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Révolutions Arabes - Page 250

  • La citoyenneté à l’épreuve de l’urbanisation au Maroc. (Contretemps)

    Marocains Sans Terre – Marocains Sans Patrie

    Cet article propose une lecure critique des politiques publiques de transformation urbaine au Maroc et de la répression et des déplacements de populations qui l'accompagnent dans la ville de Rabat.

    En pleine politique d’expulsion des bidonvilles, de privatisation des terres collectives, de prédation foncière dans les vieux centres urbains, le Forum Mondial des Droits de l’Homme qui se tiendra à Marrakech du 27 au 30 novembre 2014 prévoit une thématique : Ville et Droits de l’Homme. Une belle ironie, lorsque l’on sait que les principaux intéressés par ce thème ne sont pas conviés à l’événement. Et puisque personne ne leur donnera la parole, j’essaierais de retranscrire – le plus fidèlement possible – une année de recherche personnelle sur ces questions.

    Nous sommes en février 2014, un rassemblement de femmes borde chaque jour la bretelle d’autoroute de Rabat. Juxtaposé à leur banderole, nous pouvons voir la photo du Roi qui conclut leur revendication : « les habitants du Douar Ouled Dlim, serviteurs de la monarchie, au titre foncier numéro R22747, demandent un arbitrage royal contre le prédateur immobilier qu’est l’entreprise Société d’Aménagement Ryad qui a mis à la rue les ayants droits du douar et les obligent aujourd’hui à vivre dans des campements de fortune».

    Ces femmes – et leurs hommes qui restent à l’arrière, espérant que la répression sera moins féroce envers les femmes – racontent au premier venu le calvaire de leurs expulsions.

    Nous sommes le 06 février 2014, les forces de l’ordre interviennent au petit matin. Equipés de pelleteuses, de matraques, et de fourgonnettes, ils embarquent toute personne ne laissant pas les pelleteuses arracher tout ce qui fonde la mémoire de la tribu Guich : maisons – arbres fruitiers – écuries – pépinières – échoppes de légumes. Ce 06 février 2014, les habitants du Douar Ouled Dlim le décrivent comme un jour de guerre. En faisant l’analogie avec les politiques de colonisation en Palestine, il arrive souvent que les laissés pour compte du processus démocratique amorcé publiquement par le Maroc en 2011, jettent leurs cartes d’identités en répétant : « nous sommes des marocains, sans patrie (…) ils auraient mieux fait de nous jeter à la mer, car nous n’avons plus où aller ».

    La « carotte » au cœur de Rabat

    Ce jour là, plus de 36 logements ont été détruits par la force, laissant les habitants du Douar Ouled Dlim sans ressource. A ce jour, ils vivent dans des campements de fortune, faits de bâches en plastique maintenues par quelques morceaux de bois et de tôles amassés ici ou là. Les forces de l’ordre ont entouré leurs terres – aujourd’hui vendues à la Société d’Aménagement Ryad – par des panneaux de tôle. Enfermés dans une prison à ciel ouvert, les habitants sont surveillés par les chiens du service de sécurité mis en place pour les empêcher de reconstruire. Parallèlement, au mois de mars, les forces de l’ordre sont intervenues au Douar Drabka, également situé à Guich Loudaya, pour procéder à la destruction des pépinières et des échoppes commerciales dans lesquelles les habitants vendaient légumes et fruits issus de leurs cultures. 

    Situé en plein quartier résidentiel huppé, les terres de la tribu Guich Loudaya, sont des terres collectives agricoles, dans lesquelles la tribu Guich vit depuis plusieurs générations. Ancienne tribu guerrière, ces terres leur ont été « octroyées » par le Sultan Moulay Abderrahmane en 1838 en compensation de leurs services au royaume chérifien. Depuis son installation sur ces terres, la tribu Guich, à l’origine nomade, a opté pour l’agriculture vivrière.

    Du fait de l’expansion de la ville de Rabat, ces terres constituent un enjeu foncier considérable convoité par les promoteurs immobiliers et par les politiques urbaines. L’accaparement des terres Guich se fait par l’intermédiaire de la mise sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Lequel ministère, sous couvert d’un besoin d’urbanisation, revend ces terres à des prix dérisoires aux promoteurs immobiliers. D’après les dires des habitants, ces opérations sont menées en violation des dispositions d’un Dahir (décret royal) datant du 19 janvier 1946. Aujourd’hui introuvable, ce dahir aurait été édicté par Mohamed V qui, soucieux de protéger les intérêts d’une tribu alors puissante, avait retiré au Ministère de l’Intérieur la tutelle de ces terres et avait accordé la propriété pleine et entière à la collectivité de la tribu Guich. Bien qu’introuvable, nous avons pu voir ce dahir cité par certains documents juridiques et notamment par différents jugements rendus par la Cour d’appel.

    Désormais devenus des occupants illégaux, les habitants du Douar Ouled Dlim sont menacés quotidiennement d’expulsion. Déconcertés, les habitants menacent de s'immoler, affirmant qu’ils sont prêt à mourir pour défendre leurs terres : « Notre terre, c’est aussi notre identité » disent-ils.

    Le plus ironique dans cette histoire, c’est que la commune de Rabat se targue de vouloir agrandir sa « ceinture verte » par souci de développement durable. Un effort qui sera sans doute loué lors du Forum Mondial des Droits de l’Homme, où on oubliera sûrement de préciser que cette fameuse « ceinture verte » se situe sur les terres du Douar Ouled Dlim et du Douar Drabka. C’est donc en démantelant le dernier bastion existant d’agriculture paysanne de la ville, que les acteurs de la commune de Rabat estiment faire du développement durable. Une durabilité écologique constituée d’espaces verts dénudés de tout ancrage social, réservés aux classes privilégiées qui auront sans doute le bénéfice de pouvoir promener leurs chiens tout en s’offrant un jogging en milieu naturel. 

    L’histoire bientôt effacée de la tribu Guich, symbolise dans toute sa puissance la force destructrice des formes d’urbanisation libérale. Une urbanisation qui façonne des villes débarrassées de toutes les formes de gestion collective de l’espace. Ainsi, sous la bénédiction du ministère de l’Intérieur et sous couvert de lutte contre les bidonvilles, la privatisation des terres collectives laisse chaque jour des marocains sans terres et sans logements.

    Créer par la destruction : la face cachée des politiques publiques en matière de lutte contre les bidonvilles et le logement insalubre 

    Chaque jour des bidonvillois voient leurs baraquements détruits. Chaque jour, des milliers de familles se réveillent dans la peur d’être expulsées. Lorsque l’on parle de lutte contre l’informel, les bidonvilles, le logement insalubre, il faut comprendre de quelle manière ces termes se matérialisent pour les personnes visées par ces politiques publiques. Loin des protocoles d’accords qui font l’éloge du participatif, les formes d’habitats qui ne rentrent pas dans le marché formel de la spéculation immobilière sont détruits par la force. Les hommes emprisonnés, les femmes et les enfants tabassées.

    Ici à Casablanca, tout le monde se souvient de l’image poignante d’un habitant des « Carrières centrales » prêt à s’immoler lors de l’opération de destruction forcée de juin 2014. Le bidonville des « Carrières centrales » est l’un des plus anciens bidonvilles de Casablanca. Un espace fort symboliquement car c’est de ce bidonville qu’ont émergé de nombreuses figures de la lutte pour l’indépendance du Maroc. Et « c’est ainsi que le Maroc traite ses résistants » concluait une femme face aux décombres de sa maison. 

    D’autres ont peut être vu circuler les vidéos ou les photos de cette femme expulsée du Douar Krimat (Casablanca) détruit en décembre 2013. Elle est aujourd’hui à la rue, et s’est auto-construit un campement de fortune où elle vit avec ses cinq enfants. En guise de bannière pour son abri, elle a inscrit: « Qui n’a pas de logement, n’a pas de patrie, mon numéro de carte d’identité est BH00000 ». 

    Je doute fort que les invités internationaux du Forum Mondial des Droits de l’Homme sauront que lorsqu’on parle de « Villes sans bidonvilles » au Maroc, cela rime avec destruction forcée, répression et emprisonnement. Enfants traumatisés et déscolarisés.   

    Pas de droits de l’Homme en matière de spéculation foncière. Les droits les plus élémentaires sont bafoués, et bien évidemment en premier lieu le droit au logement lui même.

    A mon sens, et après une année passée à recueillir les voix des « expulsés », il me paraît évident que cette forme d’urbanisation forcenée n’est conciliable ni avec les Droits de l’Homme, ni avec la démocratie. Et ce principalement pour deux raisons. La première est simple et connue : la terre, devenue un enjeu foncier, est offerte au marché immobilier. Or les lois du marché ne peuvent avoir d’autres soucis que le profit. La deuxième raison est propre aux pays du Sud pour qui l’urbanisation répond au besoin de « rattraper la modernité ». Devenir moderne c’est en réalité répondre aux standards internationaux. Et le coût de cette modernisation c’est la destruction de la pluralité des formes d’occupation et de gestion de l’espace. Ainsi, lorsque l’on évoque les bidonvilles au Maroc, on se refuse de les penser comme une forme urbaine, ils sont rejetés au rang d’une réminiscence d’une ruralité non tolérable dans les villes modernes. Les bidonvilles sont « sales », ils font « tache », leurs habitants sont souvent décrits comme des « microbes ». L’habitat informel, selon bon nombre de discours publics serait ainsi « le cancer des villes marocaines ». Les conséquences de ce type de discours éradicateur c’est qu’au Maroc, on ne parle plus de « restructuration », mais de « recasement » des populations. C’est ainsi que l’on justifie la destruction forcée, c’est ainsi que l’on justifie la répression, et c’est ainsi que l’on crée des « Marocains Sans Patrie ».

    Des « Marocains Sans Patrie » : une dignité bafouée, des existences invisibilisées

    Les exclus du procès de modernité symbolisent l’échec de la démocratie, car il ne peut y avoir de démocratie sans pluralisme. Or le pluralisme ne peut se réduire à une multiplication des partis politiques, ou à une multiplication d’acteurs associatifs. Un pluralisme effectif doit se traduire matériellement dans la reconnaissance de l’égale légitimité et dignité de formes d’existences plurielles. Or aujourd’hui, au Maroc, non seulement nous sommes loin de reconnaître un « droit à la ville pour tous » mais nous sommes en train d’assister à la destruction du visage réel des villes et des campagnes au nom d’une injonction à l’urbain. Ainsi, la norme urbaine – élaborée par les hautes sphères – homogénéise par la violence les modes de vies. Par là même, elle participe à invisibiliser et à stigmatiser des modes d’existence qui sont propres à certains espaces. Ce mécanisme d’exclusion a laissé sur le banc de touche des milliers de marocains qui – pour reprendre les termes d’un habitant du Douar Ouled Dlim – se sentent « violés, colonisés », en bref, sans droit d’exister. Ce mode de fabrication de l’urbain n’est pas sans rappeler les politiques coloniales qui ont du, pour asseoir leurs légitimités, instaurer un système d’accaparement des terres légitimé par un arsenal juridique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si bien souvent dans les paroles recueillies, les habitants disent « l’Etat pratique sur nous une politique de colon ». En façonnant une nouvelle forme d’urbanité, le système colonial prolongé aujourd’hui par les politiques nationales, a créé ses indésirables : les marocains non modernes, ceux dont l’existence ne correspond pas aux schémas occidentaux. Les rejetés du système d’aujourd’hui ce sont eux les « Marocains Sans Patrie ». A la thématique Villes et Droits de l’Homme on aimerait poser la question : Quels Hommes, pour quelles villes ? 

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    date: 
    07/01/2015 - 20:08

    Soraya El Kahlaoui

    http://www.contretemps.eu/interventions/citoyennet%C3%A9-%C3%A9preuve-urbanisation-maroc-marocains-terre-%E2%80%93-marocains-patrie

  • Bagnolet Palestine

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  • célébrons la libération de kobanê le 27 janvier à rennes (akb)

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    Kobanê est enfin libérée de l’EIL !
    Kobanê a résisté !
    Kobanê a vaincu !

    Les Kurdes de Rennes vous invitent à fêter avec eux la victoire sur la barbarie :

    Toutes et tous à Rennes, place de la Mairie, le mardi 27 janvier à partir de 19 h pour célébrer la victoire de Kobanê !

    Amara – Maison du Peuple kurde
    Amitiés kurdes de Bretagne

    lundi 26 janvier 2015

    http://www.akb.bzh/spip.php?article907

  • Amel

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  • Béjaïa: Rassemblement anti-gaz de schiste (El Watan)

    L’opposition au très controversé projet d’exploitation du gaz de schiste dans le grand sud s’est renforcée d’un collectif dans la wilaya de Béjaïa. Il a tenu, hier matin, un rassemblement, au niveau de la place Said Mekbel, dans le chef-lieu de la wilaya.

    L’initiative regroupe le Parti socialiste des travailleurs (PST), le Mouvement démocratique et social (MDS), la Ligue algérienne des droits de l’homme (LDDH), le Café littéraire de Béjaïa, le Rassemblement-action-jeunesse (RAJ), le collectif Ithrane et des militants anti-gaz de schiste de tous bords, dont beaucoup d’étudiants.

    Des pancartes arborant des slogans contre le projet tels que «Pour l’arrêt immédiat de l’exploitation du gaz de schiste», «Sahara vendu», ou encore «Béjaïa-In Salah, un seul combat», ont été brandies par les manifestants. L’action a été accompagnée d’une prise de parole, à travers laquelle chacun a essayé d’expliquer les tenants et les aboutissants de l’exploitation du gaz de schiste et pourquoi il faut surseoir à ce projet. Pour le PST, «c’est la crise du capitalisme qui est à l’origine de tout ce qui nous arrive aujourd’hui.

    Cet affolement des pouvoirs publics pour l’exploitation coûte que coûte de cette énergie nuisible et point urgente obéit aux injonctions des multinationales et du marché mondial. In Salah a besoin d’emplois, d’usines et d’agriculture, ce dont on a besoin aujourd’hui est un débat populaire et non un débat d’experts, car ces derniers sont au service de l’impérialisme», objectera Kamel Aissat, cadre du parti. De ce fait, «l’affaire concerne tous les Algériens, et Béjaïa et In Salah sont unis dans ce combat», dira Kamel Aissat. Dans le même ordre d’idées, M. Ikken, représentant du MDS estime que «tout en Algérie se fait à contre-courant de la volonté du peuple et par soumission à l’impérialisme», citant «l’imposition» du 4ème mandat de Bouteflika etla loi sur les hydrocarbures comme exemples de «violation» de la souveraineté et de la volonté du peuple.

    Hocine Boumedjane, représentant local de Ligue algérienne des droits de l’homme a, lui aussi, plaidé pour «un débat national et populaire autour de la question du gaz de schiste», tout en témoignant «la solidarité des citoyens de la wilaya de Béjaïa à leurs frères d’In Salah dans leurs combat visant à avorter le projet d’exploitation de gaz de schiste». Même son de cloche chez tous les acteurs anti-gaz de schiste qui se sont succédé au micro, avec à l’appui des arguments écologiques. Pour la continuité du mouvement, les participants à l’action vont se réunir prochainement pour s’entendre sur des actions à venir, informe Kamel Aissat.

    M.H.Khodja

    http://www.elwatan.com/actualite/bejaia-rassemblement-anti-gaz-de-schiste-25-01-2015-285910_109.php

    Lire aussi: http://www.elwatan.com/regions/kabylie/bajaia/bejaia-pour-une-nouvelle-politique-economique-et-energetique-propre-24-01-2015-285816_143.php

    Commentaire: Brest aurait du être jumelée avec Béjaia, mais...

     

  • Gaz de schiste : Nouvelle marche à In Salah (El Watan)

    Une nouvelle manifestation a été organisée ce matin à In Salah ou la population a réitéré sa mobilisation devant le siège de la daïra avec une marche qui a sillonné la ville avant de revenir au point de départ.

    Les tentatives de scission du groupe se multiplient dés lors que le gouvernement a décidé de pousser au pourrissement en lançant coup sur coup sa machine de communication institutionnelle multipliant les effets d’annonces et les discours contradictoires pour banaliser cette mobilisation citoyenne qui se tient depuis le 31 décembre 2014 en toute pacifisme à In Salah.

    Abdelkader Bouhafs, figure de proue de ce mouvement anti fracking a réagis à cette campagne en expliquant que les voix appelant à changer de mode opératoire, voire laisser tomber la manifestation non stop en libérant les gens, ont été convaincues de tenir le coup. « Vendredi soir, tout a repris » dit-il. Hacina Zegzeg, autre activiste du mouvement estime pour sa part que « les différends se sont apaisés d'eux mêmes.

    La tension est vive et il y a parfois des clash qui sont inévitables d’autant plus que ces avis contradictoires existent depuis le début du mouvement et se sont toujours exprimés en toute démocratie, se plaint à l’avis de la majorité ».

    Or, malgré un retour progressif à la vie normale, la volonté de continuer le combat semble prendre le dessus. Après une marche de réchauffement ce dimanche, In Salah s’apprête donc à lancer une nouvelle Milyonia demain.    

    Oran solidaire

    Samedi matin, une quarantaine de citoyens d’Oran ont investi le square Port Saïd sur le Front de mer brandissant des pancartes contre le gaz de schiste. Des universitaires, des leaders du mouvement associatif et autres activistes ont répondu à l’appel lancé en fin de semaine via les réseaux sociaux pour un rassemblement pacifique contre les risques du gaz de schiste et en soutien aux manifestants du Sud. Ferhat Firas, représentant du Collectif des Citoyennes et Citoyens d’Oran et initiateur de l’initiative a interpellé la population sur les dangers du gaz de schiste, parlant franchement « d’une catastrophe écologique et d’une menace pour les  générations futures. ».

    Les manifestants se sont proclamés solidaires avec In Salah et les forces vives du sud anti gaz de schiste et appellent à mener une sensibilisation plus active pour mobiliser la société à cet effet.  Jeudi, une conférence sous le thème «Le gaz de schiste en Algérie; de la définition aux enjeux géostratégiques» a été animée par le Dr Moussa Kacem, Maître de Conférences à l’Université d’Oran, Expert en Environnement, Expert en mines et carrières.

    En  2011, cet universitaire a été l’un des premiers universitaires à alerter  l’opinion publique contre le gaz de schiste en lançant une pétition. Intervenant à la suite d’une vidéoconférence animée par le géologue Saadallah Abdelkader exerçant en Norvège a donné un aperçu sur les différents types de roches schisteuses avant de conclure que l’exploitation de ce gaz non conventionnel menace le Sahara.

    Le Dr Kacem a pour sa part fait part du manque de maîtrise des techniques d’exploitation du gaz de schiste dans notre pays, pour lui l’Algérie n’a ni les moyens, ni le savoir nécessaires pour la récupération des eaux issues de la facturation  hydraulique qui use de produits chimiques très toxiques et aux propriétés cancérigènes. Le Dr Kacem relèvera les pouvoirs publics et Sonatrach ont « fermé le jeu » ; il s’est dit sceptique à propos d’un changement de position.

    Solidarité tranfrontaliere

    Le collectif Algeria Solidarity Campaign (ASC) basé en Angleterre a brassé des voix à travers trois continents grâce à la co-signature d’un communiqué collectif avec plus de 80 organisations d'Afrique, d'Europe et d’Amérique apportant soutien et solidarité à la résistance de la population d’In Salah.

     « Nous, citoyennes et citoyens d’Europe et d’ailleurs, résolument opposés à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste, et de tous les hydrocarbures non conventionnels, exprimons notre très forte solidarité aux habitants d’Ain Salah et aux acteurs sociaux locaux en Algérie qui, depuis le  31 décembre, sont en résistance active contre la coalition des entreprises TOTAL, PARTEX et SONATRACH » lit-on sur le communiqué.

    Rappelant les résultats néfastes des essais nucléaires français en Algérie, ce collectif dénonce « l’hypocrisie du gouvernement français depuis la déclaration de Laurent Fabius en juin 2014, apportant son soutien aux entreprises françaises qui iraient explorer le gaz de schiste ailleurs, alors que la fracturation hydraulique est interdite en France. ».

    Ce collectif salue « l’exemplarité de la détermination des habitants d’In Salah, confrontés depuis toujours à des conditions de vie très difficiles, leur combat existentiel et leur intransigeance à vouloir préserver leur territoire et leurs nappes phréatiques, alors que rien n’est fait par les autorités algériennes pour les aider à maintenir leurs activités. »

     

    Houria Alioua le 25.01.15 | 15h34

    http://www.elwatan.com/regions/sud/ouargla/gaz-de-schiste-nouvelle-marche-a-in-salah-en-prevision-d-une-milyonia-25-01-2015-285912_259.php

  • Tunisie. La question sociale, la pauvreté des jeunes et les salafistes (A l'Encontre.ch)

    Abderrahmane Hedhili (au centre)

    Abderrahmane Hedhili (au centre)

    Entretien avec Abderrahmane Hedhili
    conduit par Alain Baron

    Sur le plan économique et social quelles sont les différences entre les deux partis arrivés en tête lors des élections de la fin 2014 ?

    En ce qui concerne le contenu du programme économique et le modèle de développement, il n’y a pas de différence entre Nidaa Tounès (représenté par le Président Béji Caïd Essebsi) et Ennahdha. Ce sont deux partis libéraux. La seule différence entre eux concerne des institutions religieuses ayant une activité économique où Ennahdha est encore plus réactionnaire.

    Quelle va être la différence entre la politique économique et sociale du futur gouvernement et celle qui était menée précédemment?

    Je pense qu’il n’y aura pas de différence. En effet, je pense qu’ils ne vont pas faire de réforme sur le plan économique, à par peut-être quelques petites retouches. Ils ne vont pas faire de rupture avec le modèle de développement existant depuis Ben Ali [avec la fonction de Président depuis novembre 1987 au 14 janvier 2011]. Ce modèle a été poursuivi par tous les gouvernements qui lui ont succédé. Ils disent qu’il faut des réformes, mais en réalité, ils ne vont en faire aucune.

    Quelles vont être les réactions du monde du travail ?

    Il faut distinguer deux grandes catégories :

    • Il y a, d’une part, les plus précaires comme ceux qui travaillent sur les chantiers et dont beaucoup gagnent moins que le SMIC, ou encore les diplômés chômeurs, et les chômeurs non diplômés dont on parle peu mais qui sont beaucoup plus nombreux.

    Cette catégorie ne va pas rester les bras croisés. Ils ont attendu depuis quatre ans dans l’espoir d’une feuille de route prenant en considération leur situation. Mais il n’y a rien eu.

    • Il y a, d’autre part, les salariés ayant un emploi stable dans les différents secteurs. Ils sont aujourd’hui très touchés par la détérioration de leur pouvoir d’achat. Ils sont vraiment en train de s’appauvrir. Leur priorité est le pouvoir d’achat, le coût de la scolarisation des enfants puis de l’aide à leur apporter ensuite lorsqu’ils sont diplômés-chômeurs, etc.

    Cela est manifeste au niveau du taux de participation aux grèves. Auparavant, on atteignait des chiffres entre de 60 % et 90 %. Maintenant, c’est souvent 100 %, comme chez les enseignants ou dans les transports. Jamais les taux de grévistes n’ont été aussi élevés.

    Si le futur gouvernement ne donne pas un message fort sur les grands dossiers d’ordre social, il n’y aura pas de stabilité dans ce pays.

    Quelles autres conséquences a le développement de la pauvreté ?

    Je suis étonné par le fait que dans tous les discours du gouvernement actuel et du nouveau Président, il y a une question liée à la pauvreté qui n’est jamais abordée. Il s’agit de celle des jeunes salafistes. Personne n’en parle. Ils sont nombreux, plus que 100 000. Je ne parle pas de ceux qui ont pris les armes et sont passés au terrorisme. Je parle des jeunes qui sont au début du parcours.

    Avons-nous un programme d’ordre social, économique, culturel? Comment aborder cette question? Ni le gouvernement, ni l’opposition, ni la société civile, personne. Les salafistes sont très actifs parmi la jeunesse dans les quartiers populaires.

    Parce que malheureusement, nous, la gauche. nous devrions être présents dans ces quartiers, mais nous avons cédé la place aux islamistes.

    Le FTDES (Forum tunisien des droits économiques et sociaux) est en train d’écrire une étude faisant le lien entre le terrorisme et la question sociale. Nous avons également rendu public une étude sur l’augmentation des suicides.

    Quel autre axe de mobilisation te paraît-il important ?

    L’environnement n’est plus une préoccupation n’intéressant que les élites. Ce thème touche également une partie importante de la population, comme par exemple le problème des déchets sur l’île de Djerba, la pollution dans la baie de Monastir, celle des usines à Gabès, et bien entendu dans le bassin minier.

    Le 6 et le 7 février, se tiendra une rencontre à ce sujet en Tunisie. L’environnement sera un thème important lors du Forum social mondial qui se tient fin mars 2015 à Tunis. (Propos recueillis le 16 janvier 2015)

    Publié par Alencontre le 25 - janvier - 2015

    Abderrahmane Hedhili est un des principaux animateurs du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), une association tunisienne dont les thématiques sont le droit du travail, le droit des femmes, les droits environnementaux et les droits des migrants. http://ftdes.net/ Le FTDES est prioritairement tourné vers les populations les plus en difficulté et peu organisées. Il coopère notamment avec l’UGTT (Union générale tunisienne du travail) et diverses associations tunisiennes. Le FTDES constitue naturellement la colonne vertébrale de l’organisation des forums sociaux en Tunisie.

    http://alencontre.org/moyenorient/tunisie/tunisie-la-question-sociale-la-pauvrete-des-jeunes-et-les-salafistes.html

  • Sous le couvercle de la dictature, un pays toujours en ébullition (Npa)

    Bien des commentateurs limitent leur vision de l’Égypte à la répression du régime militaire de Sissi et en déduisent que la révolution est morte.

    Or, si cette répression est bien réelle et d’une brutalité inouïe, c’est parce que la révolution continue à travailler en profondeur et que le pays réel échappe de plus en plus au pouvoir.

    Cette violence spectaculaire, parce qu’elle dure sans discontinuer depuis un an et demi, témoigne moins de la force du régime que de ce qu’il fait face à des vagues incessantes de contestation qu’il n’arrive pas à briser, tout juste à contenir.

    Vu d’ici, on aurait tendance à ne voir que les condamnations de militants, les procès à grand spectacle où plus de 600 Frères Musulmans ont été condamnés à mort (encore 188 début décembre). On voit également que le régime a emprisonné plus d’opposants en un an et demi que celui de Moubarak durant toute son existence ; que les droits de grève et de manifestation sont quasi supprimés, que les manifestants sont battus, arrêtés, torturés, condamnés, emprisonnés ; qu’ils ont été plusieurs centaines cet automne, dans les prisons et en dehors – encore maintenant –, en grève de la faim pour exiger la libération des prisonniers politiques, la suppression des tribunaux militaires, l’abrogation des lois répressives ; que bien de ces militants et d’autres sont morts ou en voie de mourir ; que la presse est censurée, les journalistes poursuivis et des partis interdits ; et, pour couronner le tout, que le 29 novembre, Moubarak, ses deux fils, son ministre de l’Intérieur et six autres personnalités du régime renversé par la révolution ont été acquittés par un tribunal.

    Tout cela est vrai et mérite notre indignation, nos protestations les plus vives, notre solidarité la plus  active avec les militants égyptiens. Mais ce que l’on voit moins, c’est à quoi tente de répondre cette répression : l’incessante agitation contestatrice des Egyptiens, qui ne cesse de gagner en profondeur et en ampleur. 

    Le pays a connu plus de grèves de travailleurs ces deux dernières années que pendant la décennie ayant précédé la révolution de janvier-février 2011. La question sociale a dominé la scène égyptienne sous Sissi en février et mars 2014, lorsqu’un mouvement  de grève d’ensemble pour l’élargissement et l’augmentation du salaire minimum de la fonction publique, allant de l’industrie textile à l’industrie métallurgique en passant par cent autres professions, y compris du commerce, a fait tomber le premier gouvernement de Sissi. Sous la dictature !

    Ce mouvement s’est de plus donné deux coordinations indépendantes des appareils syndicaux avec, pour la première fois dans l’histoire de cette révolution, un large programme national ouvrier répondant aux principaux problèmes sociaux du pays, de la nationalisation du secteur productif  jusqu’à une forte augmentation du budget de la santé et l’exigence de « dégager » tous les petits Moubarak du haut en bas de l’appareil d’Etat et de l’économie.

    Grèves et manifestations interdites, mais omniprésentes

    C’est l’apparition de ces coordinations qui a poussé Sissi à se présenter aux élections présidentielles de mai, pour détourner le mouvement de grèves vers une voie de garage électorale. Mais en août et septembre, un mouvement se déclenchait dans les secteurs les plus pauvres et les moins organisés de la classe ouvrière pour exiger des augmentations de salaires ; le gouvernement cédait, en particulier aux ouvriers des briqueteries qui représentent plus de
    500 000 salariés. Et fin novembre,  ce sont les 11 000 ouvriers des aciéries d’Helwan, un secteur emblématique du monde du travail, qui reprenaient la lutte (voir ci-contre).

    En octobre, les étudiants manifestaient en nombre contre la « sécurisation » policière des universités. En novembre, les organisations paysannes menaçaient d’une grève de la production agricole – toujours d’actualité – pour l’annulation de leurs dettes et un bon système de santé. Des femmes, massivement depuis des mois, enlèvent leur voile, multiplient les selfies de dévoilement sur internet, ouvrent des sites de témoignages, dénoncent leur oppression et la religion. Dans la rue, les spectacles et sur  internet, l’athéisme jaillit et s’affiche.

    Les manifestations et les grèves sont interdites, mais il y en a tous les jours. Les partis révolutionnaires comme le « Mouvement du 6 avril » sont interdits, mais celui-ci tient des conférences de presse. L’athéisme est interdit mais les groupes athées se multiplient. L’oppression des femmes, à la base de cette société patriarcale, vole en éclats. La société craque dans toutes ses coutures, la place Tahrir a pénétré tous les foyers. La question sociale va marquer la période à venir.

    Jacques Chastaing

     
  • La portée de la grève à l’aciérie géante d’Helwan (Npa)

    Les 11 000 travailleurs de la Compagnie des Fers et Aciers d’Helwan sont entrés en grève avec occupation samedi 22 novembre 2014 pour exiger, principalement, le paiement de leurs « bonus » (une participation aux bénéfices), le limogeage de leur directeur et la réembauche des ouvriers licenciés précédemment, notamment lors de la grève de décembre 2013 ; ensuite, pour dénoncer la gestion calamiteuse de l’entreprise nationale.1

    Cette grève est importante par le nombre de salariés de cette entreprise, la puissance symbolique de cette usine géante de la métallurgie et sa situation dans une banlieue populaire du Caire de plus de 600 000 habitants. Mais sa portée va bien au-delà, socialement et politiquement. 

    Une portée sociale qui dépasse largement l’entreprise

    La grève d’Helwan a démarré parce que lors de « l’assemblée générale » (assemblée de bilan annuel qui réunit direction, syndicats et salariés) la direction n’a annoncé que de lourdes pertes sans déclarer de bénéfices, alors que la loi « oblige » les directions des entreprises nationales à accorder des « bonus » aux salariés en fonction de ces bénéfices. Or ces « bonus » représentent pour les ouvriers des sommes importantes qui peuvent aller de un à deux mois de salaire, parfois plus.

    On comprend que les salariés soient en colère. Non seulement ces prétendues pertes suppriment une bonne partie de leurs revenus mais elles servent d’excuses pour exiger plus d’effort au travail et licencier un certain nombre de salariés. De plus, le Center for Trade Union and Workers’ Services (CTUWS) a déclaré que ces pertes étaient factices et n’avaient pour but que de préparer une privatisation à bas coût. Les travailleurs dénoncent ainsi le fait qu’un des quatre haut-fourneaux de l’usine ne marche pas faute d’approvisionnement suffisant en charbon. Alors, disent-il, s’il y a vraiment des pertes, c’est soit volontaire, soit du fait de l’incompétence de la direction et dans les deux cas, elle doit être « dégagée ».

    Les travailleurs ont bien des raisons d’être méfiants, car déjà l’an passé, comme depuis dix ans, l’entreprise n’a annoncé que des pertes, ce qui avait déjà occasionné une grève en décembre 2013 pour les mêmes revendications qu’aujourd’hui et, à cette occasion, une volée de promesses du pouvoir... non tenues. Par ailleurs, la colère des salariés est aussi fortement alimentée par le fait que le leader de la grève de 2013, Ayman Sobhy Hanafy, s’est suicidé en se jetant dans le Nil, après être tombé en dépression suite à son licenciement par la direction, sans que cette dernière ne lui ait accordé dédommagements et pension.

    Mais au delà des problèmes de cette entreprise, ce qui fait de cette grève une question d’ordre nationale est que les problèmes qu’elle soulève sont aussi ceux de la plupart des autres entreprises industrielles publiques, qui n’annoncent bien souvent que des pertes. Cela implique qu’elles ne donnent pas de « bonus » – c’est-à-dire baissent les salaires –, tournent à mi-production, donc restructurent, ferment des ateliers moins « rentables », augmentent la productivité, licencient et préparent ainsi probablement leur privatisation. Toute la politique du gouvernement actuel – comme d’ailleurs des gouvernements précédents depuis 2004 – va dans le sens de cette préparation d’une nouvelle vague de privatisations. 

    Or ce secteur des entreprises industrielles nationalisées, avec au centre les usines géantes de la métallurgie et du textile, représente à lui seul 250 000 salariés, dont bien des « assemblées générales » sont à venir.

    Une grève qui en prolonge d’autres

    Par ailleurs, cette grève suit deux mouvements importants des ouvriers et en accompagne un autre, celui des étudiants.

    En février et mars 2014, un vaste mouvement de grève des salariés de l’industrie publique pour l’extension à leur secteur de la hausse du salaire minimum accordé aux fonctionnaires d’Etat, entraîné par les ouvriers de l’industrie publique du textile, avait été à l’origine de la chute du gouvernement d’alors. Cela avait provoqué la candidature précipitée de Sissi aux présidentielles de fin mai. En effet, ce dernier avait estimé, devant l’urgence sociale, que les élections présidentielles et son cortège de promesses était le meilleur moyen pour détourner les aspirations ouvrières.

    Cela lui avait réussi puisque, soutenu par tous les appareils syndicaux nationaux, anciens ou nouveaux, et la majeure partie de la gauche nassérienne, stalinienne ou social-démocrate, il était ainsi parvenu à mettre fin à la grève. Depuis, il s’était dépêché de tenter de briser toutes les libertés d’expression, de manifestation et de grève, par une répression d’une violence extrême. 

    Cependant, déjà en août puis début septembre, après le mois du ramadan, une deuxième vague de grèves avait resurgi dans le pays, venant exiger de Sissi qu’il honore ses promesses, avec notamment la grève victorieuse des ouvriers des briqueteries.

    Toutefois, ces grèves ne touchaient le plus souvent que les secteurs les plus pauvres et les moins organisés de la classe ouvrière égyptienne. Un peu comme s’il fallait du temps aux secteurs les plus organisés et militants pour digérer la trahison de tous leurs représentants syndicaux et politiques nationaux, qui soutiennent ou ont soutenu Sissi. Ou encore du temps pour revenir de leurs illusions, pour ceux, à la base, qui avaient pu être séduits par les promesses du candidat Sissi. Celui-ci, en effet, aimait à se présenter sous les couleurs de la démagogie nassérienne.

    Avec la grève de l’aciérie d’Helwan, on assiste à une nouvelle étape des luttes de l’après présidentielle, car c’est bien à nouveau le cœur de cette classe ouvrière organisée qui remonte sur la scène sociale. Et ce sont les exigences et souvenirs de la fin de la grève de février-mars qui pourraient bien refaire surface. A cette date, une douzaine de grandes entreprises industrielles publiques fraîchement privatisées s’étaient coordonnées pour exiger leur renationalisation, avec notamment déjà cette question des « bonus » au centre des préoccupations des salariés. En même temps et en association, une coordination nationale de différents secteurs du public en grève avait vu le jour, avec un large programme social reprenant les principales revendications populaires du moment. Il va donc sans dire que le cœur de la classe ouvrière égyptienne regarde avec attention ce qui se passe là, et bien des militants expliquent qu’il ne faut pas laisser ceux d’Helwan seuls. 

    La contestation étudiante

    Par ailleurs, la rentrée universitaire, le 11 octobre, a été marquée par un fort mouvement de contestation de la politique sécuritaire du gouvernement par les étudiants, et cela jusqu’à début novembre. 

    Démarré autour de la remise en cause des mesures de sécurité sur les campus prises par le gouvernement et confiées à une société privée, Falcon Security, les manifestations étudiantes se sont vite étendues à toutes les mesures interdisant toute organisation et activité politiques dans les universités. Puis, avec la répression du mouvement qui a occasionné des centaines d’arrestation et de condamnations, provoqué des centaines de blessés et plusieurs morts, les manifestations sur la majeure partie des universités se sont élargies à la dénonciation de la politique du « tout répression » des autorités militaires égyptiennes. 

    Mais le mouvement s’est peu à peu éteint, du fait de cette violente répression, mais aussi de l’action des Frères musulmans. Particulièrement implantés en milieu étudiant, ils ont en effet cherché à parasiter ce mouvement et à le détourner vers leurs revendications propres où ils mêlaient la dénonciation de la violence du régime mais aussi de sa légitimité au profit de celle de Morsi, seul à avoir été élu démocratiquement selon eux. 

    Le pouvoir s’est appuyé sur cela pour accuser le mouvement des étudiants d’être au service des Frères musulmans ou manipulé par eux. Dans un climat où le pouvoir mène une véritable guerre contre le terrorisme islamiste dans le Sinaï et s’appuie sur cette guerre pour légitimer toutes les mesures de répression, les étudiants n’ont pas su, du fait notamment de leurs revendications uniquement démocratiques, se différencier suffisamment des Frères musulmans. Dés lors, beaucoup d’entre eux ont préféré renoncer plutôt que d’être confondus avec ceux qu’ils avaient contribué à faire tomber en juin 2013.

    Or les ouvriers grévistes d’Helwan, de leur côté, ont su trouver une solution à ce problème en refusant clairement et démonstrativement refusé tout soutien de la part des islamistes.

    Une double portée politique

    Dans cette entreprise nationalisée, le gouvernement et sa politique sont directement la cible de la grève. En exigeant la démission du directeur de l’entreprise, en rappelant les revendications et le mouvement de février-mars, cette grève fait resurgir les origines de la révolution née dans les années 2004-2005, lors du « gouvernement des milliardaires » et quand ceux-ci privatisaient à tout de bras. Bref, elle continue à faire vivre la révolution en rappelant ses exigences : la justice sociale mais aussi le fait de dégager non seulement le sommet de l’Etat, Moubarak, mais encore tous les « petits Moubarak », à tous les niveaux de l’appareil d’Etat ou de l’économie. 

    Mais cette grève rappelle aussi, dans cette période où le « djihadisme » barbare semble séduire jusqu’à quelques jeunes occidentaux, que les Frères musulmans ne représentent pas cette révolution, qui s’est faite aussi contre eux et leur obscurantisme. Elle est donc encore politique pour cela, en affirmant que face aux barbaries militaires et religieuses, il y a une troisième voie, celle de la classe ouvrière, c’est-à-dire de la civilisation.

    Contre cette grève, le gouvernement a manié comme à son habitude les menaces et les promesses, la carotte et le bâton. D’une part, le premier ministre Ibrahim Mehleb a promis qu’il répondrait positivement aux revendications des travailleurs lundi 1er décembre en résolvant le manque d’approvisionnement énergétique de l’usine et en investissant dans l’entreprise. Mais les salariés n’y croient plus ; cela avait été les mêmes promesses l’an passé et rien n’a été fait. Aussi, les travailleurs ont déclaré que si rien n’était fait ce lundi, ils durciraient leur mouvement. D’autre part, quinze des dirigeants de la grève ont été menacés d’arrestation et d’être poursuivis devant le procureur militaire pour « obstruction à la production, sabotage et atteinte à l’économie nationale. » Un des dirigeants de la grève, Mohamed Abdel Maqsoud, a déclaré qu’ils avaient reçu la visite d’officiers de haut-rang les menaçant de les accuser d’être des fauteurs de troubles, au service des gangsters et membres des Frères musulmans !

    Or le gouvernement égyptien ne plaisante pas. Plus d’un militant a déjà été arrêté, torturé et condamné ces derniers temps. Et le ministre de l’Investissement a clairement affirmé, sur l’un des canaux TV satellite : « nous sommes dans un état de guerre, et nous allons agir avec les travailleurs et les entreprises comme le fait l’armée avec le terrorisme. » Le porte-parole de la direction de l’entreprise a lui-même déclaré que la grève n’était pas économique ou sociale mais avait des buts politiques, en expliquant qu’elle aurait reçu le soutien des Frères musulmans et en proclamant mensongèrement que les travailleurs avaient incité l’opinion publique à participer à leurs manifestations du 28 novembre ainsi qu’à celles du Front salafiste, quand ces derniers ont appelé à une révolution islamique en prédisant des millions de manifestants dans les rues.

    L’évolution des Frères musulmans

    Or ces manifestations à hauts risques témoigne d’une double évolution des Frères musulmans. En effet, en septembre, ceux-ci ont manifesté la volonté d’élargir leurs revendications identitaires religieuses à des revendications sociales, avec des appels à une révolution de la faim. Mais depuis, les succès militaires de Daesh en Syrie et Irak ont fortement pesé sur une partie de leurs fidèles, notamment depuis que le groupe islamiste le plus important en lutte dans le Sinaï – Ansar Beit Al-Maqdis – s’est publiquement affilié à l’Etat Islamique. Depuis octobre, on voit dans les cortèges des Frères musulmans des drapeaux de Daesh, dont les slogans y sont aussi scandés.

    Un Front salafiste s’est créé en jouant de cette tendance, dépassant très rapidement en influence Al Nour, le principal groupe salafiste jusque-là (mais qui soutient Sissi) et menaçant le crédit et le prestige des Frères musulmans.

    Les manifestations du 28 novembre, qui se donnaient l’objectif d’une « nouvelle révolution », mais de la « jeunesse islamiste », avaient été appelées par ce nouveau Front salafiste et rejointes peu après par les Frères musulmans, qui craignaient d’être doublés sur ce terrain de la radicalité identitaire. Les Frères musulmans vont ainsi un coup à gauche, un coup à droite, mêlant aux revendications sociales les idées les plus réactionnaires et rétrogrades.

    Face à la radicalisation islamiste, le pouvoir a déclaré que ce serait la dernière manifestation « autorisée » des Frères musulmans et annoncé une répression féroce contre tous les terrorismes, Sissi élargissant ces jours-ci la notion aux crimes contre l’économie. Finalement, les manifestations du 28 novembre n’ont été suivies que par quelques centaines de personnes dans quelques villes. Les rues étaient vides. Les chars bien présents en ont certainement dissuadé plus d’un. Quoi qu’il en soit, l’ascendant de Daesh ne prend pas aujourd’hui en Egypte. Par contre, le pouvoir s’est servi du danger qu’il a amplifié pour justifier ses atteintes aux libertés. Mais cette sur-réactivité répressive du pouvoir démontre l’inverse de ce qu’il voudrait, à savoir qu’il n’est pas capable de garantir la stabilité, la sécurité et la paix.

    Une seule véritable polarisation

    Dans ces conditions – qui rappellent, en changeant ce qu’il faut changer, le dilemme des forces révolutionnaires en Allemagne en 1931-1932, lorsque les nazis appelaient à descendre dans la rue pour des revendications sociales –, les travailleurs de l’aciérie ont décidé de suspendre leur grève deux jours, les 27 et 28 novembre, pour bien montrer qu’ils n’ont rien à voir avec les Frères musulmans. Le gouvernement a cru pouvoir s’engouffrer dans cette brèche en proposant des négociations mais en ne cédant que partiellement aux revendications. C’est pourquoi la grève a repris le 5 décembre  – et se poursuivait toujours dix jours plus tard.

    Le mouvement des ouvriers d’Helwan aurait certainement la capacité de coordonner autour de lui toute une série de mouvements du même type, mais aussi la contestation diffuse sur les questions de santé, ou plus généralement contre les privatisations. En même temps, sa tactique vis à vis des Frères musulmans pourrait servir d’exemple au mouvement paysan qui menaçait lui-même le pays d’une grève de la production agricole en novembre mais qui y a renoncé  – à l’occasion d’attentats mi-novembre – par crainte d’être accusé de terroriste.

    Par ailleurs, on a vu peu après le début de la grève d’Helwan, début décembre, les travailleurs de Tanta Lin, une des entreprises emblématiques des luttes de ces dernières années, publier un manifeste pour les nationalisations et contre la privatisation, demandant à tous les salariés dans des situations semblables de faire de même et de rejoindre leur combat.

    Enfin, ce mouvement montre la voie d’une politique indépendante aux plus honnêtes des militants du mouvement étudiant de ces dernières semaines, qui n’arrivaient pas à se différencier des Frères musulmans. Il indique à ces étudiants que la solution pour eux est dans le succès des travailleurs et donc dans la recherche de leur alliance, par l’élargissement de leurs revendications démocratiques à une véritable démocratie sociale.

    Les ouvriers d’Helwan montrent enfin à toute la population qu’il n’y a pas de bipolarisation de la situation politique en Egypte entre l’armée et les Frères musulmans mais au moins une tripolarisation, ou alors une seule polarisation véritable entre possédants et exploités, opposition valable et compréhensible pour toute la planète.

    Jacques Chastaing

    Notes :

    1 Cet article, qui est repris du site A l’Encontre, a été actualisé par l’auteur pour sa publication dans L’Anticapitaliste.

    http://npa2009.org/idees/la-portee-de-la-greve-lacierie-geante-dhelwan

  • Dilem Liberté (Algérie)

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