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Egypte - Page 9

  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

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  • Egypte. La propagande sécuritaire discréditée par l’affaire Moheb Doss (A l'Encontre.ch)

     
    Moheb Doss en 2014. A l'arrière-plan, on voit un tag «Libérez Boudy» avec un portrait de ce jeune révolutionnaire emprisonné. (Photo de Hany Hanna)

    Moheb Doss en 2014. A l’arrière-plan, on voit un tag «Libérez Boudy» avec un portrait de ce jeune révolutionnaire emprisonné.
    (Photo de Hany Hanna)

    La stratégie de répression du régime du maréchal Sissi repose sur la suspicion généralisée. La suspicion de sympathie avec les Frères musulmans est jetée indistinctement sur les opposants au régime, voire sur ses partisans critiques. Dans un Etat de droit, cette pratique ne résisterait pas à la présomption d’innocence. On ne croit une accusation que si elle est fondée. Mais l’Egypte est encore sous le choc de l’expérience des Frères musulmans au pouvoir et de leurs connivences affichées avec les terroristes islamistes. Les Egyptiens ont donc laissé l’armée prendre le pouvoir pour les protéger de toute possibilité de retour au pouvoir de la confrérie, voire d’un risque de guerre civile et de troubles internes comme ceux qui déchirent la Syrie ou la Libye. Seule armée du Moyen-Orient arabe encore forte, l’armée égyptienne est aux yeux de la population la garante de la stabilité du pays, voire de l’existence même de l’Etat égyptien. Les plus inquiets soupçonnaient en effet les Frères musulmans de vouloir le diluer dans une internationale islamiste et les Etats-Unis de travailler à sa division. Par principe, tout un pan de la population soutient son champion contre ses opposants. Peu importe que les accusations contre ces derniers ne soient pas étayées sur des preuves! Puisque le pouvoir affirme les avoir, comment ne pas lui faire confiance? La propagande répressive est rodée au point que tout opposant arrêté est présumé aux yeux d’une partie de l’opinion publique comme Frère musulman, sympathisant des Frères ou agent du complot américain consistant à instiller le poison islamiste dans la région.

    Utilisant cette stratégie en pilotage automatique et rendu nerveux par le 5e anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011 qu’il a tout fait pour étouffer, le régime arrête les jeunes révolutionnaires à tout va. Parmi eux un certain Moheb Doss. En procédant à cette arrestation, le régime vient d’ébranler la pierre angulaire de sa stratégie répressive: la présomption d’appartenance au complot des Frères musulmans. Cette fois elle ne peut pas s’appliquer. Tout simplement parce que Moheb Doss est chrétien! Il a été arrêté le 6 janvier à l’entrée de la cathédrale du Caire où il allait célébrer le réveillon du Noël copte orthodoxe. Moheb est aussi est surtout un des six fondateurs du mouvement pétitionnaire Tamarrod qui a été à l’origine de l’éviction du pouvoir du président, Frère musulman, Mohamed Morsi [en fonction du 30 juin 2012 au 3 juillet 2013]. Cet étudiant en droit avait lancé en mai 2013 avec une poignée d’autres jeunes une pétition exigeant le départ de Morsi. La pétition avait recueilli en quelques semaines des millions de signatures et fait descendre des millions d’Egyptiens dans la rue le 30 juin 2013, ouvrant la voie à l’arrivée au pouvoir du maréchal Sissi.

    Ce CV ne lui a pourtant été d’aucun secours. En ce réveillon de Noël, le pouvoir a décidé de ne lui faire aucun cadeau. Le 6 janvier vers 21h30, Moheb se rend à la cathédrale du Caire avec deux amis dont le journaliste Gamal George au moment même où le président Sissi s’apprête à y aller pour présenter ses vœux à la communauté copte. Après l’habituel contrôle de sécurité, des policiers en civil leur demandent leurs papiers. Moheb Doss présente sa carte d’identité. Le policier qui le contrôle lui demande, d’après le témoignage de Gamal George: «C’est donc vous Moheb du mouvement Kefaya?» Il faut savoir que «Kefaya!» (Assez!) est un des mouvements qui ont appelé à manifester le 25 janvier 2011 et initié la révolution. Doss répond par l’affirmative. «Alors venez avec nous, nous avons quelques questions à vous poser», lui répond le policier. Moheb Doss n’est pas autorisé à passer un coup de fil et son téléphone portable est confisqué. Les amis de Moheb demandent aux policiers où ils l’emmènent. Ces derniers répondent qu’ils l’emmènent au commissariat proche d’Al Ouaili. Ses deux amis s’y rendent aussitôt. Là-bas, on leur explique qu’il a été emmené au centre de la Sécurité de l’Etat! Jusqu’au lendemain 7 janvier après-midi, aucune nouvelle. Puis, vers 17h, huit policiers perquisitionnent sans mandat le domicile où Moheb vit avec ses parents et sa sœur. Ils confisquent l’ordinateur familial et repartent aussitôt. Le 8 janvier, à l’aube, la famille reçoit un coup de fil du centre de la Sécurité de l’Etat où il est détenu. On leur annonce qu’il a été déféré au parquet de la Sûreté de l’Etat et qu’il a écopé de quinze jours de détention préventive. Sa famille peut désormais le visiter et lui apporter des affaires à condition que la visite ne dépasse pas deux minutes.

    Mais de quoi Moheb est-il soupçonné? D’«appartenance à une organisation illégale». Son cas est joint à l’affaire 796/Sûreté de l’Etat où un certain Mahmoud El Saqqa est soupçonné d’animer un mystérieux «groupement du 25 janvier». Moheb Doss ne connaît pourtant pas Mahmoud El Saqqa et ne risque pas de faire partie de la même organisation que lui. Difficile d’y voir plus clair car aucun avocat n’est autorisé à consulter son dossier. Mais la seule question des policiers lors de son arrestation est en lien avec sa participation à la révolution du 25 janvier. Ceci concorde bien avec la nervosité croissante du pouvoir par rapport au 5e anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011 qu’il a tout fait pour étouffer. Depuis un mois, le régime arrête les jeunes révolutionnaires à tout va. Le 19 janvier, la police affirme avoir perquisitionné 5000 appartements du centre-ville du Caire! Pourtant, Moheb Doss twittait le 24 décembre 2015: «La probable présence dans la rue de la confrérie criminelle des Frères musulmans, l’impréparation du mouvement révolutionnaire et l’absence d’un plan de mobilisation clair font que descendre dans la rue serait actuellement une démarche non progressiste. # Mon humble avis.» Peu susceptible donc d’avoir fomenté des troubles pour le 25 janvier 2016, il dérange visiblement le régime pour d’autres raisons. Top of Form

    D’abord, Doss fait partie des fondateurs de Tamarrod qui n’ont pas continué à soutenir Sissi après l’éviction de Mohamed Morsi. Ils se sont retirés dès qu’ils ont découvert l’embrigadement par le pouvoir de certains membres du mouvement. Ce retrait était aussi et surtout motivé par le fait qu’Abdel-Fattah Al Sissi n’avait pas adopté, selon Doss, les démarches révolutionnaires nécessaires pour se débarrasser du régime corrompu de Moubarak, ni adopté une politique d’indépendance nationale. Doss est même allé plus loin dans un entretien accordé au site Baouabet Yanair (Le portail de janvier) en juillet 2015 où il traite Sissi de pire chef d’Etat de l’Egypte depuis le XIXe siècle et lui reproche de mettre l’Egypte sous la dépendance des Etats-Unis. L’hypothèse de la punition de l’effronté est d’autant plus probable qu’un autre fondateur de Tamarrod, le journaliste Hassan Chahine, a été renvoyé du poste qu’il occupait à l’hebdomadaire Al Yom Al Sabi’ après avoir soutenu à l’élection présidentielle de 2014 le rival de Sissi, Hamdine Sabahi. Depuis, les portes de la presse, largement soumise aux pressions sécuritaires, lui sont fermées. Leur collègue Mahmoud Bad qui a, lui, activement soutenu Sissi est désormais député. Il a un appartement, une voiture et des gardes du corps.

    Hatem Bachat

    Hatem Bachat

    Plus récemment, Moheb Doss a participé aux élections législatives qui ont eu lieu en décembre 2015 dans le cadre de la campagne d’un candidat de l’opposition: le général Hatem Bachat. Cet ancien directeur adjoint des Renseignements généraux s’est présenté avec succès aux élections sous l’étiquette du parti libéral des Egyptiens libres, fondé en 2011 par le milliardaire copte Naguib Sawires. Cet engagement du jeune révolutionnaire peut surprendre d’autant plus que Doss est nassérien. Mais en tant que camarade de Hatem Bachat à l’Heliopolis Sporting Club du Caire, il a été séduit par l’esprit démocratique et unitaire de Bachat et le respect des adversaires dont il a fait preuve lors de l’élection du conseil d’administration du club. A ce propos, Doss écrivait en mars 2015 sans le quotidien Al Masry-al-Youm qu’il espérait que cette attitude du général Bachat soit celle des candidats aux futures élections législatives, précisant que la société que la révolution du 25 janvier avait l’ambition de créer était celle du respect mutuel. De là, il n’y avait qu’un pas pour participer à la campagne législative de Hatem Bachat, une campagne où l’emploi des jeunes occupait une place importante.

    En participant à cette campagne, Moheb Doss a s’est aventuré dans un terrain doublement miné. D’abord parce que les Egyptiens libres, initialement alliés à Sissi, se sont retournés contre lui. Cela s’est manifesté par le refus de Sawires de la proposition de la Sécurité de l’Etat de faire partie d’un groupe parlementaire visant à regrouper les trois quarts du parlement et dirigé par le général Seif El Yazel, tête de la liste majoritaire Fi Hob Misr (Pour l’amour de l’Egypte) et ancien des Renseignements généraux. Sawires déclarait début décembre 2015 sur les chaînes paraboliques CBC et MBC Masr que cette proposition était antidémocratique et irrespectueuse du peuple. Ce rejet a ouvert la voie à une série d’autres refus parmi lesquels ceux du Wafd, le plus vieux parti libéral d’Egypte et de Mostaqbal Misr (L’Avenir de l’Egypte), la liste de Mohammed Badrane, le leader étudiant qui a tenté de ramener le mouvement estudiantin dans le giron du régime. Ces ratés retentissants ont conduit le 19 décembre au limogeage de Salah Hegazy, le directeur de la Sécurité de l’Etat, un appareil supposé se distinguer par son efficacité et sa discrétion. Il faut dire que le micmac a été tel que des députés connus pour être des agents des services de la Sécurité de l’Etat comme Mustafa Bakri se sont mis à dénoncer les interventions de ces mêmes appareils lorsqu’ils n’ont pas eu les postes qu’ils pensaient mériter!

    De même que Naguib Sawires a dénoncé ce mois de janvier 2016 sur la chaîne ON TV les attaques du pouvoir contre la révolution du 25 janvier 2011 comme une tentative de falsifier l’histoire. Il a aussi déclaré que ce qui avait fait descendre la Egyptiens dans la rue n’était pas une quelconque manipulation mais le refus de l’injustice et la répression. Il est même allé plus loin en déclarant: «Les pratiques et les façons de procéder actuelles nous ramènent aux mêmes pratiques et façons de faire qui avaient cours avant le 25 janvier 2015 et qui ont fait descendre les gens dans la rue.» Sawires a précisé qu’il entendait par là les interventions de la Sécurité de l’Etat y compris dans le processus électoral et les médias ainsi que les arrestations arbitraires des jeunes. Il a enfin fustigé la confusion de la politique économique actuelle. Il est vrai que sous le gouvernement actuel, à bien des égards libéral, «dérégulateur» au plan économique, les entreprises de travaux publics dont Orascom, la compagnie de Sawires, souffrent de l’absence d’appel d’offres et ne travaillent sur les nouveaux grands chantiers que sous les conditions imposées par l’armée.

    L’élection du général Bachat sur une liste de l’opposition gêne aussi parce qu’elle casse le monopole de la défense de l’Etat que s’arroge le pouvoir. Ce dernier avait l’habitude de jeter sur les opposants le soupçon de participation à un complot étranger menaçant la sécurité de l’Etat. Mais l’entrée de Bachat en politique dans les rangs de l’opposition démonte cette argumentation. Elle démontre aux yeux de ceux qui ne voulaient pas encore le croire que l’opposition n’implique pas l’hostilité à l’Etat. De ce point de vue, elle enlève la raison d’être de la répression.

    L’arrestation de Moheb Doss révèle en fin de compte que les arrestations récentes ne sont pas motivées par la participation à un prétendu «groupement du 25 janvier» comme le voudrait la version officielle mais simplement à la Révolution du 25 janvier 2011. L’hommage bref et convenu rendu par le président à la Révolution à l’occasion de son anniversaire n’empêche pas des députés et des médias proches du pouvoir de la présenter comme un complot de l’étranger. Or non seulement Doss y a participé mais il a contribué à l’échec des démarches du pouvoir visant à l’enterrer au profit de «la révolution du 30 juin». La récupération de Tamarrod l’y aurait pourtant aidé. Après avoir mis en doute la prétention de Sissi à représenter l’indépendance nationale, il a contribué à faire élire un ancien général des Renseignements généraux comme député d’une opposition élogieuse vis-à-vis de la révolution du 25 janvier 2011. Moheb Doss monterait-il ainsi les serviteurs de l’Etat contre le régime? Habituellement, le pouvoir accuse ses opposants de comploter avec les Frères musulmans et de porter atteinte à la sécurité de l’Etat et à l’économie nationale. Avec l’élection du général Bachat sur la liste des Egyptiens Libres, le pouvoir a affaire à un ancien général des Renseignements généraux élu sur les listes d’un parti fondé par un des plus gros employeurs du pays. Il est pour ainsi dire tombé sur un os. Le régime reproche-t-il à Moheb Doss d’avoir mis cet os sous ses dents? (25 janvier 2016)

    Publié par Alencontre le 25 - janvier - 2016 Par Hany Hanna
     
  • Le harcèlement sexuel, la onzième plaie d’Egypte (ESSF)

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    Sur l’évolution du statut des femmes

    Pharmacienne et romancière, Ghada Abdel Aal habite à Mahalla Al-Qobra, ville industrielle du delta égyptien. Pour se rendre au Caire, elle emprunte l’un des innombrables minibus qui sillonnent l’Egypte. « J’achète toujours deux places, pour être sûre de ne pas être harcelée par un voisin », dit cette femme de 35 ans. Auteure d’un roman savoureux (La Ronde des prétendants, Editions de l’Aube, 2012), Ghada Abdel Aal n’a pourtant rien d’une allumeuse. Elle porte le hijab, qui s’est quasiment généralisé dans son entourage, sans chercher à le « compenser » - comme tant d’autres - par un pantalon moulant ou un maquillage outrancier. « Le harcèlement sexuel, je l’ai intégré depuis l’enfance, précise-t-elle. Dès l’âge de 10 ou 11 ans, quand j’apercevais un groupe de garçons ou que je devais passer devant un café, je changeais spontanément de trottoir. »

    Le harcèlement peut être qualifié de onzième plaie d’Egypte. En effet, la situation prend une tournure inquiétante : les institutions sont discréditées, la police est absente, l’insécurité augmente, les agressions contre les chrétiens se multiplient, alors que la hausse du chômage, la hausse des prix et la pénurie de gaz ou d’essence provoquent des drames.

    HARCELEURS EN UNIFORME

    Toutes les compatriotes de Ghada Abdel Aal ont été victimes du taharosh (« harcèlement sexuel »). « C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis provisoirement exilée, affirme Dalia Hassan, qui organise des festivals culturels en France. A Alexandrie, un trajet quotidien à pied de vingt minutes pour aller à mon travail était devenu un enfer. » Riche ou pauvre, aucune Egyptienne n’échappe aux agressions verbales ou aux gestes déplacés. Rien ne retient les harceleurs : ni l’âge, ni la bague au doigt, ni le voile. Un adolescent pris sur le fait à Alexandrie et questionné sur son attitude a répondu de façon significative : « Si je ne poursuivais pas les femmes, mes copains me prendraient pour un homosexuel. » Et Dieu sait si l’homosexualité reste infamante en Egypte...

    Demander assistance à un policier ? Ces femmes ont appris, très jeunes, à se méfier des agents de l’ordre, qui ne sont parfois que des harceleurs en uniforme. Appeler à l’aide ? Si l’on veut être entendue, mieux vaut dire qu’on s’est fait voler son sac... « J’ai appris à ne compter que sur moi-même, confie Shahinaz Abdel Salam, une informaticienne de 35 ans. Ces dernières années, au Caire, j’avais toujours des pierres dans mon sac. » On dirait que les femmes n’ont pas leur place dans l’espace public. Beaucoup de chemin avait pourtant été parcouru en Egypte depuis qu’une pionnière, Hoda Chaaraoui, de retour d’un congrès féministe en Europe, en 1923, s’était spectaculairement dévoilée en public. Un scandale toléré à l’époque parce que la classe dirigeante était tournée vers l’Europe et soucieuse de lui ressembler. Dans les années 1950 et 1960, sous Nasser, l’occidentalisation des moeurs s’est poursuivie, malgré la lutte contre l’impérialisme : les femmes ont obtenu le droit de vote, accédé plus largement à l’instruction et à des emplois. Leur statut personnel s’est encore amélioré au temps de Sadate, avec les lois « Jihane » (du nom de l’épouse de Sadate) qui ont réduit les inégalités dans le couple.

    VAGUE DE « RÉISLAMISATION »

    Mais certaines de ces avancées ont été remises en cause par la vague de conservatisme et de « réislamisation » des décennies suivantes. Le statut des femmes a alors évolué en dents de scie. Quoiqu’illégale depuis 2008, l’excision est encore massivement pratiquée, avec la complicité de nombreux médecins, dans le but de réduire le plaisir féminin. Vieille coutume nilotique, cette mutilation n’est pas requise par l’islam, mais un machisme forcené a réussi à la transformer en précepte islamique !

    Le taharosh a pris une autre dimension avec des agressions collectives différentes des « tournantes » en France : il ne s’agit pas de quelques violeurs qui, à tour de rôle, abusent de leur victime, mais de dizaines, voire de centaines d’hommes, qui se jettent sur une ou plusieurs femmes, souvent lors d’une manifestation, pour arracher leurs vêtements, les toucher, les pénétrer avec leurs doigts, les battre ou les blesser. Plusieurs agressions de ce genre avaient été signalées ces dernières années lors de fêtes religieuses. En 2006, des jeunes femmes avaient été attaquées par une meute d’inconnus, en plein centre du Caire, sans que la police n’intervienne.

    La première explication qui vient à l’esprit est la frustration sexuelle, entretenue par une consommation effrénée d’images pornographiques. Le chômage et la difficulté de se loger retardent l’âge du mariage, alors que les relations hors alliance sont prohibées. Mais cette explication est insuffisante, car, dans les formes de taharosh, on a affaire à des agresseurs de tous âges et de tous milieux sociaux, parfois mariés à deux ou trois femmes.

    FRUSTRATIONS D’UN AUTRE GENRE

    Ce sont des frustrations d’un autre genre qui s’expriment - ou s’ajoutent - quand des groupes venus de quartiers défavorisés investissent le centre-ville et se jettent comme des loups sur des passantes. « Ces hommes n’ont rien, remarque Ayyam Wassef, militante associative. Ils ont été eux-mêmes humiliés, lors de leur service militaire ou après une arrestation. Dès qu’ils peuvent trouver une petite revanche, ils passent à l’acte, se jettent sur une femme, la déshabillent et observent sa peur, la photographient avec leur téléphone. L’appareil photo en guise de pénis... »

    Le harcèlement s’explique aussi par la transformation progressive de la société depuis le milieu des années 1970. A cette époque, les Egyptiens, peuple sédentaire par excellence, ont été encouragés à chercher du travail à l’étranger. Beaucoup de gens modestes sont partis dans des pays du Golfe, pour revenir ensuite avec des épouses voilées, de l’argent plein les poches et des idées wahhabites.

    BUTIN SEXUEL

    Ces nouveaux riches ont eu une influence d’autant plus grande sur la société qu’ils étaient relayés par le militantisme islamique dans les quartiers. L’Etat, en pleine libéralisation économique, s’est désengagé de certains secteurs comme la santé, permettant à des groupes fondamentalistes de prendre la relève, avec d’importants soutiens financiers venant d’Arabie saoudite ou du Qatar. Le régime Moubarak a lui-même contribué à renforcer leur influence, en donnant des facilités aux salafistes - sur l’accès aux ondes, par exemple - pour contrer les Frères musulmans.

    La référence islamique a pris une place démesurée dans l’espace public ; c’est à travers elle désormais que s’évalue la respectabilité des institutions et des personnes. Comme le souligne le sociologue Jean-Noël Ferrié, auteur de L’Egypte entre démocratie et islamisme (Autrement, 2008), tout le monde voulant paraître respectable, chacun affecte de suivre les règles islamiques et s’indigne de ceux qui ne le font pas. Logiquement, cette « réislamisation » de la société aurait dû conduire à un plus grand respect des femmes, mais c’est le contraire qui se produit. Dans ses Chroniques de la révolution égyptienne (Actes Sud, 2011), l’écrivain Alaa El-Aswany explique : « Les wahhabites ne voient en la femme qu’un réceptacle sexuel, un instrument de tentation ou un moyen d’avoir des enfants. Ce qui les préoccupe le plus, c’est de recouvrir le corps de la femme et de l’isoler autant que possible de la fréquentation de la société, pour repousser le mal qui peut venir de sa séduction. » La femme qui est perçue uniquement comme un corps, source de tentation, devient ainsi un butin sexuel.

    LA LOI DU SILENCE

    La victime d’un viol n’est guère encouragée à déposer plainte. Policiers et magistrats ont tendance à l’en dissuader, quand ce n’est pas la famille de l’agresseur qui la menace de représailles. Elle est souvent sommée par ses proches de ne rien dire. Il ne faut pas que la honte retombe sur la famille. Car, quand une femme est « souillée », c’est l’homme - le mari, le père ou le frère - qui est atteint dans son honneur !

    Le taharosh, longtemps nié, est devenu un débat national grâce à une femme courageuse de 27 ans, Noha Rochdi. Agressée en 2008 par un chauffeur de minibus, elle a osé porter l’affaire devant les tribunaux. Malgré les quolibets et les rumeurs ignobles propagées sur son compte, elle a réussi à faire condamner l’agresseur à trois ans de prison.

    AU MILIEU DE LA LIESSE POPULAIRE

    Le cinéaste Mohamed Diab, qui assistait au procès, a décidé d’en tirer un film. Les Femmes du bus 678, sorti en 2011, met en scène trois jeunes habitantes du Caire, appartenant à des mondes différents, victimes d’agressions sexuelles. Elles décident de punir physiquement les agresseurs... Si le film ne fait pas toujours dans la dentelle, il a battu des records d’entrées et a sensibilisé les Egyptiens au fléau du harcèlement. Mohamed Diab a gagné les procès qui lui ont été intentés pour avoir prétendument sali l’image du pays.

    Les Femmes du bus 678 est sorti juste avant le soulèvement populaire de janvier et février 2011 qui, en dix-huit jours, a chassé Hosni Moubarak du pouvoir. Un remarquable civisme régnait alors place Tahrir. Pas un seul cas de harcèlement n’a été signalé, alors que des manifestantes y dormaient. Malheureusement, le dix-huitième jour, au milieu de la liesse populaire, une envoyée spéciale de la chaîne américaine CBS, Lora Logan, a été sauvagement agressée par plus de 200 hommes. Au cours des mois suivants, deux journalistes françaises, Carole Sinz, de France 3, et Sonia Dridi, de France 24, attaquées de la même façon, ont été secourues à grand-peine.

    CALVAIRE

    Mais la plupart des victimes sont égyptiennes. Une jeune manifestante, Yasmine Al-Baramaoui, a subi un calvaire en novembre 2012. Elle a tenu à le raconter à la télévision, alors qu’on lui avait demandé de se taire « pour ne pas ternir l’image de la révolution ». Elle a répliqué avec colère : « Nous avons fait la révolution au nom de notre dignité, et vous voulez que je me taise ! » Yasmine se trouvait ce jour-là sur la place Tahrir avec d’autres militantes. « Au début, a-t-elle précisé, ils étaient une dizaine, ils formaient un petit cercle autour de nous. Puis d’autres cercles se sont ajoutés. Nous avons été séparées les unes des autres. J’ai été battue, jetée à terre, violée avec leurs mains, blessée avec des couteaux. Des personnes ont essayé de me venir en aide, elles n’ont rien pu faire... » Montrant aux téléspectateurs ses habits déchirés, elle a ajouté : « Je ne suis allée ni dans un commissariat ni dans un hôpital, je ne leur fais pas confiance. Mais je vais déposer plainte contre le président de la République, le premier ministre et le ministre de l’intérieur. »

    Tout indique qu’il s’agit d’actes prémédités, organisés. Ainsi, en un jour, lors du deuxième anniversaire de la révolution, le 25 janvier, on a enregistré une vingtaine d’agressions de ce genre. « Ils ne cherchaient pas à se donner du plaisir, ils voulaient me faire mal », a dénoncé Yasmine. « Ces hommes n’emploient ni les mots ni les gestes habituels des violeurs, ils ne sont même pas excités sexuellement », remarque Hanna Youssef, ingénieure.

    Déposer plainte n’est pas facile, même quand l’agression a été en partie filmée par des témoins. Car, dans la mêlée, on a du mal à distinguer les agresseurs des secours. De faux chevaliers blancs en profitent pour attirer une autre victime potentielle dans un piège et se jeter sur elle. Désormais, lorsque des groupes de femmes manifestent, elles sont accompagnées d’une escouade d’hommes pour les défendre, comme les Tahrir Bodyguard. Mais il arrive que ces volontaires soient agressés par des assaillants plus nombreux. Dans la bagarre, on ne sait plus qui est qui.

    UN TERME SOURCE DE CONFUSION

    Le terme taharosh est source de confusion, car il désigne toute une gamme de comportements, allant de la drague - célébrée par le film ou la chanson - jusqu’aux viols collectifs. La multiplication de ceux-ci depuis deux ans tient en partie à la crise des institutions. L’Etat donne l’impression de s’effondrer, en tout cas de ne plus rien contrôler. La police est en pleine débâcle, et nombre de délinquants, parfois évadés de prison, ont le champ libre, utilisant des armes à feu venues de Libye. On avait tablé sur l’armée pour assurer l’ordre. Mais celle-ci a démontré son incompétence ou sa brutalité. Les révolutionnaires ne lui pardonnent pas les stupéfiants « tests de virginité » qu’elle a infligés à des manifestantes arrêtées le 9 mars 2011, lors de la Journée de la femme.

    « Le harcèlement est un rapport de pouvoir, une manière de signifier que la rue appartient aux hommes », affirme Evine Naga, une militante féministe qui a créé en Egypte une société développant... les énergies nouvelles. Elle ne fait pas de différence entre les « commandos » actuels et les baltagueyas (« mercenaires et voyous ») qui, du temps de Moubarak, voulaient terroriser des manifestantes de la même façon, le 25 mai 2005, devant le siège du syndicat des journalistes, au Caire. Elle dénonce « un pouvoir islamiste, obscurantiste, qui, sous prétexte de charia et de traditions, veut emmurer les femmes et anéantir la révolution ».

    « ESPACES MASCULINS »

    Il faut dire que les Frères musulmans, qui gouvernent le pays, ont réagi à ces violences de manière lamentable : soit en promettant de vagues mesures qui n’ont pas reçu l’ombre d’une application ; soit en rendant les victimes responsables de ce qui leur arrivait. Les femmes qui vont manifester place Tahrir savent pertinemment qu’elles se trouvent au milieu de voyous, ont dit en substance des membres de la commission sénatoriale... des droits de l’homme. Elles portent des tenues « indécentes » ou se trouvent dans des « espaces masculins ». On a entendu des propos ahurissants à la télévision. Un prédicateur fondamentaliste, le cheikh Abou Islam, a dit sur la chaîne privée Al-Oum : « Celles qui vont place Tahrir sont des femmes nues, non voilées, des veuves et des croisées qui ne cherchent qu’à se faire violer. »

    On n’a plus seulement une société à deux vitesses, avec des inégalités croissantes, mais deux Egypte. L’une se caractérise par le repli identitaire, alors que le pays n’a jamais été aussi ouvert sur le monde extérieur grâce aux chaînes satellitaires et à Internet ; l’autre, par une volonté farouche de se libérer d’une double oppression, politique et religieuse. Le statut de la femme est au cœur de ce conflit. Depuis plusieurs années, des blogueuses qui n’ont pas froid aux yeux se sont fait un nom sur la Toile. Shahinaz Abdel Salam, l’une des plus connues, se souvient qu’elles n’étaient qu’une vingtaine à manifester en avril 2009, dans le quartier populaire du Moqattam, au Caire, après une agression. Aujourd’hui, malgré les tentatives d’intimidation, c’est par centaines que les femmes, voilées ou non, descendent dans la rue pour dénoncer le « harcèlement sexuel ». Un terme vague et bien faible pour désigner les violences qui leur sont faites, y compris à la maison.

    « Les Egyptiennes sont harcelées de tous côtés : physiquement, psychologiquement, socialement, économiquement, affirme l’essayiste Ghada Al-Wakil. L’Egypte s’est couverte de voiles. Dans ma jeunesse, nous étions en maillot de bain sur les plages. D’où sortent tous ces voiles ? C’est une culture du désert, qui n’est pas la nôtre. J’ai porté le foulard trois mois, je voulais faire l’expérience. Je me suis sentie déguisée. Plus jamais ! J’ai passé des nuits sur la place Tahrir. Je n’ai pas de leçon à recevoir de ces prêcheurs barbus, je suis musulmane et vaccinée. Nous avons vaincu la peur. Ils n’ont pas fini de nous entendre. »

    Robert Solé

    « LES FEMMES DU BUS 678 »
    film égyptien de Mohamed Diab. Avec Nelly Karim, Maged El-Kedwany et Bassem Samra (1 h 40). 1 DVD Pyramide Vidé.

    SUR LE WEB

    « THE STATUS OF EGYPTIAN WOMEN IN 2012 »
    (« LE STATUT DES FEMMES ÉGYPTIENNES EN 2012 »)

    Le rapport, en anglais, de l’ONG Centre égyptien pour les droits
    des femmes : www.ecwronline.org

    * « Le harcèlement sexuel, la onzième plaie d’Egypte ». LE MONDE CULTURE ET IDEES | 25.04.2013 à 16h30 • Mis à jour le 30.04.2013 à 15h01 :
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/04/25/harcelement-sexuel-la-onzieme-plaie-d-egypte_3166607_3224.html

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36960

  • Un village égyptien à l’heure de la révolution « Je suis le peuple », documentaire d’Anna Roussillon (Orient 21)

     

    C’est d’une rencontre hasardeuse en 2009 entre Anna Roussillon et Farraj, paysan de la vallée du Nil, près de Louxor, qu’est née chez la réalisatrice –- qui a grandi en Égypte et en parle la langue —, l’idée d’un documentaire sur la vie dans son petit village de Haute-Égypte. Puis, en janvier 2011, survient la révolution, qui impose un remaniement du scénario. Dès lors, c’est la perception des événements par Farraj et son entourage qui deviendra l’ossature du film, à travers le quotidien des habitants du village.

    Dans Je suis le peuple, si les lieux de la révolution ne constituent pas la scène de l’action, cette dernière n’en demeure pas moins l’arrière-plan omniprésent dans le monde où évolue Farraj. Dans sa maison, Anna filme Marwa et sa mère, Harrajaya, alors qu’elles sont en train de préparer le pain autour d’un four traditionnel. «  Que ceux qui veulent se faire cramer viennent dans notre four  !  », dit la fille à sa mère. Car l’immolation par le feu devant le Parlement fait des adeptes en ce début de l’année 20111. L’onde de choc créée par l’immolation de Mohamed Bouazizi en Tunisie est arrivée en Égypte. La scène est filmée à ce moment-là. Anna est alors en Égypte, d’où elle partira le 27 janvier 2011 pour Paris.

    Soudain, la place Tahrir

    Le film comporte plusieurs séquences à des moments différents. D’abord, la période pré-révolutionnaire. On assiste à des discussions anodines sur les difficultés liées à l’irrigation de la terre, on suit une balade en calèche avec Farraj. Cette première séquence ne présage en rien la révolution qui va suivre et les débats qu’elle suscitera deviendront l’objet principal du film. Les autres séquences ont été filmées successivement à l’été 2011, puis au printemps 2012, à l’hiver 2012 et enfin à l’été 2013. Chacune d’entre elles est liée à des événements politiques, révolutionnaires ou électoraux, qui ont à chaque fois suscité de vifs débats dans la société égyptienne.

    La révolution fait irruption dans le film à la onzième minute. Soudain, des images sont retransmises, diffusées à l’écran depuis la place Tahrir au Caire, probablement celles de la fameuse «  bataille des chameaux  » du 2 février 20112. On entend Anna Roussillon fredonner en tentant de capter une communication par Skype, «  Putain, je suis partie la veille de la révolution, mais je rêve, je ne sais pas comment je vais m’en remettre  ». Et à l’autre bout, la voix de Farraj, sceptique et moqueur, déconseillant presque à Anna — qui veut voir et vivre la révolution — de venir en Égypte et lui suggérant de la regarder plutôt comme lui, à la télévision. À son retour, en Égypte, au mois de mars 2011, Anna ne vivra pas la révolution au Caire depuis la place Tahrir. Elle retournera dans le village de Farraj, car sa décision est prise : elle filmera de là-bas les événements au prisme de la lecture qu’en font les villageois.

    C’est donc avec Farraj que le spectateur est amené à percevoir ce qui se passe en Égypte au cours de cet événement révolutionnaire et de ses évolutions au cours des deux années qui précèdent au fameux discours de «  mandat  » du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi de l’été 20133 sur lequel le film se termine. Farraj se place en commentateur des événements, et Anna Roussillon nous fait suivre comment cette révolution lointaine, vue du village d’Al-Jezira d’où il est originaire, s’invite dans le quotidien des habitants et devient même leur sujet de discussion quotidien. Les avis diffèrent, entre l’entourage de Farraj, sa femme et sa fille, sa voisine Bataa, ses collaborateurs et amis  ; mais ils s’expriment dans une ambiance de complicité mélangeant le sérieux et la rigolade.

    «  Le peuple qui veut  »...

    Ce premier documentaire long métrage d’Anna Roussillon reprend le nom de la chanson d’Oum Kalthoum diffusée en boucle sur la chaîne Al-Jazira pendant les premières journées révolutionnaires. Il met l’accent sur «  le peuple qui veut  », cet acteur-clé né de la révolution dont Farraj fait partie. Avec lui, le film nous montre le contraste inhérent entre une révolution faite au nom d’un peuple, de sa liberté, de sa dignité, de la justice sociale, et la vie de ce paysan qui n’a à aucun moment fait partie des débats houleux qui ont entouré l’événement révolutionnaire, tant la lutte pour le partage du pouvoir a eu tendance à marginaliser toute discussion d’ordre social.

    Avec Farraj et les habitants du village, nous partageons pour un temps le quotidien des Égyptiens obligés de recourir à la débrouille et à l’informel pour pouvoir arrondir des fins de mois souvent difficiles, leurs difficultés pour faire démarrer la pompe à eau qui permet d’irriguer leurs terres, les négociations houleuses des femmes pour s’octroyer une bouteille de gaz très souvent en crise de livraison…

    La révolution se passe en ville, pas au village. À Louxor, dans les premiers moments révolutionnaires, une seule manifestation a eu lieu en soutien à Hosni Moubarak. Mais elle s’impose dans les discussions politiques au village. Elle est omniprésente par la télévision et grâce aux chaînes satellitaires qui diffusent en direct tous les événements depuis la place Tahrir. On voit l’évolution du débat politique avec Farraj, influencé en quelque sorte par l’arrivée de la parabole qu’il s’offre pendant l’été 2011 pour pouvoir justement capter les images et les sons du Caire. Ce sont d’ailleurs ces images incessantes d’affrontements et de violence exercée par les forces de maintien de l’ordre sous la direction du Conseil suprême des forces armées (connu sous l’acronyme SCAF pour Supreme Council of the Armed Forces) et la présidence de Mohamed Morsi. Mais à travers cet écran, on voit aussi Farraj interagir avec les événements institutionnels et débattre autour de la Constitution, autour des élections4.

    Deux trajectoires qui se croisent

    Ce documentaire est construit sur deux cheminements qui se croisent : celui de la réalisatrice Anna Roussillon et celui de Farraj, qui regardent tous deux la révolution avec le même média d’information, à savoir la télévision. De la part de la réalisatrice qui a grandi en Égypte, c’est sans doute un engagement, une façon de participer aux événements : présenter la révolution et le récit qu’en fait Farraj devient une forme de sa propre implication. La trajectoire de Farraj est l’initiation à la politique d’une personne au départ sceptique face aux événements, quelqu’un qui éprouve de plus en plus d’intérêt pour la chose publique, sans qu’à aucun moment un quelconque agent institutionnel ne l’interpelle ou ne l’y invite.

    Le film se finit sur un moment crucial, celui où l’Égypte se scinde suite aux événements du 30 juin, avec le début du discours du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi qui demande au peuple de descendre dans la rue pour lui donner un mandat ’’pour lutter contre la violence et le terrorisme des Frères musulmans5’’. Nous n’entendrons pas la fin du discours puisqu’une double fin s’installe, celle de la coupure d’électricité qui fait taire la parole du général, et celle du film qui s’arrête dans le noir de la chambre de Farraj.

    Cette fin forte du film scelle une ère d’effervescence et — encore — d’optimisme révolutionnaires, mais nous laisse justement sur notre faim : comment Farraj, son entourage et son village ont-ils réagi  ? Il nous reste à imaginer les discussions auxquelles on aurait pu assister…

    1Inspirés par Mohamed Bouazizi en Tunisie, des cas similaires d’immolations par le feu de citoyens égyptiens commencent à se produire dès le 17 janvier 2011 devant le Parlement.

    2Le 2 février 2011, les manifestants anti-Moubarak occupant la place Tahrir sont l’objet d’une attaque d’abord par des hommes de main, à dos de chameaux et de chevaux, d’où la célèbre appellation de cette journée de la «  bataille des chameaux  », mais celle-ci en réalité dure 16 heures, avec une inertie et une inaction totales des militaires. Elle représente ainsi l’une des journées marquantes des 18 jours qui mènent vers la destitution de Hosni Moubarak.

    3Le 21 juillet 2013, Abdel Fattah Al-Sissi, encore ministre de la défense, appelle les citoyens égyptiens à manifester pour lui procurer un mandat afin de mener un combat contre la violence et en prévention du terrorisme. Il est à noter que ce mandat renvoie à une volonté de légitimation de la répression des sit-in organisés par les Frères musulmans contre la destitution de Mohamed Morsi et qui se soldent le 14 août par le meurtre de plusieurs centaines de personnes sur la place Rabaa al-Adawiya.

    4Dans le film, Farraj débat de plusieurs moments : l’élection présidentielle de l’été 2012 qui amène Mohamed Morsi au pouvoir  ; le coup de force constitutionnel entre Morsi et l’opposition en décembre 2013.

    5Voir note 3.

  • Nouveautés sur Orient 21

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Encore de nouvelles grèves en Egypte accompagnées d’un changement d’ambiance politique (Al'Encontre.ch)

    Ouvriers de l’aluminium protestant contre la corruption de la direction (27 décembre 2015)

    Ouvriers de l’aluminium protestant contre la corruption de la direction (27 décembre 2015)

    La vague de grèves qui dure depuis plus de deux mois en Egypte, dont nous avions relaté fin décembre la portée politique nationale face à la dictature de Sissi [1], continue et s’est encore élargie en ce début d’année 2016.

    Ainsi, aux grèves que nous avions déjà citées dans le précédent article [2], s’ajoutent maintenant depuis une semaine environ des grèves toujours pour les salaires ou les bonus des travailleurs des docks près d’Assouan, des travailleurs du charbon au Caire, d’employés du gaz et des salariés des bateaux de croisière sur le Nil.

    Par ailleurs, la grève commencée il y a plus de 25 jours chez Petrotrade, compagnie pétrolière publique, continue et touche actuellement 16 000 de ses salariés (sur 18 000) et concerne 52 de ses 56 sites. En même temps, ce sont les salariés de la Suez Petroleum Production Company qui sont entrés en grève pour leurs bonus.

    Les travailleurs des docks de la Canal Company for Nile Services and Maintenance Works d’Airmant, près d’Assouan, demandent une égalité de traitement avec leurs collègues du Canal de Suez. Cette grève s’est déclenchée après celle de sept jours, la semaine passée, des travailleurs de six entreprises de sous-traitance au Canal de Suez. Ces derniers ont obtenu la garantie des autorités qu’ils bénéficieraient des mêmes avantages que les employés d’Etat du Canal de Suez.

    Au Caire dans la banlieue industrielle sud-est de Tibeen, ce sont 2300 salariés de la Nasr Coke Company pour la fourniture de charbon aux entreprises géantes de l’acier qui ont fait six jours de grève pour le paiement de leur part de bénéfices, la publication détaillée des comptes de la société et la démission du dirigeant du holding d’Etat qui chapeaute la compagnie. Ils ont suspendu la grève après que les forces armées leur ont promis de tenir compte de leurs revendications.

    Or, ce qui semble significatif, c’est que dans plusieurs de ces grèves, tout particulièrement à la Shebin al-Kom Textiles, les salariés sont sortis des usines malgré l’interdiction de manifester. Ils ont défilé en ville, y faisant entendre leurs chants et slogans, retrouvant l’habitude des places publiques, ce qui était rare depuis les couvre-feux et les discours sur le terrorisme.

    Ce changement d’attitude va dans le même sens que celui qu’illustre l’ouverture d’une page Facebook par les médecins en lutte – très fréquentée – où ils exposent publiquement la grande misère régnant dans les hôpitaux. Toujours dans le même esprit, ce sont les étudiants qui votent majoritairement lors des élections en décembre pour des candidats révolutionnaires [3], ce qui provoque une réaction courroucée du ministre de l’Education qui tente de mobiliser les «troupes étudiantes» du pouvoir. Ce sont encore les journalistes qui osent à nouveau dénoncer les mensonges du gouvernement. Enfin, les avocats n’hésitent plus à dénoncer les mauvais traitements ou les tortures que font subir les forces de police à ceux qu’ils arrêtent.

    Tout cela prolonge et accompagne ce qui s’était manifesté depuis la fin de l’été et en septembre 2015, avec une certaine contestation dans la bureaucratie d’Etat, où des policiers de «bas rang» avaient osé faire grève pour de meilleurs salaires et contre les mauvais traitements qu’ils subissent eux-mêmes. En même temps, des employés d’Etat, considérés souvent comme les fidèles du régime – de tous les régimes –, avaient mené quelques débrayages et menacé d’une grande grève en septembre contre une loi qui baissait les salaires et donnait plus de pouvoirs à leurs chefs.

    On ose élever la voix et s’élever contre ceux d’en haut

    Ce changement d’ambiance se mesure aussi aux protestations contre les violences policières qui ne sont plus le fait de seuls groupes organisés, mais de secteurs de la population, comme à Talaat Shaheeb ou à Ismailia, ce qui a obligé Sissi à présenter ses excuses. Enfin, on a vu dans le même esprit un retour des blocages de routes à Giza, Alexandrie, Assiut, Daqahlia et Port-Saïd au moment des colères populaires contre l’incurie du gouvernement à l’occasion des dernières inondations cet hiver.

    Ainsi, peu à peu, se dessine et monte globalement l’impression d’une certaine appréhension de l’Etat face aux colères populaires, réputées «apolitiques», mais surtout imprévisibles et difficilement contrôlables, alors que, parallèlement, les classes populaires semblent avoir de moins en moins de craintes à l’égard du régime des militaires.

    Jacques Chastaing

    Publié par Alencontre le 8 - janvier - 2016

    [1] Voir : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-quelles-perspectives-pour-la-nouvelle-vague-de-greves.html

    [2] Entre autres, dans six compagnies sous-traitantes de la Suez Canal Authority, à la Egyptian Dredging Company à Abu Zaabal, dans le gouvernorat de Qalyubiya, à la Shebin al-Kom Textiles Company dans le gouvernorat de Monufiya, à Mahalla textiles Misr Spinning and Weaving Company, à Petrotrade à Alexandrie, à l’Egypt Gas Company, la Assiut Fertilizer Company, la Misr Helwan Iron and Steel company, la Egyptalum aluminum company dans le gouvernorat de Qena et la Jawhara food processing company.

    [3] Avec donc des candidats qui osent défier publiquement le pouvoir. Voir : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-succes-des-revolutionnaires-dans-les-elections-etudiantes-reaction-du-ministre.html

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    HOREYA EL GED3AN_Political prisoners human chain_03

    Post Scriptum A l’Encontre du 8 janvier 2016.

    Selon le site Mada Masr (7 janvier 2016), des militants pour la défense des droits humains critiquent la déclaration de l’officiel Conseil national pour les droits humains (NCHR) qui affirme, dans son dernier rapport, que les plaintes présentées par les prisonniers incarcérés dans la prison de haute sécurité d’Al-Aqrab ayant trait au manque de nourriture et de soins ont été examinées. Si le rapport traite des questions relevant de l’accès à la nourriture et aux soins – ou encore à des livres et des couvertures contre le froid – il omet, par enchantement, de mentionner d’autres plaintes documentées concernant la torture, les viols ou les agressions sexuelles. Les autorités justifient la livraison d’un seul repas quotidien étant donné le manque d’une chaîne du froid assurant la qualité des produits. Et pour ce qui relève des habits et couvertures, il oublie que ces biens ont été transmis par les familles. La situation sanitaire de certains prisonniers était si grave qu’ils ont dû être transférés à l’Hôpital universitaire Manial ou à l’Hôpital de la prison Tora. Les critiques faites à ce rapport – un rapport dont la première version a été «revue et corrigée» complètement – traduisent un essor des réprobations publiques face aux comportements de la police et au non-respect des règlements et lois auxquels le pouvoir de Sissi se réfère.

    Quelque 70 personnalités connues* ont fait parvenir, fin décembre, un message au ministre de l’Intérieur concernant l’arrestation des militants et les conditions de leur détention, laissant transparaître qu’au nom de la Loi sur les protestations, le pouvoir agissait selon des modalités à l’œuvre sous Moubarack et qui conduisirent à «la révolution du 25 janvier». Le texte dénonçait aussi les tribunaux militaires qui «jugent» les Frères musulmans prisonniers. Ces protestations sont importantes. Certes elles ne mettent pas fin aux multiples initiatives répressives dans tous les domaines (politique, culturel, éditorial, syndical, etc.), mais s’affirme une atmosphère de contestations initiales, mais affirmée, de ces mesures propres à un régime dictatorial.

    * Parmi les signataires on peut remarquer:

    le dirigeant de gauche Ahmed Fawzy; le journaliste Esraa Abdel Fattah; le satiriste Bassem Youssef; la personnalité politique Bassem Kamel et l’avocat Gamal Eid; et encore le fondateur du Parti du Courant Populaire, Hamdeen Sabahi; de Khaled al-Balshy de la direction du syndicat des journalistes; du juriste Khaled Ali; de l’ex-parlementaire et avocat Ziad al-Alaimy; de l’avocat Tarek al-Awady, du militant pour les droits humains, Aida Saif al-Dawla; du romancier Alaa al-Aswany ou encore de l’ex-ambassadeur Maasom Marzouk.

    http://alencontre.org/encore-de-nouvelles-greves-en-egypte-accompagnees-dun-changement-dambiance

  • Egypte. Succès des révolutionnaires dans les élections étudiantes, réaction du ministre (Al'Encontre.ch)

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    Les élections des représentants aux organisations étudiantes des universités publiques en Egypte, qui ont eu lieu la première semaine de décembre 2015 avec une large participation, se sont conclues par une écrasante victoire du camp de la révolution contre celui de Sissi.

    Ainsi, Abdallah Anwar (président de l’ESU – l’Union des étudiant égyptiens – de l’Université du Caire) et Amr Al-Helw (président de l’ESU de l’Université Tanta) qui viennent d’être élus à la présidence et à la vice-présidence de l’Union des étudiants égyptiens (ESU), sont tous deux connus pour leurs attaches révolutionnaires au soulèvement du 25 janvier 2011.

    Pourtant le pouvoir n’avait pas lésiné pour fausser les élections en empêchant la candidature d’environ 700 étudiants soupçonnés d’appartenance politique à des partis «illégaux». Il était en effet interdit de se présenter à la candidature si on était soupçonné d’appartenir au «Mouvement du 6 Avril» ou aux «Frères musulmans», tous deux interdits. Mais pour se présenter il fallait aussi ne pas avoir été sujet à des mesures disciplinaires – ce qui a été le cas de très nombreux étudiants qui ont fait grève, qui ont osé dénoncer le pouvoir ou qui ont été condamnés par ce dernier lors de manifestations, de sit-in, ou de protestations diverses au cours de ces cinq dernières années.

    Devant le camouflet électoral, le ministre de l’Enseignement supérieur, Ashraf al-Shehy, a demandé l’annulation des élections.

    Il a prétexté de dits vices de procédure, ce qui est un comble alors que les législatives de cet hiver n’ont jamais vu autant de truquages et d’achats de votes de la part des partis du pouvoir. Par ailleurs il a demandé que Amr Al-Helw soit suspendu de l’université pour ses liens avec des organisations politiques interdites et pour avoir osé accuser le pouvoir d’avoir fait pression sur les étudiant·e·s afin qu’ils votent pour les candidats du ministère de l’Education qui avait, par ailleurs, directement financé la campagne en s’asseyant sur toute légalité. Le ministère de l’Education a soutenu une coalition intitulée Voix des étudiants égyptiens.

    Le 28 décembre, des étudiants révolutionnaires appelaient dans une conférence de presse à la mobilisation pour soutenir l’Union des étudiants égyptiens.

    Un nouveau bras de fer commence entre le pouvoir et le mouvement étudiant. Une déclaration demande la démission d’Ashraf al-Shehyen affirmant que sa permanence à ce poste impliquerait le maintien de la corruption et d’une volonté de formater l’esprit des étudiants. Cette déclaration est signée par le Mouvement du 6 Avril, les Socialistes révolutionnaires et des formations comme le Parti social-démocrate égyptien ou le mouvement Pain et Liberté.

    Quoi qu’il en résulte, alors qu’on ne cesse de présenter les étudiants comme découragés et s’éloignant de la politique, le résultat actuel montre le contraire. Et si le pouvoir annulait définitivement les élections et donc toute idée de représentation démocratique réelle des étudiants, il est clair qu’un nombre d’entre eux seraient poussés hors de ces voies électorales vers des chemins différents, s’inscrivant dans la mémoire pratique de la révolution. (3 janvier 2016)

    Publié par Alencontre le 4 - janvier - 2016 Par Jacques Chastaing
     
  • Egypte. Quelles perspectives pour la nouvelle vague de grèves? (Al'Encontre.ch)

    Le 29 décembre 2015: des travailleurs de l'usine d'acier et d'aluminium d'Helwam en grève (Mada Masr Independent, progressive media)

    Le 29 décembre 2015: des travailleurs de l’usine d’acier et d’aluminium d’Helwam en grève (Mada Masr Independent, progressive media)

    Les grèves n’ont jamais vraiment cessé en Egypte [1] malgré le régime ultra-répressif de l’ex-maréchal Abdel Fattah Saïde Hussein Khalil al-Sissi – devenu président le 8 juin 2014 – et plus précisément malgré toutes ses attaques contre le droit de grève, les libertés de manifester et tout récemment encore contre la simple autorisation de syndicats indépendants.

    Mais depuis mi-octobre 2015. elles ont pris une nouvelle ampleur. Cette nouvelle vague traverse le pays, du nord au sud, du Canal de Suez au delta du Nil, dans de nombreux secteurs professionnels, du textile au pétrole en passant par l’acier, le textile la santé ou le tourisme. Les travailleurs entrent en grève. Ni la menace, ni la répression ne les arrêtent et des négociations s’ouvrent comme le rapporte la presse.

    Des grèves dans les grandes entreprises emblématiques

    Trois mille travailleurs de la plus grande compagnie d’aluminium du pays – Egytalum Company, majoritairement entreprise d’Etat, située à Nagaa Hammady dans le gouvernorat de Qena au sud du pays – ont entamé une grève le 27 décembre 2015. Pour le moment, elle est encore partielle et ne touche qu’un tiers des effectifs, mais pourrait s’étendre. Les mêmes jours, ce sont des ouvriers de l’entreprise géante d’acier Iron and Steel Company de 11’000 salariés, à Helwan, la banlieue du Caire, qui entraient en grève. Dans la même période, des grandes entreprises textiles de Shebin al-Kom ainsi que ceux d’une autre grande société, la firme pétrolière Petrotrade à Assiout (capitale du gouvernorat, dans la Haute-Egypte, sur la rive occidentale du Nil), ont engagé un mouvement.

    Travailleurs qui manifestent contre le non-paiement du «bonus» (Al-Masry Al-Youm,  27 octobre 2015)

    Travailleurs qui manifestent contre le non-paiement du «bonus» (Al-Masry Al-Youm, 27 octobre 2015)

    Ils demandent des «bonus», c’est-à-dire une part des bénéfices de ces entreprises que leur garantit, en principe, la loi, et qui constituent une bonne partie de leurs salaires. Toutefois, fort souvent, ces entreprises ne le leur accordent pas au prétexte de difficultés conjoncturelles ou de «malentendus» avec l’Etat.

    En plus des 12 mois de «bonus» réclamés à la compagnie d’aluminium (Egytalum Company), les salariés demandent également la démission du directeur ainsi que de nombreux responsables dont des élus politiques et syndicaux officiels. Ce qui rappelle bien sûr des exigences de la révolution. A l’aciérie d’Helwan les revendications sont semblables.

    La Shebin al-Kom Textile Company de 1500 ouvriers est localisée dans le gouvernorat de Menoufiya, dans le delta du Nil. Cette ancienne compagnie d’Etat, privatisée il y a dix ans, fut renationalisée en 2011. Lors de la période de privatisation, elle en a profité pour licencier de très nombreux travailleurs et réduire ses capacités de production. Or, l’engagement pris par les autorités judiciaires, en 2011, avait été de réembaucher les licenciés et de redonner ses pleines capacités productives à l’usine. Les salariés exigent donc par la grève, depuis déjà trois semaines, la réalisation de ces promesses.

    S’agit-il de simples grèves dispersées…

    Ce n’est pas la première fois que les ouvriers de Shebin al-Kom entrent en lutte. Leurs revendications ne leur sont pas propres. Il y a au moins une dizaine de grandes entreprises, dans des situations analogues, qui se battent depuis des années – régulièrement ou par intermittence – pour les mêmes objectifs.

    Travailleurs du textile rejoignant des travailleurs de l'administration qui exprimer leur mécontentement face à la retenue du «bonus» de 10% annuel (Al Masry Al-Youm, 26 octibre 2015)

    Travailleurs du textile rejoignant des travailleurs de l’administration qui expriment leur mécontentement face à la retenue du «bonus» de 10% annuel (Al Masry Al-Youm, 26 octibre 2015)

    Cependant, l’ampleur de leur lutte présente rappelle comment les travailleurs de cette entreprise ont été au centre d’un phénomène qui a été nouveau en Egypte en mars 2014: la première coordination de luttes regroupant 11 entreprises publiques privatisées, dont justement Shebin al-Kom, mais aussi Lin de Tanta, Chaudières el Nasr, Ideal, Huiles et Savons d’Alexandrie, Mécanique agricole de Nubara, Samanoud, Papier Simo et… Petrotrade.

    Or, Pétrotrade, compagnie pétrolière de 12’000 salariés, est aussi en grève à Assiout, dans le sud du pays, pour une égalité de traitement avec les autres unités du groupe, après que d’autres secteurs de la firme se soient mis en grève afin d’exiger leur part des «bonus », il y a un plus d’une semaine et durant dix jours sur 56 sites, surtout dans la région d’Alexandrie.

    A cela s’ajoute le mouvement des médecins des hôpitaux, propriété de la compagnie d’état d’assurance de santé. Ils se sont mis en grève à la mi-décembre pour obtenir les mêmes avantages en matière de salaires et de conditions de travail que leurs collègues des hôpitaux du ministère de la Santé. Or, ces derniers ont annoncé leur soutien et l’ont concrétisé par une manifestation, le 23 décembre 2015.

    Pour rappel, le mouvement des médecins, en mars 2015, avait été le moteur de la vague de contestation du moment et l’initiateur dans le secteur de santé de la première des coordinations en Egypte. C’était aussi lui qui avait été à l’origine – avec la coordination des entreprises privatisées/nationalisées – du premier embryon de programme revendicatif, à l’échelle nationale, des classes populaires égyptiennes. Il pouvait de décliner de la sorte:

    • salaire minimum que le gouvernement avait promis mais pas tenu;
    • retour des compagnies privatisées au secteur public;
    • limogeage de tous les éléments corrompus de leurs secteurs respectifs;
    • de meilleures conditions de travail et de salaires pour tous les secteurs: santé, poste, aviation, chemins de fer, compagnies privées…

    Néanmoins, analogie n’est pas similitude. Ces luttes ne peuvent faire penser à ces «coordinations passées». Il n’est possible d’entrevoir une coordination des luttes, qui manque tant, que si ces mouvements s’accompagnaient et trouvaient leur prolongement par un grand nombre d’autres. [Une dialectique qui renvoie à des moments spécifiques, dont les causalités sont d’origines multiples.]

    L’indice de grèves qui en accompagnent et prolongent d’autres

    En effet, tout d’abord, au cours des premières semaines de décembre 2015, se sont déclenchées des grèves au Canal de Suez, dans des hôtels de certaines villes de la mer Rouge ou de Charm el-Cheikh, dans une compagnie de produits fertilisants à Assiout et diverses autres.

    Au Canal de Suez, à partir du 8 décembre et pendant deux semaines, ce sont 2000 travailleurs, de 6 des 7 entreprises sous-traitantes de l’entretien et des transports des docks, qui ont demandé des hausses de salaires et des avantages égaux aux salariés en titre du Canal, avantages souvent 5 fois plus élevés. Il ne faut pas oublier que ces grèves écornaient l’image du projet de Sissi qui avait fait de son nouveau projet de Canal le centre de sa démagogie autour d’une nouvelle Egypte moderne où tout serait plus beau dans le meilleur des mondes.

    A Charm el-Cheikh, les employés des hôtels et du tourisme se battent contre les licenciements. En effet, après l’attentat terroriste contre l’avion de touristes russes, le 31 octobre, la fréquentation touristique s’est effondrée et les patrons en ont profité pour licencier environ 30% de leurs salariés. Or la chute du tourisme frappe de plein fouet non seulement cette région mais toute l’économie égyptienne pour qui elle est centrale. Et à travers ce conflit, comme au Canal de Suez, c’est encore l’incapacité du régime à assurer la sécurité économique du pays qui est dénoncée de fait par les grèves [voir encadré, en fin d’article sur le tourisme].

    A la Assiuut Fertilizer Company, les travailleurs se sont mis en grève – et ont occupé leur entreprise, ce qui est rare – contre une réduction de leurs salaires de 25%, pendant que les travailleurs de l’Egyptian Dredging Company à Abu Zaabal, dans le gouvernorat de Qalyubia, au nord du pays, font grève contre le non-paiement de leurs salaires, tout comme les journalistes d’Al-Shorouk ou de TeN TV. Cette pratique de l’employeur est fréquente en Egypte, alors que la richesse des nouveaux riches s’étale de plus en plus ouvertement dans certains quartiers du Caire. D’ailleurs, le pouvoir veut les rendre plus «présentables» en chassant les petits vendeurs de rue.

    Le 30 novembre 2015, grève de 5000 salariés à la Jawhara Food Processing Company (Mada Masr Independent, progressive media)

    Le 30 novembre 2015, grève de 5000 salariés à la Jawhara Food Processing Company (Mada Masr Independent, progressive media)

    Ce sont encore 5000 travailleurs de la Jawhra Food Processing Company, dans le gouvernorat de Beheira dans le delta du Nil, qui, à partir de fin novembre-début décembre, sont entrés en grève pour des augmentations de salaire et le paiement de leur part de bénéfices, tout comme les employés de la Compagnie d’assurances à Eitai al-Baroud ou les travailleurs du métro appartenant à l’administration Nationale des Tunnels. Ce à quoi il faut ajouter les chauffeurs de bus du Caire ou même les enseignants de l’école Ola Garden dans le gouvernorat de Giza… pour ce que la presse, soumise à la censure sévère du régime dictatorial de Sissi, veut bien laisser transparaître.

    Un signal aux grèves donné par l’usine textile géante de Mahalla el-Kubra et… Sissi,
    dans le développement des tensions dès septembre

    Ces luttes ont été enclenchées et unifiées, d’une certaine manière, par deux éléments à leur origine, à caractères tout à la fois politiques et nationaux.

    D’une part, l’ensemble de ces luttes a été déclenché par deux grèves en octobre, finies le 1er novembre: celle de 11 jours par 14’000 salariés de Misr Spinning and Weaving Company à Mahalla el-Kubra, l’usine géante de 17’000 salariés qui joue depuis longtemps un rôle central dans le mouvement social égyptien – dans le déclenchement de la révolution – rejointe par celle de 6 jours des 7000 salariés de Kafr al-Dawwar Textiles Company; les premiers débrayages menaçant à la Simo Paper Company, à l’Iron and Steel Company d’Helwan et à la Tanta Flax and Oils Company. Or, toutes ces entreprises ont marqué l’histoire récente – ou moins récente – du mouvement ouvrier égyptien, de la révolution et des coordinations pour Simo et Tanta. Le gouvernement a cédé au moment où il a senti planer une possible généralisation.

    Les travailleurs des deux plus grandes usines textile de Malhalla, Kafr al-Dawar Textile Company et Misr Spinning and Weaving Company, sont en grève pour non-paiement du «bonus» promis pat le président al-Sissi (25 octobre 2015). Mada Masr Independent, progressive media

    Les travailleurs des deux plus grandes usines textile de Malhalla, Kafr al-Dawar Textile Company et Misr Spinning and Weaving Company, sont en grève pour non-paiement du «bonus» promis pat le président Al-Sissi (25 octobre 2015). Mada Masr Independent, progressive media

    Il est difficile de savoir ce que les travailleurs des deux entreprises emblématiques ont réellement obtenu à l’issue de leur lutte, tellement les autorités ont l’habitude de faire des promesses qu’ils ne tiennent pas. Mais ce qui est apparu, à l’échelle du pays, c’est que les salariés ont crié victoire à la fin de la lutte. Dans la foulée s’est enclenchée une grève à la Samanoud textile Company à Gharbiya – une autre des 11 usines coordonnées de 2014 – et à l’entreprise textile Vistia à Alexandrie, les deux pour des augmentations de salaires. Puis tout le reste… Une sorte de généralisation diluée dans le temps et géographiquement. Ce genre de configuration qu’un événement pourrait à nouveau cristalliser.

    Dans les causes de cette «vague», il faut prendre en compte que Sissi avait promis en septembre un «bonus» de 10% aux salarié·e·s des entreprises publiques. Il faut avoir, aussi, en mémoire que Sissi avait promis cette hausse du «bonus» au mois de septembre 2015 parce qu’il craignait à ce moment un mouvement de colère qui était en train de gonfler dans la fonction publique. Il exprimait l’opposition à une nouvelle loi, qui, entre autres, devrait réduire les bonus, la part des bénéfices dédiée aux salarié·e·s2. Sissi avait réussi à contenir cette vague de colère qui cherchait à se rassembler dans une manifestation nationale appelée pour le 12 septembre. Il le fit, d’une part, par l’engagement de maintenir cette hausse, et, d’autre part, par l’interdiction simultanée de la manifestation et la répression la plus violente et, enfin, par le dérivatif d’élections législatives, prétexte à l’imposition d’un ordre encore plus rigoureux.

    De fait, s’il a repoussé l’échéance, la crise évitée en septembre semble éclater maintenant. A peine la farce des élections terminée – qui n’ont guère retenu que de 2 à 10% de participation [3] – la grève se déclenchait à Mahalla et, un peu plus tard, dans le tourisme et au Canal de Suez. Il y a là comme une sorte de réponse ouvrière à cette comédie électorale, une remise en cause, quasi directe, de la légitimité de ce pouvoir.

    Sissi avait déjà promis une hausse du salaire minimum pour janvier 2014. Il ne l’avait tenue que partiellement. Cela avait déclenché une énorme vague de grèves dans la fonction publique en février et mars et provoqué la chute du gouvernement el-Beblawi (9 juillet 2013-24 février 2014, démission présentée au président Adli Mansour). L’aboutissement interne au mouvement avait été la création des premières coordinations de lutte en Egypte. Du coup, craignant une cristallisation rapide des luttes en un tout et l’émergence d’une conscience ouvrière de classe, al-Sissi [le coup d’Etat militaire du 3 juillet 2013 avait fait tomber Morsi, il prenait «le relais» et «capturait» un mouvement de masse anti-Morsi], après sa démission de ses fonctions gouvernementale le 26 mars 2014, décidait de se présenter aux présidentielles pour couper court au travers du processus électoral au mouvement social et à la prise de conscience en cours.

    Sissi a donc repris, à nouveau, ses promesses qu’il ne tient pas et les élections comme dérivatif. Mais le procédé s’use et son efficacité décroît. Certes les effets sur des luttes ont été moins importants cette fois qu’en février-mars 2014, du moins à ce qui peut en être jugé. Mais cette technique gouvernementale commence à atteindre ses limites non seulement du fait du crédit politique nettement plus limité de Sissi, mais surtout du fait d’une situation socio-économique et politique globale très différente.

    En effet, au plan politique, jusqu’au début 2015 le champ politique était occupé et partagé par deux camps de frères ennemis: l’armée et les Frères musulmans. L’armée s’appuyait sur la crainte du succès du terrorisme islamiste qu’il confondait avec la Confrérie des Frères pour justifier toutes les entraves aux libertés et enrégimenter derrière lui tout ce qui dans la société égyptienne faisait passer sa haine des Frères musulmans avant tout autre chose, y compris au risque des libertés et d’une répression dont l’ampleur à venir n’était pas saisie, sur le moment

    Or, avec la disparition progressive de la Confrérie que ne compense pas la crainte suscitée par Daech, s’ouvre un espace politique où la question sociale pourrait à nouveau gagner le centre de la scène politique et où l’armée reste de plus en plus seule face au mouvement social. C’est la grande crainte de Sissi et des classes possédantes.

    Car cette situation ne pourrait que pousser à faire percevoir le mouvement ouvrier et populaire comme un véritable opposant, sérieux, face au régime. Et le seul porteur d’espoir pour toutes les classes opprimées, le poussant ainsi à le politiser dans la mesure où s’établit une jonction entre le passé encore présent dans une couche militante, le présent et des réseaux politico-sociaux se réanimant.

    Or justement, l’inflation touchant toutes les catégories populaires est au plus haut. L’année a été la pire depuis longtemps pour le monde rural. De nombreux villageois sont descendus dans les rues pour protester contre l’incurie des autorités face aux inondations récentes et on se rapproche de l’anniversaire du déclenchement de la révolution, le 25 janvier. C’est souvent l’occasion de toutes sortes de débordements de la part de fractions de la jeunesse. Une page Facebook à ce propos, «retour sur la place», annonce que des dizaines de milliers, et plus, de personnes sont prêtes à y retourner en 2016, alors que des détenteurs de hauts diplômes sans emploi ont déjà marché sur Tahrir, il y a quelques semaines.

    Bien sûr, il y a loin d’un clic sur Internet à une présence dans la rue face à des soldats qui n’hésitent pas à tirer. Mais le seul fait d’un défi aussi massif, ne serait-ce que sur Internet, inquiète le pouvoir, qui a révélé son appréhension en arrêtant le 28 décembre quatre dirigeants du «Mouvement du 6 avril», le seul mouvement important de démocrates révolutionnaires qui résiste encore.

    Alors, d’un côté, le régime n’a jamais été aussi féroce, dictatorial et jamais aussi proche de celui de Moubarak avec un retour massif aux affaires des riches «feloul» (résidus), les partisans de l’ancien régime… mais il n’a jamais été aussi proche, de ce fait, des conditions qui ont précipité la chute de Moubarak. [Des tensions existent entre des secteurs capitalistes et les positions imposées – appels d’offres biaisés – par les militaires pour ce qui est de leur emprise économique, entre autres dans le processus d’appropriation de terres bonifiées qui fait partie des plans du gouvernement, au même titre que la création d’une nouvelle capitale administrative sur la route Le Caire-Aïn Al-Sokhna (est), non loin de la zone du Canal.]

    La chute de Moubarak avait été décidée par l’armée lorsqu’il leur est apparu, au cours du soulèvement révolutionnaire de janvier 2011, que la classe ouvrière menaçait d’entrer en scène par un appel à la grève générale. Les autorités, de tous les «bords», lors des cinq années du processus révolutionnaire passé, n’ont eu de cesse de camoufler aux masses laborieuses le caractère central de cette opposition de classe.

    Dans ce décours, les Frères musulmans ont perdu de leur influence; l’essentiel de la gauche, les nassériens, les démocrates officiels se sont perdus en soutenant Sissi. Bien des démocrates révolutionnaires se sont découragés, victimes d’une répression terrible. Mais ne peuvent être négligés les contrecoups des limites de leurs conceptions stratégiques ou de leur impréparation – liée en partie à la jeunesse de secteurs des composantes révolutionnaires – face à un tel processus révolutionnaire.

    Aujourd’hui reste maintenant l’armée – qui certes met encore l’accent politique sur la lutte contre le terrorisme – face au prolétariat. Dans quelle mesure l’expérience accumulée pour des secteurs de ce prolétariat au cours des longues années de combats incessants et courageux va-t-elle trouver des voies d’expression et sous quelle forme? Ce que justement voulaient éviter les militaires, il y a cinq ans. C’est ce qui doit retenir ceux et celles qui saisissent la dimension de permanence de ce processus, au-delà des variations.

    Quels que soient les événements des semaines à venir, il est certain, pour la période qui s’ouvre, que les conditions d’un nouvel affrontement massif sont en train de se mettre en place.

    J’écrivais à propos des premiers événements révolutionnaires que la solution à la révolution égyptienne se trouvait en Chine. C’était une image faisant tout à la fois allusion au gigantisme de la classe ouvrière chinoise et de ses luttes, mais surtout à un premier signal d’arrêt donné au mouvement de réaction libérale mondial réalisé en 2010 par des mobilisations massives du prolétariat chinois [Foxconn, Honda, Toyota].

    Les révolutions arabes comme d’autres mouvements dans le monde ensuite se sont situés dans cette continuité. On ne comprendrait pas combien le mouvement du prolétariat égyptien est destiné à durer, si on ne le replace pas dans ce contexte mondial de retour général du balancier. Cependant, l’absence (ou la faiblesse extrême) d’organisations ouvrières et de conscience prolétarienne plus ou moins constituée fait tout à la fois que la crise multiface comme les combats se diluent dans le temps et que les prises de conscience dans cet espace sont lentes. Des processus sont en cours, de l’Egypte, de la Tunisie à la Turquie, au Bangladesh, y compris en passant par la Grèce et l’Espagne. Ce processus socio-politique, avec toutes ses variations locales et ses différentes figures, est à l’œuvre. Il est important d’en prendre conscience, de l’examiner en le soumettant au débat, et de la sorte de viser à en faire prendre conscience, si les socialistes révolutionnaires veulent participer et intervenir efficacement dans chacun de ces conflits.

    La classe ouvrière égyptienne illustre un aspect de ce processus général en montrant dans ces grèves qu’elle est loin d’être battue et qu’elle continue activement son chemin et son combat pour le pain, la liberté et la justice sociale dans le cadre d’une «longue révolution» [4]. La perspective de coordination et de politisation de ses luttes, certes difficile comme partout, n’apparaît pourtant pas si éloignée que ça, inscrite en tout cas dans les conditions objectives. Elle pourrait être un but atteignable pour la période, surtout si des militant·e·s révolutionnaires veulent ou savent s’en faire les vecteurs: la crise de l’humanité se réduit toujours à la crise de sa direction révolutionnaire… à l’échelle internationale. [Du moins si l’on comprend que la formule n’est pas univoque, mais renvoie à une dialectique complexe, historicisée et située dans un espace socio-politique interconnecté, mais pas homogène, entre: degré d’organisation du prolétariat au sens large, avec ses mutations; conscience accumulée, avec parfois accélération soudaine; et expressions organisationnelles plurielles aptes à saisir l’ensemble du tableau et à lui donner une signification, une dynamique et un sens pour une large majorité active des masses laborieuses.] La révolution égyptienne doit plus que jamais être la nôtre. (30 décembre 2015; les phrases entre crochets sont de la rédaction de A l’Encontre, comme le travail d’édition)

    Publié par Alencontre le 2 - janvier - 2016 Par Jacques Chastaing

    [1] Pour comprendre la signification de cette persistance à long terme des grèves en Egypte : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-ce-que-la-persistance-des-greves-en-egypte-nous-dit-de-la-revolution.html

    [2] Sur ce qui se passait en septembre : http://alencontre.org/moyenorient/egypte/egypte-un-mois-de-septembre-imprevisible.html

    [3]  Selon des ONG. Officiellement elle est de 28%, mais personne n’y croit.

    [4] Selon la formule de Maha Abdelrahman: Egypt’s Long Revolution: Protests and Uprisings (Forthcoming) Routledge 2015.

    Dans Al-Ahram Hebdo du 30 décembre 2015, sous le titre «Urgence pour le tourisme: sortir de l’impasse», il est affirmé: « Tout dépend de la reprise des vols en provenance de Russie et de Grande-Bretagne», explique Elhami Al-Zayat, président de l’Union des chambres de tourisme. Car à la suite du crash de l’avion russe dans le Sinaï fin octobre dernier, ces deux pays qui fournissent à eux seuls près de 50 % des arrivées touristiques en Egypte, ont suspendu leurs vols : l’un vers la totalité de l’Egypte, l’autre vers Charm Al-Cheikh seulement. Ainsi, les chiffres du tourisme ainsi que les réservations à venir ont énormément baissé surtout que d’autres pays européens comme la France, la Suisse et la Belgique ont déconseillé à leurs ressortissants tout voyage en Egypte. «C’est une crise sans précédent pour le secteur du tourisme puisqu’elle touche la sécurité des moyens de transport aériens, qui constitue la colonne vertébrale de l’industrie du tourisme. L’Egypte a perdu près de 2 milliards de L.E. en novembre à cause de la décélération du mouvement du tourisme», assure Mohamad Abdel-Gabbar, vice-président de l’Organisme de la promotion touristique (ETA).» (Réd. A l’Encontre)

    http://alencontre.org/egypte/egypte-quelles-perspectives-pour-la-nouvelle-vague-de-greves

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