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Révolutions Arabes - Page 48

  • Alep, le XXI° siècle et la gauche du XX° siècle. (La Sociale)

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    Ces jours de fin 2016 début 2017 resteront sans doute comme un moment d'inflexion historique globale, dans le basculement du capitalisme mondial vers une crise destructrice aggravée.
     
    On lit parfois que le XXI°siècle serait, avec un décallage de 17 ans, en train de commencer, beaucoup d'historiens ayant pareillement fait commencer le XX° en 1914 voire en 1917.

    De fait, les cassures n'ont déjà pas manqué depuis le commencement du XXI° siècle proprement dit :

    - 11 septembre 2001, les crimes de masses de la multinationale islamiste al-Qaida à New York et Washington inaugurent le grand bond en avant militaire, financier et pétrolier des années Bush ;

    - 15 septembre 2008, la faillite de Lehman Brothers et le crach boursier, quelques semaines avant l'élection d'un président noir aux Etats-Unis, sont l'aboutissement de cette fuite en avant et la crise désormais s'installe, financière et économique et donc aussi sociale, mais aussi environnementale ;

    - 17 décembre 2010, le suicide par le feu du jeune Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid dans le Sud pauvre de la Tunisie, qui meurt quelques jours plus tard, lance la vague de manifestations que l'on appellera le "printemps arabe" et qui iront au delà de la Tunisie et y compris du monde arabe ;

    - 22 décembre 2016, l'écrasement et la déportation des habitants d'Alep Est par les forces russo-iraniennes, quelques semaines aprés l'élection du milliardaire Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, qui doit être investi le 20 janvier prochain, annoncent de l'avis général des commentateurs patentés l'avènement d'une "nouvelle géopolitique", dont ils avouent souvent qu'ils ne l'avaient pas anticipée, alors qu'elle est nettement dessinée depuis quelques années déjà, et qu'ils sont bien en peine de dire en quoi elle va consister exactement.

    La faiblesse de la plupart des commentateurs patentés ne tient pas à leur degré d'information, très élevé, mais à la carence d'analyses qui, structurellement, ne veulent pas voir que la lutte des classes, quand bien même est-elle souvent inconsciente voire masquée, joue un rôle absolument moteur dans les dynamiques globales, avant celui de la géopolitique traditionnelle, qui a son importance, mais sur cette base là et non par elle-même.

    Dans l'enchaînement de ces dates charnières à la fois réelles et symboliques la plus importante est en effet celle du 17 décembre 2010, et s'il fallait choisir le moment de ce fameux "vrai début" du XXI° siècle alors je choisirai celle-ci.

    L'impérialisme nord-américain s'est trouvé dans une situation d'hypertrophie artificielle et trompeuse, en fait de déséquilibre, à la suite de l'implosion du bloc soviétique et de l'URSS qui, contrairement à l'idéologie de ses partisans comme de ses adversaires, n'a pas été produite par lui, mais par les luttes sociales, démocra- tiques et nationales à l'intérieur de ces pays qui n'avaient jamais été "communistes". Cette surexposition a accru ses contradictions alors que le marché mondial voyait arriver une nouvelle puissance capitaliste de premier plan, la Chine, et une autre puissance nouvelle, de second ordre économiquement parlant, la Russie. La fuite en avant des années Bush a tenté de nier ces contradictions et les a finalement accrues.

    Or dans ce monde en proie aux destructions croissantes, sociales, environnementales, culturelles, causées par un capitalisme total et général, c'est bien la chaine éruptive des explosions insurrectionnelles, qu'il est donc juste d'appeler des révolutions, ou plus exactement des ouvertures de révolutions, non refermées, qui se déclenche à partir de la Tunisie en décembre 2010-janvier 2011 – annoncées par le soulèvement contenu en Iran en 2009 -, c'est bien cela qui constitue "l'irruption violente des masses dans le domaine où se règlent leurs propre destinées" avec une dimension mondiale immédiate. D'où son importance.

    Or la majorité des courants politiques issus du XX° siècle ainsi que la conscience ordinaire de trop de militants de gauche et d'extrême-gauche se sont montrés tout aussi inaptes que les néolibéraux à saisir cette poursuite de la marche de l'histoire et à reconnaître "notre vieille amie, notre vieille taupe qui sait si bien travailler sous terre pour apparaître brusquement".

    Alors que les révolutions arabes, atteignant la dimension insurrectionnelle en Tunisie, Egypte, Libye, Syrie, Bahrein, Yémen, mais suscitant ou rejoignant en les marquant, des mouvements sociaux et démocratiques en Grèce, Espagne, Portugal, Israël et jusqu'au Wisconsin où les grévistes, au printemps 2011, occupent la place de Madison comme les Egyptiens leur place Tahir, alors que se produit tout cela, par contre, très vite, la croyance dans la manipulation, surtout lorsque ces révolutions ont affecté, tout autant que les vieilles dictatures "pro-occidentales", des régimes "progressistes" (Libye, Syrie), la méfiance envers les masses '("tout ce qui bouge n'est pas rouge", "derrière Facebook, Washington"), ont prévalu, pour finalement rejetter les mouvements de masse dans les tênèbres d'un "islamisme" qui est en réalité leur adversaire et leur est foncièrement étranger.

    Quand un pays européen, le premier en dehors du cas excentrique et particulier de l'Islande, a connu une crise révolutionnaire, elle ne fut pas reconnue, puisque c'était l'Ukraine et que le mouvement populaire s'y opposait à la puissance coloniale historique : la Russie. Bien au contraire la révolution était ici traitée de réaction fasciste, et la contre-révolution armée des milices payées par le premier capitaliste du pays, Rinat Akhmetov, et armées par la Russie, présentée comme une sorte de guérilla néosoviétique héroïque.

    En fait, si nous parcourons le monde à la recherche de mouvement sociaux de contenu démocratique et révolutionnaire pour lesquels ces couches militantes ont pu témoigner de la sympathie depuis trois décen- nies, il n'y a guère que l'Amérique latine : mais c'était non pas pour y appuyer directement les authentiques mouvements populaires de Bolivie ou d'Argentine, mais pour y acclamer les caudillos prétendant les représenter, les encadrer et allant jusqu'à les réprimer, à Caracas, La Paz ou Quito.

    Cette faillite intellectuelle et morale de couches assez larges reproduit au XXI° siècle le schéma contre-révolutionnaire de la division du monde en deux camps, celui de "l'impérialisme et de la guerre" contre celui du "socialisme et de la paix", comme disait Jdanov en 1948. L'antienne du "retour à la guerre froide" est d'ailleurs une banalité médiatique de la dernière période, mais elle est fausse et ne permet pas de comprendre le réel. Il est assez classique de voir les généraux d'une ancienne guerre aborder la nouvelle guerre comme ils pensaient avoir gagné l'ancienne, et la perdre. Ce mécanisme de pensée a atteint un stade qui relève de la psychologie collective en Europe occidentale et en Amérique du Nord et du Sud au cours de ces dernières années.

    La sensation stupide d'avoir été orphelins lorsque tombèrent le mur de Berlin et le bloc soviétique, parce qu'il n'y avait soi-disant plus de modèle (même mauvais), alors que c'était au contraire l'horizon qui se dégageait enfin par la mort de cet antimodèle repoussant, ce sentiment très répandu s'est immédiatement rabattu, pour ne pas avoir à penser la réalité concrète, sur la protestation contre les guerres nord- américaines, avant tout les deux guerres irakiennes de 1990-1991 puis de 2003, aux répercussions mondiales. Cette protestation était entièrement justifiée, mais elle devait être menée en saisissant l'avènement réel du nouveau alors que, le plus souvent, elle fut conduite sous la chanson maladive et rassurante de la répétition du même, empéchant de comprendre une réalité faite de lutte sociale mondiale entre prolétariat et capital, et non de mimiques de combat contre le seul "impérialisme américain" et le "sionisme".

    Les guerres de Bush, assujettissant ou contournant ONU et OTAN selon ses besoins, qui ont dominé la première décennie du XXI°siècle, ont pérennisé cet état figé de conscience. Qu'elles aient conduit précisément à une crise sans précédent de l'impérialisme nord-américain, et que cette crise n'a pas cessé de se développer, sous la triple pression des mouvements sociaux, aux Etats-Unis comme dans les pays arabes, du pourrissement financier ouvert ou latent, et de la montée d'autres puissances impérialistes, voila un élément qui n'entre pas dans la vision du monde répétitive et fétichiste des soi-disant "anti-impérialistes" qui assimilent l'impérialisme, et donc le capitalisme en général, à un seul Etat.

    Rien de ce qui s'est passé depuis 2008 n'a été intégré par eux, et tout ce qui se passe doit être classé à la rubrique du "on connaît déjà, c'est un coup de la CIA (ou du Mossad)".

    Et en deçà même de cet arrêt des compteurs à 2008, ils sont en fait bloqués sur le lendemain immédiat de la chute du bloc soviétique, quand ils ont cru qu'il ne fallait surtout rien faire d'autre que faire face au bombardement du monde par Washington, sans comprendre que les révolutions qui avaient fait tomber le mur de Berlin devait, souterrainement, cheminer aussi contre Washington.

    Finalement, cette vision du monde fétichiste et figée redécouvre avec un ravissement ouvert ou masqué un homme fort à l'Est, qui s'appelle Vladimir Poutine, et réinvente une "guerre froide" qu'on sent qu'elle souhaiterait moins froide, revivant fantasmatiquement les pires moments des années cinquante du vingtième siècle, même si ce n'était pas la même génération ! Mais ce n'est pas tout et, pire encore, il s'avère, et c'était prévisible, que la fausse conscience néostalinienne a commencé à fusionner avec la réaction traditionnelle, celle du fascisme, celle de l'intégrisme religieux et celle du néoconservatisme, la rhétorique des sites de l'alt-right américaine étant exactement la même que celle des sites de nostalgiques de Staline et de supporters de Bachar el Assad.

    Avec l'axe Trump-Poutine qui se dessine, les stades ultimes du néostalinisme et du néoconservatisme, aussi néolibéraux l'un que l'autre d'ailleurs, se rejoignent.

    Les donneurs de leçons qui nous disaient que les manifestants de Tien An Men avaient des références douteuses, que la chute du mur de Berlin ce n'était pas bien, que les Ukrainiens sont des nazis c'est bien connu, que les dictatures arabes sont certes, brutales mais tout de même laïques et puis qu'elles résistent à l'impérialisme, que Chavez construisait le socialisme et que Castro l'avait construit, que la réussite économique chinoise tient quand même au socialisme et que faudrait pas quand même que les ouvriers chinois fassent trop grève, que la révolution syrienne, a) n'a jamais existé, b) n'existe plus, c) est moche partout sauf chez les Kurdes (cochez la case), vont-ils en toute logique raconter avec Breitbart news que Georges Soros et les sionistes payent les jeunes Américains pour leur faire faire une "révolution orange" contre Donald Trump, l'homme qui a formé un cabinet dont la fortune équivaut à celle de 110 millions d'Américains ?

    Nous verrons, mais disons-le clairement : c'est tout à fait possible puisqu'il ont déjà fait pire, ils ont veillé à ce que gauche et syndicats en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, restent l'arme au pied pendant que le peuple syrien se faisait massacrer, raconté partout que la population d'Alep a) n'était plus composée que d'islamistes armés, b) était otage des islamiste, c) aspirait à être libérée par cet Etat certes un peu brutal, mais laïque, etc. (rayez les mentions inutiles).

    Quand on a fait ça, on peut tout faire : défiler derrière un Fillon, un Orban, un Trump, cela pourra leur arriver, car les bornes au delà desquelles il n'y a plus de limites ont déjà été franchies.

    Nous en avons d'ailleurs un indice en France, que pas mal de gens ont perçu sur les forums et réseaux sociaux, y compris parmi les partisans intelligents (il y en a encore quelques uns) de la candidature Mélenchon, qui s'affirme à la fois, dans la situation de vide créée par les cinq années Hollande, comme le premier candidat de ce que l'on appelle encore la "gauche" et un candidat crédible à la gestion des intérêts bien compris de l'impérialisme français (alliance russe, recomposition européenne, mainmise africaine réaffirmée), avec les explosions de violence verbale, de rage excommunicatrice et de culte du chef opérées par les prétendus "Insoumis".

    Nous verrons sans doute courant janvier si le staff du chef, qui a forcément conscience du caractère de plus en plus contre-productif, même pour lui, de cette batterie d'admirateurs forcenés et d'éradicateurs de la liberté de quiconque pense autrement, prend des mesures pour les calmer ou décide de continuer à les exciter. Mais cette amplification a été parfaitement synchrone avec la chute d'Alep Est.

    Cet exemple participe pleinement de notre sujet : les enjeux sociaux sont mondiaux, une ancienne gauche est aujourd'hui rangée, pratiquement en ordre de bataille, dans le camp de la contre-révolution sociale au niveau réel de la lutte des classes mondiale.

    Alors bien sûr, pour atténuer un peu ces propos, disons que dans le détail de l'évolution de tel ou tel courant politique, et aussi de telle ou telle conscience individuelle, les choses sont plus compliquées, plus mixtes, et peuvent évoluer différemment. Mais justement : il convient maintenant, si l'on ne veut pas encore plus insulter l'avenir, d'assurer la décantation. C'est aussi en cela que la prise d'Alep Est constitue et constituera une césure.

      Samedi 31/12/2016 

    Cet article a été publié sur le blog de Vincent Présumey. Il a le mérite de mettre les pieds dans le plat et de poser les termes d'un débat qui ne devrait pas être escamoté. Les lecteurs de "La Sociale" peuvent donc en prendre connaissance et réagir. Précisons que les positions de Vincent Présumey engagent leur auteur et non la rédaction de "La Sociale". Nous reviendrons sur ces questions très bientôt.

    http://la-sociale.viabloga.com/

  • SOS Chrétiens d’Orient, une ONG très idéologique (Souria Houria)

     

     

    SOS Chrétiens d’Orient, une ONG très idéologique

    Les dirigeants et fondateurs de l’association sont pour la plupart issus de l’extrême-droite.

    « Nous ne sommes pas d’abord une organisation humanitaire, nous voulons surtout retisser des liens entre les chrétiens d’Orient et les chrétiens d’Occident », insiste Arthur du Tertre, le secrétaire général de SOS Chrétiens d’Orient. Créée en 2013, l’association a suscité en peu de temps une certaine mobilisation chez des catholiques français, avec notamment l’envoi sur place de plus de 400 volontaires.

    Ses dirigeants et fondateurs sont tous des jeunes issus de la droite catholique identitaire. À commencer par son président, Charles de Meyer, assistant parlementaire du député de la Ligue du Sud, Jacques Bompard.

    Le directeur général, Benjamin Blanchard, a également travaillé pour Jacques Bompard, avant de devenir l’assistant parlementaire de l’eurodéputée frontiste Marie-Christine Arnautu. L’association a pour chef de mission en Irak François-Xavier Gicquel, qui avait dû rendre sa carte du Front National à cause de photos le montrant en train de faire le salut nazi et de sa participation à un apéro « saucisson-pinard ».

    SOS Chrétiens d’Orient compte aussi parmi ses militants des membres de Génération identitaire, dont Damien Rieu, ancien porte-parole de cette organisation de jeunes qui fait partie du mouvement d’extrême droite Bloc identitaire.

    Capable de monter des campagnes de communication extrêmement efficaces, notamment en invitant à courir le semi-marathon de Paris, l’association dispose déjà d’un important réseau de donateurs (pour un budget qui serait de plusieurs millions d’euros), elle organise des voyages en Syrie pour des hommes d’Église et aussi des députés, dont Jean-Frédéric Poisson (Parti chrétien-démocrate), Véronique Besse (Debout la France), Thierry Mariani (Les Républicains) et Gérard Bapt (Parti Socialiste).

    Elle intervient dans nombre de paroisses et d’établissements catholiques.

    Le tout grâce à sa relation de confiance avec les communautés chrétiennes sur place, mais aussi avec le régime syrien de Bachar el-Assad, le dictateur qui serait, à ses yeux, le « protecteur des chrétiens » et que l’association se refuse de critiquer, allant jusqu’à organiser des rencontres avec lui. C’est par son entremise que le diocèse de Fréjus-Toulon a pu organiser un jumelage avec celui de Homs après un voyage sur place de Mgr Rey.

    « Nous n’avons aucun lien avec une organisation politique, nous voulons aider les chrétiens d’Orient, c’est tout »,  assure Arthur du Tertre, en suggérant que certains seraient jaloux du succès de sa jeune ONG. À l’Œuvre d’Orient, on tient en tout cas à se démarquer. L’année dernière, cette organisation qui dépend de l’Église catholique et qui soutient les communautés chrétiennes de la région depuis plus de 150 ans a même envoyé une lettre à ses donateurs pour les avertir du risque de confusion entre les deux associations.

    HENRIK LINDELL publié le 04/01/2017

    http://souriahouria.com/

    Commentaire:

    Sur les question religieuses, nous recommandons la lecture de "Golias" médias indépendant. La Vie (ex catholique) étant lié à l'Eglise.

  • Internationalisme des peuples ou des nations? (Médiapart)

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    Dans le fond, le débat sur la Syrie peut se poser en ces termes, pour nous, non-syriens : qu’est-ce que l’internationalisme ?

    On a souvent tendance à considérer ce terme via deux ressorts.

    Le premier, c’est celui qui, chez les plus gauchistes, consiste à commenter l’actualité, à juger les faits des autres, à déterminer qui est traître de qui ne l’est pas, à distance. Ce fut en particulier le cas lors de l’expérience Tsipras, où beaucoup ont passé plus de temps à critiquer Tsipras que l’Union Européenne, en oubliant, de fait, le soutien international concret pour engager le bras de fer avec les bourgeoisies nationales et le proto-Etat européen. Construire ces solidarités aurait pu, par ailleurs, peser sur les froideurs réformistes du gouvernement hellène, aujourd’hui engouffré dans la gestion libérale de la dette et du pays.

    Le second ressort nous est revenu à la figure avec la révolution syrienne.

    Il s’agit au contraire de considérer l’internationalisme comme des relations cordiales d’Etat à Etat, où chaque Nation défend ses intérêts, dans le respect des autres. A ce jeu-là, on ne regarde plus qui sont les « autres ».

    Par exemple, Jean-Luc Mélenchon justifie sa relation diplomatique [future puisqu’il se place en présidentiable] avec la Russie au nom d’une alliance historique entre la République Française et l’empire de Nicolas II. (Où la Russie prenait le Bosphore à la Turquie, note du blog)

    Tout en critiquant le Tsar de l’époque, il ne remet pas en cause ce dogme, et explique que les russes sont des partenaires, et ce, peu importe qui ils ont à leur tête… C’est une pensée assez gaullienne, mais également rapprochée du principe de « socialisme dans un seul pays » de Staline.

    Cette idée-là, d’une « Nation universaliste », a, en particulier, été très bien expliquée dans ses vœux pour 2017, disponibles ici. Toutefois, une incohérence persiste dans la logique de Mélenchon, c’est cette manière, in fine, de considérer certains Etats autoritaires comme fréquentables (Chine, Russie, Syrie) et d’autres comme infréquentables (EAU, Turquie, Qatar).

    Il y a donc bien ici un choix qui est fait.

    Indirectement, Mélenchon se place dans le camp d’un impérialisme contre un autre, les premiers Etats autoritaires étant autour de la Russie, les autres autour des Etats-Unis. Ce n’est pas de l’anti-impérialisme, mais du campisme. Nous reviendrons là-dessus en parlant du cas syrien.

    Pour Jean-Luc Mélenchon, le préalable politique à son internationalisme, donc, est la diplomatie étatique.

    Et, le but de la diplomatie doit être la paix. Toujours dans la même vidéo des vœux 2017, Mélenchon insiste pour dire que sa position est complètement caricaturée. Si cela a en effet pu être le cas par le fait de nombreux médias, il faut reconnaître que Mélenchon passe son temps à caricaturer la position de ses opposants, y compris de gauche et d’extrême-gauche, en les qualifiant, sans exception, « d’atlantistes ».

    De cette manière, il créé lui même une position dite « campiste », c’est-à-dire où il faudrait choisir un camp sur deux disponibles, lui se plaçant dans le camp qui ne choisit pas. Or, dans l’exemple de la Syrie, c’est à une multitude de « camps » qu’il faut se référer. Et, dans la logique du célèbre « pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles », en ne choisissant pas, on choisit le gagnant, ou du moins le plus fort, c’est-à-dire Bachar Al-Assad.

    Comme la vidéo – de 30 minutes, écoutez-là – est très claire et permet de débattre correctement, restons-y. Jean-Luc Mélenchon se refuse à penser que ce qui se passe en Syrie est une guerre de religions. C’est juste. Là-dessus, nous sommes d’accords.

    L’instrumentalisation de nombreux médias expliquant l’inverse est scandaleuse, visant à faire passer les arabes pour des fous, incapables de penser et de construire la démocratie. Mélenchon voit lui « une guerre de puissances », pour le pétrole et le gaz.

    S’il est vrai que les puissances ont des intérêts géo-politiques (comme partout), il est scandaleux de limiter l’insurrection populaire à une manipulation des puissances impérialistes. C’est même à la limite du complotisme. Les puissances tentent évidemment de tirer les marrons du feu, elles utilisent une situation de troubles, de faiblesses, puis de chaos, pour leurs intérêts, mais au préalable, c’est le peuple qui se lève contre une dictature sanguinaire.

    L’énorme désaccord arrive alors : Mélenchon dit qu’il ne souhaite pas choisir entre des « fanatiques modérés » et des « fanatiques » tout court d’un côté, et le régime de Assad de l’autre.

    C’est une déformation, doublée d’une insulte à la révolution syrienne. Parler des centaines de milliers de manifestants, combattants, révolutionnaires, qui, depuis 2011, se battent contre Assad et contre Daesh (Daesh qui fût en grande partie créé grâce à Assad qui a relâché des prisonniers terroristes-islamistes pour contrer la révolution) comme des "fanatiques" ; cette position est une honte sans nom.

    De plus, toujours dans une logique légale, et en se référant à l’ONU, Jean-Luc Mélenchon en appelle aux élections en Syrie et glisse, au passage, le fait qu’il faille organiser le retour en Syrie des réfugiés aujourd’hui hors de leur pays.

    A aucun moment le départ d’Assad n’est évoqué. Jean-Luc Mélenchon connaît-il seulement la situation en Syrie depuis les quatre dernières décennies ? Ce sont près de 200.000 prisonniers qui se meurent dans les geôles des Assad père et fils. Y renvoyer les réfugiés (dont beaucoup sont des révolutionnaires, ou présumés tels par le régime), sans le départ du dictateur, équivaut à les mettre en prison ! Il n’y a aucune possibilité de paix avec Assad ou avec Daesh.

    Heureusement, en Syrie, la vie politique ne se limite pas à ces deux camps.

    Il y a des partis de gauche, d’extrême-gauche, des groupes citoyens, démocrates. Des centaines de comités de quartiers, élus, se sont formés, ce sont [ou ce furent] des lieux où les citoyens décid[aient] à la base, sans attendre les élections « officielles ». C’était en partie le cas à Alep-est. En réalité, il y a une révolution en cours et il n’y a pas d’autres solutions que la victoire de la révolution si nous souhaitons la paix. La paix doit être juste, ou la paix ne sera pas.

    L’internationalisme est mal en point face aux gauchismes et aux faux-impérialistes.

    En 1990, le philosophe et militant Daniel Bensaïd expliquait « Pour exprimer un projet d’émancipation universelle, les travailleurs ont, dans leurs conditions d’exploitation, la potentialité de voir le monde en même temps avec les yeux du prolétaire chilien à Santiago, nicaraguayen à Managua, polonais à Gdansk, chinois, etc. Cette potentialité ne peut devenir effective qu’à travers la construction d’un mouvement ouvrier international, syndical et politique. S’il est vrai que l’existence détermine la conscience, l’internationalisme exige une internationale. ».

    On peut facilement dire qu’en 2016, le problème n’est pas réglé, l’ethnocentrisme dominant sans commune mesure dans les gauches du monde.

    La citation susnommée de Bensaïd est tirée de son texte Le dernier combat de Trotski. Dans ce texte, un supplément au journal Rouge, il explique avoir un objectif [lui, et la LCR] « non démesuré, mais certainement ambitieux : la reconstruction à terme d’une Internationale révolutionnaire de masse. ». Cet objectif, à l’heure de l’apparition des monstres obscurantistes et fascistes, du retour de positions campistes et de la gauche autoritaire, et du néo-libéralisme triomphant, est d’une brulante actualité.

     

    • 6 janv. 2017
    •  Le blog de Avy Gerhart

    https://blogs.mediapart.fr

     

  • La Bataille d'Alger (Révolution Permanente)

  • Algérie : Des politiques réagissent aux émeutes de Béjaïa et d’autres localités (El Watan)

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    Les réactions des partis politiques et des animateurs de la scène associative locale ou nationale sont timides et se sont confinées essentiellement dans les réseaux sociaux.

    Des appels à la vigilance ont été partagés avec un slogan qui n’est pas sorti de la sphère virtuelle. « Stop à la violence, Stop au vandalisme ! » disait l’un d’eux.

    Le président du bureau régional du RCD, Mouloud Deboub, a appelé, sur son compte facebook, à rester vigilants et pacifiques, considérant que « la violence est contreproductive » et qu’elle ne travaille que les intérêts du « pouvoir, ses relais et sa clientèle au niveau local ». « Les dépassements, les violences, les émeutes, les scènes de saccage, de vandalisme et de pillages, qu’ont connus hier certaines communes de notre wilaya, sont des actes prémédités et orchestrés par certains cercles proches du pouvoir, ces mêmes cercles qui ont lancé des appels anonymes à une grève générale de cinq jours des commerçants », écrit-il.

    « Nous sommes pour toutes formes de revendication et de protestation pacifiques, identifiées et organisées. Nous sommes pour une transition démocratique, pacifique et négociée. Ces mêmes cercles proches du pouvoir, très présents sur les réseaux sociaux, tentent de nous impliquer ou de nous faire réagir par des provocations », continue-t-il.

    Sur les accusations de la démission des partis politiques ancrés en Kabylie, Mouloud Deboub répond qu’en tant que militants du RCD ils ne sont « ni des pompiers de ce pouvoir ni des pyromanes assoiffés de sang » et qu’ils sont « des militants, des militants politiques organisés, structurés, identifiés, pacifiques et surtout conscients et responsables, qui se donnent le temps nécessaire d’analyser des situations avant de réagir dans la précipitation ». En estimant nécessaire de prendre le temps qu’il faut « pour y voir plus clair », le président du BR lance cet appel « aux citoyennes et citoyens, sensés et responsables : agissons avant que la situation ne prenne une tournure de non-retour et qu’elle ne devienne ingérable ! »

    Mahmoud Rachedi, porte-parole du PST, a considéré hier, dans un commentaire sur son compte facebook, que « les émeutes d’aujourd’hui à Béjaïa et dans d’autres localités, à l’instar de Aïn Benian et Bainem à Alger, répondent à des rumeurs et à des appels anonymes, s’adressant particulièrement aux commerçants et non pas aux travailleurs, aux étudiants et les autres forces sociales organisées. Ainsi, ce ne sont pas les syndicats, les partis, les associations et autres organisations du mouvement social qui sont à la tête de ce mouvement ».

    Pointant du doigt « un mouvement sans organisation, donc inorganisé », Mahmoud Rachedi estime que « ces appels anonymes ne proposent pas des revendications concrètes et précises » et que « la dénonciation de la vie chère est vague. Il n’est pas proposé par exemple le retrait de telle ou telle disposition de la loi de finances 2017 ». « C’est un mouvement sans programme concret.

    Un mouvement sans organisation et sans revendications claires ne peut pas réussir », analyse-t-il, reconnaissant que « certes, la situation est explosive ». « La cascade des attaques contre le pouvoir d’achat des travailleurs et des pauvres gens est inacceptable. L’explosion du chômage et de la précarité sociale est inacceptable. Leur loi de finances, leur futur code du travail, leur projet de loi sanitaire sont inacceptables.

    Et la liste est longue. Mais, on ne peut pas se passer de l’organisation et de la clarté du projet », écrit-il. Pour les lui, « les jeunes émeutiers de Béjaïa et d’ailleurs dénoncent le mal-vivre, la misère et l’autoritarisme du pouvoir. Leur violence exprime avant tout leur ras-le-bol et leur désespoir face à la violence économique et sociale de la politique libérale. Bien sûr, on est contre la destruction de nos biens publics, on est contre toutes les violences et toutes les oppressions. »

    Mahmoud Rachedi suggère qu’il ne faut pas abandonner ces jeunes qui déversent leur colère dans la rue. « Les jeunes qui se battent aujourd’hui, quelles que soient les manipulations réelles ou supposées, ont besoin de nous tous. Nous les militants pour les libertés démocratiques et la justice sociale, nous les militants contre la dictature libérale d’une minorité de riches, nous les militants pour l’égalité et la fraternité entre êtres humains », ajoute-t-il.

    Sa réaction à cette actualité finit par un appel à construire « une convergence entre ces jeunes révoltés contre l’oppression et le mouvement des luttes des travailleurs et des syndicats, des chômeurs et des femmes » et « l’organisation et le projet politique unitaires qui nous manquent ».

    Toujours sur les réseaux sociaux, le député du PT Ramdane Taazibt a réagi sur son compte facebook : « Nous sommes contre les mesures d’austérité du gouvernement, mais nous sommes résolument contre le chaos. Les émeutes et violences qui ont lieu dans certaines communes de Béjaïa, de Bouira et d’Alger (...) à l’appel d’anonymes et d’usurpateurs n’ont pas comme objectifs de remettre en cause les mesures antisociales du gouvernement.

    Elles risquent de plonger à nouveau le pays dans un cycle de violence/répression qui ne peut que desservir le pays et les revendications légitimes des larges couches de la population. » Ramdane Taazibt considère même que « les pouvoirs publics doivent faire preuve de responsabilité pour ne pas légitimer ce mouvement par la répression, et les citoyens doivent agir pour démasquer et isoler les provocateurs qui tentent de provoquer le chaos en procédant de la même manière que ceux qui ont organisé le prétendu Printemps arabe qui, à deux exceptions près, a été un processus de dislocation des nations ».

    Appelant à ne pas donner de crédit à ce qu’il appelle des « rumeurs de prétendues émeutes dans plusieurs wilayas », le député évoque « le communiqué lu à l’ENTV, stigmatisant les wilayas du centre du pays ». Un communiqué qui, accuse-t-il, « ajoute de l’eau au moulin des aventuriers ». Ramdane Taazibt garde espoir que « les pouvoirs publics reviendront à la raison en ordonnant l’annulation des mesures d’austérité, seulmoyen de couper l’herbe sous le pied des pêcheurs en eaux troubles ».-

    K. M.* « Des politiques réagissent ».

    El Watan Vendredi 6 janvier 2017

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  • A Béjaïa, une simple grève contre la vie chère tourne à la révolte et menace de s’étendre (Révolution Permanente)

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    L’ALGERIE AU BORD DE L’EXPLOSION ?

    Ces évènements démontrent qu’il suffit d’un rien pour que la situation prenne un tour explosif dans un pays où se combinent une situation économique et sociale catastrophiques et un pouvoir politique à la dérive, sorte de bateau ivre « dirigé » par un capitaine moribond.

    Une crise financière structurelle 
     

    L’Algérie est confrontée, depuis maintenant plus d’un an, à de très lourdes difficultés financières. D’un montant de 25 milliards de dollars en 2015, le déficit de l’État devrait atteindre près de 30 milliards en 2016 et il est probable que la situation empire encore en 2017.
    Plusieurs raisons, liées entre elles, interviennent dans cette crise majeure. Première raison, la dépendance structurelle par rapport à la rente pétrolière. L’Algérie, pour qui les hydrocarbures représentent 98 % du montant des exportations, fait partie du groupe des pays qui subissent de plein fouet la chute des cours sur le marché mondial. Malgré les alertes qui lui ont été lancées, notamment par le FMI ou l’agence spécialisée Ecofin, le gouvernement algérien a décidé de continuer à tout miser sur les rentrées fiscales liées à la vente du pétrole, en tablant sur un prix de vente du baril entre 60 et 70 dollars. Quand on sait que le prix d’équilibre serait de 100 dollars et qu’il a été en moyenne de 50 dollars en 2016, on comprend que cette courte vue, optimiste contre toute raison, mène dans le mur.

    Le deuxième facteur qui explique la conjoncture financière particulièrement critique de l’État algérien est l’épuisement des réserves de change qui, par définition, ne peuvent se maintenir ou se reconstituer que grâce à un équilibre ou à un excédent de la balance commerciale. Au rythme des dépenses d’importation, la réserve actuelle de 110 milliards de dollars permettrait de tenir environ quatre ans. Or, le déficit de la balance commerciale a atteint durant le premier semestre 2016, 11 milliards de dollars. Ne pas descendre en dessous de 100 milliards de réserve, objectif annoncé par le Premier ministre, semble tout simplement impossible à tenir.

    La recette dans le cas d’une balance commerciale dangereusement déficitaire est bien connue, dépréciation de la valeur du dinar, en chute libre depuis deux ans, et son inévitable corollaire, l’inflation. En effet, faute d’une politique de développement de la production locale, les produits consommés en Algérie sont, pour beaucoup, importés de l’étranger. L’impact sur la cherté de la vie, contre laquelle se révolte aujourd’hui la population de Béjaïa en colère, était prévisible et ne peut que continuer à s’aggraver et s’étendre.

    Une paix sociale impossible à assurer 
     

    Depuis des années, le gouvernement de Bouteflika, pour maintenir une paix sociale fragile et assurer sa longévité, a eu largement recours à la pratique des subventions. Pour faire face à sa crise financière structurelle, il n’a désormais, dans le cadre de sa politique, qu’un choix restreint de solutions, très proches d’ailleurs de celles que les politiques d’austérité imposent aux travailleurs de l’autre côté de la Méditerranée : réduire de manière drastique les subventions ainsi que les dépenses d’investissement et de fonctionnement, en particulier pour le secteur public.
    Par ailleurs, le dégagement de nouvelles sources de revenus par la croissance et ses effets positifs sur l’emploi s’avèrent peu probables. Si les effets de la crise ne se sont pas encore directement fait sentir en termes d’emplois et de licenciements, en raison de l’effet différé de la crise des hydrocarbures, la croissance, hors hydrocarbures est en net ralentissement. Passé de 5,1 % en 2015 à 3,8 % en 2016, le taux de croissance devrait se réduire de manière encore plus sensible en 2017, sauf miraculeuse reprise dans le domaine des hydrocarbures.

    Le régime algérien se trouve donc confronté à la pire crise qu’il ait connue depuis les années 90, où des milliers d’algériens étaient descendus dans la rue pour protester contre la vie chère et l’absence d’alternative au « tout pétrole ».

    Un pouvoir politique à la dérive  

    Bouteflika s’est trouvé, lors des élections de 1999, à la tête d’un pays de 40 millions d’habitants, sortant d’une guerre civile de près de 10 ans qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts (entre 60 000 et 150 000 selon les sources). Depuis les élections de 1991, cette guerre avait opposé les dirigeants successifs de l’État algérien, au Front Islamique du Salut et aux divers groupes armés rivaux qui lui ont succédé et dont l’objectif était la création d’une république islamique. L’élection de Bouteflika a été suivie d’une loi amnistiant la plupart des combattants, ce qui a entraîné un retour à la vie normale. Malgré le calme, le gouvernement de Bouteflika n’a cessé de contenir d’une main de fer, toute velléité de reconstruction politique.

    Aujourd’hui, en cette période de crise majeure, il y a une réelle vacance institutionnelle. Depuis qu’il a été atteint d’un AVC en 2013, Bouteflika, président grabataire, est totalement inapte à exercer ses fonctions. Le corps médical envisage d’ailleurs une échéance très proche. Les ministres, quant à eux, ont révélé au grand jour leur pétaudière lors de l’ouverture du Forum Africain où ils étaient venus affirmer la « vocation africaine » de l’Algérie. Le Premier ministre Sellal y a fait la démonstration qu’il n’était pas non plus maître à bord en se retirant juste après son allocution d’ouverture pour céder la place au camp de son principal rival, le chef de cabinet Ouyahia, au lieu du ministre des Affaires étrangères prévu comme deuxième intervenant… Les hôtes africains n’ont pas manqué d’être sidérés par ce déballage public.

    Un avenir incertain…

    La question qui se pose bien entendu est celle des risques et des opportunités que pourrait ouvrir une implosion politique du gouvernement algérien à la mort de Bouteflika. La révolte est d’ores et déjà présente, notamment dans les rangs de la jeunesse, et les évènements de cette semaine montrent qu’ils n’ont pas peur d’en découdre. Il reste cependant à savoir comment pourrait être soutenue et orientée politiquement la légitime colère populaire.
    D’un côté, le parti islamique salafiste reconstitué à la périphérie de la Kabylie sous le nom de GSPC et qui a fait allégeance en 2003 à Al-Qaïda, attend son heure et n’a pas désarmé. Il ne manquera de se saisir de la brèche qui va s’ouvrir selon les méthodes réactionnaires qu’il sait déployer et qui ont été utilisées lors du Printemps arabe.

    De l’autre, une situation des organisations et de la classe ouvrière qui rend difficile un mouvement progressiste, voire révolutionnaire. Victime d’un régime de généraux qui se succèdent depuis des décennies, le syndicalisme peine à se construire. D’un côté, un syndicalisme officiel directement sous la coupe de l’État et de l’autre un syndicalisme indépendant qui tente d’exister et se retrouve en butte aux moyens de répression de l’État, des plus administratifs aux plus répressifs. Même si la loi n’interdit pas officiellement la création de syndicats, elle fait tout pour l’empêcher : refus de récépissé d’enregistrement, obstacles à la formation des fédérations et confédérations, prétextes de non-conformité des statuts, ingérence arbitraire dans les activités syndicales, harcèlements et intimidation des leaders syndicaux…

    Un tableau qui peut être inquiétant pour l’avenir des Algériennes et des Algériens que les États européens, et particulièrement l’État français, commencent à regarder comme de potentiels réfugiés venant grossir les rangs des Syriens, des Érythréens et de tous les autres dont ils ne veulent surtout pas, sauf pour exercer une pression sur le marché du travail.

    4 janvier 2017 Claire Manor

    http://www.revolutionpermanente.fr

  • 1956, la crise de Suez (NPA)

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    Soixante ans après, retour sur ces événements qui ont constitué un moment charnière dans la mise en place d’un ordre mondial aujourd’hui disparu…

    Il y a 60 ans, à la fin du mois d’octobre 1956, la France et l’Angleterre organisaient secrètement avec Israël une intervention militaire contre le régime égyptien de Nasser qui, deux mois auparavant, avait osé défier les puissances occidentales en nationalisant le canal de Suez.

    Tandis qu’à l’ONU, on recherchait une solution diplomatique pour garantir la libre circulation sur le canal, Paris et Londres déployèrent leurs avions de chasse et leurs bâtiments de guerre au large d’Alexandrie, après trois mois de propagande guerrière contre Nasser, alors décrit comme le « nouvel Hitler ». Elles armèrent et couvrirent l’intervention de l’armée israélienne, qui occupa le Sinaï. Mais moins de 48 heures après que leurs parachutistes eurent sauté sur Port-Saïd, les gouvernements du socialiste Guy Mollet et du très conservateur Anthony Eden retiraient leurs troupes sur l’injonction des Etats-Unis et de l’URSS.

    L’événement annonçait la fin de l’influence de la France et de l’Angleterre au Moyen-Orient.

    Plus généralement, alors que le gouvernement socialiste de Guy Mollet, incapable de venir à bout de la révolte de la population algérienne, venait d’intensifier la « sale guerre » dans ce pays, il présageait la fin de la domination coloniale des vieilles puissances européennes, désormais supplantées de façon irréversible par l’impérialisme américain.

    Quant à l’Etat d’Israël, qui devait son existence et sa survie à la détermination des colons juifs pour qui, après le génocide nazi, il n’y avait pas d’autre perspective que la solution sioniste, il apparut à cette occasion, pour la première fois de façon très claire, comme un gendarme de l’impérialisme au Moyen-Orient.

    Alors qu’au même moment les chars russes écrasaient l’insurrection ouvrière hongroise, c’était aussi une expression du nouvel équilibre international qui naissait de la stabilisation des rapports de forces entre les Etats à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, un ordre basé sur le partage du monde et du maintien de l’ordre contre les peuples entre les deux grandes puissances victorieuses, la bureaucratie soviétique et l’impérialisme américain.

    Le Canal de Suez, sous la tutelle des puissances coloniales

    Long de 193 kilomètres et large de 300 mètres en moyenne, le Canal de Suez permet de raccourcir de 8000 kilomètres – distance du contournement de l’Afrique – la navigation entre l’Asie et l’Europe. C’est un élément stratégique fondamental pour les puissances occidentales car il est une des routes les plus rapides pour acheminer le pétrole du Moyen-Orient jusqu’en Méditerranée. Mais au-delà, sa nationalisation par Nasser le 26 juillet 1956 avait éclaté comme un défi insupportable à ceux qui se pensaient comme les maîtres du monde : « le défi qu’il vient de lancer à l’Occident », s’indignait l’éditorialiste du Monde le 28 juillet 1956, en parlant de cette décision de Nasser qu’il rapprochait de la nationalisation par Mossadegh du pétrole iranien, en 1951.

    Le diplomate Ferdinand de Lesseps, qui avait conçu le projet de canal et en avait négocié la réalisation avec le « vice-roi » d’Egypte Mohamed-Saïd, avait obtenu de celui-ci, le 30 novembre 1854, « le pouvoir exclusif de constituer et de diriger une compagnie universelle pour le percement de l’isthme de Suez et l’exploitation d’un canal entre les deux mers ».  Le 15 décembre 1858, il avait fondé la Compagnie universelle du canal maritime de Suez – ancêtre de la multinationale française Suez-Lyonnaise des eaux –, qui avait son siège social à Alexandrie et son siège administratif à Paris.

    La compagnie bénéficiait en outre d’une concession qui lui donnait le pouvoir de construire, entretenir et exploiter le canal pendant une durée de 99 ans à compter de son ouverture à la navigation. Société par actions, elle était possédée à 44 % par l’Etat égyptien et, pour le reste, par 21 000 actionnaires français.

    Les travaux qui commencèrent en avril 1859 furent achevés en novembre 1869.

    Travaux pharaoniques exécutés par plus d’un million et demi d’Egyptiens dont 120 000 – nombre cité par Nasser, dans son discours annonçant le 26 juillet 1956 à la radio la nationalisation du canal – moururent sur le chantier, la plupart du choléra.

    Ce qui aurait dû être une source de revenus pour l’Egypte précipita en fait sa ruine.

    L’Etat égyptien, qui s’était fortement endetté en achetant  la moitié des actions du canal, croulait sous cette dette. La Grande-Bretagne, qui s’était un temps opposée à la construction du canal, se saisit de l’occasion pour se remettre dans le jeu et racheter ses actions à l’Egypte, dont les finances furent néanmoins déclarées un peu plus tard en faillite. En 1876, le gouvernement égyptien fut placé sous la tutelle d’une caisse de dettes dont les administrateurs – deux Français et deux Britanniques, un Autrichien et un Hongrois – organisèrent les restrictions budgétaires, le licenciement des fonctionnaires et autres plans comparables à ceux imposés aujourd’hui à la Grèce ou à d’autres pays par la Banque mondiale, le FMI et la BCE. 

    Les réactions dans la population furent tellement vives que le gouvernement égyptien fut renversé par un groupe de militaires. En 1882, les troupes britanniques intervinrent sur place et prirent le contrôle de l’administration du pays.

    Après sa rupture avec l’Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale, l’Egypte devint un sultanat sous protectorat britannique mais en 1922, confrontée à des révoltes populaires de grande ampleur, la Grande-Bretagne renonça à son protectorat, tout en conservant une grande influence sur le régime du roi Fouad 1er. Et ceci, jusqu’au renversement du fils et successeur de ce dernier en 1952 par de jeunes officiers progressistes, au premier rang desquels s’imposa deux ans plus tard Gamal Abdel Nasser.

    La nationalisation du canal, un « défi lancé à l’Occident »

    Comme ce sera le cas plus tard avec les exploitations sucrières à Cuba, la nationalisation du Canal de Suez se fit en représailles à des pressions impérialistes, au refus en l’occurrence des Etats-Unis d’honorer la promesse de crédits qu’ils avaient faite à l’Egypte pour la construction d’un barrage sur le Nil, à Assouan. Le barrage devait doubler ou tripler la surface des terres irriguées et fournir de l’énergie hydro-électrique.

    Les relations internationales et les alliances étaient encore mouvantes dans le Moyen-Orient issu de la guerre.

    C’est ainsi que l’URSS avait voté dans le même sens que les Etats-Unis en faveur du partage de la Palestine à l’ONU et que la Tchécoslovaquie fut le premier Etat à livrer des armes à Israël.

    Le 24 février 1955 fut signé sous les auspices des Etats-Unis le pacte de Bagdad, une alliance militaire entre la Turquie et l’Irak, à laquelle adhérèrent ensuite la Grande-Bretagne, le Pakistan et l’Iran. L’Egypte, sollicitée de façon pressante, refusa de la rejoindre, essentiellement à cause de la présence de la Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale détestée de la population.

    Un autre grief contre Nasser fut qu’en novembre de cette même année 1955, il annonça officiellement avoir conclu un accord avec l’URSS pour des livraisons d’armes par la Tchécoslovaquie, destinées à faire face aux incidents frontaliers qui se multipliaient avec Israël. Enfin, Nasser affirmait publiquement son accord avec les principes adoptés lors de la conférence des « non-alignés » qui s’était tenue avec Tito et Nehru, en avril 1955 à Bandoeng.

    Le 19 juillet 1956, le secrétaire d’Etat américain, John Foster Dulles, faisait savoir que les Etats-Unis retiraient l’offre de prêt précédemment faite à Nasser et invitaient la Banque mondiale à en faire autant. L’URSS, de son côté, affirmait le 22 juillet qu’elle ne financerait pas le barrage.

    Le 26 juillet, Nasser annonçait à la radio, en terminant son allocution par un éclat de rire, que le canal de Suez était nationalisé. Les actionnaires, essentiellement anglais et français, de la Compagnie du canal seraient indemnisés et les droits de passage serviraient à financer le barrage. Plus tard, en septembre, la compagnie du canal renvoya ses pilotes en escomptant que les Egyptiens seraient incapables de s’en passer. Des pilotes égyptiens furent recrutés, se formèrent sur le tas et remplirent avec succès leur toute nouvelle tâche.

    Cette politique déterminée face à la vieille puissance coloniale anglaise valut à Nasser une popularité extraordinaire en Egypte même et dans l’ensemble du Moyen-Orient. C’était une forme de revanche pour les populations qui avaient subi tant d’humiliations de la part des puissances coloniales. Et pour ces dernières, une raison supplémentaire de vouloir se débarrasser de Nasser. 

    Telles furent les raisons véritables de l’intervention militaire franco-britannique contre l’Egypte. Mais les deux compères européens se livrèrent à une machination des plus perverses, négociée en secret avec les dirigeants israéliens pour tenter de légitimer leur forfait.

    Israël entre dans le jeu

    Les dirigeants israéliens réagirent immédiatement, comme les dirigeants français et britanniques, à la nationalisation du canal. Depuis la première guerre israélo-arabe, en 1948-49, la bande de Gaza était occupée par l’Egypte et les tensions territoriales entre les deux Etats étaient incessantes. A l’origine de l’Etat d’Israël, il y avait les foyers d’implantations juives que l’Angleterre, par la déclaration Balfour de 1917, avait autorisées… sur les terres déjà occupées par les Arabes palestiniens. Une stratégie du diviser pour régner en Palestine qui était alors une de ses colonies.

    Après la guerre, en 1947, une résolution de l’ONU, votée aussi bien par les Etats-Unis que par l’URSS, organisa le partage de la Palestine et la naissance de l’Etat d’Israël.

    Un an plus tard, les dirigeants israéliens, qui pouvaient compter sur la détermination des Juifs à s’assurer un refuge en Palestine, élargirent leur territoire à l’issue de la première guerre israélo-arabe.

    Les accrochages étaient réguliers à la frontière égyptienne. Les Palestiniens qui avaient été chassés de chez eux faisaient des incursions en territoire israélien pour récupérer une partie de leurs biens et l’Etat d’Israël organisait en retour des représailles en territoire égyptien. La tension monta encore d’un cran après les achats d’armes de l’Egypte à la Tchécoslovaquie. Israël profita de la situation pour obtenir de la France des avions de chasse et des chars AMX.

    Les dirigeants de l’Etat sioniste se saisirent de l’occasion de la nationalisation du canal pour justifier une intervention de leur armée en territoire égyptien. Ils allaient bénéficier d’un sérieux coup de main de la part des gouvernements français et britannique.

    Indignité de la gauche française

    Ces derniers auraient voulu non seulement reprendre le contrôle du canal de Suez, mais aussi renverser Nasser. Cependant, le Premier ministre britannique Anthony Eden hésitait, la majorité gouvernementale conservatrice était divisée. La bourgeoisie anglaise était soucieuse de préserver ses bonnes relations avec les Etats arabes. 

    En France, le Premier ministre était le socialiste (SFIO) Guy Mollet.

    Elu au sein du Front républicain au début de l’année 1956 en promettant de faire la paix en Algérie, il avait fait volte-face moins de trois mois plus tard après un voyage en Algérie où il avait été hué et malmené par des colons français et l’extrême droite. Le 12 mars 1956, son gouvernement s’était fait voter à une très large majorité, les voix des 146 députés du PCF incluses, les pouvoirs spéciaux qui donnaient à l’état-major de l’armée toute latitude et la liberté d’utiliser la torture. Il envoya en Algérie des renforts militaires malgré les manifestations d’appelés qui ne voulaient pas de cette sale guerre.

    Pour le ministre résident Robert Lacoste, il fallait « punir » Nasser qui hébergeait au Caire des dirigeants de la rébellion algérienne et dont la radio « La Voix des Arabes » soutenait les nationalistes algériens. Un homme se signalait aussi par sa détermination à intervenir, François Mitterrand qui était alors ministre de la Justice et prônait la défense de la civilisation contre « un émule de Hitler », en reprenant le leitmotiv de la campagne politique et médiatique qui s’était déchaînée pendant l’été à Paris. Si Nasser était identifié à Hitler ; le « laisser-faire » des puissances occidentales était comparé à la lâche capitulation, à Munich en 1938, des dirigeants français et anglais devant Hitler qui venait d’envahir la Tchécoslovaquie. Cette même analogie mensongère, un summum de mauvaise foi, fut d’ailleurs utilisée une nouvelle fois par Mitterrand, devenu alors président de la République, contre Saddam Hussein après l’invasion du Koweit en août 1990.

    Le « coup monté »

    En août, Guy Mollet obtint un large accord à l’Assemblée nationale pour une intervention militaire en Egypte. Seuls les députés du PCF et poujadistes s’abstinrent. 

    Alors qu’à l’ONU, les discussions tournaient autour de la recherche de solutions diplomatiques et négociées pour permettre un retour à la libre circulation sur le Canal de Suez, à Sèvres, en France, se tinrent le 24 octobre des négociations secrètes entre les dirigeants français, britanniques et israéliens. Il y avait entre autres Guy Mollet et le chef d’état-major des armées, Challe, un des futurs putschistes d’Alger en 1961, Ben Gourion, Shimon Peres et Moshe Dayan. 

    Le plan imaginé consistait en une première attaque de l’armée israélienne aboutissant à l’invasion du Sinaï, suivie d’un ultimatum franco-britannique ordonnant aux deux parties, Israël et Egypte, de retirer leurs troupes de chaque côté du canal pour y assurer la liberté de circulation, puis, après un constat prévisible de refus de l’Egypte, d’une intervention des troupes françaises et anglaises. 

    Le 29 octobre, comme prévu, les troupes israéliennes de Moshe Dayan pénétrèrent dans le Sinaï, appuyées par des avions de chasse français sous camouflage israélien, et progressèrent très rapidement et plus loin que prévu, dans l’ensemble du Sinaï  et jusqu’aux bords du canal de Suez. Le 30 octobre, les gouvernements français et britannique adressèrent leur ultimatum, comme convenu, aux états-majors israélien et égyptien pour leur intimer l’ordre d’arrêter les combats et, comme il était prévisible, l’Egypte refusa.

    Ce fut le prétexte au déclenchement de l’intervention. Dès le lendemain de l’ultimatum, le 31 octobre, les avions français et britanniques attaquèrent l’Égypte depuis Chypre et détruisirent tous les avions égyptiens au sol. Le 5 novembre, les troupes franco-britanniques débarquèrent à Port-Saïd au mépris de l’adoption la veille d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, exigeant un cessez-le-feu.

    Les Etats-Unis et l’URSS sifflent la fin de la partie

    Les Etats-Unis et l’URSS avaient déjà présenté le 30 octobre au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution ordonnant un cessez-le-feu et le retrait des troupes israéliennes du Sinaï, mais la France et la Grande-Bretagne y avaient opposé leur veto. De même Guy Mollet, Anthony Eden et Ben Gourion ignorèrent-ils la résolution votée le 4 novembre par l’Assemblée générale de l’ONU. 

    Le 5 novembre, au lendemain de la deuxième intervention des troupes « soviétiques » en Hongrie1, le maréchal Boulganine adressait à la France, à la Grande-Bretagne et à Israël un ultimatum dans lequel l’URSS menaçait d’intervenir contre leur agression « coloniale » de l’Egypte, avec toutes les armes dont elle disposait. Pour les dirigeants de la bureaucratie, l’affaire de Suez offrait une diversion, un écran de fumée qui leur permettait de masquer leur forfait contre la classe ouvrière hongroise en prenant la défense des peuples opprimés par le joug colonial. 

    Eisenhower, de son côté, était furieux que ses alliés soient intervenus sans aucune concertation avec le gouvernement américain. Le 6 novembre, les Etats-Unis vendirent massivement des livres sterling pour faire pression sur le gouvernement anglais. Celui-ci d’abord, puis le gouvernement français, acceptèrent le même jour le cessez-le-feu.

    L’Egypte accepta la présence le long du canal d’une force d’interposition de l’ONU à la place des forces françaises et anglaises, dont le retrait s’acheva le 12 décembre. Elle avait été défaite militairement, et même sévèrement, mais la victoire politique de Nasser était totale et fut un formidable encouragement  au nationalisme arabe. L’impérialisme anglais était supplanté au Moyen-Orient par l’impérialisme américain dont Israël devint le gendarme, le bras armé dans la région.

    Un nouvel équilibre mondial aujourd’hui révolu

    En ces mois d’octobre et de novembre 1956, c’est sur fond de la sale guerre d’Algérie que les vieilles puissances coloniales anglaise et française avaient lancé à l’assaut de l’Egypte leurs marines, avions de chasse et parachutistes. Les dirigeants de l’URSS, quoiqu’ils aient lancé un ultimatum pour exiger le retrait de ces troupes, n’étaient pas mécontents que l’attention soit détournée ailleurs que sur leur propre zone d’influence. Au même moment en effet, la bureaucratie « soviétique », toute déstalinisée qu’elle était, faisait intervenir contre la classe ouvrière hongroise son armée et ses  blindés pour écraser les insurgés qui se battaient pour un socialisme démocratique.

    A la guerre pour faire rentrer dans le rang les peuples qui se soulevaient contre le colonialisme correspondait dans leur zone, à l’Est de l’Europe, la répression des révoltes ouvrières.

    Ces dernières, comme les luttes de libération nationale, représentaient un danger pour l’ordre international et l’ordre social. Mais bien peu nombreux étaient ceux et celles qui dénonçaient les crimes des deux camps. Dans l’un et l’autre bloc, les crimes d’un camp servaient de justification à ceux de l’autre.

    Derrière la rivalité entre les deux blocs, derrière la « guerre froide » qu’avait déclenchée l’impérialisme américain pour tenter d’enlever à l’URSS sa mainmise sur les territoires qu’elle avait occupés à la fin de la guerre, il y avait en fait une alliance tacite contre les peuples. C’en était fini du partage officiel et déclaré du monde, que les craintes d’une révolution après la guerre avaient persuadé les dirigeants impérialistes et Staline de conclure à Yalta. Mais la convergence d’intérêts contre les peuples perdurait, en particulier face à la vague des révolutions anticoloniales.

    L’impérialisme bénéficiait d’un allié qui faisait la police contre les peuples et les travailleurs, en URSS même et dans son glacis, la bureaucratie stalinienne, un facteur réactionnaire indispensable au maintien de l’ordre international. Non seulement d’ailleurs par ses capacités d’intervention contre les travailleurs, mais également parce que le stalinisme, produit de la pression de la réaction contre la vague révolutionnaire qui avait suivi la Première Guerre mondiale, avait profondément perverti les partis et les idées qui se réclamaient du communisme.

    La guerre froide avait connu et connut encore des crises très chaudes où le monde se vit à deux doigts de la guerre mondiale – la guerre de Corée puis la crise des fusées à Cuba. Mais l’ordre international, le pouvoir des classes dirigeantes, se stabilisait et assura, sous cette forme, la perpétuation de l’exploitation des travailleurs et des peuples pendant plusieurs décennies.

    Aujourd’hui, 25 ans après la disparition de l’URSS, sous la pression de l’offensive de la mondialisation libérale et financière, ce monde a définitivement disparu, la page est tournée.

    Mis à l’épreuve de la nécessité de maintenir l’ordre mondial à lui seul, l’impérialisme américain apparaît fragilisé, son hégémonie menacée à plus ou moins longue échéance  par les nouvelles puissances impérialistes que sont la Chine, l’Inde, la Russie. La situation en Syrie où le bourreau de son peuple, Bachar al-Assad, a reçu l’appui de la Russie de Poutine sous les yeux complices des Etats-Unis et de l’Europe, est un révélateur de ce nouvel ordre mondial, fait de chaos et de violences, en proie aux forces les plus réactionnaires. Le monde des Trump, Poutine, Erdogan ou Le Pen.

    Tel est le résultat de l’offensive des classes dirigeantes pour reprendre systématiquement ce qu’elles avaient dû concéder aux travailleurs et aux peuples, les acquis de leurs luttes et de leurs révolutions. Les organisations et partis – sociaux-démocrates, communistes, anticolonialistes – qui avaient conduit ces luttes ont épuisé leurs forces, fait faillite, domestiqués d’abord puis intégrés à l’ordre dominant.

    Mais à travers les bouleversements entraînés par la mondialisation libérale et financière, la classe ouvrière a connu un développement considérable à l’échelle internationale. C’est elle qui détient les clés de l’avenir.

     
  • Comment M. Mélenchon nie le peuple de Syrie et ses droits (Le Monde)

     

    Le refus de M. Mélenchon de distinguer entre les bombardements russes sur Alep et ceux de la coalition anti-Daech ne peut que nourrir les pires amalgames.

    Jean-Luc Mélenchon, dans un tout récent entretien au « Monde », développe une analyse de la Syrie qu’il pose au cœur de sa vision des relations internationales. Mais il n’atténue rien de sa sympathie pour les thèses de Vladimir Poutine, tout en nourrissant désormais les pires amalgames.

    « Les faits m’ont donné raison à 100% »

    L’ Insoumis en chef n’a pas l’autosatisfaction discrète. On rappelait ici même comment, en mars 2016, il avait salué la « libération » de Palmyre par le régime Assad, puissamment aidé par ses alliés russes et iraniens : « Que ce jour est suave de ce point de vue. Oui, comment laisser passer cette douce revanche sur les détracteurs permanents de mes positions sur la Syrie, la Russie et ainsi de suite ». Il n’a pas eu pourtant un mot sur la reprise de Palmyre par Daech le mois dernier.

    Cette fois on appréciera la modestie de « Les faits m’ont donné raison à 100% ».

    M. Mélenchon nie en effet toute aspiration du peuple syrien à un changement démocratique et il évacue la longue phase du soulèvement pacifique de 2011 pour réduire la crise syrienne, non pas seulement à une « guerre civile », mais à « une guerre de puissance ». Les différents groupes syriens ne seraient que des pions dans une guerre par procuration entre différents intervenants étrangers.

    L’argument-massue de M. Mélenchon à l’appui de cette thèse est le cessez-le-feu conclu entre la Russie, la Turquie et l’Iran. Que ce cessez-le-feu soit pour le moins vacillant ne trouble pas le caractère catégorique de telles affirmations. M. Mélenchon oublie d’ailleurs significativement l’Iran dans sa mention des parrains du cessez-le-feu, car cela compliquerait un peu sa perception binaire du monde.

    « Mon point de vue est strictement français »

    Contrairement à cette profession de foi, les thèses de M. Mélenchon sur la Syrie demeurent en phase avec la propagande martelée par le Kremlin, lui-même en écho de la dictature Assad. D’abord, on l’a vu, la négation de la dimension initialement pacifique du soulèvement populaire pour le réduire à une « guerre civile » désormais instrumentalisée depuis l’étranger. Ensuite, la qualification de « bandes armées » pour désigner l’ensemble de l’opposition militaire à Assad, en assimilant les jihadistes aux non-jihadistes pour mieux discréditer ces derniers.

    C’est Bachar al-Assad lui-même qui banalise l’expression de « bandes armées » dès 2011.

    Jean-Marie Le Pen la reprend très tôt en France, avec qu’elle ne fasse florès sur les sites du Front National ou le « réseau Voltaire », entre autres. Ces « bandes armées » doivent être neutralisées avant que le peuple syrien ne puisse voter librement sur son avenir. M. Mélenchon reprend cette affirmation abracadabrantesque, oubliant sans doute que les dernières élections libres en Syrie remontent… à 1961. Le parti Baas, au pouvoir depuis 1963, a proscrit tout scrutin digne de ce nom sous le règne de Hafez al-Assad, de 1970 à 2000, puis de son fils Bachar.

    Egalement en phase avec la propagande du Kremlin est la conviction exprimée par M. Mélenchon que « les Etats-Unis sont fous de rage sur la façon dont a tourné l’affaire de Syrie ».

    On conviendra que cette rage est pour le moins contenue, l’administration Obama ayant systématiquement reculé face à la Russie, depuis le refus de sanctionner l’usage d’armes chimiques à Damas, en août 2013, jusqu’à la chute d’Alep, en décembre 2016. Vladimir Poutine mène bel et bien une « guerre froide à sens unique » dont Jean-Luc Mélenchon entretient l’illusion.

    « Pourquoi choisir entre les bombardements ? »

    M. Mélenchon continue d’esquiver toute position claire sur les bombardements russes à Alep. Il les met sur le même plan que les bombardements « turcs, nord-américains et français ». On rappellera que les pilonnages russes ont visé dans leur écrasante majorité l’opposition non-jihadiste à Assad et se sont concentrés à la fin de 2016 sur Alep, une ville dont Daech avait été expulsé dès janvier 2014. En revanche, les bombardements de la coalition anti-Daech visent par définition l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi, dont la planification terroriste a lancé une sanglante « campagne d’Europe », notamment contre la France.

    Cette différence d’objectifs aurait pu interpeller un présidentiable fier de son « point de vue strictement français ». Admettons qu’il n’en soit rien. Mais nul ne peut nier le fait que les frappes russes ont systématiquement visé des cibles civiles, hôpitaux, écoles et boulangeries, et qu’elles ont été menées sur la seule base d’un accord avec la dictature Assad. Les opérations anti-Daech peuvent, en revanche, se prévaloir de textes de l’ONU, dont la résolution 2249 du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité en novembre 2015.

    « Pourquoi choisir » n’est au fond pour Jean-Luc Mélenchon qu’une interrogation rhétorique : il a bel et bien choisi. Mais qu’il n’avance pas masqué.

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