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  • Les intentions cachées d’une série télévisée sur les juifs égyptiens (Orient 21)

    Omissions, mensonges et propagande

    Programmer une série « spécial ramadan » consacrée aux juifs était un pari particulièrement audacieux. En Égypte, la chaîne Mehwar Drama l’a tenu. Avant sa diffusion, et tout au long du mois, des polémi- ques ont enflé sur les sujets abordés et la façon dont ils l’étaient. Le problème : les erreurs historiques sont multiples, les combats sont dépolitisés et la propagande actuelle contre les Frères musulmans et les Palestiniens relayée. Analyse de cette série dont les épisodes sont disponibles sur YouTube.

    Avec son titre accrocheur, le thème de cette série ramadanesque était un pari risqué pour le réalisateur égyptien Medhat El-Adl. Dans Harat al-Yahoud «  Le Quartier juif  », il revient en effet sur un chapitre de l’histoire contemporaine controversé et finalement peu documenté : le départ des juifs d’Égypte suite à la création de l’État d’Israël et à la première guerre israélo-arabe de 1948-1949. C’est à travers l’histoire d’amour entre Ali, un officier de l’armée, musulman, et Leïla, une jeune fille juive que le réalisateur tente de réconcilier les Égyptiens avec un partie de leur héritage. Cependant, cette noble intention est desservie par les innombrables erreurs historiques qui parsèment la série et par des discours politiques qui sont le reflet trop manifeste de la propagande du régime actuel.

    Un improbable «  âge d’or  » reconstitué en studio

    Si le quartier juif existe toujours, le réalisateur a décidé de le reconstituer en studio. On découvre un quartier lumineux, aux rues larges et propres, avec un cinéma et des immeubles anciens caractérisés par des appartements à hauts plafonds et un mobilier luxueux. Rien à voir avec la réalité décrite par Albert Arié, rencontré par Orient XXI.

    Agé de 85 ans, Albert Arié séjourna plusieurs semaines dans le quartier juif à la fin de l’année 1947. Détaché au «  quartier juif  » dans le cadre d’une campagne de lutte contre l’épidémie de choléra qui touche l’Égypte à cette époque, il raconte : «  J’ai découvert l’un des quartiers les plus pauvres du Caire, aux immeubles branlants et en mauvais état, érigés le long de petites ruelles sales et enchevêtrées  ». Il explique par ailleurs que s’il existait des quartiers où l’on trouvait des juifs, des musulmans et des chrétiens de classe moyenne vivant ensemble, comme à Abbassiyah ou à Sakakini, les habitants du quartier juif étaient en revanche tous juifs et vivaient bien en dessous du seuil de pauvreté. Avec un faible niveau d’éducation, souvent même illettrés, ils occupaient majoritairement de «  petits boulots  ». Rien à voir donc avec la mixité religieuse et les personnages cosmopolites mis en scène dans la série : pachas, officiers de l’armée et une classe moyenne petite-bourgeoise, composée d’orfèvres, de vendeurs de tissus, d’employées chez Cicurel1 et de diplômés du collège de la Mère de Dieu2, parlant français et récitant Albert Camus.

    Intérieur riche

    Si l’on peut se réjouir par ailleurs de l’histoire d’amour entre Ali et Leïla, elle n’aurait probablement pas été tolérée du temps où l’Égypte était en guerre contre «  l’entité sioniste  » et où la loi martiale (déclarée en mai 1948 mais non mentionnée dans la série) était en vigueur. À ce sujet, Arié s’indigne : «  il est grotesque d’imaginer qu’un officier aurait pu envoyer des lettres à sa petite amie juive depuis le front sans que celles-ci soient interceptées, ou qu’il soit renvoyé  ». Il s’étonne aussi de l’ignorance des spécificités du judaïsme et de ses différentes doctrines, ignorance manifeste notamment dans la mise en scène d’un mariage peu probable entre une juive rabbinite et un juif karaïte (9).

    La famille karaïte est par ailleurs noble et riche, à la tête d’un réseau finançant l’émigration des juifs égyptiens vers Israël. Or, les juifs karaïtes3 étaient parmi les plus pauvres d’Égypte et parmi ceux dont le sentiment national égyptien était généralement le plus fort. Le réalisateur gomme ainsi les écarts et contraintes séparant les différentes classes sociales de l’époque mais aussi les différentes religions et représente une Égypte telle qu’il se l’imagine, non telle qu’elle était, dans une vision plus romantique que nostalgique d’un «  âge d’or  » à l’andalouse où tout le monde coexistait4.

    Certes, le réalisateur n’échappe pas aux contradictions du cinéma et de la société égyptiens, comme lorsqu’il habille les jeunes actrices de tenues aguichantes, courtes et décolletées, dignes de la haute couture à l’européenne et plutôt associées aux classes moyennes de l’époque. On peut dire aussi qu’il s’agit d’une fiction et que le réalisateur peut donner libre cours à son imagination, comme dans l’épisode 9, lorsque le personnage de l’officier égyptien parvient, après s’être évadé d’une prison de l’armée israélienne, à rejoindre l’Égypte en se jetant dans un train qui relie les États israélien et égyptien... bien qu’il n’y ait jamais eu de train entre ces deux États. Interrogé à ce sujet par Al-Masry al-Youm, le réalisateur a simplement répondu : «  je voulais qu’il s’échappe par le train.  »

    Petits arrangements avec l’Histoire

    La série n’en demeure pas moins une fiction historique, et ce qui pourrait passer pour des lubies de la part du réalisateur devient plus problématique lorsqu’il réécrit le cours des événements. La chronologie est en effet bien souvent malmenée, comme lorsque l’assassinat du premier ministre Mahmoud Al-Nuqrashi (décembre 1948, ici épisode 10) se produit après la signature de l’accord d’armistice entre l’Égypte et Israël (janvier 1949 mais épisode 6  !)5.

    Dans un premier temps, ce manque de rigueur du réalisateur a eu pour conséquence de décrédibiliser auprès du public égyptien et arabe l’ensemble de la série, y compris et surtout le portrait «  humain  » dressé des juifs, inédit dans le cinéma égyptien. Il aura retenu toutes les attentions, dénoncé comme une manipulation supplémentaire destinée à donner une image positive d’Israël6 bien que la série ait son lot de «  méchants  » juifs, comme le personnage d’un orfèvre avide qui reprend les clichés les plus classiques du cinéma égyptien.

    La représentation romantique d’une Égypte tolérante et respectueuse de ses communautés éclipse les moments douloureux qui ont poussé les juifs à quitter l’Égypte, comme la série d’attentats à la bombe contre le quartier juif dès 1947, les dizaines de victimes et la vague d’exode qui s’ensuivit. Les politiques de persécutions et d’exil forcé orchestrées par le gouvernement et notamment le ministère de l’intérieur sont, elles aussi, occultées par la représentation d’une nation égyptienne forte et unie, en lutte contre l’occupant britannique. Le seul cas d’exil forcé mentionné dans la série, sans être pour autant expliqué, est celui d’Henri Curiel, dont le personnage fait une furtive apparition aux épisodes 18 (1 minute 30) et 19 (40 secondes). Finalement, la question du départ des juifs d’Égypte se retrouve dépolitisée et les prises de position politique des personnages, qu’il s’agisse du choix d’émigrer en Israël ou de l’adoption d’un discours anti-juif, sont réduites à une dimension individuelle, résultat de déceptions amoureuses, de querelles ou encore de ressentiment personnels.

    Dans ce contexte, les quelques événements historiques et discours politiques qui surgissent en toile de fond de manière grossière, voire caricaturale, s’intègrent mal et il est difficile de ne pas y voir le reflet d’une propagande politique plus actuelle.

    Caricature des Palestiniens

    À l’image de la question de l’émigration des juifs d’Égypte, les conséquences de la création de l’État d’Israël pour les Palestiniens sont éclipsées et les représentations ponctuelles et caricaturales qui sont faites ne redorent guère leur image dans le contexte politique et médiatique égyptien actuel, particulièrement hostile aux Palestiniens.

    Le premier Palestinien de la série apparaît au 4e épisode sous les traits d’un «  collabo  » des forces d’occupation israéliennes. Bien que par la suite, ce personnage s’avère en réalité un agent double espionnant l’ennemi, on regrette que ce soit l’entrée choisie par le réalisateur, d’autant que la représentation des Palestiniens ne s’améliore pas au cours des épisodes suivants (8, 9 puis 19) où ils apparaissent uniquement sous les traits de quelques villageois (bédouins  ?) palestiniens, totalement passifs, aux habits folkloriques, entourés de leurs chameaux, dans un décor semi-désertique.

    Il faut attendre l’épisode 18, soit plus de la moitié de la série, pour que la résistance palestinienne entre en scène incarnée par... des Palestiniens attaquant un kibboutz. Cette scène silencieuse d’une durée de 40 secondes ponctuée uniquement par des coups de feu montre les Palestiniens tournant autour de ce qui semble être une antenne relais, tels des Indiens autour du feu. L’épisode se conclut par une seconde attaque sur la personne du dirigeant du kibboutz par un enfant palestinien qui tente de le tuer avec un fusil.

    Agents doubles, agresseurs ou spectateurs mais toujours silencieux ou tout simplement absents d’un conflit qui n’est plus le leur, les Palestiniens se trouvent ainsi réduits au rôle de figurants tandis que par ailleurs la série reprend certains éléments du discours sioniste sans aucun démenti : un commandant de kibboutz explique que cette terre est en réalité la terre des juifs «  depuis 2000 ans  » et que ce qu’il veut c’est vivre en paix : il rêve d’une grande maison, d’amour, de paix et de musique... mais ils doivent se défendre contre les Palestiniens qui les attaquent (16 et 18). En revanche, les propos antisémites sont toujours attaqués par des répliques scandalisées et véhémentes.

    Les débats politiques sur la colonisation et l’occupation de la Palestine ainsi mis en scène apparaissent donc simplifiés, pour ne pas dire simplistes, et finalement biaisés dans un contexte où les relations avec Israël n’ont jamais été aussi fortes, du renforcement du blocus sur Gaza après le coup d’État du 3 juillet 2013 au renvoi d’un ambassadeur en Israël après presque 3 ans d’absence en passant par la complicité de l’Égypte dans l’attaque menée par Israël sur Gaza à l’été 2014. Ce n’est donc pas tant l’humanisation des juifs que l’absence de traitement identique vis-à-vis des Palestiniens et des Frères musulmans qui se fait le reflet de la nouvelle phase de normalisation accrue avec l’occupant israélien entamée par les nouvelles autorités égyptiennes.

    Frères musulmans, une vision manichéenne

    Dès le premier épisode, le ton est donné avec une attaque contre les Frères musulmans et leur rôle dans la guerre contre l’occupant sioniste et le déni de la réalité de l’envoi de brigades fréristes en Palestine. C’est ensuite leur rôle politique dans la réussite du coup d’État des Officiers libres (1952) qui est occulté, alors qu’ils constituaient l’une des principales forces mobilisatrices, sans compter leurs rapports organisationnels avec les Officiers libres dont nombre des membres du comité exécutif ont appartenu à un moment ou un autre aux Frères Musulmans et alors que l’on dénombrait plus de 70 recrues des Frères musulmans parmi les Officiers libres7. Le réalisateur présente les Officiers libres comme une force détachée des courants idéologiques de l’époque et les communistes sont eux aussi vivement attaqués, accusés à tort de «  rassembler des juifs pour les envoyer en Israël  », alors que les communistes égyptiens rejetaient le sionisme.

    À partir de l’épisode 10, les réunions secrètes qui se multiplient en vue d’une révolte ne font qu’exacerber l’aspect caricatural des discours de chacune des parties : d’un côté, des officiers uniquement préoccupés par le bien du pays veulent rejoindre les Officiers libres, rejetant l’idée d’une adhésion aux Frères musulmans — des «  assassins  » qui «  mélangent politique et religion pour tromper les pauvres et les innocents  » (17). De l’autre, des Frères musulmans qui discutent essentiellement de leurs intérêts et de l’avenir de la confrérie après l’assassinat de leur leader Hassan Al-Banna (14, 15).

    Hypocrites dans leur solidarité avec les Palestiniens et finalement plus occupés à semer la discorde dans le pays (et dans le quartier) en propageant l’idée que «  les juifs ici sont comme les juifs en Israël  » (4), le portrait dressé des Frères musulmans est loin d’être aussi humain que celui des juifs. Albert Arié, communiste et juif, qui a côtoyé de nombreux Frères musulmans, notamment pendant ses onze années de détention en tant que prisonnier politique, explique : «  Les Frères musulmans ont effectivement mené certaines attaques contre les juifs mais ils avaient d’autres chats à fouetter, surtout après leur dissolution. Réduire l’histoire post-1948 des juifs égyptiens à ces attaques, c’est réductionniste et c’est une insulte à la vérité. Ce n’est pas la peur des Frères musulmans qui a poussé les juifs à partir mais la peur et les pressions de la sécurité intérieure et du ressentiment populaire croissant  ».

    À l’épisode 11, suite à l’assassinat du premier ministre Nokrachi, les attaques contre la confrérie sont formulées par le personnage d’Al-Banna lui-même : «  Ce que j’ai bâti depuis 1928 est en train d’être détruit par des gens qui sont immatures, instables et ne comprennent rien  ». «  Ce qui nous est arrivé avant est une chose mais ce qui va nous arriver maintenant va être bien pire. Aujourd’hui va commencer la guerre contre nous  », ajoute-t-il  ; une déclaration presque prophétique si l’on considère la répression actuelle subie par les Frères musulmans. Par ailleurs, la nécessité de lutter contre les idées de la confrérie revient à de nombreuses reprises : alors que dans le quartier, voyous et prostituées deviennent eux aussi les héros de la résistance contre l’occupant (16) entraînés par l’officier Ali, celui-ci explique que les idées des Frères musulmans doivent être combattues, tandis que ceux qui les embrassent sont présentés comme des jeunes trop crédules (la sœur d’Ali) ou fanatiques (son compagnon).

    Face aux Frères musulmans (et aux communistes), les jeunes et beaux officiers, courageux, aux discours progressistes et unitaires, sont les seuls véritables patriotes, l’officier amoureux Ali renonçant finalement à son bonheur personnel dans la dernière scène, son amour de la patrie étant plus fort que celui qui le lie à Leïla.

    La vision romantique d’une nation égyptienne forte, unie dans toutes ses composantes et conduite par une armée glorifiée fait écho au slogan du coup d’État militaire du 3 juillet 2013 : «  le peuple, l’armée, la police, main dans la main  ». Et finalement, alors que le réalisateur tente de retracer les deux années qui ont suivi le coup d’État de 1952 et la nouvelle dissolution des Frères musulmans en 1954, les discours anachroniques contre les Frères accusés de vouloir «  récupérer la Révolution  » ou de faire partie d’une «  cinquième colonne  » cachent mal les positions assumées du réalisateur qui compare Gamal Abdel Nasser et Abdel Fattah Al-Sissi : «  Nous voyons l’histoire se répéter. Les Frères musulmans ont essayé de prendre le dessus sur la révolution de juillet mais ont échoué parce que Nasser était un leader avec une stratégie. C’est arrivé à nouveau avec la révolution du 25 janvier (2011, début du printemps égyptien) comme les événements le prouvent.  »8 L’un des éclairs de vérité sur cette question réside peut-être dans cette phrase prononcée dans l’un des derniers épisodes par un jeune Frère musulman : «  Quoi qu’il advienne, ils disent toujours que c’est notre faute ou celle des communistes  » (28).

    Au service du discours dominant actuel

    L’histoire des juifs d’Égypte, celle de la révolution de 1952 et la question palestinienne sont des thématiques sensibles qui ont été soumises, au fil des décennies, à l’interprétation et à la manipulation des différents régimes égyptiens. La série Le quartier juif est le reflet de son époque et du discours dominant actuel, alors que la peine de mort de Mohamed Morsi, accusé d’espionnage au profit «  du Hamas, du Hezbollah chiite libanais et des pasdarans iraniens  » a été confirmée le 16 juin 2015.

    Certes, concernant la question des juifs d’Égypte, cette série représente une nouvelle tentative9 de briser un tabou et de bousculer certaines idées reçues auprès de la population égyptienne, comme le montrent non seulement les nombreuses polémiques mais aussi l’intérêt porté par certains médias ces dernières semaines à cet aspect de l’histoire contemporaine négligé jusque-là. Son héritage est menacé  ; sur 100 000 juifs égyptiens en 1948, il n’en reste plus que quelques uns10. Nous conclurons alors avec ces mots d’Albert Arie dans un entretien à Ahram online : «  Ce qu’il faut maintenant c’est faire en sorte que l’histoire des juifs égyptiens, qui fait en fait partie de l’histoire de l’Égypte, soit bien documentée et leurs monuments préservés pour qu’un jour peut-être, l’histoire complète soit correctement racontée, loin des buts de propagande politique ou de gains commerciaux  ».

    Céline Lebrun   7 août 2015
  • Syrie. Les responsables d’attaques chimiques devront répondre de leurs actes (Courier International)

    Le Conseil de sécurité des Nations unies s’apprête à adopter ce vendredi 7 août une résolution pour établir une procédure d’enquête sur l'utilisation d'armes chimiques dans le conflit syrien.

    “Cette avancée arrive après des mois d’efforts déployés par les Etats-Unis et ses alliés européens pour convaincre la Russie d’atténuer le soutien diplomatique qu'elle offre à Bachar El-Assad, l'homme fort de la Syrie”, souligne Foreign Policy. C'est chose faite à la suite de l'accord finalisé le mercredi 5 août par le secrétaire d'Etat américain John Kerry et le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov.

    “Il s’agit de la meilleure opportunité pour les Nations unies d’accuser officiellement le gouvernement syrien d'utiliser des bombes au chlore pour frapper des zones habitées”, poursuit le magazine américain. 

    Le projet de la résolution qui sera soumis au vote ce vendredi 7 août stipule que des recommandations seront faites dans les vingt jours pour établir un “mécanisme conjoint d'enquête”, sous la houlette des Nations unies et de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC).

    “C'est la première fois que nous avons une résolution des Nations unies avec un mandat pour déterminer la responsabilité de quoique ce soit dans le conflit syrien”, commente un diplomate du Conseil de sécurité dans Foreign Policy. Il ajoute : “C'est une percée importante. Elle révèle une évolution de la position de la Russie, qui s'est attachée jusqu'à maintenant à défendre le régime syrien et à lui éviter toute accusation ou blâme.”

    Et le magazine d'émettre quelques réserves : la résolution qui doit être adoptée par les quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU ne propose pas de moyens spécifiques pour poursuivre des membres du gouvernement d'Assad ou des membres des groupes extrémistes qui seraient désignés comme responsables d'utilisation d'armes chimiques. “L'établissement d'une cour pénale pour les juger nécessitera une autre résolution et il n'est pas du tout certain que la Russie ira jusqu'à la soutenir.”

    Foreign Policy rappelle que la Syrie est censée avoir détruit tout son arsenal chimique, conformément à un accord américano-russe conclu en septembre 2013 et entériné par une résolution du Conseil de sécurité, après un bombardement au gaz sarin qui avait fait des centaines de morts en août 2013 dans la ville de Ghouta, située dans la banlieue de Damas.

    Mais, selon l'OIAC, qui a pu se rendre sur place en mai 2014 pour une mission d’inspection, l'usage “systématique et répété” de bombes chimiques ne s'est pas pour autant arrêté. Toutefois, la mission, qui a remis son rapport en septembre 2014, n'était pas en mesure de désigner les auteurs de ces attaques.
     
    Auteur Hoda Saliby Publié le 07/08/2015 - 12:11
     
     
    Commentaire: Nous n'en croyons pas un mot! Comment ont-ils soutenu l'ASL, seule force laique?
  • Algérie Annaba : Le complexe métallurgique ArcelorMittal paralysé (Afriques en lutte)

    Les travailleurs se disent déterminés à sacrifier aussi leur salaire de février pour sauver la cokerie (photo DR)

    Le complexe métallurgique ArcelorMittal d’Annaba se retrouve encore une fois paralysé.

    Des employés d’une de ses unités, en l’occurrence ArcelorMittal Pipes and Tubes (AMPTA), anciennement appelée unité de Tuberie sans soudure (TSS), en grève depuis le mois d’avril dernier, ont fermé, hier, l’accès principal au complexe. Ce qui a provoqué la mise à l’arrêt de toutes les unités du complexe.

    C’est la seconde fois que cela se produit en l’espace de deux semaines. Le 21 juillet dernier, ces mêmes employés, une soixantaine à peu près, avaient procédé de la même manière. Mais leur action, à savoir la fermeture de l’accès, n’avait duré qu’une demi journée. Cette fois-ci, ArcelorMittal est intégralement à l’arrêt depuis deux jours déjà. L’AMPTA est en difficulté financière vu que son plan de charge n’est pas assez étoffé.

    Les employés grévistes réclament une augmentation de salaire en plus d’autres revendications comme l’annulation de la décision de licenciement prise à l’encontre du SG du syndicat. Un conflit qui n’a trouvé, jusque-là, aucune solution.

    En bloquant l’accès au complexe, le mettant complètement à l’arrêt, les protestataires espèrent que cela fera finalement réagir les pouvoirs publics. L’AMPTA, qui emploie 350 travailleurs, est détenu à 70% par ArcelorMittal et 30% par l’entreprise nationale Sider.

    Elyas Nour
    Elyas Nour
    Elyas Nour

    Source : Algérie Focus 6 août 2015

    http://www.afriquesenlutte.org/afrique-du-nord/algerie/article/algerie-annaba-le-complexe

    Voir aussi:

    http://www.huffpostmaghreb.com/2015/07/04/arcelo-mittal_n_7726378.html

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

  • Égypte: canal de Suez, encore un projet pharaonique… et contesté (Orient 21)

    Le nouveau timbre lancé pour célébrer le projet d’extension du canal de Suez représente par erreur le canal de Panama. Il a été retiré de la vente.

    Développement ou opération de communication ?

    Lors de son premier discours devant l’Assemblée générale des Nations Unies le 24 septembre 2014, le président Abdel Fattah Al-Sissi a énoncé ses priorités : le développement pour atteindre la prospérité et lutter contre le terrorisme. Il a aussi déclaré que « le nouveau projet du canal de Suez [était] un cadeau de l’Égypte au monde ». Ce projet répond aux priorités nationales et devrait contribuer à façonner cette « nouvelle Égypte » qu’il veut incarner. Mais la réalité est moins rose que les discours.

    «  Moins les zones sont développées, plus le terrorisme apparaît  », déclarait Mohab Mamish, le président de l’Autorité du canal de Suez, lors de l’inauguration du nouveau projet de développement du canal le 5 août dernier. L’Égypte veut nettoyer le nord Sinaï des groupes djihadistes qui y organisent des attentats ciblant les forces de l’ordre. Le projet est une manière de reprendre possession de ce territoire.

    Concrètement, il prévoit l’agrandissement et la construction de nouveaux ports permettant l’arrimage et l’entretien de très gros navires transitant par le canal. Il planifie également la création d’un hub technologique, de zones industrielles pour des entreprises intéressées par ce débouché immédiat sur l’une des principales routes maritimes mondiales et la construction d’entrepôts. Le développement de cette région faisait déjà partie des grands projets de Hosni Moubarak dans les années 1990. Mohamed Morsi voulait y adjoindre le percement de trois tunnels. Les autorités évaluent le coût du projet à 78 milliards d’euros, avec à la clé la création d’un million d’emplois. La partie du projet qui retient toute l’attention des Égyptiens et de la presse est le «  nouveau canal de Suez  ».

    «  Ce projet géant consiste à créer un nouveau canal parallèle au second  », a expliqué Mamish. En réalité, il est moins ambitieux, puisqu’il s’agira de creuser une nouvelle portion de canal sur 35 kilomètres et d’élargir le chenal dans le canal existant sur une autre portion de 37 km. Ces travaux doivent permettre de réduire de 8 heures le temps d’attente des deux convois quotidiens transitant dans la direction nord-sud (southbound), actuellement contraints de jeter l’ancre pour laisser passer le seul convoi (northbound) quotidien. L’élargissement du chenal permettra à deux Suezmax1 de se croiser. Le percement de 6 tunnels (4 routiers et 2 ferroviaires) à différentes hauteurs du canal est également prévu.

    Les autorités du canal de Suez prévoient un doublement du trafic d’ici 2020 — on passerait alors de 49 bateaux par jour à 97 — et espèrent récolter 10 milliards d’euros par an grâce aux droits de passage2. En 2013, l’Égypte a perçu environ 4 milliards d’euros, une source de devises salutaire dans un pays sinistré par près de trois ans d’instabilité politique. Le financement de cette partie du projet est estimé à 6,4 milliards d’euros.

    Les acteurs économiques s’interrogent

    Les acteurs du transport maritime s’interrogent sur l’intérêt d’un tel programme. Il n’y a eu aucune pression de leur part sur les autorités  ; le coût du fret n’a jamais été aussi bas, réduire de huit heures une traversée de plusieurs semaines ne présente pas d’avantage déterminant. Le projet aurait pu présenter une utilité s’il avait permis aux supertankers de transiter sans décharger leur brut mais la taille des Suezmax restera inchangée. Ils craignent surtout que son manque de rentabilité entraîne le pouvoir à relever les taxes pour payer les investisseurs. Enfin, d’après l’assureur Allianz, augmenter le trafic dans cette zone conduira à une augmentation du risque d’accidents déjà trop fréquents (1:1100 pour Suez contre 1:4000 pour Panama)3.

    Peu de voix s’élèvent contre le projet dans la presse égyptienne. Pourtant, il y a matière à réagir. En pleine inauguration, le président a exigé qu’il soit terminé en un an alors que Mohab Mamish avait annoncé qu’il se ferait sur trois ans. Ce nouveau délai imposé est totalement irréaliste et dangereux, aussi bien pour la bonne facture de l’ouvrage que pour la sécurité des ouvriers sur le chantier. Depuis le 15 septembre, trois ouvriers y ont perdu la vie. Des portions du nouveau canal se sont remplies d’eau, ce qui complique les travaux. Plusieurs experts soulignent que si des études sérieuses avaient été menées en amont, ces infiltrations auraient été évitées. Des milliers d’habitants ont reçu un avis d’expulsion 10 jours seulement avant la démolition de leur maison et de leurs champs et n’ont reçu aucune compensation4.

    Concurrencer le canal de Panama

    Cet empressement soudain s’explique aussi par le fait que les autorités du canal de Panama, principal concurrent du canal de Suez, ont entrepris des travaux afin de doubler et d’approfondir le canal qui doivent se terminer en 2016. Sissi espère, en accélérant la cadence, garder un avantage compétitif5. On ne trouvera aucune mention du canal de Panama dans les discours ou dans la presse, si ce n’est pour évoquer la terrible bourde du timbre émis pour célébrer le nouveau projet du canal de Suez illustré par...le canal de Panama.

    Face à l’augmentation constante de la taille des porte-conteneurs, Panama n’avait d’autre choix que d’augmenter la capacité de son canal qui permettra, à terme, le passage de navires transportant jusqu’à 12 000 conteneurs (contre 5 000 maximum aujourd’hui). Dans le même temps, afin de réduire les coûts, les transporteurs optent pour des porte-conteneurs toujours plus gros, quitte à ce que le temps de transport augmente. Maersks, la plus grande compagnie de transport maritime au monde, a récemment fait ce choix et a annoncé6, seul capable de permettre le passage de ces gigantesques transporteurs de marchandises qui peuvent supporter jusqu’à 18 000 conteneurs. Le canal de Suez, même dans ses dimensions actuelles, dispose déjà d’un avantage compétitif sur le futur canal de Panama.

    Recyclage d’un symbole national

    Diffusée en direct sur plusieurs chaînes égyptiennes7, l’inauguration du projet le 5 août 2014 a été une opération de communication savamment orchestrée. Elle a rappelé l’importance du canal dans l’histoire de l’Égypte moderne. Creusé par des Égyptiens, dont 100 000 perdirent la vie, pour le profit des puissances coloniales d’abord françaises puis britanniques, il est le symbole de l’émancipation du joug impérialiste lorsque le président Gamal Abdel Nasser nationalise la compagnie du canal de Suez en 1956. Grâce aux revenus dégagés par le canal, Nasser peut enfin mener son grand projet : la construction du barrage d’Assouan. En 1973, c’est en traversant le canal que l’armée égyptienne prend par surprise les forces israéliennes occupant le Sinaï.

    À côté de l’histoire racontée, il y a aussi les non-dits, comme sur le choix du lieu de l’inauguration. La ville d’Ismaïlia est certes le siège de l’Autorité du canal de Suez, mais elle reste aussi associée à l’occupation britannique, à la naissance du mouvement des Frères musulmans ayant combattu cette occupation et soutenu la révolution de 1952. Ce fait n’a été rappelé ni par le président, ni dans les documentaires, ni dans les journaux. Exclus du pouvoir en 1952 par les Officiers Libres, bannis de la scène politique depuis la destitution de Morsi, ils sont désormais accusés d’antinationalisme. Al-Sissi s’approprie le lieu, le symbole : il incarne une Égypte indépendante. C’est important pour ce militaire de carrière qui, contrairement à Nasser, Anouar El-Sadate ou Moubarak, n’a combattu dans aucune guerre.

    L’indépendance est bien le leitmotiv du discours du raïs. Les travaux (canal et tunnels) sont effectués par des compagnies égyptiennes sous la direction des forces armées. Le financement doit être exclusivement égyptien et se fera grâce à des certificats d’investissements vendus à 1,10 ou encore 100 euros avec un rendement exceptionnel de 12 % par an. Il sait, dit-il, que la question du financement est très sensible pour les Égyptiens. Morsi n’avait-il pas été accusé de vouloir vendre le canal de Suez aux Qataris  ? Pourtant, dans le nouveau projet, seule la partie canal et tunnels sera financée par les Égyptiens, le reste le sera par des investisseurs étrangers. Les Émirats arabes unis8, les États-Unis, la Norvège, l’Inde, la Hollande, l’Arabie saoudite et le Koweït se sont montrés intéressés9. Tout comme la Russie, depuis le rapprochement entre Sissi et le président Vladimir Poutine, et la Chine avec laquelle un accord a été conclu.

    Une propagande paternaliste

    Dans son discours simple et empreint de paternalisme tenu à l’occasion du lancement du projet, le président a demandé aux Égyptiens de «  se soutenir les uns les autres et de soutenir le projet.  » Il n’a pas caché la difficulté de la tâche : «  Nous avons beaucoup de défis à relever, d’efforts à accomplir et de sacrifices à réaliser  ». On ne sait plus s’il parle du nouveau canal de Suez ou de l’Égypte. Peu importe, le projet est le symbole de la reconstruction de tout le pays. Et l’accent a été mis sur la capacité des citoyens à le réussir seuls.

    Les médias ont été invités à soutenir le projet, il a été encensé dans un long éditorial du quotidien Al Ahram  ; les Égyptiens ont été incités à investir10. Mis sur le marché le 4 septembre, les certificats d’investissement ont tous été vendus en une dizaine de jours, permettant ainsi de réunir les 6 milliards d’euros nécessaires. De nombreux petits porteurs se sont rendus dans les banques avec un sens aigu du patriotisme.

    Le développement du canal de Suez a un avantage déterminant sur d’autres mégaprojets tels que celui de Tochka : il repose sur une base déjà existante et rentable. Il est moins utopique et la position stratégique de la région laisse espérer que les investissements ne se feront pas à fond perdu. Cependant, concernant la partie «  canal  » du projet, il ne suffit pas d’en doubler la capacité pour doubler ses revenus. Cela dépend du contexte international. Les revenus tirés du canal de Suez stagnent depuis trois ans, l’année 2014 sera sans doute meilleure mais sans croissance mondiale significative, l’Égypte n’aura pas la rentabilité attendue. Pourtant, il faudra bien rémunérer les investisseurs et le risque existe de voir diminuer les revenus puisque l’Égypte tire des droits de passage. À court et moyen termes, ceux qui ont investi seront donc rémunérés au détriment de l’État, des autres projets de développement dont l’Égypte a grandement besoin, notamment pour aider les plus pauvres.

    Orient XXI Séverine Evanno  20 octobre 2014 http://orientxxi.info/magazine/egypte-canal-de-suez-encore-un,0727
  • Ils étaient 222 décapités par la guillotine (Babsman)

    Dans leur opération de répression de la lutte pour l’indépendance, les autorités coloniales usèrent d’une arme sauvage : la guillotine.

    Une machine de guerre infernale. De 1956 à 1958, il y a eu 16 exécutions doubles, 15 multiples, 8 quadruples, une quintuple. Pour la seule année 1957, 82 condamnés à mort ont été exécutés : 41 à Alger, 7 à Oran et 34 à Constantine.

    Premier à monter sur l’échafaud : Ahmed Zabana

    Ahmed Zabana a été décapité par la guillotine le 19 juin 1956, à 4 heures du matin, dans la cour de la prison de Serkadji. Le Conseil supérieur français de la magistrature avait scellé son sort lors de sa réunion du 5 juin 1956. 

    Il avait suivi la directive du chef du gouvernement, Guy Mollet – « la sanction doit immédiatement suivre l’arrêt » –  donnée en Conseil des ministres quatre mois auparavant, le 15 février. De son côté, le Secrétaire d’Etat à la guerre, Max Lejeune, socialiste de la SFIO, partisan convaincu de l’Algérie française, appuyait l’appel des Français d’Algérie : « Les sentences doivent être exécutées ». A la date du 15 février 1956, 253 condamnations à mort avaient été prononcées dont 163 par contumace.  90 détenus se trouvaient donc dans les couloirs de la mort des prisons

    La condamnation à mort le 30 mai 1956 d’Ahmed Zabana figurait parmi les 55 sentences confirmées par la Cour de Cassation.

    Le 19 juin 1956, le bourreau en titre s’appelait André Berger, « Monsieur Alger » ; Maurice Meissonnier, aidé de son fils Fernand, était son adjoint.

    Témoin de la scène, Maître Mahfoud Zertal rapporte : « J’ai pu constater le courage, la fermeté, l’abnégation du condamné qui a demandé à aller vers le supplice libre de ses mouvements, refusant menottes et cagoule. Son ultime demande fut celle de faire sa prière. Elle lui fut refusée.

    Mes collègues et moi avions protesté énergiquement, arguant du fait que c’était la dernière volonté du condamné. Les bourreaux avaient alors justifié leur refus par le fait, ont-ils dit, que dans pareilles circonstances l’accélération des faits étaient de rigueur. A la suite de notre protestation, la demande du condamné fut acceptée ; le directeur de la prison vint vers moi pour me dire que la prière avait pris beaucoup de temps, mais Zabana termina sa prière sans aucune contrainte.

    Il a ensuite écrit une lettre à sa mère puis a demandé à aller seul vers l’échafaud.

    Et le miracle eut lieu ! Nous ne pouvons appeler autrement que miracle ce qui est arrivé les instants suivants ; en effet, le couteau d’acier qui pèse un quintal été stoppé net, et à deux reprises, au niveau du coup du condamné !

    J’ai immédiatement évoqué le principe de pitié pour le condamné face à de tels évènements. Rien n’y fit. On me répondit qu’il fallait achever et renouveler l’opération jusqu’à ce que mort s’en suive.

    On actionna à nouveau le couperet qui fonctionna à la troisième tentative. Le cou du supplicié fut tranché, mais la tête ne roula pas dans le panier placé à cet effet et fut projeté à plus de vingt mètres.

    La lettre-testament du chahid fut remise par mes soins à sa mère ». (1)

    « Dieu m’a choisi parmi ses fidèles qui doivent être sacrifiés. Je ne meurs pas en vain. Le peuple algérien sera victorieux et l’Algérie indépendante.

    Je demande à Dieu de me recevoir en martyr et de m’admettre en son paradis », avait-il écrit au pied de l’échafaud.

    Ahmed Zabana, ouvrier soudeur, ancien de l’Organisation Spéciale (OS) bras armé du PPA-MTLD,  moudjahid du 1er novembre 1954, avait 30 ans.

    Il fut enterré au cimetière d’El Alia, au carré 16. Les fossoyeurs étaient des détenus de droit commun en fin de peine. Le 18 juin 1975, ses cendres furent transférées au cimetière de son village natal – Saint Lucien, aujourd’hui Zabana.

    Le 19 juin 1956, date de son exécution, fut une date cruciale, selon l’historien français, Pierre Vidal-Naquet. En effet, la riposte du FLN ne s’était pas fait attendre.

    Mohamed Rebah                                                                                                      

    NOTES:

    1. 1 – Source : Magazine Mémoria du 26 juillet 2014
    2. *Le chiffre de 222 est donné par le magazine français Le Point. Selon l’historienne française, Sylvie Thénault, auteure de Une drôle de justice, le nombre d’exécutés s’élèvent à 198.
    3. *Les chiffres ont été repris de l’ouvrage François Mitterrand et la guerre d’Algérie par François Malye et Benjamin Stora.

     http://www.babzman.com/2015/ils-etaient-deux-cent-vingt-deux-decapites-par-la-guillotine/

  • Changement d’image pour le Festival du film de Locarno pour essayer de se dérober au boycott d’Israël (Aurip)

    Plus tôt cette année, des professionnels de l’industrie cinématographique du monde entier se sont engagés à boycotter le Festival international du film de Locarno, en Suisse, en raison de son partenariat avec l’Israel Film Fund parrainé par l’État israélien.

    En dépit des efforts des organisateurs du festival, rebaptisant la section du festival consacrée aux films financés par l’État israélien – et « équilibrant » avec des films arabes d’Afrique du Nord -, les signataires en faveur du boycott restent fermes sur leur engagement à ne pas participer à Locarno.

    Avec le soutien financier du gouvernement israélien, la section « Carte Blanche » du festival devait être consacrée aux films venant d’Israël, présentés au dernier stade de la production afin de mettre en valeur les réalisateurs pleins d’avenir devant les représentants de l’industrie.

    Aujourd’hui, il semble que le festival est en train d’essayer de se dérober à la condamnation de sa relation avec l’État d’Israël – et au boycott qui monte – en modifiant le nom de la séance « Carte Blanche ».

    Évoquant « certaines réactions que l’édition de cette année a provoquées », le site du Festival international du film de Locarno affirme que la décision a été prise de « changer le nom de l’initiative, en la renommant "First Look", parce que le nom précédent de "Carte Blanche" ne reflète pas suffisamment la façon dont le projet est organisé et qu’il donne lieu à de fausses interprétations ».

    « Un équilibre »

    Dans ce qui paraît être une surenchère cynique sur ce qui est présenté parfois comme un « équilibre », une autre section du festival – le programme Open Doors – va être, cette année, consacrée aux films venant des pays d’Afrique du Nord de langue arabe, Maroc, Algérie, Libye et Tunisie.

    Le site du festival avait publié des affirmations tout aussi fallacieuses dans sa déclaration initiale d’avril, défendant le choix d’Israël pour le programme alors nommé « Carte Blanche », quand il prétendait :

    « Cela a été le cas en 2007 quand le Festival a consacré la section Open Doors aux pays du Machrek (Syrie, Liban, Jordanie, Israël, Iraq, Territoires palestiniens et Égypte), avec la rétrospective 2006 "Est de la Méditerranée" des Pardi di domani, ou quand il a mis l’accent en 2013 sur les films syriens, produits en dépit de conditions incroyablement difficiles. Pour nous, ces principes de la liberté artistique représentent un symbole auquel on ne peut renoncer. »

    Sauf que selon un communiqué de BDS Tunisie, la plupart des réalisateurs et producteurs tunisiens ont retiré leurs films du festival en protestation contre la présence institutionnelle israélienne. La page correspondante sur le site du festival semble bien confirmer l’existence d’un désarroi dans le programme, car elle a été effacée et aucun contenu nouveau n’est venu la remplacer.

    Et selon un courriel envoyé à The Electronic Intifada par la réalisatrice palestinienne primée Annemarie Jacir, plusieurs des réalisateurs algériens et marocains se sont également retirés, ce qui montre la réticence des artistes du monde arabe à se laisser utilisés pour blanchir Israël.

    Changer de nom

    Représentant déjà une vitrine précieuse pour les professionnels de l’industrie, les films projetés au programme « First Look » seront aussi éligibles à un prix comprenant 60 000 € de services post-production par Rotor Film et un soutien publicitaire de 5500 € par le Film français.

    Selon le quotidien israélien Ha’aretz, les organisateurs du festival persistent à prétendre que le changement de nom a eu lieu parce que « la nature du projet, qui est consacré au cinéma israélien, n’est pas une "carte blanche" étant donné que ce n’est pas une plate-forme pour l’État d’Israël ni pour l’Israel Film Fund, et parce que le choix des films en post-production est réservé à la seule direction artistique du festival. »

    Cependant, Ha’aretz affirme aussi que le programme officiel du festival « montre clairement que le cinéma israélien aurait apprécié bien davantage la représentation ».

    Deux autres films israéliens avaient été donnés en très bonne position dans le programme du festival et sur les listes des nominés pour les prix. Le réalisateur israélien Nadav Lapid avait été désigné comme juré pour l’un des prix du festival.

    5 août| Sarah Irving pour The Electronic Intifada
     
  • La démographie comme facteur révolutionnaire en Afrique du Nord (Orient 21)

    Tunisie, Égypte, Maroc

    Il existe de nombreuses causes aux révolutions. Mais le facteur démographique a souvent été négligé et l’arrivée à l’âge adulte de générations plus nombreuses, souvent mieux formées et sans perspective aucune explique les mobilisations auxquelles on a assisté dans le monde arabe.

    Le début de l’année 2011 a été le théâtre de deux révolutions dans le monde arabe, en Tunisie puis en Égypte que personne n’avait prévues, surprenant la plupart des spécialistes reconnus de ces pays. En quelques semaines, deux dictateurs installés de longue date ont été évincés du pouvoir. Existe-t-il un facteur caché qui pourrait expliquer ces événements  ?

    Oui, la démographie est ce facteur caché  ; plus précisément, l’existence d’un pic de naissances 25 ans auparavant. En effet, le lien entre volume de naissances et évènements géopolitiques n’a pas été effectué jusqu’ici. Pourtant, un nombre plus élevé de naissances dans un pays pauvre peut avoir plusieurs conséquences négatives lorsque les générations nombreuses arrivent à l’âge adulte, si le gouvernement gère mal l’économie et se caractérise par un autoritarisme certain. C’est un terrain qui peut être favorable aux contestations quel que soit leur type (démocratique, conservateur ou socialiste) et conduire ainsi à une révolution, à une émigration massive vers les pays plus riches et, par l’appauvrissement de la population, un plus grand nombre de personnes devant se partager le même gâteau global, être un élément favorable à une révolution.

    Même s’il n’existe pas de déterminisme absolu, et si de nombreuses autres causes expliquent les soulèvements, l’évolution des naissances constitue un facteur important et largement sous-estimé de l’Histoire, conduisant potentiellement à des changements géopolitiques majeurs. Or, en analysant deux pays du monde arabe qui ont récemment connu une révolution, la Tunisie et l’Égypte, il est possible de démontrer que la révolution peut s’expliquer dans chaque pays par la combinaison d’un régime autoritaire, d’une économie peu performante, et, last but not least, d’un pic de naissances 25 ans plus tôt.

    Régime autoritaire et économie pauvre

    Pour la Tunisie, nous disposons de données complètes concernant les statistiques des naissances depuis 1970, ce qui nous permet de déterminer les années où elles ont été les plus nombreuses. En 1970, la Tunisie comptabilisait 186 000 naissances, un nombre qui a augmenté lentement dans les années 1970 et le début des années 1980 pour atteindre un pic entre 1984 et 1987, soit environ 230 000 naissances. Le taux de fécondité a baissé lentement durant cette période, de sorte que le volume des naissances a continué de progresser. L’année record fut 1986 avec 234 736 naissances. Puis, une forte baisse est constatée jusqu’en 1999 avec 160 000 naissances, en raison d’une diminution très rapide de la fécondité.

    Selon notre hypothèse, la fenêtre démographique la plus favorable pour la révolution se situait consécutivement 25 années après le pic du milieu des années 1980, soit entre 2009 et 2012. La «  révolution de jasmin  » de décembre 2010 à janvier 011 s’est donc déroulée en plein milieu de cette fourchette. En effet, la Tunisie combinait parallèlement un régime autoritaire et une économie pauvre.

    En ce qui concerne le régime politique, selon «  l’indice de démocratie  » de The Economist, qui mesure le niveau de liberté de l’ensemble des États de la planète, la Tunisie, bien que désignée officiellement comme une République, se classait seulement au 144e rang dans le monde, soit au même niveau que le Zimbabwe de Mugabe, un modèle de dictature implacable  ! Après l’acquisition de son indépendance de la France en 1957, le nouveau régime tunisien était une «  République  » dirigée par Habib Bourguiba, déclaré président à vie en 1975. Puis, un gouvernement militaire, présidé par Zine El-Abidine Ben Ali, arrivé au pouvoir en 1987 après un coup d’État, a mis fin au règne de Bourguiba, déclaré inapte à gouverner par les médecins. Ben Ali a institué un état policier, avec des services secrets puissants et une corruption massive. L’opposition était interdite, les islamistes étaient systématiquement emprisonnés, la critique non tolérée et Internet censuré. En outre, le président était réélu avec des scores staliniens, récoltant par exemple 89,62 % des voix en 2009.

    Sur le plan économique, la situation semblait meilleure, mais, dans les faits, le produit intérieur brut (PIB) par habitant restait faible par rapport aux pays développés. Selon le Fonds monétaire international (FMI), la Tunisie se situait seulement au 97e rang dans le monde, avec environ 4 160 $ par habitant en 2010, au même niveau que l’Équateur ou le Belize. En comparaison, dans l’ancienne puissance coloniale, la France, le PIB par habitant était de 40 591 $. Le niveau de vie de la Tunisie apparaissait largement sous la moyenne mondiale de 8 985 $ par personne. Le chômage des jeunes était très élevé. La principale industrie, le textile, dépendait de bas salaires pour les travailleurs, la Tunisie n’ayant jamais réussi à diversifier son économie vers des activités à plus forte valeur ajoutée, comme les «  tigres  » d’Asie orientale.

    La combinaison d’une fenêtre démographique favorable, d’un régime autoritaire et d’une économie peu performante pouvait favoriser la révolution de la jeunesse et elle l’a fait. Tout a commencé avec l’immolation à Sidi Bouzid le 17 décembre 2010 de Mohamed Bouazizi, jeune vendeur de rue né en 1984, une des années où le niveau des naissances était à son maximum. Le 3 janvier 2011, des manifestations ont éclaté à Thala, principalement menées par les jeunes, dont certains étudiants. Après plusieurs semaines de protestations massives, le 14 janvier 2011, Ben Ali a dû quitter le pouvoir. Les jeunes, et pas seulement les étudiants, ont donc été à l’origine de la révolution, en particulier les hommes sans emploi nés au moment du pic des naissances du milieu des années 1980.

    La moitié des naissances aux États-Unis

    Comme pour la Tunisie, nous disposons pour Égypte depuis 1970 de données complètes concernant le volume de naissances. En 1970, on dénombrait 1 161 000 naissances, puis ces dernières ont augmenté régulièrement dans les années 1970 et la première moitié des années 1980 pour culminer à 1,9 million pendant quatre ans entre 1985 et 1988, du fait d’un taux de fécondité qui demeurait élevé. À titre de comparaison, ce chiffre correspondait environ à la moitié du nombre des naissances des États-Unis pendant la même période, alors que la population égyptienne ne représentait qu’un quart de la population américaine  ! Ensuite, on a pu constater une réduction des naissances à 1,5 million en 1992 en raison de l’accélération de la baisse du taux de fécondité dans les années 1990.

    Si nous appliquons notre théorie à l’Égypte, la révolution pouvait donc se produire environ 25 ans après 1985-1988, ce qui signifie entre 2010 et 2013. Comme en Tunisie, la révolution de janvier-février 2011 s’est donc déroulée exactement pendant la fenêtre démographique qui lui était favorable. Les conditions qui ont provoqué la révolution en Tunisie ont eu les mêmes effets en Égypte.

    Sur le plan politique, l’Égypte a acquis son indépendance du Royaume-Uni en 1922. Elle n’était pas une démocratie, mais un royaume, jusqu’à la révolution de 1952. L’année suivante, la République a été déclarée et Gamal Abdel Nasser est arrivé au pouvoir en 1956, mais il a adopté une politique pro-soviétique. Quand il est mort, il a été remplacé par Anouar El-Sadate, qui s’est tourné vers les États-Unis, avant d’être assassiné en 1981 par un extrémiste islamiste. Il a été remplacé le 14 octobre 1981 par l’armée dirigée par Hosni Moubarak. Ce dernier a été réélu cinq fois et a gouverné le pays pendant près de trente ans jusqu’au début de 2011. Il exerçait un régime très autoritaire reposant sur une junte militaire. L’état d’urgence était permanent depuis 1957 et la corruption massive. Par conséquent, l’Égypte était classée 138e pays dans le monde selon l’indice de démocratie de The Economist.

    Parallèlement, l’économie n’était guère performante. L’Égypte occupait la 116e place parmi les États de la planète pour le PIB par habitant en 2010, à 2 771 $ par habitant, soit environ le même que le Guatemala ou le Paraguay, deux pays parmi les moins avancés du continent américain. L’Égypte souffrait de plus de sa forte densité parce que la population était concentrée dans les espaces non désertiques de la vallée et du delta du Nil, conduisant à des difficultés pour nourrir la population. L’économie reposait sur quatre ressources principales : le pétrole, le commerce le long du canal de Suez, les devises des émigrés du Golfe et le tourisme. L’industrie était très limitée et peu diversifiée pour un pays aussi peuplé.

    Comme pour la Tunisie, la combinaison d’une fenêtre démographique favorable, d’un régime autoritaire et d’une économie peu performante a favorisé la révolution de la jeunesse en 18 jours. Cette dernière a commencé le 25 janvier 2011 avec une manifestation au Caire contre le régime et Hosni Moubarak a été évincé le 11 février 2011.

    Une autre révolution entre 2017 et 2020  ?

    Comme les deux révolutions étudiées concernent deux pays arabes du nord du continent africain, est-ce qu’une autre révolution est possible bientôt dans le reste de la région  ? En effet, selon la théorie des dominos, la révolution pourrait se poursuivre dans d’autres pays, ce qui a déjà été le cas en Libye, mais dans le contexte particulier d’une intervention militaire étrangère à l’origine de son succès. Si elle est peu probable en Algérie du fait de la mémoire récente de la guerre civile des années 1990 qui limite les velléités conflictuelles de la population, qu’en est-il concernant l’autre grand pays du Maghreb, le Maroc  ?

    Ce dernier est classé à une peu glorieuse 116e place dans le monde selon l’indice de démocratie de The Economist. C’est une monarchie constitutionnelle, mais très différente de celles de certains pays européens. Le pays est gouverné par un roi, qui est également le chef religieux depuis l’indépendance, ce qui lui assure une double légitimité. Pendant le règne d’Hassan II, le régime était très autoritaire et tristement célèbre pour ses terribles prisons, comme celle de Tazmamart. Des opposants comme Medhi Ben Barka ont «  disparu  ». Avec Mohammed VI, qui a succédé à son père en 1999, le régime est devenu un peu plus souple, mais demeure une dictature. La bureaucratie est inefficace, la corruption est partout, et son économie est la moins performante du Maghreb.

    Le Maroc est aussi le 113e pays du monde en termes de PIB par habitant, avec 2 868 $ par habitant en 2010. Il se classe au niveau du Guyana ou du Guatemala. La misère est largement présente, avec de vastes bidonvilles autour des grandes villes, en particulier dans l’agglomération la plus peuplée, Casablanca. Le pays vit essentiellement du tourisme, activité insuffisante pour fournir des emplois à l’ensemble de la population, les autres ressources telles que les phosphates, le textile et l’industrie alimentaire (légumes d’exportation) ne permettant pas de résorber le chômage massif des jeunes. Le Maroc ne profite pas de sa proximité de l’Europe, qui entraîne une forte émigration. Cette situation pourrait conduire à une révolution, d’autant que sa démographie se présente comme une bombe à retardement.

    Si les données portant sur les naissances au Maroc sont incomplètes, elles nous permettent cependant de pouvoir déterminer l’existence d’un pic de naissances. La transition démographique commençant plus tard qu’en Tunisie et le taux de fécondité étant demeuré à un niveau élevé pendant longtemps, les naissances ont atteint un sommet entre 1992 et 1995, ce qui signifie qu’une révolution pourrait se produire entre 2017 et 2020. Sauf si l’émigration massive des jeunes du pays est un exutoire suffisamment important pour les potentiels opposants.

    Laurent Chalard  5 août 2015


    Docteur en géographie (Paris IV Sorbonne), ses travaux portent sur la géographie urbaine, la géographie de la population et la géographie politique. Membre du European Centre for International Affairs (ECIA).
     
     

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  • Le prêt de la Banque Mondiale finance des dirigeants corrompus de la Ville de Casablanca (Attac Cadtm Maroc)

    L’association ATTAC suit avec une grande inquiétude l’opération de prêt en cours de réalisation par le Conseil de ville de Casablanca auprès de la Banque mondiale (BM), sans cadre légal.

    Ce prêt de 2 milliards de DH (200 millions de dollars) sur une durée de 29 ans est un financement aggravant l’endettement extérieur de l’ensemble des communes marocaines, qui ne dépasse pas les 280 millions de DH.

    Le Conseil présente cette dette comme un financement du Plan de développement de la Région du Grand Casablanca de 2015-2020 qui coutera 33 milliards de DH. Or, ce prêt est une opportunité pour la BM de contrôler la gestion de la ville au profit des hommes d’affaires.

    Ce prêt s’étale sur cinq ans, il est conditionné par l’application des réformes suivantes :

    « Modernisation de l’administration fiscale locale »,

    « L’amélioration de la gestion des RH »,

    « L’amélioration du climat des affaires » au profit des promoteurs immobiliers et

    « L’amélioration de la propreté de la ville ».

    Ce n’est pas la première fois que les Casablancais bénéficieront de « l’expertise » de la BM. La mise à niveau du secteur des déchets ménagers et des décharges a reçu un financement de cette institution en 2009. Tout le monde est unanime pour dire que les résultats de ce programme sont catastrophiques.

    Le projet de prêt a été adopté par le Commission des finances du Conseil en présence de 5 élus seulement et à quelques jours de la fin de leur mandat. Pourtant, ce prêt représente 50% du budget du Conseil. Pour faire passer ce projet, la majorité corrompue du Conseil fait miroiter aux élus le faible taux du prêt (1,29%) par rapport au taux pratiqué par le Fonds d’équipement communal (6,5%). Ce qu’omettent de dire ces dirigeants, c’est que le taux d’endettement de la Ville a atteint les lignes rouges, alors que la qualité de la gestion de la ville est déplorable.

    Le service de la dette grève le budget de la Ville. 125 millions de DH ont été consacrés à cette rubrique dans le budget de 2014 pour payer que les intérêts d’anciens prêts, ce montant est en progression de 68% par rapport à 2011. Ce prêt est clairement un financement destiné à un conseil communal corrompu et va contribuer à alourdir la dette extérieure des communes et au passage la dette publique à travers la garantie fournie par l’Etat.

    Suite à ces éléments, Attac Maroc annonce ce qui suit :

    • Nous refusons totalement ce projet de prêt et ce qui comporte comme conditionnalités
    • Nous exigeons de réaliser un audit de la dette de la Ville de Casablanca et de son budget
    • Nous revendiquons que les responsables corrompus rendent des comptes sur leur gestion de la Ville
    • Nous exigeons de recouvrir les créances dues à la Ville estimées à 3,7 milliards de DH et qui éviteront à la Ville de recourir à la BM
    • Nous appelons toutes les forces vives de Casablanca de s’opposer à ce projet dangereux de prêt qui devrait entrer en vigueur en 2016

    Communiqué du 3 août 2015 à Casablanca

    4 août par ATTAC/CADTM Maroc

    http://cadtm.org/Le-pret-de-la-Banque-mondiale

  • Il faut mettre un terme à la répression (Algeria Watch)

    Contre les manifestants anti-chômage et anti-gaz de schiste

    Durant le premier semestre de cette année, les autorités algériennes ont accru la répression à l'égard des personnes mobilisées contre le chômage et contre l'exploration du gaz de schiste par fracturation hydraulique, a déclaré Amnesty International le 27 juillet 2015.

    Ces six derniers mois, 17 personnes, notamment des membres du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC, une organisation qui proteste depuis de nombreuses années contre la pénurie d'emplois dont souffrent les habitants du centre et du sud de l'Algérie, des régions riches en ressources gazières et pétrolières), ont été poursuivies en justice pour avoir participé à des manifestations. Seize ont été condamnées à des peines allant de quatre mois à deux ans d'emprisonnement. Trois hommes, deux membres du CNDDC et un caricaturiste, ont en outre été traduits en justice après avoir publié en ligne des commentaires sur des manifestations contre l'exploration par fracturation et sur d'autres questions, et dénoncé l'arrestation de militants. L'un d'eux a été condamné à quatre mois d'emprisonnement. Amnesty International craint que ces poursuites n'aient été déclenchées pour des raisons politiques, pour punir les intéressés de s'être mobilisés et d'avoir critiqué les autorités.

    Bafouant leurs obligations internationales en matière de droits humains, les autorités algériennes ont recours à une série de lois répressives utilisées de manière plus générale pour étouffer les voix dissidentes et la contestation pacifique.

    Derrière les barreaux pour avoir manifesté pacifiquement

    Le 30 décembre 2014, des habitants de la ville d'In Salah, près du bassin de l'Ahnet, à 1 200 kilomètres environ au sud d'Alger, ont manifesté pour dénoncer l'absence de consultation concernant un projet d'exploitation du gaz de schiste par fracturation hydraulique, et le manque d'information sur les risques environnementaux en découlant. En janvier, les manifestations anti-gaz de schiste se sont étendues à d'autres villes algériennes, notamment Ouargla, Laghouat et El Oued.

    En janvier 2015, la police a arrêté neuf militants du CNDDC. Ces habitants de Laghouat, une ville située à 400 kilomètres au sud d'Alger, sont connus localement pour leur implication dans les manifestations contre le chômage et les difficultés économiques. Ils avaient pris part le 17 janvier à un rassemblement organisé à Laghouat en solidarité avec les manifestants anti-gaz de schiste de la ville d'In Salah.

    Cinq jours plus tard, des policiers ont arrêté à Laghouat Mohamed Rag, 31 ans, et son voisin. Les deux hommes ont déclaré ultérieurement au tribunal qu'ils avaient trouvé des policiers devant chez eux, qui les avaient emmenés au poste pour les interroger à propos d'un suspect recherché pour un vol de voiture. Les policiers ont affirmé par la suite que Mohamed Rag et son voisin bloquaient la route et leur avaient jeté des pierres, faisant obstacle à leur opération de recherche et d'arrestation du voleur présumé.

    Les deux hommes ont été placés en détention et inculpés de « violences envers un agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions », sur la base de l'article 148 du Code pénal. Tous deux ont rejeté cette accusation, également contredite par deux témoins cités par la défense, qui ont déclaré s'être trouvés avec Mohamed Rag et son voisin au moment des faits qui leur étaient reprochés. Malgré cela, le tribunal de Laghouat a retenu la version de la police concernant l'arrestation et condamné les deux hommes, le 11 février 2015, à 18 mois d'emprisonnement et une amende de 20 000 dinars algériens (175 euros environ). Ces sanctions ont été confirmées en appel. Des dommages et intérêts et des frais de justice leur ont en outre été imputés.

    Des amis et soutiens de Mohamed Rag qui étaient venus l'appuyer lors de son procès le 28 janvier 2015 ont eux aussi été arrêtés et emprisonnés. Ce jour-là, la police a interpellé devant le palais de justice huit membres du CNDDC : Belkacem Khencha, 42 ans, Belelmi Brahimi, 41 ans, Benallal Mazouzi, 38 ans, Boubakeur Azzouzi, 34 ans, Belkacem Korini, 32 ans, Faouzi Benkouider, 35 ans, Tahar Bensarkha, 33 ans, et Abdelkader Djaballah, 26 ans. Ces militants ont été placés en détention et inculpés d'avoir participé à un « attroupement non armé » et de ne pas avoir obtempéré aux ordres de dispersion (articles 97 et 98 du Code pénal). Des poursuites ont également été engagées pour outrage à magistrat et « pression sur les décisions des magistrats » (articles 144 et 147 du Code pénal) – en référence à des pancartes réclamant la libération de Mohamed Rag et la fin de l'humiliation (hogra), et à des slogans similaires qu'ils auraient entonnés.

    Certains prévenus ont déclaré au tribunal que leur objectif était de manifester pacifiquement devant le palais de justice, mais que la police les avait arrêtés avant même qu'ils aient pu le faire. Certains ont indiqué qu'ils étaient venus assister au procès, mais qu'on ne les avait pas laissés entrer. D'autres ont déclaré qu'ils s'étaient rendus au tribunal pour des raisons n'ayant pas lien avec le procès de Mohamed Rag. Des sources locales ont également indiqué à Amnesty International que les hommes avaient été interpellés avant le début prévu de la manifestation pacifique.

    Le 11 février 2015, le tribunal de Laghouat a déclaré les huit militants coupables de tous les chefs et les a condamnés à 12 mois d'emprisonnement, dont six avec sursis. Ils se sont vus en outre imputer les frais de justice et des dommages et intérêts. Toutes les condamnations ont été confirmées en appel.

    Une nouvelle fois, les amis et soutiens venus sur place n'ont pas été autorisés à assister à l'audience ni à exprimer pacifiquement leur solidarité. Selon les informations recueillies, des policiers ont été déployés le 11 mars, date prévue pour les procès en appel de Mohamed Rag, de son voisin et des huit militants, et ont interdit l'accès de la salle d'audience au public, en violation du droit à un procès public. La police a par ailleurs interpellé une cinquantaine de personnes rassemblées pour exprimer leur solidarité avec les prévenus. Elles ont été remises en liberté un peu plus tard.

    Plusieurs des militants du CNDDC poursuivis ces derniers mois avaient déjà été arrêtés dans le passé et traduits en justice pour participation à des manifestations. En 2013, après une manifestation pour le droit au travail tenue à Laghouat, Mohamed Rag avait été jugé pour participation à un attroupement illégal, provocation à un attroupement non armé et destruction de biens publics. Il avait été acquitté. Il avait également été poursuivi – et acquitté – dans le cadre d'une autre affaire liée à sa participation à une manifestation en juin 2014. Mohamed Rag, Belkacem Khencha, Belelmi Brahimi et Boubakeur Azzouzi ont en outre été jugés pour leur participation à une autre manifestation organisée à Laghouat, et acquittés en novembre 2014.

    Amnesty International a recueilli le témoignage de Mouhad Gasmi, membre éminent du CNDDC à Adrar (ville du sud du pays proche d’In Salah) et militant de la lutte anti-gaz de schiste. Il nous a relaté les faits suivants. Le 12 mai 2015, une trentaine de militants, dont Mouhad Gasmi, ont été convoqués pour interrogatoire le lendemain par la police d'Adrar. On reprochait à Mouhad Gasmi d'avoir incité des jeunes à participer à un rassemblement non armé plusieurs mois auparavant. Il a expliqué à Amnesty International qu'il avait participé à une manifestation pacifique organisée pour réclamer une augmentation des moyens alloués à l'hôpital de la ville, où un jeune homme avait trouvé la mort faute de médicaments, mais qu'il pensait que ses camarades et lui étaient pris pour cible pour des raisons plus larges tenant à leur engagement citoyen pacifique depuis 2011.

    Emprisonné pour un post sur Facebook

    Le 1er mars 2015, le militant anticorruption Rachid Aouine, lui aussi membre du CNDDC, a accompagné un autre militant, Ferhat Missa, qui se rendait au poste de police d'El Oued (ville située à 620 kilomètres au sud-est d'Alger) pour y déposer une plainte. Mais Rachid Aouine a été arrêté pour un commentaire publié sur Facebook concernant une annonce des autorités algériennes selon laquelle les policiers qui manifestaient feraient l'objet de sanctions disciplinaires. Son commentaire était le suivant : « Policiers, pourquoi ne pas sortir manifester aujourd'hui contre les décisions arbitraires visant vos collègues en dépit de la promesse du ministre de l'Intérieur de ne pas poursuivre les manifestants en justice ? Vous ne faites que surveiller les militants libres et les manifestants anti-gaz de schiste. » Rachid Aouine a déclaré à Amnesty International que les policiers, après l'avoir interrogé, avaient perquisitionné à son domicile et saisi son ordinateur et des unités de mémoire.

    Le 9 mars, il a été condamné par le tribunal de première instance d'El Oued à six mois d'emprisonnement et une amende de 20 000 dinars algériens (environ 175 euros) pour provocation à un attroupement non armé, sur la base de l'article 100 du Code pénal algérien. Le 15 avril, sa peine a été réduite en appel à quatre mois d'emprisonnement et une amende de 200 dinars algériens (175 euros environ). Il a purgé la totalité de sa peine et a été remis en liberté. Il a expliqué à Amnesty International que le ministère public avait uniquement invoqué le commentaire publié sur Facebook, qu'il jugeait ironique, et n'avait présenté aucun élément probant montrant que Rachid Aouine avait pris des initiatives concrètes pour inciter les policiers à manifester.

    Lui aussi arrêté et interrogé par la police, Fehrat Missa a été inculpé de provocation à un attroupement non armé, semble-t-il uniquement en raison de sa participation à une manifestation de protestation contre l'inaction des autorités locales lors d'une inondation dans la région en janvier 2015. Il a été remis en liberté sous caution dans l'attente de son procès, qui s'est soldé par son acquittement le 16 mars. La décision a été confirmée en appel.

    Des méthodes similaires à celles utilisées contre les manifestants du CNDDC à Laghouat ont été mises en œuvre pour punir les personnes qui protestaient contre les poursuites entamées contre Rachid Aouine à El Oued. Lors d'une audience le 3 mars, des proches et des amis de Rachid Aouine rassemblés devant le tribunal pour protester pacifiquement contre son arrestation ont été interpellés par la police. L'un d'eux a expliqué à Amnesty International que le rassemblement n'avait pas commencé depuis plus de quelques minutes lorsque la police est intervenue pour disperser les manifestants, distribuant coups et injures. Quelque 24 personnes ont été arrêtées. Les policiers, a précisé ce témoin, ont continué à injurier et frapper certains militants au moment de l'arrestation et lors du transfert au poste de police.

    Si de nombreuses personnes interpellées, parmi lesquelles la mère et l'épouse de Rachid Aouine, ont été remises en liberté sans inculpation au bout de quelques heures, 12 ont été retenues pour interrogatoire, selon les informations disponibles. Six, dont Youssef Soltane, un membre du CNDDC, ont été inculpées de chefs divers, dont la provocation à un attroupement non armé et l'outrage à un corps constitué. Le 30 avril, les six personnes ont été déclarées coupables. Youssef Soltane et un autre prévenu ont été condamnés à une peine de quatre mois d'emprisonnement et une amende de 50 000 dinars algériens (environ 435 euros), les quatre autres à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis. Toutes ont été laissées en liberté dans l'attente du jugement en appel.

    D'autres personnes ont été arrêtées après avoir publié sur Facebook des commentaires concernant les manifestations et la répression dont font l'objet les manifestants, mais n'ont pas été emprisonnées. Abdelhamid Brahimi, un autre membre du CNDDC habitant à El Oued, a été interpellé le 3 mars 2015 à la suite de commentaires sur Facebook dans lesquels il dénonçait l'arrestation des proches et des sympathisants de Rachid Aouine. Inculpé de provocation à un attroupement non armé, il a été jugé et acquitté le 9 mars. La décision a été confirmée en appel.

    Un caricaturiste poursuivi pour « offense au président de la République »

    Le 20 avril, le caricaturiste Tahar Djehiche, qui vit à El Meghaïer, dans la wilaya (préfecture) d'El Oued, a été convoqué au poste de police. Son avocat a déclaré à Amnesty International qu'il avait été interrogé à propos d'un dessin mis en ligne sur son compte Facebook. Il représentait un sablier à l'intérieur duquel le président Abdelaziz Bouteflika était peu à peu enseveli sous le sable s'écoulant – une référence aux manifestations anti-gaz de schiste tenues dans la région d'In Salah depuis décembre 2014. Il a également été interrogé, a précisé son avocat, sur un commentaire posté sur Facebook juste avant une manifestation anti-gaz de schiste organisée à In Salah le 24 février 2015, lequel disait : « Ne laissez pas tomber In Salah le 24 février ».

    Le caricaturiste a été remis en liberté et convoqué devant le procureur de la République du tribunal d'El Meghaïer cinq jours plus tard. Le procureur l'a interrogé sur le dessin et le commentaire, l'a inculpé d'« offense au président de la République » (article 144 bis du Code pénal) et de provocation à un attroupement non armé, et l'a remis en liberté dans l'attente du procès. Le 26 mai, le tribunal l'a acquitté de tous les chefs. Le ministère public a fait appel. La date de l'audience n'a pas encore été fixée.

    Un arsenal de lois répressives

    Les autorités algériennes utilisent un éventail de lois répressives pour étouffer l'opposition. Bien que le droit de réunion pacifique soit garanti dans la Constitution algérienne et les traités internationaux ratifiés par l'Algérie, le Code pénal contient plusieurs dispositions permettant de sanctionner pénalement les rassemblements pacifiques dans certaines circonstances. L'article 97 du Code pénal interdit les rassemblements non armés dans les lieux publics lorsque l'on estime qu'ils sont de nature à troubler l'ordre public. L'article 98 prévoit des peines allant jusqu'à trois ans d'emprisonnement lorsque les participants n'obéissent pas à un ordre de dispersion. Aux termes de l'article 100, la provocation à un attroupement non armé par des discours, des écrits ou des imprimés publics est passible d'un an d'emprisonnement. Ces dispositions ont été utilisées pour traduire en justice des membres du CNDDC de Laghouat et El Oued qui ne faisaient qu'exercer leur droit légitime à la liberté d'expression et de réunion pacifique.

    En outre, la loi 91-19 relative aux réunions et manifestations publiques interdit les réunions sur la voie publique. Celles-ci sont autorisées lorsqu'elles se tiennent hors de la voie publique et si l'on estime qu'elles ne constituent pas une menace de trouble à l'ordre public ou aux « bonnes mœurs ». Il faut toutefois effectuer une déclaration préalable auprès des autorités, qui doivent délivrer immédiatement un récépissé. Dans la pratique, le ministère de l'Intérieur s'abstient souvent de fournir ce récépissé lorsque le rassemblement prévu est susceptible d'être hostile aux autorités.

    De ce fait, l'obligation de déclaration équivaut dans la pratique à une obligation d'obtenir une autorisation préalable pour toute réunion de ce type. Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association a souligné que l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique ne devait être soumis à aucune autorisation préalable des autorités, mais, tout au plus, à une procédure de notification préalable qui ne doit pas être lourde. Lorsque des restrictions sont imposées, les autorités doivent fournir par écrit une explication détaillée en temps voulu, qui doit pouvoir faire l'objet d'un recours devant un tribunal impartial et indépendant.

    La législation algérienne contient des dispositions, essentiellement dans le Code pénal, per-mettant de punir l'exercice légitime du droit à la liberté d'expression. Ainsi l'article 144 bis punit-il l'offense au président de la République par voie d'écrit, de dessin ou de déclaration d'une amende pouvant s'élever à 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros), une somme exorbitante en Algérie. Les autorités algériennes ont fait un petit pas dans la bonne direction avec l'adoption de la loi 11-14 du 2 août 2011, qui a modifié les articles 144 bis et 146 du Code pénal – les peines d'emprisonnement pour outrage, injure ou diffamation envers le président de la République ou d'autres corps ou responsables publics ont été supprimées. Parallèlement, le montant des peines d'amende prévues a été augmenté et peut désormais atteindre 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros), une somme doublée en cas de récidive.

    L'année suivante, le législateur a adopté un nouveau Code de l'information, qui a supprimé les peines d'emprisonnement pour les infractions en matière de diffamation mais a instauré des amendes plus élevées que celles prévues dans la précédente version de la loi. Par exemple l'article 123 du nouveau Code de l'information dispose que l'outrage envers les diplomates et les chefs d'État étrangers est puni d'une amende pouvant aller jusqu'à 100 000 dinars algériens (environ 870 euros), contre 30 000 dinars algériens et une peine d'emprisonnement d'un ans auparavant (article 98 du précédent Code de l'information).

    Aux termes de l'article 144 du Code pénal, quiconque considéré comme ayant commis un outrage à un agent de la force publique dans l'exercice de ses fonctions, dans l'intention de porter atteinte au respect dû à son autorité, risque deux ans d'emprisonnement et une amende pouvant s'élever à 500 000 dinars algériens (plus de 4 300 euros). Quant à l'article 147, il prévoit que les actes, paroles ou écrits critiquant des affaires n'ayant pas encore été jugées ou pouvant porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance constituent également des infractions telles que définies à l'article 144.

    Le montant très élevé des amendes prévues dans la législation en vigueur, et les dispositions prévoyant des peines d'emprisonnement, même si elles ne sont pas appliquées dans la pratique, ont un effet dissuasif sur ceux qui veulent exercer leur droit à la liberté d'expression en Algérie. À la suite de sa visite en Algérie en avril 2011, le rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Frank La Rue, a exprimé en 2012 ses préoccupations concernant le montant excessif des amendes imposées pour les infractions en matière de diffamation, relevant que ce montant avait un effet dissuasif sur l'exercice du droit à la liberté d'expression en général parce qu'il générait une tendance à l'autocensure. Il a préconisé que la diffamation relève de l'action civile et non pénale, et que le montant des amendes soit considérablement réduit pour ne pas avoir un effet dissuasif sur la liberté d'expression. Il a recommandé également que les actions en diffamation ne soient jamais utilisées pour étouffer les critiques envers les institutions ou les politiques de l'État.

    Sur un plan général, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a exprimé l'importance de l'expression sans entraves dans le cadre du débat public concernant des personnalités publiques du domaine politique et des institutions publiques. Il a souligné que le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. Il s'est spécifiquement dit inquiet des lois qui régissent des questions telles que l'outrage à une personne investie de l'autorité, la diffamation du chef de l'État et la protection de l’honneur des fonctionnaires et personnalités publiques. Il a souligné que les États ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions telles que l’armée ou l’administration, et que la loi ne doit pas prévoir des peines plus sévères uniquement en raison de l’identité de la personne qui peut avoir été visée.

    Écrit par Amnesty international Algerie, 30 juillet 2015

    http://www.algeria-watch.org/fr/mrv/mrvrepr/ai_mettre_terme_repression.htm