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Egypte - Page 12

  • Egypte. Pour la libération des prisonniers politiques! (A l'Encontre)

    Au Caire. graffiti contre les violences faites aux femmes

    Au Caire. graffiti contre les violences faites aux femmes

    Rassemblement,
    jeudi 18 juin, 18 heures,
    rue de Lausanne 45-47, devant la Mission d’Egypte, Genève

    Le collectif Egypt Solidarity – créé en février 2014 – a lancé un appel international de solidarité avec les prisonniers et les prisonnières politiques réprimé·e·s par le régime de l’ex-maréchal Abdel Fattah al-Sissi

    Les 20 et 21 juin 2015, le plus grand nombre d’initiatives – telles qu’indiquées par Egypt Solidarity – se doivent d’être entreprises à l’échelle internationale. Les revendications suivantes structurent cette campagne:

    • Arrêt de la répression des manifestations.
    • Libération des prisonniers politiques.
    • Procès équitable pour tous, contre les tribunaux militaires.
    • Arrêt de la torture et de tous les mauvais traitements.
    • Interdiction des condamnations à mort et des exécutions.

    Cette manifestation du 18 juin 2015, à Genève – 18h, devant la Mission permanente de l’Eypte, 45-47 rue de Lausanne – s’inscrit dans le contexte de l’appel lancé par Egypt Solidarity.

    Azouli. L’emblème d’une dictature de militaires

    Le caractère effectif du régime militaire dictatorial égyptien est révélé par une «prison militaire»: celle d’Azouli. Elle échappe à toutes les instances baptisées légales en Egypte. Elle est analogue à ces «prisons pour disparus» de la dictature des généraux argentins entre 1976 et 1983. Amnesty International l’a dénoncé. Une enquête approfondie du quotidien anglais The Guardian en a révélé divers aspects.

    Ce haut lieu des pires tortures et mises à mort se trouve dans un vaste camp militaire à quelque 100 kilomètres au nord-est du Caire.

    Le fonctionnement d’un tel lieu de détention repose sur les mécanismes criminels suivants:

    • toute personne emprisonnée «n’existe pas», car aucun document ne prouve son incarcération;

    • si le prisonnier meurt sous la torture, personne n’est censé le savoir;

    • les militaires et autres tortionnaires disposent d’une double impunité: celle de l’anonymat (les prisonniers sont encapuchonnés) et celle assurée par le pouvoir en place;

    • les interrogatoires et la torture s’effectuent dans un bâtiment spécial (le S-1), haut lieu de la terreur;

    • les «confessions» obtenues doivent correspondre aux scriptes des services dits d’intelligence;

    • les survivants, sur la base de ces «aveux», peuvent être transférés dans une prison «normale» et accusés, dès lors, de «terrorisme» et autres crimes;

    • les juges n’ont aucun accès à Azouli où règnent les services (et les sévices) de l’intelligence militaire.

    Azouli concentre, en quelque sorte, les attributs acquis par Al-Sissi.

    Sous le régime de Moubarak, il exerçait ses fonctions dans les services de «l’intelligence militaire», autrement dit dans ce centre obscur qui contrôlait des leviers décisifs d’une armée dont le pouvoir économique et politique constituait un pilier de l’Etat profond, selon la formule courante. Sa carrière militaire l’a conduit à être attaché militaire en Arabie saoudite – ce régime ultra-réactionnaire qui apporte aujourd’hui un soutien financier massif à l’Eygpte, aux côtés d’autres Etats du Golfe – puis aux Etats-Unis (en 2005 et 2006). Dès août 2012, il prend la tête du ministère de la Défense. Son «élection» – 96,9% des suffrages en juin 2014 – ne fait qu’entériner un pouvoir capturé 11 mois auparavant, le 3 juillet 2013. D’ailleurs, du 14 au 16 août 2013, les «forces de sécurité» attaquèrent les deux camps organisés par les Frères musulmans soutenant Morsi – place al-Nahda et place Rabia-El-Adaouïa – et massacrèrent plus de 2500 personnes. Cela marque le début d’une «guerre contre le terrorisme» et des procès durant lesquels des centaines d’accusés sont condamnés à mort.

    Assassiner la mémoire de janvier 2011

    Ce pouvoir de Sissi et des siens déploie tous les instruments de la contre-révolution, après l’essor des forces démocratiques et révolutionnaires de janvier 2011 à juin 2013. Ainsi, à l’occasion des manifestations pacifiques pour célébrer le quatrième anniversaire de la révolution de janvier 2011, au moins 27 manifestant·e·s ont été tués. Les témoins de ces homicides sont menacés d’arrestations par le ministère public. Et 500 manifestant·e·s sont incarcérés dans des «centres de détention non officiels».

    Une avocate réputée pour la défense des droits humains et militante socialiste-révolutionnaire, Mahienour el-Masry, a été condamnée en appel à 15 mois de prison pour avoir participé à une manifestation d’avocats dénonçant la brutalité de la police et cela trois mois avant la chute de Mohamed Morsi. Lors du verdict, ce 31 mai 2015, Mahienour el-Masry s’est écriée: «A bas, à bas le régime militaire!» Un régime qui restaure la mort de prisonniers durant leur détention, comme à la pire époque de Moubarak.

    Au Caire, le 24 janvier 2015, la militante Shaima al-Sabbagh, qui voulait déposer une couronne de fleurs en mémoire de victimes de la révolution du 25 janvier, a été tuée par un tir de chevrotine. Suite à une plainte déposée par l’Alliance populaire socialiste, le parti de son compagnon, les enquêteurs ont cherché à charger ses amis. Puis, en ce mois de juin, sur injonction du pouvoir, la «justice» a condamné un policier. Une minuscule opération cosmétique.

    Le 6 juin 2015, trois membres du Mouvement du 6 avril, interdit en août 2014, ont été arrêtés pour détenir des tracts appelant à la «désobéissance civile» pour le 11 juin. Un type d’initiative qui, pour éviter les représailles policières, devait se traduire par: ne pas se rendre à son travail, à l’école ou à l’université. Le Mouvement du 6 avril – créé en 2008 – a joué un rôle significatif dans le soulèvement conduisant au renversement de Moubarak. Il s’était aussi opposé à Morsi. Il est aujourd’hui une cible, parmi d’autres, du régime.

    Un appareil répressif «légalisé» à coups de décrets

    L’appareil répressif égyptien ne peut être réduit à l’armée, à la police, aux services de renseignement. En fait, l’Etat profond – représenté par le Président – contrôle la justice, les nominations dans l’appareil d’Etat, les médias, le corps diplomatique, les recteurs d’université, etc. La Constitution de 2014 permet au Président de promulguer des lois, sans parlement. Ces multiples lois-décrets ont contribué à redonner toute sa force à cet appareil répressif, en utilisant le danger du terrorisme et de la sécurité nationale. Ce qui sert aussi à étrangler la population de Gaza.

    De multiples «lois» spécifiques attribuent des pouvoirs aux instances répressives afin de frapper un vaste spectre d’opposants. Quelques exemples. La loi du 26 novembre 2013 viole les droits d’expression, d’association et de réunion. Celle d’octobre 2014 donne aux tribunaux militaires le droit de statuer sur les menaces contre «l’intégrité de la nation». En septembre 2014, les ONG censées être financées «par l’étranger» sont ciblées. En janvier 2015 sont visés les enseignants qui participent à une «activité partisane». En février 2015, tout groupe menaçant la «sécurité, l’unité ou les intérêts de la nation» est défini comme une «entité terroriste». L’ensemble des droits conquis par les salarié·e·s sont remis en cause, alors que le chômage en hausse suscite la misère. Le projet de nouveau Code du travail s’attaque au droit de grève, au droit syndical. L’OIT, dont le siège est à Genève, a été contrainte de mettre l’Egypte sur sa liste noire.

    Les femmes et les jeunes filles sont victimes de sinistres violences. Le dernier rapport de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) a documenté «des cas de viols, de viols anaux et vaginaux, de chantages sexuels perpétrés par la police ou le personnel de l’armée. Ces violences sont utilisées afin d’éliminer toute protestation publique en légitimant les autorités comme garante de l’ordre moral.» Les bourreaux étant les autorités, les victimes ne peuvent porter plainte, car de nouvelles représailles s’abattront sur elles.

    Les gouvernements allemand, suisse… complices actifs

    Simultanément, le régime de Sissi est soutenu non seulement par l’Arabie saoudite, les Etats du Golfe, mais est considéré comme un facteur de «stabilité» dans la région par les pays occidentaux. En novembre 2014, le «socialiste» François Hollande reçoit Abdel Fattah al-Sissi à l’Elysée. La vente de Rafale est à l’ordre du jour. Pour ce qui a trait aux «droits» humains, Sissi affirme: «Je suis 100% pour les droits de l’homme, mais pas pour l’instant.»

    La visite d’Al-Sissi en Allemagne fut un succès: nouvelles livraisons d’armes (après la suspension datant de 2002), contrats milliardaires pour Siemens (turbines, éoliennes). Comme le souligne Al-Ahram (10 juin 2015): «Selon les observateurs, la visite du président en Allemagne a réalisé tous ses objectifs, sur tous les volets.»

    Pour ce qui est du gouvernement helvétique, il s’agit de trouver une solution élégante en ce qui concerne les «fonds» de Moubarak qui sera blanchi par ses pairs. Quant au secrétaire d’Etat au Département des affaires étrangères, Yves Rossier, le 13 juin 2015, le quotidien en ligne Egypt Independent écrivait: «Il a exprimé sa satisfaction face à la manière dont les militaires ont géré les différents problèmes apparus depuis la révolution du 25 janvier. Il a aussi manifesté sa compréhension face aux défis sécuritaires auxquels l’Egypte fait face, ajoutant qu’il serait difficile pour toute personne d’être Président de l’Egypte en ces temps.» Plus impérialisto-helvétique, impossible

    C’est en maintenant les liens de solidarité avec ceux et celles qui se battent pour la démocratie et la justice sociale en Eygpte et en éclairant la complicité du gouvernement suisse qu’une campagne de solidarité, sur la durée, peut et doit se développer, en sachant faire appel aux institutions internationales ayant leur siège en Suisse, comme l’OIT.

    Mouvement pour le socialisme

    Publié par Alencontre le 15 - juin - 2015
     
     
    Afin de coordonner au mieux des actions, il est possible de se référer à la page Facebook d’Egypt Solidarity:
     
    www.facebook.com/egypt.solidarity.initiative ou de consulter l’appel traduit en français et publié sur le site alencontre.org, en date du 3 juin 2015
     
     
  • Egypte : Les avocats dénoncent les violences policières (Afriques en lutte)

    Le syndicat des avocats égyptiens a organisé samedi une grève générale pour protester contre « les dépassements de la police » contre les avocats après l’agression par un officier de police d’un avocat à l’intérieur d’un tribunal, a-t-on appris de sources syndicales samedi au Caire. Dans des déclarations de presse, le bâtonnier des avocats Sameh Achour a menacé de prendre « d’autres mesures d’escalade si la police ne met pas un terme à ses violations et dépassements ».

    Un officier de police avait battu un avocat la semaine dernière à l’intérieur du tribunal de la province de Damiette, dans le nord égyptien.

    Le syndicat des avocats avait appelé à une grève générale dans tous les tribunaux d’Egypte pendant un jour à l’exception des questions urgentes. Ce syndicat regroupe environ un demi-million d’avocats, ce qui en fait l’un des syndicats professionnels les plus importants du pays.

    Le taux de suivi du mouvement de grève diffère selon les provinces, le plus important ayant été enregistré dans celles de Sohaj, Al-Wadi Al-Jadid et Daghahliya. Les tribunaux égyptiens avaient connu, il y a deux ans environ, une grève similaire qui a duré plus d’un mois en guise de protestation contre des accrochages entre avocats et juges.

    Source : APA 9 juin 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/egypte/article/egypte-les-avocats-denoncent-les

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • Solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens 20 et 21 juin (Essf)

    Protest against regime crackdown in 2012

    20 et 21 juin 2015
    Appel international à la solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens.

    * Arrêt de la répression des manifestations
    * Libération des prisonniers politiques
    * Procès équitables pour tous
    * Arrêts des mauvais traitements et de la torture


    Interdiction des condamnations à mort.

    Le 21 juin 2014, un petit groupe de manifestants s’est approché du palais présidentiel égyptien. Cette manifestation était la première qui défiait les lois réprimant les manifestations depuis l’investissement de Sissi suite à sa victoire aux élections présidentielles.


    Des hommes de main armés et des policiers ont attaqué leur manifestation pacifique, et 23 personnes ont été arrêtées puis ont écopé d’années de prison, simplement pour avoir exercé leur droit à se rassembler et à s’exprimer librement. Sissi, dont l’élection avait été saluée par les dirigeants occidentaux comme un pas en avant dans la « transition » de l’Egypte avait écrasé leur mouvement de protestation.

    Un an plus tard, nous appelons à la solidarité internationale avec tous les prisonniers politiques égyptiens, dans l’espoir que mettre le projecteur sur ce cas aidera à construire un mouvement faisant campagne pour la justice envers les dizaines de milliers de personnes emprisonnées par le régime militaire.

    En janvier 2011, les manifestants d’Egypte ont inspiré le monde entier par leur courage et leur détermination dans le combat pour la démocratie et une vie meilleure.

    Aujourd’hui, nombre de ces courageux manifestants ont été tués ou jetés en prison.
    Dans le même temps, Moubarak et ses supporters, dont le généraux de la police responsables d’avoir tué des manifestants et impliqués dans la corruption, ont été laissés en liberté.

    En juillet 2013, l’armée a renversé le Frère musulman Mohamed Morsi, qui avait été élu président l’année précédente. Depuis, plus de 3 000 citoyens égyptiens ont été tués, et personne n’a été tenu pour responsable. Plus de 40 000 ont été arrêtés pendant la seule première année du régime militaire. Ceux-ci n’ont pas fait d’un procès équitable et beaucoup n’ont même pas eu accès à la moindre procédure.

    Des sentences de mort ont été prononcées par les tribunaux militaires et civils égyptiens contre certains des dirigeants et des centaines de partisans supposés des Frères musulmans, dont le président déchu Mohamed Morsi. Les organisation de défense des droits humains ont condamné ces procès comme totalement inéquitables.

    Des militants révolutionnaires qui s’étaient opposés au régime de Morsi, et avaient manifesté contre les Frères musulmans, ont également fait l’objet d’arrestations, de mauvais traitements et ont été mis en prison. Des militants, comme par exemple Ahmed Douma, qui ont joué un rôle dirigeant dans la révolution de 2011 ont été condamné à mort.

    Beaucoup de jeunes ont été jetés en prison en application de la draconienne loi anti-manifestations.

    Tout ce qui se rattache à la révolution de janvier 2011 est pris en cible.
    Dans le même temps, les actions terroristes se multiplient et le régime en place a utilisé le discours de la guerre contre le terrorisme pour justifier une offensive contre tout ce qui est lié aux libertés civiles et aux droits humains.

    L’Egypte n’a pas de Parlement. Le président cumule le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Les élections législatives ont été à nouveau reportées. Le président a utilisé le pouvoir dont il dispose pour promulguer un nombre énorme de loi permettant d’étendre la capacité répressive de l’Etat.

    En 2014, environ 90 citoyens égyptiens ont été torturés à mort dans les locaux de la police, sans que quiconque n’ait été tenu pour responsable ou ait même fait l’objet d’enquêtes judiciaires adéquates.
    D’après le réseau arabe des droits de l’Homme, 61 journalistes ont été emprisonnés pour leurs écrits ou leurs activités dans les deux dernières années.
    Utiliser des munitions pouvant entraîner la mort est devenu courant.

    Le régime de Sissi est financé par l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et d’autre pays du Golfe.
    Les pays occidentaux qui sont récemment intervenus du bout des lèvres en faveur des droits humains et la démocratie envoient maintenant des milliards de dollars en aide économique et militaire. Ils vendent également des armes et des technologies de surveillance au régime répressif égyptien.

    Face à cette situation, nous appelons à une campagne internationale de solidarité les 20 et 21 juin 2015.

    Voici quelques exemples de ce qu’il est possible de faire les 20 et 21 juin :

    * Participer sur les réseaux sociaux à la campagne de solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens, en utilisant le hashtag #EgyPrisoners pour écrire des tweets, ainsi qu’en écrivant et partageant des posts.

    * Contacter des journalistes et les inciter à écrire des brèves sur les prisonniers politiques égyptiens.

    * Ecrire et proposer la publication d’une tribune à votre media local.

    * Envoyer une lettre collective ou un message de protestation à l’ambassade égyptienne de votre pays, et faisant mention dans cette déclaration des revendications de votre syndicat, organisation étudiante ou parti politique.

    * Vous coordonner avec d’autres pour manifester les 20 et 21 juin dans le monde entier devant les ambassades, consulats et office de tourisme égyptiens.

    * Ecrire à vos parlementaires pour leur demander d’arrêter de vendre des armes au régime égyptien et de lui apporter un soutien financier.

    Egypt Solidarity a rédigé cette déclaration en collaboration avec des militant-e-s égyptien-ne-s profondément impliqué-e-s dans des campagnes de solidarité avec les prisonnier-e-s politiques. Ces militant-e-s, résidant soit en Egypte, soit à l’extérieur du pays, incluent des parents et des amis des détenu-e-s.

    Afin de ne pas exposer des personnes ou leur famille aux risques de représailles ou de persécutions par le régime, nous publions cet appel en leur nom.
    http://egyptsolidarityinitiative.org/prisonersolidarity/

    Des informations, notamment sur les actions de solidarité, seront disponibles sur le site Web d’Egypt Solidarity, ainsi que sur la page Facebook. https://www.facebook.com/egypt.solidarity.initiative

    * Egypt Solidarity est un collectif international lancé en février 2014 par des intellectuels, des syndicalistes et des responsables politiques.


    http://egyptsolidarityinitiative.org/2014/02/10/founding-statement/
    Traduit de l’anglais par Alain Baron.

    20 mai 2015

    Plus d'informations sur ce site : Egypt Solidarity
     
  • Egypte. Ce que la persistance des grèves en Égypte nous dit de la révolution (A l'Encore)

    Tora Cement workers on strike last December. Photo by Amr Abdallah.

    Les informations qui nous parviennent d’Égypte au travers des grands médias se résument à la montée du terrorisme islamiste, à la forte répression du régime à l’encontre des Frères Musulmans et à la crise du tourisme. Si l’on cherche l’information du côté des forces révolutionnaires démocratiques, l’accent sera mis sur l’incroyable violence répressive du régime militaire de Sissi, non seulement contre des Frères Musulmans mais aussi – avec l’aide d’une partie de l’opposition laïque, démocrate, nassérienne et de gauche qui a soutenu ou soutient encore Sissi – contre la liberté d’expression, des journalistes, des artistes, des intellectuels, des athées, des homosexuels et de tous ceux qui les défendent. L’arbitraire et la férocité répressive de Sissi ont en effet largement dépassé ceux de tous ses prédécesseurs, Moubarak compris.

    Une répression terrible et ses conséquences

    Aujourd’hui, le régime condamne à mort des centaines de Frères Musulmans y compris Morsi, emprisonne nombre de figures de la révolution de 2011 et des milliers et des milliers de militants révolutionnaires ou simplement laïcs, athées, démocrates ou syndicalistes, censure la presse, interdit les manifestations et étrangle le droit de grève, dissous les clubs de supporters de foot «Ultra» en décrétant que ce sont des organisations terroristes, menace de classer le «Mouvement du 6 avril» parmi les groupes terroristes, accuse les «Socialistes Révolutionnaires» de conspirer avec des forces étrangères pour semer le chaos dans les rues égyptiennes, discute d’interdire les syndicats indépendants et interdit la grève aux employés de l’État…

    La répression est telle qu’il semble ne plus que lui rester à dissoudre le peuple ou à l’interdire… En même temps, il libère, amnistie et réintroduit dans le système ceux que la révolution avait renversé, à commencer par Moubarak, sa famille et les membres de son parti, le PND (Parti national démocratique), policiers et militaires violents, hommes d’affaires corrompus, qui envahissent à nouveau les coulisses du pouvoir.

    Ainsi, bien des militants démocrates révolutionnaires réprimés, persécutés, emprisonnés, parfois tués sont le plus souvent découragés. Le paysage politique pour eux s’en trouve fortement déprimé, borné à la bipolarité des deux impasses que sont l’État militaire et les Frères Musulmans. Bref, pour eux la révolution a échoué, n’étant plus qu’un lointain souvenir.

    Et ici, comme un lointain écho, certains se demandent si la révolution a été bien utile et même parfois s’il y a eu une vraie révolution, retrouvant alors parfois le même fond plus ou moins conscient de préjugés paternalistes qui leur avait fait regarder les soulèvements des peuples arabes avec beaucoup de distance et peu d’espoir en leur avenir.

    Des luttes sociales nombreuses malgré les obstacles

    Pourtant, ce qui est frappant aujourd’hui,c’est que les luttes sociales continuent et ne fléchissent pas. Soulignons-le: malgré la censure qui frappe les organes de presse, malgré le peu d’intérêt que la majeure partie d’entre eux porte aux luttes sociales, les luttes ouvrières sont visibles et continuent malgré la répression quotidienne où tout individu qui s’oppose au régime est classé islamiste, c’est-à-dire pour le régime, terroriste, et donc peut-être licencié, arrêté, emprisonné, torturé voire tué dans l’arbitraire le plus total.

    Tout récemment, la Haute Cour Administrative a ainsi décidé que la grève d’un fonctionnaire devenait un crime, exposant chaque employé de l’État qui a fait grève ces dernières années à des poursuites. Elles peuvent aller de la simple absence de promotion au licenciement mais aussi à la prison. Par exemple, un militant vient d’être condamné à 6 mois de prison ferme pour n’être que simple porteur d’un tract relatant la grève de salariés réclamant leur salaire; ou encore quatre militants ouvriers de l’aciérie d’Helwan – actuellement en grève la faim – car ils sont «déplacés» sur un autre site au motif qu’ils ont animé une grève en 2011 ; cela à l’instar de comme beaucoup d’autres ouvriers ou militants dans ce cas. On parle parfois de 15’000 travailleurs «démissionnés» depuis 2011 pour fait de grève ou de résistance au patron.

    Il faut encore souligner que les luttes continuent bien que les organisations de gauche et nassériennes aient fait appel à Sissi contre la seconde révolution de juin 2013, aient soutenu le régime de longs mois ou le soutiennent encore pour certaines d’entre elles.

    Et puis, elles continuent aussi malgré le fait que la principale confédération syndicale du pays (ETUF) est plus une organisation policière au service du régime qu’un véritable syndicat. Ainsi, pour le premier mai 2015, l’ETUF a appelé à «finir les grèves et augmenter la production et le travail». Enfin, ces grèves continuent bien que les deux principales confédérations syndicales indépendantes nées de la révolution de 2011 (aujourd’hui il y en a 6), EFITU et EDLC, soutiennent le pouvoir, aient fait la campagne électorale de Sissi, aient donné à son gouvernement son premier ministre du travail et aient renouvelé en 2013 comme en 2014, les appels à cesser les grèves et à produire avant tout.

    Des grèves économiques dans tous les secteurs, mais aussi souvent politiques

    La Tunisie post-révolutionnaire connaît chaque année un nombre croissant de grèves. Ce n’est pas le cas en Égypte. Mais cela parce que l’année 2013, lorsque Morsi était au pouvoir, a connu à l’échelle de l’histoire et du monde des chiffres jamais atteints. A côté, la révolution russe paraît un long fleuve tranquille. Ce qui fait que les comparaisons doivent être faites à cette mesure.

    Au premier trimestre 2015, étaient recensées 393 grèves ou manifestations ouvrières contre 1420 durant la même période en 2014. Mais la comparaison souffre du fait que le premier trimestre 2014 a été lui aussi exceptionnel de ce point de vue, faisant même chuter le gouvernement de Sissi de l’époque. En fait le nombre de grèves des autres trimestres de 2014 a été du même niveau que celui de ce début d’année 2015, un niveau élevé, tout spécialement dans une dictature qui interdit les grèves.

    Pour ne parler que des dernières grèves parmi les plus importantes, il y a eu en mars des grèves des 600 salariés de la Compagnie des ciments de Suez et de quatre autres usines du groupe (filiale d’ItalCiment), des ouvriers des aciéries de Suez, de ceux l’aciérie d’Helwan près du Caire, des 1000 ouvriers d’un des principaux ports, Ain Sokhna, d’une partie des boulangers d’Alexandrie, des instituteurs…  En avril, des 3000 ouvriers des Ciments de Tourah (qui durera un mois et demi), des Huiles et Savon de Suez, de la distribution des journaux, de la distribution chez Metro Market, des 3000 salariés de la Compagnie du gaz (trois semaines), des 1700 salariés de la Société Égyptienne Immobilière (au moins une semaine), des 1700 salariés de la Compagnie de construction et des 4000 salariés de la compagnie Beheira à Giza, des ouvriers et employés de l’université américaine du Caire, (soutenus par les étudiants), des étudiants de l’Institut de technologie d’Ismaïlia… Il y a aura aussi la démission collective de 224 pilotes d’Air Égypte début mai, l’annonce d’une grève des journalistes en juin…

    Les revendications de ces grèves sont multiples, mais tournent le plus souvent pour ce qui est des revendications économiques autour des conditions de travail, des salaires et de la participation aux bénéfices.

    Ce qui est marquant, c’est que le gouvernement a beau intensifier la répression et multiplier les lois répressives, «personne ne respecte la loi» comme le faisait remarquer un gréviste. Depuis mars 2011, chaque gouvernement a ainsi limité ou interdit grèves et manifestations, multipliant les lois dans ce sens et pourtant les grèves et manifestations ont continué, même dans les prisons, avec les grèves de la faim.

    Le «Mouvement du 6 avril est dissous», mais il tient des conférences de presse publique ; les «Ultras» sont décrétées terroristes, mais la blogosphère des supporters défie au quotidien les autorités, affirmant haut et fort que le mouvement «Ultra» est un mouvement d’idées et qu’il n’a pas besoin de gilet pare-balles; les grèves sont quasi interdites, mais il y en a 5 importantes par jour.

    Un des exemples les plus visibles de cet état de fait a été, fin janvier 2015, ce qu’on a appelé «La république de Matariya». Pendant plusieurs jours, les habitants de ce quartier très populaire du Caire se sont insurgés, chassant les policiers du quartier, brûlant leurs véhicules, réussissant à établir, malgré une violence inouïe de la répression, une zone où la police ne faisait plus la loi. Et tout cela n’a rien à voir avec les Frères Musulmans, même si la presse aux ordres dénonce chaque protestation, de quelque nature qu’elle soit, comme le fait des islamistes.

    Cette situation fait que les revendications économiques sont toujours très proches des exigences politiques qui portent, elles, bien sûr, sur la dénonciation de la répression, mais aussi sur la corruption des dirigeants, l’exigence de leur limogeage et la renationalisation des entreprises récemment privatisées comme tout récemment encore à Tanta Lin, aux ciments de Tourah ou dans l’usine textile géante de Mahalla El Koubra.

    On retrouve là ce qui a fait le fond des revendications ouvrières pendant les révolutions de janvier 2011 et juin 2013 ou encore lorsque le gouvernement Beblawi a été renversé en février 2014, à savoir que la révolution ne voulait pas tant la chute de Moubarak que la chute de tous les petits Moubarak à tous les échelons de l’économie et de l’appareil d’État pour une mise des ressources économiques sous le contrôle du peuple. Bref, le programme embryonnaire d’une révolution sociale.

    Or ce courant qui a joué un rôle majeur dans la révolution n’a jamais eu d’expression politique sauf en mars-avril 2014 lorsque la grève des médecins pour une santé pour tous a cherché à s’associer aux ouvriers en lutte contre les privatisations en réalisant tout à la fois pour la première fois dans l’histoire de la révolution égyptienne, des coordinations interprofessionnelles sous contrôle des grévistes eux-mêmes et, en même temps, un programme populaire et révolutionnaire regroupant les principales revendications du peuple égyptien.

    C’est cette émergence si dangereuse pour les notables qui a décidé Sissi à se présenter aux présidentielles pour couper cours à cette évolution avec d’abord une posture démagogique nassérienne pour ensuite déclencher une répression féroce à la hauteur de la peur des possédants, les deux durant toujours. On le voit aux hésitations permanentes du pouvoir entre le talon de fer de la répression la plus féroce et les déclarations les plus rassurantes stigmatisant ses propres ministres pour calmer la montée des colères alors qu’il est clair aux yeux de tous qu’il est incapable de régler les problèmes économiques du pays.

    Les grèves n’ont jamais cessé depuis 2006

    Par facilité de pensée, on admet trop souvent que la révolution a donné naissance au mouvement des grèves.

    Or si c’est en partie vrai – on l’a vu avec l’explosion des syndicats indépendants après janvier 2011, on a vu aussi que ces nouvelles confédérations indépendantes se sont rapidement opposées aux grèves – c’est globalement faux. Il y a eu seulement une accélération d’un processus commencé avant, et qui continue aujourd’hui à ce niveau porté plus haut.

    Il vaudrait donc mieux dire que les révolutions de 2011 comme de 2013 n’ont pas déclenché ce processus, mais l’ont révélé, en ont démontré la force alors que ce mouvement existait bien avant; en fait depuis 2006.

    Sous Moubarak, en 2006-2007, malgré sa dictature, on comptait en effet déjà une grève par jour. Ce qui était exceptionnel et n’était pas arrivé depuis…1951. Et aujourd’hui, en ce début 2015, nous en sommes à 4 ou 5 grèves importantes par jour.

    En raisonnant ainsi, on voit que la chute de Moubarak devient un épisode d’une phase plus longue et non pas son principe explicatif. Cette chute a en effet été trop souvent perçue, quoi qu’on en ait dit, comme un «début», un point de départ et en même temps, un aboutissement. Comme si le renversement de Moubarak devenait le point d’orgue de la révolution et résumait, concentrait, expliquait mais aussi clôturait toute «la» révolution.

    Bien sûr, des observateurs ont signalé, avec le rôle important des luttes ouvrières dans le renversement de Moubarak, que cette période de luttes s’était ouverte bien avant, à partir de 2004-2005, avec une montée significative de 2006 à 2009. D’autres, ou les mêmes, ont indiqué que la révolution devait se penser sur une durée longue car le régime actuel ne pourrait pas satisfaire aux problèmes économiques et sociaux à l’origine de la poussée révolutionnaire et qu’il y serait à nouveau confronté un jour ou l’autre. Enfin, certains voyaient bien que la chute de Moubarak, lâché par l’armée, n’était qu’un moyen de faire semblant de satisfaire aux exigences révolutionnaires prolétariennes tout en sauvant l’essentiel. Enfin, lié à cela, quelques-uns notifiaient que le renversement de Moubarak n’était pas l’objectif de cette révolution pour le «pain,la justice sociale et la liberté» mais cherchait dans cet objectif le renversement de tous les petits Moubarak à tous les niveaux de l’économie, de la propriété ou de l’État.

    Le problème est qu’aucune organisation politique, aucun courant intellectuel ne s’est réellement fait l’expression de cette révolution sociale qui se cherchait sous la révolution démocratique.

    Et même parmi ceux qui avaient remarqué le phénomène, aucun ne s’est avéré capable de définir ou même de chercher une politique ouvrière et socialiste indépendante – à part dans le très court espace de mars et avril 2014 – qui aurait permis l’expression des aspirations de cette révolution ouvrière.

    Des luttes ouvrières qu’il faut penser à l’échelle mondiale

    Si l’on prend au sérieux les grèves actuelles, qu’on les voit comme la continuité de celles de 2006, ça signifie que les luttes ouvrières actuelles ne sont pas le résidu, la fin ou la queue d’une comète révolutionnaire en train de s’éteindre, mais l’expression profonde de cette révolution qui continue à se chercher sans toujours pour le moment trouver d’expression politique.

    Et si on raisonne ainsi, c’est-à-dire qu’on lie la révolution sociale invisible en cours et en recherche d’elle-même, il faut la relier aux questions économiques qu’a rendues très visibles le «gouvernement des millionnaires» de 2004-2005 par son énorme vague de privatisation et de libéralisation. Bref, cela veut dire qu’on lie cette révolution sociale non pas simplement à un phénomène égyptien, voire arabe, ou lié au chômage, ou à tel ou tel ou tel autre problème social local, mais à la vague de libéralisme intervenue depuis les années 1990 dans la sphère économique mondiale sous l’impulsion de la crise économique planétaire et au signal du gouvernement Reagan en 1985.

    Cela signifie qu’on n’a pas affaire en Égypte à un mouvement de lutte contre un régime dépassé, archaïque, isolé, mais à un mouvement de luttes qui cherche à mettre un cran d’arrêt à la vague mondiale de libéralisme devant laquelle les travailleurs égyptiens – et bien d’autres – ont d’abord baissé la tête durant les années 1990 et au début des années 2000.

    Soyons clairs, ces luttes en Égypte ne gagnent pas tout le temps, loin de là. Mais elles gagnent suffisamment – il y a eu par exemple un quasi-doublement du Smic pour les fonctionnaires d’État, ou les salariés des ciments de Tourah en ce mois de mai ont obtenu presque tout ce qu’ils demandaient – mais, surtout, elles ne cessent pas. Ce qui fait que sans empêcher la vague libérale de continuer, ces grèves y mettent un sérieux frein et posent un problème aux capitalistes: les ouvriers ont cessé de subir et d’accepter.

    Il faut donc lier ce qui se passe en Égypte à ce qui se passe dans de nombreux pays émergents, de la Tunisie, ou dans le monde arabe bien sûr, mais aussi aux luttes du Bangladesh en passant par celles de Turquie, du Brésil ou de toute l’Afrique de l’Ouest aujourd’hui, mais surtout de la Chine, et constater qu’on a là le même mouvement.

    En Chine, en 2010, une vague de grèves a mis un point d’arrêt au libéralisme effréné, au recul sans fin, ouvrant à une période de hausse des salaires qui ne peut qu’avoir des conséquences mondiales. Aucun prolétariat, exploitable corps et âme, ne peut remplacer le prolétariat chinois étant donné l’ampleur numérique de ce dernier. La Chine de 2010 a ainsi mis un coup d’arrêt à la vague libérale initiée dans les années 1990.

    Or, c’est dans ce contexte que s’est faite la chute de Moubarak et à partir de là qu’il faut penser les événements du Burundi ou du reste de l’Afrique; c’est pour ça que le mouvement en Égypte continuera comme ailleurs et que sa solution se trouvera à l’échelle mondiale, au Moyen Orient, en Afrique, en Chine… ou ici, et que nous y sommes tous donc totalement impliqués.

    L’orientation qui en découle

    Plus que jamais nous devons raisonner à cette échelle et en internationalistes.

    Mais posons la question: qui aujourd’hui, ne pense pas la révolution en Égypte isolée, tout juste liée à la tunisienne et encore, et de là qu’elle est finie, que la contre-révolution a gagné, ou, en tout cas, qu’elle est sur une voie tellement déclinante qu’elle est moribonde?

    Et qui, dans ceux qui pensent quand même qu’on a affaire à un phénomène long et le liant au contexte international, ne se demandent cependant pas si cette analyse n’appartient pas seulement à l’éternel «optimisme révolutionnaire» de principe, à une espèce de décor théorique artificiel plaqué sur une réalité déprimante?

    Qui se dit, en poussant l’idée jusqu’au bout, que le plus probable pour comprendre ce qui se passe et définir une orientation, est qu’un nouveau cycle de luttes ouvrières a commencé dans l’ensemble des pays émergents, dont l’Égypte et le monde arabe ne sont qu’une des expressions, avec toutes les variations possible suivant la situation des pays et son entrée dans la vague libérale mondiale?

    L’épisode de la chute de Moubarak au mitan de ce cycle de luttes ouvrières n’est pas directement lié à lui, mais s’est produit lorsque la révolution sociale a croisé la révolution démocratique, réactivée brutalement elle-même par la chute de Ben Ali en Tunisie, alors qu’elle était moribonde à ce moment en Égypte. C’est l’impulsion tunisienne qui a réveillé le mouvement démocratique, mais c’est la révolution ouvrière en puissance qui a donné sa force et son énergie à ce courant démocratique, qui l’a poussé jusqu’à des positions révolutionnaires au-delà de ses habitudes et de ses dirigeants habituels, poussant la jeunesse devant, occupant les places , se faisant entendre à l’échelle internationale et lui a permis d’aller jusqu’au renversement de Moubarak et de Morsi. C’est cette révolution sociale qui a fait que l’armée a choisi de lâcher – momentanément – Moubarak, sacrifiant l’ombre pour la proie.

    Mais cette attitude de l’armée, s’appuyant sur la révolution démocratique pour maîtriser la révolution sociale, permettait à cette première de se mettre à la tête de la révolution social, rendant ainsi la seconde invisible à ses propres acteurs, en même temps que les secteurs les plus timorés de la Démocratie n’avaient cesse, eux, depuis 2011 de combattre la révolution sociale en cherchant en permanence l’alliance avec les forces réactionnaires, religieuses ou militaires et saper par là même les bases de la révolution démocratique.

    Toute l’histoire de ces quatre dernières années a été l’histoire des coups de boutoir pour pousser la révolution plus loin, des combats où la classe ouvrière a entraîné la jeunesse démocratique et en même temps l’histoire de leur trahison systématique par les secteurs dirigeants de la Démocratie et de la gauche politique et syndicale nassérienne et réformiste, s’alignant finalement soit derrière les militaires, soit derrière les Frères Musulmans.

    Les courants les plus avancés et courageux de cette révolution démocratique sont aujourd’hui au plus bas, ses militants emprisonnés, découragés Ses représentants les plus pusillanimes se sont eux alignés derrière Sissi en renonçant à tout ce quoi ils croyaient.

    Mais la révolution ouvrière, elle, continue, mais malheureusement toujours sans conscience politique visible non plus. C’est là où les révolutionnaires internationalistes d’Occident, dans une situation moins difficile, sans être en situation de vouloir ou pouvoir de loin une politique pour les classes populaires d’Égypte, pourraient tout au moins s’attacher à démêler les intérêts fondamentaux de la classe ouvrière de ceux des autres classes sociales dans ce pays et la région. Et, de la sorte, porter la réflexion et l’analyse à l’échelle des enjeux mondiaux en cours afin de ne pas abandonner cette révolution ouvrière et ses 27 millions de travailleurs et ouvrir de réelles perspectives y compris ici. (17 mai 2015)

    Publié par Alencontre1 le 17 - mai - 2015

    Par Jacques Chastaing

    http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-ce-que-la-persistance-des-greves-en-egypte-nous-dit-de-la-revolution.html

  • Egypte. «Protester est un droit». Le retour des protestations ouvrières? (A l'Encontre)

    Les ouvriers de Ciment Tora poursuivent leur sit-in commencé  le 29 mars

    Les ouvriers de Ciment Tora poursuivent leur sit-in commencé le 29 mars

    La fumée blanche qui s’échappe habituellement des longues cheminées de l’usine de Ciment Tora, donnant sur le Nil, a disparu. Si c’est une bonne nouvelle pour les habitants du quartier qui la considèrent comme une source de pollution, pour les ouvriers, c’est une autre histoire.

    La grogne et la détresse sont à leur comble parmi les quelque 1000 ouvriers qui poursuivent leur sit-in entamé depuis un mois, le 29 mars. Motif de la protestation: le refus de l’administration de l’entreprise, possédée à 65% par la multinationale italienne Italcementi, qui détient aussi Suez Ciment et Ciment Hélouan, de verser aux ouvriers leurs parts des profits annuels.

    Selon un accord conclu en 2006, en présence de représentants de l’Union des ouvriers d’Egypte [syndicat officiel] ainsi que de représentants du ministère de la Main-d’oeuvre et de celui de l’Investissement, les ouvriers ont droit à 25 mois de salaire de base comme prime de production.

    Mais cette année, l’usine a déclaré une perte de 14 millions de L.E. (1 CHF = 8,8 livres), et les ouvriers ont, ainsi, vu leurs primes réduites à 3 mois seulement. Une perte mal perçue par les ouvriers, alors que l’usine était jadis la première cimenterie du Moyen-Orient.

    Datant de 1927 et renfermant 9 fours, elle était une ruche de production de ciments de différents types et de très bonne qualité. Aujourd’hui, les lieux sont désertés et les machines ne tournent plus. Une dizaine de camions sont stationnés, tous vides. Un calme assourdissant règne, sauf autour de l’esplanade du four numéro 9, où les ouvriers mènent leur sit-in.

    Des dizaines de pancartes, sur lesquelles on peut lire «le jeu est fini», «les primes sont des lignes rouges» ou «changement de l’administration de l’usine», entourent les ouvriers. «Ce sit-in s’est transformé en grève obligatoire contre la volonté de certains ouvriers après la coupure de l’électricité du four par l’administration», s’insurge Mahmoud Al-Sahafi, membre du comité syndical de l’usine.

    Observant un sit-in, les ouvriers assurent ne pas chercher pour autant à bloquer les lignes de production. «Le 15e jour de la protestation, l’administration, en vue de briser le sit-in, a annoncé que tous les ouvriers de l’usine seraient désormais en congé pour deux semaines et que ce congé sera retiré de nos jours de repos», reprend Al-Sahafi, avant d’ajouter que «la décision de l’administration de couper l’électricité du four numéro 9 a provoqué des dégâts et des pertes quotidiennes évaluées à 2,5 millions de L.E.». Ce four était le seul qui fonctionnait dans toute l’usine qui en comptait 5, le jour de sa privatisation. Mais, les uns après les autres, les fours ont cessé de fonctionner.

    «Pourquoi notre usine fait-elle des pertes, alors que les autres usines du groupe ont réalisé cette année des bénéfices évalués à 818 millions de L.E.?», s’interroge Saïd Chaabane, membre du comité syndical.

    «Nous voulons travailler!», lance Ahmad Abdel-Ghani, un technicien de maintenance de 25 ans, qui a hérité la place de son père à l’usine, comme beaucoup de ses collègues.

    Ciment Tora «dans son droit»

    Se défendant, un haut responsable du groupe Ciment Tora a déclaré à Al-Ahram, sous couvert de l’anonymat que «l’entreprise n’a pas violé la loi, mais a donné aux travailleurs leur part juste des bénéfices annuels». Selon lui, Ciment Tora, n’ayant pas réalisé de bénéfices en 2014, n’a pas été en mesure de distribuer les 25 mois supplémentaires. Il impute cette perte aux «conditions difficiles de l’année dernière, à cause de la crise de l’énergie qui a eu un impact sur la production du ciment».

    Quant aux deux autres usines qui ont enregistré des gains, il précise que Ciment Tora a été plus fortement influencé, «car son four fonctionne au mazout, tandis que Ciment Hélouan et Suez Ciment fonctionnent au gaz. Cette situation a transformé les bénéfices nets, réalisés par l’usine de Tora en 2013 et évalués à 76 millions de L.E., en pertes qui s’élèvent à 14 millions de L.E. en 2014», poursuit-il.

    Quant au four numéro 9, l’administration aurait été obligée de le fermer, car le sit-in aurait empêché sa surveillance, mettant en danger les ouvriers qui s’en occupaient. Les autres fours avaient été précédemment fermés sur ordonnance du ministère de l’Environnement, en raison de leur proximité avec des zones urbaines. Selon ce même responsable de l’usine, «les négociations sont toujours en cours avec le comité syndical pour arriver à un terrain d’entente».

    Retour des protestations

    Alors que les slogans chantant et flattant la classe ouvrière animent les médias ces jours-ci, à l’occasion de la Fête du travail, ce 1er mai est synonyme, pour beaucoup d’ouvriers, de droits perdus.

    Les protestations ouvrières sont-elles de retour, après une relative accalmie? «Elles n’ont jamais cessé, mais elles ont témoigné d’une certaine baisse après le 30 juin, avant de répartir ces jours-ci», dit Fatma Ramadan, militante ouvrière.

    Deux raisons, selon elle, ont été à la base de ce recul des protestations: «Les ouvriers avaient arrêté pour ne pas être assimilés aux protestations des Frères musulmans. Ils espéraient aussi un changement de politique et plus de droits économiques et sociaux. Mais cela n’a pas été le cas.»

    Selon le centre Mahrousa pour le développement socio-économique, le 1er trimestre de 2015 a enregistré une claire diminution des protestations ouvrières: 393 protestations ouvrières, contre 1420 l’année précédente. Selon le même rapport, la réduction des protestations serait due «aux initiatives du gouvernement et aux modifications juridiques».

    Un avis qui est loin de faire l’unanimité. Pour Omayma Kamel, spécialiste des droits ouvriers, le statut des ouvriers ne s’est pas amélioré, notamment après une série de modifications législatives donnant aux dirigeants davantage de liberté quant à la gestion de leurs ressources humaines.

    «L’annulation du taux de 50% de représentation ouvrière au parlement, qui était un acquis depuis la Constitution de 1952, est un droit perdu», reprend Omayma Kamel.

    Pour la militante Fatma Ramadan, les ouvriers seront désormais exclus des calculs des partis politiques, quelles que soient leurs tendances. «On pourrait ne pas avoir de représentation réelle des ouvriers à l’assemblée et même n’avoir personne qui s’intéresse vraiment à leur cause.»

    Par ailleurs, comme l’indique Omayma Kamel, la nouvelle loi sur l’investissement exempte les investisseurs du versement de 10% des bénéfices aux ouvriers, tel que stipulé par la Constitution. «Le motif de la grande majorité des protestations est de réclamer les bénéfices jamais versés par les dirigeants. Cette modification de la loi va aggraver la situation et pourrait créer davantage de protestations.»

    D’autres lois, comme celle du service civil et le projet du nouveau code du travail ne manquent pas aussi de soulever les critiques. «Les considérations économiques et sociales des ouvriers ne sont pas incluses dans les politiques économiques du gouvernement», reprend Omayma Kamel.

    Pas de salaire minimum

    «Le droit au salaire minimum» est une autre revendication qui ne cesse d’agiter la classe ouvrière du secteur privé. Le salaire minimum, fixé à 1200 L.E. en septembre 2013, ne profite qu’aux 6 millions d’employés de la fonction publique et n’a guère inclus le secteur privé, qui compte le plus grand nombre d’ouvriers en Egypte, estimé à 20 millions.

    Le Conseil national des salaires, sous la pression des hommes d’affaires, n’a pas réussi à parvenir à une formule de consensus, comme l’explique Fatma Ramadan, pour déterminer un montant minimum, malgré la recommandation du Conseil d’Etat exigeant au gouvernement de généraliser le salaire minimum pour toucher le secteur privé.

    Par ailleurs, le nombre d’ouvriers au chômage augmente d’un jour à l’autre. Le comité formé par le gouvernement il y a plus d’un an et ayant comme objectif de régler la question des travailleurs licenciés reste inactif. «Même les ouvriers qui obtiennent un verdict en leur faveur, c’est-à-dire annulant leur licenciement, restent au chômage» reprend Omayma Kamel.

    Résultat de ces mesures et lois: l’Egypte est désormais sur la liste noire de l’Organisation internationale du travail. Pour Mohamad Abdine, fondateur de la campagne «Vers une loi juste du travail», l’Egypte pourrait conserver sa place sur cette liste encore longtemps.

    Pas de liberté syndicale

    Depuis des années, la liberté syndicale fait défaut en Egypte. La création de syndicats indépendants a été autorisée en mars 2011, juste après la chute de Moubarak. Mais une déconnexion est évidente entre ces syndicats indépendants, encore non officiels, et l’Union générale des ouvriers et ses syndicats, créés et parrainés par l’Etat. Chacun se méfie de l’autre. «Le retard de la loi complique davantage le paysage syndical. Un grand nombre d’ouvriers a, en effet, été mis à la porte à cause de leurs activités syndicales», dit Fatma Ramadan. Elle ajoute que cette structure syndicale étatique n’a soutenu les ouvriers ni dans leurs litiges avec le gouvernement, ni avec leurs entreprises. En revanche, le conseiller médiatique de l’Union générale des ouvriers, Mohamad Ramadan, assure que la plupart des négociations menées par l’Union ont été un succès. Il avance l’exemple des chauffeurs de taxi.

    Car deux visions s’opposent toujours: pour Fatma, la militante, «protester est un droit», pour Mohamad, il faut «négocier mais pour l’intérêt du pays»

    Les manifestations en 2015

    Le Centre Mahroussa pour le développement socio-économique a recensé 393 manifestations ouvrières au cours du 1er trimestre 2015. 124 manifestations ont été menées par les ouvriers des usines et entreprises. Viennent ensuite les enseignants qui ont organisé 39 manifestations, et le secteur médical 35, le secteur du transport 30, et 18 manifestations par la main-d’œuvre non officielle. Le secteur du commerce et de l’économie a enregistré 17 manifestations. Quant aux secteurs du textile et agricole, ils ont mené 13 manifestations. Dans le domaine de la sécurité, des médias et des journalistes, on compte 11 manifestations. Six dans le secteur minier et 5 au total pour les avocats, le secteur du tourisme et des antiquités. Le secteur culturel a enregistré 4 manifestations, et 3 ont été menées à la fois par le secteur de l’aviation et les handicapés. Et enfin, les pharmaciens ont manifesté 2 fois au cours du premier trimestre 2015. (Publié par Al-Ahram Hebdo, 5 mai 2015; trois militants d’Egypte seront présents lors du Forum international qui se tiendra à Lausanne du 20 au 22 mai; ils interviendront le vendredi 22 mai, à 14h30, dans le bâtiment Amphipôle de l’Université, arrêt Unil-Sorge du métro.)

  • La réforme agraire au coeur des affrontements (Orient 21)

    Egypte. Vallee du Nil. Sechage de dattes, palmeraie au sud du Caire.jpg

    Luttes de classe dans un village égyptien

    L’histoire du village de Qoutat Qaroun est à l’image de la paysannerie égyptienne, celle d’un conflit permanent entre de gros propriétaires terriens insatiables et proches des cercles de décision politique, et des paysans qui doivent leur survie à des baux de fermage rendus caducs par de nouvelles lois. La liquidation de la réforme agraire nassérienne et la révolution de janvier-février 2011 ont aggravé les conflits.

    Le village de Qoutat Qaroun se trouve dans la région du Fayoum, à 130 kilomètres environ des fameuses pyramides de Gizeh, soit deux heures en voiture. Contrairement aux images des cartes postales, cette immense oasis à l’ouest du Nil, rendue célèbre par son lac féérique de Qaroun, sa pêche au canard et son hôtel de l’Auberge construit en 1937 avant la seconde guerre mondiale, est l’une des régions les plus pauvres d’Égypte.

    Les 5 000 habitants du village de Qoutat Qaroun ne reçoivent l’eau potable que deux fois par semaine. Certes, on y trouve deux écoles primaires et deux collèges. L’électricité y est aussi raccordée, ce qui permet aux habitants de regarder la télévision et les chaînes satellites. Mais le lycée le plus proche se trouve à trente kilomètres et les villageois doivent parcourir dix kilomètres supplémentaires pour accéder aux soins de base à l’hôpital central situé dans la ville d’Ebshoway.

    Réminiscences féodales

    Le tribunal local a récemment prononcé, en un seul mois, près de vingt condamnations en première instance à l’encontre de huit fellahs pauvres accusés d’avoir volé les récoltes des terres qu’ils cultivaient. Les plaintes ont été déposées par la famille Wali, au long passé féodal et très influente dans l’appareil d’État. Près de 65 familles ont ainsi été obligées de renoncer à 150 hectares de terre cultivable du village (environ 3 hectares par famille), que ces paysans pauvres avaient pu acquérir et exploiter en 1966 grâce à l’une des dernières mesures de la réforme agraire du temps de Gamal Abdel Nasser, sans pour autant disposer des titres de propriété officiels.

    Dans un pays comme l’Égypte, l’histoire de l’acquisition par des familles féodales de vastes étendues de terres cultivables renvoie d’emblée au type de relation avec le pouvoir et le gouvernant. C’est ainsi que le conflit autour de la terre entre les paysans et la famille Wali à Qoutat Qaroun est entré dans sa nouvelle phase néolibérale, avec le vote de la loi numéro 96 en 1992 qui a libéré les baux ruraux et les a soumis au marché, aux règles de l’offre et de la demande. Le montant du bail d’un hectare de terre cultivable a été multiplié par 27 en 18 ans depuis la mise en application de cette loi en 1997. Du fait de ces politiques, près de 900 000 paysans pauvres en Égypte (31 % des paysans de l’époque, selon les statistiques officielles du ministère de l’agriculture) ont été expulsés de terres dont ils avaient toujours disposé en fermage, et contraints d’émigrer ou de travailler comme journaliers agricoles ou dans le bâtiment. Des mesures préjudiciables économiquement et socialement pour près de 5,3 millions de personnes.

    Mais dans le Fayoum, Qoutat Qaroun et les villages environnants sont affectés par un drame particulier, qui tient au fait que la famille féodale évoquée plus haut compte parmi ses membres Youssef Wali. Il était vice-premier ministre, ministre de l’agriculture, secrétaire général du parti au pouvoir (le Parti national démocratique), et député au Parlement au moment où la loi a été votée et mise en application. Autrement dit, dans son conflit avec les fellahs, Youssef Wali a utilisé sa position au sein du gouvernement, du Parlement et du parti pour faire voter une loi qui lui est profitable ainsi qu’à ses proches. La spécificité réside dans le fait que cette famille puissante a réussi à faire expulser, outre des familles du village de Qoutat Qaroun, des familles paysannes d’autres villages, avec lesquelles la famille Wali n’avait pas de bail de fermage et dont les terres n’avaient pas fait l’objet de mesure judiciaire.

    L’expropriation et l’expulsion des fellahs démunis a été possible avec la mise en application de la loi 92 de 1996, et grâce à des opérations de police qui ont touché des centaines de villages égyptiens à travers l’Égypte. Selon un rapport du centre Terre en Égypte, il y aurait eu 334 paysans tués entre 1997 et 2003, dont une centaine la première année. Selon les témoignages recueillis à Qoutat Qaroun, les opérations de police se sont multipliées en 1997, des arrestations ont eu lieu au centre de police à Ebshoway, et les détenus ont été torturés individuellement au moyen d’électrochocs. Ils ont également subi des tortures collectives, telle celle qui consiste à faire circuler le courant électrique au sol de la cellule après l’avoir inondé d’eau. À son retour à son domicile, Ismaël Khalil, l’un des prisonniers, est mort des suites de ce type de torture.

    Avec la révolution, l’occupation des terres

    La révolution du 25 janvier a changé la donne dans le village de Qoutat Qaroun. Dès que les paysans ont vu sur les chaînes satellite l’effondrement de l’appareil policier le 28 janvier et la démission de Hosni Moubarak lui-même le 11 février, ils ont repris la terre. En 2012, les petits propriétaires ont constitué leur propre syndicat indépendant dans le village, après une longue période de privation du droit de se constituer en syndicat. C’est ainsi qu’à la suite d’un décret émis en mars 2011 par le ministère de la main-d’œuvre, près de 350 syndicats se sont constitués, même s’ils ne se sont pas regroupés en une union syndicale.

    Les 65 paysans et leurs familles, qui disposent de petites propriétés à Qoutat Qaroun, ont ainsi trouvé, dans le conflit qui les oppose à la famille Wali, un cadre collectif qui les représente auprès des autorités. Le rôle du syndicat s’est confirmé lorsque la famille Wali a repris son souffle et s’est remise à monter les forces de l’ordre contre les fellahs, en les accusant de vols et de destructions de leurs propres récoltes. Les syndicats ont alors organisé des sit-in devant le bureau du procureur général. Durant la présidence de Mohamed Morsi, ils ont également agi pour obtenir à des taux préférentiels des engrais qui ont été redistribués aux paysans. De même qu’ils se sont engagés dans une tentative de commercialisation collective des récoltes d’olives et de poires en 2012.

    C’est aussi au cours de cette période que Mohammad Juneidi a été emprisonné pendant un mois, au début de l’année 2013, au motif qu’il aurait volé la récolte de la terre qu’il cultivait. À ce propos, il convient de rappeler que les Frères musulmans étaient opposés aux lois de réforme agraire depuis les années 1950, mais se sont montrés plus souples vis-à-vis de celles concernant les baux ruraux au début des années 1990.

    Un chapitre d’histoire sociale

    Mais les choses se sont compliquées pour les paysans après le 3 juillet 2013 et la chute du président Morsi. À Qoutat Qaroun, la famille Wali est revenue à l’attaque, en même temps que les anciens apparatchiks et fonctionnaires du régime de Moubarak qui n’hésitent pas à abuser de leur pouvoir contre les citoyens en prétextant la préservation du prestige de l’État, la lutte contre le terrorisme ou encore la poursuite des Frères musulmans. La famille Wali a incité les autorités à la haine des paysans, allant jusqu’à les accuser d’avoir participé au sit-in de Rabaa au Caire et d’être des sympathisants des Frères musulmans. Ces pressions ont fini par payer et des fellahs ont renoncé aux baux de fermage. Ahmad Mohammad Issa, quant à lui, a été emprisonné en mars dernier, accusé de vol de récolte.

    Telle que dépeinte plus haut, la multiplication des peines d’emprisonnement subies par les paysans de Qoutat Qaroun est sans nul doute le résultat de discriminations en hausse de la part de l’administration publique et de fausses accusations portées contre eux. Mais les événements actuels ne sont qu’un chapitre, parmi d’autres, d’une histoire sociale conflictuelle étendue à l’ensemble du monde rural égyptien. Ce conflit est affecté de fait par la manière dont évolue la situation au sommet de l’État au Caire, même si les médias et les journaux de la capitale n’y prêtent pas grande attention.

    Karem Yehia 30 avril 2015
     
  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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  • Emprisonné depuis 600 jours pour avoir pris des photos (Amnesty)

    Un témoignage poignant envoyé depuis une cellule de la prison de Tora, en Égypte

    Mahmoud Abu Zied, alias Shawkan, un reporter photographe égyptien âgé de 27 ans, croupit actuellement dans une petite cellule de la tristement célèbre prison de Tora. Son crime : il a pris des photos de la dispersion violente du sit-in de la place Rabaa al Adawiya en août 2013. Il fait partie des dizaines de journalistes égyptiens arrêtés depuis que le président Mohamed Morsi a été chassé du pouvoir, le 3 juillet 2013. Six journalistes ont été tués depuis.

    Nous publions ci-dessous une lettre poignante envoyée par Mahmoud Abu Zied depuis sa cellule.

    « Ma vie a été bouleversée à jamais le matin du mercredi 14 août 2013. Je prenais des photos des gens qui manifestaient dans les rues du Caire lorsque la police est arrivée et a bouclé le quartier. Des milliers de gens ont été arrêtés sur le champ – pas seulement des partisans de Morsi, mais aussi des dizaines de personnes qui se sont trouvées au mauvais endroit au mauvais moment.

    « C'était comme dans un film américain. Comme si nous étions en guerre. Les balles, le gaz lacrymogène, le feu, les policiers, les soldats et les chars partout... J'ai vu les policiers armés prendre le contrôle de la place. Après m'être identifié comme reporter photographe auprès de la police, j'ai été arrêté en compagnie d'un collègue français indépendant, Louis Jammes, et du journaliste américain Mike Giglio.

    « Les mokhbers [policiers subalternes en civil] nous ont attaché les mains dans le dos avec une courroie en plastique comme on en utilise dans les guerres. J'ai été frappé par deux hommes à coups de poing et de ceinture – ma propre ceinture. Ils ont volé mon appareil photo, mon téléphone portable, ma montre et tout ce que j'avais sur moi. Puis ils nous ont fait monter avec plusieurs manifestants dans une voiture et nous ont emmenés au stade du Caire.

    « J’ai pensé que j’allais mourir »

    « Notre groupe s'est alors retrouvé scindé. Jammes et Giglio ont été remis en liberté au bout de deux heures. Moi et les autres avons été maintenus au stade du Caire le reste de la journée, avant d'être transférés dans un poste de police. J'avais toujours les mains attachées dans le dos, avec les poignets en sang parce que le lien en plastique était très serré. J'ai encore les cicatrices.

    « Au poste de police, on a continué à me traiter comme si j'étais un criminel.

    « On m'a mis dans une cellule minuscule avec 39 autres détenus. Il faisait très chaud et nous étions 40 à l'intérieur. Il n'y avait pas de place pour s'assoir et on ne pouvait pas respirer. Il n'y avait pas d'aération. On ne m'a rien donné à manger ou à boire pendant les trois jours où j'ai été détenu là.  

    « Les policiers parlaient entre eux de la meilleure façon de nous frapper et de nous torturer, pour nous faire le plus mal possible. J'ai eu très peur, et j'ai pensé que j'allais mourir. Ils venaient toutes les heures et ils continuaient à me frapper, avec toutes sortes d'objets. Ce sont les jours les plus épouvantables de ma vie. Je sens de nouveau la douleur rien que d'y penser.

    « J'ai été frappé par cinq policiers en même temps, à coups de ceinture et de poing. Ils m'ont asséné des coups de pied avec leurs bottes. Je suis tombé par terre, mais ils ne se sont pas arrêtés. J'ai essayé de fermer les yeux, mais j'ai reçu des coups de boucle de ceinture à cet endroit. Je me suis retrouvé presque complètement aveuglé, je ne voyais plus la lumière. Tout était sombre.

    « Je n'ai reçu aucun traitement médical pour soigner mes blessures. Juste des coups.

    Transfert à la prison d'Abu Zabal : « Nous ne pouvions pas respirer »

    « Après trois jours interminables au poste, les policiers nous ont entassés dans un petit fourgon bleu foncé. Nous étions menottés deux par deux, tout serrés à l'arrière du fourgon. Il était déjà plein quand est venu mon tour de monter.

    « Les choses ont empiré quand nous sommes arrivés dans la cour devant la prison. Les policiers ont verrouillé la porte et nous ont abandonnés là pendant sept heures, dans la chaleur étouffante en plein soleil, sans eau, sans nourriture, sans air.

    « À l'intérieur du fourgon, dans la chaleur torride du milieu de journée, les prisonniers étaient à bout de force. Beaucoup déliraient. Certains laissaient aux autres des messages à transmettre à leur famille au cas où ils mourraient. Il y avait une quinzaine de camions qui attendaient devant la prison, et cela prenait du temps de les vider l'un après l'autre. Nous étions dans le troisième fourgon. Nous ne pouvions pas respirer, avec cette température très élevée et le manque d'aération dans le camion. Nous attendions tous la mort. Avec ce que l'on me faisait subir, j'avais l'impression d'avoir été enlevé, et non pas arrêté.

    « Trente-sept prisonniers sont morts dans le fourgon qui se trouvait derrière la nôtre.

    J'ai entendu les cris des gens à l'intérieur lorsque la police a tiré des gaz lacrymogènes dans le véhicule, et j'ai vu l'expression des visages qui m'entouraient, dans le fourgon où j'étais. Nous étions totalement désemparés pour la plupart, complètement impuissants. Nous étions affalés par terre, en train de chercher de l'air. J'entendais les prisonniers autour de moi qui priaient, ils suffoquaient, et je me suis dit que j'étais en train de mourir. Après sept heures de torture, les policiers ont ouvert la porte en fer pour que nous accédions à la prison. J'ai été transféré à la prison de Tora quatre mois plus tard. Je suis en détention provisoire depuis 600 jours, simplement parce que j'ai pris des photos.

    « Notre dignité est restée à la porte de la prison »

    « La prison de Tora, c'est comme un cimetière. Je dors sur le sol, un carrelage glacé. Mes affaires sont suspendues à un clou au mur, au-dessus de mon matelas tout fin. Il y a une minuscule « cuisine » où nous préparons nos repas. Nous avons une unique plaque électrique, qui nous sert aussi à nous chauffer pendant les mois d'hiver. La « cuisine » jouxte les latrines, un simple trou dans le sol en béton. Une couverture est suspendue entre les deux coins, pour créer un semblant d'intimité. Notre dignité est restée à la porte de la prison.

    « Je partage avec 12 prisonniers politiques une cellule qui mesure trois mètres sur quatre. Nous restons parfois plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans voir le soleil ni respirer l'air du dehors.

    « Ma détention a été renouvelée sans interruption depuis que j'ai été arrêté, il y a 600 jours. Je n'ai été inculpé d’aucune infraction. On m'a jeté en prison sans qu'aucune enquête n'ait été menée sur les soi-disant charges que l'on me reproche.

    « Je suis un reporter photographe, pas un criminel. Psychologiquement, c'est insupportable d'être en détention illimitée. Même un animal ne survivrait pas dans ces conditions. »

    Amnesty International fait campagne pour obtenir la remise en liberté immédiate et sans condition de Mahmoud Abu Zied, qui est un prisonnier d'opinion détenu uniquement en raison de ses activités de journaliste.

    Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International @HassibaHS.

    Pour en savoir plus

    Égypte. Un photojournaliste égyptien interrogé (document, 27 février 2015)

    https://www.amnesty.org/fr/documents/MDE12/0110/2015/fr/

    https://www.amnesty.org/fr/articles/blogs/2015/04/600-days-in-jail-for-taking-pictures/

    Égypte. Un photojournaliste détenu depuis un an sans inculpation (document, 29 septembre 2014)

    https://www.amnesty.org/fr/documents/MDE12/052/2014/fr/

  • Égypte : nouvelle condamnation d’un étudiant pour athéisme (Afriques en lutte)

    Un tribunal égyptien a condamné un étudiant à un an de prison pour avoir « dénigré » l’islam et « prôné » l’athéisme sur Facebook.

    Il avait été arrêté en octobre 2013, à la suite d’une plainte du directeur de son université.

    Le tribunal correctionnel de la ville d’Ismaïlia, située au nord-est de l’Egypte, a rendu son verdict. L’étudiant en lettres, arrêté il y a plus d’un an à la suite d’une plainte de son chef d’établissement, a été condamné à un an de prison pour avoir « dénigré l’islam » et « prôné » l’athéisme sur le réseau social Facebook. « Ses collègues s’étaient plaints au directeur de l’université de ses opinions et de son athéisme affiché […] c’est pourquoi la police l’a arrêté » confirme l’avocat Ahmed Abdel Nabi, qui suit l’affaire de près. Arrêté en octobre 2013, le jeune homme, âgé de 21 ans, avait été libéré sous caution le 3 décembre suivant. Il pourrait de nouveau être remis en liberté conditionnelle en attendant son procès en appel, s’il paye une caution fixée à 1000 livres (environ 115 euros).

    La loi égyptienne punit toute insulte ou manque de respect à l’égard des trois religions monothéistes que la Constitution du pays reconnaît et protège : l’islam, le christianisme et le judaïsme. L’athéisme est largement refusé par une société égyptienne conservatrice, et les autorités religieuses du pays, musulmanes comme chrétiennes, ont à plusieurs reprises insisté sur la nécessité de le combattre.

    Début janvier, un étudiant avait déjà été condamné à trois ans de prison pour avoir annoncé être athée sur son compte Facebook. Son procès en appel doit débuter le 9 mars.

    « Les verdicts prononcés contre des citoyens pour l’expression de leurs opinions en matière de religion consacrent les restrictions importantes imposées à la liberté d’expression en Egypte, » a estimé mercredi dans un communiqué l’Association pour la liberté de pensée et d’expression de M. Abdel Nabi.

    Source : AFP 26 février 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/egypte/article/egypte-nouvelle-condamnation-d-un