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Histoire - Page 8

  • Algérie Aux origines d'octobre 1988 (PST)

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    Ce numéro spécial d'AFAQ ICHTIRAKIA comprend différents textes et déclarations politiques de l’.O.R.T l’organisation révolutionnaire des travailleurs.

    Le texte intitulé " Infitah, démocratie et socialisme " est la résolution politique adoptée en juillet 1988 par la conférence nationale de l'O.R.T. Elle fait le bilan économique et politique d'une décennie de régime Chadli.

    Les deux textes suivants sont les déclarations politiques de l'O.R.T avant et après le referendum-mascarade du 3 Novembre 1988.

    Le texte intitule «Où mène l'infitah ?" est la résolution politique de la conférence constitutive de l'O.R.T en février 1985. republié à l’époque  parce que son contenu restait d'actualité et permettait  de comprendre comment on en est arrivé à Octobre 1988.

    Quant aux trois articles signés Said AKLI. Ils analysent les évènements d'Octobre et leurs premières conséquences politiques. 5 Août 2016

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    http://elkhatwa-eloumalia.over-blog.com/

    Commentaire: Il y a une continuité entre: GCR, ORT et PST

  • Entretien avec Georges Habache, cofondateur du FPLP (Ballast)

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    Georges Habache est mort il y a sept ans. Il avait cofondé en 1967 le Front populaire de libération de la Palestine, une organisation marxiste, laïque et panarabe, célèbre, dans les années 1970, pour ses détournements d'avions. Considéré par Israël comme un « chef terroriste » et comme un héros national par nombre de Palestiniens, Habache appelait, à la fin de sa vie, à la création d'un État démocratique et laïc, où coexisteraient Arabes (musulmans et chrétiens, comme lui-même l'était) et Juifs. Cet entretien est extrait de l'ouvrage Les révolutionnaires ne meurent jamais, réalisé par le journaliste Georges Malbrunot et paru aux éditions Fayard en 2008. Un témoignage historique et politique important, qui questionne notamment l'islam politique, au lendemain de l'effondrement soviétique, et la pérennité des régimes en place dans le monde arabe, deux années avant ce qu'il est d'usage de nommer son « Printemps ».

    Quel bilan tirez-vous de vos cinquante ans de lutte ?

    De temps à autre, je me réveille la nuit en pensant à tout ce que je n'ai pas accompli durant ces cinquante années : le socialisme, la lutte armée, la récupération de nos terres. Où sont mes acquis par rapport à ces slogans brandis au début de mon parcours ? Parfois, j'ai l'impression que je n'ai pas réalisé grand-chose. Cela étant, ma grande fierté reste d'avoir participé activement à la libération du Yémen du Sud.

    C'est bien peu, au regard du combat pour la Palestine !

    Certes, mais de tout temps nous avons établi un lien étroit entre le combat pour le nationalisme arabe et la lutte palestinienne, et cet acquis au Yémen reste une grande source de satisfaction quand je vois que des centaines de milliers de Yéménites vivent désormais librement dans leur pays. Je suis également fier d'avoir participé à la vie politique du Koweït à travers nos camarades établis sur place, en particulier Ahmed Khatib.

    Mon troisième succès réside dans la transformation du FPLP, mouvement nationaliste, en un mouvement marxiste. En revanche, je ne suis pas très satisfait de ne pas avoir assez insisté, dans mes mots d'ordre, sur la démocratie. La démocratie en Palestine d'abord, ensuite dans le monde arabe. Quant à l'unité arabe, nous en avons beaucoup parlé sans jamais dire clairement ce qu'elle recouvrait exactement. Avant, nous la concevions comme une union de tous les pays de la région sous la houlette d'un État. Ce n'est plus envisageable. Aujourd'hui, ce souci de l'union existe toujours, mais son application doit tenir compte des particularismes de chaque pays arabe. Je pense que l'expérience du Mouvement des nationalistes arabes requiert davantage d'étude et d'analyse. [...]

    La démocratie progresse en Afrique, en Asie, mais pas dans le monde arabe. Pourquoi ?

    Plusieurs facteurs contrarient les avancées démocratiques dans la plupart des pays arabes. D'abord, dans ces pays, les services de sécurité sont très puissants. Ils sont là pour protéger les régimes, leurs intérêts, lutter contre les opposants, et non pas pour promouvoir la démocratie. Il convient également de souligner que certains régimes occidentaux n'ont aucun intérêt à ce que la démocratie se développe dans le monde arabe. Enfin, la manière dont est interprétée la religion est également un obstacle à la percée de la démocratie. Lorsque des gens prétendent que la religion peut résoudre tous les problèmes, qu'ils soient économiques ou politiques, cela créé des blocages. La religion, quelle qu'elle soit, est un frein à la démocratie lorsqu'elle se place au-dessus du débat. Les mouvements laïcs comme le nôtre étaient intéressants, car ils considéraient la religion comme une affaire personnelle. Mais, aujourd'hui, même au FPLP, des sympathisants commencent à être attirés par les idéaux islamiques. C'est un sujet très sensible, je ne rentrerai pas dans les détails afin de ne pas être mal interprété. Nous avons besoin d'avoir des sympathisants, c'est pourquoi nous devons les ménager pour ce qui est de leurs croyances.

    Même si ce débat sur la place de la religion n'est que très peu abordé aujourd'hui, je garde l'espoir que, dans deux ou trois ans, cela pourra changer. L'islam, en effet, est basé sur la shoura : la consultation. Dans la différence, il y aussi la clémence. Il y a du bon dans toute religion. Quand je dis que je suis chrétien, ce n'est pas par fanatisme, mais parce que j'aime les aspects positifs du christianisme. La tolérance, l'amour du prochain, le dévouement sont des composantes de cette religion qui me rend heureux et que je pratique tous les jours.

    Si la démocratie était respectée, en Égypte les Frères musulmans l'emporteraient, en Palestine ce serait vraisemblablement le Hamas, au Liban le Hezbollah, en Jordanie les frères musulmans encore. Des élections libres porteraient les forces islamistes au pouvoir. Faut-il poursuivre la voie de la démocratisation ou prendre en compte ce danger ?

    Il faut aller vers la démocratie, quel que soit le risque de raz-de-marée islamiste. Donner leur chance à ces mouvements est nécessaire pour que les populations concernées puissent juger de leurs actions. Ce serait une excellente manière de les mettre à l'épreuve. Et donc, à terme, de les affaiblir. L'exemple de l'Algérie est éloquent : au début des années 90, le processus électoral y a été interrompu. L'armée a pris le pouvoir, ensuite le pays a traversé une période difficile. On aurait mieux fait de laisser les islamistes montrer ce dont ils étaient capables, une fois au pouvoir.

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    Habache et Arafat (DR)

    C'est ce qu'avait réalisé le roi Hussein en 1989 en nommant plusieurs ministres parmi les Frères musulmans qui venaient de remporter les élections législatives — avant de les congédier quelques années plus tard.

    Et si les islamistes ne veulent pas quitter le pouvoir, une fois élus ?

    Dans ce cas, au nom de la démocratie, nous lutterons pour les chasser du pouvoir ! C'est bien pour cette raison que j'ai voulu réviser notre mot d'ordre, fondé sur l'unité, la libération et le socialisme, pour y ajouter le concept de démocratie. Car cette démocratie permettrait à un parti comme le nôtre d'entrer pleinement dans le jeu politique, en lui conférant beaucoup plus de force. Cela favoriserait le jeu de l'alternance.

    Comment voulez-vous instaurer aujourd'hui l'alternance lorsqu'on voit que Bachar al-Assad succède à son père, Hafez al-Assad, en Syrie, que Gamal Moubarak fera vraisemblablement de même en Égypte après le départ d'Hosni Moubarak, et idem dans la Libye du colonel Kadhafi ?

    Ce système de république héréditaire ne durera pas éternellement. Historiquement, la démocratie a toujours fini par triompher. Voyez en Égypte, par exemple, où le mouvement Kefaya (« Ça suffit ») manifeste en faveur de davantage de démocratie, malgré la répression policière. Tout espoir n'est pas perdu.

    [...] Que pensez-vous de l'islamisme radical et de ses dérives violentes ?

    Après la chute de l'URSS, les échecs des mouvements de libération nationale et de l'unité arabe, les populations ont perdu leurs idéaux, elles se sont ruées sur l'islamisme, y voyant une alternative, un nouvel espoir. Sur le plan politique, cette montée en puissance de l'islamisme constitue une régression. Cela étant, il ne faut pas croire que l'islam politique est aussi dangereux que ses adversaires le prétendent : en s'opposant à l’hégémonie américaine qui est au cœur de notre combat depuis des décennies, cet islam politique recèle une composante nationaliste que l'on ne peut nier. Les dirigeants du Hamas ou du Hezbollah sont de vrais nationalistes. Ne voyez pas leur combat à travers le prisme réducteur du voile, par exemple. Mais il est vrai qu'il y a, de la part de certains, une volonté de détourner la religion à des fins politiques.

    Vous reconnaissez que certains de vos sympathisants sont désormais sensibles aux sirènes islamistes. N'est-ce pas le résultat de votre entente, pendant longtemps, avec les islamistes du Hamas contre le Fatah et l'Autorité palestinienne qui défendaient le processus de paix avec Israël ?

    D'abord, il faut comprendre que nous ne pouvons pas froisser les sensibilités religieuses de nos sympathisants, au risque de les perdre. Au sein du FPLP, nous commençons à voir en effet certains de nos membres aller à la mosquée, et des femmes se voiler le visage. La direction et les cadres du FPLP n'ont pas encore été influencés. Le filtre des recrutements est là pour freiner ce phénomène : je vous rappelle qu'un long travail éducatif est effectué auprès du candidat à l'adhésion au FPLP. L'idéologie du parti est très ancrée chez ses membres. La polygamie, par exemple, est interdite au FPLP. Nous évoquons cette dérive, mais nos débats là-dessus, c'est vrai, ne sortent pas du huis clos de nos réunions. Nous préférons parler aux militants du danger numéro un pour nous : l'hégémonie américaine dans la région.

    Quant à votre reproche portant sur nos relations avec le Hamas, vous ne pouvez pas dire que nous mangeons avec le diable en nous étant alliés politiquement avec lui contre le processus de paix. Il s'agit avant tout d'une union dans le combat. La résistance palestinienne représentée par ses mouvements n'a absolument rien à voir avec les mouvements islamistes d'Algérie ou d'Irak. Mais chaque époque à ses règles du jeu : aujourd'hui, Israël reste l'ennemi. Il nous faut donc trouver des alliés pour lutter contre Israël. Sur la scène palestinienne, nous nous allions avec qui combat Israël. Il se trouve que c'est le Hamas, mais ce pourrait aussi bien être une autre faction. On ne peut pas dissocier le problème palestinien du conflit israélo-arabe dans son ensemble. Les États-Unis voulaient nous imposer leur nouveau Moyen-Orient. Heureusement, la carte irakienne qu'ils espéraient facile à jouer s'est révélée extrêmement périlleuse en raison des coups très durs qui leur sont assénés par la résistance. Via Israël, les Américains ont également cherché à asséner des coups au Hezbollah, ils ont échoué. C'est vrai qu'à chaque fois les forces islamistes participent activement, avec d'autres, au combat contre l'hégémonie américaine.

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    Ismail Haniyeh, leader du Hamas (Reuters)

    [...] J'insiste : n'est-ce pas dangereux [cette part importante prise par les islamistes] ?

    C'est probable, nous en sommes conscients. Mais les islamistes ne sont pas aujourd'hui nos ennemis. Bien sûr qu'il s'agit d'un sujet gênant pour un certain nombre d'entre nous ! Le modèle islamiste comporte beaucoup de points négatifs ; en termes de choix de société, notre vision est différente, notamment sur la question des femmes. Aujourd'hui, à Gaza, certains aspects sociaux de la vie quotidienne sont inquiétants. Mais, à court terme, nous devons garder à l'esprit notre vision stratégique. Pour l'avenir, nous faisons tout pour faire prendre conscience aux cadres du FPLP du danger de cet élan islamiste.

    Estimez-vous que les islamistes sont des démocrates ?

    À l'intérieur même du courant islamiste, des contradictions existent. Les Frères musulmans égyptiens tiennent un discours plus ou moins démocratique. Quant au Hamas, je ne veux considérer pour l'instant que sa lutte politique et militaire contre Israël. La composante sociale de son projet politique n'est pas notre priorité, même si nous sommes très au fait de ses limites. De même que son respect de la démocratie reste à démontrer sur le long terme.

    Le Hamas a remporté les dernières élections législatives de 2006. Avant même qu'il ait pris le pouvoir par la force à Gaza, la communauté internationale a refusé de discuter avec lui, parce qu'il ne reconnaît pas Israël, les accords passés avec l'Autorité palestinienne, et ne renonce pas au terrorisme. Que pensez-vous de cette politique marquée également par une volonté de le sanctionner financièrement ?

    C'est une véritable gifle qui est donnée à tous les partisans de la démocratie dans le monde arabe. Ce refus de reconnaître la réalité montre bien que l'Occident ne veut rien d'autre que sa propre démocratie, qu'il ne tient qu'à coopter des personnalités parmi les plus proches de ses propres choix. La démocratie que chante l'Occident n'est que poudre aux yeux. D'ailleurs, les Américains qui s'en faisaient les chantres n'en parlent plus, après leur retentissant échec en Irak. [...] Il est très important de ne pas faire l'amalgame entre résistance et terrorisme. Nous sommes opposés à tout acte terroriste gratuit qui frappe les civils innocents. La résistance, en revanche, est légitime face à une situation d'occupation. Un peuple a le droit de défendre son pays lorsqu'il est occupé.

    [...] Dans les années 70, le FPLP avait-il pensé aux attentats-kamikazes ?

    Je n'ai jamais été attiré par cette pratique. Si je comprends pourquoi des hommes ou même des femmes en arrivent là, étant donné l'oppression qu'ils subissent, je n'ai jamais encouragé les attentats-suicides au sein du FPLP. [...] Quoi qu'il en soit, la vie humaine a une trop grande valeur pour que j'approuve ces attentats-kamikazes. Peut-être avons-nous sur cette question une vision proche des Occidentaux, mais la différence entre vous et moi, c'est que je ne condamne jamais de tels actes. Il faut voir en effet la détresse qui pousse les Palestiniens  à agir ainsi face à une agression qui dure depuis plus d'un demi-siècle.

    Peut-être est-ce dû aussi à la religion chrétienne, où le mot Jihad, la « guerre sainte », n'existe pas ?

    Dans un long entretien que j'avais accordé il y a quelques années à la presse, je me définissais comme chrétien, socialiste et marxiste. La tolérance et l'amour du prochain sont, comme je vous l'ai dit, les éléments que j'ai choisi de privilégier dans ma religion. Peut-être est-ce ce qui me distingue de cette idéologie qui glorifie le suicide. Mais cela ne signifie pas que mon amour pour autrui et ma tolérance vont me faire pardonner les crimes commis par Israël contre le peuple palestinien. Nous sommes en position d'autodéfense. J'en profite pour ajouter que tout le monde, au FPLP, a bien compris que je pouvais être marxiste sans pour autant être antireligieux ou athée. [...]

    Leila Khaled

    Leïla Khaled, 2015 (DR)

    Votre femme a joué un rôle important dans votre vie et votre combat. Au-delà, quel est votre regard sur la place de la femme dans la société arabe ?

    Je me suis toujours beaucoup intéressé au rôle de la femme dans la société. J'ai demandé à savoir quel était le pourcentage de présence féminine au sein du FPLP. J'ai toujours tenu à être avec Hilda le 8 mars pour la journée de la Femme. Le rôle des femmes dans la lutte palestinienne a toujours été très important. Hilda s'est toujours battue à mes côtés, on ne peut pas ne pas parler d'elle lorsqu'on évoque ma lutte. Tout ce que j'ai fait l'a été grâce à son soutien et son aide. Je tiens à mentionner également trois autres femmes membres du bureau politique du FPLP : Leïla Khaled, Mariam Abou Daa et Khaleda Jarra.

  • Aux origines de la Guerre d’Algérie (Al'Encontre.ch)

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    Ces propos de Benjamin Stora – transcrits à partir d’interventions faites en 2004 sur France Culture – permettent de mettre en perspective un « événement » crucial de l’après-Seconde guerre mondiale que fut « la guerre d’Algérie » ou « la lutte d’indépendance nationale d’Algérie ». Cette lutte participa à la prise de conscience politique d’au moins deux générations de militants européens dans l’après-guerre. Il nous semble utile de republier ce texte au moment où les Accords d’Evian (1962), marquant la fin de « la guerre d’Algérie », sont l’occasion de multiples initiatives éditoriales, de films documentaires, de débats.

    Benjamin Stora est parmi les historiens français les plus connus pour ses études sur la guerre d’Algérie. Il a écrit entre autres Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, L’Harmattan, 1985; Les sources du nationalisme algérien, L’Harmattan, 1989; L’histoire de l’Algérie coloniale 1930-1954, La Découverte, 1991; Histoire de la guerre d’Algérie 1954-1962, La Découverte, 2004 dernière édition; Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance (1962-1988), Repères/La Découverte, 1995; La guerre invisible: Algérie, années 90, Presses de Sciences-Po, 2001; sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora, La Guerre d’Algérie – 1954-2004, la fin de l’amnésie, Robert Laffont, 22 mars 2004; La gangrène et l’oubli: La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte Poche, 2005; La guerre d’Algérie vue par les Algériens, tome 1, Denoël, 2007; Algérie 1954-1962: Lettres, carnets et récits des Français et des Algériens dans la guerre (avec Tramor Quemeneur), Arènes Editions, 2010; La Guerre des mémoires – La France face à son passé colonial  (avec Thierry Leclère), Editions de l’Aube, 2011; La Guerre d’Algérie expliquée à tous, Seuil 2012.

    Stora a commencé à étudier la guerre d’Algérie dès la seconde moitié des années 1970, au moment où la France découvrait enfin Vichy, entre autres grâce à l’historien américain Paxton et du documentaire d’Ophuls, Le chagrin et la pitié. Stora a été un militant politique engagé. Il l’explique dans une autobiographie politique, La dernière génération d’Octobre, Stock (septembre 2003). Benjamin Stora est né dans une famille juive en Algérie – depuis le décret Crémieux de 1870, les juifs d’Algérie sont considérés comme citoyens français – à Constantine, en 1950. En 1955, Constantine sera l’une des grandes villes soumises à une offensive militaire de l’armée française et Stora découvrira, à l’âge de 5 ans, cette guerre. Dans son autobiographie, il fait une description pleine de tact et de subtilité de son enfance, de sa famille et du choc que fut, pour lui et pour elle, la guerre d’Algérie.

    Pour celles et ceux qui liront ces propos, l’étude de « l’histoire de la guerre d’Algérie », c’est-à-dire de la période allant de 1954 à 1962, devrait être poursuivie en lisant des ouvrages mentionnés ci-dessus. (Rédaction A l’Encontre)

    Un sujet qui n’est plus tabou en France

    Un sujet fait un retour en force dans la société française depuis de nombreuses années, un sujet sur lequel je travaille depuis près de trente ans, l’Algérie, la guerre d’Algérie, la guerre d’Algérie dans les sociétés française et algérienne, c’est-à-dire entre les deux rives de la Méditerranée. Il est évident que cette question de la guerre d’Algérie, dont nous allons commémorer, si l’on peut dire, le 50e anniversaire de son déclenchement, puisque cette guerre commence en fait en novembre 1954, eh bien cette guerre d’Algérie, plus on s’en éloigne, et plus elle semble de plus en plus présente dans la société française d’aujourd’hui, plus elle se rapproche de nous, elle est autour de nous et elle semble travailler en profondeur la société française, que ce soit sur les questions de l’islam, que ce soit sur les questions d’immigration, ce qu’on appelle aujourd’hui le communautarisme, les questions du terrorisme, de droits de l’homme, la question de la torture. Toutes ces grandes questions ont été soulevées pendant la guerre d’Algérie, se sont produites et ont été engendrées dans et par la guerre d’Algérie. On pourrait dire aussi que cette guerre d’Algérie, cette période a été aussi trop importante dans la mesure où elle a été une période qui a vu la chute de la IVe République, la naissance de la Ve République et avec cette naissance la Constitution de la Ve République avec laquelle nous vivons encore. Et c’est donc par conséquent un événement fondateur de la Ve République. Un événement qui intègre des éléments tels que: le retour d’un million de pieds noirs, ceux qu’on va appeler les rapatriés d’Algérie; le massacre des harkis après la fin de la guerre d’Algérie, mais également le fait que cette guerre a vu des centaines et centaines de milliers de jeunes Français aller «de l’autre côté de la Méditerranée». Environ 1,2 million ont été en Algérie dans l’armée. Il s’agit d’hommes du contingent et non pas seulement de professionnels comme cela avait été le cas en Indochine. Ils ont passé 6 mois, 12 mois, 15 mois, 30 mois en Algérie. Ils y ont passé leur jeunesse, en quelque sorte. Ils ont découvert à la fois un pays magnifique, avec des paysages merveilleux, mais ils y ont aussi découvert la misère, la misère du tiers monde, le système colonial et la guerre, ce qui signifiait pour eux le rapport à la mort. Cette période les a marqués fortement.

    Pour la société algérienne, cette guerre constitue aussi de même l’acte fondateur de la nation algérienne dans la mesure où c’est au travers de cette guerre que l’Algérie a accédé à son indépendance politique en 1962. Cette guerre a vu près d’un million de paysans déplacés par l’armée française dans les «zones interdites» à partir de 1956-1957. Cette guerre d’Algérie, c’est aussi l’exode de plusieurs centaines de milliers de personnes aux frontières, c’est-à-dire au Maroc et en Tunisie. Ils ont dû attendre l’indépendance de l’Algérie pour revenir dans le pays. Enfin, cette guerre, c’est aussi pour les Algériens des exactions, des exécutions sommaires – ce que l’on appelait les «corvées de bois» – et donc aussi la mort de centaines de milliers d’Algériens.

    A partir de ces grands traits, on peut constater que cette guerre a marqué profondément les deux sociétés. La société française avec la naissance de la Ve République, avec toute cette jeunesse qui est née entre 1932 et 1943 et qui a été mobilisée dans le contingent. Cette génération a connu l’Algérie et une partie d’entre elle vit encore avec l’Algérie «dans sa tête». Il y a aussi tous ces enfants de pieds noirs, de harkis, d’immigrés – car c’est durant la guerre d’Algérie que l’immigration algérienne en France a été presque multipliée par deux. On est passé de 220000 immigrés algériens en France en 1954 à près de 400000 en 1962.

    Cette guerre a été une sorte de cataclysme social, politique et culturel. Elle n’a pas été regardée en face par la société française après 1962. Elle a été ensevelie dans l’oubli. Elle avait été à l’origine, aussi, de la mort de 25000 soldats français. Elle a été recouverte par ce qui a été appelé, quelques années plus tard, les «événements de 1968». La génération de 1968, la voix de cette génération, vient en quelque sorte recouvrir la voix de ceux du djebel (c’est-à-dire les régions montagneuses telles qu’elles sont nommées en Afrique du Nord), autrement dit la voix de ceux qui font la guerre dans ces régions d’Algérie. Il faut attendre la fin des années 1990 pour que cette guerre d’Algérie revienne avec force dans la société française. On en reparlera lorsque l’Assemblée nationale française, en juin 1999, va reconnaître qu’il n’y a pas eu d’événements en Algérie ou de simples opérations de police, mais véritablement une guerre. Elle reviendra aussi au travers de toute une série d’ouvrages sur les exactions, la torture, des livres de témoignages, et aussi par des travaux universitaires.

    Comment écrire la guerre d’Algérie ?

    Le travail historique s’est d’abord effectué sur les «traces écrites», les archives. Les principales archives sur la guerre d’Algérie sont déposées en Aix-en-Provence. La France, en 1962, a rapatrié la quasi-totalité des archives présentes en Algérie. Les Algériens se battent depuis des années pour se réapproprier une partie de ces archives. La France s’y refuse, car elle estime des «archives de souveraineté», puisque l’Algérie était française. Les archives couvrent la période 1830-1962. Elles réunissent un éventail très large, allant des archives civiles à celles des renseignements, de la police qui surveillaient les multiples manifestations des «Algériens musulmans» tels qu’ils étaient nommés. Dans l’histoire de l’Algérie coloniale, les organisations religieuses, politiques, culturelles jouent un rôle important. Les archives des Renseignements généraux sont une autre source très importante qui m’a servi, après ma thèse sur Messali Hadj [leader du nationalisme algérien, né à Tlemcen en 1898 et décédé à Paris en 1974], de faire ma thèse d’Etat sur l’immigration algérienne en France. Ces archives doivent être utilisées avec précaution, car elles renseignent aussi sur la mentalité de ceux qui sont chargés de surveiller les indigènes, comme l’administration les nommait. Dans ces archives, on trouve une partie des éléments se rapportant à l’univers des militants politiques en particulier. La presse est une autre source, même si de nombreux journaux, tels que l’Express, Témoignage chrétien, Le Canard enchaîné ou L’Observateur [qui deviendra France Observateur et aujourd’hui Le Nouvel Observateur], ont été très souvent censurés. C’est une période où la présence de la télévision n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui. La radio était un média très important pour s’informer, outre la presse écrite, c’est l’époque naissante du transistor. C’est en 1955 qu’Europe 1 est créée. C’est à la radio que travaille un journaliste comme Yves Courrière, auteur des Fils de la Toussaint (Fayard 1970). La couverture radiophonique de la guerre d’Algérie est une source aussi cruciale. J’ai déjà cité Europe 1, il faudrait aussi mentionner RTL. Ce sont des radios qui ne sont pas des radios gouvernementales. Il y a aussi la radio du mouvement d’indépendance, La Voix des Arabes, qui est très écoutée parmi la population algérienne musulmane. Cette dernière disposait ainsi d’informations sur ce qui se passait dans les maquis.

    Il y a une deuxième source que l’on peut réunir sous le titre: les témoignages d’acteurs. L’histoire orale est particulièrement importante si l’on a à l’esprit que la majorité de la population était paysanne, analphabète. Pour restituer les besoins, les perspectives, les désirs de cette population, il faut pratiquer la langue et communiquer avec elle. Il faut recueillir les témoignages des acteurs encore vivants. C’est la base de mon Dictionnaire biographique des militants algériens, quelque 600 portraits de militants nationalistes indépendantistes. J’ai recueilli les témoignages de ces militants et je les ai confrontés aux archives.

    Une troisième source existe. Elle a été peu utilisée jusqu’à présent. Ce sont les images, les sources visuelles. Depuis quelques années, l’attention se centre beaucoup plus sur les images fixes, la photographie et sur les images cinématographiques, les documentaires. Il y a quelque 100000 photographies qui gisent dans les archives militaires françaises au Fort d’Ivry. Il y a de même les photos prises par les appelés. Enfin, il y a les images de l’INA (Institut national de l’audiovisuel). La célèbre émission documentaire «Cinq colonnes à la une» de la télévision traitera de la guerre d’Algérie en 1959. A cela s’ajoutent les archives du cinéma de fiction.

    Aux premières origines de la guerre

    Cinquante ans après le déclenchement de la guerre en novembre 1954, la première question qu’on peut se poser, c’est comment appeler cette guerre, comment la nommer. On sait que pendant très longtemps elle n’a pas été nommée en France. L’Algérie était considérée comme composée de départements français. Il était difficile de dire qu’il y avait une guerre en Algérie puisque l’Algérie appartenait à la France, une France une et indivisible, une France jacobine. Admettre le principe de la guerre, c’était admettre le principe de la séparation, de la dislocation du territoire national. C’était impensable, c’était quelque chose qui ne pouvait pas se concevoir puisque l’Algérie avait été rattachée à la France avant même la Savoie, qui l’avait été en 1860. Dire qu’il y avait une guerre en Algérie aurait signifié reconnaître qu’il y avait une nation séparée, une nation différente de la nation française. Cela était impensable à cette époque. Il était facile de reconnaître le droit à l’indépendance pour d’autres colonies, comme le Maroc, la Tunisie, l’Indochine, le Sénégal.

    Messali Hadj, le père fondateur du nationalisme politique radical algérien

    C’est pour cette raison que pendant longtemps on a parlé d’une sorte de rétablissement de l’ordre républicain, «d’opération de police», «de rétablissement de l’ordre», «d’événements». Et tous ceux qui étaient opposés étaient considérés et qualifiés comme des «rebelles», des «hors-la-loi». Il était impossible d’envisager, durant très longtemps, l’existence même d’une guerre. On ne pouvait pas parler d’une guerre en Algérie, car il en découlait que l’Algérie aurait été un territoire séparé de la France. On a trouvé une sorte de compromis avec la formule: «la guerre d’Algérie», avec un d apostrophe. D’ailleurs, le premier livre qui a traité ce thème de cette façon, c’est celui de Jules Roy, paru en 1960 et qui avait pour titre La guerre d’Algérie, aux Editions Julliard. Puis, il a fallu attendre juin 1979 pour que la France, dans le cadre de l’Assemblée nationale, reconnaisse qu’il y avait bien eu une guerre en Algérie et non pas des opérations de police. L’initiative est venue tout d’abord d’associations d’anciens combattants français et cela pour une raison: la majorité des membres de ces associations arrivaient à l’âge de la retraite et il leur fallait une reconnaissance de leur droit à la carte d’ancien combattant [qui implique le versement d’une pension]. Donc la reconnaissance officielle de l’existence d’une guerre en Algérie est liée à ce fait: des anciens combattants revendiquaient des droits sociaux, le droit à la retraite.

    Comment on qualifie cette guerre en Algérie

    En Algérie, elle est qualifiée de guerre de libération nationale. Et cela puisque l’on considérait que l’Algérie était déjà une nation formée, avant l’arrivée des Français en 1830. Il s’agissait donc de se libérer d’une occupation étrangère et de se réapproprier cette souveraineté perdue par l’arrivée française en 1830.

    Les choses, au plan historique, ne sont pas aussi simples, car l’Algérie d’aujourd’hui et de 1954 n’était pas l’Algérie de 1830. Ce fut le colonisateur qui dessina les frontières de l’Algérie, par rapport au Maroc, à la Tunisie et les frontières sahariennes. L’Algérie était en 1830 «membre» de l’Empire ottoman. Elle avait des attributs de souveraineté avec le bey [souverain vassal du sultan ou haut fonctionnaire dans l’Empire ottoman ; le terme de day est aussi utilisé, surtout pour l’Algérie] de Constantine, le bey d’Alger, avec des ambassadeurs qui représentaient des puissances étrangères à Alger et dans d’autres villes. D’ailleurs, la France, lors de la Révolution française, avait demandé de l’argent au day [chef de la Régence] d’Alger et celui-ci avait subventionné la Révolution en 1791-1792 et ce qui avait provoqué un conflit, car le day d’Alger exigeait le remboursement de cette somme et devant la lenteur de la France, il y a eu ce fameux coup d’éventail en 1827 donné au représentant de la France à Alger Deval. Cette agression avait été utilisée comme prétexte pour engager l’opération de débarquement et de conquête militaire d’Algérie en 1830.

    A côté de l’expression guerre de libération nationale apparaît aussi celle de révolution algérienne. Car cette guerre a mis en mouvement l’ensemble de la société algérienne. En dehors des déplacements de populations, des migrations indiquées précédemment, il y a eu aussi l’entrée dans l’activité politique d’une partie des femmes et une sorte d’implosion de la société patriarcale. Plus exactement, cette société a subi une crise profonde et des révoltes de générations. Ce sont les jeunes générations qui se sont le plus engagées contre la société coloniale dont ils ne voulaient plus et qui se sont mis au premier rang de cette lutte révolutionnaire.

    Ce terme de révolution a été progressivement délaissé au cours des années fin 1970 et 1980 au profit de celui de guerre d’indépendance, qui domine aujourd’hui le vocabulaire politique algérien. Cela renvoie au fait que l’Algérie, par ce combat politique, a en quelque sorte engendré la nation algérienne et s’est séparée de sa métropole coloniale. C’est ce terme-là, issu de la Révolution américaine contre les Britanniques, qui progressivement s’impose comme une réalité historique.

    1954: en fait, commence la deuxième guerre d’Algérie

    Sur la longue durée, on pourrait parler de deuxième guerre d’Algérie. En effet, la première guerre ne serait-elle pas celle de conquête menée par la France, une terrible guerre de conquête entre 1832 et 1871, avec la résistance de l’émir Abdel Kader entre 1832 et 1847, date de sa reddition, puis sa continuation au travers d’une guerre de résistance, de mouvement, qui fut très importante. Les Algériens n’ont pas accepté facilement la colonisation française. La guerre coloniale dirigée par le maréchal de France Bugeaud, gouverneur d’Algérie entre 1840 et 1847, a été impitoyable, elle a tout détruit sur son passage. Des récits ont été écrits sur cette guerre, parmi lesquels celui de François Maspero, L’honneur perdu de Saint-Arnaud (Seuil, février 2000), celui de Aschraf, historien algérien, Algérie, nation et société, qui a raconté cette première guerre d’Algérie, avec par exemple la terrible bataille de Constantine qui a duré plusieurs mois avant que la ville ne tombe. Il s’agit donc guerre d’Algérie avec le grand soulèvement de Kabylie de 1871. Ce fut le dernier grand soulèvement. La guerre de conquête a donc duré près d’une trentaine d’années et cela pour que la France puisse s’installer en Algérie.

    C’est à partir de ce moment-là que commence ce qui sera qualifié d’histoire de l’Algérie française, avec l’installation d’une vaste colonie de peuplement ne venant pas que de France mais du pourtour méditerranéen, de l’Italie, de l’Espagne… Cette histoire de l’Algérie française va faire oublier la première guerre d’Algérie, lorsque la seconde va éclater en novembre 1954.

    L’Algérie française va se mettre en place, par étapes entre des années 1850 aux années 1880. Elle va s’établir sur la base de la spoliation des terres. Beaucoup de terres vont changer de mains. Ces terres étaient pour l’essentiel fondées sur une sorte de propriété collective, soit les biens religieux, soit les terres appartenant aux tribus. Elles vont être privatisées et mises sur le marché. Cela va provoquer un appauvrissement de la paysannerie algérienne, même si une fraction de cette paysannerie va composer avec l’administration coloniale. Cette dernière va construire ce que l’on appellera une « aristocratie terrienne algérienne musulmane » qui est et sera proche des Français.

    Indépendamment de cette question de la terre – qui est fondamentale car l’identité, le nom des composantes de cette société était liée à ce type de propriété de la terre et perdre la terre revenait à perdre son nom – on ne peut pas comprendre cette Algérie française prendre en compte la colonie de peuplement. Il y a parmi ceux qui viennent de France des républicains de 1848, des communards de 1871, des militants socialistes qui sont chassés, bannis de France, et aussi tout un « petit peuple » de vagabonds, de prostituées conduit de manière plus ou moins forcée en Algérie. Mais à côté, il y avait aussi des paysans paupérisés du Midi de la France et de la Corse. Et, surtout, il y avait toute une population chassée par la misère du pourtour méditerranéen, des Espagnols en particulier qui vont s’établir dans l’Oranie [ville d’Oran]. Et Oran deviendra une grande ville espagnole. Des Italiens, des Siciliens, des Maltais qui s’installeront, par exemple, dans l’est algérien. Tous ces éléments au travers d’un « melting pot » complexe vont constituer cette petite population européenne faite de fonctionnaires, de coiffeurs, de boutiquiers, d’artisans; une population dont le niveau de vie était inférieur à celui existant dans la métropole. Mais elle avait en quelque sorte un avantage: ils possédaient la nationalité française par rapport aux Algériens musulmans qui, eux, en étaient privés. A ces nouveaux Français venus d’Espagne et d’Italie, faits Français par un décret loi de 1889, s’ajoutaient les membres de la communauté juive faits Français par le décret du 24 octobre 1870, dit décret Crémieux [Crémieux a été ministre de la Justice en 1848 et en 1870].

    Cette population européenne était organisée, pourrait-on dire, sur un mode pyramidal. Au sommet, il y avait les « Français de France », puis en dessous les nouveaux Français venus d’Espagne ou d’Italie; puis il y avait les nouveaux Français indigènes, c’est-à-dire les juifs d’Algérie; puis, au bas de cette hiérarchie savamment organisée, il y avait les musulmans qui, pour accéder à la nationalité française, devaient renoncer à leur statut personnel, c’est-à-dire à l’Islam et la religion musulmane. Cela était plus que difficile à vivre, ce ne sont que quelques milliers d’Algériens musulmans qui ont franchi le pas.

    On assiste à la mise en place de cette Algérie française où règnent à la fois une sorte de passage, de « convivialité », entre ces diverses communautés et une très forte ségrégation. Progressivement, l’Algérie deviendra un mythe. Ce n’est pas la France, puisque la majorité de la population n’a pas les mêmes droits que certains, donc l’Algérie intégrée à la France ne l’est pas complètement. Les Algériens musulmans sont des faux citoyens d’une république assimilationniste. Ce paradoxe va être levé par l’irruption du nationalisme algérien qui va revendiquer en propre la nationalité algérienne.

    L’irruption nationaliste massive de 1945 et ses racines

    Cela va s’exprimer notamment lors des manifestations de Sétif et de Guelma en mai-juin 1945, c’est une irruption des Algériens sur le devant de la scène politique. Ils réclament la libération de leur leader politique Messali Hadj. La répression massive par les forces militaires et policières françaises de Sétif et Guelma, qui a fait des milliers et des milliers de victimes, marque véritablement le début de la seconde guerre en Algérie.

    L’explosion de Sétif montre l’existence d’un nationalisme algérien. Pour comprendre les origines de la guerre d’Algérie, il faut remonter à celle du nationalisme algérien pour en comprendre la ligne de force.

    Avant la guerre de 1914, la résistance algérienne s’exprimait au travers d’une sorte de « patriotisme rural », « patriotisme paysan » qui résistait à l’accaparement des terres, à la spoliation. C’est ce « patriotisme rural », qui n’était pas encore le nationalisme politique, qui s’exprime par exemple par un attachement à l’Empire ottoman. Il y avait une attente du Mahadi [le Messie] qui viendra, un jour, libérer la population de la domination étrangère. Une attention très grande est de même portée aux événements se déroulant dans le monde arabe et musulman. L’information passait par le biais des pèlerinages à La Mecque, par la circulation de différents ouvrages, par la présence de prédicateurs en provenance du Moyen-Orient. Le nationalisme algérien, dans sa version classique, moderne, n’existe pas avant 1914.

    Il faudra l’impulsion donnée par la Première Guerre mondiale pour qu’arrivent en Algérie les influences qui vont participer à la construction du nationalisme algérien. Pourquoi la guerre du 1914? C’est pendant cette guerre que des dizaines de milliers de paysans algériens sont projetés sur les champs de bataille européens. Ils vont découvrir l’Europe. Ils vont être des soldats coloniaux, ils vont être des travailleurs coloniaux. Certains d’entre eux vont faire l’apprentissage de la solidarité ouvrière, découvrir l’internationalisme, découvrir les luttes sociales… Lorsqu’ils reviendront dans leur pays, leur conscience politique est grande, elle est vive. L’exemple de soldat de cette guerre de 14-18 est la figure, le personne de Messali Hadj. Lorsqu’il revient à Tlemcen après cette guerre, il ne pense plus qu’à une chose: d’une part, repartir en France et, d’autre part, de libérer son pays. En 1918-19, il a entendu parler de l’appel du président Wilson [Thomas Woodrow Wilson, élu président des Etats-Unis en 1912 et réélu en 1916] portant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Messali Hadj a aussi entendu les appels lancés par les révolutionnaires russes en 1917 et par la suite à l’adresse des peuples colonisés et cela est fort important pour lui. Il a de même eu connaissance de la révolution kémaliste [Mustafa Kemal Atatürk, né en Salonique en 1881, mort à Istanbul en 1938, il prend la tête du mouvement national turc et sera président du comité exécutif de la Grande Assemblée nationale d’Ankara dès avril 1920] en Turquie. De retour à Tlemcen, nourri de ces « bruits », Messali Hadj sera très réceptif à la volonté qui commence à s’exprimer de se libérer de la présence étrangère, du joug colonial. La guerre de 14-18 a été un événement déterminant dans la prise de conscience politique d’un certain nombre de figures et militants du nationalisme politique algérien.

    Ce nationalisme algérien va prendre son envol dans les années 1920-1930 et s’exprimer au travers de divers courants. On y trouve le petit-fils d’Abel Kader, on y trouve Messali Hadj, qui représente l’aile gauche, on y trouve Ferhat Abbas ou des représentants du mouvement des oulémas, réformistes religieux algériens. Parmi ces courants, tous ne préconisaient pas l’indépendance de l’Algérie, du moins dans un premier temps. La plupart des courants, à l’exception de celui de Messali Hadj, étaient des courants qui, sur le territoire algérien, proposaient l’égalité des droits. Dans le fond, ils disaient: « Nous n’avons pas la possibilité de pénétrer dans la société française, dans la citoyenneté française. » Le personnage le plus connu en ce domaine est celui de Ferhat Abbas. Il croyait en une France idéale, républicaine. Il voulait opposer cette France à la France coloniale qui ne respectait pas les droits de l’homme et du citoyen. Il appartenait à l’époque à ce courant assimilationniste qui revendiquait la pleine égalité des droits. Ferhat Abbas expliquait dans son ouvrage paru en 1931 qu’il était possible d’être français et musulman à part entière. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, il va plaider pour entrer dans cette cité française. Il sera un grand déçu de la politique française et basculera ensuite dans des positions plus radicales.

    Il y avait aussi les religieux qui vont préconiser la réappropriation des traditions religieuses et identitaires avec leurs slogans: « L’arabe est ma langue, l’islam est ma religion, l’Algérie est ma patrie ». Ils vont s’implanter dans les campagnes, entre autres à travers de jeunes « scouts » algériens musulmans. Ils plaident pour un islam centralisé [où la confrérie des oulémas centralise l’activité politico-religieuse].

    Il existe aussi le courant du Parti communiste algérien. Généralement on en parle peu. Ils voulaient construire une « Algérie nouvelle », une Algérie « dans le creuset de vingt races » pour reprendre la formule du dirigeant du PCF (Parti communiste français), Maurice Thorez. Autrement dit, une Algérie où pouvaient coexister les Algériens musulmans, les Français d’origine italienne ou espagnole, etc. Ce courant était pour une Algérie séparée, une « Algérie nouvelle », sans être indépendantiste officiellement.

    Dans l’entre-deux-guerre, parmi ces courants, un courant va devenir lentement majoritaire, celui porté par Messali Hadj. Il va créer en 1926 l’Etoile nord-africaine, à Paris. Cette Etoile nord-africaine est dissoute par les autorités françaises en 1929 et elle resurgit en 1932. Messali créera plus tard en 1937 le Parti du peuple algérien, puis le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en 1946. La majorité des militants qui vont faire le 1er novembre 1954 sont issus de ce courant, au fond tous sont issus du courant animé par Messali. Ce sont des hommes qui ont été formés par lui. A un moment ou à un autre de leur vie, ils ont pu rompre avec Messali. Mais celui-ci reste le père du mouvement nationaliste radical algérien. Et c’est en cela que l’étude de ce courant est importante. Il donnera la configuration politique du Front de libération nationale (FLN) qui conduira la lutte d’indépendance entre 1954 et 1962. Le courant messaliste était majoritaire dans la société algérienne musulmane et dans l’immigration algérienne en France.

    L’importance du courant messaliste

    Ce courant dans les milieux de l’immigration en France entre 1926 et 1930. En Algérie, étant donné la situation coloniale, il était très difficile de pouvoir s’exprimer. Les premiers immigrés algériens en France, qui sont au nombre de 80 000 à 100 000 dans l’entre-deux-guerres, vont prendre conscience, dans leur exil, d’une appartenance commune, à une nation. L’Etoile nord-africaine, qui avait été construite dans un premier temps avec l’aide du Parti communiste français – et qui va se séparer par la suite du PC –, va surtout exister dans les milieux de l’immigration ouvrière. Cette organisation emprunte beaucoup au vocabulaire du communisme de l’époque et à son mode d’organisation politique. L’Etoile préconise « l’appropriation collective des terres », la « confiscation des grandes propriétés ». La structure organisationnelle inclut des cellules, comité central, une direction centrale. Mais les nationalistes algériens ne sont pas d’accord avec les communistes, dans les années 1930 ils se sont séparés et se sont affrontés aux communistes français. Par contre, ils se sont rapprochés, ce qui est fort peu connu, d’autres courants militants, les syndicalistes révolutionnaires, anachistes et le courant trotskiste. Ce sont parmi ces courants politiques en France qu’on trouvera les meilleurs amis du nationalisme politique algérien. On peut citer Fred Zeller, Marceau Pivert [un des animateurs de la gauche socialiste dans les années 1930], Daniel Guérin [un des représentants du courant marxiste libertaire, auteur entre autres d’une anthologie sur l’anarchisme et d’un ouvrage de référence Fascismes et grand capital]. Ces derniers vont connaître Messali, ils vont être très proches des militants algériens. C’est ce que j’ai essayé de restituer dans un petit ouvrage intitulé Révolutionnaires français et nationalistes algériens,où se détachent bien quels ont été les premiers « porteurs de valises » [allusion à celles et ceux qui, de France ou de Suisse ou de Belgique, aidèrent le FLN entre 1954 et 1962]. Ce sont des militants qui appartenaient au courant socialiste, au socialisme révolutionnaire.

    En 1937 naît le Parti du peuple algérien (PPA) sous la houlette de Messali Hadj. Le changement: il s’installe en Algérie. Le centre de gravité de la lutte politique se déplace en passant de la France, de l’immigration à l’Algérie. C’est désormais sur le sol algérien même que la lutte nationaliste va prendre de l’ampleur, notamment parmi les jeunes générations. Toutefois, le PPA n’aura pas le temps d’exister véritablement car interviendra la Seconde Guerre mondiale en 1939. Messali Hadj va être arrêté, traduit devant un Tribunal militaire. Il refuse toute collaboration avec le régime du maréchal Pétain et il sera condamné à une peine de bagne par le régime de Vichy. Au cours de la Seconde Guerre mondiale aura de la peine à exister. Certes, d’autres dirigeants du PPA, à la différence de Messali, ont eu la tentation de la collaboration avec Vichy [les forces de la France libre ayant leurs quartiers en Algérie]. Cette position de Messali lui a permis de sortir de la Seconde Guerre mondiale la tête haute et d’avancer ses exigences d’indépendance. En 1943, il rencontre Ferhat Abbas. Ce dernier évolue et change de position. Les deux hommes vont créer une nouvelle organisation qui s’appelle les Amis du manifeste de la liberté (AML) qui va connaître une croissance foudroyante dès 1944. Les AML comptaient quelque 100000 adhérents, ce qui est une force considérable. Cela traduit la radicalité nationaliste de la société algérienne musulmane. Les AML représentent la dernière grande tentative unitaire des différents courants existant dans le mouvement nationaliste politique algérien. Ce sont les AML qui organiseront les manifestations de Sétif en mai-juin 1945. Ces manifestations se font à l’occasion des fêtes de célébration de la victoire en 1945. Les Algériens descendent dans la rue pour exiger la libération de leurs leaders emprisonnés. Ces manifestations s’affronteront à une véritable guerre de représailles. Et là tout bascule. C’est la tendance radicale du nationalisme algérien qui va s’affirmer comme la plus importante sur la scène politique algérienne.

    Le tournant de 1945: vers la lutte armée

    Après la répression dans l’est constantinois, plus rien n’est comme avant dans l’histoire de l’Algérie française. Un fleuve de sang sépare les Algériens musulmans des Européens. Toutefois, l’élément central est l’arrivée sur la scène politique d’une nouvelle génération. C’est une génération qui ne veut plus entendre parler de compromis politique. Elle veut rompre avec les modalités traditionnelles: manifestations, tracts, etc. La nouvelle génération politique qui arrive veut faire de la lutte armée d’indépendance un principe. En 1946-47, de plus en plus de jeunes se tournent vers la formation la plus radicale: le PPA, animé par Messali Hadj. Et ils rejoignent cette organisation dans la perspective d’une lutte armée. Messali, qui vient d’être libéré en 1946, doit tenir compte à la fois de l’impatience de ces jeunes militants et des options de la nouvelle administration française issue de la Libération qui se remet en place. Messali essaie de composer. Pour cela, il conçoit deux organisations. La première, baptisée Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), est une sorte de vitrine politique légale classique. Elle se bat pour l’obtention de libertés démocratiques en Algérie, pour les « indigènes musulmans algériens », pour l’amélioration de leurs conditions sociales. La seconde: dès 1947, se forme une organisation clandestine, que Messali ne désavoue pas. Elle porte le nom d’Organisation spéciale (OS). C’est une branche armée du mouvement indépendantiste algérien qui est dirigée par deux personnalités importantes: tout d’abord par Hocin Aït Ahmed, puis par Ahmed Ben Bella. Ils seront les deux leaders de cette organisation clandestine. De 1947 à 1950, cette organisation va préparer un millier de militants au sabotage, à la lutte armée. Elle prépare la formation de maquis. Donc, une branche paramilitaire prend consistance dans le nationalisme politique algérien. L’OS est séparée du MTLD.

    Le MTLD connaît un succès électoral au « second collège ». Il faut savoir que l’Algérie française qui se met en place après 1945 est une Algérie qui n’a pas tiré les leçons des effets de Sétif et Guelma. C’est une Algérie qui n’avance pas vers des réformes profondes. A partir du Statut de 1947, il y a la mise en place du double collège: le collège réservé aux Européens (le premier) et le second collège réservé aux indigènes musulmans. Dans l’Algérie coloniale s’avère ainsi l’impossibilité de la mise en place d’un système égalitaire, d’une citoyenneté égalitaire. Il faut 8 fois plus de voix pour élire un député au second collège qu’un député européen.

    La victoire du MTLD au second collège en octobre 1947 traduit l’adhésion massive des habitants des principales villes aux thèses du MTLD. La plupart des candidats nationalistes battent les candidats de l’administration, appelés les béni-oui-oui.

    Les Européens d’Algérie auraient pu s’inquiéter de cette poussée du MTLD. Non seulement on y a pas prêté attention, mais en 1948 les élections seront grossièrement truquées. Les candidats indépendantistes seront simplement arrêtés; et seuls les candidats de l’administration seront élus. Depuis cette époque, l’Algérie n’aura plus d’élections régulières, même selon le Statut de 1947.

    C’est ce qui va encourager le courant radical qui fait face aux injustices, aux inégalités juridiques, à l’aggravation des conditions sociales. Messali et Ferhat Abbas vont se retrouver progressivement dépassés par cette nouvelle génération. C’est une génération qui est en syntonie avec le processus montant de décolonisation. Elle avait connaissance de la terrible répression de Madagascar de 1947-48 par la même administration et armée françaises. Elle a face à elle la guerre d’Indochine qui se terminera par la défaite française de Dien-Bien-Phu en 1954. Il y a aussi des craquements au Maroc et en Tunisie, sans mentionner les processus à l’oeuvre dans l’empire britannique. Les paysans, en Tunisie, en 1952-53, résistent de façon armée. On les appelle les fellaghas. Un terme qui sera repris pour qualifier les combattants algériens.

    Dans ce climat, ceux qui préconisent le compromis, l’attente sont perçus comme des hommes de la résignation, c’est-à-dire ceux qui ne veulent pas briser le statu quo colonial. Ceux qui prennent le dessus sont ceux qui préconisent – et dès 1949 la victoire de la révolution chinoise a un grand écho – une radicalisation politico-militaire de la lutte, se préparent à la mener. Cette préparation se fera dans des conditions extrêmement difficiles. Elle impliquera des ruptures politiques, des tendances et elle va déboucher sur le « soulèvement » du 1er novembre 1954, date officielle du déclenchement de la guerre d’Algérie.

     Benjamin Stora Alencontre  14 - mars - 2012

    http://alencontre.org/europe/france/aux-origines-de-la-guerre-dalgerie.html

  • 25 juillet 1957, proclamation de la République tunisienne

    La Tunisie fêtera bientôt le 60e anniversaire de la proclamation de la République par Habib Bourguiba, le 25 juillet 1957. Retour sur les dernières années qui ont précédé cet événement exceptionnel

    A partir de 1949, Habib Bourguiba intensifie sa campagne pour l’indépendance de la Tunisie, avec l'appui l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), dirigée alors par Farhat Hached.

    En 1952, la lutte pour l’indépendance prend un nouveau tour après les arrestations de Bourguiba et des chefs nationalistes et la dissolution forcée du gouvernement Chenik, qui s’est ouvert au Néo-Destour et a élaboré un mémorandum sur l’autonomie interne. Les indépendantistes prennent les armes contre le colonisateur tandis qu’à l’opposé, l’organisation « la Main rouge », créée par des colons extrémistes, lance une campagne terroriste contre les nationalistes. Farhat Hached sera l'une de leurs premières victimes.

    Les émeutes populaires antifrançaises ainsi que les attentats se multiplient. Malgré les tentatives de réformes proposées par les Français, la Tunisie est au bord de la guerre.

    Le 31 juillet, Pierre Mendès France, nouveau président du Conseil français, promet l’autonomie interne. Habib Bourguiba, qui participe aux négociations, juge cette déclaration acceptable et les émeutes stoppent.

    Le 3 juin 1955, le Premier ministre et président du Conseil tunisien, Tahar Ben Ammar, signe à Paris, avec le ministre des Affaires étrangères Christian Pineau, le protocole confirmant l’indépendance de la Tunisie.

    Le 17 septembre, pour la première fois depuis 74 ans, un gouvernement composé exclusivement de Tunisiens est installé à Tunis.

    20 mars 1956, un nouvel accord abroge le traité du Bardo de 1881 et reconnaît la Tunisie comme une monarchie constitutionnelle entièrement souveraine, 18 jours après l'indépendance du Maroc. Suivront une série d'attentats, ainsi que le meurtre de deux colons.

    Les premières élections législatives de l’histoire tunisienne, organisées le 25 mars, donnent une large victoire au Néo-Destour. Le 8 avril, Habib Bourguiba est élu président de la première Assemblée nationale tunisienne, puis il est nommé Premier ministre le 11 avril. L’Assemblée adopte une Constitution transférant au peuple tunisien les pouvoirs législatifs.

    Le 12 novembre 1956, la Tunisie est admise à l’Organisation des Nations unies.

    La fin de la monarchie beylicale

    Bien que son pouvoir effectif ait été affaibli par le protectorat français à partir de 1881, c’est après l’indépendance de la Tunisie, proclamée en 1956, que les beys perdent définitivement leur pouvoir qui est déjà passé de fait dans les mains du parti du Néo-Destour d’Habib Bourguiba. L'éphémère Royaume de Tunisie proclamé en 1956, est très vite chassé par la république, proclamée à son tour le 25 juillet 1957. Elle abolit ainsi tout pouvoir monarchique.

    Bourguiba est immédiatement nommé président provisoire de la Tunisie et conservera le pouvoir jusqu’en 1987. Ses premiers objectifs consisteront à libérer son pays de toute présence française, ce qui engendrera de nombreux conflits, parfois sanglants, entre les deux Etats.

    http://www.lepetitjournal.com/25-juillet-1957-proclamation-de-la-republique-tunisienne

    Commentaire: Disons que devant le "mauvais exemple algérien" à tendance "socialiste" la bourgeoisie française avait intérêt à y voir un régime stable, n'en déplaise aux colons et à leur soif de sang!

  • 26 juillet 1956. l'Egypte nationalise le canal de Suez ( Algérie Infos)

    Photo DR

    A Alexandrie, le 26 juillet 1956. Photo DR

    Le 26 juillet 1956, le président égyptien Gamal Abdel-Nasser annonce la décision de nationaliser le canal de Suez, en l'accompagnant d'un mémorable éclat de rire. Il déclare à Alexandrie, devant une foule en liesse: "Le canal est désormais à nous, bien à nous".  

    Gamal Abd el-Nasser était alors âgé de 38 ans. Quatre ans après la Révolution menée par les Officiers libres, il rêve de moderniser son pays. Il veut commencer par construire un barrage à Assouan, en amont du Nil, pour régulariser le débit du fleuve, doubler ou tripler les surfaces irriguées du pays et fournir de l'énergie hydroélectrique.

    Le devis de cet immense projet dont on parle depuis déjà deux siècles : 1,2 milliard de dollars. Nasser demande aux Américains de l'aider à le financer. Washington, qui tient à conserver de bonnes relations avec l'Égypte, signe un accord de principe en février 1956. Mais le raïs, qui affiche pourtant un anticommunisme farouche, désavoue le pacte de Bagdad - l'équivalent de l'Otan au moyen-Orient- créé sous la houlette américaine. Nasser affirme donc sa neutralité dans la "guerre froide" qui oppose l'URSS et les États-Unis.

    Le 19 juillet 1956, les USA font volte-face, retirent l'offre de prêt américain à l'Égypte et poussent la Banque mondiale à en faire autant ! C'est une humiliation amère pour les Égyptiens et leur jeune président de la République, qui décide de se procurer l'argent en nationalisant le canal de Suez, par lequel transitent notamment 70 % des importations britanniques et 50 % des importations françaises.

    Les Britanniques et les Français refusent cette décision souveraine, assortie de l'engagement d'indemniser les actionnaires de la Compagnie. Les deux pays refusent de discuter et décident d'occuper Suez militairement. Ils combinent avec Israël une opération rassemblant plus de 60.000 hommes, 300 avions de combats et 6 porte-avions. Le gouvernement français, alors présidé par le socialiste Guy Mollet, voulait aussi stopper le soutien égyptien à la lutte de libération nationale des Algériens.

    Après de premières opérations, le maréchal Boulganine, président de l'Union soviétique lance son ultimatum historique: si l'attaque n'est pas stoppée l'URSS menace d'intervenir avec des fusées intercontinentales. Les trois pays sont contraints de se replier, les USA étant plutôt réservés sur leur intervention. Les parachutistes français et britanniques doivent cesser le feu, quelques heures à peine après avoir sauté sur le canal. Le 6 novembre 1956, à minuit, prend fin l'expédition de Suez.

  • 10949 femmes (Algérie Infos)

    10949 femmes

    Documentaire réalisé par Nassima Guessoum 2014 Algérie, France

    Selon le comptage officiel de l'Etat algérien, 10949 femmes ont combattu pendant la guerre d'indépendance en Algérie. La réalisatrice franco-algérienne Nassima Guessoum a suivi pendant 5 ans Nassima Hablal, une de ces héroïnes souvent oubliées pour en faire son premier film

    Elle chante, elle parle  avec un mélange de faconde et de gouaille, -en se faisant répéter les questions à cause de sa surdité-, elle sourit -et surgit tel un îlot rescapé, son unique dent-, elle prépare le café, elle se maquille, se pare de foulards colorés, elle marche à pas lents, appuyée sur sa canne, elle répond vertement à sa nièce, elle se fait le guide dans les lieux qui ont marqué son passé en Algérie....

    Elle, c'est Nassima Hablal une des 10 949 femmes, moudjahidine de l'indépendance algérienne. Et Nassima Guessoum en la filmant en plans très serrés dans son quotidien d'octogénaire, va "donner un visage" à cette guerre qui longtemps ne fut pas reconnue comme telle par le gouvernement français... 

    Membre du PPA (parti du peuple algérien) puis engagée dans le FLN, militante convaincue (la Révolution primait sur sa vie privée), torturée par les paras de Massu, emprisonnée en France, elle revient en Algérie après l'indépendance. De 2006 à 2013 Nassima Guessoum va la rencontrer et de ces échanges naît ce documentaire certes très intimiste mais bien plus éloquent qu'une "leçon d'histoire"

    Il s'ouvre sur les fêtes de la commémoration (Bouteflika en tête)

    Le faste de cet anniversaire contraste avec la sobriété du documentaire dont la richesse est dans la parole restituée...Et quand Baya son amie témoigne  des viols et de la torture, ou quand Nelly Forget, ex compagne de geôle, raconte face à la caméra leur "évasion" par le rêve (la couverture sur le sol de la cellule servait de piste d'envol ou d'embarcadère vers la ville de Fez !!!), jamais de surenchère facile dans le pathos! D'ailleurs après la perte douloureuse de son fils Youssef -et la tonalité du film va épouser celle du drame- c'est la réalisatrice qui lira (voix off) cette lettre écrite par Nassima (ô ce flux mémoriel que vont illustrer de légers mouvements de caméra sur des objets, témoins d'une vie, dans une demeure ... vide...habitée par le silence ! )

    Un documentaire à la fois sobre et poignant qui a valeur d'épitaphe

    Nassima Hablal (1928-2013) a été inhumée dans l'anonymat, MAIS   sa voix résonne (ra)  par-delà les embruns de l'Histoire 

    Par Colette Lallement-Duchoze, 25  juin 2016 

    Source LE BLOG DE COLETTE LALLEMENT-DUCHOZE

    http://www.algerieinfos-saoudi.com/10949-femmes

  • 22-23 juillet 1952 : les "officiers libres" chassent le roi Farouk (Algérie Info)

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    Dans la nuit du 22 au 23 juillet 1952, un groupe d'«Officiers libres» prend le pouvoir en Égypte et renverse le roi Farouk 1er. Acclamés alors par les Egyptiens, les militaires reçoivent un accueil populaire aussi chaleureux que celui de la foule célébrant le départ de Moubarak sur la place Tahrir, en 2011. Le 23 juillet est devenu fête nationale en Égypte.

     En ce début de 1952, les initiatives anti-britanniques se multiplient. Le 25 janvier 1952, le général George Erskine réprime durement la révolte d'un millier de Boulouks, ou auxiliaires de police, à Ismaïlia. Il s'ensuit 49 morts dont 3 Britanniques. Le pays est au bord de l'explosion. Le lendemain, un «samedi noir», des émeutes secouent Le Caire. Des immeubles, bars, cafés et cinémas, sont incendiés et des ressortissants britanniques lynchés par la foule.

     Dans les semaines qui suivent, le Premier ministre est congédié et les ministères se succèdent sans résultat. Devant cette carence du pouvoir, le peuple, désemparé, ne sait plus à quels saints se vouer. La monarchie, minée par la corruption, est d'autre part fragilisée par une série de complots.

     Le 21 juillet 1952, les Officiers libres décident de passer aux actes. Ce mouvement progressiste a été fondé par un colonel d'humble extraction, Gamal Abdel Nasser, héros très populaire de la guerre de 1948 contre Israël. Dans la nuit du 22 au 23 juillet, tous les points névralgiques de la capitale sont occupés par les insurgés.

     Le 18 juin 1953, la République est proclamée.

     En 1956, Nasser expulse les dernières troupes britanniques et va défier l'Occident en nationalisant le canal de Suez…

     Aujourd’hui, la mode médiatique dominante oblige les chroniqueurs à établir un lien de filiation directe entre le colonel Gamal Abdel-Nacer et Tantaoui, le maréchal qui dirige le Conseil supérieur des forces armées. Alain Gresh a raison d’écrire :

    « Les officiers qui s’emparent du pouvoir le 23 juillet 1952 sont jeunes, dynamiques, en partie idéalistes, porteurs d’un projet nationaliste qui consiste à faire de l’Egypte un Etat moderne. Les membres du CSFA appartiennent à l’élite qui a pillé le pays depuis des décennies, accumulé de fantastiques fortunes, et qui n’a d’autre but que de préserver ses privilèges ».

    Mis en ligne le 22 juillet 2012

    24 Juillet 2016

    Publié par Saoudi Abdelaziz

    http://www.algerieinfos-22-23-juillet-1952-les-officiers-libres-chassent-le-roi-farouk

  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

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    Sur les abeilles lire aussi:

    L’idée de donner vie à une initiative « CooBEEration » a vu le jour à Beyrouth en 2010 - année des Biodiversités –  à la conclusion du IVème Forum de l’Apiculture méditerranéenne, où, pour la première fois, le rôle fondamental de l’abeille et de l’apiculture pour la défense et le maintien de la biodiversité a été clairement mis en évidence.

    La campagne a été activée dans le cadre du projet Mediterranean CooBEEration, né en 2014, qui se fixe de soutenir l’apiculture et le rôle stratégique qui est le sien pour la sauvegarde de la biodiversité, l’amélioration de la sécurité alimentaire et le développement socioéconomique de l’aire méditerranéenne.

    Le projet, cofinancé par l’Union européenne, est promu par : le Fondo di Enti Locali per la Cooperazione Decentrata e lo Sviluppo Umano Sostenibile (FELCOS Umbria), chef de file de l’initiative ; la Fédération des Apiculteurs de la Méditerranée (APIMED); le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ; l’Université de Bologne/Département de Sciences et Technologies agro-environnementales (DIPSA) ; l’Université de Turin/ Département de Sciences agronomiques, forestières et alimentaires (DISAFA) ; l’Institut National Agronomique de Tunisie (INAT).

    http://www.coobeerationcampaign.org/fr/

  • Ces arabes, héros perdus de la Guerre d'Espagne (1936-1939)

    Ci-dessus, en décembre 1936, André Malraux avec Julien Segnaire (à droite) et Mohamed Belaïdi (à gauche), membres des Brigades internationales, mort le 27 décembre 1936 lors d’un combat aérien.
     
     
    Même si les historiens ont préféré insister sur les Maures qui ont servi Franco, des centaines de volontaires arabes ont combattu aux côtés des républicains espagnols entre 1936 et 1938. On a commencé à le dire à Lausanne, lors d’un colloque consacré aux Brigades internationales [1].
     
    Ce dossier, Abdelatif Ben Salem, sociologue de formation, Tunisien hispanophile, Parisien passionné d’histoire, le connaît bien. Voila des années qu’il est sur les traces de ces combattants inconnus. Et qu’il est certain que Said Mohamed, l’ouvrier anar de la banlieue parisienne devenu le responsable politique des étrangers de la colonne Durruti, n’était pas le seul Arabe à se battre aux côtés des antifranquistes.
    Dans une première intervention sur ce sujet à Valence en 1988, il a montré que de nombreux Algériens et Tunisiens et que des Palestiniens avaient rejoint les Brigades internationales. Ils l’avaient fait, parfois, pour prouver que contrairement à ce que proclamait la propagande républicaine, les Arabes n’étaient pas tous des fascistes. Et parfois par devoir militant

    Belaïdi et l’escadre España.

    Depuis, Ben Salem a approfondi ses recherches. Jean Belaïdi est toujours en tête de sa liste. Le vrai prénom de ce brigadiste, connu des lecteurs de L’Espoir d’ André Malraux sous le nom de Saïdi, est Mohamed. Dans la véritable histoire Mohamed Belaïdi, ouvrier mécanicien, s’engage pour montrer qu’on peut vaincre le fascisme les armes à la main. À 25 ans, ce volontaire d’origine algérienne arrive à Albacete, lieu de rassemblement et de formation des interbrigadistes. C’est là que Malraux, qui a besoin de mécaniciens pour l’escadre aérienne España, le recrute. Ben Salem explique que Malraux était très attaché à Belaïdi, qu’il considérait comme l’exemple même du volontaire courageux et convaincu.

    Au début, Belaïdi n’est qu’un « rampant » : son travail est au sol. Mais, le 27 décembre 1936, il embarque à bord d’un Potez 540 comme mitrailleur. Au retour de mission, l’avion est intercepté et abattu par des Heinkel allemands près de Teruel. La plupârt des membres de l’équipage s’en sortent , mais pas Belaïdi, qui a été criblé de balles. Quand la nouvelle parvient à Malraux, il organise les secours. Cet épisode, il l’a raconté, notamment dans la dernière séquence de son film Espoir, Sierra de Teruel. Où l’on voit passer un cercueil surmonté d’une mitrailleuse tordue, comme l’était cellede Belaïdi.

    Autre personnage emblématique : Rabah Oussidhum.

    D’après sa biographie officielle, sans doute un peu arrangée pour la bolcheviser, ce soldat français, né en Algérie a participé, dans les années 20, à la guerre du Rif [2] et il a déserté pour rejoindre les Rifains. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’il est ensuite revenu en France, où il a adhéré au Parti communiste. Il a ensuite appartenu au comité « affaires coloniales » de ce parti. C’est en tant que cadre militaire qu’il rejoint les Brigades internationales en Espagne. Bombardé capitaine, il commande la compagnie Ralph Fox, qui dépend de la 14ème brigade. Il est mort au combat le 17 mars 1938, à Rio Guadalupe, en Aragon.
     
    Sidqi, du PC palestinien.
     
    Parmi tous ces volontaires, le Palestinien Nadjati Sidiqi est l’un des personnages les plus passionnants. Né en 1905 à Jérusalem d’un père turc et d’une mère arabe, Sidiqi adhère, dans les années 20, à la Hisadrout, le syndicat fondé par les juifs, et au Poalé Zion, un groupe sioniste d’extrême gauche. Il participe ensuite à la fondation du Parti communiste palestinien, où cohabitent militants juifs et arabes. Activiste remarqué, il est appelé à suivre une formation politique à Moscou.
     
    Il revient en 1929 à Jérusalem et participe au travail d’arabisation du PCP. En 1930, il est arrêté par les Anglais et condamné à trois ans de prison. Après quoi il part en France.
    Ben Salem explique que c’est sur la suggestion de Manouilski, président de la section orientale de l’Internationale communiste, que Sidqi passe en Espagne en août 1936. Dans ses mémoires, malheureusement non publiées, Sidqi décrit son séjour en Espagne. Il commence par être enthousiasmé par le courage du peuple espagnol.
     
    Prenant contact avec la direction du PSUC (le Parti socialiste unifié de Catalogne, union des socialistes et des staliniens mais contrôlée par ces derniers), il décide de s’occuper de la propagande dirigée vers les soldats marocains de Franco. Il part pour Madrid, rencontre les leaders du PCE et commence à rédiger des appels dans Mundo Obrero, qu’il signe du pseudo de « Mustapha Ibnu Jala ». Il anime aussi l’association hispano-marocaine fraîchement créée.
     
    Mais, rapidement, il se trouve face à une double contradiction. D’une part il a du mal à faire comprendre à la gauche espagnole (sauf aux indépendantistes catalans, aux anarchistes et aux poumistes, tous favorables aux autonomies) la nécessité de la décolonisation. Ensuite il appelle les Marocains à la désertion, leur promet un bon accueil, mais s’aperçoit vite que s’ils sont pris par les troupes républicaines, ces mêmes Marocains risquent leur vie.
     
    Racisme côté républicain.
     
    Il découvre ainsi que la propagande gouvernementale et celle du PCE ne s’embarrassent pas de nuances. Ce sont tous des Marocains qui sont dénoncés comme envahisseurs.  Dolores Ibarruri, dirigeante stalinienne plus connue sous son nom de Pasionaria, n’a-t-elle pas qualifié les soldats marocains de Franco de « horde mauresque, sauvage, ivre de sensualité, qui se répand en violant atrocement [les] filles et [les] femmes » ?
    « Le mythe du Moro assoiffé de sang devint un abcès de fixation, explique Ben Salem. Jusqu’à nos jours il a détourné l’opinion des erreurs tragiques que la République a commise en rejetant l’alliance avec un mouvement nationaliste marocain qui aurait pu soulever le Rif sur les arrières de Franco. »
     
    Sidqi, lassé par les mots d’ordre racistes de ses camarades, se révolte quand il entend parler d’assassinats de prisonniers marocains.
     
    La coupe déborde lorsque, pendant la bataille de Madrid en novembre 1936, la junte de défense fait rafler des musulmans dans les rues pour les incorporer de force dans l’armée et les jeter en première ligne. Pratiquement tous périssent dans ces combats, à l’exception de quelques-uns qui sont fusillés pour abandon de poste. En décembre 1936, Sidqi quitte l’Espagne : « Je sentais au fond de mon cœur que ma mission était en train d’échouer, écrira-t-il. Je devais chercher un autre chemin plus utile… »
    Il tente de partir pour l’Algérie afin de monter une radio en dialecte marocain. Il échoue. Il veut retourner en Espagne, mais le PCF, en raison des désaccords politiques que désormais il ne cache plus, le lui interdit. En 1940, il revient en Palestine et travaille pour une radio. En 1948, lors du conflit israélo-arabe, il part pour Chypre. 
    Il meurt à Athènes le 17 novembre 1979.
     
    Edouard Waintrop, 13 janvier 1998
     

    Publié par Saoudi Abdelaziz

    Source : Socialgerie.net

    NOTES

    [1“Libération” du 27 et 28 décembre 1997

    [2Guerre menée par les français contre Abd-el-Krim qui réclamait l’indépendance du Maroc.

    http://www.algerieinfos-saoudi.com/2016/07/ces-arabes-heros-perdus-de-la-guerre-d'espagne

  • Fascisme vert et impérialisme (La Riposte)

     
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    Nice, 14 juillet à 22h30. Un camion blanc déboule sur la Promenade des Anglais et fauche sans distinction tous les passants qui se trouvent sur sa route. Vendredi 15 juillet à neuf heures du matin, on déplore « au moins 84 morts et 18 blessés en urgence absolue », selon le site Mediapart.

    Le choc émotionnel, légitime, ne manque pas de rappeler les attentats survenus à Paris et à Saint-Denis la nuit du 13 novembre 2015. L’assassin de masse a au final été tué par la police au bout de 2 kilomètres de sa course folle. Son identité n’est pas encore certaine mais selon la police, on aurait retrouvé à l’intérieur du camion une carte d’identité au nom d’un Franco-Tunisien âgé de 31 ans. Cet individu était connu des services de police, mais uniquement pour des faits de droit commun. Pour l’instant, aucun lien formel n’a été établi avec l’organisation Etat Islamique qui sévit dans de nombreux pays depuis maintenant trop longtemps.

    Le président Hollande a tout de suite évoqué cette piste, et annoncé un renforcement des bombardements de l’armée française en Irak et en Syrie. La plupart des responsables politiques de droite et d’extrême-droite ont fait la même interprétation des faits. Le Conseil Français du Culte Musulman a immédiatement émis un communiqué condamnant les attentats et a appelé l’ensemble des Musulmans vivant en France à se recueillir pour les victimes, sans pour autant avoir évoqué la piste du terrorisme islamiste.

    D’hypothèse, cette piste est cependant devenue très vite une certitude aux yeux d’une grande partie des médias dès les premières minutes suivant le drame. Il n’est pas question ici de faire des suppositions sur la motivation du meurtrier, mais force est de constater qu’encore une fois, l’identité qui était la sienne légitime de fait la thèse du terrorisme islamiste sans analyse des traits psychologiques de sa personnalité.

    Nous nous souvenons tous du meurtre de masse perpétré en juillet 2011 par un militant d’extrême-droite norvégien. Ses 77  victimes participaient  à l’université d’été du Parti Travailliste de son pays. À l’époque, la polémique médiatique s’était surtout centrée sur son état de santé mentale. Diagnostiqué schizophrène d’abord par un premier groupe d’experts, il a ensuite été jugé sain d’esprit par une seconde équipe. Lui-même s’était dit opposé au premier diagnostic, craignant qu’il ne desserve son idéologie basée sur la haine des Musulmans. Qu’il soit malade ou pas, telle n’est pas la question ici. Mais que sa santé mentale ait été érigée en sujet numéro un par les médias suite au drame révèle une sélectivité certaine dans le recul que peuvent avoir la plupart des journalistes et des responsables politiques sur la responsabilité réelle ou supposée de l’auteur d’un attentat terroriste selon son appartenance, disons le mot, ethnique.

    Alors ceci n’excuse en rien l’auteur de la tuerie de Nice. Mais l’interprétation instantanée et sans nuance qui est faite de ce drame révèle ni plus ni moins qu’un racisme institutionnel dont les origines remontent très loin dans l’histoire française. Ce racisme a très tôt été utilisé par l’Etat français pour justifier sa politique colonialiste. Des les années 1830, les Algériens ont par exemple été jugés intrinsèquement incapables de maintenir la diversité arboricole de leur pays, justifiant ainsi l’accaparement de terres par les colons. Sans expliquer que les concentrations de populations algériennes à l’origine de la désertification étaient dues à la spoliation de terres qui était déjà à l’œuvre de la part de colons français. Cet épisode montre bien comment une interprétation raciste d’un phénomène observé dans un pays peut légitimer l’accaparement de ses ressources par un Etat plus puissant.

    Cette colonisation de l’Algérie et d’une grande partie de l’Afrique et de l’Asie a continué durant tout le 19e siècle. Au fur et à mesure, des mouvements intellectuels ont vu le jour dans les pays musulmans pour questionner leur arriération par rapport aux Etats impérialistes occidentaux. À partir du début du 20e siècle, et surtout après la révolution bolchévique en Russie, deux réactions contre l’impérialisme se sont confrontées. L’une composée de militants nationalistes et communistes, prônait l’arrimage de leurs nations aux valeurs libérales de l’Occident tout en se rendant autonomes politiquement et économiquement de celui-ci. La seconde voyait la question nationale sous l’angle religieux et se servait de la piété de la population pour la monter contre l’occupant. La question nationale était donc un enjeu entre des indépendantistes laïcs et religieux.

    Un pays comme la Tunisie a conquis son indépendance en 1956 grâce à la mobilisation de la classe ouvrière. La concurrence était rude entre tenants d’une identité arrimée à l’Occident et une identité arrimée à la culture arabo-musulmane. Mais à l’indépendance, la tendance nationaliste arabe a été écartée et une politique de nationalisations et de collectivisation a été initiée. Durant une décennie, l’économie a connu une croissance fulgurante. Grâce à ce développement économique et à une action énergique du jeune état tunisien, la société a pu se développer et les femmes du pays ont très vite conquis un haut degré d’autonomie comparé à la plupart des sociétés du monde arabo-musulman. Mais à partir des années soixante-dix, la dette qui s’est pourtant accumulée durant ces années a obligé l’état tunisien à recourir aux prêt du FMI. Ce dernier a conditionné le versement des fonds à un revirement complet de la politique économique de l’état emprunteur. Ceci a eu pour conséquence une dégradation de la vie des travailleurs et une contestation sociale grandissante. Pour endiguer cette menace, l’état a donc fait monter les mouvements extrémistes religieux afin de détourner l’attention des travailleurs de la question sociale au profit de la question religieuse.

    La même chose s’est passée en Egypte après la mort de Nasser en 1970. Le nouveau président Anouar El Sadate qui lui a succédé a opté pour un revirement total de l’économie après une décennie de politique collectiviste. Celle-ci, même si elle était motivée par des revendications nationalistes, n’en revêtait pas moins un caractère progressiste sur le plan social et des droits des femmes. La conduite autoritaire de Nasser n’a pas empêché qu’à sa mort ait eu lieu la plus grande manifestation de l’histoire de l’humanité. Or ce revirement soudain de la politique économique a suscité comme en Tunisie et à la même période un renforcement de la lutte des classes. Et comme en Tunisie, l’Etat a profité du sentiment religieux de la population pour faire en sorte que la conscience religieuse occulte la conscience sociale des masses.

    L’histoire sur le temps long montre ainsi que la religion a été instrumentalisée par certains Etats arabes pour freiner la lutte des classes. Tout comme la question nationale a été utilisée – et jusqu’à aujourd’hui – en Europe pour le même objectif. On voit du coup que la question religieuse se confond avec la question nationale dans les pays à dominante musulmane, dans un premier temps pour combattre l’impérialisme et dans un second temps pour le soutenir.

    Le nationalisme européen est quant à lui un moyen de légitimer la politique impérialiste de pays comme la France et le Royaume-Uni et un moyen utile pour endiguer la contestation sociale. En témoignent les récents événements en France depuis les attentats contre Charlie Hebdo, et les autres qui ont suivi jusqu’à celui du Bataclan. Tous étaient liés au terrorisme islamiste et la motivation première des assaillants était une réaction aux bombardements de la Syrie par les états occidentaux. Or le terrorisme islamique trouve ses origines dans la politique impérialiste des années 70 qui a consisté à faire monter le sentiment religieux des populations arabes afin d’endiguer la montée du mouvement ouvrier.

    L’intensification des bombardements en Irak et en Syrie suite à l’attentat de Nice ne fera qu’exciter davantage le ressentiment des populations de ces pays et le sentiment de stigmatisation que vit une grande partie de la jeunesse d’origine maghrébine en France. L’attentat de Nice, qu’il ait été ou non commandité par l’organisation Etat Islamique, est  une aubaine pour tous les protagonistes des guerres civiles syrienne et irakienne. Du côté des Etats impérialistes occidentaux, cela représente un boulevard pour l’accentuation de la guerre de classes qu’ils mènent dans leurs propres territoires et de l’accaparement des ressources pétrolières de la région mésopotamienne. Du point de vue de l’impérialisme russe, cela représente une légitimation accrue de son soutien à Bachar El Assad en Syrie. En France, cela signifie un ancrage des idées islamophobes encore plus grand dans la population, portées par le Front National, Les Républicains et une partie des responsables « socialistes ». Sur le plan de la politique du gouvernement Valls, cela présage d’un recul encore plus grand des libertés démocratiques au détriment du mouvement ouvrier. En pleine contestation de la Loi El Khomri, cela va porter un rude coup à la cohésion de la classe ouvrière contre la régression sociale dont elle est la victime, et un pas de plus vers le repli nationaliste. Sur le plan international, cela représente le risque très probable de l’intensification de la guerre par procuration que se livrent la Russie et les Etats-Unis. Le mouvement ouvrier ne peut s’en sortir que par une coordination internationale basée sur une analyse marxiste de la réalité d’aujourd’hui et de perspectives révolutionnaires pour l’avenir.

    RB, PCF Saint-Denis, 15 juillet 2016

    http://www.lariposte.org/2016/07/fascisme-vert-imperialisme/