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Irak - Page 2

  • Irak : Une offensive complexe de la coalition à Mossoul (NPA)

    Quatre mois après le début de l’offensive visant à reprendre la région de Mossoul à Daesh/« l’État islamique », le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a lancé dimanche 19 février l’opération finale visant à libérer la partie ouest de la grande ville.

    Il s’agit évidemment d’un enjeu stratégique essentiel pour le fragile gouvernement irakien, mais aussi pour la coalition internationale dirigée par les États-Unis qui l’encadre. Mossoul est la deuxième ville irakienne (2 millions d’habitantEs). Elle a connu le « privilège » d’être proclamée en juin 2014 capitale du « califat » de Daesh, avec à cette occasion la seule apparition publique de son chef, le calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi. La bataille y est donc très dure, Daesh résistant de toutes ses forces.

    La densité de population à l’ouest du Tigre y est aussi la plus élevée, dans la partie ancienne de la ville avec ses petites ruelles et 750 000 habitantEs (dont 350 000 enfants) fragilisés par le manque d’eau et de nourriture, mais aussi par la répression sanglante menée par Daesh. Il y a eu plusieurs actions internes de résistance contre les forces djihadistes dans la ville, vite stoppées par l’ampleur de la punition contre ces actes : selon des habitants, pour chacun de ses membres tués, Daesh a arrêté 40 jeunes et les a ­exécutés sur place.

    Coalition et pouvoir irakien

    Cette offensive présente de nombreuses difficultés pour la coalition qui la mène. Elle ne peut se permettre d’être aussi féroce envers les civils que celle du régime syrien et de ses alliés contre Alep et les autres villes syriennes : à la différence de la Syrie, elle combat ici vraiment Daesh et non une insurrection populaire. La coalition doit aussi tenir compte un minimum de l’opinion publique internationale, et dans l’immédiat, elle est confrontée aux alertes pressantes d’organisations humanitaires qui voient venir une situation d’abandon catastrophique de centaines de milliers de civils.

    De son côté, du fait de sa faiblesse au Parlement, le Premier ministre irakien Abadi et son gouvernement ont un besoin absolu de victoires militaires afin de restaurer un fort crédit populaire pour rassembler les différentes composantes de la population. Il ne dispose de manière sûre que de 20 à 30 parlementaires (sur 328 !), face à son frère ennemi l’ancien Premier ministre al-Maliki, qui lui a choisi la confrontation contre les alliés kurdes et arabes sunnites, suivant la ligne du gouvernement iranien fondée sur une agitation confessionnaliste. Or Mossoul est composé de multiples ethnies et religions : il s’agit donc d’une des dernières opportunités de conserver l’Irak comme pays de cohabitation.

    Sur le terrain du rapport de forces

    Se résignant à aller lentement, Abadi privilégie l’envoi au front des unités du CTS (Service de contre-terrorisme), dont le chef a refusé qu’il soit bâti à l’image de l’État irakien sur des quotas confessionnels ou ethniques. Cette force a montré son efficacité militaire contre Daesh, en même temps que sa capacité à établir de bonnes relations avec les populations des zones libérées. Cela au contraire d’autres unités militaires et milices responsables d’exactions récemment dénoncées, comme la force « Mobilisation populaire » constituée à l’appel de l’autorité religieuse chiite Ali al-Sistani, mais dont la plupart des unités ne suivent pas les recommandations de bonnes relations avec la population sunnite.

    À côté de ces unités, il y a des forces de « mobilisation tribale » sunnites et les peshmergas kurdes barzanistes. Et le tout compte sur l’aviation de la coalition internationale dirigée par les États-Unis. Ceux-ci cherchent, sans y arriver, à éviter les bavures militaires ou diplomatiques, comme la récente déclaration de Trump regrettant que les USA n’aient pas obtenu plus de pétrole irakien en compensation de l’engagement militaire étatsunien...

    Le calme après la tempête ?

    Jusqu’ici, Abadi a réussi à séparer les composantes inflammables des forces anti-Daesh, laissant la plupart des forces des « Mobilisations populaires » loin de Mossoul, négociant avec les peshmergas kurdes qui ont lutté pour la première fois côte-à-côte avec l’armée irakienne... Ce qui ne les pas empêché de recevoir des obus d’artillerie tirés par des « milices indisciplinées » !

    Mais le retour au calme en Irak est encore loin. La reprise de Mossoul peut déraper à tout moment. Il reste des territoires à l’ouest de la ville jusqu’à la frontière avec la Syrie contrôlées par Daesh. Il y a aussi les forces du PKK auxquelles les USA interdisent d’entrer dans la ville de Sinjar, et considérées comme une organisation terroriste en Irak, mais amie en Syrie. Et il y a le discrédit du système politique irakien avec sa corruption et ses tensions confessionnalistes.

    Pour notre part, nous maintenons notre opposition aux bombardements sur les zones habitées comme aux guerres substituant les logiques impérialistes et dictatoriales aux luttes des peuples, bombardements et guerres qui au Moyen-Orient n’ont fait que favoriser les obscurantismes depuis tant d’années.

    Karim Saïd et Jacques Babel

     
  • Brest Rassemblement

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    Communiqué du collectif « Paix au Moyen-Orient ».

    Rassemblement mercredi 1er mars à 18 heures au Monument aux Morts

    Avec la reprise de son aéroport par les forces gouvernementales, la reconquête de Mossoul est entrée dans une phase cruciale. Après la Syrie et Alep, c'est aujourd'hui en Irak, dans les quartiers Ouest de Mossoul où 700 000 civils dont près de la moitié d'enfants se trouvent pris au piège que l'on peut craindre un nouveau drame humanitaire.

    Plus que jamais nous devons rester mobilisés pour dénoncer les drames qui se déroulent sous nos yeux, exiger la protection des populations civiles et réclamer l'ouverture d'un sommet de l'ONU afin de trouver une issue politique aux conflits qui embrasent aujourd'hui le Moyen-Orient.

     

  • Syrie-Irak Repenser l’internationalisme après Alep Réflexions au fond, exigences urgentes (ESSF)

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    « La Syrie et les Syriens se sentent abandonnés pas seulement par les États du monde « libre » mais aussi et surtout par les sociétés civiles occidentales.

    Le seul élan de solidarité remarquable et reconnaissable s’est traduit par l’engagement citoyen de certains pays, comme l’Allemagne et le Canada, pour gérer d’une manière décente la question des réfugiés en général et celle des Syriens en particulier. » (Salam Kawakibi, intellectuel franco-syrien originaire d’Alep, politiste et directeur adjoint de l’Arab Reform Initiative. Entretien accordé à Joseph Confavreux, Mediapart, 14 décembre 2016.)

    Alep est le nom d’une défaite qui est aussi la nôtre compte tenu de l’incapacité des gauches radicales à construire un mouvement de solidarité internationaliste de masse en France et en Europe. Alep : que faire ? Que dire pour sortir de l’impuissance ? Quels pourraient être les contours d’un programme d’action internationaliste avec le peuple syrien aujourd’hui ? Ces questions se sont posées avec force depuis l’offensive lancée par Poutine et Assad sur Alep-Est le 15 novembre dernier. Elles s’étaient déjà posées auparavant, au fil de l’escalade dans l’horreur de cette guerre d’une dictature contre son peuple : après le carnage de la Ghouta, dans la banlieue de Damas, en août 2013, après le largage de barils d’explosifs par l’aviation syrienne sur les quartiers rebelles d’Alep en décembre 2015, après le bombardement de Homs en 2015. Elles se poseront sans doute à nouveau demain, peut-être à Idlib, car la prise d’Alep par le régime syrien et ses alliés ne résout rien dans la guerre en cours.

    Je tente ici d’interroger l’orientation politique des gauches radicales françaises concernant la guerre en Syrie et de penser les contours d’un programme d’action internationaliste. Plus une esquisse qu’une étude exhaustive, cet article est aussi un appel à la critique et des contributions pour penser les voies possibles pour construire une campagne de solidarité internationaliste à la hauteur des enjeux de la question syrienne. Les points d’appui théoriques et politiques de la réflexion proposée ci-après sont, de manière inégale, Daniel Bensaïd, Pierre Bourdieu, Philippe Corcuff, Francis Sitel, Gilbert Achcar, Michel Agier, Jean Jaurès et Eric Hobsbawm.

    Rapports de force

    L’action politique subalterne est par définition confrontée à un rapport de forces défavorable : elle est structurellement asymétrique, par sa position dans l’espace social et politique. Sa condition de possibilité est la définition et l’affirmation d’un penser/agir qui puisse suspendre les fatalités déterministes de l’ordre existant du monde. [1] Une orientation politique se déployant dans l’espace public faite de mots d’ordre, de revendications immédiates et de principes politiques généraux qui, sans chercher à changer miraculeusement le monde d’un seul coup, permet de défendre certaines positions tout en ouvrant de nouveaux possibles dans l’auto-émancipation individuelle/collective du plus grand nombre.

    En pratique, cela signifie que l’idée selon laquelle « les rapports de force dégradés » rendraient impossible une action politique internationaliste concernant la guerre en Syrie est une erreur. Erreur justifiée par tout le poids social de la domination politique qui s’exerce sur les gauches radicales.

    L’asymétrie de la lutte peut toutefois être employée comme un point de départ pour penser une intervention politique. Il s’agirait, comme le propose Hannah Arendt, d’aller à la racine des choses et de la vérité en ne commençant à nous « défendre que dans les termes de l’attaque, en retournant le sens des mots ». Poutine, Assad et leurs adorateurs de droite comme de gauche en France soutiennent que la priorité est la « lutte contre le terrorisme » ? Le terrorisme, c’est aussi eux ! rappellent à juste titre Yannick Jadot et Raphaël Glucksmann dans une tribune au Monde datée du 13 décembre dernier. Les partisans des campagnes impériales de bombardements en Syrie et en Irak soutiennent que ces opérations pourront rétablir la loi et l’ordre dans une région du monde qui aspire à la paix. Une paix impériale introuvable. Ce discours guerrier et impérialiste qui va de Le Pen à Fillon en passant par Hollande, Obama, mais aussi Trump et Poutine, est démenti jour après jour par le chaos persistant et l’emballement de la violence au Moyen-Orient. Le désordre mondial du capitalisme est accentué par les campagnes impérialistes successives au Moyen-Orient.

    Parallèlement à l’asymétrie des mots, il y a aussi une asymétrie dans le temps et les rythmes de la politique et de la guerre en cours : un renversement dialectique peut aussi s’envisager dans les échéances du calendrier politique. Force est de constater que l’initiative politique dans la guerre en cours en Syrie demeure entre les mains des États : présidents, états-majors, diplomates, chancelleries. De communiqué en communiqué, de conférence « de paix » en conférence « de paix », de réunion onusienne en réunion onusienne… la colère et la solidarité internationaliste des militants des gauches ne trouve aucune expression politique qui parvienne à suspendre le cycle infernal des chefs d’État dans la guerre en Syrie. Où trouver la brèche ? Le pari stratégique est de s’immiscer dans les affaires des puissants. Toute occasion est bonne à prendre. Pourquoi, par exemple, ne pas s’inviter aux « primaires de la gauche » pour y poser ces questions politiques déplacées qui seules peuvent ouvrir de nouveaux possibles ? Quelle que soit la réponse envisagée, il importe de penser stratégiquement l’action politique sur une temporalité qui dépasse les campagnes d’urgence liées à l’actualité. Le martyre d’Alep n’a rien réglé à la guerre en Syrie. Il est encore temps de sortir du piège des « immédiatetés successives ». [2]

    Impasses

    La difficulté à formuler un programme d’action internationaliste clair et efficace concernant la guerre en Syrie est triple.

    Premièrement, le martyre syrien nécessite de penser sans schéma préétabli, car même si les expériences historiques, comme celle de la guerre civile espagnole (1936-39), fournissent des analogies utiles pour saisir une situation présente profondément complexe, elles ne peuvent résoudre la question stratégique du que faire aujourd’hui ? La situation contemporaine est sans précédent historique, cela étant vrai par ailleurs pour toute conjoncture historique. L’art de la politique demeure donc un pari incertain et une série d’improvisations réglées d’après une hypothèse stratégique ouverte et changeante. La nouveauté et la complexité de la guerre en Syrie ne sont donc pas étrangères à l’impuissance généralisée qu’elle concentre. Francis Sittel écrivait à juste titre en février 2014 dans la revue Contretemps : « Et voici la Syrie. Avec ce qu’elle porte d’inimaginable : une dictature qui mène contre son peuple une guerre. (…) En France, face à cette horreur, seule répond l’impuissance généralisée : gouvernements, opinion publique, partis politiques constatent… qu’on n’y peut rien. » [3]

    Deuxièmement, la révolution démocratique et populaire en Syrie semble aujourd’hui avoir été défaite quelque part entre la militarisation du conflit par Bachar al-Assad et l’intervention militaire russe. On ne peut que partager la critique de Francis Sitel à l’encontre de tous ceux qui sont empressés de déclarer la mort clinique de la révolution syrienne : « qu’est-ce qui permet de décréter que telle est bien la situation » ? [4] Cela ne peut se faire que par le peuple syrien lui-même. Or, la chute d’Alep-Est semble en effet indiquer un tournant dans la situation qu’on ne saurait ignorer. Yassine al-Hajj Saleh par exemple souligne aujourd’hui clairement que « [d]eux sentiments contradictoires me tenaillent. D’abord le constat que les espoirs de la révolution syrienne sont morts. Nous sommes battus. C’est trop tard, on ne peut plus gagner. En même temps, je veux parler de ma fierté. Pour notre lutte, pour nos morts, pour nos torturés, pour nos humiliés. Je ne me résous pas au pessimisme total. La lutte dépasse le cadre syrien. C’est un combat global pour la dignité et la liberté. » [5]

    Les aspirations politiques de la révolution démocratique de 2011 demeurent vivantes dans la mémoire populaire et les mémoires marranes des exilés. Mais force est de constater aujourd’hui que les acteurs de la révolution née dans le contexte des révolutions arabes en 2011 ne font plus partie du paysage politique/militaire du conflit syrien. Il s’ensuit donc pour les militants des gauches radicales en France une difficulté à trouver un point d’appui dans ce conflit : qui soutenir ? quel programme ? quelles revendications ?

    Sur ce point, la presse du NPA par exemple continue à nourrir certaines ambiguïtés qui ne facilitent pas une orientation claire dans ce qui apparaît – pour un observateur en France – comme un reflux des irruptions démocratiques du peuple syrien dans l’espace public contre ses oppresseurs. Jacques Babel parle par exemple dans L’Anticapitaliste. La Revue (n° 81, octobre 2016) de « l’insurrection populaire toujours en cours » en Syrie. Or, la situation est telle aujourd’hui qu’il est difficile d’identifier et de voir clairement les acteurs de ces aspirations démocratiques sur les différents fronts syriens. Peut-être la situation sera tout autre dans un an. Peut-être la révolution démocratique de 2011, renaîtra-t-elle avec force bien plus tard, dans cinq, dix, quinze ans, avec d’autres formes de luttes, d’autres mots d’ordre, d’autres acteurs. Que faire alors aujourd’hui ? Cinq années après les soulèvements démocratiques du monde arabe, les causes profondes de ces révolutions font toujours partie du tableau politique et social de tous ces pays, y compris ceux où la révolution a triomphé comme la Tunisie. Adopter un horizon stratégique d’une durée moyenne – proche de la temporalité de cycles économiques mais aussi de celle des luttes politiques et sociales – semble donc nécessaire pour quiconque souhaite rester fidèle à l’événement de 2011 et, de manière plus générale, au principe de l’auto-émancipation.

    Troisièmement, toute action politique portant sur la guerre en Syrie encourt le risque de tomber dans le piège des lignes de partage tracées par les principaux camps qui s’affrontent. Un tel alignement « campiste » adossé à l’anti-impérialisme est assez répandu dans les gauches radicales, comme en témoignent la politique du Venezuela, de Cuba ou bien de Jean-Luc Mélenchon. Les faits de la situation syrienne démontrent toutefois l’impasse de cette ligne politique. Suivant l’analyse de Gilbert Achcar, la situation en Syrie montre que la révolution démocratique a été défaite par deux forces contre-révolutionnaires elles-mêmes opposées : le régime de Bachar al-Assad et ses alliés (Russie/Iran/Hezbollah) et les groupes rebelles islamistes allant des « modérés » soutenus par les Etats-Unis aux djihadistes de Daesh en passant par les groupes soutenus par les pétromonarchies du golfe Persique et la Turquie. [6]

    Dans le prolongement de ce piège des deux « camps », il existe aussi l’impasse d’un impérialisme humanitaire qui, comme tout projet impérial, véhicule la chimère d’une paix et d’un ordre mondial stable. Impasse démontrée en pratique par l’intervention française et britannique en Libye en 2011. A l’époque les gauches critiques s’étaient divisées à l’échelle mondiale sur la question d’un appel à l’intervention humanitaire ou pas face au risque d’un massacre de la révolte de Benghazi.

    Réintroduire le « tiers exclu » suivant les termes de D. Bensaïd devient ici indispensable pour qui ne veut pas tomber dans ces impasses politiques. Daniel Bensaïd : « le dégel de la guerre froide et l’interférence complexe de multiples conflits oblige de sortir de la logique binaire des « camps » sous hégémonie étatique d’une mère patrie (fut-elle celle du socialisme réellement existant), et de réintroduire le tiers exclu pour s’orienter stratégiquement dans des conflits comme ceux des Balkans ou du Golfe. » [7] Ce « tiers exclu » ne peut être un donné positif ; il relève de la raison stratégique/politique et non pas de la rationalité scientifique. Il est donc une construction politique. Dans le cas syrien aujourd’hui, le « tiers exclu » des gauches radicales ne peut provenir que des masses populaires, des acteurs et des organisations de la révolution démocratique de 2011, envisagés ni comme des victimes, ni comme des marionnettes de puissances étrangères, mais comme des sujets politiques à part entière qui travaillent pour leur propre libération dans un contexte traversé par de multiples forces et contradictions. Ce camp révolutionnaire-démocratique est devenu « invisible » au fil du temps, selon les termes de Yassine al-Hajj Saleh. [8] Le régime d’Assad a sciemment œuvré pour l’étouffer et favoriser les courants réactionnaires dans la rébellion armée syrienne. [9].

    Pourtant, le « tiers exclu » ne saurait être identifié aux groupes armés islamistes et/ou djihadistes dans la mesure où ils représentent exactement le contraire de la révolution démocratique syrienne. Leur projet politique, en rupture avec l’ordre établi, se rapproche davantage d’une « révolution conservatrice » telle que caractérisée par Pierre Bourdieu dans la République de Weimar durant l’entre-deux-guerres. [10] Associer les forces réactionnaires des groupes islamistes au projet de la révolution démocratique née en 2011 constitue en ce sens une erreur d’analyse [11] qui conduit à entretenir un soutien ambigu et/ou critique envers ces groupes en vertu de leur seule opposition armée au régime sanguinaire du maître de Damas. On risque ainsi de retomber dans le piège du « campisme », à la remorque de forces politiques et de puissances bien éloignées de l’aiguillon de l’émancipation.

    Droit/civils/hégémonie

    Face aux déraisons de la raison d’État qui sert à masquer aujourd’hui en Syrie la barbarie la plus abjecte, les militants des gauches radicales ne peuvent pas rejeter le droit comme un simple outil de classe ou comme une illusion idéologique des puissances impérialistes. La lutte pour faire respecter le droit doit être au contraire au centre d’un programme d’action internationaliste dans un contexte d’un reflux de la révolution syrienne.

    Les « hors-lieux » où s’applique un état d’exception, fondé sur l’institution de la violence comme seule loi de régulation, se multiplient aujourd’hui au même rythme que les déséquilibres qu’entraîne la mondialisation marchande et armée du capital. En ce début du XXIe siècle, les champs migratoires, les camps de migrants, de déplacés, de réfugiés, les zones de guerre se rapprochent donc plus des normes biopolitiques d’Auschwitz que du droit national/international en vigueur aujourd’hui. [12]

    Lutter contre ce que l’anthropologue Michel Agier appelle des « hors-lieux », c’est-à-dire ces espaces localisables mais situés en dehors d’un ordre territorial, juridique et politique où s’institue un état d’exception, implique en effet de prendre appui sur le droit national, européen et/ou international pour protéger les droits les plus élémentaires de la population civile dans la guerre en cours.

    En s’emparant du droit pour articuler une action politique qui se veut utile, il est aussi question de renforcer la lutte des gauches radicales pour l’hégémonie. Car comme Jaurès l’a souligné suite à l’affaire Dreyfus (1894-1899) face à J. Guesde, cette affaire a été une bataille où le mouvement socialiste et ouvrier « a rempli son devoir envers lui-même, envers la civilisation et l’humanité ; c’est parce qu’il a poussé si haut son action de classe, qu’au lieu d’avoir la bourgeoisie pour tutrice, c’est lui qui est devenu dans cette crise le tuteur des libertés bourgeoises que la bourgeoisie était incapable de défendre », montrant ainsi « qu’il sera capable de lutter demain pour l’humanité tout entière ». [13]

    Mutatis mutandis, dans la guerre en cours en Syrie, il s’agit d’engager une lutte pour « remplir notre devoir envers nous-mêmes, envers la civilisation et l’humanité » et montrer que le mouvement social et les gauches radicales sont aujourd’hui les tuteurs véritables des droits et libertés fondamentaux. La fécondité de cette ligne politique visant à construire l’hégémonie est confirmée par l’expérience du mouvement mondial contre la guerre en Irak de l’hiver/printemps 2003, mais aussi, plus près de nous, par la lutte pour les droits et libertés démocratiques au printemps dernier pendant le mouvement contre la loi travail et son monde. Par-delà des magistrats qui témoignent d’un engagement dans le champ de la justice, il apparaît indéniable aujourd’hui que les libertés démocratiques, les droits les plus élémentaires et le droit international n’ont été défendus avec constance et vigueur au cours des vingt dernières années que par le camp des mouvements sociaux, des gauches radicales et critiques, du mouvement altermondialiste et de leurs réseaux multiformes.

    Responsabilités

    L’historien Jean-Pierre Filiu, spécialiste de la Syrie et du Moyen-Orient à Sciences Po, soutient que la responsabilité de ce qui se passe à Alep aujourd’hui est partagée par « … le monde entier. La responsabilité collective est historiquement indéniable. » [14] Une telle perspective présente l’avantage d’ouvrir à la complexité du conflit mais évacue néanmoins la critique des impérialismes, des effets destructeurs de la mondialisation armée et du capitalisme de manière plus générale.

    Il appartient donc à la critique anticapitaliste de rappeler la dialectique du développement historique sur la longue durée telle qu’esquissée par Marx en 1859 dans sa Préface à la Critique de l’économique politique : « À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des forces productives qu’elles étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale. » [15] Le martyre d’Alep en est aujourd’hui l’illustration. La guerre en Syrie n’a rien d’un complot capitaliste ou impérialiste. S’il existe des auteurs indéniables d’exactions, de massacres et de crimes de guerre et/ou d’humanité, il n’en demeure pas moins que les origines historiques/sociales/structurelles de ce conflit sont bien plus profondes et viennent de loin. Et dans ces origines de longue durée, le mode de production capitaliste est incontournable.

    Une enquête historique approfondie et détaillée serait nécessaire pour en saisir toutes les médiations historiques. Mais, dans l’immédiat, en voici ici un seul des multiples aspects. Jean Jaurès expliquait à la tribune de la Chambre des députés le 7 mars 1895 que la société bourgeoise « porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage ». Car « [t]ant que, dans chaque nation, une classe restreinte d’hommes possédera les grands moyens de production et d’échange, tant qu’elle possédera ainsi et gouvernera les autres hommes, tant que cette classe pourra imposer aux sociétés qu’elle domine sa propre loi, qui est la concurrence illimitée, la lutte incessante pour la vie, le combat quotidien pour la fortune et pour le pouvoir ; tant que cette classe privilégiée, pour se préserver contre tous les sursauts possibles de la masse, s’appuiera ou sur les grandes dynasties militaires ou sur certaines armées de métier des républiques oligarchiques, tant que le césarisme pourra profiter de cette rivalité profonde des classes pour les duper et les dominer l’une par l’autre, écrasant au moyen du peuple aigri les libertés parlementaires de la bourgeoisie, écrasant au moyen de la bourgeoisie gorgée d’affaires le réveil républicain du peuple ; tant que cela sera, toujours cette guerre politique, économique et sociale des classes entre elles, des individus entre eux, dans chaque nation, suscitera les guerres armées entre les peuples. C’est de la division profonde des classes et des intérêts dans chaque pays que sortent les conflits entre les nations. » [16]

    Si ce discours a souvent été associé dans la culture politique des gauches au danger d’une guerre impérialiste, il n’a pas été actualisé par les mouvements anti-guerre de notre période. L’équation posée par Jaurès, capitalisme = guerre, apparaît non seulement comme un point d’appui d’une critique internationaliste et anticapitaliste des guerres impériales et de la guerre menée par un dictateur contre son peuple. Elle est aussi une ligne de partage historique au sein des gauches françaises qui demeure valable dans le contexte actuel où les militants des gauches radicales travaillent à reconstruire une gauche de combat et une nouvelle représentation politique des exploités et des opprimés.

    Mots d’ordre

    L’action politique anticapitaliste n’est pas une passion triste. La déploration incessante des horreurs du monde tel qu’il va a des effets anesthésiants sur la créativité politique et éloigne du terrain politique le plus grand nombre. [17] Pour construire des interventions claires, cohérentes et visibles dans l’espace public contre la guerre en Syrie, des mots d’ordre ouvrant des brèches à l’ordre établi sont nécessaires. A l’image des mesures d’urgence ou de transition des gauches radicales, ces mots d’ordre et revendications cherchent à la fois à répondre aux besoins de la situation immédiate et à prendre appui sur les virtualités révolutionnaires inscrites dans la situation et la période contemporaines.

    En voici une brève liste de propositions, du plus urgent au plus général, à soumettre au débat.

    Ouverture des frontières européennes et françaises pour accueillir les réfugiés syriens en masse. « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République » stipule le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 toujours en vigueur aujourd’hui dans la Constitution. Des campagnes locales pour l’adoption de résolutions allant en ce sens par les conseils municipaux, généraux et régionaux, ou encore par des assemblées générales de ville ou de quartier peuvent être envisagées pour débloquer une situation qui à l’échelle nationale de l’Etat demeure sous le contrôle des classes dirigeantes.

    Envoi massif d’aide humanitaire par les pays capitalistes développés et création de couloirs humanitaires pour évacuer les civils d’Alep-Est et des autres villes bombardées, assiégées et dévastées en Syrie.

    Arrêt des bombardements et trêve générale à Alep, en Syrie et en Irak.

    Ouverture d’une commission d’enquête internationale sous l’égide de l’ONU en Syrie et dans tous les pays belligérants, y compris la France, pour établir la vérité sur les violations des droits fondamentaux, les crimes de guerre et/ou d’humanité, les atrocités, les responsabilités, etc. Cela devrait également permettre de percer l’opacité entretenue par le ministère de la Défense en France sur les opérations aériennes françaises et obliger l’Etat à communiquer des données pour en débattre démocratiquement.

    Ouverture en Europe d’une commission internationale de la mémoire et de la vérité sur la guerre en Syrie. Construire un réseau d’intellectuels reconnus capable de recueillir et d’éditer de manière critique le témoignage des réfugiés syriens au sein d’institutions de recherche consacrées comme l’Ehess, l’Inalco ou encore le Collège de France. L’édition critique et la publication officielle, à grand tirage, des documents de la révolution démocratique syrienne, afin de sauver la mémoire de cette révolution défaite et la diffuser dans l’espace public. Le risque d’un négationnisme des crimes commis en Syrie est très présent aujourd’hui ; Florence Massena le souligne dans son billet de blog, « Alep aux bien-pensants », sur Mediapart, 14/12/2016 : « hier, après l’annonce des Nations unies que selon des sources fiables des civils étaient abattus par des forces du régime dans les rues, des messages lapidaires sur les réseaux sociaux sont apparus, doutant de la véracité de cette information. (…) Rien sur la guerre en Syrie n’est clair et vérifiable ni les chiffres ni de nombreux témoignages. » Le confusionnisme, le complotisme et le négationnisme diffus dans les opinions publiques européennes aujourd’hui sont des ennemis mortels d’un espace public démocratique. Cette « ère de la post-vérité » n’est pas étrangère à la privatisation du monde et à la marchandisation de la sphère médiatique au cours de la période précédente. Elle en est un aboutissement logique. Ces dynamiques contribuent à renforcer les courants réactionnaires et peuvent être combattues par la lutte pour la vérité dans l’espace public.

    Vos guerres – nos morts. Retrait des puissances impérialistes du Moyen-Orient, à commencer par les puissances occidentales, la Russie et les puissances régionales (Arabie saoudite, Iran, Turquie, pétromonarchies du golfe Persique). L’expérience historique montre que le mythe politique de « la loi et l’ordre », entretenu par les projets impériaux d’une paix mondiale sous domination d’une ou plusieurs puissances mondiales, comme la Pax Americana, est justement un mythe. L’historien britannique Eric Hobsbawm souligne à quel point ce rêve de stabilité et de domination impériale relève plus que jamais de la fiction en ce début du XXIe siècle : « l’âge des empires est mort. Nous aurons à trouver une autre façon d’organiser le monde globalisé du XXIe siècle. » [18] Les interventions militaires des puissances impérialistes au Moyen-Orient, en Asie du Sud et en Afrique depuis le 11 septembre 2001 se sont toutes soldées par un plus grand désordre, des désastres humanitaires de masse, des vides de légitimité politique dans les pays « libérés » et des violations flagrantes du droit : l’Afghanistan et le Pakistan, l’Irak, la Libye, la Syrie, le Mali, sans parler de la Somalie. Par conséquent, le discours dominant qui soutient que la lutte contre le terrorisme nécessite des bombardements massifs en Irak et en Syrie se trompent en plus de tromper l’intérêt général et la sécurité de leur peuple. Cela vaut autant pour Hollande que pour Poutine ; autant pour Obama que pour Fillon et Trump. La sécurité de la France est donc aujourd’hui menacée par les va-t’en guerre qui nous dirigent.

    Liberté et auto-détermination des Syriens et des Kurdes. Fin de toutes les occupations étrangères de la Syrie : armées étrangères, mercenaires, milices et brigades hors de Syrie. La légitimité démocratique doit être le point d’appui d’une critique anti-impérialiste des puissances – grandes et petites – qui se partagent la Syrie par le feu et par le sang. Alors que la partition territoriale la Syrie s’installe, le Kremlin soutient l’intégrité territoriale de la Syrie, assimilée au régime sanguinaire d’Assad. Cette défense de l’intégrité territoriale syrienne n’a pas plus de légitimité démocratique que la proclamation du califat par les djihadistes de Daesh ou l’intervention militaire de puissances étrangères sur le sol syrien pour y étendre leur influence.

    Fin de la diplomatie secrète. Fin du monopole présidentiel et étatique sur la politique étrangère. Droit d’information parlementaire et publique sur les affaires étrangères et militaires. Droit de regard démocratique à instituer sur les affaires étrangères et les opérations militaires en cours.

    Les principes-clés de ces mots d’ordre sont l’internationalisme, l’anti-impérialisme, la souveraineté populaire et démocratique et la passion pour la vérité dans le débat public : autant de lignes de partage entre les gauches françaises ces derniers mois dans les questions de l’accueil des migrants, du rapport aux institutions politiques et du rapport au nationalisme. Intervenir politiquement sur ces questions aujourd’hui participe donc de la lutte pour une recomposition d’une gauche de combat aussi fidèle aux dominés que la classe dirigeante l’est aux intérêts des possédants et des puissants.

    Dimitris Fasfalis 8 février 2017 Contretemps

    http://www.contretemps.eu/

    http://www.europe-solidaire.org/

  • Gilbert Achcar: Printemps arabes : échec et mat ? ( France Culture )

    Le choc des barbaries

    Le choc des barbaries : terrorismes et désordre mondial Syllepse, 2017 Gilbert Achcar

    Gilbert Achcar : « La seule prospective que l’on peut faire, c’est qu’il n’y aura pas de stabilité dans ces pays avant longtemps » (La Grande Table)

    Gilbert Achcar : « D’un point de vue moral, la non-assistance à tout un peuple en danger est un crime d’une ampleur bien plus grande, qui peut même relever de la complicité tacite dans un crime contre l’humanité. Et pourtant, ce crime n’est pas inscrit dans le droit international. (…) Les Etats-Unis, bien entendu, n’attendent pas le feu vert de l’ONU lorsqu’ils estiment que leurs intérêts sont en jeu. Ils ont bombardé la Serbie en 1999 et envahi l’Irak en 2003 sans autorisation de l’ONU. De ce point de vue, le crime commis par Washington contre la Syrie n’est pas moins condamnable que celui qu’il a commis contre l’Irak. » (Extrait de Symptômes morbides : la rechute du soulèvement arabe : essai)

     

    FRANCE CULTURE

    Symptômes morbides (Actes Sud)

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    Trois ans après Le peuple veut. Une exploration radicale du soulèvement arabe, Gilbert Achcar analyse le blocage du processus révolutionnaire déclenché en 2010 et le contre-choc régional.
    En Syrie d’abord, il montre comment le soulèvement populaire a été noyé dans les conflits régionaux et souligne l’écrasante responsabilité internationale dans le désastre, qu’il s’agisse des alliés du régime ou de Washington.La consolidation des assises du pouvoir et la montée d’un djihadisme dont Daech est le prototype le plus spectaculaire ont contracté l’espace dans lequel s’exprimaient les revendications populaires et imposé l’image d’un pays pris entre deux barbaries.
    L’intervention militaire russe, épaulant l’offensive terrestre du régime et des milices pro-iraniennes, a rétréci davantage cet espace.En Égypte ensuite, le coup d’État du général Sissi, tirant profit de la gestion calamiteuse par les Frères musulmans de leur victoire électorale, a réinstallé au pouvoir les forces dominantes sous Moubarak. L’armée, la police et les services de renseignement prennent leur revanche en réprimant les révolutionnaires, en étouffant les libertés et en acquittant les hommes de l’ancien régime. Mégalomanie, culte de la personnalité, répression de plus en plus féroce, néolibéralisme économique forcené, les ingrédients d’une crise future s’accumulent.L’auteur conclut par une réflexion sur les guerres civiles en Libye et au Yémen, sur le compromis tunisien et une évaluation sans complaisance de la situation de la gauche dans le monde arabe.
    France Culture – La Grande table  – Olivia Gesbert – 03.02.2017
  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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    • Palestine & Israël
      Israël : « Nous sommes dans une période de transition du régime politique »

      , par KRIVINE Alain, POJOLAT Alain, WARSCHAWSKI Michel

      Entretien. Militant révolutionnaire et antisioniste, Michel Warschawski a fondé avec d’autres militants de gauche le Centre d’information collective. Avec lui, nous revenons sur la situation du pouvoir israélien ces dernières semaines et les perspectives pour les militants pour la Palestine.
      Alain (...)

    • Turquie
      Turquie : Attentats, purges, arrestations et présidentialisme

      , par AYDIN Uraz

      « Leur objectif est de nous détruire. Mais je suis certain que nous contrerons aussi cette offensive », s’était exclamé le Président de la République Erdogan il y a quelques semaines, appelant ses partisans à changer leurs dollars en livres turques pour soi-disant contrer la forte dévaluation de (...)

    • Syrie
      Les leçons de la révolution syrienne – « Nous devons participer à toutes les luttes qui ont lieu, dans les coordinations qui restent »

      , par ASSAF Simon, NAISSE Ghayath

      Nous publions, avec l’aimable autorisation de la revue International Socialism, un entretien avec le militant syrien Ghayath Naisse, membre du Courant de la Gauche Révolutionnaire, réalisé par Simon Assaf. Il y aborde la brutalisation de la Syrie, les objectifs de ceux qui interviennent dans ce (...)

    • Iraq
      Beating ISIS in Mosul Won’t Heal Deep Iraq Divisions

      , by DAHER Joseph

       Fighting ISIS is a coalition stretching from U.S. soldiers to Kurdish militias
        Iraq government is dominated by Shia sectarians
       No alternatives to unfair Iraqi government are on the horizon
        ISIS will fall, but another version will arise if injustices remain
      The offensive to (...)

    • Iraq
      Report: Iraq from the ground – Two years after the fall of Mosul

      , by Noria community of researchers, ROVERA Donatella

      Introduction
      The political and social developments in Iraq since the fall of Mosul to Islamic State/the conquest of Mosul by Islamic State
      On June 7th, 2016, Noria, in association with Amnesty International France, organized a conference on Iraq focusing on the theme of “the political and (...)

    • A gauche
      Six ans après la fuite de Ben Ali

      , par Parti des Travailleurs (Tunisie)

      Les protestations populaires dans les villes de Meknassi, Ben Guerdane, Kasserine et ailleurs s’amplifient, ce qui confirme la poursuite du processus révolutionnaire malgré les complots intérieurs et extérieurs.
      Pendant ce temps, une campagne médiatique visant la blanchiment des symboles de la (...)

    • Irak
      Dynamiques de pouvoir en Irak : les enjeux politiques de la bataille de Mossoul

      , par QUESNAY Arthur

      Dernier épisode de la reconquête de l’Irak, la bataille de Mossoul achève de dessiner un paysage politico-militaire divisé et au bord de nouveaux affrontements. L’absence d’accords entre Erbil et Bagdad sur les découpages territoriaux de l’après Etat Islamique, la montée en forces de milices chiites, (...)

    • Iraq
      Dynamics of Power in Iraq: The Political Stakes of the Battle for Mosul

      , by QUESNAY Arthur

      The battle for Mosul is the final episode of the recapture of Iraq. It is the last act of a divided political and military landscape on the verge of new struggles. The absence of any agreements between Erbil and Baghdad concerning the post-Islamic State territorial settlement, and the increased (...)

     

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • Irak, Syrie: calculs, errements et larmes de crocodile des impérialistes (A & R)

    Depuis le 15 novembre, le monde entier est ému par les cris d’alarme et les adieux déchirants que lancent les habitants et habitantes d’Alep, ville syrienne sous contrôle rebelle depuis 2012, en passe d’être totalement reprise par le régime de Bachar el-Assad.

    Son aviation bombarde l’est de la ville et les zones résidentielles de l’ouest avec le soutien d’un porte-avions russe et de milices chiites composées de combattant libanais, afghans et iraniens, aux ordres de Téhéran. Elle utilise des bombes anti-bunker, dont la puissance permet de détruire des immeubles et des abris souterrains. 

    Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, elle a détruit au moins trois hôpitaux le premier jour. Le bilan humain était estimé mi-décembre à plus de 400 morts civils, dont de nombreux enfants, et plus de 350 parmi les combattants rebelles. Des chiffres sans doute sous-estimés et en constante augmentation : l’armée syrienne ne se contente pas de pilonner des bâtiments avec leurs occupants. Elle procède ensuite à des arrestations et à des exécutions sommaires.

    À ces morts s’ajoutent au moins 40 000 déplacés, là encore un nombre qui continue de croître. Le régime s’apprête à reprendre le contrôle du pays et à gagner la guerre civile. Il procédera alors à un nettoyage ethnique et religieux en chassant la majorité sunnite des grandes villes insurgées. De leur côté, certains des « rebelles », comme le Front Fatah Al-Cham (qui prêtait allégeance à Al-Qaïda jusqu’à cette année) et les brigades Abu Amara (liées à l’Arabie saoudite et au Qatar) empêchent les civils de fuir en les assassinant ou en les enlevant.

    Au Kurdistan, l’offensive lancée par Erdoğan depuis la fin de l’été est censée marquer un tournant dans la guerre, alors qu’en Irak, une nouvelle offensive a été lancée le 28 octobre pour reprendre Mossoul, au nord du pays. La coalition internationale agit avec les forces militaires du gouvernement de Bagdad et du Kurdistan « irakien », en lien avec les milices chiites Hachd al-Chaabi, proches de l’Iran.

    L’État islamique en Irak et au Levant (Daech) subit de fortes pressions dans les deux pays. Depuis le 25 novembre, sa retraite entre les deux territoires est coupée. Mais pour combien de temps ? Et à quel prix pour les peuples de la région, toujours otages des calculs et rapports de force géopolitiques ? Exposés aux bombardements, servant de boucliers humains aux combattants de Daech en fuite, ils ont aussi à craindre les exactions des futures forces d’occupation une fois leur « libération » achevée...

    Les hésitations et retournements des États-Unis, de la Russie et des pays ouest-européens vis-à-vis des forces régionales rivales ajoutent au chaos. La Turquie ou l’Iran sont tour à tour soutenus ou mis de côté ; le gouvernement de Bachar el-Assad, longtemps cible prioritaire, est depuis l’an dernier devenu secondaire par rapport à Daech. Et les voix sont nombreuses, de Trump à Fillon, à le considérer comme le « moindre mal ». Le PKK et le PYD aux Kurdistan « turc » et « syrien », sont alternativement qualifiés d’organisations terroristes ou d’alliés valables sur le terrain, tout comme les Hachd al-Chaabi...

    Pour tenter de démêler les fils et de développer une orientation politique pour les militants et militantes anticapitalistes et internationalistes des pays impérialistes, un tour d’horizon et un détour par l’histoire récente sont nécessaires.

    En Irak

    Le Kurdistan « irakien »

    Depuis le démantèlement de l’Empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale, le territoire kurde est séparé entre l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie. Les Kurdes sont 15 millions en Turquie (20 % de la population environ), 8 millions en Iran (18 %), 7 millions en Irak (20 %) et 2 millions en Syrie (8 %).

    Excepté une éphémère république de Mahabad (capitale du Kurdistan « iranien ») en 1946, sous la protection de l’URSS, aucun État kurde n’a vu le jour.

    Le Kurdistan « irakien » bénéficie cependant d’une grande autonomie depuis la fin de la guerre du Golfe de 1990-1991. Les deux principaux partis kurdes d’Irak, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), sont des alliés de l’Iran depuis les années 1980 et la guerre Iran-Irak (trahissant au passage les Kurdes d’Iran, en lutte contre le gouvernement de la République islamique). Ils sont aussi alliés aux États-Unis depuis que ceux-ci se sont retournés contre Saddam Hussein. Leurs dirigeants ont accédé aux plus hautes fonctions grâce à l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003. Massoud Barzani, dirigeant du PDK, est le président du gouvernement régional du Kurdistan depuis 2005. Jalal Talabani, de l’UPK, a été président de la République d’Irak de 2005 à 2014. Son successeur Fouad Massoum est issu de la même formation.

    Pour Barzani, une victoire contre Daech prouverait la viabilité d’un État kurde indépendant. Il serait un rempart contre l’État islamique bien plus solide que le faible État irakien, et à terme un tampon entre la Turquie et l’Irak. Le projet d’un référendum d’indépendance a ainsi été ravivé en février 2016. Quitte à trahir, une nouvelle fois, le reste des forces kurdes, car pour s’assurer le soutien d’Ankara, Barzani n’hésite pas à dénoncer le soutien des États-Unis au PYD, organisation sœur du PKK au Kurdistan « syrien » (voir plus bas), pourtant en première ligne dans la lutte contre Daech.

    La place de Bagdad dans le « croissant chiite »

    Si la branche chiite de l’islam ne regroupe que 10 à 15 % des musulmans du monde, elle est majoritaire en Iran (environ 80 % de la population), en Irak (51 %) et à Bahreïn (50 %). Elle occupe la première place des communautés religieuses au Liban (25 %) et compte une très forte minorité au Yémen (45 %) et au Koweït (21 %). En Syrie, sa sous-branche alaouite ne représente que 11 % de la population, mais il s’agit de la religion de la famille Assad.

    Au pouvoir, Saddam Hussein s’appuyait sur la minorité sunnite irakienne (tout de même 46 % de la population). Les partis et le clergé chiites se sont donc rapprochés de la République islamique d’Iran dès sa naissance en 1979, et plus encore pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988). Les dirigeants du principal parti chiite, le Parti islamique Dawa (PID), ont vécu en exil, le plus souvent en Iran, de 1979 à 2003. À partir des années 1990, ils ont bénéficié du soutien des États-Unis. Le PID a ainsi participé en 1992 au Congrès national irakien, organisation créée par la CIA afin de préparer un éventuel gouvernement post-Saddam Hussein.

    Depuis 2005, les trois Premiers ministres irakiens qui se sont succédé, Ibrahim al-Jaafari, Nouri al-Maliki et Haïder al-Abadi depuis 2014, sont issus du PID. Et si l’actuel chef du gouvernement se prononce pour une plus grande indépendance vis-à-vis de l’Iran, il sait à quel point son emprise réelle sur son territoire dépend de l’aide de Téhéran.

    L’idée d’un « croissant chiite », de l’Irak au Liban en passant par l’Iran et la Syrie, avec l’Iran comme force motrice et la Russie comme parrain international, est apparue en 2004 dans une déclaration du roi Abdallah de Jordanie. Un projet de la Turquie, en lien avec l’Égypte, l’Arabie saoudite et le Qatar, serait d’y répliquer par un « axe sunnite ».

    Mais si l’alliance politique entre Téhéran, Damas et le Hezbollah libanais est bien réelle, la convergence d’intérêts entre l’Iran et les États-Unis dans l’occupation de l’Irak, le choix de ses dirigeants et la lutte contre Al-Qaïda et Daech montrent que la situation ne peut être réduite à un simple affrontement de blocs.

    Daech au « secours » des Arabes sunnites ?

    Avec l’occupation militaire impérialiste de 2003 et donc la prise du pouvoir par les forces kurdes et chiites – fruit du compromis entre Washington et Téhéran –, la population arabe sunnite se retrouve dans la ligne de mire du nouveau pouvoir.

    C’est par exemple le cas à Falloujah, lieu emblématique des conditions qui ont mené à la naissance et au succès de l’État islamique. Ville sunnite du centre du pays, où dès le 29 avril 2003, un mois après le début de l’invasion, l’armée américaine a fait feu sur une manifestation, tuant 13 personnes, elle est un an plus tard un lieu de convergence des groupes guérilléristes, constitués de partisans de l’ancien régime (Armée des hommes de la Naqshbandiyya, Brigades de la révolution de 1920) et de religieux sunnites intégristes (Al-Qaïda en Irak, Ansar al-Islam, Ansar al-Sunna, Armée islamique en Irak, Brigade de l’étendard noir).

    C’est dans ce type d’affrontements qu’Al-Qaïda en Irak se lie à d’autres forces et individus, y compris d’anciens baasistes. De ces alliances naît l’idée qu’il ne faut pas simplement chasser les forces coalisées et les chiites, mais prendre le contrôle du pays ; autrement dit, créer, donc, un État islamique. Celui-ci est annoncé officiellement en 2006. Son premier « émir », Abou Omar al-Baghdadi, serait un ancien général de la police de Saddam Hussein.

    Il faut près de 45 000 soldats de la coalition et du gouvernement, un mois et demi de bataille en novembre et décembre 2004, et des centaines voire des milliers de victimes civiles, pour mettre fin à l’insurrection.  Pendant les dix années suivantes, la ville est maintenue sous contrôle militaire, mais sans qu’aucune politique de reconstruction et de services publics ne soit développée. En 2014, elle tombe dans les mains de l’État islamique sans résistance. Pour la population, malgré ses crimes et la terreur qu’il fait régner, Daech est souvent perçu comme un moindre mal.

    Sa reprise par les forces gouvernementales et iraniennes en mai et juin 2016 occasionne de nombreuses exactions de la part des Hachd al-Chaabi et de la police gouvernementale : détentions arbitraires, enlèvements, torture, exécutions sommaires de civils.

    La reprise de Mossoul

    Au moment où nous écrivons ces lignes, l’État islamique est presque encerclé à Mossoul. Les troupes d’élite irakiennes auraient repris le contrôle de plus de 40 % de la ville. Les peshmergas seraient près d’y entrer, tandis que les Hachd al-Chaabi occuperaient les alentours, notamment les voies menant au fief syrien de Daech, Raqa. De leur côté, les bombardements de la coalition auraient détruit les derniers ponts enjambant le Tigre, au milieu de la ville. Sans renforts ni possibilité de se réalimenter, l’État islamique serait acculé.

    Mais plus d’un million de civils sont eux aussi bloqués dans la ville. Dans les zones reprises, le couvre-feu est déclaré, preuve que les forces de libération ne sont pas exactement accueillies à bras ouverts.

    Quant à Daech, la situation ne l’empêche pas de frapper à distance. Difficile de compter le nombre des attentats anti-chiites, de Bagdad à Kaboul ou à Beyrouth. Le dernier, le 24 novembre, a tué au moins 70 pèlerins revenant de la ville sainte chiite de Kerbala, dont une majorité d’Iraniens, alors que près de 20 millions de chiites avaient participé aux célébrations religieuses de l’Arbaïn.

    Une façon de dire que même s’il perdait tous ses territoires, l’État islamique pourrait continuer longtemps ses attentats dans le monde entier. Al-Qaïda l’a fait bien avant lui.

    En Syrie

    PKK et PYD

    Le Parti des travailleurs du Kurdistan (en kurde PKK) et le Parti de l’union démocratique (PYD) sont les deux branches d’un même mouvement né dans le Kurdistan « turc » en 1978 (pour le PKK) et implanté au Kurdistan « syrien » en 2003. Les branches armées du PYD sont les Unités de protection du peuple (YPG) et les Unités féminines de protection (YPJ). Le PYD contrôle le Rojava (« Ouest » en kurde) depuis 2012, avec la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS), qu’il domine totalement. Il a obtenu une autonomie de fait, sans doute négociée avec Assad. D’inspiration mao-stalinienne, le mouvement prétend avoir évolué vers des idées social-démocrates, féministes, autogestionnaires et « confédéralistes démocratiques » depuis 2005.

    Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, mais pas le PYD. La Turquie considère les deux organisations comme telles. En revanche, le PKK bénéficie de longue date d’un soutien passif de l’Iran, qui l’autorise à se réfugier de son côté de la frontière. Depuis 2013, la République islamique lui fournit même des armes et un soutien logistique.

    Et un pacte de non-agression est vraisemblablement en place entre le PYD et Assad. Le sectarisme des composantes arabes de l’Armée syrienne libre (ASL) vis-à-vis des revendications kurdes explique en grande partie sa méfiance et sa mise à l’écart du reste du mouvement anti-Assad. Mais il est paradoxal que cela l’amène à une alliance, au moins de fait, avec le dirigeant nationaliste arabe.

    Certes, la lutte pour l’auto-détermination du plus grand peuple privé d’État, contre l’intégrisme, son héroïsme dans les affrontements face à l’État islamique ou la place occupée par les femmes dans les combats et l’organisation politique, placent incontestablement le courant « confédéraliste démocratique » dans le camp des organisations populaires progressistes. Mais ces qualités ne sauraient effacer les relents de stalinisme et d’autoritarisme qui doivent nous faire relativiser son caractère « libertaire » et « autogestionnaire » [Human Right Watch cite ainsi dans les territoires qu’il contrôle : « des arrestations arbitraires, des procès iniques et l’utilisation d’enfants soldats »].

    Quoi qu’il en soit, sa capacité à résister à Daech force le respect, y compris à Washington. Dès septembre 2014, au début de la bataille de Kobané, ses dirigeants militaires ont été invités par l’état-major des États-Unis à indiquer les positions à bombarder. En octobre 2015, l’armée américaine lui a largué 50 tonnes de munitions et Obama a autorisé pour la première fois l’envoi de cinquante membres des forces spéciales sur le terrain aux côtés des FDS. Un affront complet pour la Turquie, qui n’a pas cessé de bloquer sa frontière pour interdire le passage de renforts kurdes dans la lutte contre Daech.

    Erdoğan, d’abord contre le Rojava

    L’opération « Bouclier de l’Euphrate » a été lancée le 24 août, quelques semaines après la tentative de coup d’État contre Erdoğan. Pour l’apprenti dictateur, le premier enjeu est de réaffirmer son rôle vis-à-vis de dirigeants occidentaux qui semblent hésiter à le soutenir, lui qui ne joue clairement plus son rôle de stabilisateur régional.

    En reprenant l’offensive, et en prétendant la gagner, Erdoğan fait d’une pierre trois coups : combattre Daech, éliminer les FDS et regagner sa place auprès des États-Unis. L’arrestation, le 4 novembre, de députés et dirigeants du HDP [Coalition de la gauche de la gauche et de divers mouvements sociaux, le Partidémocratique des peuples a obtenu 13,4 % des voix et 80 députés en juin2015. C’est le principal parti pro-kurde au parlement turc] montre que de ces trois objectifs, le deuxième est le plus important.

    Selon ses propres mots, la Turquie entend lutter « avec la même détermination » contre Daech et le PYD pour « créer une zone libérée des terroristes au nord de la Syrie ».

    Le 24 août, une cinquantaine de chars turcs et quatre cents soldats sont donc entrés en Syrie dans le couloir de Djarabulus, seule partie de la frontière turco-syrienne sous contrôle de Daech, à l’ouest de l’Euphrate et du Rojava. Le 12 août, le FDS et les YPG/YPJ avaient repris des territoires à Daech, dont la ville de Manbij. Sans grande surprise, l’armée turque n’a pas affronté les djihadistes, en fuite dès son arrivée (les combats n’ont fait qu’un mort, dans les rangs des rebelles syriens). Elle n’a pas cherché à les poursuivre, mais s’est tournée vers les forces kurdes, les forçant à repasser à l’est de l’Euphrate. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les frappes ont tué au moins 40 civils et blessé plus de 70 personnes dans les trois jours suivants . L’urgence pour Erdoğan étant d’empêcher la jonction des trois régions kurdes de Syrie (Afrin, Kobané et Djazira à l’est) que le FDS était sur le point de réaliser en chassant Daech .

    Désormais, la zone est donc sous contrôle de la Turquie et de composantes de l’ASL [enl’occurrence, Nourredine al-Zenki et Faylaq al-Sham, deux partis« islamistes » modérés proches des Frères musulmans et la Brigade SultanMourad, composante turkmène de l’ASL] avec la bénédiction des États-Unis qui, par la voix du vice-président Joe Biden, ont menacé de retirer toute aide aux Kurdes s’ils ne repassaient pas l’Euphrate ; et celle de la France, qui y voit un lieu où renvoyer les réfugiés syriens de Turquie, plutôt que de les laisser partir vers l’Europe 

    Longtemps première cible d’Ankara, Assad n’est désormais plus un enjeu. Le vice-Premier ministre Numan Kurtulmuş explique même qu’une fois la « zone de sécurité » créée à la frontière, des négociations devront être ouvertes, auxquelles il serait « naturel » que participe Assad. Un changement de cap qui montre un réchauffement des relations de la Turquie avec l’Iran et la Russie (fait confirmé par la presse officielle iranienne elle-même), au détriment des Kurdes. Même Poutine est donc sujet aux retournements et trahisons d’alliés, alors que la Russie assurait encore son soutien au PYD en mai dernier.

    Nos mots d’ordre

    À bas l’impérialisme et ses crimes ! Solidarité internationale !

    Dans toute cette complexité, certaines certitudes demeurent. D’abord, celle que le terreau qui a donné naissance à Daech, c’est l’occupation militaire impérialiste de l’Irak et un État défaillant, qui n’hésite pas à faire appel à des milices extra-gouvernementales, voire étrangères, pour faire régner la répression. Ce n’est certainement pas avec plus d’interventions militaires et le renforcement de l’axe chiite sous direction iranienne que les bases de Daech seront sapées. Au contraire, elles seront d’une manière ou d’une autre renforcées. Nous devons donc revendiquer l’arrêt immédiat de toutes les opérations militaires de la coalition, à commencer par les bombardements français. Le rapprochement envisagé, à Washington comme à Paris, avec Moscou, et donc Damas et Téhéran, montre bien l’hypocrisie de dirigeants prêts à défendre les pires régimes au nom de la stabilité, conscients qu’ils sont, pourtant, de renforcer la légitimité de l’État islamique auprès d’une population victime des gouvernements en place et de leurs complices impérialistes.

    Du reste, depuis septembre 2014, ces bombardements visent exclusivement Daech. En très grande partie, ils ont servi Assad en le soulageant d’un front. Et ils ne font pas moins de morts et de drames. Quant aux groupes intégristes que les impérialistes soutiennent sur place, ils commettent les mêmes exactions contre les civils.

    Ensuite, nous avons la conviction que la résistance doit venir du terrain et des peuples concernés. La désinscription du PKK de la liste des organisations terroristes, l’arrêt du soutien à Erdoğan et l’ouverture de la frontière turque sont des revendications urgentes évidentes. Leur satisfaction aurait sans aucun doute des conséquences immédiates dans la région. Elle affaiblirait Daech et presque autant la dictature naissante à Ankara. Mais défendre n’est pas soutenir ou, dans tous les cas, idéaliser le PKK et le PYD.

    Dans le reste de la Syrie, la situation n’est certes plus celle de 2011. La terrible répression et la force militaire des groupes intégristes armés par l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie ont mis à mal les cadres d’auto-organisation démocratiques, laïques et populaires. Pourtant, en janvier 2014, c’est bien la population d’Alep qui a chassé Daech. Nous devons continuer de défendre les revendications de 2011 : la démocratie, la liberté, la justice sociale, le contrôle des richesses du pays.

    Dans l’urgence, nous devons exiger l’ouverture des frontières et l’arrêt du soutien financier à Erdoğan, pour mettre fin à la prison à ciel ouvert dans laquelle sont bloqués les réfugiés. Leur accueil n’est pas une œuvre de charité, mais le minimum que puissent faire des puissances impérialistes qui sont directement responsables de la situation !

    Jean-Baptiste Pelé

    http://anticapitalisme-et-revolution.blogspot.fr

    Commentaire: Anticapitaliste et Révolution est un des courants internes du NPA, affilié à la 4è Internationale, contrairement à "Révolution Permanente".

  • Irak (Amnesty International)

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    Des mineurs pris dans les feux croisés de la bataille de Mossoul ont été grièvement blessés et traumatisés

    La situation désespérée d’une génération d’enfants est dans la balance, alors que la bataille sanglante pour la ville de Mossoul menace de déboucher sur une catastrophe humanitaire, a déclaré Amnesty International jeudi 22 décembre après une enquête sur le terrain. 

    Lors d’une mission dans la région ce mois-ci, l’organisation a rencontré des mineurs de tous âges qui présentait de terribles blessures après s’être trouvés dans la ligne de mire entre le groupe armé se faisant appeler État islamique (EI) et les forces gouvernementales, qui sont soutenues par une coalition dirigée par les États-Unis.

    J’ai rencontré des enfants qui non seulement sont très grièvement blessés mais ont également vu des parents et des voisins être décapités lors de frappes de mortier, déchiquetés par des voitures piégées ou des explosions de mines, ou écrasés sous les décombres de leur logement
    Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International

    « Les enfants pris entre deux feux dans la bataille de Mossoul ont vu des choses qu’aucune personne, quel que soit son âge, ne devrait jamais voir. J’ai rencontré des enfants qui non seulement sont très grièvement blessés mais ont également vu des parents et des voisins être décapités lors de frappes de mortier, déchiquetés par des voitures piégées ou des explosions de mines, ou écrasés sous les décombres de leur logement », a déclaré Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International, qui rentre d’une mission de 17 jours dans le nord de l’Irak.

    « Des enfants blessés de guerre se retrouvent ensuite dans des hôpitaux débordant de patients, ou dans des camps pour personnes déplacées, où les conditions humanitaires très dures rendent leur rétablissement sur le plan physique comme psychologique encore plus difficile. Beaucoup d’autres restent bloqués dans des zones où les combats font rage. Les autorités irakiennes et leurs partenaires internationaux dans la bataille de Mossoul doivent mettre en place de toute urgence de meilleurs systèmes de soins, de rééducation et de protection pour les civils touchés. Prendre soin des victimes civiles, en particulier des plus fragiles, doit être une priorité absolue - pas une décision prise après coup. » 

    « Nos maisons sont devenues les tombeaux de nos enfants » 

    Dans un hôpital d’Arbil, Amnesty International a parlé à Umm Ashraf, qui a expliqué qu’elle et ses sept enfants ont été blessés lorsqu’une voiture piégée a explosé devant la maison où ils s’étaient réfugiés, dans l’est de Mossoul, le 13 décembre, enterrant des dizaines de personnes sous les décombres de plusieurs maisons détruites par le souffle. Sa fille aînée, Shahad, 17 ans, a perdu les deux yeux dans cette attaque.

    J’ai tiré mes enfants blessés des décombres un par un
    Umm Ashraf, dont les enfants ont été blessés lorsqu’une voiture piégée a explosé

    « Nos maisons sont devenues les tombeaux de nos enfants », a déclaré Umm Ashraf à Amnesty International. « Mes voisins sont toujours ensevelis sous les gravats ; personne n’a pu les en sortir. J’ai tiré mes enfants blessés des décombres un par un. Mais ma sœur a été tuée, je n’ai pas pu l’aider. Mon voisin a été décapité pendant l’explosion, et beaucoup d’autres ont été tués. » 

    Teiba, 8 ans, et Taghreed, sa sœur âgée de 14 mois, ont été tuées et leurs parents grièvement blessés lorsqu’un mortier a atterri dans la cour de leur maison dans l’est de Mossoul le 12 novembre. Mouna, la mère des enfants, a déclaré à Amnesty International :

    « Je disais aux filles de rentrer à la maison. Il y avait des bombardements et des tirs 24 heures sur 24 dans notre zone. Et puis un mortier s’est écrasé à côté de chez nous. Je me suis écroulée sur place, ma fille Teiba est tombée la tête contre le portail, et la petite a rampé, rampé jusqu’à ce qu’elle m’atteigne, puis s’est effondrée sur mes genoux. »

    Des établissements médicaux arrivés au point de rupture 

    Étant donné que les hôpitaux encore en fonctionnement ou accessibles dans les zones touchées par le conflit sont rares, voire inexistants, dans l’est de Mossoul, l’épicentre des combats, Arbil, la capitale du Gouvernement régional du Kurdistan semi-autonome, constitue le meilleur espoir pour les blessés de recevoir des soins médicaux.

    Si cette ville n’est située qu’à 80 kilomètres, se rendre à Arbil est presque impossible pour les résidents de Mossoul. Les rares personnes arrivant à obtenir un permis spécial peuvent pénétrer sur le territoire contrôlé par le Gouvernement régional du Kurdistan, et il est difficile même pour leur famille de les rejoindre ou de leur rendre visite. 

    Certaines familles fuyant les combats se trouvent bloquées entre les lignes de front, incapables de se rendre dans les territoires contrôlés par le Gouvernement régional du Kurdistan et forcées à attendre dans des no man’s lands pendant des jours. 

    Parmi ceux qui sont parvenus à atteindre Arbil figure Ali, deux ans, blessé lors d’une frappe ayant visé le quartier d’Hay al Falah, à Mossoul, le 14 décembre. Lorsque nous l’avons rencontré, il respirait à peine, et son visage n'était qu'un amas de chair déchiquetée et sanglante. Les médecins ont dit à sa grand-mère, Dokha, qu’ils n’étaient pas sûrs qu’il survivrait. 

    Dokha a déjà perdu deux petites-filles, Zaira, 14 ans, et Wadha, 16 ans, tuées lors de la même frappe, et elle était folle de chagrin à l’idée de perdre Ali aussi.

    « Protège-le, mon dieu, ne me l’enlève pas », implorait-elle.

    « Mes petits-enfants avaient fui leur maison et trouvé refuge dans le sous-sol de voisins ces 30 derniers jours », a-t-elle expliqué. « Ils n’avaient plus d’eau ni de nourriture. La zone a été reprise par l’armée il y a deux jours, alors ils pensaient qu’ils n’était plus dangereux de sortir, mais ils ont été bombardés alors qu’ils arrivaient au portail de la cour. »

    S’il y a des ressources pour la guerre, il faut aussi en prévoir pour les conséquences de la guerre
    Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International

    Bien que seule une partie des blessés de la bataille de Mossoul aient été évacués vers Arbil, les hôpitaux sur place sont submergés par le grand nombre de blessés.

    « La préparation de la campagne militaire visant à reprendre Mossoul a duré longtemps, et les autorités irakiennes - notamment le gouvernorat de Ninive - et leurs partenaires internationaux dans la bataille de Mossoul pourraient et devraient avoir mieux anticipé les inévitables blessures causées aux civils, en particulier alors qu’ils savaient que les hôpitaux du Gouvernement régional du Kurdistan seraient certainement mis à rude épreuve par le fort afflux de blessés de guerre », a déclaré Donatella Rovera.

    « S’il y a des ressources pour la guerre, il faut aussi en prévoir pour les conséquences de la guerre. »

    Des enfants traumatisés et marqués

     Au-delà des blessures physiques dont ils souffrent, les enfants restent marqués et profondément traumatisés par l’extrême violence dont ils ont été victimes et témoins. Sur les milliers d’enfants exposés à des violences durables, seule une infime partie a accès aux soins et au soutien psychologiques dont ils ont désespérément besoin.

     « Ma sœur a été tuée sous les yeux de mes enfants ; ils ont vu un voisin être décapité par la frappe ; ils ont vu des morceaux de corps humain par terre. Comment pourront-ils un jour s’en remettre ? », a demandé Umm Ashraf à Amnesty International.

    Dans un camp pour personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, Mohammed, quatre ans, se balance d’avant en arrière, se donne des gifles et se cogne la tête contre le sol. Il est inconsolable à chaque fois qu’il ne parvient pas à se retenir de faire ses besoins, ce qui lui arrive plusieurs fois par jour. 

    Sa mère, Mouna, explique qu’il se comporte ainsi depuis le tir de mortier du 12 novembre qui a tué deux de ses sœurs. 

    « Mohammed et sa petite sœur Taghreed étaient inséparables. Il la portait tout le temps. Il ne comprend pas que ses sœurs sont mortes. Il pense que nous les avons abandonnées, et il devient triste et se fâche. Je pense qu’il a besoin d’une psychothérapie mais il n’y a rien ici dans le camp », dit Mouna, qui est immobilisée par une jambe cassée et ne peut se lever d’un matelas fin posé à même le sol depuis son arrivée au camp.

    Les deux filles de la famille qui ont survécu, âgées de 10 et 12 ans, doivent se charger de toutes les corvées - aller chercher de l’eau, faire la cuisine, laver le linge et panser les blessures de leurs proches. Elles n’ont pas le temps de jouer ni d’étudier. 

    Depuis leur arrivée au camp pour personnes déplacées, ces enfants n’ont reçu aucun soutien psychologique pour les aider à surmonter le traumatisme de la disparition de leurs sœurs, mortes sous leurs yeux. Si l’intervention humanitaire prend notamment la forme d’activités limitées de soutien psychosocial dans certains camps de personnes déplacées, elles ne permettent pas de faire face au nombre d’enfants qui ont été affectés par le conflit et sont dans de nombreux cas des victimes directes de la violence.

    « Les séquelles laissées par ces expériences incroyablement traumatisantes sont aussi bien psychologiques que physiques, mais ces blessures qui changent le cours d’une vie sont négligées par le gouvernement irakien et ses alliés, qui n’ont pour l’instant rien fait pour garantir que des services médicaux adaptés soient proposés », a déclaré Donatella Rovera.

    « La communauté internationale doit accorder un degré de priorité élevé au financement d’un système robuste de protection de l’enfance dans le cadre de la réaction humanitaire à la crise irakienne, notamment d’un soutien en matière de santé mentale à ceux qui ont été exposés à des violences extrêmes. »

    Vous attrapez le gars par les cheveux pour lui redresser la tête et pouvoir lui trancher la gorge, et s’il n’a pas de cheveux, vous lui mettez deux doigts dans le nez pour lui relever la tête. Ils m’ont appris ça et ils m’ont appris à tuer de beaucoup d’autres manières
    Jordo, un adolescent de 13 ans ayant passé deux ans en captivité sous le contrôle de l’EI

    Parallèlement, les enfants yézidis ayant connu la captivité aux mains de l’EI ont enduré des souffrances sans nom. Des filles d’à peine 11 ans ont été violées, tandis que des garçons ont été forcés à subir un entraînement militaire, ont appris à décapiter des personnes, et ont été contraints à regarder des exécutions. 

    Jordo, un adolescent de 13 ans ayant passé deux ans en captivité sous le contrôle de l’EI, a raconté ce qu’on lui a appris ; son récit fait froid dans le dos.

    « Vous attrapez le gars par les cheveux pour lui redresser la tête et pouvoir lui trancher la gorge, et s’il n’a pas de cheveux, vous lui mettez deux doigts dans le nez pour lui relever la tête. Ils m’ont appris ça et ils m’ont appris à tuer de beaucoup d’autres manières », a-t-il déclaré à Amnesty International.

    AK, 10 ans, se trouvait aux mains de l’EI jusqu’en novembre, plus de deux ans après avoir été enlevé avec ses parents et ses sept frères et sœurs. Seuls deux d’entre eux, âgés de six et sept ans, en ont réchappé. Le reste de la famille est toujours retenue par l’EI.

    Deux cousins éloignés, qui subviennent déjà aux besoins de 23 femmes et enfants, s’occupent d’eux. L’un d'eux a expliqué à Amnesty International que le comportement imprévisible de ces enfants traumatisés était difficile à supporter.

    « AK est très difficile à contrôler », a-t-il dit. « Il brise des objets et y met le feu, et l’autre jour il est sorti dans le froid en sous-vêtements et est tombé malade. Tous les trois se font pipi dessus tout le temps, alors nous les faisons dormir dans une tente séparée à cause de l’odeur. Ces enfants sont vraiment traumatisés et ont besoin de l’aide de professionnels, mais nous n’avons trouvé personne pour nous assister jusqu’à présent. »

    Des promesses sans lendemain

    Des travailleurs humanitaires ont déclaré à Amnesty International que les enfants déplacés par la bataille de Mossoul et venus d’autres zones touchées par le conflit présentent des signes de traumatisme, comme par exemple le fait de pleurer de manière excessive, d’être mutiques, de se montrer violents et d’éprouver de la difficulté à s’éloigner de leurs parents ou des personnes qui s’occupent d’eux.

    Cependant, en raison semble-t-il d’une absence de ressources, ces enfants ne bénéficient pas de soins de santé mentale adéquats, ni du soutien qui les aideraient à composer avec des événements aussi traumatisants et à commencer à retrouver une certaine normalité dans leur vie.

    Si les autorités irakiennes et leurs alliés ne font pas d’efforts pour fournir aux civils des voies sûres pour quitter les zones de la ville affectées par le conflit, et pour proposer des services essentiels aux résidents bloqués sous les tirs à l’intérieur de Mossoul, une catastrophe humanitaire pourrait se développer
    Donatella Rovera, conseillère principale sur la réaction aux crises à Amnesty International

    Des gouvernements donateurs se sont engagés en septembre à garantir l’« accès à une assistance susceptible de sauver des vies » et à « faciliter le passage rapide et sans entrave de secours humanitaires ayant un caractère impartial ». Il est impératif qu’une protection et des soins destinés aux enfants ayant connu le conflit armé deviennent des priorités dans les interventions humanitaires.

    Le coût croissant des articles de première nécessité, ainsi que la pénurie de nourriture, de carburant, de médicaments et d’eau propre à Mossoul exposent les enfants à un risque très élevé de malnutrition, de déshydratation et de maladies hydriques et autres.

    « Malgré les assurances des forces irakiennes et de la coalition selon lesquelles elles font tout leur possible pour protéger les civils, des enfants meurent ou sont blessés chaque jour - à leur domicile ou alors qu’ils risquent leur vie en fuyant afin de se mettre en sécurité. Les parties impliquées dans la bataille de Mossoul doivent prendre toutes les précautions envisageables pour épargner les vies civiles, notamment en évitant d’utiliser des pièces d’artillerie et d’autres armes indirectes contre des zones densément peuplées », a déclaré Donatella Rovera.

    « Si les autorités irakiennes et leurs alliés ne font pas d’efforts pour fournir aux civils des voies sûres pour quitter les zones de la ville affectées par le conflit, et pour proposer des services essentiels aux résidents bloqués sous les tirs à l’intérieur de Mossoul, une catastrophe humanitaire pourrait se développer. »

    Pour en savoir plus

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • Nouveautés sur Orient 21

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