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Histoire - Page 7

  • Nouveautés sur A l'Encontre.ch

    «Le cessez-le-feu vacille en Syrie»

    19 - septembre - 2016
     

    Par Marie Bourreau (New York) et Benjamin Barthe (Beyrouth) La première trêve en Syrie, au mois de mars 2016, avait duré environ un mois. La deuxième ne tiendra-t-elle qu’une semaine? Lundi 19 septembre au matin, six jours après son entrée en vigueur, ce cessez-le-feu, négocié à Genève par le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, et son homologue […]

    Rien à attendre de la réunion de l’ONU sur les réfugié·e·s

    19 - septembre - 2016
     

    Par Phoebe Braithwaite La réunion de haut niveau sur les réfugiés et les migrants devait aider à replacer une personne sur dix se trouvant dans cette situation. En échange les Etats membres devaient à peine assumer de vagues engagements, comme une campagne pour en finir avec la xénophobie.

    Syrie. «Daraya chronique d’une révolution écrasée»

    19 - septembre - 2016
     

    Par Delphine Minoui Ainsi s’est vidée Daraya. Sans baïonnette sur la tempe ni perquisitions dans les maisons. «La ville était à genoux. Nous sommes partis sans résister», souffle Hussam Ayash. Le 26 août, le jeune activiste de 25 ans était parmi les quelque 8000 derniers habitants à quitter cette banlieue rebelle de Damas, assiégée et bombardée depuis […]

    Portrait de Zina Harraïgue. Une grande figure de la Révolution algérienne

    18 - septembre - 2016
     

    Par Daho Djerbal Le site alencontre.org a consacré quelques articles – trop rares, certes – à l’histoire de la «guerre d’Algérie». Parmi eux une transcription (en 2012) d’interventions faites par Benjamin Stora pour France Culture. Dans l’introduction de cette transcription sont cités ses ouvrages et ceux de Mohammed Harbi. La bibliographie s’est enrichie depuis lors.

     
  • Oran (Algérie) débatise la rue Fernand Iveton « Fernand avait cru et combattu jusqu’à la mort pour une Algérie libre » (ESSF)

    Fernand Iveton avait cru et combattu jusqu’à la mort pour une Algérie libre (Mohamed Rebah, Le Matin d’Algérie)

    Pétition au Ministre des Moudjahidin Algérie

    Non à la débaptisation de la rue Fernand Iveton à Oran

    Le Nom de Fernand Iveton a été effacé de la rue qui portait son nom au quartier Ederb d’Oran. Né le 12 juin 1926 au Clos-Salembier (Alger) et guillotiné le 11 février 1957.

    la débaptisation est une décision grave, et ce, :

    - Pour la crédibilité et l’honneur des institutions

    - Pour la mémoire de ceux et celles qui ont donné leur vie et leur jeunesse pour l’Algérie, quelque soit leur origine, leur religion ou leur sexe.

    Nous citoyens et citoyennes , signataires de cette pétition, exigeons que le nom de Fernand Iveton, mort comme ses frères au combat soit réhabilité et remis en lieu et place sur les murs de la rue qui portait son nom.

    Gloire à nos Martyrs https://secure.avaaz.org/fr/petition/Ministre_des_Moudjahidin_Algerie_Non_a_la_debaptisation_de_la_rue_Fernand_Iveton_a_Oran/

     

    A l’aube du 11 février 1957 : Fernand Iveton

    Je voudrais associer à cet hommage particulier que nous rendons à un Algérien descendant d’immigrés européens, l’ouvrier-tourneur Fernand Iveton, le souvenir de ses frères de combat, des travailleurs soumis comme lui à l’exploitation coloniale, Ahmed Lakhnèche et Mohamed Ouennouri, morts tous les trois pour le même idéal, le même jour, presqu’à la même heure, à deux et trois minutes d’intervalle, mêlant leur sang chaud au pied de la guillotine, Et, à travers eux, dédier cet hommage à toutes celles et tous ceux qui ont mis leur vie en péril en s’engageant, corps et âme, dans la dure et longue lutte pour l’indépendance nationale.

    En évoquant le combat héroïque de l’enfant de la classe ouvrière, Fernand Iveton, nous avons également une pensée pour son compagnon d’armes, Taleb Abderrahmane, l’étudiant en chimie qui a mis ses compétences au service de la Patrie, bravant tous les dangers. Il est mort, lui aussi, la tête tranchée par la guillotine. C’était le 24 avril 1958, à l’aube, à 3 heures 17. Il avait 28 ans. Plus d’un millier d’universitaires français de renom étaient intervenus auprès du chef de l’Etat français pour arracher sa grâce. En vain.

    Avec l’exécution de Fernand Iveton, le 11 février 1957 à 5 heures 10, sur l’échafaud dressé furtivement au milieu d’une nuit glaciale dans la cour de la prison de Barberousse, dans la Haute Casbah, le bourreau attitré, Maurice Meyssonnier, descendant d’immigrés européens, patron de bar de son état, était à sa vingt et unième victime parmi les patriotes algériens.

    Fernand Iveton était lui aussi descendant d’immigrés européens. « C’était un pied noir typique : père français, mère espagnole », écrit son avocat parisien, Joë Nordmann, dans son livre « Aux vents de l’histoire », paru aux éditions Actes sud, en 1996. Mais « celui-là n’est pas comme les autres », avait dit, un jour, Didouche Mourad à son ami Ahmed Akkache. S’il y en avait beaucoup comme lui, cela aurait changé bien des choses". C’était vers la fin des années 1940, au quartier de La Redoute.

    Par « les autres », Didouche Mourad désignait ceux qui, contaminés par le racisme d’Etat, formaient la communauté française. « Cette société des »Français d’Algérie« dont parle, l’auteur de »La Question« , Henri Alleg, dans son livre »La Guerre d’Algérie«  : »Si diverse et si contradictoire, écrit-il, (elle) avait au moins une certitude commune qui faisait la force idéologique et politique de la grosse colonisation. Elle ne jouissait de ces « privilèges », pour aussi misérables qu’ils fussent, que parce qu’elle était l’heureuse élite, celle à qui la providence avait confié la tâche de régner sur les indigènes. Cela chacun l’apprenait avant même de savoir lire.« L’éducation familiale du mépris de l’indigène, du mépris de l’Arabe, était relayée par l’école. L’école publique française – conçue par Jules Ferry – contribua grandement à la construction d’un racisme d’Etat, en Algérie, en instituant une différence de statut entre les enfants européens (section »A« ) et les enfants indigènes (section B), et sa diffusion à travers les livres et les manuels scolaires. C’était dans la logique des choses, car, comme l’écrit le poète et homme politique martiniquais Aimé Césaire, »il n’y a pas de colonialisme sans racisme". Le racisme d’Etat était matérialisé par le Code de l’Indigénat.

    Fernand Iveton est né le 12 juin 1926, à la rue de la Marine, à Alger. Sa famille quitta le quartier pied-noir de Bab el Oued pour s’installer au Clos-Salembier, rue des Lilas, puis rue des Coquelicots où son père, ouvrier électricien, bâtit de ses propres mains une maison. Dans ce grand quartier peuplé majoritairement d’autochtones, où il passa son adolescence et sa prime jeunesse, Fernand Iveton, ouvrier-tourneur à l’E.G.A (Electricité Gaz d’Algérie), était connu pour ses solides convictions communistes. Les militants du PPA-MTLD, qu’il côtoyait au syndicat CGT des gaziers-électriciens, l’estimaient pour sa droiture.

    Il aimait l’ambiance sportive. Le samedi après-midi, on le voyait sur un terrain de football avec ses camarades de travail, Algériens et Européens, portant les couleurs du club corporatif de l’EGA, affilié à la Fédération gymnique et sportive du travail (FSGT), raconte son camarade de lutte, Maurice Baglietto.

    Fernand Iveton avait foi en une Algérie indépendante, juste et solidaire. Il avait suivi le chemin choisi par son père, militant communiste et syndicaliste, ouvrier à la société d’électricité Lebon avant qu’elle ne soit nationalisée en 1946. Il acquit les principes de liberté et d’indépendance nationale à travers les luttes ouvrières menées, côte à côte, avec les travailleurs musulmans, victime comme eux de la répression coloniale.

    C’est sur le terrain de ces luttes ouvrières et politiques, qui connurent un essor formidable entre 1947 et 1954, qu’il faut chercher les racines de son intégration à la nation algérienne à laquelle il donna sa vie.

    D’où cet hommage particulier.

    Par sa forte concentration intérieure, Fernand Iveton était de cette élite ouvrière européenne qui a pu se dégager de la mentalité colonialiste. « Il avait très tôt assimilé cette notion d’indépendance, à l’image d’autres Européens militants du PCA, comme Henri Maillot, Maurice Laban, Maurice Audin et d’autres. A ses yeux, la seule issue pour les Européens était de se détacher du système colonial », témoigne l’auteur de « La Question », Henri Alleg

    Fernand Iveton s’engagea dans la lutte armée avec la création, en juin 1955, des Combattants de la libération - la branche armée du PCA. A sa dissolution, en juin 1956, suite à l’accord PCA-FLN, il intégra, avec ses camarades, les rangs du FLN, guide unique du combat libérateur. Il fut membre du groupe d’action du Champ de Manœuvres dirigé par l’ouvrier métallurgiste à l’usine Neyrpic et syndicaliste, M’hamed Hachelaf.

    A propos de son activité, Jacqueline Guerroudj, rescapée de la guillotine, relate dans son livre-témoignage « Des douars et des prisons » : « L’objectif des fedayin, clairement exprimé, était, selon l’idée émise par Fernand Iveton qui connaissait bien les lieux à l’usine à gaz du Hamma où il travaillait, de placer des bombes sous les tuyaux à un endroit choisi pour que les dégâts empêchent l’usine de fonctionner, privant ainsi Alger d’électricité ».

    Jacqueline Guerroudj, qui assurait la liaison au sein du groupe, remit à Fernand Iveton les deux bombes réglées par l’étudiant en chimie, Abderrahmane Taleb, pour exploser à 19 heures 30, à l’heure où l’usine est totalement vidée de son personnel.

    Mais sa musette ne pouvant les contenir toutes les deux, il ne put en prendre qu’une seule. En arrivant à l’usine, il mit sa musette (un sac de sport) dans son placard. Le contremaître, qui le surveillait de près, entendit le « tic-tac » du réveil et courut alerter la police. Fernand Iveton, arrêté sur-le-champ, fut immédiatement conduit au Commissariat central d’Alger.

    Nous sommes le mercredi 14 novembre 1956. Fernand Iveton est soumis, durant trois jours, à d’atroces tortures, tortures relatées dans un Mémoire qu’il remit à son avocat, Joë Nordmann.

    Le 25 novembre 1956, le Tribunal militaire d’Alger prononce à son encontre la peine de mort, « au motif qu’il avait voulu faire sauter Alger », selon les propres mots de Jacques Soustelle, ancien gouverneur d’Algérie. Le procès se déroula dans un climat de haine raciale, alimenté et dirigé par des groupes fascistes, partisans féroces de l’Algérie française, qui avaient créé, en janvier 1956, un comité de Défense et d’Action pour l’Algérie française, berceau de l’OAS.

    A l’aube du 11 février 1957, soit 80 jours à peine après son procès, la lame de la guillotine, ce procédé sauvage, symbole de la barbarie fasciste, s’abat sur son cou. Dans le couloir qui le conduisait à l’échafaud, Fernand Iveton lança un vibrant « l’Algérie libre vivra ».

    C’est un des descendants de ces oiseaux de proie qui se sont abattus sur nos rivages dès 1831, « des trafiquants, aventuriers, spéculateurs, pègre des ports méditerranéens de France, d’Espagne, d’Italie, de Grèce, de Malte…, le patron de bar, Maurice Meyssonnier, qui fit tomber la lame ».

    Le recours en grâce avait été refusé à Fernand Iveton, le 10 février 1957, par le Président de la République française, René Coty, en accord avec le garde des sceaux, François Mitterrand et le secrétaire général de la SFIO, Guy Mollet, Président du conseil.

    C’était la période où la « Question algérienne » était inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’O.N.U. Le socialiste Guy Mollet avait adressé, au mois de janvier, une lettre ouverte à cette haute institution internationale, dominée par les Etats membres de l’OTAN sous la houlette des Etats-Unis, pour dire que la guerre d’indépendance conduite par le FLN était, en fait, dirigée par les communistes à partir de Moscou. Il voulait ainsi créer un climat général de peur en exagérant la présence des communistes dans l’armée de libération nationale.

    Pour le gouvernement français dominé par les socialistes de la S.F.I.O, qui s’appuyait sur la communauté européenne raciste pour garder l’Algérie française, la décapitation rapide du fidaï Fernand Iveton devait absolument servir d’exemple.

    La mort de Fernand Iveton fut effectivement un exemple. Un exemple qui « éclaira la route » de milliers d’autres jeunes patriotes dans la longue lutte pour briser les chaînes séculaires de la servitude. Au greffe, Fernand Iveton, calme et détendu, prononça ces paroles recueillies par son avocat, Maître Albert Smadja : « La vie d’un homme, la mienne, ne compte pas. Ce qui compte, c’est l’Algérie, son avenir... » Ultimes paroles qu’il laisse comme un message-testament aux générations qui auront à bâtir l’Algérie indépendante.

    Avant d’aller au supplice, il embrasse ses frères de combat, Ahmed Lakhnèche et Mohamed Ouennouri, clamant, tous les trois, à l’unisson « Vive l’Algérie libre ! » Le cri des trois fedayin fut repris en chœur par la prison toute entière. Partis des terrasses des maisons de la Casbah voisine, parvinrent à la prison le chant patriotique « Min Djibalina » et les youyous des femmes admirables de courage.

    De cet homme aux vues lointaines, son avocat, Maître Joë Nordmann garde un souvenir fervent. « Sa droiture, sa clarté d’esprit, sa fidélité aux principes de liberté et d’indépendance, écrit-il dans ses Mémoires, m’impressionnèrent beaucoup lorsque, pour la première fois, je le rencontrai à la prison Barberousse d’Alger. Il avait trente ans ». Dans une lettre écrite de prison à son épouse, Fernand Iveton dit en substance : « Pour l’Algérie de demain, avec la lutte de classe qui s’annonce, nous avons besoin de tous les camarades ».

    Ses fidèles compagnons de lutte ne l’oublient pas. Chaque année, à la date du 11 février, ils se recueillent sur sa tombe, au cimetière de Saint Eugène (aujourd’hui Bologhine) pour évoquer son courage exceptionnel. Deux étudiantes de l’Institut des sciences de l’information de l’Université d’Alger consacrèrent un important chapitre à son combat, dans un Mémoire de licence soutenu en juillet 2011.

    Du fond de sa cellule de Serkadji, juste après la sauvage décapitation par la guillotine de Fernand Iveton, Ahmed Lakhnèche et Mohamed Ouennouri, Annie Steiner écrit :

    Ce matin ils ont osé

    Ils ont osé

    Vous assassiner

    C’était un matin clair

    Aussi doux que les autres

    Où vous aviez envie de vivre et de chanter

    Vivre était votre droit

    Vous l’avez refusé

    Pour que par votre sang d’autres soient

    libérés

    Que vive votre idéal

    Et vos sangs entremêlés

    Pour que demain ils n’osent plus

    Nous assassiner

    Mohamed Rebah

    Chercheur en histoire et auteur

    Ce texte a été donné en communication au Centre culturel algérien à Paris en décembre 2011

    A la mémoire de Fernand Iveton Sur Canal Algérie

    EMISSION LES VENDREDIS DE L’HISTOIRE

    Documentaire sur le parcours d’Annie Steiner. Elle évoque l’exécution de Fernand Iveton

    Ce vendredi 16 septembre 2016, à 20 heures 30 (après les informations de 20 heures)

     

    * http://www.lematindz.net/news/21770-a-laube-du-11-fevrier-1957-fernand-iveton.html

    Le martyr de la Guerre de Libération Fernand Iveton tué une deuxième fois

    Cette fois-ci c’est l’ignorance qui a frappé. Elle est à l’origine immédiate de la débaptisation d’une rue portant son nom à Oran. Les autorités locales l’ont remplacé par celui d’un autre chahid.

    Les citoyens d’Oran pouvaient jusque-là éprouver un légitime sentiment de fierté. Après l’indépendance ils avaient été les seuls à avoir donné son nom à une de leurs rues en hommage à son sacrifice suprême pour la libération du pays de l’oppression colonialiste.

    Fernand Iveton fut guillotiné en février 1957 en même temps que deux autres de ses compagnons de lutte, Mohamed Ouenouri et Mohamed Lakhnèche.

    On serait donc tenté de faire preuve d’indulgence en mettant ce déni, de prime abord incompréhensible, sur le compte d’une simple ignorance. On peut penser que les responsables locaux se seraient basés sur la consonance non arabe du nom pour rayer celui de Fernand Iveton.

    Mais cela ne les excuse nullement. Ils auraient pu se renseigner avant de commettre leur acte. Cela prouve en tout cas qu’ils ne se donnent même pas la peine de lire la rubrique culturelle des journaux. Sinon ils auraient appris qu’un livre vient d’être tout récemment édité en hommage à son martyre. Ici l’ignorance n’est plus une excuse. Elle est absolue et impardonnable pour des responsables présidant à la perpétuation de la mémoire combattante de l’Algérie.

    Il faut aller au delà de ce constat apparent.

    Cette ignorance n’a rien de fortuit ou d’accidentel. Elle est le produit de la méconnaissance organisée par les autorités du pays sur la participation des communistes algériens, de toutes origines, au combat pour la libération du pays. Ici il faut saluer Ben Bella. Il a droit à la reconnaissance de tous les patriotes honnêtes. Sans lui il est plus que probable qu’aucun lieu n’aurait porté le nom de Maurice Audin assassiné par les paras en juin 1957. Combien sont ceux dans la nouvelle génération qui ont entendu parler de Laban, Counillon, Raymonde Peschard, Maillot, Ghennaïssia, etc., morts au combat, les armes à la main pour délivrer le pays de l’oppression coloniale ?

    Certains continuent à voir dans la Plate-forme de la Soummam la proclamation des fondements d’un « Etat démocratique et social » moderne éloigné de toute étroitesse ethnique ou religieuse. On se demande en quoi ?

    Question légitime quand on sait que ce document dans sa partie politique, a jeté l’anathème sur le PCA de façon totalement calomnieuse, injuste, et injustifié, si ce n’est par désaccord avec les choix de classe devant être faits après la libération. Or, de par sa composition ethnique multiple, son internationalisme, son ouverture intrinsèque sur les langues nationales et la culture universelle, ce parti était le seul à incarner véritablement toutes ces caractéristiques. S’il avait commis des erreurs, elles étaient moins graves que celles des dirigeants nationalistes qui furent investis de hautes responsabilités par les organisateurs du congrès de la Soummam. Ces erreurs furent publiquement reconnues et leurs racines exposées dans des autocritiques sans complaisance. Le PCA a été le seul parti à refuser la pratique de l’auto-glorification.

    Akram El Kebir, correspondant du journal el Watan, qui a attiré l’attention sur cette vilénie écrit dans l’édition du 6 septembre :

    "Indignés, deux habitants de cette rue se sont rendus, hier, à notre bureau, pour se plaindre de cet état de fait. La rue Fernand Iveton s’appelle désormais rue du chahid Bachir Bouamer. « Je trouve que c’est bien qu’une rue porte le nom d’un autre chahid, mais pourquoi au détriment de Fernand Iveton ? » se désole Nourredine, la soixantaine, qui trouve scandaleux qu’on ait débaptisé le nom d’Iveton de cette rue qui jouxte le célèbre quartier populaire d’El Derb.

    Il faut noter que ce genre de procédé n’est pas isolé et répond, le plus souvent, à une méconnaissance des élus ou des responsables à qui est confiée la tâche de baptiser, qu’à une volonté farouche de porter atteinte à la mémoire et à l’histoire.

    On se rappelle, à titre d’exemple, de cette anecdote qui prévalait dans les années 1980, quand des élus avaient proposé, ni plus ni moins, de débaptiser la rue Max Marchand (non loin de Gambetta), sans savoir que cette rue avait été nommée après l’indépendance de l’Algérie, et que Max Marchand était un ami de l’Algérie algérienne, assassiné peu après le 19 mars 1962 par des militants de l’OAS.

    Pour revenir à Fernand Iveton, notons qu’un livre très poignant vient de lui être consacré, écrit par un jeune écrivain français Joseph Andras. Paru en mai dernier aux éditions Barzakh, le livre s’intitule « De nos frères blessés » et est disponible dans toutes les bonnes librairies algériennes."

    R. N. 07.09.16

    Alger républicain
    http://www.alger-republicain.com

    https://www.facebook.com/AlgerRepublicain/posts/1779701292288860

    REBAH Mohamed

    http://www.europe-solidaire.org/

  • 17 octobre 1961 (Que faire?)

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    À propos de La Bataille de Paris de Jean-Luc Einaudi

    Le 17 octobre 2011, la Ve république devra se souvenir de l’un des évènements les plus abjects de son histoire. En référence au film de Gillo Pontecorvo La bataille d’Alger, Jean-Luc Einaudi dresse un parallèle effarant en mettant en lumière le sort qui fût réservé aux « Français Musulmans d’Algérie » durant la période qui entoura le 17 octobre 1961.

    Pour Jean-Luc Einaudi, la « bataille de Paris » remonte à la guerre interne au mouvement indépendantiste algérien.

    Le conflit opposant le Front de Libération Nationale (FLN) au Mouvement National Algérien (MNA), qui a pour but le contrôle de la communauté algérienne, fait une centaine de morts. Si le FLN remporte cette lutte d’influence dans les années 50, c’est encore par la force qu’il doit s’imposer auprès de la population algérienne en obligeant les algériens qui résident en France à cotiser 3 000 francs par an.

    Devenu enfin hégémonique en 1958, le FLN peut alors lancer son offensive sur le territoire français.

    Les cibles visées sont des lieux stratégiques pour l’économie française mais aussi des commissariats, où des policiers perdent la vie. Comme le montre un certain nombre de procès-verbaux de syndicats policiers, les policiers s’indignent de la trop faible répression envers les militants du FLN.

    Il est alors mis en évidence par toute une série de témoignages que la population d’origine algérienne vit une véritable montée des violences policières à son égard.

    Vivant dans des conditions des plus précaires, les algériens sont victimes de « ratonades ». Ce terme désigne les rafles qui sont organisées en pleine rue, généralement la nuit, où les policiers ramassent des individus typés maghrébins, les font monter violemment dans des cars de police et les tabassent au commissariat. Une fois que ces innocents ont perdu connaissance, ils sont jetés dans la Seine, beaucoup mourront. C’est ce que Chebbah Iddir explique, un des nombreux témoignages récoltés par J-L Einaudi : « Les cinq policiers me firent monter dans le car. Là ils me fouillèrent mais ne trouvèrent rien. Alors que nous étions partis vers Colombes, les policiers firent monter dans le car un de mes compatriotes. Puis le car prit la direction de la seine. On s’arrêta près du pont d’Argenteuil. Les policiers firent d’abord descendre mon compatriote. Ils lui donnèrent des coups de crosse jusqu’à ce qu’il soit assommé. Puis le chauffeur le prit par les pieds et un autre par la tête. Ils le jetèrent dans l’eau. Peu après, je vis des petites bulles apparaître à la surface de l’eau. Mon frère était mort. » Grâce à un courage effarant C. Iddir réussit, lui, à s’en sortir.

    Ces violences racistes ne sont pas à déconnecter d’une discrimination orchestrée par l’État français.

    Celle-ci vise à faire payer la perte de l’Algérie aux Algériens résidant en France. Car si De Gaulle, fraîchement arrivé au pouvoir, veut en finir avec la guerre d’Algérie, des membres importants de son gouvernement ne l’entendent pas ainsi. Premier ministre, Michel Debré veut mener une guerre sans concession au FLN, et n’hésite pas à couvrir tous les crimes policiers. Et puis il y a celui que les militants pro-algériens appellent Charogne, celui que la république nomme M. Papon. L’auteur en trace un long portrait : collabo, tortionnaire à Constantine, il fût nommé préfet de police de Paris en mars 1958. Dès le 28 août, il organise une rafle de 5 000 algériens qui sont internés dans des lieux comme le Vel d’Hiv, qui rappelle des heures bien sombres. Là encore on pense qu’il y a eu des morts.

    Mais c’est en août 1961 que les violences s’intensifient.

    Les rafles diviennent quotidiennes, les arrêtés sont désormais constamment tabassés, humiliés voire tués. Un remaniement ministériel a lieu, où il est décidé de l’éviction d’Edmond Michelet qui était partisan de l’autonomie algérienne. Courant septembre 61, l’institut ­médico-légal relève 21 cadavres nord-africains, tous morts à la suite de violences. Le couvre-feu imposé aux FMA est déclaré le 5 octobre 1961. Face à la mise en place d’un véritable régime d’apartheid, le FLN est désormais hégémonique auprès de la population algérienne. Le 17 octobre 1961, les FMA seront volontaires pour défier pacifiquement le couvre-feu, imposé par un régime on ne peut plus raciste et appliqué par une police on ne peut plus assassine.

    Ces violences racistes ne sont pas à déconnecter d’une discrimination orchestrée par l’État français. Celle-ci vise à faire payer la perte de l’Algérie aux Algériens résidant en France Dans des termes des plus froids, Jean-Luc Einaudi retrace heure par heure, faubourg par faubourg et rue par rue le 17 octobre 61.

    On compterait environ 40 000 algériens désarmés qui seraient venus manifester en plein cœur de Paris.

    Sauf que la plupart d’entre eux n’arriveront jamais à former un cortège. De par les nombreux témoignages reçus, l’auteur montre la manière dont toutes les sorties de métro sont quadrillées. Dès que les algériens en sortent ils sont matraqués. Mains sur la tête, parfois inconscients, ils sont emmenés dans des bus affrétés par la RATP vers des commissariats, des centres d’internement ou des lieux réquisitionnés. À leur descente du bus ils sont de nouveau insultés, tabassés, et volés. La plupart des blessés graves ne recevront aucun soin et mourront. Par détermination, les Algérien arrivent malgré tout à former quelques cortèges. Les policiers tireront dans le tas, tuant femmes, hommes et enfants.

    Face à ce déchaînement de haine qu’ont fait les témoins ?

    Quelle fut la réaction de la population française ? Au mieux elle se rendit coupable de passivité. En effet, ­l’ouvrage démontre que bien peu de réactions ont émergé des témoins présents. Pire, des petits groupent se sont créés pour indiquer aux flics où se réfugiaient les manifestants.

    Il n’est donc pas étonnant que tout le monde ait voulu étouffer ce massacre pour mieux l’oublier ensuite. L’humanité parlera de violences importantes mais, prétextant la peur de la saisie, jamais le journal ne mènera l’enquête pour savoir ce qu’il s’est réellement passé. La population française se rassembla par centaines de milliers pour protester contre les 9 morts de Charonne, mais par quelques centaines seulement après le 17 octobre. Combien de morts ? Comment le savoir puisqu’aucune commission d’enquête n’a pu être saisie. Mais d’après les rapports du FLN, on monterait à plus de 300.

    Le livre se termine par un dernier évènement. En se rendant à une commémoration en 1990, un Algérien est arrêté par la police… au faciès. Cette anecdote, qui n’en est pas une, nous rappelle que le 17 octobre 61 n’est pas très loin, que les violences policières n’ont jamais disparu et que la racisme d’État agit toujours.

    par Gaël Braibant 25 mai 2012

    http://quefaire.lautre.net/17-octobre-1961

  • Zina Harraïgue : une grande figure de la Révolution algérienne nous quitte (ESSF)

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    Nous venons d’apprendre le décès de Zina Harraïgue-Benadouda.

    Pour beaucoup d’entre nous et surtout pour la nouvelle génération d’Algériennes et d’Algériens ce nom pourrait ne rien évoquer. Mais il nous semble important d’évoquer ce que Zina a été et surtout a donné pour qu’aujourd’hui nous puissions encore nous prévaloir de vivre dans un pays libre et indépendant. Permettez-moi d’apporter ce court résumé de son parcours recueilli de son vivant avant que la longue maladie dont elle souffrait ait fini par l’emporter.

    Une enfance difficile

    Née en 1934 d’une famille mixte (père algérien, mère allemande), Zina est sœur de 5 garçons et 2 filles. Orpheline de père à 8 ans, elle mène une vie difficile, guettée par le typhus et d’autres maladies endémiques que la misère générale faisait être le lot quotidien de la plupart des Algériens de l’époque. Pour y faire face, elle est obligée de travailler très jeune en gardant les enfants des familles européennes nanties.
    Ballottée entre Bougie et Sétif, elle va connaître à 11 ans sa première expérience politique en assistant aux massacres du 8 mai 1945. Marquée par l’événement, elle deviendra sensible aux propos de ses frères engagés dans la lutte clandestine du PPA.

    De 1945 à 1954, contrainte et forcée par les dures conditions d’existence, elle quitte l’école pour travailler comme fille de salle – infirmière dans une clinique de la ville. En novembre 1954, elle part pour la France avec sa mère, deux de ses frères et une sœur.

    C’est là que commence le travail en usine : fabrication à la chaîne de boulons pour bateaux de 6h du matin à 6h du soir.

    Une première responsabilité par délégation de pouvoir

    Militant nationaliste et syndicaliste, son frère est arrêté et déporté à la prison de Berrouaghia. Les ouvriers de l’usine viennent voir Zina et lui demandent de prendre la place du frère pour les représenter au syndicat. Elle avait déjà fait l’écrivain public pour eux.

    Au retour de prison, le frère réunit les ouvriers et les convainc de rejoindre le FLN. C’est la période de l’affrontement entre messalistes et frontistes pour s’assurer le contrôle de l’émigration. La région de Lyon, Saint Etienne, Firminy est un véritable champ de bataille et Zina s’y trouve impliquée pour le transport d’armes et la liaison avec les responsables régionaux et centraux. C’est là qu’elle rencontre Kaddour Ladlani, et Salah Louanchi, de la direction de la Fédération de France du FLN.

    Le travail pour l’organisation commence à l’emporter sur le travail à l’usine. Les jours fériés et les congés de maladie ne suffisent plus à justifier ses absences. Elle quitte donc l’usine pour s’adonner au travail de l’organisation clandestine à plein temps.

    Intégrée dans une cellule dont le frère était responsable [1], elle finit par assumer pratiquement les charges les plus ingrates : transport de documents, d’armes, d’argent pour les « groupes de choc ».

    « Elle est la seule à pouvoir passer inaperçue » et puis c’est la sœur de celui auquel les militants vouent un grand respect. Omar Harraïgue lui-même trouve en elle la seule personne en laquelle il puisse vouer une totale confiance. La voici donc investie de toute la confiance et de toutes les charges de liaison et communication.

    Les déplacements deviennent plus importants ; ils atteignent une échelle régionale. Ils comprennent même parfois l’accompagnement de hauts responsables pour leur servir de couverture.

    Une nouvelle responsabilité par délégation de pouvoir

    1957 est l’année qui voit la mise en place de l’Organisation spéciale de la Fédération de France du FLN (dorénavant OS.FFFLN). Zina y est intégrée sans qu’elle le sache vraiment. Elle subit les mêmes tests et les mêmes épreuves que les militants hommes qui ont été sélectionnés pour en faire partie.

    La sphère de ses missions s’élargit, le réseau des liaisons s’étend maintenant à tout le territoire français et c’est à elle, entre autres, que revient la lourde charge du transport de l’argent entre Lyon et Paris ainsi que celui des armes dans le sens inverse. Elle devient le contact principal de la wilaya du Sud avec la direction de la fédération. Elle rencontre toute la nomenclature de la FFFLN : Boudaoud, Bouaziz, Kebaïli, Manaa, Benadouda etc.

    Elle finit par être recherchée par les services de police français et condamnée elle aussi par contumace. Elle entre alors en clandestinité au moment même où son frère quitte le territoire français pour rejoindre l’armée de libération nationale aux frontières.

    « J’ai obtenu ainsi mon indépendance » dit-elle, en fait, elle devient libre de tout ancrage local ou régional. Elle ne sert plus de couverture à personne sauf s’il s’agit d’accomplir une mission dans le cadre des opérations militaires engagées par le FLN-ALN en territoire français.

    Elle fait l’apprentissage de la fabrication des bombes, du maniement des armes et s’implique dans les attentats visant des personnalités politiques entre autres Jacques Soustelle et le sénateur Benhabylès.

    En 1959-1960, elle prend la responsabilité de l’armement comme adjoint d’Aït Mokhtar quand l’O.S. est démantelée et qu’il n’y a plus, pour un temps, d’hommes pour accomplir cette mission.

    Adjoint d’Aït Mokhtar c’est-à-dire adjoint du principal responsable de l’O.S. encore en territoire français, soit un degré de responsabilité qui aurait placé n’importe quel homme au rang d’officier d’une unité de combat.

    Passages aux frontières et retour à la norme

    La période 1959-1960 aura été l’une des plus terribles de la bataille menée par le FLN en France. C’est pendant cette période que Zina est arrêtée avec 3 valises bourrées d’armes et des photos de policiers. Mais en fait qui arrête-t-on ? Non pas Zina Harraïgue, mais la sœur de Omar.

    On ne lui reconnaît pas encore, du côté français comme du côté algérien, son identité propre et sa pleine responsabilité dans l’action armée. C’est « la couverture », « l’auxiliaire », « la porteuse de valises » non pas l’une des responsables des actions armées de l’O.S. en France.

    Après un interrogatoire de 5 jours presque sans manger ni boire, elle est transférée à La Roquette d’où elle s’évade en février 1960. Il s’agit de la première grande évasion et l’une des plus spectaculaires de l’histoire de la révolution algérienne.

    Alors commence un long retour vers d’autres frontières. D’abord en Allemagne où elle est transférée après son évasion. Là, le plus haut responsable de la FF.FLN, Omar Boudaoud lui suggère de « faire comme les autres (militantes), essayer de terminer les études, d’apprendre quelque chose ». Evidemment, elle n’est pas de cet avis, elle veut rejoindre les frontières parce qu’on lui a toujours dit que le militant « brûlé » en ville devait rejoindre les maquis. Elle pouvait encore rendre service au pays et à l’organisation.

    On décide alors son départ pour Rabat où elle est hébergée chez une riche famille algérienne dont les filles n’étaient pas engagées dans la lutte.

    Elle découvre des aspects qu’elle n’avait jamais connus dans l’organisation du FLN en France. Le régionalisme battait son plein, l’écart entre les instances dirigeantes de la Fédération du FLN au Maroc, la base militante et la grande masse du peuple se creusait.

    On lui propose de travailler dans les camps de réfugiés un peu comme une assistante sociale, elle qui voulait poursuivre la lutte armée dans les maquis au milieu de ses frères d’armes.

    Elle découvre alors la misère des maquisardes cantonnées aux frontières et les mentalités rétrogrades : « les militantes étaient juste bonnes à marier ».

    En 1962, elle refuse de rejoindre le pays par ses propres moyens comme on le lui proposait. Elle reprend le chemin de l’Allemagne puis de la Suisse où elle est admise en sanatorium pour guérir des séquelles d’une grave maladie contractée durant les années de clandestinité.

    Elle apprend les festivités de l’indépendance par les journaux et la télévision.

    De retour au pays, elle se fond au milieu du peuple dans la plus grande modestie et humilité.

    Ce que l’on peut lire à travers le témoignage de cette femme militante, engagée dans la lutte de libération de son pays, l’Algérie, c’est cette terrible injustice qui a fait qu’à aucun moment, y compris aux pires instants de la traque policière, personne ni même elle-même, dans sa propre conscience de soi et dans la représentation de sa contribution à la lutte, n’a pu se vivre autrement que comme un prolongement (un substitut) du frère de sang (Omar), du frère de lutte (Madjid) et du grand frère (le FLN) dans lesquels elle s’est dissoute.

    Comment l’organisation révolutionnaire et la mémoire collective ont-elles pu à ce point occulter le rôle de ces femmes responsables sans pouvoir. Car il faudra bien reconnaître un jour et (se) poser la question du fait qu’aucune femme n’ait été désignée ni dans les instances dirigeantes de l’organisation politique ni dans les organes délibératifs.

    Daho Djerbal
    Maître de conférences
    Département d’histoire. Université d’Alger

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38985

  • Nouveautés sur "Lutte Ouvrière"

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    Il y a quarante ans, août 1976 : le camp palestinien de Tell-el-Zaatar écrasé par les milices d’extrême droite libanaises

    Israël-Palestine : la colonisation s’intensifie

  • Ce qu’il faut savoir de l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza par Israël (Chronique de Palestine)

    Occupation
    Un jeune palestinien joue de la guitare sur les ruines de sa maison, à Gaza - Photo : Archives
     
     
    Cette semaine a marqué le 49 anniversaire de l’occupation militaire de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza par Israël. Voici donc en 49 faits et chiffres le régime militaire qui dure depuis près d’un demi siècle.

    1. La Cisjordanie, Jérusalem-Est comprise et la Bande de Gaza constituent les Territoires palestiniens occupés (TPO), qui sont sous occupation militaire israélienne depuis juin 1967.

    2. Avant l’occupation israélienne, la Cisjordanie était sous contrôle jordanien, et la Bande de Gaza sous celui de l’Egypte.

    3. Avant la création de l’état d’Israël en 1948, la Cisjordanie et la Bande de Gaza faisaient tout simplement partie de la Palestine Mandataire ; leurs ‘frontières’ résultent de l’expansion israélienne et des lignes d’armistice.

    4. 300 000 Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza sont devenus des réfugiés lors de la conquête de ces territoires par Israël en juin 1967 ; l’immense majorité n’a pas pu rentrer.

    5. En 1967, les forces israéliennes ont ethniquement nettoyé et détruit un certain nombre de villages palestiniens dans les TPO, dont Imwas, Beit Nuba, ainsi que d’autres.

    6. Par une curieuse coïncidence de l’histoire, l’occupation militaire des TPO commença peu de temps après que le régime militaire auquel étaient soumis les citoyens palestiniens d’Israël eut officiellement pris fin en décembre 1966.

    7. Par conséquent, l’état d’Israël a soumis les Palestiniens, citoyens israéliens ou non à un régime militaire pendant les 68 années, moins six mois, de son existence.

    8. L’un des premiers actes des autorités israéliennes à Jérusalem-Est fut de démolir le quartier Mughrabi, expulsant 600 résidents et détruisant 135 foyers.

    9. A la place du quartier Mughrabi vieux de 800 ans, Israël a créé le Western Wall Plaza (La place du Mur Occidentale).

    10. La première colonie de Cisjordanie fut établie en septembre 1967, avec le soutien du gouvernement d’alors dirigé par la gauche.

    11. Toutes les colonies israéliennes dans les TPO sont illégales au regard du droit international, ce qui constitue une violation de la Quatrième Convention de Genève.

    12. Dans une note confidentielle de 1967, un conseiller juridique du gouvernement israélien a affirmé que les colonies civiles dans les TPO étaient illégales.

    13. En 1972, il y avait environ 10 000 Israéliens qui vivaient dans les colonies illégales établies dans les TPO.

    14. En 1974/75, Israël établit Ma’ale Adumim, en Cisjordanie à l’est de Jérusalem. C’est maintenant la plus grande colonie israélienne pour ce qui est de la superficie.

    15. Il y a maintenant 125 colonies approuvées par le gouvernement dans les TPO, plus une centaine d’autres ‘avant-postes’ de colons non autorisés.

    16. Il y a environ 400 000 Israéliens qui vivent dans des colonies illégales en Cisjordanie occupée.

    17. Ce chiffre ne comprend pas les résidents des colonies établies à Jérusalem-Est, soit 200 000 supplémentaires.

    18. Les Israéliens ont participé aux 14 scrutins nationaux qui se sont tenus depuis juin 1967. Contrairement aux colons, les Palestiniens des TPO n’ont pas pu voter dans aucune de ces 14 élections.

    19. Selon l’ONU, il y a eu 2598 actes de violence perpétrés par les colons israéliens à l’encontre des Palestiniens au cours des dix dernières années.

    20. L’une des moyens adoptés par les autorités israéliennes au cours des décennies passées pour coloniser la Cisjordanie, c’est la législation foncière de l’époque ottomane datant de 1858.

    21. Au milieu des années 1980, les terres cultivées palestiniennes en Cisjordanie avaient diminué de 40 pour cent.

    22. En 1991, Israël commença à exiger de tout Palestinien des TPO souhaitant se rendre en Israël l’obtention d’un permis d’entrer individuel.

    23. Plus de 500 obstacles physiques, comprenant les check points et des monticules de terre, restreignent la liberté de circulation en Cisjordanie.

    24. En 2003, Israël commença à construire le Mur de Séparation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. 85 pour cent environ de la longueur totale du tracé prévu du mur se trouve à l’intérieur des TPO.

    25. En 2004, la Cour Internationale de Justice à La Haye a émis un avis consultatif selon lequel la construction du Mur dans les TPO est « en contravention du droit international ».

    26. Quelques 82 000 colons vivent à l’extérieur du Mur de Séparation ; ajoutez-y Ariel, une des plus importantes villes de colons située au centre de la partie nord de la Cisjordanie, et le total s’élève à environ 100 000 colons.

    27. La Bande de Gaza abrite environ 1,8 millions de Palestiniens, dont à peu près 70 pour cent sont des réfugiés enregistrés auprès de l’ONU, qui furent expulsés de leur foyer by Israël en 1948.

    28. Pendant des décennies, Israël a maintenu une présence armée permanente à Gaza, a exproprié des terres, bâti des colonies pour une population de colons qui a dépassé les 8000.

    29. En 2005, Israël en a évacué ces colons, et redéployé ses forces armées le long de la clôture sur le périmètre de la Bande de Gaza.

    30. La Bande de Gaza est toujours sous occupation israélienne : avec la Cisjordanie et Jérusalem-Est elle forme une entité territoriale unique (TPO).

    31. Ceci fut confirmé dans la résolution 1860 du Conseil de Sécurité des Nations Unies en 2009, ainsi qu’en novembre 2014 par le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale à La Haye.

    32. En 1967, Israël a repoussé les limites municipales de Jérusalem pour y inclure un territoire nouvellement occupé ; cet acte d’annexion n’a jamais été reconnu par la communauté internationale.

    33. Un tiers du territoire annexé a été exproprié ; en 2001, quelques 47 000 unités d’habitation pour colons avaient été construites sur cette terre saisie.

    34. L’immense majorité des Palestiniens de Jérusalem sont des résidents permanents, et non des citoyens. En 2014, le statut de résident de107 Palestiniens a été révoqué.

    35. Les Palestiniens sont victimes d’une politique de distribution de l’eau discriminatoire maintenue par les autorités israéliennes.

    36. Israël applique un double système juridique dans les TPO : des tribunaux civils pour les 600 000 colons, et des tribunaux militaires pour les 4,5 millions de Palestiniens. Ces derniers ont un taux de condamnation de 99,74 pour cent.

    37. L’armée israélienne emprisonne des Palestiniens des TPO sans chef d’accusation pour des périodes de six mois renouvelables. Il y a actuellement 715 prisonniers de ce type, sur un total de 7000 Palestiniens en prison.

    38. Depuis 1967, les autorités israéliennes ont démoli des centaines d’habitations palestiniennes comme acte de punition collective.

    39. De nombreuses constructions palestiniennes sont démolies par les forces israéliennes, faute d’avoir le bon permis ; pourtant plus de 95 pour cent des demandes de permis palestiniennes sont rejetées.

    40. En 2016 à cette date (6 juin), les autorités israéliennes ont démoli 625 constructions palestiniennes.

    41. Pendant la Première Intifada (1987-93), les forces israéliennes ont tué plus de 1000 Palestiniens, dont un cinquième était des enfants.

    42. Au cours des quelques premiers jours de la Seconde Intifada, l’armée israélienne a tiré 1,3 millions de balles.

    43. En six offensives militaires de 2006 à 2014, Israël a tué 1097 enfants palestiniens dans la Bande de Gaza.

    44. Les forces d’occupation israéliennes ont tué 137 Palestiniens en Cisjordanie en 2015, 56 en 2014. Au cours de la même période de deux ans, les forces israéliennes ont également blessé 19 950 Palestiniens en Cisjordanie.

    45. Les Accords d’Oslo, signés au milieu des années 1990, ont vu la mise en place de l’Autorité Palestinienne (AP), qui gouverne certains aspects de la vie des Palestiniens, dans certaines parties des TPO.

    46. Ces Accords ont divisé les TPO en trois zones : A, B et C. Les territoires des zones A et B ne sont pas contigus, et sont constitués de 227 secteurs sous contrôle, à des degrés divers, de l’AP.

    47. A peu près 60 pour cent de la Cisjordanie demeurent sous contrôle militaire et administratif israélien total. Toutefois, même dans le reste de la Cisjordanie, l’armée israélienne effectue des raids à son gré.

    48. Selon Human Rights Watch : « Les Palestiniens sont confrontés à de la discrimination systématique simplement à cause de leur race, ethnicité, et origine nationale. » Amnesty International partage ce constat.

    49. En 2012, le Comité pour l’Elimination de la Discrimination Raciale de l’ONU a déclaré que les politiques israéliennes appliquées dans les TPO violent l’interdiction de la « ségrégation raciale et de l’apartheid. »

    A1 

    Ben White est journaliste indépendant, écrivain et militant, spécialiste Palestine/Israël. Il est diplômé de l’université de Cambridge. Il a notamment écrit Être palestinien en Israël – Ségrégation, discrimination et démocratie

    10 juin 2016 – Middle East Monitor

    mercredi 31 août 2016

    http://chroniquepalestine.com/quil-faut-savoir-de-loccupation-de-cisjordanie-de-gaza-israel/

  • Palestine. Des raids sur les camps de réfugiés raniment l’esprit de 1948 (Al'Encontre.ch)

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    Les petits-enfants et arrière-petits-enfants de ceux qui avaient procédé aux expulsions de 1948 [1] pointent leurs fusils sur les petits-enfants et arrière-petits-enfants de ceux qui avaient été expulsés.

    L’esprit de 1948 plane sur les raids de l’armée israélienne sur les camps de réfugiés palestiniens, même lorsque ces incursions n’entraînent pas de morts. C’est notamment le cas des attaques contre Gaza, dont la plupart des résidents sont des réfugiés. Elles entraînent des blessés et peut-être des décès parmi les jeunes. Au cours des récentes semaines, des soldats ont ainsi été envoyés dans les camps de Dheisheh, de Far’aa, d’al-Fawwar, d’Al-Am’ari. Leur objectif: prouver une fois de plus l’omnipotence d’Israël et satisfaire le désir d’action des soldats.

    Une importante continuité relie, d’une part, les raids effectués actuellement sur les habitations de milliers de résidents de camps et, d’autre part, l’expulsion en 1948 de leurs familles de leurs communautés d’origine qui se trouvent parfois juste quelques kilomètres plus loin. Les petits-enfants et les arrière-petits-enfants de ceux qui ont procédé à cette expulsion pointent actuellement leurs fusils non seulement contre les petits-enfants et arrière-petits-enfants de ceux qui ont été expulsés en 1948, mais aussi contre les expulsés eux-mêmes, aujourd’hui âgés de 70 ans et plus.

    Les maisons dans lesquelles les expulsés sont nés, les arbustes épineux qui marquaient les limites de leurs terres familiales, le sentier qui conduisait à la mosquée ou à l’école, les arbres qu’avaient plantés leurs grands-parents – et les espaces vastes, ah, ces espaces ouverts –, tout cela continue à vivre dans leurs cœurs et à leur appartenir. Les soldats ne pensent même pas à quel point les grenades étourdissantes, les gaz, les balles (métalliques) et les pistolets Ruger qu’ils utilisent étouffent et effraient les personnes âgées qui ont été expulsées par les grands-parents des envahisseurs actuels.

    Subissant un lavage de cerveau et une sollicitation permanente («la lutte contre les infrastructures terroristes») par leurs commandants et par la presse, les soldats sont envoyés dans les camps surpeuplés, les ruelles étroites et le labyrinthe de béton gris. La pauvreté est apparente partout. Les soldats associent la pauvreté et la misère avec le danger. Immatures et bourrés de munitions, âgés de 19 et 20 ans, ils sont sous l’emprise de leurs hormones. Et puis il y a la crainte pour leur vie, qui les transforme à leurs propres yeux – et dans les formules des porte-parole de l’armée – en victimes innocentes potentielles de n’importe quel lanceur de pierre âgé de 15 ou de 17 ans, et qui dérange l’ordre immaculé qu’ils représentent.

    Pour eux, l’histoire a commencé avec la promesse de Dieu faite à un migrant nommé Abraham. Leurs relations avec les colons et les colonies, à l’ombre desquelles sont abritées leurs bases et qui constituent la raison de leur existence, se resserrent. Ensuite l’histoire, ou plutôt leur hystérie volontaire, va aussi loin que les pierres que leur lancent les petits-enfants des exilés, ou celles lancées contre les voitures sur la Route 60 [entre Beersheba et Nazareth], qui est bordée d’abondantes colonies, ou contre le gigantesque mur au nord et à l’ouest de Jérusalem.

    Parfois quelqu’un qui parle hébreu (et qui pour gagner sa vie a construit des maisons ou travaillé comme jardinier dans des villes israéliennes, bien avant leur naissance), ou un enseignant d’anglais, affronte ces soldats et leur parle dans sa chambre à coucher, même s’il est menacé par un fusil. Il parvient peut-être, pendant un court instant, à tirer des soldats un fragment d’humanité. C’est ce qui s’est passé à al-Fawwar la semaine passée. [L’attaque de centaines de soldats contre les habitants de ce camp a fait un mort et 32 blessés, le 16 août 2016; cette attaque a été documentée et dénoncée par Amira Hass les 21 et 22 août 2016 dans Haaretz.]

    Mais, en même temps, le rôle objectif – même s’il n’est pas explicite – des soldats est de perpétuer 1948; pour prouver que nous avons été et nous sommes encore une société de colonisateurs, dont le but et l’aspiration sont de remplacer la population indigène par son propre peuple. Heureusement nous n’avons pas totalement réussi (comme ont «réussi» des pays comme l’Australie, le Canada et les Etats-Unis). L’expulsion n’est pas l’extinction. On peut encore rassembler les morceaux et reconstruire à nouveau quelque chose.

    Actuellement Israël tente de faire un «compromis» entre, d’une part, son puissant désir de remplacer une population par une autre et, d’autre part, les exigences de la politique globale et régionale. Le «compromis» a consisté à limiter toute construction (réelle et métaphorique) et de compresser les Palestiniens dans des poches surpeuplées urbaines et semi-urbaines sur les deux côtés de la Ligne verte, tout en continuant à allouer les espaces ouverts aux juifs.

    Les camps de réfugiés sont des poches qui se prêtent bien à cette politique puisque leurs habitants refusent d’oublier et continuent de résister contre la logique de la société coloniale. Dès lors, ils constituent par la même occasion des cibles permanentes. Pour parvenir à comprimer ainsi la population palestinienne, le pouvoir israélien fait construire des ensembles de logements (colonies), multiplie les règlements et procède à des évacuations, mais continue aussi à démolir, à réprimer, à effectuer des raids qui entraînent la terreur, des blessés et des morts. Les opérateurs de ce «compromis interne» israélien et ceux qui l’appliquent sont nos soldats.

    (Article publié dans le quotidien Haaretz en date du 24 août 2016; traduction A l’Encontre)

    ___

    [1] De la fin avril à fin juillet 1948 – durant la période de guerre de novembre 1947 à janvier 1949, avec ses multiples et complexes opérations militaires, diplomatiques et politiques – un élément va se situer au centre de la politique des Israéliens: «la destruction de la société arabe palestinienne dans ses structures économiques, territoriales et humaines» (Henry Laurens, La Question de Palestine, Tome troisième 1947-1967. L’accomplissement des prophéties, p. 194, Fayard, 2007). Henry Laurens souligne, antérieurement, que: «L’illégitimité arabe est consubstantielle au projet sioniste dans la mesure où admettre qu’il existe un peuple arabe en Palestine condamne d’entrée l’entreprise.»

    Ilan Pape, dans une description chronologique de «La purification ethnique de la Palestine de mai 1948 à janvier 1949» résume ainsi la méthode assez généralisée de la destruction de quelque 300 villages palestiniens «à l’intérieur de l’Etat juif proprement dit»: «Des soldats israéliens en armes se disposèrent des trois côtés du village, obligeant les habitants à fuir par le quatrième. Dans bien des cas, lorsque les villageois refusaient de partir, on les fit monter de force dans des camions pour les conduire en Cisjordanie. Il arriva que des volontaires arabes résistent violemment; alors, à peine ces villages conquis, les Israéliens les détruisirent à l’aide d’explosifs.» (Ilan Pappe, Une terre pour deux peuples. Histoire de la Palestine moderne, p. 150, Fayard, 2004). Une deuxième opération «de nettoyage de la Palestine» fut entreprise lors de l’hiver 1949. Pappe rappelle qu’une troisième s’étendit jusqu’en 1954. La Palestine urbaine, puis la Palestine rurale furent dévastées.

    «Sur quelque 850’000 Palestiniens qui vivaient sur les territoires attribués à l’Etat juif par les Nations unies, seuls 160’000 demeurèrent sur leurs terres, dans leurs maisons ou à proximité… Sur un million de Palestiniens, les trois quarts se transformèrent en réfugiés.» (Pappe, p. 152) L’histoire des «camps de réfugiés» palestiniens commence à l’occasion de cette «catastrophe». Et continue jusqu’à aujourd’hui. C’est à ce 1948 qu’Amira Hass se réfère dans cet article. (Rédaction A l’Encontre)

     

  • 1991. Après l'abandon par Hachemi Cherif de la référence communiste. La lettre de Noureddine Zenine (Algérie Infos)

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    Recherché par les services et entré dans l'appareil clandestin du Pags en 1965, le défunt Noureddine Zenine réagissait dans cette lettre au scoop médiatique lancé par Hachemi Cherif dans plusieurs médias : « Nous ne sommes pas un parti communiste ». Par cette initiative médiatique, le coordonnateur du Bureau politique préparait le terrain à l'autodissolution du PAGS qu'il réussit à faire passer au congrès qui se tiendra au début de 1993.

     

    Alger le 24 septembre 1991

    Noureddine Zenine
    Aux membres du Comité Central
     
    Chers Camarades :

    Conformément au règlement intérieur du Comité Central adopté au cours de notre dernière session, je tiens à vous faire connaître ma désapprobation relative au contenu des interviews accordées par le coordinateur du BP du PAGS aux journaux  l’Observateur, An–nasr, El-Watan …

    1. Il est Inadmissible que, sans aucune consultation et sans aucun débat, on puisse affirmer publiquement et de façon aussi tranchée : « Nous ne sommes pas un parti communiste ».

    Cette affirmation est contraire aux travaux et à l’esprit du congrès ainsi qu’aux débats qui l’ont précédé. Aucun des documents adoptés par le congrès ne formule une telle appréciation : on y parle de socialisme scientifique, de marxisme-léninisme, de communistes, de MCOI. L’un des moments les plus forts du congrès fut l’hommage rendu aux anciens du PCA- en particulier à la mère Maillot – hommage ressenti par la majorité des congressistes comme l’affirmation de la continuité dialectique avec une partie de notre héritage. Tout ce qui dans l’avant-projet de résolution politico-idéologique apparaissait comme une coupure mécanique avec le PCA et notre identité communiste avait été, sous la pression de la base du parti en particulier, supprimé du projet de résolution politico-idéologique adopté par le congrès.
    Sans être des nostalgiques rivés au passé dont il faut faire une approche critique, il est indispensable de tenir compte de ces données pour innover, nous adapter avec la participation de tous les camarades .

    Qu’on s’entende bien en effet. Le problème identitaire du parti est un problème sérieux. Au cours de la dernière session du Comité Central (CC) – vous vous en souvenez sans doute – j’avais souligné la nécessité de poser en termes clairs et novateurs, en tenant compte de tous les changements nationaux et internationaux, la question de savoir quel type de parti nous voulons : veut-on, avais-je dit, un parti communiste moderne (quelle qu’en soit l’appellation) ou un parti social – démocrate (quelle qu’en soit l’appellation) ou un autre type de parti ! L’essentiel – avais-je souligné – était que le problème puisse être posé clairement, sans étiquetage, sans animosité entre frères de lutte mais surtout que le débat doit concerner les camarades, tous les camarades.

    C’est pourquoi, j’aurais salué le courage d’affirmer « Nous ne sommes pas un PC » (quelle que soit ma propre opinion) si elle avait été énoncée devant une session du CC comme un point de vue personnel ou si elle avait été présentée sous forme interrogatoire « Sommes-nous un parti communiste ? »
    Dans les deux cas une telle affirmation ou interrogation dérange mais –c’est là l’essentiel – laisse ouverte la discussion, stimule la réflexion et par suite mobilise les camarades qui ressentiraient alors la nécessité de contribuer au débat en s’en sentant auteurs.

    2. Il est aussi inadmissible d’affirmer : « Nous ne nous sommes jamais assimilés au Mouvement communiste et ouvrier international (MCOI) » .

    On peut toujours discuter du terme « assimilés », mais quelle que contorsion qu’on veuille lui faire subir, il s’agit bel et bien d’une contre-verité historique qu’aucun démenti n’est venu infirmer à ce jour. Il suffit de rappeler que nous avons signé des documents approuvés par des partis communistes et ouvriers aux plans international e arabe, que nous avons fait partie du comité de rédaction des revues du MCOI comme la « Nouvelle Revue Internationale et االنهج

    3. Il est regrettable que ces interviews ignorent pratiquement les préoccupations parfois angoissantes des citoyens notamment des plus modestes : des dizaines de milliers de jeunes encore exclus de l’école cette année, coût plus élevé encore de la rentrée scolaire articulé avec la hausse générale des prix (poulet de 70 à 75 DA la veille du Mouloud) déjà effective et celle qui risque de toucher le pain, le lait…, la vague de licenciements en perspective…

    Tout cela, en liaison avec la préoccupation des citoyens concernant l’avenir immédiat du pays à la lumière des éléments constitutifs d’une nouvelle crise du pouvoir et d’une autre explosion avec l’hypothèse d’un Etat d’exception qui se profile.

    Face à cette situation, que faire ?
    Les interviews répondent-elles à cette question ?

    En mettant en avant de façon aussi autoritaire et antidémocratique un problème un problème aussi controversé que l’identité du parti, au lieu d’unir les efforts des camarades autour de tâches mobilisatrices tout en organisant des débats contradictoires indispensables, ces interventions risquent de diviser davantage les rangs déjà clairsemés du PAGS actuels, de décourager, de pousser d’autres camarades à quitter le parti, de nous renfermer encore davantage sur nous-mêmes, de nous éloigner encore plus tragiquement des terrains de lutte .

    Ce sont là des réalités. Rappelons notre position ou plutôt notre non-position concernant la grève des 2 jours de l’UGTA . Cette grève a donné au FIS un coup infiniment plus efficace que tous nos communiqués, interviews et conférences de presse réunis. Relevons les reculs spectaculaires de notre travail au sein de la paysannerie laborieuse depuis l’initiative de la marche prise par notre parti le 8 novembre 1990 dont le contenu et les mises en garde sont confirmées par ce qui se passe aujourd’hui dans les campagnes. Notre influence au sein des étudiants, lycéens, chômeurs… a diminué. On aboutit peu à peu à l’isolement du parti vis-à-vis de la société et des autres partis alors que le PAGS a toujours été connu – avec ses faiblesses et ses limites – comme le parti des luttes et de l’unité d’action de toutes les forces patriotiques et démocratiques.

    Ces faits sont liés aussi à des initiatives et formulations inattendues et étrangères à première vue.

    Il en est ainsi de l’annulation de la célébration du 25ème anniversaire du PAGS sous prétexte des événements du Golfe alors qu’il eût suffi d’annuler la partie "festivités" et, avec la participation des autres partis non totalitaires et obscurantistes, célébrer nos 25 ans de lutte sous le signe de la « solidarité avec le peuple irakien », fidèles en cela avec les traditions unitaires et de solidarité internationale du PAGS.

    Il en est ainsi des formules comme « le parti se renforce en s’épurant » (formule de Staline faut-il le rappeler) ou du fait qu’on se réjouisse du départ de camarades et souvent de valeur en les qualifiant de « dépassés » comme si ceux qui prononcent ces sentences détiennent la vérité, « décrètent » comme il faut penser, tournant ainsi le dos à l’essence de la perestroika dont ils se prévalent souvent.

    Il en est ainsi et surtout de la non-publication depuis de longs mois de « Saout El Chaab » organe central du PAGS qui a été, depuis 1966 et malgré ses faiblesses et insuffisances réelles, un repère pour les Camarades et progressistes, un symbole d’espoir, un stimulant des luttes. Ce que tous les services de sécurité (civils et militaires) n’ont pas réussi à réaliser (faire taire « Saout El Chaab ») nous l’avons fait nous-mêmes.

    Chacun de tous ces faits, pris en lui-même n’a qu’une signification limitée, et peut s’expliquer jusqu’à un certain point .

    Mai si nous mettons bout à bout tous ces faits et d’autres, ainsi que les récentes interviews dont il est question ici, alors surgit irrésistiblement la question : N’y a – t il pas entre tous ces éléments un même liant, et n’obéissent-ils pas à une même logique : rompre avec l’héritage du pags, non seulement avec ses erreurs et ses zones d’ombre mais aussi avec son passé de luttes et son caractère de classe ; aboutir peu à peu à un autre parti qui soit la négation mécanique du PAGS avec, y compris un autre sigle.
    Ne sommes-nous pas arrivés à une phase nouvelle, à la croisée des chemins avec les récentes interviews ?

    Il s’agit là d’une résultante objective. Elle est indépendante des intentions réelles de tous les camarades, chacun d’eux pensant agir au niveau des intérêts de ce qu’il croit le meilleur idéal.

    Chers camarades du Comité Central :

    Chacun de nous devra prendre ses responsabilités historiques devant l’ensemble des Camarades et aussi de la société car le PAGS appartient au peuple algérien, à son histoire et aussi à son avenir.

    En conséquence je propose qu’un CC puisse se tenir dans les 2 à 3 semaines à venir pour examiner :

    1. Les mesures à prendre pour faire jouer au CC son rôle conformément à l’article 31 des statuts qui stipule notamment : « Le CC est l’organisme dirigeant du parti dans l’intervalle des congrès… »

    Malgré les efforts des uns et des autres la CC n’a pas joué jusqu’ici son rôle de direction nationale collective. Comment le pouvait-il en ne recevant aucune information concernant le contenu politique des contacts pris au niveau du parti, ainsi que la situation financière et organique du parti (sauf les quelques données fournies lors de la dernière session du CC) ou encore les avis des cellules qui ont été adressées au CC et que nous n’avons jamais reçues. Ajoutons que le CC a appris par la presse la décision de boycott des élections et toute l’opération concernant « Alger-Républicain » dont il n’a pas été informé à ce jour.

    Rappelons que le poste de coordinateur du BP (et non du PAGS) au lieu de secrétaire général ou même premier secrétaire du CC a été justifié, y compris en séance plénière du congrès comme la volonté de faire jouer au Comité Central son rôle de direction nationale effective et d’aller résolument vers un plus grand travail collectif rendant chaque Camarade acteur de la vie de son parti.

    Il ne s’agit pas là d’une question organique formelle mais d’une exigence scientifique au moment où tant de certitudes sont tombées par pans entiers et où tant d’incertitudes sont devant nous, l’effort de tous est indispensable pour approcher au mieux le réel dans son mouvement complexe et contradictoire et éclairer une réflexion novatrice évitant un double écueil : renier purement et simplement le passé sans en tirer les enseignements avec ses aspects positifs et négatifs ou au contraire tenir à ce passé tel quel, y être rivés.

    2. Les mesures et initiatives à prendre et à proposer à l’ensemble de l’opinion démocratique pour faire face à toutes les éventualités d’une situation exceptionnellement grave.

    3. Les mesures à prendre pour organiser immédiatement en articulation avec les problèmes des travailleurs et du pays (y compris les élections si elles se tiennent et quelle que soit notre position à leur égard) un véritable débat autour de l’identité du parti, de son mode de fonctionnement.

    Ce débat doit être ouvert sans aucun préalable. Il doit poser en termes clairs et vifs les aspects les plus « délicats », y compris le terme communiste et aussi le centralisme démocratique… pour en discuter sans préjugés et sans préjuger du contenu des débats.

    Précisons d’emblée que le débat sur l’identité communiste ne devrait pas être réduit à mon avis aux seules questions : « Être communiste ou non » ; attitude à l’égard de notre héritage, tout notre héritage ; notre attitude vis-à-vis du marxisme ; garder ou non le sigle ; etc. Toutes ces questions et d’autres sont incontournables et d’une importance extrême.

    Mais l’identité du parti, c’est aussi le contenu de son programme, l’attitude concrète vis-à-vis des luttes immédiates et futures :
     

    « Sommes-nous avec ou contre les luttes légitimes des travailleurs, des fellahs, des jeunes, des femmes, des ITC ? »
    « Quelle attitude face à la suppression du soutien des prix des produits de 1ère nécessité, aux exigences du FMI, du retour en force des GPF et de leurs alliés, des vagues de licenciements en préparation ? »

    L’identité du parti c’est aussi la réponse à des questions comme :
     

    « Considérons-nous que la classe ouvrière moderne qu’il faudra définir continue à jouer un rôle important ou bien qu’elle a été corrompue et qu’il vaut mieux se tourner de façon prioritaire vers des couches moyennes ? »
    « Considère-t-on que le capitalisme « amélioré » est un projet pour l’humanité ou bien ue le socialisme moderne reste la perspective ? »
    « Sommes-nous pour la solidarité avec les peuples et leurs luttes légitimes ? »

    Chers Camarades :

    Ce débat doit considérer, sans ambigüité aucune que la déclaration « Nous ne sommes pas un parti communiste » n’engage que son auteur et ne saurait en aucun cas être assimilée à la « ligne du parti ». Si cette précision n’est pas apportée sous une forme ou une autre, il s’agira d’un faux débat, c’est-à-dire d’un débat qui aura pour objet de justifier le contenu des interviews.

    Si cette précision n’est pas accompagnée aussi d’une auto-critique de son auteur ou du bureau politique si cet organisme est impliqué dans la préparation de ces interviews, cela signifie que chaque Camarade aura le droit d’exprimer publiquement dans la presse écrite parlée et télévisée son avis sur l’identité du parti et sur toute autre question, y compris en y apportant un point de vue contradictoire à celui qui a été formulé.

    Ce débat concerne tous ceux et toutes celles qui ont contribué à édifier le PAGS qu’ils soient en son sein ou qu’ils l’aient quitté. C’est pourquoi je propose que le Comité Central lance un appel en direction de ceux et celles qui ont quitté le PAGS et leur dise : « Camarades, nous avons besoin de vous ! Que vous décidiez de rejoindre les rangs du parti ou non donnez votre avis sur son devenir qui vous concerne et concerne la société ! Aidez-le à sortir de ce moment difficile avec le moins de dégâts possibles ! »

    Un tel débat rendra les Camarades, tous les camarades acteurs de la nécessaire adaptation de notre identité communiste en liaison avec les remarques et la participation des citoyens qui souvent regrettent notre abandon des luttes en tant que PAGS et qui formulent à leur façon la nécessité d’un PAGS davantage présent même s’ils nourrissent à son égard une certaine méfiance.

    Un tel débat doit prendre en charge de façon créatrive, sans mimétisme et sans suivisme ni vis-à-vis de la pérestroïka ni vis-à-vis de qui que ce soit, les réalités mondiales nouvelles en mouvement ainsi que l’expérience des partis progressistes et communistes.

    Ce problème identitaire ne concerne pas le seul PAGS. La crise du PAGS n’est pas propre à lui. Comme pratiquement tous les partis communistes et ouvriers, phénomène mondial, il reflète une phase historique nouvelle caractérisée par le reflux des forces et des idées communistes et progressistes à l’échelle mondiale.

    Chers Camarades :

    Ce débat peut déboucher si les Camarades le jugent nécessaire sur un congrès extraordinaire du parti qu’il faut préparer démocratiquement avec la contribution de tous. Seul le congrès est en effet habilité à modifier l’identité et les statuts du parti dont l’article 50 indique : « Les présents statuts sont adoptés par le congrès. Ils régissent les activités du parti jusqu’à la tenue du prochain congrès »

    Chers Camarades :

    Trouvons ensemble les solutions appropriées, toutes les solutions pour sortir notre parti bâti au prix de sacrifices inouïs du triste état dans lequel il se trouve comme le montre sans ambiguïté son état financier et organique.

    Qu’on nous réponde :
     

    « Combien y avait-il de Camarades organisés en Décembre 1990 et combien y en a-t-il aujourd’hui ? »
    « Quel était l’état des finances il y a 9 mois et où en est-on aujourd’hui ? »

    La réponse à ces deux questions apportera des clarifications importantes pour évaluer où nous étions et où nous en sommes en tenant compte de tous les changements et bouleversements à l’échelle mondiale.

    Salutations militantes
    Noureddine Zenine

    Source : Socialgerie.net

    Wikipedia: PAGS

    Wikipedia: PCA (Le "soutien du PCF" fait sourire!)

    http://www.algerieinfos-saoudi.com/1991-apres-l-abandon-de-la-reference-communiste

  • Les racines coloniales de la politique française à l’égard de l’islam (Orient 21)

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    « Imam présidant la prière », Étienne-Nasreddine Dinet (ca 1922).

    « Civiliser les musulmans »

    Comment comprendre le décalage entre les attentes et besoins des Français musulmans et les orientations politiques gouvernementales ? La gestion de l’islam et du culte musulman par la France durant la période coloniale permet d’apporter une réponse et de mesurer combien la vision de Paris a été forgée par la lecture catholique du fait religieux.

    L’expansion coloniale en pays musulmans pousse les gouvernants français à rechercher une politique qui permette la centralisation des décisions en matière de gestion de l’empire, pour régir les différents statuts juridiques faisant relever les pays d’Afrique, puis ceux du Proche-Orient, de divers ministères. Une formule politique tenant compte d’une part du fait religieux musulman — plus tard du fait religieux chrétien —, et d’autre part autorisant la centralisation du pouvoir et des décisions au niveau du gouvernement de la métropole. Une fois la continuité territoriale de l’Afrique du Nord acquise par la certitude d’un protectorat sur le Maroc en 1911, cette politique musulmane se concrétise par la création de différents organismes et institutions qui concerneront à la fois l’organisation et la gestion politique de l’empire mais aussi la gestion des musulmans (émigrés et étudiants) en métropole.

    L’ensemble des ministères se trouvait représenté dans ces organismes : la Commission interministérielle des affaires musulmanes, CIAM (1911-1938), le Haut Comité méditerranéen et ses différentes commissions et sous-commissions (HCM, 1935-1939) et le Centre des hautes études d’administration musulmane (Cheam, 1936-2000). Très vite, on y a adjoint des universitaires, spécialistes du monde musulman et du monde arabo-africain, dont les plus célèbres sont Louis Massignon (islamologue, 1883-1962), Robert Montagne (sociologue-politologue arabisant, 1893-1954), Charles-André Julien (historien de l’Afrique du Nord, 1891-1991), Jacques Berque (sociologue, arabisant, 1910-1995) et Vincent Monteil (islamologue et sociologue, arabisant et africanisant, 1913-2005).

    Selon les périodes, la mise en place et la pratique de la politique musulmane ont pour fonction première soit de favoriser l’expansion coloniale, soit de maintenir la stabilité politique en Afrique du Nord, clé de voûte de l’empire. C’est une politique assumée de gestion de la religion, perçue comme un fait social total : l’islam est une idéologie de mobilisation et de contestation et un fait sociologique. Il est ahurissant de constater aujourd’hui que cette conception n’a pas changé, alors que les musulmans de France ne sont plus des indigènes, mais des Français depuis plusieurs générations, eu égard à l’installation des premières familles algériennes en France en 1882.

    Trois étapes d’une politique

    Cette politique musulmane a connu trois grandes phases qui ont combiné différentes stratégies politiques de centralisation ou d’unification. Elles ont donné, en fonction des intérêts nationaux ou internationaux, la priorité à des essais de centralisation régionale nord-africaine (avec la mise en place des conférences nord-africaines) essentiellement centrés sur une collaboration économique ou sur une centralisation régionale méditerranéenne (avec le HCM), doublée d’une centralisation politique avec prise de décisions au niveau de la présidence du conseil des ministres.

    Une première phase (1914-1923) s’ouvre avec la création de la CIAM, organe consultatif sans réel pouvoir de décision, qui a néanmoins influencé les politiques. Elle montre clairement que la politique musulmane voulue s’est trouvée dès son origine enfermée dans un étau idéologique multidimensionnel qui met en jeu des choix politiques de gouvernance nationaux (centralisation versus décentralisation) et des choix politiques de gestion de l’empire (administration directe versus administration indirecte relevant de deux idéologies : assimilation vs association et laïcité vs pluralité religieuse).

    La focalisation de ces débats sur la question de la gestion et l’organisation politique de l’empire ont constitué un frein à toute tentative d’unification ou de cohérence politique, y compris au niveau de la formation et des traitements des personnels civils ou militaires appelés à servir outre-mer. Dès lors, le concept même de politique musulmane est fluctuant, utilisé par tous les acteurs politiques ou personnalités publiques concernés : il désigne une politique d’assimilation pour les uns, d’association pour d’autres, voire une synthèse des deux en fonction des intérêts en jeu. Cet état de fait a renforcé l’ambiguïté dans l’opinion publique et a rendu impossible ne serait-ce qu’une politique économique commune aux trois pays du Maghreb, les tenants de chacune des idéologies craignant de perdre en indépendance locale.

    Lors de la seconde phase (1923-1935), le consensus des différents acteurs politiques ne se fera que sur la dimension symbolique de l’islam, et sur sa «  nécessité  » diplomatique locale, régionale et internationale. C’est au cours de cette période, qui connaît un fort accroissement de la présence musulmane en métropole, que la République opte pour une gestion bicéphale de l’islam et des musulmans. D’un côté, elle délègue la gestion religieuse, sociale et répressive aux préfectures, dont la préfecture de la Seine fournit le modèle d’une administration directe à «  l’algérienne  ». De l’autre, elle fait de l’Institut musulman de la mosquée de Paris un archétype de gestion «  sultanienne  » à usage diplomatique relevant du ministère des affaires étrangères.

    Enfin, la troisième phase (1935-1954) voit la mise en place d’un quasi-gouvernement métropolitain de l’empire, avec l’aboutissement de plusieurs projets d’uniformisation de la politique à l’égard des musulmans de l’empire. Une phase dans laquelle s’inscrivent activement les plus grands orientalistes français de confession chrétienne, les fonctionnaires-savants-experts dont certains sont de fervents catholiques. C’est le cas notamment de Robert Montagne, Louis Massignon et Vincent Monteil  ; Charles André Julien et Jacques Berque étant de foi plus tiède.

    Gestion bicéphale

    L’Institut musulman de la mosquée de Paris est inauguré en 1926 en hommage aux combattants de la Grande Guerre. Il est confié à un haut fonctionnaire musulman du ministère des affaires étrangères, Si Kaddour Ben Ghabrit. Familier de la cour des sultans marocains, il veillera à donner de ce lieu une double image, celle de l’Andalousie perdue et celle de la monarchie marocaine. Le financement de la construction a relevé d’un montage subtil entre deniers de la République et deniers des territoires musulmans sous domination :
    - la loi du 9 juillet 1920 accorde une subvention de 500 000 francs à la société des Habous des lieux saints de l’islam au titre du ministère des affaires étrangères pour le gouvernement  ;
    - la ville de Paris attribue une subvention de 1 600 000 francs, prend en charge de coûteux frais d’actes notariés (cessation-enregistrement…) et concède un terrain de 7 400 mètres carrés  ;
    - le gouvernement général de l’Algérie accorde une subvention de 100 000 francs  ;
    - la Résidence de Rabat donne 100 000 francs également, inscrits sur les budgets chérifiens de 1921-1922  ;
    - la Résidence de Tunis accorde 30 000 francs, inscrits au budget 1921 de la Régence  ;
    - la colonie du Tchad octroie 5 000 francs, inscrits au budget de 1922.

    Des comités de souscription sont créés dès l’été-hiver 1920 dans toutes les villes et centres urbains d’Afrique du Nord pour récolter le budget nécessaire aux travaux de construction, soit 3 000 000 francs pour toute l’Afrique du Nord. L’argent est confié à deux banques en territoire musulman : la banque de l’Algérie pour l’Algérie et la Tunisie, et la banque d’État au Maroc pour le Maroc. En revanche, la gestion financière et la surveillance générale de l’Institut musulman de la mosquée de Paris ne sont pas confiées à Ben Ghabrit, mais à un haut fonctionnaire du ministère de l’intérieur, Paul Valroff. De leur côté, les imams présents en métropole pour assister les musulmans sont rémunérés par les deux protectorats et le gouvernement de l’Algérie.

    Cette gestion bicéphale de l’islam est toujours en vigueur. La question du financement des mosquées et celle de la formation des imams font encore débat. Le premier ministre Manuel Valls vient de décider la création de la Fondation des œuvres de l’islam en France (FOIF), dont la présidence est proposée à Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’intérieur  ; et il appelle à la formation d’imams français en France.

    Laïcité et organisation des religions

    La remise en cause du référent «  identitaire laïciste-universaliste  » — étroitement lié à l’actualité en France et au contexte international troublé par «  un retour à l’islam  » — réactive le besoin d’un savoir sur l’islam au sein même du champ des sciences sociales. La production universitaire et intellectuelle n’a jamais été si prolifique, les analyses politiques, théologico-politiques n’ont jamais eu autant le vent en poupe que ces derniers temps, sans parler de tous ces nouveaux programmes concoctés on ne sait comment, dédiés à l’étude de la «  radicalisation  » et à la déradicalisation des jeunes Français musulmans.

    Or, les origines du concept de politique musulmane, l’histoire des institutions qui ont été mises en place pour la définir dévoilent l’existence d’un authentique paradigme de politique publique visant à la fois les politiques religieuses françaises en situation coloniale et les Français musulmans issus des ex-territoires de l’empire. Elles dévoilent également l’ambiguïté du rapport au fait religieux, aussi bien chrétien que musulman, dans des institutions qui sont en principe laïques.

    La question de la gouvernance de populations musulmanes sous domination d’une République française laïque dissimulait des questions propres aux catholiques dans la République, à savoir :

    - le double rapport entre le politique et le religieux et l’intervention du religieux dans le politique, comme si le système républicain français et l’encyclique vaticane de Léon XIII, Rerum Novarum 1891, ne l’avaient pas définitivement tranchée  ;

    - l’égalité du christianisme avec les autres religions monothéistes qui aurait conduit inévitablement à leur traitement égalitaire par le politique.

    Ces interrogations sont projetées sur l’empire arabo-africain, dès lors que la question de la centralisation de sa gouvernance au niveau de la métropole s’est posée et qu’elle n’a trouvé d’autre facteur d’unité que l’islam. Elle s’est traduite par la récurrence de l’ambition souhaitée et crainte à la fois de fédérer ces populations musulmanes de l’empire autour d’un califat marocain sous protection française pour représenter l’islam d’Occident — qu’il faut entendre au sens d’islam de l’empire arabo-africain. Celui-ci était perçu d’emblée comme malléable à cause de la présence en son sein de nombreuses confréries, considérées comme autant d’hérésies, toutefois hiérarchisées et reflétant le modèle des églises protestantes.

    Une lecture catholique du fait religieux

    Ces projections révèlent en fait la lecture catholique du fait religieux musulman par les décideurs français et les dissensions au sein du catholicisme français sur des questions purement théologiques comme l’égalité des dogmes monothéistes, ou politiques, comme sur la Palestine ou l’indépendance des États musulmans.

    Les espaces coloniaux arabo-musulman et arabo-africain sont devenus le terrain d’expression de conflits interchrétiens, d’ordre philosophico-religieux et/ou politico-religieux. Cela grâce au rôle joué par Montagne, Massignon, Berque ou Monteil et de nombreux orientalistes arabisants et/ou africanisants, qui sont en majorité de fervents catholiques, et d’autres colonialistes laïques qui partageaient leurs points de vue au plus haut niveau de l’État français. Aujourd’hui, cette vision intégrée par les décideurs français, les personnalités publiques politiques, religieuses, laïques et certains Français musulmans est réactivée, actualisée. Elle pose très précisément la question de l’islam en France, de part et d’autre, dans des termes identiques : la radicalisation de certains jeunes et la réforme administrative de l’islam. Comme à l’époque coloniale, cette radicalisation est imputée à l’absence d’un clergé musulman (califat ou ministère du culte musulman) et à l’absence de réforme de l’islam — réforme religieuse et pas administrative, même si la question du financement est présentée comme prioritaire.

    À l’instar de la période coloniale, ce qui est en jeu, c’est la réinterprétation du Coran dans une version qui serait à la fois conforme aux lois de la République et très proche du culte catholique, dans la mesure où ce sont les textes fondateurs de l’islam qui sont incriminés. La vindicte inscrite dans le Coran et la Sunna et/ou leur aspect apocalyptique et eschatologique seraient à l’origine ou expliqueraient la radicalisation de certains jeunes Français ou Européens qui mettent en acte ces textes appris en commettant des attentats terroristes, d’après les analyses théologico-politiques d’islamologues qui ont aujourd’hui le vent en poupe, comme à l’époque coloniale. En effet, les analyses théologico-politiques des islamologues actuels qui tendent à incriminer les textes fondateurs de l’islam — alors que les Français de confession musulmane sont soumis aux lois de la République et ne les remettent aucunement en cause —, ne font que reprendre les argumentaires des fonctionnaires-savants-experts des générations précédentes qui se prévalaient de l’incompatibilité avec la pleine citoyenneté de la loi islamique (charia) et du code du statut civil musulman pour justifier la nécessité de la réforme religieuse de l’islam. Or, si soumettre les sources de l’islam à la raison critique et à l’ijtihad, c’est-à-dire l’effort d’interprétation, s’avère d’une double nécessité nationale et internationale pour les sociétés musulmanes en mutation concernant la réforme des codes de statut civil et lois issues de la loi islamique, cette «  relecture  » ne se justifiait et ne se justifie en France que par l’objectif ancien et inavoué de la création d’un nouveau schisme en islam. Un schisme qui serait totalement intégré aux autres cultes chrétiens, à défaut d’une conversion des musulmans français au christianisme.

    D’un autre côté, certains Français musulmans très pratiquants1 — en ce sens souhaitant se conformer à la lecture littéraliste des textes fondateurs dans leur vie quotidienne —, objets de la vindicte islamophobe et raciste, harcelés par les forces de l’ordre en particulier pour des questions vestimentaires dans l’espace public ces dernières années, répondent à cet état de fait par la hijra ou exode, c’est-à-dire un départ de la France, leur pays de naissance, pour aller s’installer et vivre dans un pays musulman. À l’instar des Algériens s’installant en Syrie, un territoire musulman entre 1908 et 19122, ceux d’aujourd’hui se dirigent vers le Maroc, pays musulman gouverné par un commandeur des croyants, où l’expression pluraliste des pratiques religieuses — des plus lâches au plus rigoristes — est acquise par le fait même de la suprématie religieuse du monarque sur toutes les autres.

    Aujourd’hui comme par le passé, la politique musulmane de la France modèle les mises en représentation politiques et savantes des identités religieuses en France et dans le monde arabo-africain. Elle définit aussi la structuration et la non-structuration de l’islam en France, le liant indéfiniment aux questions géopolitiques et géostratégiques ainsi qu’aux questions des migrations nord-africaines, africaines et orientales. De fait, les solutions proposées par Manuel Valls et l’appel des Français et musulmans3, qui fait écho à celui des «  musulmans évolués  » d’Algérie comme on les appelait à l’époque coloniale, ne sont qu’un mauvais remake de cette sacrée mission civilisatrice des populations musulmanes.

     

    1Il ne faut pas confondre ce phénomène de départs des Français musulmans avec celui des Français ou Européens qui ont islamisé la violence, la radicalité et partent vers la Syrie pour rejoindre les rangs de l’organisation de l’État islamique.

    2La destruction des structures et institutions religieuses musulmanes et le sabotage quasi systématique de l’enseignement arabo-musulman et des associations cultuelles par les autorités françaises en Algérie avaient fini par pousser un certain nombre de notables mais aussi de jeunes Algériens musulmans à quitter leur pays pour migrer vers la Syrie ottomane. La hijra, émigration pour la foi, fut l’ultime arme politique des Algériens pieux pour faire valoir leurs droits au libre exercice de leur culte en Algérie française.

  • 32ème édition du festival du cinéma méditerranéen d’Alexandrie (Babzman)

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    A l’occasion du 32ème festival international du cinéma méditerranéen d’Alexandrie qui se tiendra du 21 au 27 septembre 2016, la guerre de libération nationale algérienne sera mise à l’honneur.

    Sous le thème « Cinéma et résistance », les organisateurs ont en effet prévu la projection de plusieurs oeuvres cinématographiques traitant ledit sujet. Des nombreux films, l’assistance visionnera « La bataille d’Alger », de l’Italien Gillo Pontecorvo (cinquante ans après la sortie du film en 1966), « Zabana » (2012), de Said Ould Khelifa, mais également, « Le Colonel Lotfi » (2015), du réalisateur Ahmed Rachedi.

    Pour rappel, le festival international du cinéma méditerranéen d’Alexandrie a été fondé par l’association égyptienne des auteurs et critiques de cinéma édition, avait connu la consécration de Lotfi Bouchouchi,pour son film « Le puits », ainsi que Mohamed Zaoui pour son documentaire « Dernières paroles ». Le FICM d’Alexandrie, compte parmi les plus anciennes manifestations dédiées au cinéma en Egypte.

    Mounira Amine-Seka Août 09, 2016

    http://www.babzman.com/

    http://www.huffpostmaghreb.com/

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