En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
A l’occasion du 32ème festival international du cinéma méditerranéen d’Alexandrie qui se tiendra du 21 au 27 septembre 2016, la guerre de libération nationale algérienne sera mise à l’honneur.
Sous le thème « Cinéma et résistance », les organisateurs ont en effet prévu la projection de plusieurs oeuvres cinématographiques traitant ledit sujet. Des nombreux films, l’assistance visionnera « La bataille d’Alger », de l’Italien Gillo Pontecorvo (cinquante ans après la sortie du film en 1966), « Zabana » (2012), de Said Ould Khelifa, mais également, « Le Colonel Lotfi » (2015), du réalisateur Ahmed Rachedi.
Pour rappel, le festival international du cinéma méditerranéen d’Alexandrie a été fondé par l’association égyptienne des auteurs et critiques de cinéma édition, avait connu la consécration de Lotfi Bouchouchi,pour son film « Le puits », ainsi que Mohamed Zaoui pour son documentaire « Dernières paroles ». Le FICM d’Alexandrie, compte parmi les plus anciennes manifestations dédiées au cinéma en Egypte.
Omar Mohammed Ali et deux de ses amis ont été enlevés dans la rue l’an dernier, en Égypte. Contraint sous la torture de faire des « aveux » devant une caméra, Omar Mohammed Ali a été condamné à l’emprisonnement à vie. Sa famille a fait appel. Il décrit la manière dont il a été poussé à bout par des agents des services de renseignement militaires.
J’avais à peine pénétré dans le bâtiment des services de renseignement militaires que des agents m’ont entouré et ont commencé à me frapper. Je suis ensuite resté les mains menottées dans le dos jusqu’à ce que j’entende la prière de l’aube. C’était l’aube du mercredi. L’officier en chef n’arrêtait pas de me poser des questions sur ma vie privée, depuis le jour de ma naissance. J’ai de nouveau été roué de coups, et puis il m’a dit : « Je vais te laisser, mais je reviendrai m’occuper de toi dans la matinée. »
Je suis resté là jusqu’à l’après-midi, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre m’appelle. Un autre fonctionnaire a commencé à me frapper avec un gros bâton. Il me l’a mis sur les organes sexuels et il m’a frappé à la tête. Il m’a également donné des coups avec les jambes et les mains, ainsi qu’avec un câble de faible section. Les coups ont redoublé quand il a appris que mon père était mort à Rabaa, et il a demandé à plusieurs de ses subalternes qui étaient présents dans la pièce de me déshabiller. Ils m’ont retiré tous mes vêtements, y compris mon slip.
Ils m’ont fait asseoir sur une chaise, m’ont attaché les mains derrière le dos et les ont reliées à une barre de fer. Puis ils ont retiré la chaise et je me suis retrouvé suspendu en l’air. L’officier m’a donné des coups de bâton et de câble tandis que j’étais dans cette posture. Ils m’ont également mis debout sur la chaise, avant de la retirer brusquement.
Ensuite, ils m’ont envoyé des décharges électriques dans les organes sexuels. Ils m’ont frappé le dos avec un chiffon enflammé, ce qui m’a occasionné des brûlures, puis ils ont recommencé à m’envoyer des décharges électriques. Je me suis mis à crier encore plus fort et l’officier leur a dit : « C’est bien, c’est ce qu’on veut. Vous pouvez le descendre, maintenant. » Ils m’ont allongé sur le sol, les bras en croix. Ils se sont assis sur mes mains et sur mes jambes et ont continué à m’administrer des décharges d’électricité dans les parties génitales, pendant environ une heure.
Après, l’officier a dit à ses subordonnés qu’ils pouvaient me laisser me rhabiller. Je ne pouvais plus du tout bouger mon bras, alors ils m’ont rhabillé et m’ont emmené dans une autre pièce. Un type s’est mis à me donner des coups de câble à la tête et dans le ventre. Je suis resté comme ça dans cette pièce ; de temps en temps, quelqu’un entrait et me frappait. Cela continué jusqu’à la prière du petit matin. Après, ils m’ont laissé dormir jusqu’au lendemain.
Le jeudi, on m’a apporté un bout de fromage et une miche de pain. Je suis resté menotté, les yeux bandés, jusqu’au mardi suivant. Ce jour-là, on m’a fait monter dans un minibus et on m’a conduit, à deux minutes de là, dans un autre bâtiment, où on m’a tendu deux feuilles de papier, en me demandant d’en apprendre le contenu par cœur. On m’a dit de me mettre devant la caméra et de réciter ce que j’avais lu, qui était censé constituer des « aveux ». On m’a filmé, puis on m’a ramené dans ma cellule, où je suis resté jusqu’au vendredi.
Les « aveux » filmés de Omar Mohammed Ali ont été utilisés à charge lors de son procès, qui a eu lieu un peu plus tard, bien que le procureur militaire et un agent des services de renseignement lui aient dit qu’ils le savaient innocent. L’un d’eux lui aurait même confié : « Je sais que tu es accusé à tort. » Omar Mohammed Ali a été condamné en mai dernier à l’emprisonnement à vie, en compagnie de 12 autres co-accusés ; huit autres personnes ont été condamnées à mort. Ces condamnations ont été prononcées par un tribunal militaire égyptien à l’issue d’un procès totalement contraire aux normes d’équité. Les juges se sont notamment fondés sur d’autres « aveux » extorqués sous la torture. Amnesty International demande que tous les condamnés soient rejugés dans des conditions équitables et que des enquêtes indépendantes soient ouvertes sur toutes les allégations de torture.
Le 26 juillet 1956, le président égyptien Gamal Abdel-Nasser annonce la décision de nationaliser le canal de Suez, en l'accompagnant d'un mémorable éclat de rire. Il déclare à Alexandrie, devant une foule en liesse: "Le canal est désormais à nous, bien à nous".
Gamal Abd el-Nasser était alors âgé de 38 ans. Quatre ans après la Révolution menée par les Officiers libres, il rêve de moderniser son pays. Il veut commencer par construire un barrage à Assouan, en amont du Nil, pour régulariser le débit du fleuve, doubler ou tripler les surfaces irriguées du pays et fournir de l'énergie hydroélectrique.
Le devis de cet immense projet dont on parle depuis déjà deux siècles : 1,2 milliard de dollars. Nasser demande aux Américains de l'aider à le financer. Washington, qui tient à conserver de bonnes relations avec l'Égypte, signe un accord de principe en février 1956. Mais le raïs, qui affiche pourtant un anticommunisme farouche, désavoue le pacte de Bagdad - l'équivalent de l'Otan au moyen-Orient- créé sous la houlette américaine. Nasser affirme donc sa neutralité dans la "guerre froide" qui oppose l'URSS et les États-Unis.
Le 19 juillet 1956, les USA font volte-face, retirent l'offre de prêt américain à l'Égypte et poussent la Banque mondiale à en faire autant ! C'est une humiliation amère pour les Égyptiens et leur jeune président de la République, qui décide de se procurer l'argent en nationalisant le canal de Suez, par lequel transitent notamment 70 % des importations britanniques et 50 % des importations françaises.
Les Britanniques et les Français refusent cette décision souveraine, assortie de l'engagement d'indemniser les actionnaires de la Compagnie. Les deux pays refusent de discuter et décident d'occuper Suez militairement. Ils combinent avec Israël une opération rassemblant plus de 60.000 hommes, 300 avions de combats et 6 porte-avions. Le gouvernement français, alors présidé par le socialiste Guy Mollet, voulait aussi stopper le soutien égyptien à la lutte de libération nationale des Algériens.
Après de premières opérations, le maréchal Boulganine, président de l'Union soviétique lance son ultimatum historique: si l'attaque n'est pas stoppée l'URSS menace d'intervenir avec des fusées intercontinentales. Les trois pays sont contraints de se replier, les USA étant plutôt réservés sur leur intervention. Les parachutistes français et britanniques doivent cesser le feu, quelques heures à peine après avoir sauté sur le canal. Le 6 novembre 1956, à minuit, prend fin l'expédition de Suez.
Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1952, un groupe d'«Officiers libres» prend le pouvoir en Égypte et renverse le roi Farouk 1er.Acclamés alors par les Egyptiens, les militaires reçoivent un accueil populaire aussi chaleureux que celui de la foule célébrant le départ de Moubarak sur la place Tahrir, en 2011. Le 23 juillet est devenu fête nationale en Égypte.
En ce début de 1952, les initiatives anti-britanniques se multiplient. Le 25 janvier 1952, le général George Erskine réprime durement la révolte d'un millier de Boulouks, ou auxiliaires de police, à Ismaïlia. Il s'ensuit 49 morts dont 3 Britanniques. Le pays est au bord de l'explosion. Le lendemain, un «samedi noir», des émeutes secouent Le Caire. Des immeubles, bars, cafés et cinémas, sont incendiés et des ressortissants britanniques lynchés par la foule.
Dans les semaines qui suivent, le Premier ministre est congédié et les ministères se succèdent sans résultat. Devant cette carence du pouvoir, le peuple, désemparé, ne sait plus à quels saints se vouer. La monarchie, minée par la corruption, est d'autre part fragilisée par une série de complots.
Le 21 juillet 1952, les Officiers libres décident de passer aux actes. Ce mouvement progressiste a été fondé par un colonel d'humble extraction, Gamal Abdel Nasser, héros très populaire de la guerre de 1948 contre Israël. Dans la nuit du 22 au 23 juillet, tous les points névralgiques de la capitale sont occupés par les insurgés.
Le 18 juin 1953, la République est proclamée.
En 1956, Nasser expulse les dernières troupes britanniques et va défier l'Occident en nationalisant le canal de Suez…
Aujourd’hui, la mode médiatique dominante oblige les chroniqueurs à établir un lien de filiation directe entre le colonel Gamal Abdel-Nacer et Tantaoui, le maréchal qui dirige le Conseil supérieur des forces armées. Alain Gresh a raison d’écrire :
« Les officiers qui s’emparent du pouvoir le 23 juillet 1952 sont jeunes, dynamiques, en partie idéalistes, porteurs d’un projet nationaliste qui consiste à faire de l’Egypte un Etat moderne. Les membres du CSFA appartiennent à l’élite qui a pillé le pays depuis des décennies, accumulé de fantastiques fortunes, et qui n’a d’autre but que de préserver ses privilèges ».
Des jeunes, formés au théâtre de rue par l’association Al-Nahda se filment avec un téléphone portable dans un quartier du Caire.
Ils critiquent la mauvaise situation économique du pays, les violences policières, la vente par Abdel Fattah Al-Sissi de deux îlots à l’Arabie saoudite... dans de courts sketches parodiques destinés à être diffusés sur les réseaux sociaux.
Quatre d’entre eux se trouvent en prison depuis début mai et attendent leur procès. Dans cette vidéo en français et en arabe, Éléonore Fallot, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD)-Terre solidaire, partenaire d’Al-Nahda, raconte.
Le jeu des alliances au Proche et au Moyen-Orient évolue, une fois de plus, de manière à première vue surprenante.
Dimanche 10 juillet, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, s’est rendu en Israël pour une première visite depuis neuf ans. À l’époque, en juillet 2007, son prédécesseur de l’époque (Ahmed Aboul Gheit) s’était rendu à Jérusalem avec son homologue jordanien, Abdelelah Al-Khatib. Mais cette fois-ci, le ministre Choukri s’est laissé prendre en photo dans deux réunions, dont l’une avait lieu dans la résidence personnelle du Premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou. Une première et donc un symbole d’autant plus fort.
Deux semaines plus tôt, le dimanche 26 juin le gouvernement de l’État sioniste avait pu conclure un accord avec le gouvernement turc, mettant officiellement fin à un contentieux vieux de six ans. Le 31 mai 2010, des troupes israéliennes avaient donné l’assaut en Méditerranée, contre le navire turc « Mavi Marmara », tuant dix ressortissants turcs. Le bateau faisait partie de la flottille pour Gaza. Cela jeta un froid dans les relations officielles entre les deux États. Jusqu’ici, Israël et la Turquie, deux puissances militaires travaillant avec les structures de l’Otan (dont la Turquie est membre depuis 1952) en Méditerranée, avaient été stratégiquement proches.
Excuses croisées...
Depuis la fin juin, la crise diplomatique semble donc soudainement réglée. Le pouvoir turc renonce désormais aux poursuites judiciaires, qu’il avait lancées contre Israël. Initialement, la Turquie d’Erdogan avait posé trois conditions pour une reprise des relations : des excuses publiques israéliennes, une indemnisation financière des familles des victimes turques de 2010, et un abandon du blocus imposé à Gaza. Les deux premières conditions ont été partiellement satisfaites, surtout en termes financiers, puisque Israël va verser 20 millions de dollars (18 millions d’euros) pour clore le dossier. En revanche, il n’y aura pas de libre accès au port de Gaza, même si la Turquie pourra livrer des biens pour Gaza au port israélien d’Ashdod, d’où les Israéliens les achemineront... ou pas !
Turcs et Égyptiens auraient-ils donc abandonné leurs critiques à l’égard d’Israël, l’occupation de la Palestine serait-elle donc terminée ou acceptée ?
En réalité, les comportements des deux gouvernements – à Ankara et au Caire – ne sont pas si liés que cela. Concernant le pouvoir turc, dans le même mouvement, il s’est aussi rapproché d’un autre pays avec lequel les rapports étaient entrés en crise : la Russie. Et cette fois-ci, c’est le président Erdogan qui le 27 juin s’est excusé – chose qui ne lui ressemble guère – auprès de son homologue Vladimir Poutine, demandant aussi de « restaurer les relations traditionnellement amicales » entre les deux pays. L’objet de ses excuses concernait l’avion russe abattu par l’armée de l’air turque en novembre 2015, aux confins de la Syrie.
Qui aura l’hégémonie ?
La réalité, c’est surtout qu’Erdogan, dans sa recherche d’un rôle de grande puissance régionale, était allé trop loin dans l’isolement. Historiquement, le leader de l’AKP (islamiste), arrivé au pouvoir en 2003, avait suivi une politique du « zéro ennemi » dans la région : ami avec le régime syrien de Bachar el-Assad (les deux hommes sont même partis en vacances ensemble...), négociant un temps avec les Kurdes du PKK, etc. Mais à partir de 2011, Erdogan a rompu avec cette politique : il croyait que le « printemps arabe » allait lui donner un rôle de leader régional (l’AKP devenant le « modèle » de parti « islamiste libéral » au pouvoir que les Frères musulmans devaient imiter), que le régime syrien d’Assad allait rapidement chuter, et que le régime turc apparaîtra comme le protecteur des sunnites dans la région. Puisque ce scénario ne s’est pas réalisé, Erdogan est aujourd’hui obligé de composer avec d’autres puissances.
Concernant l’Égypte, c’est une autre affaire.
Depuis l’arrivée au pouvoir du militaire al-Sissi suite au renversement du gouvernement islamiste en 2013, la diplomatie du pays s’aligne surtout sur son allié et créancier saoudien et sur d’autres puissances conser- vatrices du Golfe. Or, ce bloc sunnite-réactionnaire, s’il n’admet pas entretenir des relations avec Israël pour des motifs religieux, entretient bien des relations avec l’État sioniste en sous-main (avec les USA dans le rôle d’arbitre...). Avec la réapparition de l’Iran en tant que puissance régionale, mais surtout depuis l’accord des grandes puissances avec Téhéran en juillet 2015, il n’a plus qu’une seule préoccupation : endiguer l’influence iranienne. Or, au côté d’Israël, on se retrouve contre cet ennemi commun.
La stupéfaction quelque peu théâtrale de Tarek* sied bien au personnage. Trentenaire coquet et volubile, conversant sans détour sur un ton sarcastique, Tarek sirote son café glacé en gardant un sourire en coin avant de s’expliquer plus consciencieusement : « Il n’y a pas de bars gays ici, comme tu peux en trouver en Europe. Il existe des cafés et des clubs connus pour accueillir ou du moins tolérer les homosexuels. Ce café-là l’est par exemple, mais la présence des gays est très aléatoire. On ne sait jamais vraiment à l’avance si la soirée sera gay ou non. »
« Immoralité », « incitation à la débauche » et « mépris de la religion » : si les relations homosexuelles ne sont pas formellement interdites en Egypte, de nombreux textes permettent aux tribunaux de condamner les relations entre personnes de même sexe. Si l’Egypte n’a jamais connu de tuerie dans un bar gay comme celle d’Orlando le 12 juin aux Etats-Unis, les lieux de rassemblement de la communauté lesbienne, gay, bi et trans (LGBT) sont régulièrement pris pour cible par la police.
Arrestations et condamnations
L’affaire du Queens Boat, une boîte de nuit située sur un des bateaux qui longent le Nil, a marqué les esprits : en mai 2001, 52 hommes y ont été arrêtés par la police puis condamnés par la justice. Plus récemment, en avril, le ministère français des affaires étrangères s’est ému de la condamnation jusqu’à douze ans d’emprisonnement de onze homosexuels arrêtés dans un lieu privé.
Plusieurs cafés du centre-ville acceptaient voire favorisaient la présence des gays avant la période de désordre qui a suivi la révolution en 2011. « Par peur, je n’y ai jamais mis les pieds », confie Sameh*, un ami de Tarek particulièrement circonspect. « Je n’y remettrai plus les miens », rétorque aussitôt celui-ci, gardant en mémoire un souvenir douloureux. « Une fois, j’ai participé à une soirée gay organisée dans un club connu du centre-ville, raconte Tarek, l’air soudainement grave. J’ai été pris de panique quand le personnel nous a annoncé que les portes avaient été bloquées pour empêcher la police d’entrer. Nous craignions tous d’être arrêtés. J’avais si peur pour ma réputation, celle de ma famille. Je me suis posé des centaines de questions en une fraction de seconde. » Si le club en question n’a pas été fermé, mais a quand même cessé d’organiser de telles soirées, d’autres n’y ont pas échappé.
Portes closes
Depuis 2011, les lieux réputés ouverts aux gays se succèdent aussi furtivement qu’ils disparaissent. Cette année-là, le gérant du Salvatore*, de crainte de voir son établissement menacé, a littéralement chassé ce public. Celui-ci a également trouvé portes closes au Altag*, qualifié de « bar d’athées » par la police dans la foulée des fermetures administratives qui ont frappé plusieurs cafés du Caire à la fin de 2014.
Même le plus gay des cafés du Caire, Alwan*, tenu jadis par des membres connus de la communauté LGBT, a mis la clef sous la porte à cause des menaces de la police ou, indirectement, des baltagueya – des petites frappes devenues sbires des forces de sécurité. C’est d’ailleurs au cours de cette période que la présentatrice Mona Iraqi a fomenté une rafle de la police dans un hammam gay pour son émission diffusée sur la chaîne privée Al-Kahera Wal Nas.
L’omniprésence de la police dans chaque recoin du centre-ville a conduit les groupes de jeunes homosexuels à chercher de nouveaux lieux de rassemblement dans les alentours. Mais pour l’essentiel désormais, les seules tables qui leur sont offertes se trouvent dans les bars des grands hôtels.
Clientèle argentée
Dans un beau quartier résidentiel en périphérie du Caire, Shady*, un jeune étudiant en commerce international, a ses habitudes au Venus, un établissement réservé à une clientèle argentée. « Ici, je ne risque pas grand-chose, murmure-t-il avec un petit sourire qui fend sa petite barbe de hipster. Je fais partie d’une classe sociale qui ne craint pas la police. Elle ne s’en prend pas à nous parce que nos parents ont le bras long, qu’ils ont les moyens de se payer des avocats influents. Pour autant, je fais attention et prends soin de ne pas être exposé comme étant gay. »
Dans ces lieux où le demi-litre de bière coûte au moins deux fois plus cher qu’ailleurs, les homosexuels des classes moyenne et populaire n’y ont pas leur place. Les applications disponibles sur smartphone deviennent quasiment leur unique espace de rencontres. Si leur utilisation discrète donne une impression de confort et de sécurité, aucun danger ne leur est épargné.
La célèbre application de rencontres gays Grindr a appelé en septembre 2014 ses utilisateurs égyptiens à se méfier des faux profils créés par la police pour arrêter des homosexuels. La géolocalisation, qui a fait le succès de cette application dans le monde entier, a même été supprimée en Egypte. D’autant plus que d’autres utilisateurs mal intentionnés sévissent sur le réseau, en particulier des voyous qui cherchent à extorquer de l’argent en faisant chanter leurs victimes.
« La magie s’est rompue »
Jeune homme gracile et timide, Ehab*, un autre ami de Tarek, confie avoir vécu l’une des pires expériences de sa vie. « J’étais jeune et naïf, se remémore-t-il calmement. Un garçon m’a abordé sur Grindr. J’étais tellement obnubilé par sa beauté que j’en ai oublié de me méfier, j’en ai oublié le pays dans lequel je vivais. Je l’ai rencontré, on a un peu discuté. Et d’un coup, la magie s’est rompue. Il m’a volé mon portefeuille et mon iPhone en me menaçant de tout révéler si j’allais me plaindre à la police ». Ehab a choisi de rester connecté, ne sachant pas trop quoi faire d’autre, dit-il, pour vivre sa vie.
Après l’attaque d’Orlando, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a voté le 30 juin une résolution destinée à nommer un expert indépendant sur les violences et discriminations à l’encontre des communautés LGBT. Une décision « sans valeur » aux yeux d’Amr Ramadan, le délégué permanent de l’Egypte à l’ONU, indigné par ce qu’il a qualifié de « pensées perverses promues par les pays occidentaux ».
Aziz El Massassi contributeur Le Monde Afrique, Le Caire
L'agence nationale de sécurité égyptienne (NSA) enlève des personnes et les soumet à la torture et à une disparition forcée afin d'intimider les opposants et d'éliminer la contestation pacifique, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public mercredi 13 juillet qui attire l'attention sur une multiplication des disparitions forcées sans précédent depuis le début de 2015.
Égypte. ‘Officially, you do not exist’: Disappeared and tortured in the name of counter-terrorism montre que des centaines d'étudiants, de militants politiques et de protestataires, parmi lesquels figurent des adolescents âgés de 14 ans seulement, ont disparu aux mains de l'État, sans laisser de traces. Chaque jour, trois ou quatre personnes en moyenne sont capturées, selon des ONG locales, généralement lors de descentes effectuées à leurs domiciles par des membres des forces de sécurité lourdement armés et dirigés par des agents de la NSA. Beaucoup sont maintenues en détention plusieurs mois d'affilée, et souvent menottées et les yeux bandés pendant toute cette période.
« Ce rapport expose au grand jour les méthodes que les autorités égyptiennes sont prêtes à employer pour terrifier et réduire au silence les protestataires et les dissidents, a déclaré Philip Luther, directeur du Programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à Amnesty International.
« Les disparitions forcées sont devenues un des instruments clés de la politique d'État de l'Égypte. Toute personne qui ose exprimer des critiques est en danger, la lutte contre le terrorisme servant de prétexte pour enlever, interroger et torturer les gens qui contestent la politique des autorités.
« Les autorités égyptiennes nient régulièrement la pratique des disparitions forcées dans le pays, mais les cas exposés dans ce rapport prouvent clairement le contraire. Le rapport montre non seulement que les personnes soumises à une disparition subissent de graves violences, mais aussi que les forces de sécurité agissent en collusion avec les autorités judiciaires égyptiennes, qui sont disposées à mentir pour couvrir leurs agissements ou qui s'abstiennent d'enquêter sur les allégations de torture, se rendant ainsi complices de graves violations des droits humains. »
Disparitions forcées et torture
Le rapport expose les cas de 17 personnes qui ont été soumises à une disparition forcée : elles ont été maintenues en détention au secret pour une période allant de plusieurs jours à plusieurs mois, privées de tout lien avec le monde extérieur et de tout contact avec leurs avocats et leur famille, et de toute supervision par une autorité judiciaire indépendante.
Le rapport fait aussi état des actes de torture infligés aux victimes lors des interrogatoires, qui peuvent durer sept heures, afin de leur arracher des « aveux » par la suite utilisés contre elles lors des audiences devant les procureurs, et lors des procès pour obtenir leur condamnation. Dans certains cas, les victimes de torture étaient des mineurs.
Le cas de Mazen Mohamed Abdallah est particulièrement révoltant : il a été soumis à une disparition forcée en septembre 2015, alors qu'il avait 14 ans, et à de très graves violences ; il a notamment été violé à plusieurs reprises avec un bâton, afin qu'il fasse de faux aveux.
Aser Mohamed, qui était lui aussi âgé de 14 ans au moment de son arrestation, a été frappé et il a reçu des décharges électriques sur tout le corps et été suspendu par les bras et les jambes afin qu'il fasse des « aveux ». Sa disparition forcée, qui a eu lieu en janvier 2016, a duré 34 jours et il a été détenu dans les locaux de la NSA dans le quartier du 6 octobre, dans la banlieue du Caire. Il a finalement été présenté devant un procureur de la sûreté de l'État, qui l'a prévenu qu'il risquait d'être à nouveau soumis à des décharges électriques, quand il a tenté de rétracter ses « aveux ».
Ces deux adolescents font partie des cinq mineurs soumis à une disparition forcée ayant duré jusqu'à 50 jours, dont les cas sont exposés dans le rapport. Dans certains cas, le parquet a ordonné la remise en liberté des mineurs, mais les forces de sécurité les ont une seconde fois soumis à une disparition forcée, puis les ont accusés de nouvelles infractions.
Dans d'autres cas, des proches de la victime ont été arrêtés afin de faire pression sur elle et de l'amener à faire des « aveux ». En juillet 2015, Atef Farag a été arrêté en même temps que son fils Yehia, âgé de 22 ans. La famille pense qu'Atef a été arrêté pour avoir participé à un sit-in, et que son fils, qui est handicapé, a été appréhendé afin de faire pression sur lui et de l'obliger à « avouer » de graves infractions. Ils ont tous les deux été maintenus en détention pendant 159 jours, et ils sont actuellement inculpés d'appartenance à l'organisation des Frères musulmans, interdite en Égypte.
Le recours aux disparitions forcées a très nettement augmenté en Égypte depuis la nomination de Magdy Abd el Ghaffar au poste de ministre de l'Intérieur, en mars 2015. Il a dans le passé été en poste au Service de renseignement de la sûreté de l’État (SSI) – la police secrète, tristement célèbre en raison des violations des droits humains perpétrées quand Hosni Moubarak était au pouvoir –, démantelé à la suite du soulèvement de 2011 et rebaptisé NSA.
Citons aussi le cas d'Islam Khalil, 26 ans, qui a été soumis à une disparition forcée pendant 122 jours en 2015. Il est resté menotté et les yeux bandés durant toute cette période, et il a reçu des coups, des décharges électriques, y compris sur les organes génitaux, et a été suspendu nu par les poignets et les chevilles pendant plusieurs heures d'affilée par des agents de la NSA chargés de l'interroger, à Tanta, une ville au nord du Caire, jusqu'à ce qu'il perdre connaissance.
À un moment, l'un des agents qui l'interrogeaient lui a demandé : « Tu penses que tu comptes pour quelque chose ? On peut te tuer, t'emballer dans une couverture et te jeter aux ordures, et personne ne demandera de tes nouvelles. »
Un autre agent lui a même conseillé de faire ses dernières prières pendant qu'il lui administrait des décharges électriques.
Il a par la suite été transféré dans des locaux de la NSA à Lazoughli, dans le centre du Caire, un endroit qu'il a décrit comme étant l'« enfer » et où il est resté pendant 60 jours et a été encore torturé.
On estime que des centaines de personnes sont détenues dans les locaux de la NSA à Lazoughli – le pire lieu de détention selon les détenus –, qui se trouvent dans les bâtiments du siège du ministère de l'Intérieur. Ces locaux se situent non loin de la célèbre place Tahrir, où des centaines de personnes ont manifesté il y a cinq ans contre les actes de torture et les violences commises par les forces de sécurité sous le régime d'Hosni Moubarak.
La disparition de l'étudiant italien Giulio Regeni, qui a été retrouvé mort au Caire en janvier 2016, et dont le corps portait des marques de torture, a fait la une des médias dans le monde entier. Les autorités égyptiennes ont nié à maintes reprises être impliquées dans sa disparition et son meurtre, mais le rapport d'Amnesty International indique que les similitudes entre les lésions constatées sur son corps et celles présentées par les corps d'Égyptiens morts en détention incitent à penser que sa mort ne représente que la partie visible de l'iceberg et qu'elle pourrait s'inscrire dans un ensemble plus vaste de disparitions forcées pratiquées par la NSA et d'autres services de renseignement dans toute l'Égypte.
La disparition forcée augmente le risque de torture et d'autres mauvais traitements, soustrait la victime à la protection de la loi, et a aussi des effets dévastateurs sur les familles qui restent sans aucune nouvelle de leur proche.
« Je voulais simplement savoir si mon fils était vivant ou mort », a déclaré Abd el Moez Mohamed. Son fils Karim, âgé de 22 ans et étudiant en ingénierie, a été soumis à une disparition forcée pendant quatre mois par des agents de la NSA, qui sont venus, accompagnés de membres des forces de sécurité lourdement armés, le chercher chez lui, au Caire, en août 2015.
Des proches de victimes sont allés signaler la disparition auprès du ministère de l'Intérieur et du parquet, mais dans la plupart des cas aucune enquête n'a été diligentée. Dans les rares cas où une enquête a été ouverte, celle-ci a été close après que les autorités eurent reconnu que les détenus se trouvaient aux mains de la NSA, et même après cela, ils ont continué d'être privés de tout contact avec leurs avocats et leurs familles.
« Le président Abd el Fattah al Sisi doit donner l'ordre à tous les services de sécurité de l'État de cesser de commettre des disparitions forcées, des actes de torture et d'autres formes de mauvais traitements, et leur faire clairement savoir que toute personne qui ordonne de telles violations, en commet ou s'en rend complice sera déférée à la justice, a déclaré Philip Luther.
« Toutes les personnes qui continuent d'être détenues dans de telles conditions doivent être autorisées à communiquer avec leurs avocats et leurs familles. Les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et de réunion doivent être libérées immédiatement et sans condition. »
Dans ce rapport, l'organisation demande également au président al Sisi de mettre en place de toute urgence une commission d'enquête indépendante chargée d'examiner les allégations de disparition forcée, de torture et d'autres mauvais traitements infligés à des détenus par la NSA et d'autres services, et habilitée à enquêter sur tous les organes gouvernementaux, y compris l'armée, sans interférence.
Collusion et tromperie
Le rapport présente une image très sombre du parquet égyptien, qui a manifestement accepté à titre de preuve des éléments douteux présentés par la NSA – qui a régulièrement falsifié la date d'arrestation afin de garder secrète la durée de la période de détention dans les conditions d'une disparition forcée –, qui a basé des mises en accusation sur des « aveux » extorqués par la force, et qui s'est abstenu d'enquêter sur les allégations de torture, par exemple en ordonnant un examen médical et en le consignant dans le dossier. Dans les rares cas où des procureurs ont envoyé des détenus passer un examen médical indépendant, les avocats n'ont pas été autorisés à prendre connaissance des résultats de cet examen.
« Le rapport critique sévèrement le parquet égyptien, qui s'est rendu complice de ces violations et a trahi son devoir au titre de la législation égyptienne de protéger les personnes contre une disparition forcée, une arrestation arbitraire, la torture et d'autres mauvais traitements. Si le parquet n'est pas réformé en vue de garantir son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, il ne pourra pas accomplir sa mission », a déclaré Philip Luther.
De nombreuses puissances étrangères considèrent l'Égypte comme un partenaire essentiel dans la région en matière de lutte contre le terrorisme, et un grand nombre d'États ont utilisé cet argument pour fournir à l'Égypte des armes et des équipements connexes malgré les éléments prouvant qu'ils sont utilisés pour commettre de graves violations des droits humains. De nombreux pays continuent d'entretenir des relations étroites avec ce pays sur les plans diplomatique et commerciaux, entre autres, en reléguant les droits humains au second plan.
« Tous les États, en particulier les États membres de l'UE et les États-Unis, doivent utiliser leur influence et faire pression sur l'Égypte pour qu'elle mette fin à ces violations, qui sont commises sous le prétexte fallacieux de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme », a déclaré Philip Luther.
« Au lieu de continuer de fournir aveuglément des équipements de sécurité et de police à l'Égypte, ils devraient mettre un terme à tous les transferts d'armes et d'équipements qui sont utilisés pour commettre de graves violations des droits humains en Égypte, jusqu'à ce que des garanties efficaces soient mises en place pour empêcher de tels agissements et jusqu'à ce que des enquêtes exhaustives et indépendantes soient diligentées et les responsables présumés déférés à la justice. »
Début juin, les dirigeants de l’usine textile de Kom Hamada, dans le delta du Nil, ont eu à faire face à une grève d’une semaine, avec occupation et arrêt de la production.
Les revendications des travailleurs portaient, comme c’est souvent le cas, sur une prime permettant d’améliorer les salaires très faibles : une prime de diplôme de 7 %, pour les salariés ayant le baccalauréat. Dix jours de congés annuels supplémentaires étaient également revendiqués pour les ouvriers dépassant dix ans d’ancienneté.
L’un d’entre eux, porteur des revendications écrites, avait été, sur plainte du directeur, arrêté à la sortie par la sécurité de l’usine et la police. Il n’a été libéré qu’après paiement d’une importante caution par son père, qui a dû à cette fin vendre les bijoux de famille. Les travailleurs ont fait une collecte pour le rembourser.
Après l’annonce de la mise à pied de 18 d’entre eux, la grève a démarré, 500 grévistes occupant l’usine, sur les 800 qui y travaillent normalement. La police a plusieurs fois fait irruption dans les bâtiments, notamment après le début d’une grève de la faim.
La détermination des grévistes a conduit, au sixième jour, à une rencontre entre une délégation des ouvriers et le directeur, des représentants du conseil d’administration, un responsable du syndicat officiel, en présence d’élus de la région. Non seulement les revendications des grévistes ont été acceptées, mais les poursuites financières et policières contre les 18 ouvriers mis à pied ont été annulées. Les grévistes ont aussi obtenu le renvoi de cinq membres de la direction, ainsi que le calcul de leurs jours de grève comme des jours de congés payés.
Il arrive souvent que les revendications ouvrières, même acceptées pour que le travail reprenne, ne soient pas appliquées. Mais, comme l’ont fait savoir certains grévistes, ils ont encore des cartes dans leur jeu. Et la direction devra s’en souvenir.