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Irak - Page 8

  • Irak. Des éléments attestent que des crimes de guerre ont été commis par des milices soutenues par le gouvernement (Amnesty)

    Nouri al-Maliki

    Des milices chiites, soutenues et armées par le gouvernement irakien, ont enlevé et tué des dizaines de civils sunnites ces derniers mois et bénéficient d’une impunité totale pour ces crimes de guerre, écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse rendue publique mardi 14 octobre.

    Ce document, intitulé Absolute Impunity: Militia Rule in Iraq, fournit des détails choquants sur des attaques motivées par l’intolérance religieuse imputées à des milices chiites de plus en plus puissantes, à Bagdad, Samarra et Kirkouk, en représailles semble-t-il aux assauts menés par le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI). Des dizaines de corps non identifiés, menottés et présentant des blessures par balles à la tête, ont été découverts à travers le pays, ce qui donne à penser que ces homicides, perpétrés dans des conditions évoquant des exécutions, relèvent d’une pratique bien établie.

    « En donnant sa bénédiction à des milices commettant régulièrement des violations aussi odieuses, le gouvernement irakien cautionne des crimes de guerre et alimente les dangereuses violences motivées par l’intolérance religieuse qui ravagent le pays. Le gouvernement irakien doit immédiatement cesser d’apporter son soutien au système des milices », a déclaré Donatella Rovera, principale conseillère d’Amnesty International pour les situations de crise.

    On continue à ignorer quel sort a été réservé à beaucoup des personnes enlevées par des miliciens chiites au cours des derniers mois et semaines. Certains captifs ont été tués après même que leur famille a versé une rançon d’un montant de 80 000 dollars (environ 63 000 euros), voire plus, afin d’obtenir leur libération.

    Salem, 40 ans, un homme d’affaires et père de neuf enfants qui vivait à Bagdad, a été enlevé en juillet. Deux semaines après que sa famille eut versé 60 000 dollars (environ 47 000 euros) à ses kidnappeurs, son corps a été retrouvé à la morgue de Bagdad ; sa tête avait été écrasée et il avait encore des menottes aux poignets.

    Le pouvoir grandissant des milices chiites a contribué à une détérioration globale de la sécurité et à une atmosphère anarchique. Un parent d’une des victimes originaires de Kirkouk a déclaré à Amnesty International : « J’ai perdu un fils et je ne veux pas en perdre un autre. Rien ne pourra le ramener et je ne peux pas mettre mes autres enfants en danger. Qui sait qui sera le prochain ? Il n’y a pas d’état de droit, pas de protection. »

    Asaib Ahl al Haq, les brigades Badr, l’armée du Mehdi et Kataib Hezbollah font partie des milices chiites soupçonnées d’avoir commis cette série d’enlèvements et d’homicides.

    Ces milices sont devenues plus puissantes et présentes depuis juin, à la suite du retrait de l’armée irakienne, qui a cédé près d’un tiers du pays aux combattants de l’EI. Les miliciens, qui se comptent en dizaines de milliers, portent des uniformes mais opèrent hors de tout cadre juridique et sans aucune supervision de la part des autorités.

    « En s’abstenant d’obliger les milices à rendre des comptes pour leurs crimes de guerre et d’autres graves violations des droits humains, les autorités irakiennes leur ont dans les faits donné carte blanche pour se déchaîner contre les Sunnites. Le nouveau gouvernement irakien du Premier ministre Haider al Abadi doit désormais agir pour maîtriser les milices et établir l’état de droit », a déclaré Donatella Rovera.

    « Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les milices chiites s’en prennent de manière impitoyable aux civils sunnites pour des motifs confessionnels, dans le but semble-t-il de les punir pour l’émergence de l’EI et les crimes abjects qu’il commet. »

    À hauteur d’un poste de contrôle au nord de Bagdad, par exemple, Amnesty International a entendu un membre de la milice Asaib Ahl al Haq déclarer : « Si on attrape "ces chiens" [de Sunnites] en train de descendre du secteur de Tikrit, on les exécutera [...] Ils viennent à Bagdad pour commettre des crimes terroristes, alors nous devons les en empêcher. »

    Parallèlement, les forces gouvernementales irakiennes continuent elles aussi à perpétrer de graves violations des droits humains. Amnesty International a mis au jour des éléments de preuve attestant que des détenus ont été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements, et que des Sunnites incarcérés en vertu de la loi de 2005 relative à la lutte contre le terrorisme sont morts derrière les barreaux.

    Le corps d’un avocat et père de deux jeunes enfants, âgé de 33 ans et mort en détention, présentait des hématomes, des plaies ouvertes et des brûlures correspondant à l’administration de décharges électriques. Un autre homme incarcéré pendant cinq mois a été torturé à l’électricité et menacé de viol avec un bâton avant d’être libéré sans inculpation.

    « Les gouvernements irakiens successifs ont fait preuve d’un mépris glaçant pour les principes fondamentaux des droits humains. Le nouveau gouvernement doit désormais changer de cap, et mettre en place des mécanismes efficaces permettant d’enquêter sur les violations commises par les milices chiites et les forces irakiennes et d’amener les responsables présumés à rendre des comptes », a déclaré Donatella Rovera.

    http://www.amnesty.org/fr/for-media/press-releases/iraq-evidence-war-crimes-government-backed-shi-militias-2014-10-14

  • Non à l’expédition militaire en Irak!

     
    « Les pays impérialistes sont largement spectateurs de processus sur lesquels ils n’exercent pas, ou presque, d’influence »
     
    « L’histoire récente des guerres dans la région démontre qu’elles n’ont apporté que davantage de chaos et fait le jeu des forces les plus réactionnaires »

    Le gouvernement français a donc décidé de prendre part à la campagne de bombardements menée en Irak par l’armée états-unienne, au nom de la «  lutte contre le terrorisme  ». Une énième expédition – Obama est le quatrième président états-unien consécutif à déclencher une guerre en Irak – qui, on le sait déjà, ne fera qu’ajouter de la guerre à la guerre, de la violence à la violence, et qui accélèrera le basculement du Moyen-Orient dans le chaos.

    Les soulèvements arabes de l’hiver 2010-2011 ont marqué l’entrée du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dans une nouvelle ère, au terme de quatre décennies de consolidation autoritaire et de glaciation sociale et politique.

    Les chutes de Ben Ali, Moubarak, Kadhafi, les mobilisations au Yémen, en Syrie, au Bahreïn, etc., sont en effet les expressions les plus visibles de la déstabilisation d’un dispositif de contrôle des populations et des richesses par l’entremise de régimes dictatoriaux, corrompus et serviles à l’égard des grandes puissances.

    C’est contre ce dispositif et ses conséquences économiques, sociales et politiques, à savoir le détournement des richesses par les dictatures, l’immense pauvreté des populations et l’absence de libertés, que les peuples ses sont soulevés. Et c’est parce que les racines de ces soulèvements sont profondes qu’aucune «  re-stabilisation  » n’est possible aujourd’hui, même par une démocratisation partielle des institutions : les revendications économiques et sociales demeurent, et la brèche qui s’est ouverte à l’hiver 2010-2011 est loin d’être refermée.

    La contre-révolution à l’œuvre

    Et pourtant, la contre-révolution est à l’œuvre, conduite par deux principaux acteurs : les régimes et les principaux courants de l’intégrisme islamique. Alors que les régimes, à l’instar de la Syrie d’Assad ou de l’état-major de l’armée égyptienne, tentent par tous les moyens de garder le contrôle de l’appareil d’État, l’intégrisme islamique, Frères Musulmans en tête, tente de s’appuyer sur les soulèvements pour obtenir davantage de pouvoir politique et économique, sans toutefois proposer de réformes pouvant répondre aux aspirations populaires.

    Ces deux forces contre-révolutionnaires peuvent, selon les situations nationales, s’affronter ou se compléter, mais dans tous les cas leur objectif est, fondamentalement, le même : stopper les processus révolutionnaires, soit par une brutale répression, soit par leur instrumentalisation et canalisation. Mais l’instabilité qui se maintient et s’étend, notamment au Moyen-Orient, démontre que si la contre-révolution a aujourd’hui le vent en poupe, elle est loin de pouvoir ramener le calme. Au grand dam des pays impérialistes.

    Ceux-ci, Etats-Unis en tête, sont en effet largement spectateurs de processus sur lesquels ils n’exercent pas, ou presque pas, d’influence. La déstabilisation à l’œuvre qui, dans certains pays comme la Libye, l’Irak ou la Syrie, se traduit par une décomposition des Etats et de leurs appareils, participe en effet de la perte d’hégémonie US dans la région, produit de la réorganisation des rapports de forces au sein du système capitaliste en crise et de la double défaite politique et militaire des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak.

    Contre la guerre, solidarité avec les peuples en lutte !

    Face à la fragilisation des régimes alliés des Occidentaux et à l’émergence de forces incontrôlables comme l’Etat Islamique, produit de la décomposition des appareils étatiques, des rivalités entre forces contre-révolutionnaires et d’une radicalisation due à la violence de la répression, qu’elle soit le fait des régimes ou des armées occidentales, les pays impérialistes sont aux abois. Leur absence de stratégie pour rétablir l’ordre dans une région aux enjeux géostratégiques majeurs est visible : bombarder Assad ou ses adversaires ? Soutenir certains groupes armés intégristes ou les combattre ? Accepter des sécessions et des déplacements de frontières ou s’y opposer ? Etc.

    La nouvelle expédition en Irak (et en Syrie, pour les Etats-Unis) est davantage le révélateur du déficit de stratégie des pays impérialistes que d’une quelconque vision à moyen ou long terme. Et une fois de plus, ce sont les peuples qui vont trinquer : l’histoire récente des guerres dans la région démontre en effet qu’elles n’ont apporté que davantage de chaos et fait le jeu des forces les plus réactionnaires, avides de transformer des conflits politiques et sociaux en «  guerre de civilisation  ».

    Alors, disons-le : la France et les pays occidentaux doivent immédiatement cesser leurs interventions militaires, directes et indirectes, dans la région. Notre opposition à cette guerre doit se doubler d’une solidarité sans faille avec les populations en lutte et leurs revendications, ainsi qu’avec toutes les organisations qui les portent et qui combattent, hors de l’agenda impérialiste, les forces contre-révolutionnaires.

    Julien Salingue

    Paru dans la Revue L’Anticapitaliste n°58 (octobre 2014).

    http://www.npa2009.org/

  • Déclaration de la LCR (Belgique)

    La LCR-SAP, en tant que composante des listes PTB-GO,  soutient  les deux députés fédéraux PTB-GO Raoul Hedebouw et Marco Van Hees qui s’opposent[1] aux bombardements menés en Irak et en Syrie par la coalition internationale autour des USA. Néanmoins, si la LCR-SAP partage leur opposition aux bombardements, la LCR-SAP met en avant d’autres arguments et d’autres solutions, solidaires avec des populations, contrairement à un partenariat avec des gouvernements sectaires complices de crimes contre l’humanité.

    La Belgique va donc à nouveau entrer en guerre,

    bénéficiant d’un large consensus belliciste, de la N-VA au PS, et une abstention qui signifie l’absence d’opposition d’Ecolo. L’opération belge n’aura lieu qu’en Irak, et la Belgique pourrait aussi envoyer des troupes spéciales pour assister l’armée irakienne et les Peshmergas kurdes. Le coût de cette opération, d’une durée minimale d’un mois, est estimé à 15 à 20 millions d’euros par mois. Les partis de gouvernement évoquent aussi de nouvelles lois « antiterroristes » en complément sécuritaire interne à la guerre menée en Irak.

    La LCR-SAP salue l’opposition affirmée par Raoul Hedebouw et Marco Van Hees à ces bombardements pour plusieurs raisons. D’abord, les Etats de la coalition internationale autour des USA, de la France à la Grande-Bretagne (ces deux derniers refusant jusqu’ici de bombarder en Syrie), en passant par les régimes despotiques locaux que sont l’Arabie Saoudite, les Emirats, le Bahreïn ou encore la Jordanie, sont bien mal placés pour offrir une solution à la véritable catastrophe subie par les populations civiles depuis des années, encore aggravée par la montée en puissance de l’EIIL. Cette organisation fondamentaliste a en effet pu naître et prospérer sur le terrain dévasté de la région suite aux multiples interventions militaires impérialistes et à la corruption des dictatures locales, qui jouent donc ici aux pompiers pyromanes. L’organisation de l’Etat islamique conteste en effet la position de l’Arabie Saoudite dans le monde musulman sunnite.

    Ensuite, les bombardements à venir vont ajouter encore des morts civils au décompte macabre. Les bastions de l’EIIL à Raqqa et à Mossoul sont de grandes villes : impossible de déloger les fondamentalistes sans massacrer des centaines, voire des milliers d’innocents.

    Derrière l’indignation sélective, les intérêts impérialistes

    Nous partageons comme beaucoup notre répulsion pour les agissements de l’EIIL dans les régions sous son contrôle, les assassinats de militant.e.s irakien.ne.s et syrien.ne.s comme de journalistes locaux et étrangers, la répression de tout mouvement ouvrier, des femmes et des jeunes.

    Mais cela ne doit pas nous empêcher de penser. Les horreurs médiatisées commises par l’EIIL ne sont certainement pas la raison profonde de l’indignation d’Obama, de Hollande, de Rohani, de Di Rupo ou Bart De Wever, pas plus que la « protection des minorités ». Avons-nous oublié les plus de plus de 200.000 morts causées par la dictature d’Assad, y compris des milliers de Palestinien.ne.s, et des milliers assassinés sous la torture, la famine organisée, les armes chimiques, 200.000 prisonnier.ère.s politiques et 9 millions de déplacés et réfugiés… Le silence des élus PTB-GO sur cet aspect précis laisse planer un doute et une ambiguïté suspects et pose un problème évident de cohérence, que nous soulignons. Mais la position des « interventionnistes » pose tout autant problème. Avons-nous oublié les massacres commis par Israël l’été dernier ? Et les crimes des USA en Irak depuis 2003, et en Afghanistan, et au Pakistan, et à Guantanamo ? Sans même parler des décapitations en Arabie Saoudite, ou de la répression qui a fait des centaines de morts et des milliers de prisonniers politiques en Egypte sous la férule du maréchal Sisi…Plus près de nous, puisque nos dirigeants feignent l’indignation, il n’est pas inutile de rappeler que la Belgique soutient Israël, qu’elle a activement participé à la guerre impérialiste en Afghanistan, au Mali. Elle soutient les mesures néolibérales menées par les pays arabes qui sèment la misère dans les classes populaires. La Belgique, comme de nombreux pays européens, a aussi participé au délire islamophobe stigmatisant les musulmans, et particulièrement les musulmanes qui portent le foulard et se voient menacées d’exclusion de l’enseignement et des emplois publics. Daesh (preciser que daesh = Organisation de l’État islamique) est aussi le produit de l’élimination des forces progressistes de la région assurée par l’Occident et par les régimes autoritaires locaux.

    Il faut aller chercher ailleurs : comme le rappelait notre camarade Joseph Daher, un des objectifs principaux de la coalition en Irak est de protéger les diplomates et les transnationales du secteur pétrolier, protéger les hydrocarbures, Israël, ainsi que le régime irakien hérité de l’invasion américaine. Les autres acteurs régionaux, qui ont laissé se développer Daesh, considèrent maintenant celui-ci comme une menace trop grande et ingérable pour rester passifs.

    Consensus sur la guerre contre le terrorisme…y compris à gauche ?

    Plus largement encore, un consensus « antiterroriste » inédit a émergé entre les grandes puissances et les acteurs régionaux. On a vu à quel point cette notion de « terrorisme » peut être manipulée à souhait en fonction de celui qui l’utilise. La société de contrôle, condamnée mondialement suite aux nombreuses révélations ces dernières années, reçoit un nouveau boost de la guerre en cours. La coalition est aussi à la pointe d’une manœuvre coordonnée qui vise à ce que l’impérialisme reprenne la main une bonne fois pour toute sur le processus révolutionnaire régional, et à poursuivre l’offensive contre-révolutionnaire généralisée dans la région. La guerre et le sectarisme, encouragés dans la région par la Russie et les USA, l’Iran et l’Arabie Saoudite entre autres, servent d’antidotes à l’émancipation des peuples. C’est vrai en Ukraine comme en Syrie. Dans le capitalisme actuel, qui est toujours en crise, les équilibres mondiaux changent, ainsi que les alliances opportuniste entre les différents Etats capitalistes, et c’est précisément maintenant qu’il faut être en état d’alerte face à une folie et une fuite en avant militariste des grandes puissances impérialistes, pour écraser violemment toute opposition interne et externe dans l’œuf.

    Et c’est précisément ici que la LCR-SAP a des divergences importantes avec les alternatives proposées par nos camarades élus PTB-GO. Nous reprenons ici un extrait de leur intervention :

    « Mais des opposants à l’EI comme la Syrie et l’Iran sont laissés en dehors de ce partenariat, ce qui n’a pas de sens. Les questions régionales doivent avoir une solution régionale dans laquelle on discute avec toutes les parties. Ces solutions doivent permettre aux peuples de la région de recouvrer leur souveraineté. Nous proposons de mettre la pression sur la Turquie, membre de l’Otan, pour qu’elle ferme sa frontière avec la Syrie, et sur l’Arabie saoudite et le Qatar pour qu’ils cessent toute forme de soutien ou de financement aux groupes réactionnaires de la région.»

    Y a-t-il une bonne et une mauvaise intervention étrangère ?

    Puisque l’on parle d’ « intervention étrangère », la première et la plus importante en Syrie, complice donc des crimes contre l’humanité commis par le régime, est de loin celle de l’impérialisme russe et de l’Iran : leur support financier, politique, militaire et humain (notamment avec les milices chiites sectaires et les conseillers envoyés par l’Iran) à la contre-révolution d’Assad est incomparablement plus important que le soutien extrêmement limité des USA ou de la France à l’insurrection armée. Ce soutien explique les regains du régime après la percée de l’insurrection en 2012. A la différence des cas égyptien et tunisien, les alliés les plus proches d’Assad, Russie et Iran, ne pouvaient jusqu’ici se permettre de prendre le risque d’un changement de dirigeant en Syrie. Mais aujourd’hui, les appuis du régime syrien, Russie, Iran et Hezbollah à l’extérieur, et une partie importante des minorités alaouites et chrétiennes, s’affaiblissent et s’épuisent petit à petit en voyant qu’aucune solution durable n’est possible dans le pays avec le maintien de la clique Assad au pouvoir, qui est précisément le contraire de toute forme de souveraineté populaire et démocratique que nous devons défendre.

    Un « partenariat régional » avec des responsables de crimes contre l’humanité ?

    Les camarades élus sur les listes PTB-GO évoquent donc le nécessaire soutien de l’ONU, de l’Iran et de la Syrie dans ces frappes, ce qui laisse planer une autre sérieuse ambigüité : les bombardements deviendraient-ils légitimes dès lors qu’ils seraient approuvés légalement par les génocidaires locaux et Moscou (qui tient le rôle-veto au Conseil de sécurité sur ce dossier comme les USA le font pour Israël)? Si nous défendons l’émancipation des peuples, nous ne pouvons tomber dans un tel piège. Le problème c’est que la Syrie et l’Iran sont déjà partenaires de facto de la coalition menée par les USA. Chacun s’en défend mais de nombreux témoignages de diplomates de tous bords confirment que tous les acteurs étatiques prétendant lutter contre « le terrorisme » s’informent sur le terrain et évitent de s’attaquer entre eux. Ainsi, jusqu’à présent, la Syrie d’Assad s’est réjouie publiquement des bombardements aériens, qui l’ont épargnée, et auxquels elle a même supplié de pouvoir participer de manière plus ouverte et directe.

    La position de la Syrie (et de la Russie de Poutine l’ « antiterroriste ») ne peut nous surprendre après le soutien très actif des Assad à l’écrasement de la résistance palestinienne et libanaise dans les décennies précédentes, à la première guerre du Golfe, ou encore plus récemment au dispositif sécuritaire antiterroriste mis en place par les USA dans le monde entier après les attentats de 2001. Plus encore si on lui accordait un rôle officiel de partenaire, ce serait la consécration pour le régime de sa prophétie : « Assad ou les jihadistes », qu’il a tout fait pour rendre réelle en libérant des milliers de fondamentalistes des prisons du pays au début du soulèvement populaire en 2011, alors qu’il massacrait allégrement les civils, puis en épargnant systématiquement Daesh tout en lui achetant du pétrole, alors qu’il concentrait ses forces sur les zones libérées par l’opposition démocratique…la même opposition civile et armée (Armée syrienne libre) qui affronte Daesh depuis des mois, avec parfois du succès, ce qui explique pourquoi l’écrasante majorité des victimes de Daech faisaient partie de l’opposition à Assad. Daesh et le Front Al-Nusra (Al-Qaeda en Syrie) connaissent un certain succès à cause du sectarisme anti-sunnite qui sévit dans la région, et parce qu’ils disposent de moyens (finances, armes, nourriture et équipement) bien plus grands que les forces démocratiques de la région. De nombreux témoignages montrent que ceux qui ont quitté des brigades « modérées » pour ces deux organisations l’ont fait simplement pour…éviter d’être tués faute de moyens face au régime syrien et à ses alliés.

    L’alliance de fait avec Assad et le gouvernement irakien qui bombarde également les civils et utilise des milices sectaires qui commettent également des massacres ne va donc qu’aggraver les crispations sectaires. Or le sectarisme nourrit Daesh, mais il permet de perpétuer la politique du «diviser pour régner» menée par l’Occident depuis plus d’un siècle dans la région. Ces frappes de l’impérialisme sont déjà rejetées par de larges secteurs de l’insurrection armée, dans et hors de l’Armée Syrienne Libre.

    Nous voyons donc qu’un début de « partenariat régional » est non seulement déjà là a minima, mais allons plus loin : qui seraient les partenaires régionaux desquels devraient émerger une solution à la situation dramatique dans la région ? L’Irak à la solde de Téhéran et Washington ? Assad le meurtrier de masse ? Israël, dernière colonie de peuplement dans la région ? La Turquie de l’autoritaire Erdogan qui joue un rôle ambigu par rapport au jihadisme, mais dont les frontières ouvertes ont permis à 200.000 kurdes d’échapper à l’horreur fondamentaliste ? L’Egypte du maréchal Sisi ? Les pétromonarchies du Golfe ? Aucun « partenaire » de ce genre ne vaut autre chose qu’écraser ou contrôler toute forme de révolte populaire. Croire le contraire serait se bercer d’illusions dangereuses.

    Le mythe de l’aide des prétendus « amis de la Syrie »

    Toutes les magouilles et ingérences des soi-disant « amis de la Syrie », Washington et Paris en tête, ne visent qu’à laisser s’affaiblir la Syrie d’Assad ainsi que l’opposition, tout en laissant la population à la merci du régime et des fondamentalistes. La suite du scénario : trouver un compromis avec le régime et ses alliés pour une « transition à la yéménite », ou à l’irakienne préservant l’appareil d’Etat et sécuritaire du régime tout en changeant la tête de celui-ci. Bien qu’il y ait un intérêt israélien et US à affaiblir le régime des Assad, ils n’ont aucune envie de voir la révolution syrienne réussir et faire émerger une démocratie contrôlée par le peuple syrien. Encore moins avec des armes anti-aériennes qui pourraient être utilisées contre Israël (qui occupe le Golan depuis des décennies avec la bienveillance du régime syrien) ou les USA. Une telle victoire révolutionnaire, si elle ne réglerait pas tout, loin de là, pourrait donner un énorme souffle à tous les peuples de la région pour suivre cet exemple.

    Rappelons que les USA parlent d’entraîner 5000 insurgés « soigneusement choisis par la Washington », pendant un an… sur un total de près de 100.000 rebelles, et ce « en vue de combattre Daech ». Autrement dit, les USA veulent coopter pour de bon une partie de l’opposition et diviser celle-ci, pour que ces insurgés servent directement les intérêts impérialistes en Syrie sans combattre le régime. Et ce alors que le besoin criant d’armes anti-aériennes pour stopper les bombardements du régime syrien est rappelé ad nauseam depuis 3 ans par l’opposition démocratique, sans réaction des puissances impérialistes. Certes quelques rares brigades ont suivi un entraînement aidées par les faux-amis impérialistes, des équipements non-létaux et des armes légères ont été livrées à dose homéopathique pour éviter l’écrasement total de l’insurrection. Mais près de 4 ans après le début de la révolution, il est maintenant un fait incontestable qu’aucun prétendu « ami de la Syrie » n’avait de volonté sincère de donner au peuple syrien les moyens de renverser la dictature.

    Sortir des alternatives infernales, soutenir l’autodéfense populaire et démocratique

    Notre conclusion est donc que le vote des élus PTB-GO est un vote correct, même si les alternatives proposées par eux ne permettent en rien d’espérer l’avancée des forces progressistes et démocratiques et la fin des massacres. La guerre contre Daech et Al-Nusra a déjà augmenté la popularité de ces forces dans la région. Elle renforce un climat étouffant de paranoïa islamophobe et raciste dans le monde entier, qui profite à l’extrême-droite et aux classes dominantes en Europe, en pleine crise économique.

    Pour sortir de cette spirale mortelle, le rôle de la gauche radicale et anti-impérialiste est de réaffirmer notre soutien aux forces populaires, démocratiques et de gauche dans la région, aux structures d’auto-organisation qui n’ont toujours pas disparu en Syrie malgré le déchaînement contre-révolutionnaire. Nous devons nous opposer aux régimes en place et dénoncer le double discours et les mensonges de nos gouvernements impérialistes et leurs alliés qui n’ont que faire du sort de millions de syrien.ne.s et d’irakien.ne.s. Nous devons refuser le délire antiterroriste et réclamer que nos gouvernements retirent le Parti des travailleurs du Kurdistan de la liste des organisations « terroristes » alors qu’ils risquent leur vie face à Daech.

    Nous devons réclamer le droit d’asile pour tou.te.s les syrien.ne.s et un investissement massif dans l’aide humanitaire d’urgence pour les millions de réfugié.e.s et déplacé.e.s. Nous devons combattre toutes les lois liberticides « antiterroristes » et les lois racistes contre les musulman.e.s. Nous devons exprimer notre solidarité féministe avec les femmes de la région qui subissent l’oppression, la torture, le viol, l’assassinat tant des régimes prétendument « laïques » et leurs alliés que de groupes réactionnaires. Elles aussi jouent un rôle sur tous les terrains : dans l’aide aux personnes comme dans la lutte armée et la lutte politique. Nous devons exiger que l’impérialisme retire toute ses bases militaires de la région, que ce soit les bases américaines ou celle de la Russie à Tartous (Syrie). Nous devons tout faire pour imposer une paix juste et durable en Palestine, basée sur les droits humains et démocratiques de tou.te.s ses habitant.e.s, par un large mouvement de Boycott-Désinvestissement et Sanctions contre le régime sioniste. Nous devons condamner aussi fermement la barbarie génocidaire du régime syrien et du gouvernement irakien (et leurs alliés) que celle de Daech, des USA ou d’Israël.

    Enfin, nous devons réclamer que les forces démocratiques qui combattent en ce moment Daech sur le terrain, notamment les kurdes et l’Armée Syrienne Libre qui ont joint leurs forces, puissent bénéficier de tous les moyens (équipements, soins, nourriture, armement) nécessaires à leur auto-défense, et qu’elles puissent rester souveraines dans l’utilisation de ces moyens contre les régimes oppresseurs de la région.

    C’est la clé pour que puisse advenir une réelle souveraineté et une auto-détermination populaires par en bas, pour relancer la vague révolutionnaire dans la région et faire vaciller les équilibres impérialistes dans le monde entier.

    [1] Les membres du Parlement fédéral Raoul Hedebouw et Marco Van Hees expriment sur cette question la vision du PTB-PVDA. Cette question n’a jusqu’à présent pas été discutée dans le partenariat PTB-GO (Gauche d’ouverture). Les partenaires qui font partie de la Gauche d’ouverture (LCR, PC et des personnalités) n’ont pas été consultées sur le sujet.

    http://www.lcr-lagauche.org/declaration-de-la-lcr-a-propos-de-la-position-des-elus-ptb-go-sur-la-nouvelle-guerre-imperialiste-en-irak-et-en-syrie/

  • Hollande et la Conférence de Paris: les «pompiers pyromanes» engagés dans la troisième guerre d’Irak! (Npa)

    François Hollande et Laurent Fabius se sont félicités de rassembler 27 pays à Paris dans la « Conférence pour l’Irak » pour affirmer, mandatés par Obama, leur lutte contre le terrorisme et plus particulièrement contre Da’ech – l’Etat Islamique (EI) qui s’est imposé comme force militaire contrôlant un territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak.

    Ce califat autoproclamé multiplie les atrocités qui provoquent à juste titre l’horreur. Cependant on ne peut oublier dans cette situation la responsabilité totale des puissances mondiales ou régionales qui prétendent maintenant s’y opposer.

    La puissance états-unienne, en premier lieu, a dirigé les coalitions militaires en Irak en 1991 et 2003, pour imposer une occupation militaire. Par la division, la population irakienne a été privée de la maîtrise de ses luttes et de son destin, et la violence aveugle de la guerre et la torture généralisée ont été légitimées. Avec leurs alliés britanniques, français et autres puissances européennes, les Etats-Unis ont discrédité dans toute la région les principes de démocratie et de souveraineté nationale en défendant la politique ultra sioniste de l’Etat d’Israël. La Russie de Poutine, en écrasant la Tchétchénie depuis 20 ans, et en assistant depuis 3 ans le régime syrien dans tous ses crimes, a, comme l’Iran, poussé dans les bras des différents courants djihadistes de nombreux résistants. Quant aux monarchies du Golfe, elles ont financé largement les organisations les plus obscurantistes, à leur image.

    La responsabilité des régimes en place est écrasante : celle du régime de Bachar Al-Assad en Syrie bien sûr, mais aussi de Al-Maliki en Irak, qui par son sectarisme confessionnel a énormément facilité l’emprise actuelle de l’État islamique.

    Ensemble, ils ont abandonné le peuple syrien à ses bourreaux pendant trois ans, et les minorités chrétiennes et yézidis, pendant des semaines, à l’exode ou à l’extermination. Ce n’est que quand l’EI a menacé le cœur de la région kurde d’Irak d’une part, et Bagdad d’autre part, que la « coalition anti-terroriste » a commencé à se concrétiser. Ce n’est pas par une nouvelle guerre impérialiste dans cette région dévastée que la situation des peuples s’améliorera en terme de justice et de démocratie.

    Le NPA exprime sa solidarité avec toutes les forces démocratiques en Syrie et en Irak ainsi qu’aux Kurdes qui résistent à cette terreur. Ce sont les forces locales qui se battent contre l’EI et le sectarisme confessionnel qu’il faudrait fournir en armes. Mais il n’en est pas question pour la coalition qui n’a d’autre but que de maintenir la domination des USA et de leurs alliés sur la région.

    En témoigne le maintien par l’Union européenne, les Etats-Unis et d’autres Etats occidentaux, de l’inscription du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) sur leurs listes d’organisations « terroristes », alors même que ce sont ses combattants, avec ceux d’autres forces de la gauche kurde, qui ont bloqué la progression mortifère des troupes de l’EI. Cette mesure doit être immédiatement levée. Et plutôt que d’engager une nouvelle intervention impérialiste, l’Union Européenne et la France doivent secourir les deux millions de personnes déplacées qui fuient les massacres et cherchent asile et protection, en leurs ouvrant leurs frontières.

    Le NPA revendique le retrait de toutes les troupes françaises de la région, en particulier des 900 soldats et des avions qui sont sur place.

    NPA, Montreuil, le 16 septembre 2014

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33031

  • EI, l’Etat létal (lcr.be)

     

     

    L’EI trouve son origine dans la formation d’un noyau irakien d’Al Qaïda suite à l’invasion américaine.

    Le calife Abu Bakr al Baghdadi, a rejoint ce dernier alors dirigé par le Jordanien al-Zarkaoui. En 2006, le conseil consultatif des moudjahidines en Irak proclame l’Etat Islamique en Irak. C’est en s’impliquant dans la révolution syrienne, combattant plus l’Armée Libre que le régime Assad, particulièrement à partir de 2013, que l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) a pu se développer, s’entraînant et rivalisant avec Al Qaïda et sa franchise syrienne, le Front Al Nusra.

    Bien des régimes ont fermé à tour de rôle les yeux sur les activités de l’EI, mus par des considérations à court terme. Le pouvoir syrien a libéré à dessein au début de la révolution syrienne des jihadistes emprisonnés et s’est s’abstenu jusqu’à peu de combattre l’EI, y voyant conjoncturellement un allié contre révolutionnaire. L’EI a bénéficié des facilités octroyées par la Turquie dans le but d’affaiblir les forces kurdes. L’armée de l’EI a certes été financée par des donateurs privés de pays du Golfe peu regardants. Seigneur de guerre, il pourrait s’affranchir de sa tutelle internationale après avoir mis la main sur des puits de pétrole, des silos à grains en Syrie, des fonds bancaires irakiens, des antiquités de Syrie et d’Irak, des droits de passage à ses check points, les rançons et la vente de femmes. Il prélève par ailleurs des taxes sur le trafic du pétrole et de ses dérivés (notamment revendu au régime syrien) ou du tabac (Syrie). Il aurait récupéré l’ancienne structure fiscale irakienne et avait même prévu de nouveaux « impôts » visant les chrétiens… Quoi qu’il en advienne, l’EI s’est assuré dès le départ par ses revenus une certaine indépendance à l’égard des populations soumises.

    L’EI se présente aujourd’hui comme un Etat émergeant sur une économie de guerre, un Etat centralisé et rentier, cherchant le profit à court terme, ayant « nationalisé » le produit de ses rapines et procédant à une redistribution des richesses pour ne pas s’aliéner les populations pauvres des zones occupées qu’il n’a pas décidé d’éliminer : gratuité de l’électricité et baisse de 50% des loyers à Mossoul pour les démunis, distribution de vivres pendant le ramadan en Syrie. Il est aidé dans cette gestion par l’alliance tissée avec d’anciens cadres baathistes.

    L’EI serait en passe de contrôler une zone de la taille de la Belgique, riche en ressources et habitée par neuf millions de personnes environ. Ces zones sont plus une vaste toile d’araignée qu’un territoire homogène. Toutefois, il s’était assuré en août le contrôle total de villes : Mossul, Sinjar, Raqqa, Tikrit…Il ne s’aventure pas dans les zones qui ne lui sont pas acquises (chiites). Quant aux minorités qui le gênent, il les persécute (chrétiens) ou les extermine (yezidis, chiites turkomans, sunnites refusant de lui prêter allégeance, etc).

    Le petit nombre de militaires [1] au regard de la taille des territoires conquis le conduit à exécuter des hommes et à vendre des femmes plutôt que de juger et d’emprisonner, ou à provoquer leur exil. En effet, il ne dispose pas de toutes les infrastructures dans les zones nouvellement conquises.

    Une armée hiérarchisée qui repose sur des unités « tournantes » dont une minorité est composée d’étrangers inexpérimentés, autant de facteurs qui renforcent l’aspect hiérarchique et diminue le risque d’insoumission, sans parler des enfants soldats. Les femmes se voient dévoluer d’autres tâches comme le recrutement de femmes à marier aux chefs militaires, la fouille et le vol des captives avant leur vente, etc.

    Ensuite l’EI dispose aujourd’hui de matériel militaire pris à l’armée syrienne. Il a mis la main sur un quart du stock de l’armée irakienne (humvees, missiles et autres armement lourds) souvent de fabrication américaine et abandonné par la pléthorique armée irakienne à Mossoul, ce qui est en fait un Etat fort. En armes et en hommes, il serait supérieur aux forces de la région du Kurdistan.

    L’EI assure la subsistance ses combattants, des jeunes déclassés pour la majorité, soit des mercenaires venus du monde entier. La porosité de son recrutement laisse supposer une forte infiltration.

    L’Emirat devient Califat, une monarchie de droit divin. Le calife autoproclamé est un chef spirituel et temporel. Le discours se son porte parole, Abou Mohammad Al Adnani, a révélé son caractère ultra réactionnaire : « Musulmans, rejetez la démocratie, la laïcité, le nationalisme et autres déjections de l’Occident, revenez à votre religion ». Il a des ambitions mondiales et se nomme tout simplement Etat Islamique (EI), sommant tous les groupes jihadistes de lui faire allégeance.

    Les facteurs matériels n’expliquent pas à eux seuls les crimes de l’EI. S’ils n’ont pas encore généralisé les tribunaux, les prisons ou les cimetières et n’ont pas le « temps » de tuer les civils avant de les enterrer, ils ont en revanche le temps de violer les femmes, de décapiter les morts après les avoir tués par balles, d’exhiber les têtes, de mettre en scène des enfants dans ces scènes macabres, de les filmer et de les diffuser sur Internet. Cela répond autant sinon plus à une logique de terreur qu’à une logique purement économique, les effets de la première compensant les carences de la seconde.

    La charte régissant la vie à Mossoul est une série d’interdits et non un projet social. Leur non respect est passible d’« exécution, crucifixion, amputation des bras et des jambes ou d’exil ». Les banques rouvrent à Mossoul uniquement pour les particuliers ne faisant pas partie de l’ancien appareil d’Etat et n’étant membre d’aucune minorité.

    Lâché officiellement par les Etats du Golfe, l’EI est reconnu par Boko Haram. Il est un concurrent pour l’Emirat Islamique d’Afghanistan, celui du Caucase ou AQMI et AQPA. L’EI n’est implanté qu’en Irak et Syrie. Des manifestations de soutien ont eu lieu à plusieurs reprises en Jordanie ces trois derniers mois (Maan, Al Zarqa, Yajouz). Ses soutiens sunnites internes espérés font défection (les tribus des Chaïtat en Syrie, ou des tribus d’Al Anbar en Irak qui les combattent)

    D’essence bourgeoise et parasitaire, ultra réactionnaire dans son idéologie et contre révolutionnaire en pratique, l’EI est en dernière, mais aussi en première analyse « une bande d’hommes armés », soit la définition de l’Etat proposée par Lénine et Engels [2].

    Luiza Toscane

    [1]50 000 selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme à la mi août 2014.

    [2] Formule utilisée par Engels dans l’Anti-Dühring, avant d’être reprise par Lénine dans L’État et la révolution

    http://www.lcr-lagauche.org/ei-letat-letal/

  • L’OLFI en danger: des militantes féministes menacées à Bagdad (Essf)


     

    Alors qu’à Mossoul, les milices fanatiques de l’Etat Islamique sèment la terreur, à Bagdad on assiste au renforcement de milices réactionnaires chiites. Soupçonnée d’avoir commis le massacre de 31 personnes dans le quartier de Zayouna, la milice Asaib Ahl al Haq menace désormais directement nos camarades de l’Organisation pour la Liberté des Femmes en Irak (OLFI).

    Créée en 2003, l’Organisation pour la Liberté des Femmes en Irak lutte pour les droits des femmes et assure une protection dans des foyers pour celles qui fuient les violences machistes et en particulier les crimes d’honneur. Selon Dalal Jumaa, une militante de l’OLFI à Bagdad, l’organisation a permis de sauver 200 jeunes femmes depuis sa création.

    L’OLFI apporte aussi soutien et refuge à de jeunes hommes homosexuels. Haidar, un des jeunes hommes protégés par l’OLFI, a été agressé et battu par des réactionnaires religieux en 2012, et a vu son ami Saif se faire tuer.

    Militer pour l’égalité entre les femmes et les hommes, protéger des femmes victimes de violences conjugales ou menacées de crimes « d’honneur », soutenir de jeunes hommes coupables de pas aimer "« a bonne personne », tout cela est inacceptable pour les milices religieuses réactionnaires.

    Dimanche 20 juillet, la police a appelé l’OLFI, indiquant qu’ils avaient appris que l’organisation protégerait des jeunes filles en fuite et des gays. Puis, surtout, que la police avait reçu des menaces de la part de la milice Asaib Ahl al Haq à l’encontre de l’OLFI. Selon le policier, « on ne peut pas arrêter Asaib Ahl al Haq, ils savent que vous protégez des jeunes filles et des gays, si vous ne quittez pas Bagdad, ils vous tueront ». Dans les jours suivants, d’autres menaces, directes, ont été proférées à l’encontre des militantes de l’OLFI.

    Depuis 2003, malgré l’occupation, la guerre sectaire et les violences des terroristes religieux, l’OLFI lutte pour les droits des femmes. Récemment, l’OLFI a ouvert un refuge à Kerbala pour des veuves et leurs enfants fuyant la zone contrôlées par l’Etat Islamique. Nos camarades de l’OLFI continueront, malgré les menaces, leur lutte courageuse pour la liberté et l’égalité en Irak. En ces heures sombres pour la population irakienne, elles ont, plus que jamais, besoin de toute notre solidarité.

    Solidarité Irak

    Le site de l’organisation pour la liberté des femmes en Irak : www.owfi.info/

  • Entre cauchemar et manœuvre, une nouvelle intervention militaire de l’impérialisme en Irak (CCR)

    L’Irak est de nouveau à feu et à sang.

    Pendant que l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) élargit et consolide son emprise sur les régions du nord et de l’ouest du pays, les Etats-Unis se préparent à intervenir militairement pour soutenir le gouvernement irakien en envoyant plusieurs centaines de soldats, appuyés par des navires de guerre et des frappes aériennes. L’Irak se trouve ainsi en proie à la reprise d’une guerre civile qui prend un caractère « communautaire » opposant le régime de Bagdad, dominé par les Chiites et soutenu par les puissances impérialistes, et une organisation armée djihadiste et réactionnaire, à majorité sunnite, luttant pour l’instauration d’un califat en Irak et en Syrie.

    L’occupation états-unienne de l’Irak au début des années 2000 avait ravivé les tensions internes entre les principaux peuples du pays, aboutissant progressivement au cours de la dernière décennie à la division de facto du pays en trois régions ethniques distinctes- Chiite arabe, Sunnite arabe, Kurde. Cette année, ce ravivement de tensions a débouché sur la réouverture d’une guerre civile le long de ces lignes ethniques. Depuis le mois de juin, l’EIIL contrôle la grande partie de la région arabe sunnite dans l’ouest du pays avec un certain soutien des chefs tribaux sunnites. L’armée irakienne et les milices arabes chiites contrôlent Bagdad et le sud-est du pays. Quant aux Kurdes, une nationalité opprimée, ils ont profité de la situation pour consolider l’autonomie de leur région dans le nord-est.

    Des millions d’Irakiens et d’Irakiennes ont ainsi été chassés de leurs maisons, victimes d’atrocités commises par chacun des belligérants de cette guerre sanglante. Dans l’ouest, des centaines de milliers de Sunnites ont été obligés de fuir le pilonnage et les bombardements de quartiers résidentiels par le régime de Bagdad. A Bagdad même, les milices arabes chiites s’en prennent violemment aux quartiers arabes sunnites. Dans le nord du pays, les forces armées de l’EIIL envahissent les villages chiites et massacrent la population, y compris les femmes et les enfants. Les minorités religieuses (Yazidis, Shabaks, Chrétiens) refusant de se convertir et de prêter allégeance sont tuées sans pitié. Cette nouvelle vague de tueries, sans doute alimentée par la guerre civile en Syrie où l’EIIL réactionnaire a joué et joue encore un rôle important dans la lutte contre le régime de Bachar al-Assad, est d’abord le fruit d’une histoire complexe construite et entretenue par l’intervention impérialiste en Irak, à la mesure des enjeux géopolitico-stratégiques et économiques et de la désintégration de l’ordre impérialiste dans la région.

    Le colonialisme et l’impérialisme, les vraies sources de tensions

    Les médias bourgeois montrent du doigt les très anciennes divisions sectaires en islam pour expliquer l’effusion de sang actuellement en cours. En réalité, ce carnage puise ses origines d’abord dans la division et la domination impérialistes de l’Irak par les puissances européennes, puis dans les interventions et l’occupation militaires états-uniennes. Au milieu du XIXe siècle, les puissances européennes ont commencé à intervenir directement dans la région du Levant. Pour mieux asseoir leur contrôle, ils privilégiaient la tactique consistant à monter les différentes nationalités, groupes ethniques et sectes les uns contre les autres. Plus tard, en 1916, la France et le Royaume-Uni se sont conjurés, avec l’aval de la Russie et de l’Italie, pour découper le Levant avec les accords Sykes-Picot. La France a pris la Syrie et le Liban actuel, alors que le Royaume-Uni a acquis la Jordanie et la Palestine.

    Les puissances impérialistes avaient promis un État aux Kurdes lors de la signature du traité de Sèvres au lendemain de la Première Guerre mondiale en 1920, mais au cours de cette année-là, elles ont découvert que la région de Mossoul en particulier et l’Irak en général étaient beaucoup plus riche en pétrole qu’elles ne l’avaient pensé. Le Royaume-Uni décida alors de garder le Kurdistan du sud en l’intégrant dans le nouveau Royaume d’Irak, lequel correspondait aux concessions de la Compagnie pétrolière turque sous contrôle britannique. Ainsi l’Etat kurde n’a-t-il jamais vu le jour. Les fonctionnaires et les officiers militaires de ce nouveau pays, à majorité chiite et créé par les Britanniques, étaient exclusivement sunnites. Comme ailleurs, les impérialistes se sont appuyés sur une minorité qui se voyait remerciée avec un certain nombre de privilèges pour être leurs relais locaux, créant ou exacerbant les tensions religieuses ou ethniques.

    Malgré ses manœuvres au Moyen-Orient, l’impérialisme étasunien poursuit son déclin dans la région…

    Après avoir envahi l’Irak en 2003, les Etats-Unis n’ont pas hésité un seul instant à adopter la même tactique de division pour assurer leur domination. Cependant, cette tactique n’a pas abouti au résultat souhaité. La purge des officiers du Parti Ba’ath du gouvernement et de l’administration s’est accompagnée d’un transfert du pouvoir des mains des Sunnites à celles des Chiites, déclenchant des rébellions sunnites contre lesquelles l’impérialisme états-unien a été obligé de mobiliser des milices chiites et des Peshmerga kurdes. Pour éviter une accélération des pressions de la part des Chiites, en 2005, le pouvoir a été organisé sur la base d’un partage communautaire : le Premier ministre serait chiite, le Président qui exerce des fonctions plutôt cérémonielles serait kurde et le Président du Parlement serait sunnite. Cette configuration a permis le maintien des gouvernements fantoches dominés par les partis chiites (et dans une moindre mesure kurdes) au détriment des partis sunnites.

    En 2006 et encore en 2010, les Etats-Unis ont imposé Maliki comme Premier ministre sous lequel la terreur anti-sunnite n’a cessé de croître avec l’aide de l’armée et des milices chiites. Après le retrait des troupes états-uniennes et des manœuvres de la part du Premier ministre contre des figures politiques sunnites, d’importantes manifestations ont eu lieu dans le pays. Au printemps 2013, les troupes du gouvernement ont attaqué des manifestants à Hawija, dans le nord,faisant au moins 44 morts. Des massacres s’en sont suivi au cours desquels des milliers d’Irakien-ne-s ont trouvé la mort, culminant dans un assaut militaire contre Falloujah et Ramadi. Alors que les chefs tribaux faisaient appel aux forces réactionnaires pour lutter contre le gouvernement de Maliki, l’EIIL a profité de ce contexte de guerre civile et de carnage pour s’implanter dans le pays et prendre progressivement le contrôle des ressources pétrolières. Aujourd’hui, pour restaurer l’ordre, les Etats-Unis préparent le terrain pour une intervention militaire du côté du gouvernement irakien sous la bannière de l’ingérence humanitaire et cherchent à s’appuyer sur des alliances contradictoires avec des puissances régionales rivales comme l’Arabie saoudite ou l’Iran, alors que la France annonce la livraison d’armes aux combattants kurdes.

    Cependant, loin d’être une démonstration de force, cette nouvelle intervention de l’impérialisme étasunien ne fait que révéler son incapacité à instaurer une stabilité qui lui soit favorable dans la région. La presse impérialiste commence d’ailleurs à évoquer la possibilité que cette intervention soit longue, avec tous les dangers que cela comporte, notamment si l’on prend en compte des conflits géopolitiques encore ouverts : Syrie, Ukraine…

    A bas l’intervention impérialiste !

    Cette nouvelle intervention militaire n’apportera rien de bon pour les masses de la région. Cette dernière décennie d’occupation militaire par l’armée impérialiste nord-américaine le montre clairement. Il n’y a aucun doute que l’impérialisme essayera de profiter de la lutte contre l’EIIL pour se re-légitimer au Moyen-Orient. Profitant du recul actuel des processus révolutionnaires arabes, une stabilisation en faveur des agents pro-impérialistes pourrait l’aider à ouvrir une situation réactionnaire qui lui soit favorable. Cependant, dans le cadre de la résistance du peuple palestinien en cours et de l’énorme rejet au niveau international de l’attaque criminel de l’Etat d’Israël contre Gaza, une nouvelle intervention impérialiste pourrait devenir se retourner contre lui, attisant la contestation au niveau régional et international.

    La responsabilité de la situation politique catastrophique en Irak incombe largement à l’impérialisme. La nouvelle intervention militaire des impérialistes et de leurs partenaires réactionnaires locaux n’augure que des souffrances supplémentaires, à des niveaux extrêmes. Pour nous, seule la classe ouvrière, en pleine indépendance politique aussi bien de l’impérialisme que des différentes forces religieuses ou capitalistes, peut unifier les masses du pays et offrir une issue progressiste face à la menace de nouvelles sous-divisions territoriales réactionnaires. Ivan Matewan et Philippe Alcoy 17/8/2014

    http://www.ccr4.org/Entre-cauchemar-et-manoeuvre-une-nouvelle-intervention-militaire-de-l-imperialisme-en-Irak

  • Les Etats-Unis et l’Irak, une intervention humanitaire? (Essf)

    L’intervention des forces américaines en Irak a été présentée dans les médias occidentaux et autres comme une intervention pour protéger les minorités religieuses et ethniques d’Iraq contres les avancées du groupe jihadiste ultra réactionnaire de l’Etat Islamique, EI, anciennement Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).

    Cette propagande cache les intérêts politiques impérialistes des Etats Unis dans leur intervention militaire, qui n’a aucun objectif humanitaire.

    L’EI depuis le mois de juin n’a cessé de faire des avancées militaires dans différentes régions après la prise de la ville Mossoul.

    Au début l’EI agissait au sein d’une coalition hétéroclite avec des ex baathistes et des chefs de tribus, mais le groupe jihadiste a rapidement pris le dessus sur les autres composantes. [1] L’EI a réprimé toutes les composantes de la population refusant son autorité, y compris musulmanes sunnites, tout en s’attaquant aux minorités chrétiennes et aux Yezidis (minorité kurdophone dont la religion monothéiste plonge ses racines dans le zoroastrisme pratiqué notamment en Iran). L’EI a vidé la ville Mossoul de sa population chrétienne et a occupé Qaraqosh, plus grande ville chrétienne d’Irak.

    Il faut néanmoins noter la solidarité afficher par une partie de la population musulmane de Mossoul contre les exactions de l’EI contre les chrétiens.

    Des musulmans se sont en effet joints aux chrétiens pour manifester en brandissant des pancartes portant l’inscription “Je suis chrétien, je suis Irakien”, s’interposant entre leurs compatriotes chrétiens et les jihadistes de l’EI. Mahmoud Am-Asali, professeur de droit à l’Université de Mossoul, sera le premier musulman abattu par les jihadistes pour avoir défendu des chrétiens. Le samedi 19 juillet, jour de l’arrivée à échéance du fameux ultimatum de la terreur (dans lequel les jihadistes avaient proposé trois possibilités aux chrétiens de Mossoul : « l’islam, la dhimma (impôt spécial) et, s’ils refusent ces deux options, il ne reste que le glaive »), les musulmans, à Mossoul, se sont joints à la messe, à l’église, pour prier aux côtés de leurs frères chrétiens. De même le dimanche 20 juillet, à Bagdad, à l’église catholique de Saint George.

    Les avancées et la terreur exercé par l’EI ont pour l’instant provoqué la fuite de 100 000 chrétiens qui ont été forcé de quitter leurs maisons, en plus des 20 000 à 30 000 membres de la communauté Yezidis qui sont restés piégés par l’insécurité dû à l’EI dans les montagnes de Sinjar, sans nourriture, sans eau et sans abri, selon le Haut-Commissariat de l’Onu aux réfugiés. Des milliers d’au- tres, épuisés et déshydratés, ont réussi à rejoindre le Kurdistan via la Syrie. Plus de 200 000 personnes ont été déplacés au total à cause des avancées militaires de l’EI, tandis que ce dernier a commis également des massacres contre des civils.

    L’EI disposerait d’environ 10 000 hommes en Iraq et à peu près 7 000 hommes en Syrie.

    L’intervention militaire américaine se traduit pour l’instant sous forme de frappes aériennes « ciblées » contre les jihadistes de l’EI, envoi de conseillers militaires sur le terrain, ainsi que l’envoi d’armes aux gouvernements irakien et autonomes du Kurdistan irakien. La France et la Grande Bretagne ont égale- ment fourni des armes à ce dernier. Il faut souligner le soutien de l’Iran, soi disant « anti impérialiste », à ces frappes US pour assister le régime irakien allié…

    Le régime iranien a également envoyé des pasdaran, des gardiens de la révolution, en Irak pour combattre l’EI, tandis qu’il a livré à l’Irak quelques Soukhoï SU-25, des avions d’attaque au sol et de soutien rapproché dont seuls les pasdaran sont équipés au sein des forces iraniennes. De même l’Iran continue de mobiliser et financer les milices chiites irakiennes, plus de 20 000 miliciens, que la République islamique d’Iran soutient depuis des années en Irak. La présence de membres du Hezbollah libanais est également attestée dans des tâches de commandement et de coordination des opérations. L’un d’eux, Ibrahim al-Hajj, vétéran du conflit de 2006 contre Israël, a récemment été tué dans le Nord, près de Mossoul, que l’EI contrôle depuis les tout premiers temps de son offensive de juin.

    D’un autre côté, les combattants kurdes d’Irak, de Syrie et de Turquie ont uni leurs forces dans une rare alliance, mettant leur différents de côté de manière temporaire, pour faire face aux jihadistes dans le Nord irakien dans la région de Rabia et de Sinjar, à l’ouest de Mossoul. Des combat- tants kurdes du PKK turc, du PYD syrien et des peshmergas irakiens ont en effet uni leurs forces dans une collaboration sans précédent.

    L’intervention militaire US, malgré sa propagande « humanitaire », s’inscrit néanmoins dans des objectifs politiques clairs qui sont de protéger le personnel diplomatique américain en poste station- né à Erbil, les grandes multinationales du secteur des hydrocarbures, tel que Mobil, Chevron, Exxon et Total qui exploitent le pétrole dans cette région et qui y ont déjà investi plus de 10 milliards de dollars, mais l’objectif premier est surtout de maintenir le régime irakien allié, hérité de l’invasion américaine. Les Etats Unis ne sont pas intervenus lorsque Mossoul est tombé et d’autres régions et que plus de 200 000 réfugiés se sont retrouvés sur les routes en direction du Kurdistan irakien, mais lorsque l’EI mena- çait de conquérir les territoires kurdes du Nord et la capitale Bagdad au Sud.

    C’est pourquoi les Etats Unis ne veulent que des changements superficiels au sein du régime irakien, en remplaçant uniquement le premier ministre Maliki, qui a également été lâché par son allié iranien à cause de sa gestion catastrophique du pays. Le nouveau Premier ministre, Haïdar al-Abadi, est loin de représenter une révolution, c’est un proche de Maliki et il est membre du même parti Dawa, tandis qu’il a été ministre des Communications au sein du gouvernement intérimaire mis en place après le renversement de Saddam Hussein en 2003.

    Ce dernier a reçu un soutien international, y compris de l’Iran. Le premier ministre Maliki a néanmoins tenté de rester au pouvoir, mais y a renoncé finalement. A la suite de cette annonce les responsables américains ont déclaré qu’ils pourraient accélérer l’aide économique et militaire à l’Irak si le nouveau gouvernement de al Abadi est plus inclusif en direction notamment de la population sunnite d’Irak. Mais c’est oublié que c’est la formule actuelle du régime irakien et ces mêmes forces politiques qui ont mené l’Irak dans cette situation aujourd’hui comme nous l’avons expliqué dans un article en Juin.

    La protection des minorités religieuses et ethniques n’est en effet pas du tout une priorité des USA lorsque l’on observe la pratique de ses alliés politiques dans la région, qui au contraire discri- minent et oppressent leurs minorités, comme l’Arabie Saoudite et sa minorité chiite, l’Egypte et sa minorité chrétienne copte ou chiite, ou encore Israel contre la population palestinienne, y compris chré- tienne, qui les réprime et les pousse à l’exil dans les territoires de 1948 (à l’intérieur de l’Etat sioniste) et les territoires occupés de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, sans parler de sa politique d’apar-theid, d’occupation et de colonisation. De même les Etats Unis ne faisaient que peu de cas des attaques sur les minorités à la suite de l’invasion américaine et britannique en 2003.

    Il faut se rappeler que l’origine de l’EI se trouve en effet dans la constitution d’Al Qaeda à la suite de l’invasion américaine.

    Son leader Abu Bagdadi a commencé son expérience du jihadisme après l’invasion américaine en 2003 quand il a rejoint la branche irakienne d’Al-Qaeda sous le commandement du Jordanien al-Zarkaoui. En 2010, il prends la tête de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL aujourd’hui connu sous le nom de l’EI), qui a remplacé el-Qaëda en Irak. C’est néanmoins l’implication dans la révolution syrienne, com- battant plus souvent l’Armée Syrienne Libre que le régime Assad, particulièrement à partir de 2013 qui a permis au groupe de l’EI de devenir ce qu’il est aujourd’hui.

    Les combats en Syrie ont offert à l’EI un entraînement et des opportunités d’apprentissage sans précédent. Ensuite le groupe dispose aujourd’hui de chars, hummers, missiles et autres armements lourds pris de ses combats lors de son offensive en Irak. Ce matériel, souvent de fabrication amé- ricaine et notamment abandonné par l’armée irakienne lors de son retrait de Mossoul en juin a considérablement renforcé les capacités militaires de l’EI.

    L’intervention états-unienne est mue par des intérêts politiques et impérialistes et rien d’autre. Ces intérêts commandent aujourd’hui de maintenir le régime autoritaire et confessionnel que les Etats Unis ont créé en 2003 et qu’ils soutiennent depuis. L’EI est l’ennemi des Etats Unis parce qu’il menace la souveraineté d’un gouvernement qui collabore avec les USA, et non parce qu’il est un groupe ultra réactionnaire et confessionnel qui s’attaque aux minorités et aux irakiens en général.

    De même, si les Etats Unis ne sont pas intervenus en Syrie, ce n’est pas parce qu’ils pensent que le régime Assad protège les minorités religieuses et ethniques, mais parce qu’ils ne veulent pas renverser un régime qui a servi leurs intérêts politiques en de nombreuses occasions dans le passé, notamment en réprimant les résistances progressistes palestiniennes et libanaises au Liban et en Syrie ou qui a participé à la guerre impérialiste contre l’Irak en 1991 avec la coalition dirigée par les Etats-Unis, etc…

    Les USA veulent une « solution Yéménite » avec le régime d’Assad, c’est-à-dire maintenir les structures du régime et y incorporer une fraction de la soi-disant opposition qui servirait les intérêts occidentaux. C’est pour cette raison que les USA ne sont pas intervenus en Syrie, et non la protection des minorités. D’ailleurs les exactions de l’EI en Syrie n’ont pas poussé à un changement de politique des USA par rapport au processus révolutionnaire syrien. Les évènements en Irak ont simplement poussé le régime Assad à s’attaquer davantage à l’EI, et sa base dans la ville de Raqqa, pour appa- raître comme combattant le « terrorisme » devant la communauté internationale.

    Le régime Assad depuis le début de la révolution syrienne s’est attaché en effet à attaquer les démocrates, les comités populaires et par la suite les groupes de l’armée syrienne libre, tandis qu’il libérait de prisons islamistes et jihadistes et les laissaient se développer. Ces derniers avec le soutien politique et financier de forces régionales comme l’Arabie saoudite et le Qatar ont pu se constituer en des brigades militaires importantes et bien armées.

    La protection des minorités religieuses et ethniques, et de tous les citoyens d’Irak ne pour- ra être possible que dans le cadre d’un Etat réellement démocratique, social et débarrassé du confes- sionnalisme politique et des interventions étrangères internationales et régionales.

    De la même manière cela ne nous empêche pas de soutenir l’auto-détermination du peuple kurde, et même l’indépendance du Kurdistan irakien si cela est son choix. Ce soutien ne signifie en aucun cas un soutien au chef féodal Barzani allié des USA et de la Turquie, qui au contraire doit être combattu et considéré comme ennemi des classes populaires kurdes par ses politiques autoritaires, néo-libérales et d’alliances avec l’impérialisme occidental et de collaboration régional avec la Turquie et Israel.

    C’est pourquoi nous devons nous opposer à l’intervention impérialiste des Etats-Unis et des autres pays régionaux, comme l’Arabie Saoudite et l’Iran, et s’opposer aux jihadistes de l’EI, ses cri- mes, et ses politiques réactionnaires, ainsi qu’au gouvernement autoritaire et confessionnel de Bagdad. Ce sont les interventions étrangères qui sont une des principales raisons de la situation actuelles dans le pays.

    La nécessité en Irak, et ailleurs, est de construire un mouvement populaire social, démo- crate, progressiste et laic s’opposant au communautarisme pour permettre aux classes populaires de s’opposer aux différents groupes politiques et Etats étrangers qui cherchent à les diviser sur une base religieuse et/ ou ethnique, les appauvrissent avec des politiques néo-libérales, et les oppriment au moyen de mesures autoritaires et repressives.

    Joseph Daher  18 août 2014

    Notes:

    [1] Pour un background sur les évènements de juin voir "Syrie : une révolution qui persiste, malgré tout“, Joseph Daher], disponible sur ESSF (article 32346).

     

  • Kurdes Irak Manifestation


    Manifestation pro-kurde et Yazidis dans le calme à Paris

    Environ 500 personnes, selon la police, se sont rassemblées samedi à Paris et ont manifesté dans le calme en faveur des Kurdes et des Yazidis qui font face en Irak à une offensive des combattants de l'Etat Islamique (EI), a constaté l'AFP.

    Après un rendez-vous près de la gare de l'Est, les manifestants sont partis en cortège vers la place du Châtelet, marchant derrière un camion sono diffusant des chants guerriers kurdes, décoré d'une banderole ornée du portrait du dirigeant des Kurdes de Turquie emprisonné, Abdullah Ocalan.

    Les manifestants marchaient derrière une grande banderole sur laquelle était écrit : "L'Etat islamique prépare un génocide des Kurdes-Yazidis de Sinjar". Ils portaient des panneaux sur lesquels on pouvait lire notamment "Alerte au génocide", "Le peuple de Sinjar face à un génocide de l'EI", "Kurdes, Arabes, Chaldéens contre la barbarie de l'EI" ou encore "Le Kurdistan est allergique à l'EI". La manifestation était organisée par la Fédération des associations kurdes de France, à laquelle se sont associées de nombreux partis et organisations, notamment le MRAP et le NPA.

    Les organisateurs ont appelé "la communauté internationale à adopter des sanctions contre les états qui soutiennent l'EI, à protéger les populations civiles et à soutenir la résistance kurde contre l'EI".   Jiyan Akdogan, jeune femme de 22 ans, fille de réfugiés politiques kurdes arrivée en France à l'âge de six ans, portait un drapeau à l'effigie d'Abdullah Ocalan. "Je suis venue soutenir nos combattants kurdes qui combattent les jihadistes", a-t-elle dit. "Et également remercier les puissances occidentales, dont la France, qui les soutiennent en leur envoyant des armes". 

    Paris, 16 août 2014 (AFP) 

  • Irak-Syrie. Une suite de crimes contre l’humanité, commis par l’EI (A l'Encontre)

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    Le 11 juin 2014, Pierre-Jean Luizard – chercheur au CNRS et auteur de divers ouvrages sur l’Irak, dont le tout récent Histoire politique du clergé chiite: XVIIe-XXIe siècle, Fayard, 2014, affirmait:

    «Je crains que l’Irak ne soit parti dans la tourmente régionale, dans des affrontements confessionnels notamment qui ne vont pas s’arrêter demain. […] Les Kurdes ne sont à part qu’en apparence parce qu’ils sont très vigilants à ne pas laisser gangrener, contaminer la région kurde qui vivait dans une relative sécurité dans la mesure où la guerre a eu lieu et a lieu dans la partie arabe de l’Irak.

    Mais aujourd’hui, avec les centaines de milliers de réfugiés qui frappent à la porte du Kur- distan, le conflit va bel et bien rattraper le Kurdistan. Il faut rappeler que les dirigeants kurdes eux- mêmes sont visés par l’Etat islamique en Irak et au Levant [alors EIIL, depuis le 29 juin l’Etat islamique (EI) a été proclamé et Abou Bakr al-Baghdadi désigné comme «calife» soit «chef des musulmans partout» dans le monde. Réd A l’Encontre].

    Il y a eu des actes de terrorisme à Erbil et dans différentes villes kurdes, donc aujourd’hui c’est bien un conflit dont les dirigeants kurdes ne peuvent pas se sentir exemptés. […] De plus, je pense que, de la même façon que Moqtada Sadr sans le dire participe à la guerre contre l’opposition syrienne en Syrie, il montre aujourd’hui, malgré son retrait officiel de la politique, qu’il n’en est rien et qu’il est bien partie prenante à la guerre confessionnelle qui a cours.

    Il faut rappeler que les quartiers sabristes, notamment à Bagdad, ont été les premiers visés par le terrorisme anti-chiite, donc à l’initiative des salafistes et de l’Etat islamique en Irak et au Levant et que la base sabriste est extrêmement remontée contre ce terrorisme sunnite. […] La classe politique sunnite s’est complètement morcelée et a disparu et cela joue un rôle extrêmement important dans le retour dans le giron des jihadistes des Arabes sunnites d’Irak.»

    L’alliance entre des fractions de l’armée de Saddam Hussein et des chefs de tribus sunnites donne à l’EI sa «dynamique» militaire actuelle, outre les armes conquises et ses ressources financières. Mais ces sujets ne sont pas traités dans ce dossier.

    Sans remonter aux origines de cette situation terrifiante pour les populations d’Irak et de Syrie – entre autres la guerre impérialiste menée par l’administration W. Bush et sa politique impérialiste de «nation building» – Luizar, dans cet entretien, décrit, début juin 2014, ce qui est en train de se dévelop- per sur le terrain. Or, un secteur de la «gauche»  lobotomisée, dite «anti-impérialiste», ne voulait pas le comprendre et s’y refuse toujours. Une misère!

    Au même titre, ces sectes se refusaient et se refusent à appuyer la révolution du peuple insurgé de Syrie contre Bachar el-Assad.

    Une révolution qui commença en mars 2011 et même un mois avant lors d’actions de femmes à Damas. Sur les brisées de cette amaurose politique, ces chapelles s’obstinent à rejeter le lien étroit entre le combat – difficile, comme le sont tous dans cette région (et ailleurs) – du peuple palestinien, des mouvements de résistances dans divers «pays» du Proche et Moyen-Orient et l’impératif, pour tous et toutes, de défense des droits humains les plus élémentaires. Ce qui constitue la première pulsation d’une perspective socialiste.

    Sur ce site, nous avions publié un article de Jean-Pierre Filiu, le 3 août 2014. Il peut aussi servir d’introduction au présent dossier d’information, composé de quatre éléments. Une information de base essentielle. Nous savons l’apprécier, au-delà de quelques caractérisations ou termes qui leur sont propres. Le défi humanitaire est énorme. Il est impérieux de le reconnaître et d’agir en conséquence, y compris à une échelle fort modeste. (Rédaction A l’Encontre)

    Publié par Alencontre le 13 - août - 2014
     
    Voir le dossier: