroms et aux migrants, d’un racisme d’Etat dorénavant justifié par la « guerre au terrorisme », ce massacre doit être encore et toujours rappelé et condamné, et ce samedi 17 octobre 2015, l’occasion de se rassembler pour cela. A Paris, ce sera à 17h30 au Pont Saint-Michel.

    Yano Lesage

    https://www.npa2009.org/evenement/rassemblement-17-octobre-1961-17-octobre-2015

  • Pouvoir et société en Algérie Un tour d’horizon (Essf)

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    Pour les observateurs de la scène politique nationale, la guerre de succession qui n’en finit pas, polarise l’attention et annonce le crépuscule d’un système à bout de souffle.

    Le règne de Bouteflika, tire à sa fin. Une fin émaillée par des scandales qui éclaboussent pratiquement, toute la classe politique au pouvoir. Ce qui inaugure semble-t-il, tous les scénarios possibles, « d’une succession à haut risque ». Le statu-quo est devenu intenable et entre les clans en présence, il y a divergence sur les rythmes du changement et le choix des hommes.

    Le récent remaniement du gouvernement et le mélimélo qui en a suivi, a montré l’ampleur des désaccords. La stabilité est devenue le credo de toute la classe politique, justifiée par plus d’une décennie de violence et près de 200 000 morts. C’est cette quête obsessionnelle, qui est en fait génératrice de statu quo. Le pouvoir, assure ainsi sa pérennité. Il le fait, avec l’aide d’une opposition au garde-à-vous, une classe politique aphone et sans élites et qui ne cesse pas de faire amende honorable et un semblant de société civile sorti ex-nihilo et véritable pseudopode des associations officielles.

    L’idéologie, est consubstantielle à la référence religieuse et toute aspiration sociale au changement, soumet inévitablement le politique au religieux. La société, est complètement prise dans une ambiance religieuse surfaite et enveloppée d’ultra conservatisme et la création culturelle, est inhibée par les arrières pensées du discours politique officiel.

    La société, est régentée par un Etat Léviathan qui s’appuie sur une administration tentaculaire, une armée hyper équipée et des services de sécurité (et de renseignements), omnipotents et omniprésents dans la vie politique et sociale. Le pays, est entrain de payer le prix de son immobilisme, en fonçant droit dans le mur. Toutes les tentatives de réformes qui avait un caractère de véritable saupoudrage superficiel sur un système économique et politique devenu complètement obsolète, ont fait chou blanc. Le vrai problème, est dans l’acceptabilité sociale et politique des réformes qui sont décidées, en vase clos et sans associer les couches sociales concernées au premier abord. C’est toujours le pouvoir qui cherche à imposer les termes du consensus national.

    Le pouvoir en reste là, il a d’ores et déjà rejeté ou ignoré toutes les propositions émanant de la classe politique ou du moins celles susceptibles de construire un tel consensus. Brusquement, le pays est rattrapé par ses démons passés. La situation actuelle, a déjà poussé le gouvernement à envisager des coupes budgétaires et à gérer la situation au jour le jour. La solution à laquelle recourt le pouvoir, pour désamorcer relativement la situation, est apparemment celle du lifting de l’équipe gouvernementale. Les solutions ou les parties de la solution, ne sont plus détenues par le seul pouvoir.

    1. Le président conforte sa mainmise sur l’appareil du FLN, pour imposer une succession consensuelle.

    Le congrès du FLN, marque une nouvelle étape dans la réappropriation de l’appareil, par le clan présidentiel. Ceci, n’est pas nouveau, ces affrontements en son sein, se sont toujours exacerbés à l’approche d’une échéance importante. Le congrès, est une sorte de révélateur des rapports de force en présence. Les instances de direction issues de ses travaux (comité central, BP) laissent augurer d’une sorte de glissement droitier. Tout cela, a commencé du temps de Belkhadem (S’hab ech chkara)1 et cela continue avec Sâadani.

    Au-delà du grenouillage qui a dominé la préparation de ce dixième congrès et la volonté d’une aile de ce parti de « redresser » le clan Sâadani, l’actuel secrétaire général du FLN, cette droitisation marque une ouverture sur les classes moyennes et les milieux d’affaires qui consacre la tendance dominante du moment qui s’exprime par un glissement apparent mais pas décisif, du centre de gravité du pouvoir absolu de l’armée, vers le pouvoir de « l’argent ».

    Cette droitisation n’est par ailleurs pas propre à l’Algérie. Elle est un phénomène planétaire qui s’exprime par l’émergence des classes moyennes et supérieures, dans les mouvements protestataires, dans la participation aux élections et dans l’exercice du pouvoir. La participation de l’élément populaire, de ce point de vue, chiffres à l’appui,2 s’est de plus en plus amenuisée.

    Le triomphe de Sâadani, au 10e congrès, a confirmé l’emprise du clan présidentiel sur le pouvoir. Cela jette une lumière particulière, sur les mœurs d’une nomenklatura, complètement coupée de la société. Nul mieux que Sâadani, ne peut exprimer la promiscuité malsaine, unissant le monde de la politique à celui des affaires. Ce mélange inattendu de puissance et d’argent, est entrain de provoquer des reclassements, dont les dinosaures du parti en ont fait les frais3.

    C’est bel et bien, la fin de toute une époque pour le FLN, dépositaire du populisme national. Les délégués se sont accommodés de l’absence de tout débat contradictoire et de tout courant critique. Une seule ligne politique a prévalu, celle du secrétaire général sortant, dont la reconduction dès le premier jour, n’était un mystère pour personne. Comme pour le 9e congrès, le président, devant l’urgence de s’assurer un espace pour peser sur l’avenir immédiat et compte tenu des nouveaux rapports de force qui se dessinent autour des enjeux de pouvoir, ne veut plus s’embarrasser d’apparaître comme le président de tous les Algériens, au-dessus des luttes partisanes. Il est décidé de prendre part au débat qui concerne son propre avenir politique et de peser de toutes ses forces, en se réappropriant l’appareil du FLN.

    Le président par son message fort au congrès, a tenté de prendre date dans le débat désormais public, sur sa succession. Le 10e congrès, comme les congrès précédents (le 8e et le 9e), préfigure une longue et chaotique marche des dinosaures du parti, pour consacrer le retour nostalgique à l’ère du parti unique. Les luttes intestines entre apparatchiks, les affrontements violents qui ont vu le jour avant les assises, inaugurent un processus de déliquescence avancé où le vieux a servi à faire du neuf, pour faire taire au sein de l’appareil et en dehors, toutes les voix discordantes et en faire un instrument efficient, dans la guerre de position qui se déroule, en quête d’un nouveau consensus au sein du pouvoir.

    Pour Abdelhamid Mehri, figure charismatique du courant rénovateur du FLN, aujourd’hui disparue, le parti ne serait qu’ « un instrument de caution de la politique du pouvoir ». Il a à son actif, dans un passé récent depuis le 8e congrès, avec Abdelâaziz Belkhadem, la prise en charge de l’amendement de la constitution qui a mis fin à la limitation des mandats présidentiels et a inauguré l’ère de la présidence à vie. L’histoire récente et lointaine du pouvoir algérien, montre que le FLN, n’est qu’un appareil qui sert à mettre de l’ordre au sein des différentes fractions du pouvoir et à garantir des transitions en douceur. Dans l’ère Bouteflika, il est le cadre qui permet de donner une cohérence et de construire une assise, pour réaffirmer l’hégémonie d’une fraction sur une autre. A ce stade de la mutation du pouvoir, les catégories populaires « s’en sont écartés ou sont écartés ».

    Pour M. Harbi, même du temps de la guerre de libération, « si le FLN adopte une plate-forme qui consacre la primauté du politique, il la révise une année plus tard (1957 au Caire), sous la pression des « militaires ». Dans le cas du Vietminh, au Vietnam, ajoute-t-il, le politique est au premier plan. Dès le départ, « l’option d’une vision unitaire unanimiste, annonçait un néo autoritarisme, mélange d’archaïsme et de modernité, forcément répressif ». Pour M. Harbi, « les concepteurs de l’insurrection armée en novembre 1954, avaient une conception militaire de l’organisation politique et prêchaient à la fois, la prééminence absolue des dirigeants sur les dirigés et une vision unitariste de la société, pour restaurer l’Etat-nation »4.

    Dans le cadre de ce congrès, le commis de l’Etat, le chef du gouvernement Abdelmalek Sellal, qui garde encore la main, est adoubé par le FLN néo-affairiste. Il sort, selon beaucoup d’observateurs paradoxalement renforcé. De façon concomitante, presque synchronisée, il y a ce retour inattendu de l’homme par qui, tout arrive. Le retour triomphal d’Ahmed Ouyahya, intronisé à la tête du Parti du rassemblement démocratique (RND). L’homme n’est pas un inconnu. Il est, comme il le dit lui-même, « l’homme des sales besognes ». Sera-t-il l’homme du consensus, rien n’est moins sûr. Pour les clans en présence, c’est l’heure de la mise en ordre, pour préparer la succession. Un deal semble trouver entre les différentes factions, pour régler tout cela dans la cohérence et la discipline. Il s’agit d’abord, de sauver le système et de le pérenniser.

    Par petites touches, un nouveau dispositif, est mis en place. Un nouveau compromis, est né entre les sociétés économiques et le FLN, entre la présidence et le DRS, en vue d’échéances décisives. D’abord, cela donne à travers le 10e congrès du FLN qui marque une véritable normalisation et représente tout un symbole, presque une configuration nouvelle pour la période présente. Les assises du congrès, sans le soutien du DRS, ont été réglées « comme du papier à musique »5 et le président Bouteflika en sort renforcé, avec des prérogatives de président du Parti (et non de président d’honneur). Ces prérogatives laissent-elles, les coudées franches, aux membres du clan présidentiel, tel le nouveau militant du FLN, le chef du gouvernement Abdelmalek Sellal, le frère-conseiller ou son ami Ali Haddad ?

    Ce qui est clair, c’est que les résultats du congrès, s’inscrivent dans l’au-delà de 2019. Dans la foulée de ce congrès, est annoncée une réunion du conseil national du RND, un autre parti de l’alliance présidentielle où le secrétaire général Ahmed Bensalah, avec la sagesse qu’il arbore, a remis le tablier. C’est le tonitruant Ahmed Ouyahya, actuel directeur du cabinet du Président, qui reprend le flambeau, dans une opération là aussi, réglée de façon synchronisée. Les deux pôles de l’ancienne alliance présidentielle (FLN, RND), préconisent chacun à sa manière qui, une nouvelle alliance avec peut-être le MSP d’un hamas (islamistes modérés) rénové, de TAJ (rassemblement pour la justice) et du MPA (mouvement pour l’Algérie), pour Ouyahya, qui, un front le plus large possible, avec l’opposition qui apporte son soutien au Président, pour Sâadani. Au bout du compte à l’arrivée, on a un président plus fort que jamais, malgré sa maladie. Après 16 ans de règne, il devient un président entier (4/4). Il contrôle le gouvernement, les deux chambres du parlement, le conseil constitutionnel et même l’armée. Même les redresseurs du FLN, se réclament du président qui lui, bénéficie du soutien sans faille de l’UGTA et d’autres syndicats.

    En quinze ans de règne, Bouteflika, s’est adjugé le soutien sans faille du FLN et la docilité de tout l’appareil de l’administration. Il a développé avec beaucoup de rouerie, ses réseaux d’influence dans la société dite civile mais qui ne sont en fait, que les associations irriguées par l’aide publique et au sein des confréries religieuses qui apportent caution et dévotion à l’image d’un président qui se veut enraciné, dans l’humus de l’islam populaire. C’est se tromper, que de croire que le seul pouvoir dont dispose le président, est le contrôle exercé sur la machinerie électorale. Si une bonne partie des élites s’est opposée avec virulence à sa réélection, il reste que malade ou pas, sa côte de popularité, est restée élevée. Le président, incarne le confort du statu quo, le rempart contre l’aventure ou contre un scénario à la syrienne. Avec l’argent de la rente, des couches modestes de la société, ont été irriguées (logement, emploi-jeunes, accès à la consommation de masse etc.).

    On en est arrivé, à une situation des plus surréalistes. Des émeutes, ont lieu presque tous les jours (10 000 et plus par an), dans tout le pays, pour des revendications diverses (revendications salariales, logements, coupure d’électricité etc.) et cela n’affecte en aucune manière, la stabilité du régime. Cette perception, est très répandue dans la société et transcende les classes sociales. Affaibli, quasiment absent de la scène politique, le président reste maître du jeu et du temps. C’est, comble de paradoxe, lui qui paraît donner le ton.

    Le projet de nouveau texte fondamental (la nouvelle constitution), devrait donner des indices, sur ses intentions et celles du pouvoir. Le 15 avril 2011, au moment où les vents révolutionnaires du printemps arabe, soufflaient sur la région. Bouteflika sortait d’un long mutisme, pour annoncer son intention d’introduire de profondes réformes politiques, à travers l’élaboration d’une nouvelle constitution. Quatre années plus tard, c’est le flou artistique. L’avenir du pays et les grands défis auxquels il fait face, sont vécus en dehors du monde extérieur. Tout est vécu, comme si le monde extérieur n’existe pas et ce dernier, est presque assimilé à une menace5. Après la décennie sanglante et la « déconvenue du printemps arabe », la manière dont l’armée a fermé la parenthèse islamiste, en Egypte, la dynamique inquiétante et en apparence régressive en Tunisie, le changement est vécu comme le « chaos ».

    La société, sous les coups de boutoir de la bigoterie ambiante, s’est parée d’une religiosité ostentatoire. Le vocabulaire du quotidien, les pratiques sociales, l’habillement, tout cela est désormais marqué par les codes musulmans, mais sans aucune signification politique. L’islamisme, n’est plus un recours à la crise de la société, mais un refuge au mal-être social. Les barbus, se sont normalisés, en se recyclant dans le commerce à tout venant. La dominante du discours nationaliste-chauvin, qui prolifère, fait que tout débat critique de rupture, n’est pas audible.

    Le bilan du président, qui en est à son quatrième mandat, n’est pas abordé dans le débat public et les médias, alors que le pays a besoin d’une profonde remise en cause politique et économique. La facture alimentaire atteint les 10 milliards de dollars et en 2014, la dépense publique frise les 100 milliards de dollars, ce qui est un record en Afrique. Le retour d’Ahmed Ouyahya, va dans ce sens. L’enfant du système, développe sans cesse, une démarche de proximité avec le président et ses chances de présidentiable, se sont amenuisées avec le dernier chamboulement du FLN. Le RND, ne peut pas être majoritaire et les caciques, veulent un président et un gouvernement FLN. Sur ces questions, l’unanimité semble de mise. Les décideurs, dans les échéances à venir ne peuvent pas se passer d’un appareil structuré, dans tous les coins du pays. D’autre part, le patrimoine historique de ce parti, est seul à même de suppléer à la crise de représentativité de l’élite gouvernante. Le grand absent de tout ce grenouillage-déballage, c’est un débat de fond lié à l’avenir du pays, un projet de société en fait.

    2. Des scandales récurrents et des procès réglés comme du papier à musique.

    Il y a dans l’air, comme le parfum d’une troisième voie qui serait porté par Gaïd Salah, qui serait favorable à une solution à l’égyptienne. C’est un scénario couteux ? Risqué ? Un homme nouveau et inconnu qui se poserait en recours. La presse nationale a évoqué un Chadli bis. L’homme se déploie en ce sens. De nouvelles prérogatives du DRS (sécurité militaire), lui ont été attribuées, semble-t-il, dans le cadre d’une réorganisation concertée, entre lui et le patron du DRS6. On a vu, qu’une telle solution autoritaire, n’a pas beaucoup gênée les Occidentaux et surtout les Etats-Unis, en Egypte.

    Tout laisse entendre, que les tenants du système se préparent à une succession en douceur, malgré les scandales récurrents qui ont éclaboussé l’ère Bouteflika. Le projet du siècle, de l’autoroute est-ouest, est devenu l’une des plus grosses affaires de corruption. C’est l’un des plus gros scandales, avec celui de Sonatrach et l’affaire Khalifa, qui ont marqué fortement les mandats successifs de Bouteflika. L’autoroute est-ouest, a officiellement coûté au trésor public 11,4 milliards/dollars. Elle devait être achevée en 2009, mais d’importants travaux de réfection et de rénovation, sont engagés dans diverses régions. Son coût, a été revu à la hausse, à 13 milliards/dollars. Avec le scandale, on a essayé de quantifier les commissions occultes versées. La presse a cité le chiffre de 900 millions de dollars de pots de vin, mais rien ne permet de le prouver. Officiers de l’armée, enfants de dignitaires, responsables de l’agence ANA (Agence nationale des autoroutes), cadres du ministère des travaux publics, entrepreneurs algériens et étrangers, c’est une flopée d’acteurs qui sont liés à cette affaire. Le ministre des Travaux publics, est lui-même impliqué7.

    Le grand nettoyage a commencé et « tout sera soldé avant la rentrée », pour organiser la succession dans un climat apaisé8. Les grands procès, celui de l’autoroute est-ouest, de Sonatrach 2, de l’affaire Khalifa, s’inscrivent dans le cadre de cette grande lessive. Ces procès, lancés au printemps 2015 et qui ont vu la dilapidation de milliards de dollars, sont les premiers signes de ce toilettage qui marque une volonté de classer les dossiers qui ont éclaboussé le régime, pendant l’ère Bouteflika. Le pouvoir, veut clôturer les dossiers brûlants de la corruption pour la prochaine étape. Tout est fait, pour juger les lampistes et préserver les véritables instigateurs de ces scandales, dans le cadre de procès préfabriqués, pour leurrer l’opinion publique et redorer le blason de la lutte contre la corruption, aux yeux de l’opinion internationale. Les jugements retenus, lors des procès de l’autoroute est-ouest et de l’affaire Khalifa, suintaient la décision politique. Le dossier Khalifa, est clôturé, sans que les véritables responsables, soient connus. Effacer, les traces du crime et prendre toutes les garanties, pour l’avenir, en cas de changement de rapports de force. Le système a ainsi un lien organique avec la corruption et les jugements sont l’expression d’une option politique pour frayer la voie à une quête d’un nouveau consensus, entre les différentes fractions du pouvoir et parier sur l’avenir.

    3. Le président conforte sa position hégémonique.

    Le rôle de l’armée, dans le système politique algérien a toujours été mis en évidence par la place que cette dernière a prise, dans la construction de ce dernier. Depuis novembre 1954, la priorité a toujours été donnée aux armes sur le débat politique. Au lendemain de l’indépendance, le noyau de l’armée des frontières, sous la houlette du colonel Boumediene, va constituer le socle de la cristallisation du pouvoir en Algérie. L’avènement du pouvoir Chadli, va consacrer l’émergence de la sécurité militaire comme instrument premier de pouvoir. C’est Kasdi Merbah, commandant de la sécurité militaire qui va imposer Chadli Bendjedid à ses pairs et éliminer le dauphin désigné Abdelaziz Bouteflika, candidat de l’aile libéral et Mohamed Salah Yahyaoui, responsable de l’appareil du parti et candidat de l’Union Nationale de la Jeunesse Algérienne (UNJA) et du courant boumediéniste.

    De même que l’appareil de la sécurité a parrainé la candidature de Bouteflika, lors des trois premiers mandats et parfois contre l’Etat-major de l’armée (en 2004, ce dernier a soutenu la candidature d’Ali Benflis). Le deal entre Bouteflika et les généraux, est rompu le13 septembre 2015, avec le départ du général Toufik. Il avait pour objet de donner une couverture politique à l’accord passé entre l’armée et les islamistes, pour mettre fin à la guerre civile. Le vide sidéral du champ politique, depuis les années 1990 a mis en avant les structures de l’institution militaire.

    Définissant les caractéristiques principales de l’Etat, Engels plaçait « l’institution d’une force publique qui ne coïncide plus avec la population et s’organisant elle-même en force armée. Elle se renforce à mesure que les contradictions de classes s’accentuent, à l’intérieur de l’Etat. » La dynamique de l’Etat algérien, est de ce point de vue caractéristique. Elle porte, les marques de transformation de ce dernier « par hypertrophie de sa structure force publique militaro-policière »9 Les révoltes populaires menaçantes et les rivalités de pouvoir, ont fait croître à tel point la force publique qu’elle a dévoré la société toute entière et même l’Etat10. Parce qu’elle s’est présentée comme l’héritière de l’armée de libération nationale (ALN), l’armée a savamment joué de la confusion entre armée et nation, fortement entretenue par les médias et les thuriféraires du régime11*. Le rôle de police qu’elle a assumé pendant la décennie sanglante (les milliers de morts et de disparus, des milliers de blessés et d’handicapés et trois millions de déplacés), la disqualifie pour incarner la nation. Elle est désormais appelée à jouer le rôle d’une armée classique, au service d’une bourgeoisie rentière dont elle est la gardienne attitrée. Le général Gaïd Salah, a rappelé en décembre 2014 l’opposition, en mettent le holà au débat sur une éventuelle élection présidentielle anticipée.

    En entrant par effraction dans le débat politique, le général vice-ministre de la défense, ne réaffirme-t-il pas la pérennité de l’armée, dans la gestion de l’Etat et des affaires du pays ? Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une guerre sans merci entre des forces opaques, qui ne concerne pas le pays utile. Dans cette guerre implacable, le président semble avoir remporté la première manche, avec l’élimination du général Mèdiène Toufik, figure de proue des services de sécurité et homme jusque-là indéboulonnable du régime algérien. Mais, selon le site « Mondafrique », ce n’est pas encore la dernière ligne droite, menant à la fin du système politique algérien. L’hyper-président malade et âgé, préparerait sa succession en neutralisant les services de sécurité omnipotents, après avoir pris le contrôle du gouvernement, de l’armée, de l’Assemblée nationale et du milieu des affaires. De ce point de vue, rien n’est laissé au hasard. Et pour faire bonne mesure, il a appelé l’opposition et la majorité présidentielle à un « pacte moral », pour sortir le pays de la crise et « renforcer la démocratie »12.

    Cette situation politique de forte opacité, prend des allures surréalistes, marquées par l’arrestation d’un général de la lutte antiterroriste, jusque là intouchable et « facilitateur d’affaires », un prétendu dirigeant de l’aile armée du FIS (AIS) qui a négocié une trêve avec le DRS (Direction de la Recherche et de la Sécurité) et qui annonce qu’il va créer un parti, à l’issue d’un grand rassemblement toléré par les autorités, dans les monts de Jijel, une ministre de l’éducation nationale qui a alimenté la chronique de l’été, en annonçant vouloir « remplacer l’arabe classique qu’elle ne maîtrise pas, par l’arabe dialectal à l’école » et le prix du pétrole qui continue sa chute abyssale face à un gouvernement sidéré qui s’interroge s’il y a crise ou pas et qui improvise un discours où chaque ministre affirme que son secteur n’est pas concerné par les restrictions.

    Pour ne pas être en reste, le ministre des finances développe un discours incantatoire, pour attirer l’argent suspect du marché informel, vers les circuits officiels. Pendant ce temps, le premier ministre essaie de vendre l’austérité qu’il veut tailler pour les classes populaires et les coupes drastiques, dans les investissements publics. Ce qui donne une idée de l’émiettement du pouvoir et de l’absence inquiétante de centre. Le spectacle, est celui d’un pouvoir aux abois, qui a perdu les quatre points cardinaux.

    4. Une manne pétrolière, à l’origine d’une économie désastreuse.

    Les remaniements successifs, qui ont marqué l’été, n’ont pas éclairé l’opinion et les travailleurs sur la politique économique du gouvernement Sellal. Le moins qu’on puisse dire, est que les changements opérés soulignent, on ne peut mieux, le maintien d’un cap c’est-à-dire plus que jamais, la continuité. Face à la chute des prix du pétrole, la mission du nouvel exécutif, est à haut risque, dans un contexte délicat, marqué à la fois par des enjeux politico-sécuritaires régionaux et la crise économique. Le plan anticrise concocté par un conseil des ministres restreint, n’a pas révélé le détail des mesures arrêtées. Le volet social, jusque là maintenu relativement à l’abri des contre coup du prix du baril risque d’être touché, avec toutes les conséquences qu’on imagine.

    La loi de finances 2015, celle initiale, est élaborée avec un baril de pétrole de référence, côté à 100 dollars. Elle n’a pas pris en compte la baisse du prix enregistrée en 2014 et notamment au cours du dernier trimestre. Le budget de l’Etat pour 2015, comme tous ceux qui l’ont précédé depuis 2008, est inscrit sous le signe d’une importante croissance des dépenses publiques. Un rythme d’augmentation, selon les données disponibles, 5 fois supérieur à celui du PIB, avec des dépenses de fonctionnement qui atteindraient la barre de 5 000 milliards de dinars.

    Le premier ministre Abdelmalek Sellal qui a toujours péroré sur les atouts du pays et qui a distribué l’argent de la manne pétrolière, dans ses visites dans toutes les wilayates13 du pays pendant la campagne présidentielle, a mis un bémol et a donné un tableau sombre des finances du pays, qui prévoit des coupes sombres dans le budget, lors de la loi de finances complémentaires 2015 (LFC 2015), notamment dans le secteur de l’emploi. Il affirme qu’ « au rythme des dépenses actuelles, les caisses de l’Etat seront presque vides en 2019 ». Au cours du premier trimestre 2015, le pays a enregistré une baisse de 50 %, de ces recettes pétrolières. Les prévisions des recettes pétrolières de la loi de finances initiale 2015, étaient de 66 milliards de dollars, parce que basées sur un baril de pétrole de référence, de 100 dollars. L’Etat, a recours régulièrement au FRR, pour couvrir les déficits budgétaires.

    Le ministère des finances, a annoncé une baisse de flux vers ce fonds de 60,7 %. Les recettes qui seront engrangées, seront d’à peine 33,8 milliards de dollars. Des pertes de 32 milliards de dollars, sont prévues d’ici la fin de l’année, avec une réduction des réserves de change (151,5 milliards de dollars). En 2015, les dépenses du fonds, vont atteindre 2037,4 milliards de dinars et les recettes escomptées ne seront que de 710,8 milliards de dinars, soit 34,9 %. Les plus pessimistes aujourd’hui, n’écartent plus, un scénario catastrophe, en cas d’échec du plan anticrise qui est tout simplement la loi de finances complémentaires. Les orientations principales, demandent aux experts du ministère des finances, de procéder à des coupes dans les dépenses et à chercher des ressources de substitution, pour le budget de l’Etat. Malgré les mesures d’arbitrage et la volonté de réduire les importations, ces dernières avoisineront les 57,3 milliards de dollars et le déficit commercial prévu, sera de 24,5 milliards de dollars. C’est énorme ! Ce qui sous-entend, la fonte totale des réserves de change, à la fin du quinquennat 2015-2019. Le pays va y puiser entre 35 et 40 milliards de dollars par an. La banqueroute, ne serait pas loin.

    Les injonctions du FMI et du patronat, sont discrètement prises en compte. Le gouvernement d’Abdelmalek Sellal, table sur la loi de finances complémentaire (LFC 2015) et les recettes fiscales (près de 150 milliards/dinars), pour couvrir les pertes consécutives au reflux des recettes pétrolières. Dans le projet adopté par le gouvernement et qui est signé par ordonnance présidentielle, entre deux sessions, les dépenses enregistrent une baisse de 5 %. Ce qui entraine une coupe sombre dans les projets publics, dans tous les secteurs et notamment dans ceux de l’éducation nationale et de la formation (- 9 %) et le soutien pour l’accès au logement enregistre une baisse de 36,6 milliards de dinars (-12,4 %)14. Les dépenses publiques, vont baisser par rapport à la loi de finances initiale, de 2015 de 438,5 milliards de dinars, soit 4,9 %. Cela augure d’une volonté, de procéder à des coupes sombres, dans les secteurs sociaux et d’imposer l’austérité, aux couches les plus fragilisées du système Bouteflika. Un train de mesures d’austérité, est concocté par les experts du pouvoir et la facture au fil du temps, sera lourde pour les couches populaires.

    La crise, va imposer l’austérité aux travailleurs, malgré le discours rassurant du chef du gouvernement, Sellal, après des années d’opulence et de gabegie ostentatoire, des dignitaires du régime. Cela montre surtout, l’ampleur des retombées négatives sur le plan économique et sociale, du recul des recettes pétrolières. Sur le budget d’équipement (le fameux programme du président) qui baisse de 11,3 %, l’impact sera très important et tous les projets publics, vont connaître une baisse, dans tous les secteurs. Le projet de LFC 2015, affirme dans ses orientations, le souci de préserver le FRR (Fonds de régulation des recettes) des recettes pétrolières, créé en 2006 pour compenser les déficits publics. Avec le recul des recettes pétrolières (près de 50 %, au 1er semestre 2015), beaucoup d’experts économiques, prédisent sa disparition. L’Etat, va de plus en plus puiser dans ce fonds de régulation des recettes, pour financer le déficit budgétaire.

    Pour ce qui est des retombées éventuelles, du plan anticrise du gouvernement Sellal, dans le cadre de la LFC 2015, certaines dispositions adoptées, sont tenues confidentielles. Le nouveau gouvernement, présente l’inconvénient lié à de nouvelles nominations, sans changement aucun au niveau de la manière de faire et l’approche des problèmes fondamentaux, reste la même. Ainsi, la révision de l’impôt, est liée au problème des situations de rente et le problème des subventions généralisées qui génèrent l’excès de consommation et le gaspillage, est intimement lié à la peur d’ébranler le front social. A ce jour, l’Etat n’a pas encore décidé de réduire son train de vie et les coupes dans les projets importants du programme du président, n’ont pas concerné le chantier de la grande mosquée qui à peine à 50 %, de sa réalisation a consommé toute l’enveloppe qui lui a été allouée (1 milliards de dollars).

    Le lien occulte de certains ministres avec des milieux d’affaires influents laisse augurer de conflits d’intérêt qui vont obérer l’effort prétendu, pour éliminer les effets de la crise. Le nouveau ministre des finances Abderahmane Benkhalfa, présenté comme libéral convaincu, était parmi les négociateurs des clauses du rééchelonnement, des années 1990, qui ont mis le pays en coupe réglée. C’est un orthodoxe qui fera fi des besoins sociaux. Il est l’une des chevilles ouvrières, avec le ministre de l’énergie, du chantier le plus important du nouveau gouvernement Sellal, qui sera la mise en œuvre du plan anticrise. Celui-ci, vise la rationalisation des importations, l’arbitrage entre les dépenses, pour le gel ou le report de certains projets d’investissements publics, le gel du recrutement dans la fonction publique (à l’exception des secteurs de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la santé) et la relance de la production nationale. Mais maintenant que les recettes des exportations des hydrocarbures accusent un net fléchissement, il y a danger sur les importations des produits alimentaires. C’est dans l’agriculture, que les experts planchent pour la mise en place d’un plan de substitution aux importations alimentaires.

    La valeur de la production agricole, serait de 29 milliards de dollars. Et c’est à ce niveau que tous les programmes mis en place, ont échoué. Les améliorations des rendements, dans l’agriculture sont gommées par la pression démographique, l’urbanisation et le mode de consommation. Le lait et les céréales, occupent 50 % des importations alimentaires. A elles seules, selon le ministre du commerce, ces filières absorbent 80 % des subventions. Leur facture, plafonne à plus de 5 milliards de dollars. La consommation de lait par an et par habitant, est de 147 litres alors que la production est de 80 litres/an /habitant. Le subventionnement tel que pratiqué actuellement, n’est pas de nature à aider le développement de la production locale. Les efforts, pour développer les filières lait et les céréales et renforcer la connectivité de l’amont agricole, avec les filières industrielles et de transformation, peinent à trouver la voie. L’amélioration des rendements, serait au cœur de la problématique de la sécurité alimentaire (itinéraire technique et irrigation d’appoint). Selon la prospective officielle, la production céréalière doit passer du simple au double entre 2015 et 2019 et atteindre 70 millions de quintaux (contre 34 millions de quintaux actuellement). La production de pomme de terre, pour la même période passera de 46,8 millions de quintaux à 67,7 millions de quintaux et celle des dattes, de 9,34 millions de quintaux à 12,57 quintaux. La production de lait, doit passer de 3,57 milliards de litres à 4,25 milliards de litres de lait frais. Les conditions pour atteindre ces objectifs, sont l’augmentation des superficies irriguées d’un million d’hectares et l’amélioration de la qualité des semences. Pour ce dernier aspect le pays, reste stratégiquement dépendant de la semence importée de l’étranger.

    La nomination du ministre de l’énergie, intervient dans un contexte difficile, marqué par la baisse des recettes des hydrocarbures et un déclin de la production, consécutif à la baisse des réserves au moment ou la demande en produits énergétiques, est entrain d’exploser. Le nouveau ministre, est attendu, sur le dossier du gaz de schiste et la redynamisation du secteur. Il doit dit-on, absolument augmenter la production de pétrole et de gaz et augmenter de façon significative les réserves d’hydrocarbures, pour préserver et consolider les parts de marché, sur les marchés internationaux.

    5. L’opposition populaire, doit arracher son autonomie politique.

    La vie politique dans le pays, est complètement plombée et l’économie est en état de dégradation avancée. De larges pans de la société, sont jetés dans la précarité. La prédation au sommet de l’Etat, précipite le pays dans le chaos, « le pays va droit dans le mur »15 Le bilan politique de l’ère Bouteflika (1999/2015), est dominé par le fait du prince qui voit un net recul des acquits des luttes des années 1980 et l’émergence d’un jeu clanique aux relents fortement passéistes. C’est une dérive césariste, marquée parfois de répression sanglante du mouvement de masse (le cas du printemps noir, en Kabylie, en 2001) et le verrouillage du champ politique et médiatique, par des lois liberticides (viol du droit de grève, interdiction des marches, des rassemblements et manifestations pacifiques) et implosion des formations politiques d’opposition.

    C’est à un véritable retour de l’ère des prétoriens, des années 1960/1970 auquel on a assisté, marqué par l’image d’un président omnipotent distillée par les médias et les institutions officielles, ne sont que le reflet de sa volonté. Le pouvoir, a évité autant qu’il peut grâce à la manne pétrolière, le choc avec le mouvement populaire. Il a adopté le style de faire assimiler ses objectifs, par le matraquage quotidien d’une presse aux ordres et une partitocratie complètement intégrée aux jeux du pouvoir. C’est une logique de normalisation par les élections truquées et les institutions contrôlées. C’est une variante qui se caractérise par la réalisation, par en haut des revendications accumulées, par en bas, au cours de ces dernières années. C’est un mécanisme qui a fait école en Amérique latine, qui permet de récupérer de la rue les matières inflammables et de réorienter la vie publique, vers le cœur des institutions et de démobiliser la dynamique de la revendication sociale. L’effet de démobilisation, est plus grand grâce au niveau des disponibilités de la rente pétrolière. L’emploi, a augmenté même si c’est dans le cadre précaire.

    La duplicité des pouvoirs autoritaires, va jusqu’à coopter des partis politiques, des syndicats et des associations des droits de l’homme qui, d’une certaine manière contribuent à exclure la gauche et le mouvement syndical, par rapport à des enjeux qui lui étaient familier (le programme historique de la gauche)16. D’aucuns pensent que la position de principe, du repli sur le quant-à-soi pour déployer le drapeau et gérer « une parcelle idéologique et organisationnelle inamovible »17, fait le lit de la marginalité. Elle évacue, « l’art politique de conquérir, dans des circonstances concrètes, une audience et une influence en fonction des changements de circonstances »18.

    Pour le reste, la morosité a gagné tous les secteurs de la vie politique et économique. Il y a une désaffection profonde à l’égard de la classe politique et ses dernières années, les taux d’abstention aux élections, sont les plus forts depuis l’indépendance. Lors des deux derniers scrutins, moins d’un algérien sur trois, a accompli son devoir électoral. La soi-disant élite, « reprend en boucle des idées surannées et le concept d’indépendance nationale, s’est décliné dans le mal développement »19.

    Le phénomène récurrent de désagrégation sociale, s’accompagne pendant les périodes électorales, d’une percée des opportunistes qui engrangent les voix des sans-partis. Un mouvement social balbutiant, émerge des profondeurs d’une société fragmentée et atomisée et qui a largement intégrée les codes d’une « démocratie autoritaire ». Ce mouvement social, fait ses premières armes dans des expériences syndicales qui demeurent en marge des bastions historiques de la lutte sociale. C’est un contexte qui potentialise énormément les explosions sociales à contenu émancipateur limité. Mais, il y a bel et bien un réveil des mouvements sociaux, après près de deux décennies de léthargie et de violence aveugle.

    Août-septembre 2015, Mahdi Sâad-Eddine

    Notes

    1. Ceux qui convoient l’argent sale, dans des sacs poubelles : les milliardaires.

    2. Voir le Monde diplomatique, sur Droitisation, mode d’emploi. Serge Halimi, n°735 juin 2015.

    3. Les redresseurs du clan Belayat et consorts.

    4. M. Harbi. Lettre aux citoyennes et citoyens algériens. La Tribune d’octobre n°6/7 du 22 avril 1989.

    5. Editorial. Le Quotidien d’Oran, « pour l’Algérien, la menace est l’extérieur ». K. Sélim.

    6. Le quotidien francophone El Watan, 2 juin 2015. H. Ouali.

    7. Source : Jeune Afrique n° 2813, du 7 au 13 décembre 2014.

    8. Le Quotidien d’Oran, jeudi 4 juin 2015. A. Charef.

    9. Cette armée qui dévore l’Etat. Michel Lequenne.

    10. Origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat. F. Engels.

    11. Voir l’ouvrage L’INSTANCE, l’Etat algérien 50 ans après. El Hadi Chalabi.

    12. Le Quotidien d’Oran, 3 septembre 2015.

    13. Découpage administratif qui correspond aux anciennes préfectures.

    14. Le quotidien arabophone Ech-Chorouk, 27 juin 2015.

    15. Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d’Algérie.

    16. Inprécor novembre-décembre 2007 n°532/533. Argentine : la gauche dans son labyrinthe. G. San Martino.

    17. Idem.

    18. Idem.

    19. Le Quotidien d’Oran, 3 septembre 2015. A. Cherif.

    * « Algérie : Les solutions musclées sont devant nous ». Jeudi 8 octobre 2015, mise à jour Jeudi 8 octobre 2015, 10:23 :
    http://www.npa2009.org/idees/algerie-les-solutions-musclees-sont-devant-nous

    jeudi 8 octobre 2015, par SAAD-EDDINE Mahdi

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36041