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Irak - Page 7

  • « L’État Islamique en Irak et au Levant (Daech) n’est pas une simple bande de tueurs sanguinaires sans objectif et sans stratégie » (Essf)

    L’État Islamique en Irak et au Levant (Daech) n’est pas une simple bande de tueurs sanguinaires sans objectif et sans stratégie.

    Il s’agit d’une entité politique et militaire qui s’appuie sur un système économico-social bien huilé (grâce, notamment, à l’argent du pétrole). Qui plus est, Daech a développé une véritable stratégie de communication politique destinée à susciter l’adhésion au-delà des territoires sous son contrôle, qui passe notamment par des prises d’otages… et des exécutions.

    Otages japonais

    Au cours des dernières semaines, l’État islamique a ainsi annoncé la capture, puis l’exécution, de deux otages japonais. Dans une des vidéos adressées au gouvernement japonais, Daech a exigé le verse- ment d’une rançon de 200 millions de dollars, une revendication qui a pu surprendre dans la mesure où l’organisation est largement auto-financée. Selon Jérôme Fritel, auteur d’un reportage sur Daech diffusé le 10 février sur Arte, le groupe aurait ainsi sous son contrôle «  à peu près 15 % du PIB irakien, c’est-à-dire environ 35 milliards d’euros, ce qui correspond à peu près au budget de la défense de la France ».

    La somme de 200 millions de dollars correspond en réalité précisément au montant versé par le gouvernement japonais à la coalition dirigée par les États-Unis pour soutenir les opérations militaires contre l’EI. Ainsi, bien que le Japon ne participe pas directement aux bombardements, il est à son tour désigné comme un ennemi qui doit s’attendre à payer le prix de sa collaboration avec Washington. Les otages japonais ont ainsi connu le même sort que les Étatsuniens Steven Sotloff et James Foley, exécutés dans des conditions similaires en 2014.

    Pilote jordanien

    Quelques jours plus tard, c’est un jeune pilote jordanien qui était à son tour exécuté, dans une macabre mise en scène vidéo : vêtu d’une combinaison orange (la même que celle des prisonniers de Guantánamo), trimballé sur le lieu de ce qui semble être un bombardement de la « coalition », le pilote est ensuite placé dans une cage dans laquelle il est brûlé vif. Cette fois, l’EI exigeait la libération de prisonniers « djihadistes » (également évoqués dans les vidéos concernant les otages japonais), notamment Sajida al-Richawi, condamnée à mort en Jordanie pour sa participation supposée à une vague d’attentats en 2005.

    Au travers de cette prise d’otage, c’est la Jordanie elle-même qui était visée, en tant que pays allié de la coalition dirigée par les États-Unis. Daech entend en effet dénoncer les États directement impliqués, qu’ils soient occidentaux ou arabes. Le message de l’EI est clair, et a vocation à être entendu non seulement en Occident mais aussi dans le monde arabe : «  si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ». Une rhétorique qui fait écho à celle du « choc de civilisation », développée après le 11 septembre 2001 par l’administration étatsunienne et reprise en chœur dans la majorité des pays occidentaux.

    Pris en otage entre les politiques impérialistes des grandes puissances et de leurs alliés locaux et le projet totalitaire de Daech, qui se nourrissent mutuellement, les peuples du Moyen-Orient ont ainsi besoin de notre soutien, à l’instar des Kurdes de Kobané dont la récente victoire militaire face à Daech est la première bonne nouvelle qui nous soit parvenue de cette région depuis de longs, trop longs, mois.

    Julien Salingue 12 février 2015

    * « Daech  : Retour sur la stratégie de l’État islamique ». L’Hebdo L’Anticapitaliste - 276 (12/02/2015). http://www.npa2009.org/

  • Aux origines de l’État islamique, la destruction de l’Irak et de la Syrie (ESSF)

    Un développement spectaculaire au cours des dernières années, favorisé par la décomposition des appareils étatiques et la violence de la répression des pouvoirs en place.

    En Irak...

    La naissance de l’État islamique (EI) remonte à l’année 2006 en Irak, et ne peut être comprise que dans le contexte spécifique de l’Irak post-invasion états­unienne. Les bombardements puis l’invasion de l’Irak ont en effet été suivis d’une politique de réorganisation du pays par les forces d’occupation, avec notamment la volonté de mettre en place un gouvernement soumis aux intérêts des États-Unis et de leurs alliés. Au nom de la « débaathification » (du nom du parti Baath, celui de Saddam Hussein), une grande partie de l’appareil d’État a été démantelée, avec notamment la dissolution de l’armée, première institution du pays, dont l’origine remontait aux années 1920 sous le mandat britannique.

    Ce démantèlement brutal, et l’incapacité des États-Unis et de leurs alliés irakiens à faire émerger des structures politico-­administratives légitimes et stables, ont non seulement accéléré la décomposition du pays, mais ont de plus contribué à convaincre nombre de soldats et d’anciens officiers de Saddam Hussein, qui se sont retrouvés sans emploi et sans avenir, de rejoindre les rangs de la résistance à l’occupation. La politique sectaire conduite par le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki (en poste de 2006 à 2014), qui marginalise la minorité sunnite (dominante durant l’ère de la dictature de Saddam Hussein), et la répression féroce de l’armée d’occupation et de ses supplétifs irakiens, vont quant à elle favoriser non seulement une radicalisation mais une confessionnalisation des affrontements.

    C’est dans ce contexte que l’État islamique a pu naître et se développer.

    Il ne s’agit évidemment pas de nier l’action et l’idéologie résolues de militants religieux radicaux proches d’Al-Qaïda, mais de comprendre que leur discours et leur projet n’ont pu gagner l’audience qu’ils ont obtenue que dans ce contexte de décomposition de l’État irakien et de confessionnalisation de la politique et des conflits. Tous les spécialistes s’accordent en effet aujourd’hui pour reconnaître que l’on retrouve dans l’ossature de l’EI, et notamment dans son commandement militaire, un nombre significatif d’anciens officiers de Saddam Hussein. Selon l’analyste irakien Hisham al-Hashimi, ce sont aujourd’hui pas moins de 17 des 25 leaders les plus importants de l’EI, parmi lesquels son numéro un, Abu Bakar Al Baghdadi, qui ont transité par les prisons étatsuniennes en Irak pendant les années 2004-2011.

    Un basculement s’est opéré à la fin de l’année 2012, lorsque plusieurs villes sunnites se sont soulevées pacifiquement contre le pouvoir central et que ce dernier a tenté d’écraser dans le sang le soulèvement. Dans la ville d’Hawija, au cœur de laquelle un sit-in était organisé depuis plusieurs semaines, les troupes de Bagdad ont commis le 23 avril 2013 un véritable massacre : au moins 50 mortEs et plus d’une centaine de blesséEs dans une opération qualifiée, bien évidemment, d’« antiterroriste » par le gouvernement central. Le silence du pouvoir face aux revendications et la violence de la répression ont achevé de convaincre nombre d’Irakiens de rejoindre les rangs des factions les plus radicales, au premier rang desquelles l’EI, qui a connu un spectaculaire développement après les événements d’Hawija, prenant notamment le contrôle de zones pétrolifères lui permettant de s’autofinancer et remportant de faciles victoires face à une armée irakienne mal préparée, mal entraînée et ne bénéficiant plus du soutien de l’armée US (qui s’est progressivement retirée en 2010-2011).

    … et en Syrie

    Des causes similaires, quand bien même la situation n’est pas strictement équivalente, ont produit les mêmes effets en Syrie. Le pays n’a bien sûr pas connu d’invasion et d’occupation étrangère. Mais il a lui aussi connu un soulèvement populaire en mars 2011, qui a subi (malgré son caractère pacifique) une violente répression de la part du régime, précipitant le pays dans des affrontements armés de plus en plus violents. On sait désormais que Bachar el-Assad a libéré dès 2011 des prisons syriennes des milliers de militants « djihadistes » dans l’objectif inavoué de durcir et de confessionnaliser les affrontements et de se poser comme seul garant de l’unité de la Syrie et du retour à l’ordre. Ce calcul cynique a en réalité favorisé la jonction entre ces combattants, leurs homologues venus de l’étranger et l’EI.

    Dans une Syrie dévastée par les combats et par la violence de la répression du régime, l’EI s’est en effet progressivement imposé, notamment à la lumière de son développement en Irak, comme une force de plus en plus crédible, non seulement pour lutter contre Bachar el-Assad, mais aussi pour ramener un semblant d’ordre dans les villes et régions échappant au contrôle du régime et donc livrées à elles-mêmes. La disparition des structures étatiques a en effet créé une situation de chaos dans ces zones, que l’EI se propose de pacifier et de réorganiser. En effet, en Syrie comme en Irak, l’EI comble le vide laissé par l’État, en rétablissant l’ordre et en fournissant une assistance aux populations : l’EI n’est pas seulement une bande de fanatiques avec une idéologie totalitaire, mais aussi « un système militaire, politique et économico-social bien huilé » (pour reprendre les termes de la chercheuse Myriam Benraad.

    À cet égard, et ce malgré les dénégations forcenées des chancelleries occidentales, l’EI possède bel et bien certaines caractéristiques d’un État.

    Son développement spectaculaire au cours des dernières années, en Irak puis en Syrie, aurait été impossible sans les processus de décomposition des appareils étatiques et sans la violence de la répression qui s’est abattue sur les populations marginalisées. Il ne s’agit pas de verser dans le complotisme et de proclamer que les États-Unis ou Bachar el-Assad aurait « créé » de toutes pièces l’EI. Force est toutefois de constater que les combattants et les idéologues du mouvement n’auraient jamais pu acquérir une telle audience et une telle puissance si les pouvoirs en place et leurs alliés internationaux n’avaient pas choisi la politique du pire, au mépris des revendications populaires.

    Julien Salingue

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34242

  • Sang contaminé : le virus du profit (Lutte Ouvrière)

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    Khalid al-Jabor, à Paris, avec les photos de ses fils victimes du sang contaminé

    Un père de famille d'origine irakienne, qui a perdu ses cinq enfants hémophiles, contaminés par le sida lors de transfusions sanguines, a porté plainte contre Sanofi, actuelle propriétaire des laboratoires Mérieux.

    Il l'accuse d'avoir sciemment vendu aux hôpitaux irakiens des stocks de sang contaminé. En 1985, la loi lui ayant interdit de vendre aux hôpitaux français ses stocks de sang non chauffés, le laboratoire Mérieux avait décidé de les écouler en Grèce, en Libye, en Syrie, en Tunisie, en Arabie saoudite et en Irak.

    La cour d'appel de Lyon a jugé en 2002 que « l'entreprise était consciente des risques qu'elle faisait courir » et qu'elle avait été motivée « par un souci mercantile ».

    Si la responsabilité de l'entreprise est indiscutable, celle des pouvoirs publics l'est également.

    Non seulement l'État français, pourtant informé des risques, a tardé à obliger les laboratoires à chauffer le sang à haute température - procédure plus onéreuse - pour détruire les virus du sida et de l'hépatite C qu'il risquait de contenir, mais il a autorisé l'exportation de ce sang potentiellement contaminé.

    En 2010, le groupe Sanofi avait proposé au père de famille, en échange de son silence, de l'indemniser à hauteur de 25 000 dollars par enfant décédé. Indigné, il a refusé et s'est fait le porte-parole de toutes les victimes irakiennes, devant se battre contre son propre État. Des années après, il réclame de la justice française qu'une indemnisation correcte soit versée aux parents des victimes et que la vérité soit admise par l'entreprise. Ce serait la moindre des choses.

    Aline Urbain

    http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2422&id=13

  • Irak. Des femmes et des jeunes filles yézidies (Amnesty)

    Demonstrators hold signs reading 'Yezidis' and the arabic letter 'N', which stands for Christian, as they take part in a demonstration in support of the Yezidis and the Christians in Iraq, near the French Elysee presidential palace in Paris on Wednesday. The arabic letter 'N' is a symbol painted by jihadists of the Islamic State on Christian's houses in Iraq to locate them. Forty people, mostly women, gathered on August 13 near the Elysee presidential palace, on the call of a group of women, to deliver an open letter to French president Hollande, calling for the intervention of France to help Yezidis and Christian populations in Iraq. AFP Photo/Bertrand Guay

     Soumises à des violences sexuelles insupportables

    Les actes de torture, notamment les viols et autres formes de violence sexuelle, subis par les femmes et jeunes filles membres de la minorité yézidie d’Irak enlevées par le groupe armé qui se présente sous le nom d’État islamique (EI) soulignent la sauvagerie de ce dernier, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport publié mardi 23 décembre.

    Ce document, intitulé Escape from hell - Torture and sexual slavery in Islamic State captivity in Iraq, donne un aperçu des violences insoutenables subies par des centaines, voire des milliers, de femmes et de jeunes filles yézidies qui ont été mariées de force, « vendues » ou « offertes » à des combattants ou des sympathisants de l’EI. Bien souvent, les captives ont été forcées à se convertir à l’islam.

    « Des centaines de femmes et de jeunes filles yézidies voient leur vie brisée par les horreurs de la violence sexuelle et de l’esclavage sexuel aux mains de l’EI, a déclaré Donatella Rovera, principale conseillère d’Amnesty International pour les situations de crise, qui s’est entretenue avec plus de 40 anciennes prisonnières de l’EI dans le nord de l’Irak.

    « Beaucoup d’esclaves sexuelles sont mineures – des filles âgées de 14, 15 ans ou même plus jeunes. Les combattants de l’EI utilisent le viol comme une arme lors d’attaques qui constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »

    Ces femmes et jeunes filles font partie des milliers de Yézidis habitant la province de Sinjar (nord-ouest de l’Irak) qui subissent depuis août une vague de nettoyage ethnique initiée par des combattants de l’EI décidés à éliminer les minorités ethniques et religieuses de la région.

    Les horreurs subies aux mains de l’EI laissent ces femmes et jeunes filles si traumatisées que certaines ont mis fin à leurs jours. Jilan, 19 ans, s’est suicidée en captivité à Mossoul car elle craignait d’être violée, a indiqué son frère à Amnesty International.

    L’une des filles détenues dans la même pièce que Jilan et 20 autres, dont deux âgées de 10 et 12 ans, a raconté à Amnesty International : « Un jour, on nous a donné des vêtements qui ressemblaient à des costumes de danse et on nous a dit de prendre un bain et de les mettre. Jilan s’est suicidée dans la salle de bains. Elle s’est tailladé les poignets et s’est pendue. Elle était très belle ; je pense qu’elle savait qu’elle allait être emmenée par un homme et que c’est pour cela qu’elle s’est tuée. » La fille qui a fourni ce témoignage figure parmi celles qui sont parvenues à s’échapper par la suite.

    Wafa, 27 ans, autre ancienne captive, a raconté à Amnesty International qu’elle et sa sœur avaient tenté de mettre fin à leurs jours une nuit, après que leur ravisseur eut menacé de les marier de force. Elles ont essayé de s’étrangler avec des foulards, mais deux filles qui dormaient dans la même pièce se sont réveillées et les ont arrêtées.

    « Nous avons noué les foulards autour de notre cou et tiré aussi fort que nous avons pu en nous écartant l’une de l’autre, jusqu’à ce que je m’évanouisse [...]. Je n’ai pas pu parler pendant plusieurs jours après cela », a-t-elle expliqué.

    La majorité des agresseurs sont irakiens ou syriens ; beaucoup sont des combattants de l’EI mais d’autres seraient des sympathisants de ce groupe. Plusieurs anciennes prisonnières ont déclaré qu’elles avaient été détenues dans des logements où elles vivaient aux côtés des épouses et des enfants de leurs ravisseurs.

    De nombreuses victimes yézidies sont doublement affligées car elles doivent aussi surmonter la perte de dizaines de leurs proches qui sont toujours en captivité ou ont été tués par l’EI.

    Randa, une adolescente de 16 ans originaire d’un village situé près des monts Sinjar, a été enlevée avec de nombreux membres de sa famille, dont sa mère qui était dans un état de grossesse avancée. Randa a été « vendue » et « offerte » à un homme deux fois plus âgé qu’elle qui l’a violée. Elle a décrit l’impact de son calvaire à Amnesty International :

    « Ce qu’ils ont fait à ma famille et moi est si horrible. Daesh [autre nom de l’EI]a ruiné nos vies [...]. Que va-t-il advenir de ma famille ? Je ne sais pas si je la reverrai un jour. »

    « Le bilan physique et psychologique de l’épouvantable violence sexuelle que ces femmes ont subie est catastrophique. Beaucoup ont été torturées et traitées comme des objets. Même celles qui ont réussi à s’échapper demeurent profondément marquées », a déclaré Donatella Rovera.

    Le traumatisme des victimes de violence sexuelle est encore aggravé par la stigmatisation liée au viol. Les victimes ont l’impression que leur « honneur » et celui de leurs familles a été atteint et craignent que leur position sociale en soit diminuée.

    Beaucoup de victimes de violence sexuelle ne bénéficient toujours pas de toute l’aide et tout le soutien dont elles ont absolument besoin.

    « Le gouvernement régional du Kurdistan, les Nations unies et d’autres organisations humanitaires qui fournissent des services médicaux et d’autres aides aux victimes de violence sexuelle doivent intensifier leurs efforts. Ils doivent prendre les mesures nécessaires pour toucher rapidement et de manière proactive toutes les personnes qui ont besoin d’eux, et veiller à ce que les femmes et les jeunes filles soient informées du soutien qui est à leur disposition », a déclaré Donatella Rovera.

    Ces services doivent couvrir la santé sexuelle et reproductive et comprendre des conseils et une aide psychologique. 23 décembre 2014

    http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/iraq-yezidi-women-and-girls-face-harrowing-sexual-violence-2014-12-23

  • Irak. L’arrivée de l’hiver révèle les terribles brèches dans l’aide humanitaire dont ont besoin les milliers de déplacés (Amnesty)

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    Le manque de coordination et les lacunes majeures de l’assistance humanitaire se traduisent par une situation très difficile pour la plupart des 900 000 personnes déplacées par le conflit en Irak qui ont fui vers le Kurdistan irakien, a déclaré Amnesty International.

    Les délégués d’Amnesty International qui viennent tout juste de rentrer d’une visite au Kurdistan irakien ont constaté que de nombreuses personnes déplacées ne disposent pas des biens de première nécessité dont elles ont besoin pour survivre durant l’hiver – couvertures, vêtements chauds et chauffage notamment. Des milliers vivent dans des camps très mal équipés ou dans des campements informels, dans des conditions très rudes.

    « La réponse humanitaire présente de graves lacunes. De nombreuses personnes vivent dans des camps ou des bâtiments mal équipés, sans murs ni abris pour se protéger du froid, du vent, de la pluie. Vêtus d’habits légers, les enfants courent dans tous les sens, dans un froid glacial. Dans certains camps, les toilettes et l’eau potable manquent. Dans certains campements de fortune, il n’y en a pas du tout. Alors que l’hiver arrive, la situation risque de s’aggraver fortement, a déclaré Khairunissa Dhala, conseillère sur les droits des réfugiés à Amnesty International.

    « La communauté internationale et le gouvernement régional du Kurdistan doivent mener une action concertée afin de venir en aide à ceux qui se sont installés à l’intérieur ou à l’extérieur des camps, dans le but d’éviter un désastre humanitaire de grande ampleur. »

    Le gouvernement régional du Kurdistan a fait des efforts pour fournir des logements et des services d’urgence aux personnes déplacées. Cependant, la communauté internationale a réagi avec lenteur et, surtout, l’aide humanitaire n’est pas suffisante pour répondre aux besoins premiers.

    Les fonds manquent cruellement. Le Plan de réponse stratégique pour l’Irak 2014-2015 lancé par les Nations unies n’est financé qu’à hauteur de 33 %. La part du budget couvrant les abris et d’autres équipements de base n’est jusqu’ici financée qu’à hauteur de 23 %. Plusieurs projets de l’ONU ne sont pas financés au-delà de mars 2015.

    « Les personnes déplacées ont peu de chances de pouvoir rentrer chez elles bientôt ; c’est pourquoi il faut renforcer le financement, la planification et la coordination en vue de venir en aide à ceux qui souffrent le plus », a déclaré Khairunissa Dhala.

    Les abris
    Environ 120 000 personnes déplacées vivent actuellement dans 12 camps gérés par des agences humanitaires ou le gouvernement régional du Kurdistan, dans le gouvernorat de Dohuk. Cependant, ces camps n’ont pas la capacité d’accueillir toute la population déplacée. La plupart sont éparpillés dans des centaines de campements informels installés sur des chantiers, des centres communautaires et d’autres lieux. D’autres ont trouvé des logements privés.


    La situation en termes de logement, d’équipements et de services varie grandement d’un camp à l’autre. Au camp de Bersive I, qui accueille environ 10 000 personnes, les tentes ne sont pas vraiment imperméables, il n’y a pas d’eau chaude et le nombre de toilettes et de douches est inférieur aux normes humanitaires minimales. Ces piètres conditions découragent certains de venir y trouver refuge.

    Amnesty International s’est également rendue dans des campements informels à Dairaboun et Zawita, et a constaté une pénurie d’aide et un manque critique d’installations sanitaires.

    Selon l’ONU, environ 40 % des personnes déplacées dans le gouvernorat de Dohuk vivent sur des chantiers et des bâtiments en cours de construction, qui pour la plupart n’ont pas de murs, de fenêtres ni de portes, et sont ouverts au froid, au vent et à la pluie. Ces personnes n’ont pas de chauffage, d’eau ni d’installations sanitaires. Amnesty International a également confirmé des cas d’enfants qui chutent des bâtiments et se blessent gravement ou se tuent.

    De nombreuses familles qui ont trouvé un abri dans ce genre de bâtiments ont déclaré à Amnesty International qu’elles n’auraient pas survécu sans la bonne volonté des habitants du secteur. Elles n’avaient pas reçu d’autre aide depuis des mois. Mais la pression exercée sur ces habitants commence à se faire sentir. Certains propriétaires privés affirment que les personnes déplacées doivent maintenant partir, afin de pouvoir terminer les chantiers.

    Khani, une jeune femme de 22 ans qui vit dans le sous-sol d’un bâtiment non terminé avec six autres familles, s’est vu demander de quitter les lieux. Ils n’ont ni eau ni gaz, et disposent d’un chauffage que leur a fourni une association caritative. « Nous avons besoin de plus de couvertures et de vêtements. C’est notre priorité pour l’instant », a-t-elle expliqué.

    Tandis que le gouvernement régional du Kurdistan fait des efforts pour transférer les personnes installées dans des bâtiments non terminés vers les camps, il ne semble pas avoir envisagé de solutions de remplacement, par exemple des logements adaptés situés hors des camps.

    « Toute personne se retrouvant sans abri après avoir fui les violences qui déchirent l’Irak a droit à un abri sûr, chaud et adapté. C’est d’autant plus urgent que l’hiver arrive. Personne ne doit être expulsé s’il n’a nulle part où aller. Les autorités du gouvernement régional du Kurdistan doivent collaborer avec l’ONU et les organismes humanitaires afin de fournir aux personnes déplacées un abri adéquat », a déclaré Khairunissa Dhala.

    L’accès à l’éducation


    Selon les estimations, 252 000 enfants d’âge scolaire (entre six et 17 ans) sont déplacés dans la région du Kurdistan. Très peu d’enfants dont les familles se sont entretenues avec Amnesty International dans les camps et les campements informels vont à l’école. De nombreux camps n’ont pas d’école, certaines familles n’ont pas les moyens de payer le transport, d’autres ont besoin que leurs enfants travaillent pour survivre. Certains parents ont expliqué que leurs enfants qui suivaient auparavant le programme en arabe enseigné dans le reste de l’Irak étaient incapables de suivre le programme en kurde.


    « L’éducation doit être une priorité de la réponse humanitaire à la crise. Ces enfants ont déjà perdu leur maison, ils ne doivent pas être privés de leur droit à l’éducation », a déclaré Khairunissa Dhala.

    Enfin, Amnesty International demande aux autorités, ainsi qu’à l’ONU et aux organismes humanitaires, d’améliorer l’enregistrement de tous ceux qui sont déplacés à l’intérieur de leur pays, afin d’évaluer correctement les besoins et les vulnérabilités.

    Complément d’information
    Depuis le début de l’année 2014, plus de deux millions d’Irakiens ont été déplacés en raison des affrontements qui déchirent le pays. La région du Kurdistan accueille 48 % de l’ensemble de la population déplacée, c’est-à-dire environ 946 266 personnes.


    Depuis janvier 2014, la région du Kurdistan a connu trois vagues de déplacement, conséquences de la progression militaire du groupe armé qui se fait appeler État islamique (EI). La première s’est déroulée lorsque les forces de l’EI ont pris le contrôle de secteurs du gouvernorat d’Anbar en décembre 2013 et janvier 2014, causant la fuite de nombreuses familles (principalement des arabes sunnites). La deuxième vague a eu lieu en juin et juillet 2014, après la prise par l’EI de villes et villages dans le nord de l’Irak (notamment Mossoul), entraînant le déplacement forcé de centaines de milliers de personnes, pour la plupart membres de minorités religieuses et ethniques. La troisième s’est déroulée lorsque l’EI a pris le contrôle de la région de Sinjar, dans le nord-ouest de l’Irak, le 3 août, faisant fuir des centaines de milliers d’habitants, pour la plupart membres de la minorité des Yézidis.

    Avec une population de cinq millions d’habitants, la région du Kurdistan accueille environ 230 000 réfugiés syriens, en plus des personnes déplacées.

    19 décembre 2014

    http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/iraq-dire-winter-conditions-expose-shocking-gaps-humanitarian-assistance-th

  • La Coordination nationale Solidarité Kurdistan sur tous les fronts (AKB)

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    lundi 20 octobre 2014
    par  Amitiés kurdes de Bretagne
     

    Déclaration de la CNSK

    Les associations réunies au sein de la Coordination nationale Solidarité Kurdistan (CNSK) ont témoigné de leur solidarité avec les combattantes, les combattants et la population du Kurdistan de Syrie (Rojava?) et notamment celles et ceux du canton de Kobanê dont la résistance héroïque force l’admiration de tous. Elles ont dénoncé les préparatifs du gouvernement turc islamo-conservateur prêt à envahir le Rojava. Elles notent que les forces contestataires se mobilisent en Turquie et que l’union dans un nouveau parti - le HDP? (Parti de la Démocratie des Peuples) - des forces kurdes et d’une gauche contestataire turque est de bon augure pour des avancées démocratiques futures dans ce pays. Elles remercient le Conseil de Paris pour l’intérêt qu’il porte à la mémoire des trois militantes kurdes assassinées en plein Paris le 9 janvier 2013 et réaffirme sa volonté d’exiger que toute la vérité soit faite et que justice soit rendue. Une journée mondiale "Urgence Kobanê" sera organisée le 1er novembre prochain. Une pétition circule à l’adresse du Président de la République en soutien à Kobanê. Une conférence sera organisée le 9 janvier 2015 à Paris, au Sénat, ainsi qu’une cérémonie commémorative à la mémoire de Sakine, Fidan (Rojbîn) et Leyla devant le 147 rue Lafayette.

    Mobilisation pour le Rojava

    La CNSK demande à la France et à la communauté internationale d’envoyer de toute urgence à Kobanê l’aide militaire nécessaire pour résister et faire reculer les forces barbares du prétendu Etat islamique (Daesh). Les dernières frappes aériennes de l’US Air Force, guidées du sol par les résistants de Kobanê, ont été utiles mais pas suffisantes pour ceux qui luttent pied à pied, depuis plusieurs semaines, à armes inégales contre un ennemi puissamment armé : il est urgentissime de fournir armes anti chars et médicaments qui font cruellement défaut aux combattants kurdes. L’exemple de la Région autonome du Kurdistan irakien est à suivre : elle vient de reconnaître officiellement les trois cantons autonomes de Rojava et adopté un protocole de coopération bilatérale qui comprend l’envoi immédiat d’armes à la ville assiégée de Kobanê. La décision de la ville de Rennes d’envoyer une aide à la ville de Diyarbakir qui doit faire face à un afflux de réfugiés syriens est aussi significative : elle est assortie d’un appel à la communauté internationale pour qu’elle soutienne les Kurdes de Kobanê dans leur combat contre Daesh. La ville de Paris vient aussi de voter une aide humanitaire. Une journée mondiale "Urgence Kobanê" sera organisée le 1° novembre prochain. Toutes les organisations démocratiques sont invitées à participer à l’organisation et à la réussite de cette manifestation devant se dérouler dans chaque métropole, dans chaque région, dans chaque ville, partout où c’est possible.

    Turquie : attention danger

    La France a demandé à la Turquie de prendre toutes ses responsabilités et toutes les mesures qui s’imposent face à l’offensive de Daesh à Kobanê. Cette intervention est bienvenue s’il s’agit, comme l’a précisé le Président de la République, de l’ouverture de la frontière avec la Syrie pour permettre l’acheminement de renforts. Elle serait particulièrement inopportune s’il s’agissait d’encourager une intervention de l’armée turque. L’attitude de ce pays membre de l’OTAN a malheureusement montré que sa priorité n’était pas de combattre les djihadistes de Daesh, auxquels il continue d’apporter une aide militaire et logistique, mais d’occuper militairement cette région kurde et d’éradiquer un mode d’organisation social et politique adopté par l’Assemblée législative du Rojava, qui permet à chaque canton d’élire des assemblées citoyennes décentralisées et de se doter de structures de gouvernance incluant toutes les nationalités et toutes les religions.

    Véritable casus belli, cette occupation serait vécue douloureusement non seulement par les Kurdes de Syrie, qui sous le joug du régime Baas de Hafez Al-Assad et de Bachar Al Assad d’une République arabe syrienne, n’avaient même pas droit, durant des décennies, à une identité. Mais aussi par les Kurdes de Turquie (soit 20 % de la population) qui ont déjà prévenu : le processus de paix entre le gouvernement turc et le leader emprisonné Abdullah Öcalan pour trouver une solution politique à la question kurde sera rompu. Et la guerre reprendra. Les manifestations nombreuses et réprimées violemment qui se sont déroulées en Turquie du Sud-est (Kurdistan nord), mais aussi dans les grandes villes de la Turquie occidentale, et notamment à Istanbul et Ankara, ont déjà fait en quelques jours 37 morts et de nombreux blessés. Ce ne sont que les prémices d’une guerre civile annoncée qui déstabilisera toute la région.
    L’attitude toujours ambiguë de la Turquie suscite la méfiance quand sont annoncés des entretiens bilatéraux avec la France pouvant aborder les accords de coopération policière dont la ratification avait été stoppée in extremis. Plus que jamais il est nécessaire d’obtenir l’abandon définitif de ces accords sécuritaires "Guéant - Fabius".

    Le poids politique des Kurdes de Turquie

    Il est à noter également que le poids politique des Kurdes de Turquie croît autour du BDP, (Parti pour la Paix et la Démocratie qui s’appelle aujourd’hui DBP : Parti démocratique des régions), du HDP (Parti démocratique des peuples) et du K.C.K (Union des communautés du Kurdistan - (coma Civakên Kurdistan) qui ne proposent rien moins qu’une alternative à l’Etat-nation : "une organisation de la société puisée aux sources d’une lutte quotidienne pour la défense des libertés". Le DBP, malgré la pression de l’Etat sournois qui retient toujours dans ses geôles des milliers de détenus politiques, développe une stratégie de renforcement des structures politiques associatives et culturelles, dans les provinces kurdes : les résultats des élections municipales et régionales de mars 2014 le montrent avec des gains importants (Agri, Bitlis, Mardin) qui auraient pu être plus importants sans les fraudes (Urfa par exemple). Les Kurdes ont aussi affiché leurs ambitions nationales avec le nouveau parti, le HDP, créé par un BDP nouant des alliances nouvelles avec des forces de gauche qui se sont réunies dans un vaste mouvement de contestation gouvernementale dont l’épicentre fut les manifestations du parc Gezi d’Istanbul. Transformer le parti essentiellement pro-kurde BDP en HDP n’était pas gagné d’avance : Selahattin Demirtaş, candidat HDP à l’élection présidentielle d’août 2014, a su convaincre les populations kurdes, dont la revendication première est identitaire, de faire cause commune avec tous ceux qui, Kurdes, Turcs, Arméniens et autres minorités, contestent la politique autoritaire du gouvernement AKP et aspirent à une autre gouvernance, qu’ils soient sunnites, alévis, chrétiens, yezidis ou athées, syndicalistes, écologistes ou militants associatifs. Les principaux thèmes du programme HDP, qui se confondent avec ceux du BDP, témoignent de cette volonté : gouvernance territoriale, autonomie démocratique, éducation dans la langue maternelle, liberté de croyance, droits pour les alévis, liberté pour les prisonniers politiques, non à l’exploitation capitaliste, oui à l’écologie, non aux mesures discriminatoires contre les homosexuels, non aux interventions impérialistes en Syrie, encouragement aux Kurdes de Syrie. On peut estimer que Selahattin Demirtaş a, en frôlant les 10%, réussi ce pari. Il a su conserver - et même accroître - l’électorat traditionnel du BDP et séduire de nouveaux électeurs en prenant pied dans d’autres régions de la Turquie. Son score ouvre de véritables perspectives pour les élections législatives de 2015. En passant le seuil fatidique des 10%, Le HDP pourrait tripler, voire plus, le nombre actuel de ses députés.

    Le PKK est présent dans la vie politique et sociale en Turquie

    Le PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistanê), joue un rôle dans les quatre parties du Kurdistan et son influence va même bien au de-là, dans toute la région moyen orientale. Le PKK est très présent dans la vie politique et sociale en Turquie et le gouvernement AKP ne s’y trompe pas quand il accuse le KCK d’être la branche urbaine de "l’organisation" et quand il ouvre des négociations avec le leader incontesté et charismatique du PKK, Abdullah Öcalan, pour trouver une solution politique à la question kurde. Faire croire au monde entier que le PKK est une organisation terroriste relève d’une escroquerie intellectuelle qui ne peut que se retourner, in fine, contre ses auteurs. Ceux qui reprochent au PKK sa branche armée, les HPG? - Forces de Défense du Peuple (Hêzên Parastina Gel), oublient de préciser que sans elle le peuple kurde, en tant que peuple, aurait été, dans le contexte de terreur imposé par les forces militaires, paramilitaires et "l’Etat profond", rayé de la carte. Les dernières interventions des HPG pour venir en aide aux peshmergas du Kurdistan irakien ou pour sauver les Yezidis du piège de Sinjâr ou pour épauler les YPG? à Kobanê ont montré que le PKK n’était pas une organisation terroriste mais qu’il possédait des combattants aguerris dont la coalition avait besoin pour faire reculer le Front islamique. Il est donc urgent de retirer le PKK de la liste des organisations terroristes.

    Vérité et Justice pour Sakine, Fidan (Rojbîn) et Leyla

    Le Conseil de Paris a émis le vœu que soit apposée une plaque au 147 rue La Fayette, dans le 10e arrondissement, pour rendre hommage à Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, rappelant que ces trois jeunes femmes kurdes, qui militaient pacifiquement pour la reconnaissance du peuple kurde, ont été lâchement assassinées le 9 janvier 2013. Il n’y a pas de mots pour exprimer le chagrin et la colère qu’éprouvent tout le peuple kurde et les amis et proches des victimes. La volonté de la CNSK est intacte pour exiger que justice soit rendue. La vérité doit éclater et un appel est lancé au gouvernement français pour qu’aucun obstacle ne vienne entraver l’action de la justice dans son travail d’identification des commanditaires. Tous les regards sont tournés vers la Turquie dont la responsabilité est manifestement engagée. C’est pourquoi la CNSK reste mobilisée pour que l’affaire ne soit enterrée au nom de la raison d’Etat. Un courrier sera officiellement envoyé à M. le Président de la République française pour lui demander de bien vouloir recevoir les familles des victimes assassinées sur le sol français. Ce geste de compassion que les familles attendent serait aussi un signal fort envoyé aux assassins et à leurs commanditaires : cet assassinat politique ne restera pas impuni. En 2015, du 14 février au 2 mars, seront rappelés, lors d’un "colonial tour" initié par le réseau "sortir du colonialisme", tous les crimes politiques commis sur le sol français depuis cinquante ans et restés impunis. Ceux de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez ne seront pas oubliés.

    Paris le 18 octobre 2014

    Signataires  : Amis du Peuple Kurde en Alsace, - Amitiés Kurdes de Bretagne (AKB), - Amitiés Kurdes de Lyon Rhône-Alpes, -Association Iséroise des Amis des Kurdes (AIAK), - Association de Solidarité France-Kurdistan (FK), - Centre d’Information du Kurdistan (CIK), - Conseil Démocratique Kurde de France (CDKF), - Mouvement de la Jeunesse Communiste de France, -Mouvement de la Paix, - MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), - Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), - Parti Communiste Français (PCF), - Réseau « Sortir du Colonialisme », - Solidarité et Liberté (Marseille), - Union Démocratique Bretonne (UDB).
    Soutien : Union Syndicale Solidaires.

    http://www.amitieskurdesdebretagne.eu/spip.php?article868

  • "Entre aspiration à un espace transnational et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles" (Npa)

    Analyse.  Entretien. Daoud est docteur en science politique et chercheur à Amman en Jordanie.

    Avec lui, nous revenons sur la situation du Moyen-Orient depuis la fin du « partage du monde » USA-URSS et la politique des grandes puissances depuis.

    Quelles ont été les conséquences de la fin du bipolarisme mondial USA-URSS sur la région ?

    La chute de l’URSS a eu des effets contradictoires sur le monde arabe. D’un côté, l’URSS s’était clairement désengagée, sous le mandat de Gorbatchev, des questions moyen-orientales. De plus, le rapport de l’URSS au monde arabe fut paré d’ambiguïté : soutien à la naissance d’Israël en 1948, pour, quelques années plus tard, favoriser le transfert d’armes tchécoslovaques à l’Égypte de Nasser, dans le cadre d’un conflit général entre l’Égypte nationaliste arabe et Israël.


    En dépit de ces contradictions, la chute du bloc soviétique a favorisé une crise générale des gauches arabes : des formations comme le Parti communiste libanais ou le Front populaire pour la libération de la Palestine ont perdu, à partir de 1989, une manne financière, et indirectement militaire, qui était bien réelle.

    Si la montée des courants islamistes précèdent clairement, dès le début des années 1980, la crise des gauches arabes, il est certain que l’abandon de l’aide soviétique au début des années 1990 a permis une inversion radicale du rapport de forces entre forces islamistes et mouvements de gauche.

    Y a t-il une relation entre les guerres actuelles et la division territoriale imposée par les impérialistes anglais et français avec les accords de Sèvres et Lausanne (1920-1923) ? Peut-on parler d’État-nation dans la région, dans le sens où des communautés de peuple décident de partager un « destin » national dans un espace géographique défini ?


    Les accords Sykes-Picot, en 1916, tout comme la conférence de San Remo, en 1920, associé à l’abolition du califat ottoman en 1924, ont permis une nouvelle définition des frontières dans le monde arabe. Clairement, l’ensemble des forces politiques du monde arabe, des nationalistes arabes baathistes et nassériens aux islamistes en passant par la gauche, ont porté jusqu’à aujourd’hui ce refus des frontières coloniales imposées à l’époque.

    Il y a encore aujourd’hui une réalité panarabe : elle se définit par une langue commune, présente dans les médias transnationaux arabes, par un attachement commun, du Maroc au Yémen, à la cause palestinienne. En même temps, une certaine réalité des États-nations s’est imposée : il y a bien un nationalisme tunisien, égyptien, des particularités nationales construites. Le monde arabe vit perpétuellement cette dialectique entre aspiration à un espace transnational qui n’est pas rêvé, et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles.

    Depuis 1980 et l’Afghanistan, le bloc impérialiste occidental, et ses alliés locaux, ont favorisé l’émergence de groupes « militaires » idéologiquement religieux. Aujourd’hui, ces groupes, descendants de ces années d’affrontement entre les deux blocs, sont-ils toujours soumis à l’agenda occidental, ou bien ont-il leur propre agenda, contradictoire avec celui du bloc occidental ?

    Tout dépend ce qu’on entend par « groupes religieux armés ». Certains groupes religieux entretiennent un antagonisme continu avec les États-Unis, comme le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien. D’autres, anti-­américains autrefois, comme le mouvement islamiste Ennahdha tunisien, veulent aujour- d’hui un modus vivendi avec les États-Unis et l’Union européenne. Le dernier cas, plus complexe, est celui de la mouvance salafiste jihadiste : cette dernière, soutenue par les États-Unis dans les années 1980 lors de la guerre d’Afghanistan, s’est clairement retournée contre les États-Unis. La mouvance salafiste jihadiste, comme nous la connaissons actuellement en Syrie et en Irak, avec l’action de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), a son logiciel propre : communautaire, dirigé contre les chiites de la région, mais aussi anti-américain.

    Dans ce monde post bipolaire, comment comprendre l’agenda des puissances montantes, telles la Russie et la Chine, dans la région ?

    La Russie de Poutine articule deux discours : un discours néo-­tiermondiste, qui ferait de la Syrie de Bashar al-Assad et du Venezuela de Chavez et Maduro un axe clair face à la politique américaine, réveillant la politique bipolaire des années 1960 et 1970. D’autre part, la Russie de Poutine a établi des liens privilégiés avec Israël. Dans les deux cas, il faut lire la politique très pragmatique de Poutine comme la redéfinition progressive d’un nationalisme russe, malmené dans les années 1990 par la chute de l’Union soviétique.

    Concernant le Moyen-Orient, la politique chinoise est plus prudente, et moins en avant que celle de Poutine : ils s’alignent certes sur les positions de la Russie, en ce qui concerne le soutien au régime syrien et à l’Iran, mais avancent leurs cartes prudemment, n’ayant ni bases militaires dans la région, ni implantation politique historique.

    Quel est l’agenda particulier, dans les affrontements régionaux, de l’Iran ? Et des monarchies de la péninsule (Arabie saoudite / Qatar) ?


    La Syrie a cristallisé une politique des axes. On a pas un, mais trois axes, si ce n’est plus. Un axe Iran-Syrie soutenu par le Hezbollah libanais ; un axe Qatar-Turquie favorable à la chute du régime de Bashar al-Assad, soutenant certains groupes armés de l’opposition sur place ; un axe Egypte-Arabie saoudite soutenant d’autres formations de l’opposition syrienne.

    Concernant le premier axe, il participe à la résilience du régime de Bashar al-Assad. Concernant les deux autres, ils font partie de la tragédie de l’opposition syrienne, divisée en interne selon ses lignes d’alliances régionales, participant à son effritement.

    Les soulèvements populaires en Égypte, à Barhein, en Syrie, au Yémen, et dans une moindre mesure Jordanie... ont-ils comme facteur premier une dimension économique et sociale, ou bien faut-il intégrer à la réflexion d’autres facteurs ?

    La dimension économique et sociale est indéniable. Le modèle tunisien est central, notamment au travers du rôle central qu’a pu jouer un syndicat, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), dans le processus révolutionnaire.

    Il serait cependant très réducteur de réduire les révolutions arabes à un pur déterminisme socio-­économique. Les facteurs communautaires, religieux et géographiques, sont pleinement intervenus. À Bahrein, c’est majoritairement une politique chiite, discriminée socialement, qui s’est mobilisée. En Jordanie, la révolte des mouvements tribaux de l’est jordanien, contre les régions plus urbaines de l’ouest, fut centrale. La révolution yéménite butte sur une question encore insurmontable : celle de l’opposition entre Houthis (chiites) et populations sunnites.

    Pour conclure, partages-tu l’idée que pour l’impérialisme occidental, il s’agit d’empêcher toute existence d’une puissance étatique qui puisse concurrencer l’État d’Israël dans la région ?

    C’est là tout l’enjeu autour de l’Iran et de la Syrie. Le blocus américain sur l’Iran, malgré les dernières négociations, résulte depuis plus de trente ans d’une peur fondamentale : qu’une puissance régionale puisse concurrencer Israël en termes économique et militaire. C’est là tout l’enjeu autour du dossier nucléaire.

    Concernant la Syrie, la guerre civile à l’œuvre profite à tous les acteurs :

    un régime baathiste faible, tout comme une opposition syrienne faible, qui se combattrait encore dix ans dans un pays complètement et déjà détruit, ce qui empêche à terme l’émergence d’un État fort qui jouxterait les frontières d’Israël. C’est en somme la résultante de la théorie néo­conservatrice du chaos constructif.

    Propos recueillis par Marc Prunier

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • Repères. Scènes politiques du (des) Kurdistan (Npa)

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    Cette note a pour but de rappeler brièvement les composantes politiques des quatre parties du Kurdistan, ainsi que leurs dynamiques.

    La présence d’un bassin de peuplement kurde remonte à plusieurs millénaires, mais le traité de Lausanne en 1923 sacrifie l’idée d’un Kurdistan sur l’autel des intérêts occidentaux liés à la Turquie kémaliste naissante. Les Kurdes se retrouvent alors divisés sur quatre États : la Turquie, foyer de population kurde le plus important (15 à 20 millions), l’Irak (4 à 5 millions), la Syrie (3 à 4 millions) et l’Iran (5 à 6 millions). (Il y a des kurdes dans d'autres états, comme ceux de l'ex URSS et l'Europe de l'Ouest note du blog)

    Turquie


    La création de la République turque s’est accompagnée d’une sévère répression de la population kurde et de sa culture.

    En 1979 est créé le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). D’abord marxiste-léniniste et nationaliste, le parti change de direction après l’arrestation de son leader, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 en Turquie. Aujourd’hui, la ligne politique du PKK et des organisations affiliées à l’idéologie d’Ocalan tient dans la mise en place d’un confédéralisme démocratique, où les entités locales sont autonomes et démocratiques et où l’économie est au service de l’humain et respectueuse de la nature.

    Le droit des femmes est également un axe majeur de cette idéologie, notamment par la codirection politique. La revendication d’un État-nation kurde n’est plus au programme du parti. Le KCK regroupe le PKK et des groupes partageant la même idéologie présents dans les autres zones Kurdes. PKK et KCK sont classés terroristes et traqués par les autorités turques. Le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis 2013 risque de ne pas tenir devant l’inaction des Turcs face à l’attaque jihadiste en cours à Kobané.

    Depuis 1993, les Kurdes de Turquie ont le droit de créer des partis politiques pour défendre leurs intérêts et représenter le PKK. Ces partis sont régulièrement dissous. Le dernier en date est le BDP, Parti pour la paix et la démocratie, majoritaire dans les zones kurdes. En 2014, hors des zones kurdes, des dirigeants importants du BDP ont démissionné pour créer le HDP (Parti démocratique des peuples). Le HDP reprend les idées politiques du BDP, tout en englobant en son sein d’autres minorités de la société turque : Alévis, LGBT, etc. Enfin, si une partie importante des Kurdes de Turquie soutient le PKK et les partis affiliés, il existe aussi un électorat conservateur qui vote pour l’AKP, parti islamiste du président Erdogan ou pour Hüda-Par, le parti islamiste kurde minoritaire.

    Irak

    Le Kurdistan irakien est marqué par les guerres qui l’ont traversé. C’est là qu’est né en 1946 le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) sous l’égide de Mustafa Barzani et de son clan. En 1975, l’UPK, Union patriotique du Kurdistan, fait scission avec le PDK.

    PDK et UPK ont tous deux lutté contre le régime de Saddam Hussein, arrivant à obtenir un Kurdistan autonome après la guerre du Golfe, puis se sont déchirés dans une guerre de pouvoir de 94 à 98.
    À l’heure actuelle, le Kurdistan irakien est divisé en deux : le nord sous contrôle du PDK, dirigé par Massoud Barzani, fils du fondateur, et le sud contrôlé par l’UPK dirigé par Jalal Talabani. Ce dernier a été poussé par les Américains à la présidence de l’Irak jusqu’en 2014. Barzani, lui, préside le KRG, Kurdish Regional Government.


    En 2009, un nouveau parti apparaît : Goran (« Changement »), mais malgré son nom, beaucoup le voient comme une pseudo-alternative. On trouve aussi de petits partis politiques : les islamistes de l’UIK et du GIK, et les minorités (dont le PC). Suite à la percée de l’État islamique, les Kurdes d’Irak ont étendu leurs zones de contrôle, notamment sur Kirkouk, et ont réclamé leur indépendance totale. Après la débandade de l’armée irakienne devant les jihadistes, l’Occident a choisi de les soutenir militairement, sans pour autant appuyer leur revendication.

    Le Kurdistan irakien reste très conservateur.

    Le clientélisme partisan et la corruption sont de mise, ainsi que le fonctionnement clanique, cela malgré un vernis démocratique. L’économie est ultralibérale. L’argent apporté par la manne pétrolière a été dilapidé dans des investissements hasardeux et a amené à un abandon progressif de toute forme de production alimentaire ou énergétique locale, conduisant la zone à devenir dépendante de la Turquie et de l’Iran. Les investissements occidentaux ont été accueillis les yeux fermés. Mais la puissance médiatique du Kurdistan irakien lui permet de travailler son image. Suite au cessez-le-feu avec le gouvernement turc, les combattantEs du PKK se sont réfugiés dans leur bastion des montagnes du nord de l’Irak. Leurs relations avec le PDK sont très mauvaises.

    Iran

    Aujourd’hui, c’est en Iran que les Kurdes subissent le plus de discriminations. Leurs droits civils et politiques sont régulièrement bafoués. Le taux de chômage des Kurdes avoisine les 50 %, engendrant nombre de problèmes sociaux. Régulièrement, des militantEs sont arrêtés et exécutés. Les Kurdes d’Iran ont une représentation politique via le PDKI, le Parti démocratique du Kurdistan iranien, issu du mouvement de Barzani. Dans les montagnes à la frontière irakienne, une guérilla issue du PKK, le PJAK, continue à se déclarer en lutte contre l’Iran, et cohabite avec le Komala, un parti à l’idéologie marxiste devenu aujourd’hui sociale-démocrate. Le parti communiste-ouvrier d’Iran comprend aussi un courant nationaliste kurde.

    Syrie

    En Syrie, sous Bashar al-Assad, les Kurdes étaient soumis à une politique de répression et de discrimi- nation. La guerre civile fut une opportunité pour eux de prendre leur destin en main. Le Kurdistan syrien (appelé Rojava) est composé de trois cantons situés au nord de la Syrie, le long de la frontière avec la Turquie : Afrin à l’ouest, Kobané au milieu, Jezireh à l’est. 10 % des Kurdes syriens vivaient dans la banlieue de Damas.

    Rojava est divisée entre deux coalitions. Le PYD, ou Kurdish democratic union party, affilié au PKK et ses alliés, se sont regroupés fin 2013 au sein du People’s council of western Kurdistan et ont déclaré la formation d’un gouvernement autonome de transition dans les trois cantons, avec la mise en place d’administrations locales, dirigées chacune par un Premier ministre et constituées de représentants des divers partis alliés au PYD, ainsi que des minorités (syriaques, arabes...).

    Le KNC, Kurdish national council, a été fondé sous l’égide de Barzani et est composé de l’aile syrienne du PDK, le PDKS et de ses alliés. Le KNC ne reconnaît pas la légitimité de l’administration locale des cantons et n’y participe pas, malgré l’offre qui leur a été faite. Il a préféré miser sur l’opposition syrienne en intégrant fin 2013 le Conseil national syrien (CNS). Ce rapprochement est une divergence importante entre les deux partis car le CNS est proche de la Turquie, et s’oppose donc aux projets d’autonomie des Kurdes. Le KNC accuse le PYD de vouloir la mainmise sur les zones kurdes, mais sans proposer de réelles alternatives.

    Le PYD travaille activement à une reconnaissance internationale. Confronté aux assauts incessants des jihadistes et à un embargo, Rojava a un besoin urgent d’aide humanitaire et militaire, mais la proximité politique avec le PKK braque les puissances occidentales.

    Yann Renoult


    Photographe reporter qui a vécu plusieurs mois en 2014 entre le Kurdistan syrien et irakien. Reportage photo : http://cargocollective.com/yannrenoult/Syrian-Kurdistan-towards-autonomy

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • Syrie comme Irak : Pas de nouvelle guerre ! (l'Anticapitaliste.ch)

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    La situation au Moyen-Orient semble très compliquée.

    L’État Islamique(EI) met chaque jour sous son contrôle de nouveaux territoires, en profitant de la guerre civile en Syrie qui continue. Les incidents meurtriers entre Palestiniens et armée israélienne se reproduisent tous les jours, et les États-Unis et leurs alliés utilisent avions et drones pour bombarder à droite et à gauche avec leur « fameuse » précision.

     Les coalitions traditionnelles paraissent incapables d’affronter cette instabilité, et le rôle des classes dominantes de la région reste flou. Pourquoi la Turquie n’attaque-t-elle pas les forces de l’EI qui entourent Kobané et qui prennent «gentiment» le contrôle d’une grande partie de la frontière entre Turquie et Syrie ? Pourquoi face à une telle menace les États-Unis ne déploient-ils pas plus de forces militaires ? Pourquoi l’occident n’utilise-t-il pas l’armée israélienne afin de stabiliser la région comme il l’a fait auparavant ?

    Et enfin, que peut-on faire ici en Europe face à cette situation ? Doit-on soutenir les bombardements contre ces « barbares » qui décapitent des innocents ? Soutenir les islamistes ? Ou bien se distancer  d’un conflit dont le résultat sera de toute façon négatif ?

    L’État Islamique et les États-Unis

    Aujourd’hui, selon les médias, l’ennemi numéro un dans la région est l’État Islamique. Mais l’histoire nous prouve que les ennemis d’hier deviennent facilement des amis et vice versa. L’Iran, la Syrie, l’Égypte, la Turquie, l’Irak et la Jordanie, ont fait partie des deux camps – depuis l’invasion de l’empire ottoman par les occidentaux, et la création de ces pays. Et on ne parle pas seulement d’Etats : les talibans,  les kurdes,  les bédouins, les chiites, les sunnites et les chrétiens ont été manipulés ou ciblés selon les plans et les besoins de l’impérialisme occidental dans la région. Certaines forces ont été même créées à cause de l’ignorance, ou grâce au soutien des forces impérialistes.

    Notamment, l’EI doit sa naissance à la situation qui a suivi la guerre en Irak en 2003.

    La manière dont les dirigeants politiques et militaires des États-Unis ont utilisé les divisions sectaires entre chiites et sunnites en choisissant la minorité chiite pour administrer le pays, a fait exploser des différences que le peuple irakien avait laissé de côté lorsqu’il a fallu résister à l’invasion de 2003.

    L’équipement de l’EI dont les médias parlent si souvent n’a pas été fabriqué par des forgerons Irakiens.

    Ce sont les ex-officiers sunnites de Saddam Hussein qui avaient accès aux dépôts d’armements cachés partout en Irak, qui ont pu équiper les différents groupes autour d’Al-Qaïda qui ont évolué en EI. De plus, le régime de Bachar el-Assad n’a pas hésité à armer les groupes de cette mouvance pour qu’ils puissent noyer dans le sang la révolution syrienne. En bref, les États-Unis et leurs alliés occidentaux et moyen-orientaux n’ont jamais eu pour but ni d’empêcher le terrorisme ni de protéger les civils. Comme l’avait dit Lawrence Korb, vice Secrétaire d’état à la Défense de Reagan (1981-1985) lors de la guerre contre l’Irak en 1991 : « Si au Koweït on cultivait des carottes, on s’en foutrait. »  Les armées de l’ouest interviennent uniquement pour protéger les intérêts des multinationales pétrolières et des matières premières.

    Les classes dominantes du Moyen-Orient ne sont pas innocentes non plus.

     Nationalistes, islamistes et libéraux, ils ont tous utilisé la résistance palestinienne d’une manière opportuniste et quand cela menaçait leurs propres intérêts, ils n’ont pas hésité à la massacrer. Les exemples sont nombreux : les Phalangistes d’Elie Hobeika au camp de Sabra et Shatila en 1982, les Hachémites en Jordanie en 1970 lors du septembre noir, ou l’armée du régime de Hafez al-Assad  en 1975 au Liban. Le partenaire préféré des États-Unis dans la région, l’Arabie Saoudite, est connue non seulement pour l’imposition la plus sévère de la charia, mais aussi pour le financement de la renaissance de nouveaux courants islamistes. Al-Qaïda comme l’EI ont été tous deux financés au moins pendant une période de leur existence par la péninsule Arabe via la place financière de Dubaï. En outre, une grande partie de leurs dirigeants a vécu ou été éduqué en Arabie Saoudite.  Mais les attaques des armées occidentales ne visent pas les responsables, qui sont leurs alliés.  Ils disaient vouloir se débarrasser d’un dictateur, Saddam Hussein, mais l’ont finalement remplacé par d’autres, et ont créé les conditions pour l’émergence d’autres forces réactionnaires comme l’EI.

    L’histoire le prouve encore une fois : la pauvreté et la misère que les bombardements créent sont  le meilleur laboratoire génétique pour les « terroristes » de l’avenir.

    Mais ce sont des sauvages!

    Certes, les images des décapitations filmées et distribuées sur internet sont très choquantes. Par contre, personne ne nous a montré les images des 30 personnes exécutées cette année aux États-Unis condamnées à mort, ou des 52 qui ont été exécutées en Arabie Saoudite dont une pour sorcellerie. Les néo-conservateurs n’ont pas laissé couler une larme pour ces personnes-là.  Ils profitent par contre des actions abjectes de leur propre enfant en Irak pour jouer le rôle de pompiers voulant assurer la stabilité inachevée dans la région.

    Expliquer que la réaction d’Obama et de David Cameron  est totalement hypocrite ne revient aucunement à soutenir l’EI ou autres djihadistes. Il s’agit de revenir à la racine du problème qui a donné naissance à ces atrocités. Comme le dit Chris Harman dans son livre Le prophète et le prolétariat : «comprendre les raisons du cancer ne signifie pas justifier la douleur ou la mort ». Mais essayer de comprendre la nature et les forces motrices de ce mouvement sans prendre par exemple en compte la mort de 500 000 enfants à cause de l’embargo sur l’Irak de 1991 à 2003, est une méthode erronée.

    D’ailleurs, le fait que le camp des force occidentales s’autoproclame progressiste ou se présente comme le  garde du corps de la civilisation, semble assez ridicule.  Aucune force du monde arabe ne pourra faire autant de morts que l’Holocauste, la guerre du Vietnam ou la Première guerre mondiale. Même de nos jours encore, la guerre des drones lancée par le dit pacifiste Obama a tué plus de 2500 personnes, dont 20% étaient des civils.

    Leurs hésitations montrent leur hypocrisie.

    Sur le terrain, l’EI avance tous les jours en massacrant, et la seule force qui lui résiste effectivement sont les Kurdes. Les bombardements aériens ont de la peine à cibler les forces extrêmement mobiles des djihadistes. Pour l’instant, ils se limitent à frapper des infrastructures comme l’usine de gaz Coneco, et poussant la population à l’obscurité et à la misère.

    Malgré les discussions qu’on entend depuis début septembre, les États-Unis et l’Europe n’ont pas pour l’instant soutenu les Kurdes. La Turquie a refusé pendant plusieurs jours de laisser passer les 160 000 réfugiés qui se massaient aux frontières turco-syriennes. Erdogan a ouvert les frontières uniquement sous la pression des émeutes et des manifestations au sud du pays dans les régions où la majorité de la population est kurde. En même temps, il n’a pas hésité à tuer 21 manifestants et à les appeler «des traitres et des saboteurs de la paix ». La passivité de l’armée turque face au déploiement des tanks et des armes de l’EI juste à côté des frontières est, à première vue, très étonnante. Ce retard exceptionnel est en effet dû à la convergence de plusieurs facteurs.

    D’abord, l’hésitation des États-Unis – à s’investir dans une nouvelle guerre coûteuse, en vies humaines et en dollars,  en même temps que d’autre fronts stratégiques demandent son attention – est justifiable. L’importance du front ukraino-russe et surtout celui en mer de Chine méridionale3 laissent peu de marge de manœuvre pour le géant déjà affaibli après 14 ans de guerres sans succès en Irak et en Afghanistan. De plus, comme l’a très clairement expliqué le secrétaire d’État américain John Kerry, Kobané n’était «pas un objectif stratégique». «Aussi horrible que ce soit d’observer en temps réel ce qui se passe à Kobané, vous devez prendre du recul et comprendre l’objectif stratégique».

    En Europe, la crise économique ne laisse que peu de marge de participation à la Grèce ou à Chypre, qui étaient lors des dernières guerres des forces très importantes d’un point de vue géostratégique. En Europe centrale, les chefs d’Etats ne sont pas non plus prêts à engager leurs armées dans une guerre dont les enjeux et les résultats sont très incertains. La défaite de David Cameron au Parlement britannique en août 2013, la première depuis 1782 sur un sujet de guerre, rappelle aux belliqueux que le coût de leurs aventures cette dernière décennie a été trop élevé.

    Pour la Turquie, les choses sont encore plus compliquées. Elle ne souhaite pas voir un deuxième territoire autonome kurde juste à côté de celui au nord de l’Irak, mais en même temps elle ne veut pas mettre en danger le processus de paix avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), ni avoir l’EI comme voisin direct.  D’un autre côté, laisser l’EI faire le sale boulot de nettoyage ethnique du Kurdistan syrien est quelque chose qui arrangerait bien les dirigeants d’Ankara…

    Les frontières des accords Sykes-Picot (1917) et de Lausanne (1923) sont en train de changer et les « grandes puissances » sont prêtes à se battre, chacune  pour ses propres intérêts.

    Ce ne serait pas faux alors de dire que le bloc des pays dits « progressistes » n’est pas si uniforme. Les classes dominantes ont certainement un intérêt commun dans la région: une stabilité qui permettrait aux capitaux occidentaux d’envahir tous les aspects de vie de Kirkouk (Irak du nord) à Bassora (Irak du sud) et du Caire à Lahore (Pakistan) afin de faire des profits. Cet horizon étant loin et incertain, les diverses stratégies nationales prennent un rôle plus important. Et les conflits ne manquent pas : les zones exclusives économiques pour les pays avoisinants, le contrôle du pétrole, les conduites de gaz, la suprématie militaire.

    La volonté d’aider les peuples de la région est si limité que l’Union Européenne n’accepte même pas d’enlever le PKK et le PYD (parti de l’union démocratique syrien, kurde) de sa liste des groupes terroristes. Si l’Europe veut aider le peuple kurde, elle doit immédiatement enlever le PKK de la liste des organisations terroristes, et obliger la Turquie à laisser le couloir nécessaire pour que les kurdes puissent transporter leurs armes afin de se défendre. Mais ceci irait contre les intérêts turcs dans la région parce qu’un Kurdistan faible, isolé et dépendant  au nord de l’Irak est quelque chose de contrôlable. Par contre, une lutte commune de tou·te·s les Kurdes serait pour les intérêts turcs un cauchemar qui déstabiliserait la région d’une manière incontrôlable. Avec l’aide des familles kurdes corrompues  des Talabani et des Barzani, la stratégie de diviser pour mieux régner fonctionne bien, et permet de ne pas prendre le risque de laisser l’ensemble de la population kurde, qui a une forte tradition anti-impérialiste, devenir un facteur important dans la région. Pour les États-Unis et l’Europe, les Kurdes pourraient être aidés à une seule condition : qu’ils deviennent leur sous-traitant dans la région comme l’avait été au Kosovo l’UCK (Armée de libération du Kosovo).

    Bref, Obama et ses alliés s’engageront dans cette guerre au gré de leurs intérêts et non ceux de la population locale.

    Que fait Israël?

    Si son rôle est de garantir la stabilité dans la région pour les intérêts de l’impérialisme, pourquoi Israël n’agit-t-il pas ? Son armée est une des toutes premières au monde, implantée juste à côté. Pourquoi alors n’est-elle pas utilisée ?

    Pour les forces impérialistes, l’utilisation de l’armée israélienne est une épée à double tranchant. Les Américains et les Européens savent que la présence de l’armée israélienne risque plutôt de créer des problèmes au lieu de les résoudre. Aucune population dans la région ne serait prête à accepter la collaboration, le soutien et d’autant plus l’intervention d’Israël au nom de leurs intérêts. Les peuples, qu’ils soient kurdes ou arabes, afghans ou égyptiens, voient tous l’appareil étatique et militaire d’Israël comme un ennemi, comme le chien de garde de l’impérialisme occidental.

    Une intervention israélienne risquerait de provoquer de fortes réactions non seulement au Moyen-Orient, mais aussi dans les capitales de l’ouest. Après cet été meurtrier (et l’opération «Bordure protectrice»), la perte de légitimité de l’état sioniste est remarquable. Souvent, même les médias qui d’habitude sont 100% pro-sionistes, ont été obligés d’admettre que la brutalité et les crimes de l’armée israélienne n’étaient pas justifiables.

    Et nous, que pouvons-nous faire ?

    Si une intervention militaire n’a donc rien à offrir, si c’est n’est de tuer des gens, la question qui se soulève est : que pouvons-nous faire en Europe ? Comment agir face aux massacres de la population irakienne et kurde par l’EI ? Que faire face aux bombardements de la coalition ?

    La première chose à faire, c’est de montrer notre solidarité. Ceci n’est pas une tâche abstraite ni symbolique. Faire revivre les mouvements anti-guerre de 2003 dans la période actuelle tellement incertaine pourrait avoir de multiples résultats. En se réunissant sous les pancartes et les banderoles contre la guerre, nous ciblerons non seulement nos gouvernements qui participent chacun à sa manière à cette offensive, mais aussi l’extrême droite et son pilier idéologique islamophobe. En nous réunissant ici en Europe avec les réfugiés et les immigrants arabes, nous montrons aux peuples du Moyen-Orient, non seulement que nous sommes contre les bombardements, mais que les peuples européens ne sont pas conquis par l’islamophobie et le racisme.

    Les peuples en Syrie, en Irak et au Kurdistan savent que l’EI a été soutenu ou toléré par des régimes arabes selon leurs besoins. Mais ils ne sont pas les seuls à le savoir. Les peuples en Tunisie, en Égypte, au Liban, et en Palestine le savent aussi. Il y a peu, ils se révoltaient et nous remplissaient de joie avec leur printemps arabe. C’est notre obligation maintenant d’agir et de leur montrer que nous leur faisons confiance. Ce n’est pas le moment de nous barricader dans de faux camps. Les classes dirigeantes se frottent les mains quand la gauche se rallie à leur cause «humanitaire et culturelle». Nous ne pouvons pas faire confiance à ceux qui ont créé cette situation.

    Le 26 septembre, des dizaines de manifestations ont eu lieu en Syrie sous le slogan «Les civils n’ont pas besoin des nouveaux assassins internationaux», exprimant ainsi leur sentiment de l’inutilité des bombardements.

    La gauche, qui voit l’histoire à travers le prisme de la lutte des classes et non celui du sectarisme, ne doit pas seulement agir, mais aussi se charger de créer un mouvement beaucoup plus large que ses propres forces. Créer un mouvement qui devra réclamer :

    -D’arrêter toute intervention impérialiste de la région.

    -D’aider le peuple Kurde sans conditions politiques et financières.

    DD

    http://www.gauche-anticapitaliste.ch/?p=12468

  • Après un mois de combats, les Kurdes résistent toujours à Kobané (Libération)

    Les combattants kurdes, aidés par les frappes de la coalition, résistent toujours, un mois après le début de l’offensive du groupe Etat islamique sur la ville syrienne de Kobané, laissant entrevoir une guerre d’usure.

    Le sort Kobané, troisième localité kurde de Syrie frontalière de la Turquie devenue dans le monde entier le symbole de la lutte contre l’EI, reste totalement incertain après 30 jours de combats acharnés.

    Les jihadistes contrôlent toujours «au moins 50% de la ville» selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), «mais les Kurdes, avec leur résistance farouche et l’aide des frappes de la coalition, arrivent à freiner leur avancée et entraver leurs mouvements depuis 48 heures».

    «Ils tentent d’entraîner l’EI dans une guerre d’usure en menant des attaques ou en tentant de les assiéger dans le QG qu’ils ont pris vendredi dernier», a ajouté le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, précisant qu’une frappe américaine avait visé l’un des bâtiments et que les combats continuaient.

    De telles affirmations sont toutefois impossibles à vérifier en l’absence d’observateurs indépendants et de journalistes à Kobané, et l’EI ne communique pas sur l’évolution de ses opérations.

    Jeudi, les jihadistes ont notamment lancé une attaque aux environs du poste-frontière turc de Mursitpinar, espérant couper tout passage entre Kobané et la Turquie, a constaté un journaliste de l’AFP à la frontière.

    Au total, 16 obus ont été tirés par les jihadistes dans la journée, selon l’OSDH.

    Rencontre américano-kurde 

    En un mois, «la bataille de Kobané» a fait 662 morts, selon un décompte de l’OSDH n’incluant pas les victimes des frappes aériennes. L’EI a perdu 374 combattants, les Kurdes 268, tandis que vingt civils ont été tués.

    Si l’on ignore combien d’habitants sont encore dans Kobané, plus de 300.000 personnes ont fui la région depuis le lancement le 16 septembre de l’offensive du groupe extrémiste sunnite EI, qui a proclamé un «califat» sur les vastes régions qu’il contrôle à cheval sur la Syrie et l’Irak.

    L’instabilité de la situation a été soulignée par le Pentagone, dont le porte-parole a déclaré que «Kobané pourrait encore tomber».

    Pour aider les Kurdes, Washington, à la tête d’une coalition en Syrie et en Irak, a effectué depuis fin septembre plus de 100 raids aériens sur des cibles autour de la ville.

    En outre, le département d’Etat a indiqué jeudi que des responsables américains avaient rencontré des Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD), précisant que cette rencontre avait eu lieu «en dehors de la région» et que Washington n’en était «pas encore» au stade d’envisager d’armer et de former les milices kurdes.

    Selon un responsable américain, cette entrevue se serait déroulée à Paris.

    Par ailleurs, à l’est de Kobané, au moins 20 jihadistes de l’EI, en majorité des combattants étrangers, ont été tués dans une attaque des forces kurdes à 30 km à l’ouest de Ras al-Aïn, dans la province de Hassaka, selon l’OSDH.

    «Les Kurdes ont ramené leurs corps et les ont exhibés en voiture dans les rues de Ras al-Aïn», ville contrôlée par les Kurdes à la frontière turque, selon l’ONG.

    Pas de menace imminente contre Bagdad 

    En Irak voisin, les Etats-Unis, qui ont reconnu mercredi être inquiets de l’évolution de la situation, notamment dans la province majoritairement sunnite d’Al-Anbar (ouest), se sont montrés plus rassurants quant au sort de la capitale.

    «Nous pensons à l’heure actuelle que Bagdad est à l’abri d’une menace imminente», a déclaré le porte-parole du ministère américain de la Défense, le contre-amiral John Kirby.

    «Il n’y a pas de rassemblement massif des forces de l’EI à l’extérieur (de la capitale irakienne) prêtes à y entrer», a-t-il assuré.

    Cependant, au moins 26 personnes sont mortes jeudi dans divers attentats dans et autour de Bagdad, dont plusieurs à la voiture piégée, selon des sources médicales et policières. L’un d’entre eux, contre un quartier chiite de Bagdad, a été revendiqué par l’EI.

    Pour muscler son dispositif au sein de la coalition anti-jihadiste en Irak, Londres a décidé de redéployer des drones engagés jusque-là en Afghanistan.

    Moscou a réaffirmé pour sa part son refus de participer à une «coalition formée sans l’aval du Conseil de sécurité» et souligné qu’aucun accord de partage de renseignements sur les jihadistes avec les Etats-Unis n’avait été conclu.


     16 octobre 2014 à 09:58 (Mis à jour : 16 octobre 2014 à 22:01)
     
    http://www.liberation.fr/monde/2014/10/16/syrie-les-jihadistes-reculent-de-plusieurs-quartiers-de-kobane_1122883