Daech, passé du rang d’allié possible à celui d’ennemi public numéro 1
Syrie - Page 35
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Nouveutés sur l'Etincelle
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Les femmes réfugiées risquent agressions, exploitation et harcèlement sexuel lors de leur traversée de l’Europe (Amnesty)
Les gouvernements et organismes d’aide humanitaire manquent à leur devoir de fournir la protection la plus élémentaire aux femmes réfugiées arrivant de Syrie et d’Irak.
De nouvelles recherches effectuées par Amnesty International montrent que les femmes et les jeunes filles sont exposées à des violences, à des agressions, à l’exploitation et au harcèlement sexuel à toutes les étapes de leur trajet, y compris sur le territoire européen.
Le mois dernier, l’organisation a recueilli en Allemagne et en Norvège les propos de 40 réfugiées qui s’étaient rendues en Grèce depuis la Turquie, avant de traverser les Balkans. Toutes ces femmes ont dit s’être senties menacées et en danger pendant leur périple. Beaucoup ont indiqué que dans presque tous les pays qu’elles ont traversés, elles ont connu agressions physiques et exploitation financière, ont été touchées de manière inappropriée ou ont subi des pressions visant à les inciter à avoir des relations sexuelles avec des passeurs, des employés chargés de la sécurité ou d’autres réfugiés.
« Après avoir connu l’horreur de la guerre en Irak et en Syrie, ces femmes ont tout risqué pour se mettre en sécurité avec leurs enfants. Mais à compter du moment où leur trajet commence, elles sont de nouveau exposées à la violence et à l’exploitation, sans grand soutien ni protection », a déclaré Tirana Hassan, responsable de la réaction aux crises à Amnesty International.
Des femmes et des jeunes filles voyageant seules, et d’autres seulement accompagnées de leurs enfants se sont senties particulièrement menacées dans les zones et camps de transit en Hongrie, en Croatie et en Grèce, où elles ont été forcées à dormir aux côtés de centaines d’hommes réfugiés. Dans certains cas, des femmes ont quitté les zones désignées, choisissant de dormir dehors sur la plage parce qu’elles s’y sentaient plus en sécurité.
Des femmes ont également dit avoir dû utiliser les mêmes salles de bains et douches que les hommes. Une femme a raconté à Amnesty International que dans un centre d’accueil en Allemagne, des réfugiés de sexe masculin allaient regarder les femmes lorsqu’elles utilisaient la salle de bains. Certaines ont pris des mesures extrêmes, arrêtant de s’alimenter ou de boire afin d’éviter de devoir aller aux toilettes lorsqu’elles ne se sentaient pas en sécurité.
« Si cette crise humanitaire avait lieu où que ce soit ailleurs dans le monde, on s’attendrait à ce que des mesures pratiques soient immédiatement prises afin de protéger les groupes les plus vulnérables, comme les femmes voyageant seules et les familles ayant une femme à leur tête. Au minimum, cela impliquerait de proposer des installations sanitaires bien éclairées réservées aux femmes, et des zones séparées des hommes où elles puissent dormir en sécurité. Ces femmes et leurs enfants ont fui certaines des zones les plus dangereuses du monde, et il est honteux qu’ils se trouvent encore en danger sur le sol européen », a déclaré Tirana Hassan.
« Si les gouvernements et ceux qui fournissent des services aux réfugiés ont commencé à mettre des mesures en place pour aider les réfugiés, ils doivent passer à la vitesse supérieure. Il faut en faire plus pour que les femmes réfugiées, en particulier les plus vulnérables, soient identifiées et que des processus et services spécifiques soient proposés afin de protéger leurs droits fondamentaux et leur sécurité. »
Les représentants d’Amnesty International ont parlé à sept femmes enceintes qui ont évoqué le manque de nourriture et de services de santé essentiels, et décrit avoir été écrasées par les mouvements de foule aux frontières et aux points de transit pendant leur périple.
Une Syrienne interviewée par Amnesty International à Lillestrøm, en Norvège, qui était enceinte et allaitait sa petite fille quand elle a entrepris le voyage avec son mari, a dit qu’elle avait trop peur de dormir dans les camps en Grèce car elle se savait entourée d’hommes. Elle a ajouté qu’elle avait passé plusieurs jours sans manger.
Une dizaine des femmes qu’Amnesty International a rencontrées ont déclaré qu’elles avaient été touchées, caressées ou déshabillées du regard dans des camps de transit européens. Une Irakienne de 22 ans a dit à Amnesty International que lorsqu’elle se trouvait en Allemagne, un agent de sécurité en uniforme lui avait proposé de lui donner des habits si elle acceptait de « passer du temps seule » avec lui.
« Pour commencer, personne ne devrait avoir à emprunter ces itinéraires dangereux. La meilleure manière pour les gouvernements européens d’empêcher les abus et l’exploitation aux mains des passeurs consiste à proposer des itinéraires sûrs et légaux dès le début. Pour ceux qui n’ont pas d’autre choix, il est absolument inacceptable que leur passage à travers l’Europe les expose à davantage d’humiliation, d’incertitude et d’insécurité », a déclaré Tirana Hassan.
AUTRES TÉMOIGNAGES
Exploitation sexuelle par des passeurs
Les passeurs prennent pour cibles des femmes qui voyagent seules, sachant qu’elles sont plus vulnérables. Lorsqu’elles manquaient de ressources financières pour payer le trajet, les passeurs essayaient souvent de les forcer à avoir des relations sexuelles avec eux.
Au moins trois femmes ont déclaré que des passeurs et des membres de leur réseau les ont harcelées, elles ou d’autres femmes, et leur ont proposé un trajet à prix réduit ou un passage prioritaire sur un bateau traversant la Méditerranée, en échange de relations sexuelles.
Hala, une jeune femme de 23 ans originaire d’Alep, a déclaré à Amnesty International :
« À l’hôtel en Turquie, un des hommes travaillant avec le passeur, un Syrien, m’a dit que si je couchais avec lui, je ne paierais pas ou que je paierais moins. Bien entendu, j’ai dit non, c’était dégoûtant. Nous avons toutes connu la même chose en Jordanie. »
« L’amie qui était venue avec moi de Syrie s’est trouvée à court d’argent en Turquie, alors l’assistant du passeur lui a proposé d’avoir des relations sexuelles avec lui [en échange d’une place sur un bateau] ; elle a bien sûr dit non, et n’a pas pu quitter la Turquie, alors elle est encore sur place. »
Nahla, une Syrienne de 20 ans, a déclaré à Amnesty Internationa :
« Le passeur me harcelait. Il a essayé de me toucher quelques fois. Il ne s’approchait que lorsque mon cousin n’était pas là. J’avais très peur, d’autant plus qu’on entend tout au long du voyage les histoires de femmes qui n’ont pas les moyens de payer et se voient proposer la solution de coucher avec les passeurs en échange d’une réduction. »
Être harcelées et vivre dans une peur constante
Toutes les femmes ont dit à Amnesty International qu’elles avaient eu constamment peur durant leur trajet à travers l’Europe. Les femmes voyageant seules étaient non seulement prises pour cibles par les passeurs, mais sentaient en outre leur intégrité physique menacée lorsqu’elles étaient contraintes de dormir dans des locaux aux côtés de centaines d’hommes célibataires. Plusieurs femmes ont par ailleurs signalé avoir été frappées ou insultées par des membres des forces de sécurité en Grèce, en Hongrie et en Slovénie.
Reem, 20 ans, qui voyageait avec son cousin âgé de 15 ans, a dit :
« Je n’ai jamais dormi dans les camps. J’avais trop peur que quelqu’un me touche. Les tentes étaient toutes mixtes et j’ai été témoin de violences [...] Je me sentais plus en sécurité lorsque j’étais en mouvement, en particulier dans un bus, le seul endroit où je pouvais fermer les yeux et dormir. Dans les camps, il y a tellement de risques de se faire toucher, et les femmes ne peuvent pas vraiment se plaindre et ne veulent pas causer de problèmes susceptibles de perturber leur voyage. »
Violences policières et conditions dans les camps de transit
Des femmes et des jeunes filles rencontrées ont indiqué qu’un certain nombre de camps étaient très sales, que la nourriture y était en quantité limitée et que les femmes enceintes en particulier ne recevaient qu’un soutien restreint, voire pas de soutien du tout. Certaines femmes ont par ailleurs déclaré que les toilettes étaient souvent sordides et que les femmes ne se sentaient pas en sécurité car certains sanitaires étaient mixtes. Par exemple, dans au moins deux cas, des femmes ont été observées par des hommes alors qu’elles s’étaient rendues dans la salle de bains. Certaines femmes ont en outre été directement victimes de violences perpétrées par d’autres réfugiés, ainsi que par des policiers, en particulier quand des tensions sont apparues dans des lieux d’accueil exigus et que les forces de sécurité sont intervenues.
Rania, une jeune femme enceinte âgée de 19 ans venue de Syrie, s’est confiée à Amnesty International sur son expérience en Hongrie :
« Les policiers nous ont alors conduits dans un autre lieu, qui était encore pire. C’était plein de cages et l’air ne circulait pas. Nous avons été enfermés. Nous sommes restés là deux jours. On nous donnait deux repas par jour. Les toilettes étaient pires que dans les autres camps, j’ai l’impression qu’ils voulaient les garder dans cet état pour nous faire souffrir.
« Lors de notre deuxième jour sur place, des policiers ont frappé une Syrienne d’Alep parce qu’elles les avaient suppliés de la laisser partir [...] Sa sœur a essayé de la défendre, elle parlait anglais. Ils lui ont dit que si elle ne se taisait pas, ils la frapperaient elle aussi. Une chose similaire est arrivée à une Iranienne le lendemain parce qu’elle avait demandé plus de nourriture pour ses enfants. »
Maryam, une Syrienne de 16 ans, a déclaré :
(En Grèce) « Des gens se sont mis à crier, alors des policiers nous ont attaqués et ont donné des coups de bâton à tout le monde. Ils m'ont frappée sur le bras avec un bâton. Ils s’en sont même pris à des enfants. Ils ont frappé tout le monde sur la tête. J’ai été prise de vertige et je suis tombée par terre, des gens m’ont marché dessus. Je pleurais et j’ai été séparée de ma mère. Ils ont appelé mon nom et je l’ai retrouvée. Je leur ai montré mon bras et un policier l’a vu et a ri, j’ai demandé à voir un médecin, et ils nous ont dit à toutes les deux de partir. » 18 janvier 2016
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Trois appréciations différentes de l’Etat islamique (Al'Encontre.ch)
La plupart des personnes préfèrent se référer encore à l’auto-proclamé Etat islamique en utilisant l’acronyme de son nom précédent: ISIS [en anglais pour Etat islamique en Irak et en Syrie] – ou, plus exactement, «al-Sham», Grande Syrie – traduit approximativement par certains par «le Levant», l’acronyme devenant ainsi ISIL.
• Au sujet de ce dénommé ISIS près de quarante livres (et ce n’est pas fini) ont été jusqu’ici publié en anglais dont les trois qui sont ici l’objet d’un compte rendu figurent parmi ceux qui se vendent le mieux au Royaume-Uni.
Sur ces trois, celui de Patrick Cockburn est le plus ancien et l’un des premiers livres consacrés à ISIS. Publié originellement en 2014 sous le titre The Jihadis Return, puis à nouveau, en une édition mise à jour, sous le titre mentionné ci-dessus. Ce petit livre récapitule les opinions que cet auteur développe dans sa couverture des événements en Irak et en Syrie pour le quotidien britannique The Independent. Il est écrit dans un style journalistique tout à fait lisible par un auteur qui est familier avec cette partie du monde qu’il couvre depuis de nombreuses années (en particulier l’Irak). Le livre continent toutefois fort peu de références pour soutenir ces nombreuses affirmations qui ne proviennent pas de ses propres témoignages, lesquels sont dans l’ensemble assez anecdotiques.
• Ce qui est pourtant le plus contestable dans ce livre relève du fort parti pris politique de son auteur, lequel transpire à la fin de la préface où Cockburn cite la déclaration de Joe Biden [vice-président des Etats-Unis] au sujet de l’absence de civils du «centre modéré» dans les rangs de l’opposition syrienne exclusivement composée de «soldats» selon le vice-président américain. Biden tentait de justifier le refus de l’administration américaine de fournir à l’opposition syrienne les armes défensives [surtout après août] qu’elle réclamait, principalement des armes antiaériennes et antichars. Le commentaire immodéré de Patrick Cockburn au sujet de la déclaration de Biden est très éloquent: «rarement les forces réelles à l’œuvre dans la création d’ISIS et la crise actuelle en Irak et en Syrie n’ont été aussi précisément décrites».
Les lecteurs familiers avec la région sauront ce qu’il faut dorénavant attendre du livre. En effet, quelques pages plus loin, Cockburn cite un «agent des renseignements d’un pays voisin» anonyme (manifestement l’Irak, dont le gouvernement dominé par l’Iran soutient la Syrie d’Assad), selon lequel ISIS se réjouit lorsque des armes sophistiquées sont envoyées à des groupes opposés à Assad car il peut toujours les obtenir par la force ou par l’argent.
Dans le même esprit, Cockburn explique qu’il ne pouvait voler directement vers Bagdad au cours de l’été 2014 car, lui a-t-on dit, ISIS avait des lance-roquettes antiaériens (qui se portent sur l’épaule) «destiné à l’origine à des forces opposées à Assad en Syrie» – une déclaration qui est fausse à double titre. Tout d’abord, parce que de telles armes n’ont pas été acheminées à des forces opposées à Assad en Syrie; ensuite, parce que les armes les plus sophistiquées qu’ISIS est parvenue à s’approprier sont celles qui ont été fournies par les Etats-Unis à l’armée irakienne, laquelle les a abandonnées de manière vile lors de la débâcle de l’été 2014.
• Ce récit fallacieux est rejoint ensuite par une affirmation très discutable: «le consensus des gouvernements et des médias en Occident est que la guerre civile en Irak a été ravivée par les politiques confessionnelles de Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, à Bagdad. En réalité, c’est la guerre en Syrie qui a déstabilisé l’Irak…» Cette affirmation s’oppose au fait bien connu que l’ample mouvement de protestation qui a débuté dans les régions arabes sunnites en 2012 et qui a posé les jalons de l’expansion d’ISIS qui a suivi dans ces mêmes régions n’avait rien à voir avec la Syrie mais plutôt avec la direction confessionnelle prise par Nouri Mohammed Hassan al-Maliki [Premier ministre de 2006 à 2014 ; et vice-président en 2014-2015|, qui a été accélérée dès que les dernières troupes américaines ont quitté l’Irak.
• La vérité est que Cockburn peut difficilement masquer son mépris pour les Arabes sunnites d’Irak, qu’il met tous dans le panier de la catégorie homogène «les sunnites» faisant face à des «shiites» non moins homogènes. Il nous affirme donc que «les sunnites» seront «de manière peu probable satisfaits» par l’autonomie régionale ainsi qu’une plus grande part d’emplois et de revenus pétroliers. Ils ne seront, selon lui, pas satisfaits par moins qu’une «contre-révolution pleine et entière dont l’objectif est de reprendre le pouvoir dans l’ensemble de l’Irak».
On ne peut manquer de s’interroger sur comment un auteur informé comme Cockburn peut attribuer le fantasme d’une «frange agitée» des Arabes sunnites d’Irak à l’ensemble d’une communauté. Le fait est, toutefois, qu’il a pris ce fantasme comme un fait accompli dès lors qu’il affirme qu’à la suite de l’offensive d’ISIS en Irak, les dirigeants shiites «n’ont pas saisi que leur domination sur l’Etat irakien […] était terminée» et que «ne restait qu’une zone croupion shiite» – ce qui est en effet une déclaration exagérée surprenante.
• Le biais de Patrick Cockburn est également flagrant au vu des deux poids, deux mesures dont il fait preuve lorsqu’il évalue les «théories du complot» selon leur provenance. Il écrit ainsi: «une théorie du complot que le reste de l’opposition syrienne ainsi que les diplomates occidentaux apprécient particulièrement, celle selon laquelle ISIS et Assad forment une ligue, s’est révélée fausse alors qu’ISIS remportait des victoires sur le champ de bataille». Remarquons en passant que Cockburn ne dit pas au lecteur par quelle logique les victoires d’ISIS sur le champ de bataille syrien signifient en elles-mêmes une réfutation de l’affirmation de l’opposition syrienne et des diplomates occidentaux que le régime Assad a favorisé l’établissement d’ISIS et son expansion en Syrie, afin d’affaiblir et de discréditer le soulèvement syrien. Cette affirmation a été faite à la lueur d’une conviction répandue selon laquelle les services de renseignement d’Assad ont manipulé des djihadistes d’Irak depuis que les Etats-Unis ont occupé ce pays en 2003.
• Quoi qu’il en soit, le rejet catégorique cité ci-dessus de cette «théorie de la conspiration» contraste fortement avec l’indulgence dont témoigne Cockburn vis-à-vis d’une seconde «théorie» qui reçoit les suffrages du bord opposé. Se fondant sur l’allégation, qu’il attribue à nouveau à «une source de haut niveau irakienne», que la résurgence d’ISIS a été aidée par les services de renseignement militaires de Turquie, Cockburn écrit ceci: «cela pourrait être rejeté comme une théorie de plus du complot moyen-orientale, mais un trait des mouvements de type djihadiste tient dans l’aisance par laquelle ils peuvent être manipulées par les services de renseignement étrangers». En résumé, la facilité par laquelle ISIS peut être manipulée par les services secrets ne s’applique, dans la conception de Cockburn, qu’aux services turcs et non pas aux syriens!
• Le mépris de Cockburn envers les Arabes sunnites d’Irak est en relation avec l’aversion dont il témoigne vis-à-vis d’autres composantes de ce qu’il appelle «la nouvelle révolution sunnite», c’est-à-dire l’opposition syrienne. Son résumé de la tragédie syrienne est d’une partialité sans vergogne envers cette dernière: «les Syriens doivent choisir entre une dictature violente, au sein de laquelle le pouvoir est monopolisé par la présidence et ses brutaux services de sécurité, ou une opposition qui tire dans la tête d’enfants pour des blasphèmes mineurs et qui envoie des images de soldats décapités aux parents de leurs victimes». Avec une telle description hobbesienne [Thomas Hobbes, auteur de Leviathan en 1651] des options en présence, où les atrocités et les crimes contre l’humanité réalisés par le Léviathan syrien – composé du spectre complet des forces armées d’Assad et de leurs alliés – sont oubliés avec complaisance alors que l’opposition est réduite à des tueurs d’enfants. Et cela alors que le régime syrien a tué bien plus d’enfants que l’opposition, toutes tendances confondues. De cette façon l’auteur ne dissimule en aucune mesure son choix personnel.
• La mansuétude de Cockburn envers le régime Assad l’amène même à trouver «une certaine vérité» à l’un des mensonges les plus flagrants de ce dernier au sujet des manifestations pacifiques de mars 2011: «le gouvernement insiste sur le fait que les manifestations n’étaient pas aussi pacifiques qu’elles semblaient l’être et qu’à un stade précoce, leurs forces ont été soumises à des attaques armées. Il y a une certaine vérité à cela, mais si l’objectif de l’opposition était de piéger le gouvernement en une réponse punitive contre-productive, elle a réussi au-delà de ses rêves».
Ainsi, Patrick Cockburn va jusqu’à donner du crédit à un argument familier de tous les régimes autoritaires qui font face à des mobilisations populaires, un argument qui est lui-même ancré dans les «théories du complot». Il affirme que «les révolutionnaires de 2011 avaient de nombreux défauts mais ils se sont montrés très compétents dans l’influence sur et la manipulation de la couverture médiatique. La Place Tahrir au Caire et, plus tard, la Place Maidan à Kiev sont devenus les arènes d’un mélodrame où se jouait, devant les caméras de télévision, l’affrontement du bien contre le mal.»
En conclusion, Patrick Cockburn rend responsable les Etats-Unis de «se dérober face à la fourniture d’une aide militaire à ceux qui combattaient ISIS, tel que l’armée syrienne», ce qui signifie, bien entendu, l’armée du régime Assad. Ainsi, à la différence des cercles «anti-impérialistes» viscéralement opposé à toute forme d’intervention des puissances occidentales dans toute situation, au point qu’ils élèvent ce principe au rang d’un tabou religieux, et qui citent abondamment Cockburn au sujet de la Syrie, le reporter de l’Independent souhaite quant à lui que Washington soutienne le régime Assad. «Si les Etats-Unis avaient été sérieux dans leur combat contre les djihadistes extrémistes, ils se seraient alors rendu compte qu’il n’y avait guère d’autre alternative», affirme-t-il. De tous les positionnements sur la Syrie, l’idée implique ici que le soutien au régime Assad serait la meilleure façon pour Washington de combattre ISIS – une organisation qui fleurit sur le ressentiment sunnite contre les deux gouvernements soutenus par l’Iran, ceux de Damas et de Bagdad, ainsi que contre les Etats-Unis – est assurément la plus absurde.
• Ceux et celles qui sont intéressés à un travail sérieux sur toute cette question sans les défauts de Cockburn devraient lire le livre écrit par Michael Weiss et Hassan Hassan – de loin le meilleur consacré jusqu’à aujourd’hui à ISIS. Les deux auteurs sont, comme Cockburn, des journalistes et écrivent pour un grand nombre de publications. «Néanmoins», leur livre est une recherche sérieuse, fondée sur des entretiens avec de nombreux acteurs de l’ensemble des parties impliquées dans la tragédie ou qui sont concernées par celle-ci – de militaires américains en passant par des responsables (ou anciens responsables) irakiens et syriens ainsi que de membres d’ISIS – ainsi que de nombreux experts.
Le livre s’appuie sur de nombreuses références, y compris une grande quantité de rapports d’agences gouvernementales à ceux d’organisations des droits humains. L’expérience des auteurs et leur familiarité avec la Syrie sont qualitativement différentes de celle de Cockburn. Pour reprendre leurs mots, «l’un des auteurs est né en Syrie dans la localité frontière d’Albu Kamal, qui a été un portail pour les djihadistes se dirigeant vers l’Irak et aujourd’hui en venant. Le second auteur a réalisé des reportages dans le quartier de banlieue al-Bab d’Alep, alors un berceau de la société civile indépendante et pro-démocratique de Syrie; c’est aujourd’hui un fief lugubre d’ISIS, régit par la sharia.»
• Les premiers chapitres de leur livre, Weiss et Hassan décrivent la montée d’Al-Qaeda en Irak sur la toile de fond de l’occupation américaine désastreuse du pays; la radicalisation d’Al-Qaeda en un «Etat islamique d’Irak»; la marginalisation qui a ensuite été la sienne grâce à une modification de la stratégie américaine, consistant à coopter les tribus Arabes sunnites ainsi que la façon dont cette dernière a été compromise par la politique confessionnelle d’al-Maliki dès qu’il a été libéré des contraintes de l’occupation américaine. Ils explorent ensuite la duplicité du régime Assad dans ses relations avec l’Irak sous occupation américaine et la manière dont celle-ci a préludé l’émergence d’ISIS dans une Syrie déchirée par la guerre. Alors que les deux auteurs décrivent le rôle direct du régime Assad dans la constitution de ce que l’on pourrait appeler la «djihadisation» du soulèvement syrien ainsi que la façon dont le régime a attisé le confessionnalisme en déchaînant une milice confessionnelle criminelle très tôt, outre leur évaluation du rôle de l’Iran et de ses émanations régionales dans leur soutien à Damas, ils montrent également comment les monarchies du Golfe ont joué un rôle clé dans la promotion de cette «djihadisation». De même, ils expliquent comment la corruption de l’opposition syrienne par l’argent du Golfe a facilité la propagation d’un ISIS qui projetait l’image d’un «Etat» appliquant la loi et l’ordre. Ils décrivent les contours de ce prétendu Etat islamique et fournissent un aperçu de ses combattants ainsi que sur la manière dont ils sont recrutés.
• Ce dernier aspect est central au livre de Jessica Stern, une chargée de cours étudiant le terrorisme à l’Université Harvard, et J. M. Berger, un journaliste qui a écrit sur les djihadistes américains. Bien qu’il soit relativement dense, leur livre consacré à ISIS aurait un choix parfait pour la collection Pour les nuls. Il se lit en réalité comme une instruction destinée aux politiciens et au personnel de sécurité américains qui auraient quelque difficulté à situer le Moyen Orient sur une carte mondiale. Les compléments inévitables de ce genre sont les suivants: un glossaire qui comprend des définitions de termes basiques ainsi que d’autres moins communs, un appendice rédigé par un doctorant qui offre un survol historique recouvrant les quatorze siècles entre la création de l’Islam et ISIS en 24 pages.
Le libre de Stern et de Berg contient beaucoup de rembourrage: de nombreuses répétitions et, par exemple, de nombreuses pages qui résument des articles ou des vidéos produits par ISIS. Il dit peut de chose sur les contextes irakien et syrien ainsi que sur le rôle joué par l’occupation américaine dans l’émergence d’ISIS, comportant seulement une allusion au sujet de la «bourde» de 2003. Quelques aperçus intéressants, tels la comparaison entre ISIS et d’autres «marques» du terrorisme apocalyptique suscitent la frustration en raison de leur brièveté. Le livre s’achève avec le conseil politique des auteurs sur la manière permettant de s’opposer à la propagande d’ISIS, où n’sont pas absentes certaines platitudes tels que la déclaration suivante, figurant à la dernière page: «le roi Abdullah de Jordanie, qui s’est montré extraordinairement courageux, affirme que combattre ISIS requiert que le monde musulman agisse de concert». Silence ou soupir! (Traduction A l’Encontre; ce texte a été rédigé pour une revue académique. Les citations des ouvrages sont traduites à partir des ouvrages en anglais et non pas de leur version française pour les deux premiers).
- The Rise of Islamic State: ISIS and the New Sunni Revolution, par Patrick Cockburn. Verso. L’ouvrage a été publié en français avec comme titre: Le retour des djihadistes. Aux racines de l’Etat islamique. Ed. Equateurs Documents, 2014.
- Isis: Inside the Army of Terror, par Michael Weiss et Hassan Hassan. Regan Arts. 270 pp. Publié en français par Hugo Document (octobre 2015)
- ISIS: The State of Terror, par Jessica Stern et J.M. Berger. Ed. William Collins. 2015. (Non traduit)
http://alencontre.org/societe/livres/trois-appreciations-differentes-de-letat-islamique.html
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Syrie : «Ici à Douma, la révolution reste vivace» (Souria Houria)
Ce berceau de la révolution fait face depuis cinq ans à un «siège psychologiquement épuisant».Si, dans la ville de la Ghouta, la résistance au régime sanglant de Bachar al-Assad ne faiblit pas, elle doit composer avec les tentatives de noyautage de l’Armée de l’islam.
Entre deux bombardements meurtriers de l’aviation russe, les habitants de Douma ont été les seuls en Syrie à manifester il y a quelques jours en solidarité avec Madaya (Est), localité assiégée et affamée depuis des semaines par les troupes du régime de Bachar al-Assad. Subissant eux-mêmes depuis plus de deux ans le siège imposé à toute la région de la Ghouta, ils ont témoigné leur compassion tout en rappelant leurs propres souffrances. Depuis cinq ans, l’histoire de Douma, banlieue située à une dizaine de kilomètres au nord-est de Damas, résume la résistance et les errances de la «révolution»syrienne, comme s’obstinent à l’appeler ses habitants.
«La révolution reste vivace ici et la population mobilisée contre le régime malgré ou à cause de tout ce qu’elle endure», affirme Jamal Fletani, joint sur place par l’application mobile Viber. Se désolant des 12 morts et des dizaines de maisons détruites par le raid du matin, le jeune homme précise qu’une heure après, les marchés de la ville sont bondés. Ce n’est pas le seul paradoxe qu’évoque l’ancien étudiant en génie mécanique à propos d’un «siège psychologiquement épuisant»,mais pratiquement surmonté. «Il y a bien longtemps que nous n’avons plus d’électricité, ni de chauffage, ni d’Internet, rappelle-t-il, mais heureusement l’antenne satellitaire fonctionne, et on n’est pas coupés du monde. Une méthode de recyclage des déchets a été inventée pour produire un carburant permettant d’alimenter les petits générateurs domestiques. Une fabrique de médicaments produit analgésiques, pommades et anti-inflammatoires. Elle a été créée grâce à la saisie des stocks d’une usine pharmaceutique implantée dans la région avant 2011.»
En fait, le système de survie de Douma fonctionne surtout, comme ce fut longtemps le cas à Gaza, grâce aux tunnels creusés depuis les zones voisines contrôlées par les forces loyalistes. La corruption omniprésente et les trafiquants en tous genres permettent le passage des hommes, des marchandises, voire des armes.
«Attaques chimiques».
Les ressources ne manquent pas dans la riche plaine de la Ghouta, verger historique de la région de Damas, où presque chaque famille possède un bout de terre qu’elle a récemment planté de blé et peuplé de moutons. «Nous avons une autosuffisance alimentaire», souligne Jamal. Militant impliqué dans plusieurs initiatives de la société civile locale, il poursuit l’action et défend la mémoire de son père, Adnan Fletani, commerçant et figure politique influente de la ville, assassiné en 2014 par des inconnus qui l’ont traité de «collaborateur» en le mitraillant depuis leur voiture.
Appartenant à l’Union socialiste, un ancien parti de tendance nassérienne (en référence à l’ex-président égyptien Gamal Abdel Nasser), bien implanté dans la région, le père de Jamal dénonçait trop fort l’extrémisme religieux grandissant et le financement des groupes armés de la Ghouta par les pays du Golfe. «Les islamistes de l’Armée de l’islam veulent nous imposer une dictature, à l’image de celle du régime», affirme aujourd’hui le fils, à propos de la formation armée créée par Zahran Alloush, le chef militaire tué fin décembre par un raid aérien russe. «Ils ont acheté ou volé la révolution», insiste-t-il.
Comme les autres zones syriennes contrôlées par la rébellion, la Ghouta est dominée par les forces islamistes, mais la différence, c’est que tous ses combattants sont des Syriens, fils de la région. «L’appartenance et l’allégeance à la révolution, comme à la population locale, restent prioritaires, même parmi les salafistes de Douma», souligne Zeina, réfugiée depuis quelques mois en France.
Ancienne militante communiste à Damas, la jeune secouriste volontaire a travaillé dans plusieurs localités de la Ghouta révolutionnaire avant que la zone ne soit totalement assiégée. «L’étau s’est fermé en août 2013, au lendemain des attaques chimiques qui ont tué plus de 1 500 personnes», rappelle Zeina. «Avant cela, comme je n’étais pas fichée par les forces du régime et pour ne pas attirer les soupçons, je me voilais la tête pour franchir les barrages de l’armée, puis, une fois arrivée au barrage des insurgés de la Ghouta, j’enlevais mon foulard.» Les opposants de tous bords, notamment les intellectuels laïcs, avaient trouvé refuge dans la Ghouta libérée. C’était le cas de l’avocate militante Razan Zaitouneh, qui vivait et travaillait avec son mari et ses amis depuis plus d’un an à Douma avant de disparaître fin 2013, enlevée sans doute par les hommes de l’Armée de l’islam qui se sont imposés dans la ville. «Mais Douma a été la ville pionnière à chaque étape de la révolution», rappelle Zeina.
Verrouillage.
La gigantesque manifestation du 25 mars 2011 à Douma, en solidarité avec Deraa (sud du pays) d’où est parti le soulèvement syrien, est citée par les militants comme une date historique. Les forces du régime ont fait preuve de retenue face à la protestation qui montait aux portes de Damas. Trois semaines plus tard, le centre de Douma a pris des allures de place Tahrir avec un rassemblement qui a duré plusieurs jours. Les manifestants ont ensuite marché sur la capitale, mais se sont heurtés au verrouillage du centre-ville par les forces de sécurité. La contestation s’est poursuivie et a gonflé de semaine en semaine avec une répression «raisonnable» jusqu’en juillet, quand l’armée a massivement investi Douma pendant une dizaine de jours, multipliant perquisitions et arrestations.
La militarisation de la révolution a commencé à Douma dès l’automne 2011, lorsque les opposants ont porté les armes pour protéger les manifestations et empêcher l’accès des forces de répression. Celles-ci se sont mises alors à tirer à l’arme lourde contre les foules.
«Divergences».
C’est à Douma aussi que le premier conseil militaire de l’Armée syrienne libre (ASL) a vu le jour début 2012 et que les attaques contre l’armée du régime ont commencé. Une grande offensive lancée à l’été 2012 a fait de la Ghouta la première «zone libérée» du contrôle de Bachar al-Assad. La nécessité de palier les manquements des services de l’Etat a conduit les habitants à créer à Douma le premier conseil civil local pour gérer les hôpitaux, les tribunaux, les écoles… Les autres localités de la Ghouta ont suivi l’exemple de ces conseils élus démocratiquement, et qui reflétaient le pluralisme politique d’une région où se côtoient, nationalistes arabes nassériens, Frères musulmans et libéraux. Une sorte de République de Ghouta était née, non loin du cœur de Damas.
«Reconquérir la Ghouta est aujourd’hui une impossibilité pour les troupes du régime, assure Jamal Fletani.
Ils n’ont plus du tout les forces nécessaires pour affronter les 30 000 combattants locaux prêts à prendre les armes et à oublier leurs divergences pour défendre leur territoire.» Sans se faire d’illusions sur la rapidité de la solution politique qui doit s’amorcer dans les négociations parrainées internationalement, le jeune opposant se dit optimiste du moins sur un cessez-le-feu prochain qui soulagerait la population de Douma des attaques quotidiennes de l’aviation du régime de Bachar al-Assad. par Hala Kodmani
http://souriahouria.com/syrie-ici-a-douma-la-revolution-reste-vivace-par-hala-kodmani/
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Vivre en état de siège en Syrie - Témoignages (Amnesty)
Des témoignages d’habitants de villages syriens assiégés, recueillis récemment par Amnesty International et décrivant leur grande difficulté à se procurer de la nourriture durant les mois d’hiver, illustrent le besoin crucial de favoriser l’accès des organisations humanitaire à l’ensemble des citoyens ayant besoin d’assistance, et de lever le siège dans les zones civiles du pays.
L’organisation a parlé à des personnes résidant dans la ville assiégée de Medaya, dans le gouvernorat de Damas, et a rassemblé de nouveaux témoignages faisant état des conditions à al Fouaa et Kefraya, dans le gouvernorat d’Idlib. Ces résidents, qui connaissent actuellement la faim, ont expliqué que des familles survivent avec guère plus que des feuilles d'arbre et de l’eau bouillie. Selon un accord conclu jeudi 7 janvier engageant le gouvernement syrien, les villages sont censés bénéficier de nouveau d’une assistance humanitaire.
« Les témoignages de ces personnes qui souffrent de la faim ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Des Syriens souffrent et meurent à travers le pays parce que la famine est utilisée comme une arme de guerre tant par le gouvernement que par les groupes armés syriens. En continuant à imposer des sièges dans des zones civiles et en n’autorisant l’acheminement de l’aide que sporadiquement, selon leur bon vouloir, ils perpétuent la crise humanitaire et jouent avec la vie de centaines de milliers de personnes », a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
« Le fait d'affamer délibérément des civils dans le cadre d’un conflit est un crime de guerre. Toutes les parties assiégeant des zones civiles - le gouvernement et des groupes armés non étatiques - doivent cesser d’entraver l’acheminement de produits de première nécessité, et permettre le libre passage de l’aide humanitaire. »
Les Nations unies estiment que quelque 400 000 personnes réparties entre 15 zones assiégées à travers le pays survivent actuellement sans avoir accès à des denrées essentielles.
Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté deux résolutions appelant l’ensemble des parties au conflit à lever le siège partout et à laisser passer l’aide humanitaire sans restriction. Pour l'instant, les parties ne respectent pas ces résolutions, qui visent à alléger les souffrances des civils en Syrie.
Témoignages:
Madaya et Boukein
Madaya et Boukein, deux villes voisines situées à l’ouest de Damas, sont assiégées depuis juillet 2015 par les forces gouvernementales syriennes. Quelque 40 000 personnes seraient prises au piège dans les deux villages, et n’ont plus ni eau ni électricité.
Les denrées humanitaires parvenues sur place pour la dernière fois en octobre 2015 sont épuisées. Un cessez-le-feu, conclu en septembre 2015, était censé garantir l’accès libre à une aide humanitaire et l’évacuation de civils blessés, mais cela n’a pas été le cas.
Les familles ne disposent pas de produits alimentaires de base. Certaines denrées parviennent à se frayer un chemin malgré le siège mais leur prix est exorbitant. Des familles se sont mises à chercher de quoi se nourrir dans les bois alentours, où elles risquent d’être abattues par des tireurs embusqués ou de marcher sur des mines.
Mohammad, résident de Madaya
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Chaque jour, je me réveille et je me mets à chercher de la nourriture. J’ai perdu beaucoup de poids, j’ai vraiment la peau sur les os. Chaque jour, j’ai peur de perdre connaissance et de ne jamais me réveiller [...] J’ai une femme et trois enfants. Nous mangeons une fois tous les deux jours afin de ne pas épuiser ce que nous arrivons à acheter. Les autres jours, nous consommons de l’eau et du sel, et parfois des feuilles d’arbre. Il arrive que des organisations distribuent de la nourriture qu’elles ont achetée à des fournisseurs, mais elles ne peuvent pas répondre aux besoins de tous.
À Madaya, les habitants sont des squelettes ambulants. Les enfants pleurent tout le temps. Beaucoup de gens souffrent de maladies chroniques. Certains m’ont dit qu’ils vont aux postes de contrôle tous les jours, et demandent à partir, mais les forces gouvernementales ne les autorisent pas à quitter les lieux. Nous n’avons qu’un hôpital de campagne, qui tient dans une pièce, mais ils n’ont pas d’équipements ni de fournitures médicales.
Um Sultan, résidente de Madaya
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Le siège est de plus en plus difficile à vivre à mesure que les quantités de nourriture s’amenuisent. Chaque jour, j’entends que quelqu’un est malade et n'arrive plus à quitter le lit. Mon époux fait désormais partie de ces personnes. Il n'a plus la force de sortir du lit et lorsqu’il le fait, il s’évanouit. Je ne le reconnais plus, il n’a plus que la peau sur les os. J’ai demandé de l’aide pour la nourriture, mais personne ne peut nous soutenir, nous sommes tous dans la même situation. Les femmes protestent tout le temps. Nous allons aux postes de contrôle et supplions les forces syriennes de sécurité de nous laisser partir ou au moins d’autoriser la livraison de nourriture. Ils nous ont dit qu’« il y a un siège à Madaya parce qu’il y a un siège à Kefraya et al Fouaa. » J’ai trois enfants et je n’ai pas les moyens de leur acheter à manger. Un kilo de riz ou de sucre coûte environ 100 000 livres syriennes [soit à peu près 485 euros]. Qui peut s’offrir ça ?
Louay, résident de Madaya
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Mon dernier repas complet remonte à au moins un mois et demi. Maintenant je consomme essentiellement de l’eau et des feuilles. L’hiver est là et les arbres n’ont plus de feuilles, alors je ne vois pas comment nous allons survivre. Si vous avez de l’argent, vous pouvez acheter de la nourriture. Mais les gens commencent également à être à court d’argent parce que se nourrir coûte très cher. Je suis sans le sou depuis quelques semaines alors maintenant je dépends de l’aide humanitaire, qui ne satisfait pas les besoins de tous.
Al Fouaa et Kefraya
Les villages d’al Fouaa et Kefraya, au nord-est de la ville d’Idlib, sont complètement encerclés par Jaysh al Fateh, un groupe armé non étatique, depuis mars 2015. Quelque 30 000 personnes vivraient sur place. Ces villages ont été lourdement bombardés. Ils sont privés d’électricité, d’eau et de nourriture. Un cessez-le-feu conclu en septembre 2015 n’est pas pleinement respecté.
Mazen, résident d’al Fouaa
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Les deux villages n’ont plus d’électricité, et il n’y a plus d’eau depuis mars 2015. Nous disposons de quantités limitées de nourriture, et nous n’avons ni légumes ni farine, alors il n’y a pas de pain. Nous n’avons pas de sucre ni de riz. Certaines personnes survivent grâce à la nourriture qu’elles ont conservée en cas d’urgence, ou à des produits pouvant être préparés sans eau, ou parfois à des denrées larguées par des avions du gouvernement syrien.
Il y a trois mois, Jaysh al Fateh a exécuté deux hommes parce qu’ils avaient été surpris en train de faire passer clandestinement de la nourriture dans le village. Leurs mosquées des villages alentours ont annoncé l’exécution, et ont fait savoir que le même sort serait réservé à quiconque essaierait d’introduire ne serait-ce qu’un pain.
Les groupes armés ont bombardé le principal réservoir d’eau il y quelques mois alors nous n’avons plus d’eau. Les Nations unies ne nous fournissent aucun carburant, alors nous utilisons du bois pour nous réchauffer.
Fadi, résident d’al Fouaa
Propos recueillis le 7 janvier 2016
Il y a seulement deux semaines, les groupes armés ont permis au Croissant-Rouge d’évacuer 336 civils et personnes blessées. L’évacuation aurait dû avoir lieu il y a des mois dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu. Nous n’avons pas de nourriture. En ce qui me concerne, il ne me reste rien à manger. J’ai épuisé toutes les réserves alimentaires que nous avions, ma famille et moi.
Maintenant nous attendons que l’aide humanitaire arrive, mais elle ne suffira pas. Recevoir de l’aide tous les quelques mois, ce n’est pas possible. Les gens ne peuvent pas survivre. Ce sont ceux qui ont des maladies chroniques qui souffrent le plus. Ils ne peuvent pas se procurer de médicaments et beaucoup d’entre eux ne figuraient pas sur la liste des personnes à évacuer.
8 janvier 2016
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2016/01/harrowing-accounts-of-life-under-siege-in-syria/
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Points de repères pour aider à ne pas perdre la boussole quand on parle de la Syrie (Essf)
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POUR AIDER A NE PAS PERDRE LA BOUSSOLE QUAND ON PARLE DE LA SYRIE
« Zahrane Allouche, dirigeant du plus important groupe rebelle de la région de Damas, a été tué vendredi par des frappes aériennes russes à l’est de la capitale. Soutenu par l’Arabie saoudite, Jaich al-Islam contrôle la plus grande partie de la banlieue est de la capitale, régulièrement bombardée par les forces gouvernementales. Du coup le transfert pour Rakaa de 4000 combattants avec leurs familles est remis en cause ». Voilà en gros les dernières nouvelles.
Comment s’y retrouver dans ce fouillis ?
Il faut d’abord remonter dans le temps. Ce qui peut être vrai aujourd’hui ne l’était pas il y a un an, et encore moins dans la dynamique de la révolution populaire il y a 5 ans. Une horloge arrêtée a raison deux fois par jour, mais ne donne pour autant aucune indication utile. Il peut être fort pratique d’amalgamer des situations du début de la révolution avec des faits d’aujourd’hui pour les besoins de l’argumentation, cela ne produit que des mensonges confusionnistes. Ainsi il faut une bonne dose de mauvaise foi pour oser prétendre, comme cela se fait sur bien des sites ou des pages FB prétendument « progressistes », que « au départ, ASL, al-Nosra ou Daesh c’est exactement la même chose », et autre genre d’insanités.
Les pro-régime, qui s’acharnent à voir dans Assad-Poutine-Nasrallah une « option progressiste face à la barbarie » (comme si on devait choisir entre la peste ayatollo-poutinienne et le choléra US-saoudien), qui exultent à cette annonce, jettent un voile pudique sur une circonstance curieuse : arrêté en 2009, ce triste sire avait été libéré en juin 2011 lors d’une amnistie, trois mois après le début de la levée populaire de masse. Assad a en effet libéré plus d’un millier de djihadistes pour créer contre-feu à la révolution pacifique, auto-organisée et anti-confessionnelle qui exigeait le départ du dictateur honni. Autrement dit, l’aviation d’Assad-Poutine n’a fait que liquider son instrument devenu trop gênant.
Les débuts de la révolution : à partir de mars 2011 et pendant deux ans, il y a eu des manifestations partout, jusqu’à 200 par jour et plusieurs centaines le vendredi, jour ferié. Cela veut dire que par millions, des gens se sont levés et ont jugé indispensable, malgré la peur, malgré les brutalités des voyous au service du régime, malgré les disparitions et les tortures, de réclamer ensemble la démocratie, la fin des services de sécurité, une Syrie respectueuse de toutes les confessions et communautés, le départ d’Assad.
Personne n’ose affirmer qu’il y ait eu présence un tant soit peu significative de mots d’ordre anti alaouites ou chrétiennes. De tels phénomènes ne sont apparus que tardivement, après les actes de terreur de masse du régime et de ses supplétifs voyous. Tout le jeu du régime a été de pousser à l’opposition confessionnelle, par des mises en scène, en attisant la peur parmi les communautés minoritaires. Et cela a mis du temps à prendre. Aujourd’hui le « ménage » va tellement loin qu’on on assiste, en particulier chez les Alaouites, à des disparitions de personnes inactives dans l’opposition, simplement connues pour leur opposition au clan Assad.
L’Armée Syrienne Libre : là encore, L’ASL : à la fin 2011, en 2012 et pendant les six premiers mois de 2013, fut la force armée la plus importante. Ce ne fut jamais d’ailleurs une institution ou organisation militaire centralisée, mais rien d’autre que des gens ordinaires (d’anciens manifestants cherchant à se protéger et à protéger le mouvement) et des soldats déserteurs qui ont pris les armes pour défendre leurs quartiers, villes et villages.
A partir de la seconde moitié de l’année 2013, les forces réactionnaires-djihadistes ont pris le pas sur elle, en particulier grâce à cette libération par le régime de djihadistes retour d’Irak ou d’Afghanistan. Tandis que l’ASL ne recevait que peu ou pas d’aide (en particulier de la part des politiciens lamentables qui clamaient que l’utilisation avérée de gaz de combat constituerait la « ligne rouge », et qui se sont piteusement débandés ensuite), les pétro-monarchies du Golfe leur ouvraient les vannes de l’aide financière et militaires (le Bonaparte de Turquie aussi d’ailleurs, tandis qu’il tentait de juguler la résistance kurde).
Il ne faudrait pas perdre de vue que l’ASL, avec son armement rudimentaire et ses faibles moyens, fut la première victime de ces forces réactionnaires comme al Nusra, qui a même réussi à lui confisquer des armements. L’ASL n’a pas disparu, elle existe encore, bien qu’ affaiblie : avec ses insuffisances, c’est elle la résistance populaire laïque et démocratique. C’est elle qu’il faudrait équiper d’armes performantes anti-chars et anti-aériennes.
Ni Daesh ni Assad, arrêt des bombardements, la libération des peuples de Syrie ne peut être l’œuvre que de ces peuples eux-mêmes !
Enfin sur le personnel politique des uns et des autres : les bandits corrompus issus des purges successives et de la décomposition du régime du régime, les Rifaat al-Assad, Tlass ou Khaddam, ont tous été choyés par l’occident et/ou les monarchies pétrolières qui jouent avec elles le jeu écœurant des « droits de l’homme » à géométrie variable. Ils ne sont ni meilleurs ni pires qu’Assad, issus du même moule infernal et criminel. Les autres « cartes » (Haytham Manna par exemple, qui a toujours veillé à se présenter comme un « opposant respectable » prenant bien ses distances avec le mouvement révolutionnaire) sont des politiciens qui sont persuadés qu’ils ont rendez-vous avec l’histoire et qu’un grand destin les attend. Ils ne méritent pas la moindre confiance.
Mais pourquoi faudrait-il choisir l’un plutôt que l’autre ? La seule boussole, c’est de miser sur le mouvement populaire, sur son incroyable dynamisme malgré son affaiblissement (y compris dans la zone sous la botte de Daesh, avec par exemple le commando de l’ASL « linceul blanc » qui y multiplie les attaques de guerilla), et certainement pas sur une quelconque option imposée d’en haut par le fer et le feu. Il n’y a pas deux camps, mais trois. Que le dernier soit affaibli et pris en tenaille n’y change rien, c’est de ce côté que se trouve la seule chance d’éviter encore la balkanisation et/ou le chaos. Le départ d’Assad est l’option minimale pour qu’un compromis de paix soit envisageable.
La balkanisation : l’armistice pour déplacer 4000 combattants du quartier palestinien de Damas, Yarmouk assiégé, affamé et réduit en ruines depuis 4 ans (beaucoup sont malheureusement allés chercher des armes là où ont leur en proposait, est-ce si difficile à comprendre ?) n’est pas le premier. Il est une indication de plus de la volonté cynique du régime de se concentrer sur ce qu’il considère comme le « pays utile » (Damas et la montagne alaouite), après avoir poussé à l’exil des millions de personnes supposées lui être hostile. Le régime a d’ailleurs commencé par se retirer des zones kurdes, cherchant ainsi à obtenir leur neutralité, avec l’intention de gêner Erdogan par le développement du mouuvement national kurde. Mais le fait que, tout en poursuivant leurs buts propres, les combattant-e-s du YPG se révèlent les meilleurs combattants contre Daesh lui est revenu en boomerang.
Que pouvons-nous faire ici ? Avant tout, défendre l’arrêt des bombardements français meurtriers contre la population civile, inefficace contre la structure militaire des fascistes de Daesh. Exiger des armes performantes pour les combattants kurdes, yezidis, laïques arabes. Militer pour la levée de l’état d’urgence qui ne vise qu’à criminaliser intimider le mouvement social. De l’argent pour les réfugiés et de l’armement, pas pour les bombardements !
Pierre Vandevoorde;
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article36897
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