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  • «Peu de Palestine reste. Pas à pas, Israël l’efface de la carte (Eduardo Galeano)

    http://revolutionsarabes.hautetfort.com/media/01/01/1816872736.jpeg

      Pour se justifier, le terrorisme de l’État fabrique des terroristes :

    il sème de la haine et récolte des alibis. Tout indique que cette boucherie de Gaza, qui selon ses auteurs veut en finir avec les terroristes, réussira à les multiplier.

    Depuis 1948, les palestiniens vivent condamnés à l’humiliation perpétuelle. Ils ne peuvent même respirer sans permission. Ils ont perdu leur patrie, leurs terres, leur eau, leur liberté, leur tout. Ils n’ont même pas le droit de choisir leurs gouvernants. Quand ils votent pour celui pour lequel ils ne doivent pas voter, ils sont punis.

    Gaza est punie. C’est devenu une souricière sans sortie, depuis que le Hamas a proprement gagné les élections en 2006. Quelque chose de semblable était arrivée en 1932, quand le Parti Communiste a triomphé aux élections d’El Salvador.

    Baignés dans le sang, les habitants du Salvador ont expié leur mauvaise conduite et depuis ce temps-là ont vécu soumis à des dictatures militaires.

    La démocratie est un luxe que tous ne méritent pas. Enfants de l’impuissance sont les roquettes « maison » que les militants du Hamas, parqués à Gaza, lancent maladroitement sur les terres qui avaient été palestiniennes et que l’occupation israélienne a usurpées. Et le désespoir, au bord de la folie suicidaire est la mère des bravades qui nient le droit à l’existence d’Israël, des cris sans aucune efficacité, tandis que la guerre très efficace d’extermination nie, depuis des années, le droit à l’existence de la Palestine. Peu reste de la Palestine. Pas à pas, Israël l’efface de la carte.

    Les colons envahissent, et après eux les soldats corrigent la frontière.

    Les balles sacralisent la spoliation, en légitime défense. Il n’y a pas de guerre agressive qui ne dit pas être une guerre défensive. Hitler a envahi la Pologne pour éviter que la Pologne envahisse l’Allemagne. Bush a envahi l’Irak pour éviter que l’Irak envahisse le monde. Dans chacune de ses guerres défensives, Israël a avalé un autre morceau de la Palestine, et les déjeuners suivent.

    La dévoration se justifie par les titres de la propriété que la Bible a octroyée, par les deux mille ans de persécution dont le peuple juif a souffert, et par la panique que les palestiniens génèrent au guet. Israël est le pays qui ne tient jamais les recommandations ni les résolutions des Nations Unies, celui qui ne respecte jamais les sentences des tribunaux internationaux, celui qui se moque des lois internationales, et est aussi l’unique pays qui a légalisé la torture de prisonniers.

    Qui lui a offert le droit de nier tous les droits? D’où vient l’impunité avec laquelle Israël exécute le massacre de Gaza ? Le gouvernement espagnol n’aurait pas pu impunément bombarder le Pays Basque pour en finir avec l’ETA, ni le gouvernement britannique aurait pu raser l’Irlande pour liquider l’IRA.

    Est-ce que la tragédie de l’Holocauste implique une assurance d’impunité éternelle ? Ou ce feu vert provient-il de la puissance, le grand manitou qui a en Israël le plus inconditionnel de ses vassaux ? L’armée israélienne, la plus moderne et sophistiquée du monde, sait qui elle tue. Elle ne tue pas par erreur. Elle tue par horreur. Les victimes civiles s’appellent dommages collatéraux, selon le dictionnaire d’autres guerres impériales.

    A Gaza, sur chaque dix dommages collatéraux, trois sont enfants. Et s’ajoutent par milliers, les mutilés, les victimes de la technologie de l’écartèlement humain que l’industrie militaire essaie avec réussite dans cette opération de purification ethnique. Et comme toujours, toujours la même chose : à Gaza, cent pour un. Par chaque cent palestiniens morts, un Israélien. Des gens dangereux, avertit l’autre bombardement, pour le compte des médias de masse de manipulation, qui nous invitent à croire qu’une vie israélienne vaut autant que cent vies palestiniennes.

    Et ces médias nous invitent à croire aussi que sont humanitaires les deux cents bombes atomiques d’Israël, et qu’une puissance nucléaire appelée Iran a été celle qui a anéanti Hiroshima et Nagasaki.

    La soi-disant communauté internationale : existe-t-elle ? Est-elle quelque chose de plus qu’un club de marchands, de banquiers et de guerriers ? Est-elle quelque chose de plus que le nom scène que prennent les États-Unis quand ils font du théâtre ? Devant la tragédie de Gaza, l’hypocrisie mondiale brille encore une fois. Comme toujours, l’indifférence, les discours vides, les déclarations creuses, les déclamations ronflantes, les postures ambiguës, rendent un tribut à l’impunité sacrée. Devant la tragédie de la Gaza, les pays arabes se lavent les mains. Comme toujours. Et comme toujours, les pays européens se frottent les mains.

    La vieille Europe, si capable de beauté et de perversité, répand quelque larme tandis qu’elle célèbre secrètement ce coup de maître.

    Parce que la partie de chasse aux Juifs a toujours été une coutume européenne, mais depuis un demi-siècle cette dette historique est demandée aux palestiniens, qui sont aussi sémites et qui n’ont jamais été, ni ne sont, antisémites. Ils paient, par le sang comptant et trébuchant, un compte des autres.

    (Cet article est dédié à mes amis juifs assassinés par les dictatures latino-américaines qu’Israël avaient conseillées).

    Eduardo Galeano

    Aporrea.org. Caracas, le 26 novembre 2012.

    *Eduardo Galeano, est un écrivain et journaliste uruguayen, célèbre pour avoir écrit « Les veines ouvertes de l’Amérique Latine ». Gagnant du prix Stig Dagerman, il est considéré comme l’un des écrivains les plus remarquables de la littérature latinoaméricaine.

    El Correo. Paris, 5 août 2014.

    http://www.elcorreo.eu.org/Peu-de-Palestine-reste-Pas-a-pas-Israel-l-efface-de-la-carte-Eduardo-Galeano

  • La situation en Palestine (Npa jeunes)

    L’offensive militaire israélienne sur la bande de Gaza a des conséquences sur la situation en Cisjordanie.

    Depuis le début des bombardements, les palestiniens manifestent leur solidarité avec l’enclave palestinienne dans laquelle il y a désormais plus de 1000 martyrs dont une majorité de civils, de très nombreux enfants et tout autant de femmes.


    Dans la plupart des grandes villes de Cisjordanie, comme à Naplouse, à Ramallah ou encore à Bethlehem, les manifestations sont quotidiennes avec pour objectif affiché d’en découdre avec l’armée israélienne. Des affrontements ont donc régulièrement lieu et c’est à coup de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc mais aussi en tirant à balles réelles que l’armée repousse les manifestants. Ces affrontements ont provoqué la mort de près d’une dizaine de palestiniens de Cisjordanie depuis 2 semaines.

    Les colonies et l’occupation en point de mire ?

    Les affrontements ne s’opposent pas seulement à l’armée mais aussi aux colons israéliens, installés illégalement sur le territoire. Parfois, notamment près d’Hébron et de Naplouse, les colons organisent des contre-manifestations et tirent eux-aussi contre les manifestants. C’est comme ça par exemple, un militant d’Hébron s’est fait tuer récemment lors d’une manifestation pacifiste.


    Plusieurs actions de sabotage ont eu lieu. Par exemple, le courant d’une colonie israélienne a été coupé volontairement par des militants palestiniens près de Ramallah. Ou encore, jeudi 24 juillet, un cortège de plus de 20 000 manifestants s’est rendu au check-point de Kalandia, le plus gros de Cisjor- danie dans le but de le détruire. Là-aussi, l’armée n’a pas hésité à tirer à balles réelles pour se proté- ger sur un territoire où elle n’est pas censée se trouver. Cette manifestation ainsi que le jour de colère qui a suivi, le vendredi 25 juillet, sur les plus gros mouvements qu’a connu la Cisjordanie depuis la fin de la seconde Intifada.

    L’Autorité Palestinienne, complice d’Israël ?

    L’AP est elle aussi sérieusement accusée lors de ces mobilisations. Déjà avant les bombardements sur la bande de Gaza, un poste de Police à Ramallah avait été caillasses par les manifestants. Le manque de radicalité des prises de position de Mahmoud Abbas est très largement critiqué et dans de nombreuses manifestations, l’Autorité Palestinienne fait le jeu d’Israël en tentant d’empêcher les jeunes de s’affronter directement à l’armée.

    A Bethlehem, l’un des centres de l’AP qui se trouve sur le parcours des manifestations est réguliè- rement sujet à des provocations et de légers incidents ont lieu. À Naplouse, dans le sud de la Cisjordanie, un poste de Police a été brûlé par les jeunes.

    La pression monte donc en Cisjordanie et l’ambiance se tend à la fois contre Israël mais aussi contre l’Autorité Palestinienne dont, pourtant, de nombreux palestiniens dépendent économiquement par le biais notamment des salaires des fonctionnaires.

    Habituellement, l’Aïd, qui marque la fin du Ramadan est une période festive, cette année, elle sera marquée par de très nombreuses manifestations matinales en solidarité avec Gaza et contre l’occupation et la colonisation en Cisjordanie. Cette situation n’est pas près de se détendre notamment à cause de la répression qui s’abattra sur les palestiniens des territoires occupés dès que l’armée israélienne aura fini son massacre sur la population gazaouie.

    http://jeunes.npa2009.org/

  • Déclaration de solidarité avec la révolution syrienne (RS21)

    https://syrianrevolutionsupportbases.files.wordpress.com/2014/08/10448203_265248700346625_5247276701706961090_n.jpg

    Alors que les syrien.ne.s commémorent le premier anniversaire des attaques chimiques du régime Al-Assad sur Al Ghouta, qui a causé la mort de plusieurs centaines de personnes, nous les soussigné.e.s, manifestons notre solidarité avec les millions de syrien.ne.s qui luttent pour la dignité et la liberté depuis mars 2011. Nous appelons les peuples du monde à agir en faveur de la révolution et de ses objectifs, exigeant la fin immédiate de la violence et la fin du régime illégitime d’Al-Assad.

    À la date du premier anniversaire des attaques, le 21 août, nous appelons les partisan.ne.s de la révolution syrienne, et des soulèvements régionaux et mondiaux pour la liberté, la dignité et la justice sociale, à organiser des manifestations pour dénoncer les atrocités, la désinformation, les mensonges et silences couverts de honte, et faire preuve de solidarité, à la fois politique et matérielle, avec les efforts en cours des mouvements de base en Syrie.

    Les révolutionnaires syrien.ne.s ont continué à lutter pour la liberté, malgré les nombreux obstacles auxquels ils/elles sont confronté.e.s. Pour tuer la révolution, le régime syrien a poursuivi quatre stratégies:

    1) la militarisation des révoltes par une longue campagne de six mois de répression violente des protestations pacifiques

    2) l’islamisation de l’insurrection en ciblant les groupes laïques et en renforçant les djihadistes,

    3) le détournement du conflit vers une logique sectaire par le recrutement d’un nombre croissant de combattants chiites de l’étranger, couplé avec le ciblage des zones sunnites, et

    4) l’internationalisation de la guerre en invitant l’Iran et la Russie à jouer un rôle central. Au même temps, des pays comme les États-Unis, l’Arabie Saoudite et le Qatar ont soutenu des groupes réactionnaires pour miner la révolution populaire.

    Le cas des « Douma4 », campagne pou demander la libération de l’activiste révolutionnaire Razan Zeitouneh et 3 autres de ses camarades, montre également que les révolutionnaires syrien.ne.s se battent sur deux fronts.

    Quatre activistes courageux/ses, travaillant pour le Centre de documentation des violations, ont été enlevé.e.s en décembre 2013 par des inconnus, masqués et armés, censés appartenir à des groupes islamistes. Ces activistes ont été ciblé.e.s parce qu’ils/elles ont dénoncé régulièrement tout forme de tyrannie et les violations des droits de l’homme, indépendamment de l’auteur. Leur prise en otage est un rappel que la révolution syrienne n’est pas seulement contre la dictature d’Al-Assad, mais aussi de plus en plus contre les groupes réactionnaires et opportunistes qui s’opposent aux objectifs de la révolution : la démocratie, la justice sociale et la fin du sectarisme.

    Le premier anniversaire des attentats chimiques est l’occasion de réaffirmer l’importance du processus révolutionnaire, non seulement en Syrie mais aussi dans l’ensemble du monde arabe. La lutte des syrien.ne.s contre la dictature, le djihadisme global et l’impérialisme d’où qu’il vienne, ne devrait pas être considérée comme quelque chose de local ou même de régional. Elle fait partie d’un moment insurrectionnel où le monde est devenu le champ de bataille. Les nouveaux développements en Irak, et la reprise de la guerre contre Gaza, ont montré que le sort de la révolution syrienne est reliée à la situation dans toute la région. La lutte des syrien.ne.s pour la dignité, la liberté et l’autodétermination ne peut être dissociée de la résistance historique contre le sionisme, les luttes égyptiennes contre le despotisme militaire, le soulèvement bahreïni contre la dictature, la lutte des kurdes pour l’autodétermination, celle des zapatistes et d’autres populations autochtones contre le racisme et le néolibéralisme, ou les massifs soulèvements ouvriers sur tous les continents contre les exigences d’austérité entraînées par la crise.

    La révolution en Syrie est à un carrefour, et les révolutionnaires syrien.ne.s sont dans le besoin désespéré de soutien dans leur lutte sur plusieurs fronts. Une victoire pour les différentes contre-révolutions rendrait permanent le plus grand nettoyage ethnique de notre siècle, laisserait le pays en ruines, et déstabiliserait gravement la région et le monde. Cependant, une révolution réussie en Syrie déclencherait les aspirations révolutionnaires longtemps réprimées dans le monde arabe et au-delà.

    Please sign here and help us spread the word


    https://www.change.org/petitions/social-movements-activists-global-civil-society-a-global-day-of-action-and-solidarity-with-the-syrian-revolution

    Organizing Groups:

    Comité català en Solidaritat amb el Poble Sirià
    https://www.facebook.com/comitesolidaritatSiria

    Europe Solidaire Sans Frontières (ESSF)
    http://www.europe-solidaire.org/

    MENA Solidarity Network
    http://menasolidaritynetwork.com/

    Solidaridad Global con la Revolución Siria, Barcelona
    https://www.facebook.com/solidaridadglobal

    Syrian Revolution Bases of Support
    https://www.facebook.com/Syrian.Revolution.Support.Bases

    Syria Solidarity Movement
    https://www.facebook.com/pages/The-Global-Solidarity-Movement-for-Syria/1429409790648167

    The global campaign of solidarity with the Syrian revolution
    https://www.facebook.com/pages/Global-Campaign-of-Solidarity-with-the-Syrian-Revolution/147353662105485

    La asociacion SODEPAU de Barcelona (Catalunya)
    http://sodepau.wordpress.com/

    International Socialists (IST Norway)
    http://www.intsos.no/

    Movimiento Corriente Roja/Spain
    http://www.corrienteroja.net/

    Assoc. Rose di Damasco onlus, Italy
    https://www.facebook.com/pages/Rose-di-Damasco/393073777428392?sk=info

    Source:

    http://rs21.org.uk/2014/08/13/statement-of-solidarity-with-the-syrian-revolution/

     

  • Syrie, la révolution orpheline (Emancipation)

    Pourquoi la révolution syrienne est-elle “ le théâtre de la plus grande et la plus radicale des révolutions arabes”  ? Et pourquoi est-elle aussi une “exception si l’on observe l’attitude arabe et internationale à son égard”  ?

    Dans cet ouvrage (1), Ziad Majed revient sur les circonstances de l’édification du régime par Hafez al-Assad et sur l’institutionnalisation de la tyrannie. Il explique comment la société syrienne a “disparu”, masquées à l’étranger par le rôle d’Assad dans les conflits du Moyen-Orient.

    Dès le début de 2011, s’est exprimée à Damas la solidarité avec les mobilisations en Égypte et en Libye, suivie d’un taux de participation aux manifestations plus élevé qu’en Égypte, en Tunisie, en Libye. Puis, face à l’ampleur des massacres, à la barbarie, les activistes ont été contraints de s’armer.

    L’auteur revient sur l’origine et la place des forces djihadistes, le rôle militaire des officiers iraniens, des conseillers russes, des combattants du Hezbollah libanais, et sur l’action (ou la non action) des puissances de “l’Occident”…

    Il décrit aussi l’extraordinaire capacité d’expression des Syriens et Syriennes : slogans, chants, littérature, récits, films des années 80-90 exprimant le refus du silence, les espoirs de la population et ses souffrances : une “quantité considérable d’œuvres a vu le jour en Syrie même ou dans les pays d’exil”.

    Et “cette capacité de résistance hors du commun” plonge ses racines dans les couches profondes de la population syrienne, ce qu’attestent “le rôle politique considérable” joué par les femmes, comme celui des “conseils locaux”.

    De “droite” et de “gauche”, unis contre la révolution

    La révolution syrienne affronte bien plus que le régime d’Assad.

    Si la Russie, l’Iran, la Chine soutiennent ouvertement la contre-révolution, les “amis de la Syrie” (Qatar, Arabie saoudite, Turquie, France, Grande Bretagne, États-Unis), en privant la révolution syrienne des moyens de se défendre, acceptent la poursuite des massacres et garantissent l’immunité de l’assassin.

    Des “écrivains et activistes de gauche, arabes et occidentaux” développent une “propagande contre la révolution”. Certains ne “voient pas des Syriens qui luttent pour leur libération, mais des projets impérialistes et des pièges à la Sykes-Picot” ; d’autres “se rangent du côté de la tyrannie” au nom de l’anti-islamisme et de la laïcité.

    Cet “anti-impérialisme primaire” d’une grande partie de “la gauche arabe” et aussi dans la “gauche occidentale” apporte “un soutien inconditionnel à tout régime du tiers monde qui prétend s’opposer aux États-Unis”. Ces thèses qui influencent largement les groupes d’extrême gauche expriment “le refus d’admettre la légitimité de la cause du peuple syrien”.

    Cependant, par sa radicalité, la révolution syrienne “a réalisé de grandes choses […] jusqu’à présent, malgré le fait qu’elle soit orpheline et que son chemin de croix soit encore long”.

    À lire absolument par quiconque veut réfléchir, discuter et agir pour la révolution. lundi 16 juin 2014

    Hélène Bertrand

    (1) Syrie, la révolution orpheline, Ziad Majed, Sindbad/Actes Sud, avril 2014, 19,80€

    http://www.emancipation.fr/spip.php?article995

    Lire aussi:

    http://alencontre.org/moyenorient/syrie/syrie-la-revolution-orpheline-et-les-differentes-positions-internationales.html

  • La femme et la révolution syrienne (Emancipation)

    Injured Syrian women arrive at a field hospital after an air strike hit their homes in the town of Azaz on the outskirts of Aleppo, Syria, August 15, 2012.

    De quelle femme faut-il parler en ce temps de tremblement de terre qui secoue la Syrie depuis trois ans ?

    La paysanne, la citadine, l’ouvrière, l’enseignante, la femme au foyer, etc.? Or depuis le début de la révolution en mars 2011, la seule ligne de partage, comme pour tous les Syriens, est entre celle qui participe à la révolution et celle qui soutient le régime dictatorial d’Assad : entre la femme qui agit et la femme qui subit.

    La Syrie est soumise depuis 1963 à un régime sécuritaire dont les multiples appareils contrôlent d’une main de fer la société : femmes, hommes et enfants (1).  La femme en Syrie a emprunté le chemin vers sa liberté, pour acquérir ses droits, depuis l’indépendance en 1946 : elle revendiquait une véritable place au sein de la société, le droit au travail, une reforme du statut de la femme adulte lui donnant des droits, au même titre que l’homme, etc. Le mouvement de la société dans son ensemble, lentement mais surement, allait dans ce sens.

    Les droits des femmes confisqués

    Or depuis 1970 un régime dictatorial s’est emparé du pays. Des générations ont vécu, vivent avec la devise d’une dictature : soumission totale à l’autorité, interdiction de penser autrement, interdiction donc, de toute initiative individuelle. De plus, le régime a réussi à instiller la terreur dans le cœur des citoyens et dissuader toute contestation en commettant des massacres spectaculaires, notamment celui de 1982 à Hama, ville au centre de la Syrie. La ville a été bombardée et des milliers de civiles ont perdu la vie. Ce massacre a été aussitôt suivi par la liquidation de toutes velléités de contestation politique qui subsistaient encore Des hommes et des femmes, intellectuels, militants de gauche, islamistes, etc. ont été envoyés périr dans les prisons durant de longues années.


    Dans ce régime totalitaire, la question des droits de la femme, comme pour le reste, a été confisqué par les organisations officielles du régime dédiées à la femme (l’Union des Femmes Syriennes) mais dans lesquelles des femmes véritablement contestataires n’avaient pas leur place. Aucun groupe, association ne peut exister en dehors de cette structure officielle.


    Ce régime, soi-disant laïque s’est employé à renforcer son emprise sur les femmes en favorisant un mouvement islamiste réactionnaire “al-Qobeissat” dont l’objectif est l’endoctrinement religieux des femmes et dont les cheftaines entretiennent des relations étroites avec des officiers de la sécurité. C’est ainsi que, à Damas seul, 80 écoles contrôlées par ce groupe/secte ont été fondées, dispensant un enseignement religieux aux filles dès leur prime enfance (en parallèle à leur scolarisation officielle). Ces écoles ont accueilli, à ce jour, 750 000 élèves ! (2)


    Aucune réforme susceptible de modifier la situation de la femme n’a vu le jour durant ces 45 ans du règne de la famille Assad. C’est le code islamique de la Chari’a qui est toujours en vigueur : en héritage la fille a la moitié de la part de son frère, la polygamie est tolérée/semi-autorisée, l’homme peut répudier sa femme selon son bon vouloir, etc.


    Il va sans dire que le principal obstacle aux droits des femmes en Syrie est l’absence de démocratie. Les femmes ont à mener un combat double : revendiquer leurs droits en tant que femme (à l’échelle individuelle et collective) pour faire évoluer la société sur ce chapitre, et se battre pour faire valoir leurs droits d’être humain face à la répression du pouvoir.

    Les femmes au premier rang

    Tout naturellement donc et quel que soit leur statut, leur milieu social, etc. elles étaient au premier rang de la contestation lorsque celle-ci a débuté. Ce sont des femmes qui ont organisé les premières manifestations pacifiques en mars 2011 à Damas, la capitale, symbole de la puissance du pouvoir. Parmi ces organisatrices des noms aujourd’hui connus : Souheir al-Attasi, Razan Zeitouneh. Lorsque la manifestation a été dispersée et des manifestants et des manifestantes arrêtés, les femmes ont organisé le lendemain un sit-in devant le ministère de l’intérieur réclamant la libération des détenus.
    Les figures féminines qui ont marqué par leur présence toutes et tous les Syriens révoltés ne manquent pas. Fadwa Soleiman, actrice, conduisait des manifestations à Homs et ses environs. Elle scandait avec la foule : “Nous Syriens, nous sommes tous unis contre la mafia au pouvoir”, démentant le discours communautaire du régime. Menacée de mort, elle a quitté la Syrie dans le courant de l’année 2012.
    Le choix de cette actrice de Homs n’est pas dû au hasard, c’est un choix politique et réfléchi.

    Fadwa Sleiment est alaouite (de la même minorité à laquelle appartient la famille Assad). Homs est une ville symbole de la révolution, une ville où vivait paisiblement une population de toutes les confessions. Dès le mois d’avril 2011, le régime commet son deuxième massacre, après celui de Dar’a au sud. Des milliers de pacifistes avaient occupé la principale place de la ville, à la manière de place Tahrir au Caire en Égypte.  L’armé a ouvert le feu sur la foule faisant des morts par dizaine, des blessés par centaines, et des milliers ont été enlevés ou jetés en prison.

    Période de manifestations pacifiques 
     

    Les femmes, de toutes les catégories sociales, de tous les âges ont pris une part active dès le premier jour dans la révolution syrienne. À la campagne comme à la ville : qu’elles soient mères de famille, étudiantes, fonctionnaires, ouvrières, institutrices, avocates, médecins, etc. les femmes ont participé à l’organisation des manifestations, ont pris part aux manifestations, sont venues en aide aux blessé(e)s, ont caché un parfait inconnu, une parfaite inconnue fuyant la traque des services de sécurité ou la mort par balle (3), etc.


    Les manifestantes n’étaient pas visibles dans les images que les médias occidentaux transmettaient. Or l’observateur attentif (4) relève non seulement une présence constante des femmes dans les manifestations de masse dans les rues de villes et de villages mais aussi un nombre important de manifestations organisées par les femmes au nom de la Femme Syrienne.


    (À signaler un phénomène intéressant symboliquement : la présence souvent à la tête de manifestants d’un garçon et d’une fille, âgés entre 11 et 13 ans, chantant tour à tour pour galvaniser la foule).
    Dans des zones où la présence massive des organismes officiels de répression rendait les manifes- tations très difficile à mener, elles ont fait preuve d’innovations pour inciter à l’action : à Damas, elles ont installé des haut-parleurs sur des immeubles, dans des jardins publics, diffusant des chansons révolutionnaires, ont lancé des ballons portant des tracts incitant la population à se joindre aux manifestants, ont tagué des murs en hommage à la révolution, aux prisonniers et aux disparus, etc.
    À Sweida (ville au sud de la Syrie) à la veille de Noël, des jeunes filles, habillées en père-noël, ont distribué des tracts appelant les habitants de la ville à la solidarité avec les révolutionnaires, etc.
    Autant d’actions qui nous paraissent d’ici anodines, mais dont les auteures là-bas risquent leur vie si elles sont prises sur les faits.


    Il y a aussi le phénomène de manifestations à l’intérieur (à domicile). Il existe de milliers de vidéos-amateur sur You tube montrant des femmes, visages cachés (pour ne pas être identifiée) lisant des déclarations, scandant des slogans, chantant des chansons révolutionnaires, brandissant des pancartes, etc.

    Des femmes ont multiplié les actions régulières, en ville comme à la campagne, en manifestant ou en organisant des sit-in pour réclamer la libération des leurs fils, filles ou maris injustement emprisonnés.
    À l’intérieur comme à l’extérieur du pays, des femmes se sont organisées : “Femmes syriennes pour défendre la révolte syrienne”, “Femmes Syriennes pour la Démocratie”...


    Dans cette guerre sans merci que le régime mène contre le peuple, la souffrance de la femme est particulièrement révoltante. Elle a été, elle est, quel que soit son âge, son rang social, la cible du viol collectif devant son mari, ses enfants, son père. Dans une société conservatrice où l’honneur de la femme est d’une importance capitale, c’est une arme que le régime emploie pour humilier les hommes de la famille et dissuader la population de toute action contre lui, mais aussi pour briser les femmes et les empêcher d’agir.


    Une politique qui a atteint en partie son objectif, puisque beaucoup ont tout quitté pour aller se refugier soit dans des zones libérées ou dans des pays limitrophes. Des militantes dans les camps de refugiés organisent régulièrement des campagnes d’explication pour aider les femmes violées, les amener à parler et raconter leur calvaire, mais aussi expliquer que la seule honte à avoir est d’avoir supporté ce régime infamant durant toutes ces années !!

    Période de lutte armée 
     
    Le rôle de la femme a atteint son apogée en 2012. L’arrestation, l’assassinat et la disparition de la plupart des activistes du premier rang de la contestation pacifique, notamment les hommes, ont été compensés par l’action des femmes qui se sont organisées en réseaux pour acheminer de l’aide médicale et des denrées alimentaires aux zones encerclés et bombardées par le régime mais aussi en perpétrant ou en soutenant le mouvement pacifique. Des militantes ont utilisé leur appartenance communautaire, comme alaouite ou chrétienne, pour passer les multiples barrages. L’efficacité de ce travail a décliné dès que certains barrages ont découvert le manège de ces militantes.


    Alors que la révolution prenait de plus en plus une tournure de lutte armée, des femmes  révolution-naires ont décidé de s’installer dans les zones libérées, devenues les zones les plus exposées, pour prendre part aux activités d’autogestion de la vie des gens et témoigner de la brutalité du régime. C’est le cas, pour ne citer que quelques noms connus, de Samira Khalil ou de Razan Zeitoneh (5) à Douma : témoigner et faire connaître à l’étranger ce que la population locale endure, encerclée par l’armée du régime et ses différents milices communautaires, bombardée, affamée, privée d’eau et d’électricité, etc.


    C’est le cas également de Marcelle Shahrour à Alep et bien d’autres anonymes.


    Jaramana, ville voisine de Damas, à majorité chrétienne et druze, a longtemps joué un rôle important dans la résistance des habitants et des combattants de plusieurs villes voisines révoltées. Grace à un réseau de femmes de Jaramana, cette ville est devenue l’arrière cuisine pour nourrir l’armée libre et les familles encerclées. Le régime et ses chabihha se sont chargés de liquider ces réseaux.
    Les exemples de femmes n’ayant pas une activité militante avant la révolution et qui se sont engagées y compris lorsque la révolution s’est armée ne manquent pas.


    C’est le cas de Oum Khaled à Kafrenbel (ville libérée au nord-ouest). Elle a fondé le premier centre réservé aux femmes. Elles se réunissent pour discuter de leur situation en temps de guerre, s’entraînent gratuitement dans des ateliers de premiers soins, mais aussi des ateliers de coiffure, de tricot, de langue anglaise, etc. Le centre a également une bonne bibliothèque. Oum Khalid est la preuve que les femmes de la région sont en mesure de s’exprimer dans les espaces publics créés par la révolution. En dépit de la militarisation croissante et de la domination masculine, la femme est capable de retrouver sa place et de jouer son rôle, place et rôle qui lui ont été volés depuis longtemps par le régime.

    Le combat continue 
     
    Lorsqu’en avril 2013, des groupes djihadistes, affiliés à al-Qaida, dont les pratiques n’ont rien à envier au régime, font leur apparition sur le sol syrien, des Syriens ont refusé de remplacer une dictature par une autre. Les actions pacifiques ont repris de plus belle : manifestations, sit-in, etc.
    C’est le cas notamment de la ville Raqqa (au nord-est) où le groupe Daech (l’État Islamique de l’Irak et la Syrie) en a fait sa principale base. Le mouvement de riposte pacifique des habitants contre les agissements de Daech n’a pas cessé.


    Mais une femme s’est distinguée en dehors de la mobilisation collective. C’est Souad Nofel, enseignante. Contre l’avis général, elle a décidé de dire son opposition en faisant des sit-in devant le quartier général de Daech, portant des pancartes avec des slogans à l’adresse des cadres du groupe. Malgré les menaces répétées à son encontre et l’agression physique dont elle est victime, elle refuse de “leur laisser” sa ville et continue tous les jours à les harceler avec ses pancartes et ses slogans.
    Souad est devenue un symbole de force et de la lutte des femmes syriennes qui résistent sur plusieurs fronts (6) : le régime, Daech, la mafia islamique, les autorités patriarcales, etc.

    Impact de la révolution et ses conséquences sur la femme

    Quelques points à souligner, sommairement, qui mériteraient d’être développés séparément.


    Responsabilités nouvelles
    Le drame dans lequel est plongée la femme syrienne (elle a perdu un mari, un père, un fils) loin de l’affaiblir lui procure autant de raisons pour agir. Sa participation active dans l’action humanitaire, l’autogestion locale, etc. change complètement la donne et la place en position de force.
    Avec les hommes au front, elle doit prendre en charge non pas seulement ses enfants mais aussi les parents, grands parents et souvent les enfants orphelins d’un frère ou d’une tante.  Cette terrible situation marque, marquera des générations des femmes et prépare une suite favorable à une lutte de la femme pour un avenir meilleur.


    Rencontre improbable !
    Pendant la lutte pacifique, les manifestations les plus nombreuses ont eu lieu au centre ville des métropoles syriennes. En revanche à Damas, elles ont souvent eu lieu dans les quartiers périphériques éloignés des casernes militaires, des bâtiments de sécurité et des points de rassemblement des milices privées du pouvoir. Les contestataires de toutes les conditions sociales se réunissaient dans une sorte de liesse populaire jubilatoire et apprenaient ensemble à vaincre leur terreur et affronter la répression sanglante. La place de la femme dans ces mouvements de masse n’était en rien moindre que celle de l’homme.


    Situation inédite où des femmes avocate, médecin, étudiante, fonctionnaire, scandant dans les cortèges avec les mères de famille, ouvrières, employée, paysanne.  Une situation où les militantes du centre ville, travaillaient main dans la main avec les hommes des quartiers décentrés pour préparer les manifestations. Ensemble elles vivent les horreurs que leur infligent les sbires du régime, se cachant chez les unes et les autres, chez les uns et les autres, en attendant que ça se calme (à Douma, Barzeh, al-Ghota).

    Cette mixité, cette interaction sociale n’aurait pas pu avoir lieu sans cet élan populaire de contestation.

    Il est trop tôt pour hasarder un pronostic sur l’issue de la révolution syrienne. En revanche, il est certain que pour beaucoup de femmes syriennes les lignes de démarcation sociale sont en partie tombées grâce à leur action décisive. Najwa Sahloul
    vendredi 4 juillet 2014

    (1) Voir du même auteur La révolution syrienne : Mille jours
    (2) Des réseaux du même type pour hommes ont été crées aussi, le nombre de mosquées et d’églises s’est multiplié. Les responsables religieux (Imams) sont nommés par le ministère des affaires religieuses. Le prêche du vendredi (prière collective à la mosquée) est fourni par les services de sécurité.
    (3) Bien entendu ces mères de famille savaient ce qu’elles risquaient : cacher un militant c’est s’exposer soi-même au danger d’être tué ou emprisonné.
    (4) Mohja Kahf, Les manifestations féminines de masse dans la révolution syrienne.
    (5) Zeitoneh est une avocate et militante de droits de l’homme, elle a été kidnappée depuis quelques mois avec ses amis.
    (6) C’est ce qui ressort de tous les messages que des femmes syriennes lui ont adressé

    http://www.emancipation.fr/spip.php?article1009

  • Irak, le pétrole, le nerf de la guerre (CI)

     

    La décision du président Barack Obama d'intervenir en Irak pour "prévenir un génocide" ne dit pas la vraie raison de cette mobilisation.
     
    En fait, il s'agit de protéger les multinationales du secteur des hydrocarbures implantées au Kurdistan.
     
    Au Moyen-Orient, les premiers coups de feu d'un conflit définissent toujours le cadre de l'histoire que nous allons tous méticuleusement suivre. La dernière grande crise en Irak ne déroge pas à cette règle. Des chrétiens sont persécutés ? Sauvez-les. Des Yézidis [minorité kurdophone dont la religion monothéiste plonge ses racines dans le zoroastrisme pratiqué notamment en Iran] meurent de faim en haut de leurs montagnes ? Donnez-leur à manger. Des islamistes avancent sur Erbil ? Bombardez-les. Bombardez leurs convois, leurs pièces d'artillerie et leurs combattants, bombardez-les encore et encore. Mais jusqu'à quand ?

    Le président Barack Obama nous a donné un premier indice concernant la durée de cette nouvelle aventure américaine au Moyen-Orient en déclarant qu'il ne pensait pas que le problème serait résolu "en quelques semaines". Cela prendra du temps. Combien ? Au moins un mois. Peut-être six. Ou bien un an. Et peut-être même plus. En brandissant la menace d'un "génocide" et en insistant sur le "mandat" américain l'obligeant à venir en aide au gouvernement de Bagdad face aux ennemis de l'Irak, Barack Obama n'est-il pas en train de poser les bases d'une nouvelle guerre aérienne de longue durée en Irak ? Et si oui, sur quoi se fonde-t-il pour croire que les islamistes occupés à ériger leur califat en Irak et en Syrie se plieront gentiment à ses règles du jeu ?

    Si la route d'Erbil est coupée...

    Le président américain et le Pentagone, le Commandement central (Centcom) et le – ridiculement nommé – comité Cobra, rassemblant plusieurs ministres et responsables de la sécurité britanniques, pensent-ils réellement que les militants de l'Etat islamique [(EI), anciennement Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL)] resteront tranquillement dans les plaines de Ninive en attendant d'être anéantis par nos bombardements ? Non, les hommes de l'EI, de l'Etat islamique ou du califat, quel que soit le nom qu'ils se donnent, vont simplement changer de cible.
     
    Si la route d'Erbil est coupée, ils prendront celle d'Alep ou de Damas que les Américains et les Britanniques auront plus de réticence à bombarder ou à défendre, car cela reviendrait à aider le régime de Bachar El-Assad que nous nous devons de haïr au moins autant que l'EI. Mais si les islamistes prennent vraiment Alep, assiègent Damas et pénètrent au Liban (Tripoli, sur la Méditerranée, ville libanaise à majorité sunnite, ferait une cible de choix), nous allons être contraints d'élargir notre beau "mandat" à deux autres pays, pour la bonne raison qu'ils sont frontaliers avec la seule nation qui mérite, plus encore que le Kurdistan, notre affection et notre protection : Israël ! Vous y aviez pensé vous, à ça ?

    Et puis il y a l'indicible. Quand "nous" avons libéré le Koweït, en 1991, nous avons tous dû scander – comme un refrain – que cette guerre n'avait rien à voir avec le pétrole. Puis, nous avons envahi l'Irak en 2003, et nous avons de nouveau dû répéter, ad nauseam, que cette agression n'avait rien à voir avec le pétrole – évidemment, les Etats-Unis auraient tout autant dépêché leurs marines en Méso- potamie si la principale exportation de la région avait été l'asperge. Et maintenant que nous nous attachons à la protection de nos chers Occidentaux d'Erbil et pleurons avec les dizaines de milliers de chrétiens qui fuient les crimes de l'EI, nous ne devons toujours pas parler de pétrole – d'ailleurs nous n'en parlons pas, nous n'en parlerons pas. Je me demande bien pourquoi.

    Les maîtres du nouveau califat

    N'est-il pas important de noter, tout de même (ne serait-ce qu'au passage), que sur des réserves pétrolières de 143 milliards de barils en Irak, quelque 43,5 milliards se trouvent au Kurdistan, en plus des 25,5 milliards de barils de réserves supposées et de 3 000 à 6 000 milliards de mètres cubes de gaz ? Les grandes multinationales du secteur des hydrocarbures se pressent au Kurdistan (d'où, d'ailleurs, les milliers d'Occidentaux installés à Erbil, même si leur présence ne nous est guère expliquée) et ont déjà investi dans la région plus de 10 milliards de dollars. Mobil, Chevron, Exxon et Total sont largement implantées (il est hors de question de laisser l'EI déranger ces entreprises-là) dans ce coin du monde où les exploitants pétroliers empochent 20 % des bénéfices totaux.

    Ainsi, des rapports récents montrent que la production pétrolière kurde, actuellement de 200 000 barils jour, passera à 250 000 dès l'année prochaine (à condition, bien sûr, que les gars du califat ne s'en mêlent pas), ce qui signifie, selon Reuters, que si le Kurdistan irakien était un vrai pays, et non un morceau d'Irak, il se classerait parmi les 10 puissances pétrolières les plus riches du monde. Et qu'il mériterait donc amplement qu'on le défende. Mais nous l'a-t-on dit ? Y a-t-il un seul journaliste accré- dité à la Maison-Blanche qui ait posé une seule question, avec un peu d'insistance, sur ce point pourtant des plus pertinents ?

    Certes, nous avons de la compassion pour les chrétiens d'Irak (même si nous n'en avions guère quand leur persécution a commencé, au lendemain de l'invasion de 2003). Pas de doute, nous devons proté- ger les yézidis, comme nous l'avons promis. Mais n'oublions pas que les maîtres du nouveau califat du Moyen-Orient ne sont pas des idiots. Les frontières de leur guerre à eux vont bien au-delà de nos "mandats" militaires. Et ils savent bien (même si nous ne l'admettons pas) que nos véritables mandats sont dictés par un mot inavouable : "pétrole".

    The Independent Robert Fisk 11 août 2014

    http://www.courrierinternational.com/article/2014/08/11/le-petrole-le-nerf-de-la-guerre?page=all

    Commentaire: Nous ne partageons pas la "neutralité" de l'auteur envers le soi disant "laique" Bachar El Assad.

  • Ce qu’annonce l’éclatement irakien (Cetri.be)

    La récente montée en puissance d’une force djihadiste sunnite dans le nord-ouest de l’Irak est spectaculaire, au sens propre du terme.

    Elle relève du mauvais vaudeville : il y a dans le pays, pour ainsi dire, un terroriste dans le placard. Lorsqu’il fait irruption sur la scène, le premier ministre chiite Nouri Al-Maliki joue la surprise, crie à l’assassin et appelle ses amis à la rescousse pour le chasser de la maison.

    Pourtant, ce djihadiste, c’est lui-même qui lui a ouvert la porte et qui l’a nourri.

    Ses amis, notamment iraniens, le savent, mais trouvent un intérêt à se prêter au jeu. Car le terroriste est l’excuse toute trouvée pour éclipser les errements de celui qui, après tout, reste leur homme.

    En juin 2014, donc, des djihadistes sunnites opérant sous le nom d’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL, également connu sous son acronyme arabe, Daech) s’emparent presque sans combattre de Mossoul, deuxième ou troisième ville du pays selon les chiffres auxquels on se réfère. D’autres localités, dans cette zone à dominante arabe sunnite, tombent rapidement, à mesure que l’appareil de sécurité se désintègre. L’Etat irakien abandonne ses équipements militaires, dont des véhicules fournis par les Etats-Unis, laisse derrière lui ses nombreux prisonniers – généralement détenus de façon arbitraire – et livre à l’adversaire des prises de choix : près d’un demi-milliard de dollars entreposés dans une succursale de la banque centrale, notamment. Des groupes armés moins radicaux se joignent au mouvement, s’attribuant une part vraisemblablement exagérée de ces victoires. Parmi les habitants qui ne fuient pas, certains célèbrent ce qu’ils appellent une « libération », un « soulèvement », ou même une « révolution ».

    Les Kurdes ont sauté sur l’occasion pour s’emparer d’une autre ville majeure, Kirkouk, zone aussi riche en ressources pétrolières qu’en enjeux identitaires dont ils disputaient depuis plusieurs années le contrôle au gouvernement de Bagdad, sans parler d’autres minorités locales. Ce second tour de force, cependant, est passé presque inaperçu, toute l’attention se focalisant sur l’avancée des djihadistes. A en croire M. Al-Maliki, ses alliés et concurrents chiites, l’administration américaine et une bonne partie des médias, leur offensive semblait irrésistible : tous ont dit craindre qu’ils ne s’emparent des mausolées chiites de Samarra et les détruisent, déclenchant une nouvelle guerre confessionnelle, ou qu’ils conquièrent la capitale et établissent un vaste émirat couvrant de larges portions de l’Irak et de la Syrie.

    En 2012, les sunnites ont exprimé leur mécontentement en manifestant pacifiquement

    En réaction, le premier ministre a appelé à la mobilisation générale dans son camp. Diverses milices confessionnelles, dont il a toléré l’expansion, ainsi que plusieurs figures chiites lui ont emboîté le pas. L’Iran a dépêché des renforts chargés d’organiser ces contingents paramilitaires et, vraisemblablement, de combattre à leurs côtés. Les Etats-Unis ont redirigé deux porte-avions à proximité de ce théâtre d’opérations que le président Barack Obama s’évertue pourtant, depuis 2011, à quitter pour de bon.

    En attendant, les questions les plus élémentaires posées par cette débâcle restaient sans réponse. Comment un appareil de sécurité pléthorique, parmi les plus denses du monde avec un million d’hommes en armes (sur une population d’environ vingt-cinq millions de personnes), a-t-il pu s’évanouir ainsi à l’approche des djihadistes ? Comment expliquer la popularité relative de ces derniers, compte tenu des souvenirs épouvantables laissés par leurs prédécesseurs, de type Al-Qaida, lorsque, en 2007, ils dominaient la ville de Mossoul et y égorgeaient à peu près n’importe qui dans les rues ? Pourquoi les notables sunnites locaux, à l’instar de la famille Noujaifi, proche de M. Al-Maliki, se sont-ils avérés incapables de rallier un quelconque soutien pour leur faire face ? Enfin, et surtout : quid du bilan du premier ministre sortant, qui, fort de son score lors des récentes élections parlementaires, entendait briguer un troisième mandat ?

    Celui qui n’était à l’origine qu’une personnalité secondaire du petit parti islamiste chiite Al-Daawa a accédé à la primature en 2006, en tant qu’homme du compromis, précisément parce qu’il ne semblait menacer personne. A l’époque, la guerre civile entre groupes armés sunnites et milices chiites faisait rage. Tous étaient issus d’un même mouvement de résistance à l’occupation américaine, mais divisés par un sentiment croissant de persécution réciproque. Le premier ministre soutint l’action des secondes, utilisées comme forces supplétives dans la lutte contre les premiers.

    Son image et sa stratégie politique changèrent radicalement en 2008, quand les Etats-Unis lui donnèrent les moyens de sortir d’une logique purement confessionnelle. Il s’agissait de constituer des milices sunnites cooptées par le gouvernement pour combattre Al-Qaida et de reprendre en main des milices chiites de plus en plus hors de contrôle. En pratique, le rôle de M. Al-Maliki lui-même fut minime. Il n’en retira pas moins l’aura d’un homme d’Etat qui s’était élevé au-dessus des logiques de guerre civile pour ramener le pays à la stabilité.

    Par la suite, il continua de s’identifier à ce rôle de sauveur, développant un culte de la personnalité qui empruntait beaucoup à l’imagerie de Saddam Hussein. Ce rapprochement ne semblait pas inquiéter ses sympathisants chiites. Au nom de la souffrance imputable au régime précédent, ou d’une prétendue « ingouvernabilité » du peuple irakien, décidément trop turbulent, ils ne semblaient aspirer qu’à voir émerger un chef du même acabit que l’ancien tyran, mais qui, cette fois, serait de leur confession.

    La « lutte contre le terrorisme » devint vite le principal argument de M. Al-Maliki, lui permettant de poursuivre une multitude d’objectifs simultanément. Il put concentrer toujours davantage de pouvoirs entre ses mains, étendre son contrôle sur l’énorme appareil de sécurité légué par l’occupant américain et le mettre au service de ses intérêts politiques. A partir de décembre 2010, il cumula les postes de premier ministre, commandant en chef des forces armées, ministre de la défense et ministre de l’intérieur. La peur du vide contribuait à prévenir toute tentative de le remplacer et lui assurait un soutien suffisant de la part des Etats-Unis comme de l’Iran. Depuis son élection, en 2008, M. Obama souhaitait retirer ses troupes au plus vite ; et Téhéran appréciait un homme capable de se maintenir à la tête de l’Etat irakien tout en prenant soin de ne jamais contrarier ses intérêts.

    M. Al-Maliki n’a certes pas l’apanage du recours à la « lutte contre le terrorisme » comme programme politique par défaut.

    Dans le monde arabe, presque tous ses homologues l’ont utilisé pour justifier les pires abus. Ce fut le cas de Hafez Al-Assad, le père de l’actuel président, en Syrie, des généraux algériens dans les années 1990, de Mouammar Kadhafi en Libye ou de M. Zine El-Abidine Ben Ali en Tunisie. Au Yémen, jusqu’à sa chute, en 2012, le président Ali Abdallah Saleh avait développé un système de pérennisation du pouvoir reposant, entre autres, sur la menace indéfiniment exploitable que représentait Al-Qaida. Confrontés à des animosités, frustrations et aspirations diverses lors des soulèvements dits du « printemps arabe », en 2011, quasiment tous les régimes concernés ont invoqué la lutte contre le terrorisme.

    Mais le premier ministre irakien s’est distingué par l’usage illimité qu’il a fait du procédé. Il s’est aliéné délibérément et systématiquement les sunnites, tout en fragilisant l’Etat par un travail de sape, et ce de manière d’autant plus inexplicable qu’il s’y trouvait en position de force. En Syrie, M. Al-Assad en a fait autant à partir de 2011, mais sous la pression d’un vaste mouvement de révolte populaire soutenu par des acteurs extérieurs qui appelaient ouvertement à faire tomber son régime. M. Al-Maliki, lui, a choisi « à froid » de négliger, voire de démanteler, les milices sunnites, souvent de composition tribale, qui lui avaient été léguées par les Etats-Unis, et d’entretenir un appareil de sécurité toujours plus confessionnel et corrompu. Toute forme d’opposition sunnite était renvoyée au « terrorisme », donnant lieu à une multiplication des arrestations et des détentions arbitraires ainsi qu’à d’innombrables exactions.

    Les tactiques de survie du pouvoir ont sapé les fondements institutionnels du pays

    Les sunnites irakiens ont été tout à la fois révoltés d’un tel traitement, inspirés par les soulèvements de 2011 dans les pays voisins et refroidis par la militarisation désastreuse de l’opposition en Syrie – sans parler du souvenir douloureux de leur défaite pendant la récente guerre civile. A partir de 2012, ils se sont organisés pour exprimer pacifiquement leur mécontentement. Les premières manifestations se sont muées en sit-in permanents sur les grandes places des villes sunnites du pays. Leurs revendications portaient toujours sur un rééquilibrage de l’Etat, afin de leur accorder toute leur place. Mais M. Al-Maliki y resta sourd. La lente recrudescence des attentats à la bombe durant cette période ne lui servit pas de mise en garde, mais de prétexte pour s’obstiner [1]]. Petit à petit, l’option de la violence, qui était devenue un repoussoir en milieu sunnite, commença à faire son chemin au-delà des franges les plus radicalisées.

    En parallèle, le premier ministre décida de s’engager en faveur de M. Al-Assad, dans un conflit syrien qui prenait alors une tournure confessionnelle, mettant aux prises un régime réduit à sa composante alaouite et une opposition sunnite. Il renonça à toute critique de la répression pratiquée par son voisin, qui pourtant montait en puissance et adoptait des formes toujours plus abominables, et remisa ses offres de médiation. Il ouvrit grand ses frontières aux chiites qui se portaient volontaires pour aller combattre en Syrie, dans le cadre d’une sorte d’« effort de guerre » piloté par l’Iran. Ces djihadistes, animés par une vision millénariste annonçant la fin du monde, se mirent à transiter sans difficulté par l’aéroport de Bagdad ou par l’autoroute menant en Syrie – deux infrastructures sensibles étroitement contrôlées par les forces gouvernementales –, mais aussi à diffuser une propagande de haine confessionnelle, à défiler dans les rues et à s’organiser en milices en Irak même.

    L’homme qui prétendait avoir mis fin à la guerre civile semblait donc travailler d’arrache-pied à en ressusciter les acteurs. Qu’en disaient les puissantes ambassades des Etats-Unis et d’Iran ? Jusqu’à la crise de Mossoul, au moins, elles se faisaient étrangement écho, garantissant au pouvoir irakien leur soutien inconditionnel. Et pourtant, les signaux d’un désastre à venir se multipliaient. La résurgence de groupes armés sunnites et de milices chiites aurait dû suffire à donner l’alerte.

    Plus grave encore, l’érosion des structures étatiques annonçait le scénario-catastrophe auquel l’Irak fait face aujourd’hui. La compétence et la cohésion de l’appareil sécuritaire décroissaient à mesure que M. Al-Maliki renforçait sa politisation et tolérait un niveau de corruption digne d’une république bananière. Il devenait essentiellement un instrument de redistribution clientéliste ; et la participation – aberrante – de ses membres aux dernières élections parlementaires explique en partie le score du premier ministre.

    Celui-ci, en diminuant le rôle de l’Assemblée, en ne s’entourant plus que d’une coterie de profiteurs et en trahissant allègrement ses promesses, se privait de leviers politiques pour gérer les crises. Le système judiciaire, mis au pas, n’offrait lui non plus aucun recours crédible. Sur le plan économique, quasiment aucun projet de développement n’avait vu le jour, tant la manne pétrolière était l’objet d’un pillage systématique. En d’autres termes, le pouvoir de M. Al-Maliki tenait à ses tactiques de survie, qui, toutes, sapaient les fondements institutionnels d’un pays déjà très fragile.

    Des dirigeants qui exacerbent délibérément les clivages au sein de leurs sociétés

    Sauf que ce processus de fragilisation profitait à de nombreux acteurs irakiens, qu’il s’agisse des alliés politiques du premier ministre, qui bénéficiaient de leur part du gâteau, ou de ses rivaux, qui y voyaient la promesse, à long terme, d’un affaiblissement de leur adversaire. L’Iran, les milices chiites, le gouvernement régional kurde avaient tous avantage à ce que Bagdad demeure aussi frêle et influençable que possible. Les Etats-Unis, quant à eux, étaient aux abonnés absents : leur « stratégie » de retrait pour clôturer une décennie d’occupation militaire consistait à fermer les yeux sur tout ce qui pourrait les ralentir, et à croiser les doigts.

    Résultat : plus M. Al-Maliki se révélait sectaire et inepte, plus il échouait, et plus il consolidait sa position. Fin 2012, avant que les manifestations sunnites ne prennent de l’ampleur, ses perspectives de réélection paraissaient limitées. La frustration était notamment palpable dans les milieux chiites : à ce moment, le pays était relativement stable, et pourtant, rien ne semblait avancer. Un an plus tard, l’Irak était à nouveau à feu et à sang, avec une moyenne mensuelle d’environ mille morts, comme au cours des années noires de 2006-2007, et la popularité de son homme fort était remontée en flèche. Même après la prise de Mossoul, son départ imminent ne semblait pas garanti : les chiites serraient les rangs derrière lui, l’Iran lui donnait des témoignages de loyauté, et la peur du vide restait forte y compris chez des acteurs plus ambivalents.

    Cette crise soulève bien des questions ; mais on aurait tort de se limiter aux conclusions les plus évidentes : la responsabilité américaine dans cette débâcle, la personnalisation du problème à travers la figure de M.Al-Maliki ou la menace du « terrorisme ». Ce dont on parle moins, et qui occupe pourtant une place centrale, c’est la pratique du pouvoir et la nature des institutions. La personnalité du premier ministre est secondaire : c’est tout un contexte qui non seulement lui a permis de se comporter de la sorte, mais l’a récompensé pour cela. Quand, en mars 2014, il organisa une grande conférence internationale sur la « lutte contre le terrorisme », par exemple, l’Organisation des Nations unies participait au spectacle et applaudissait dans la salle.

    Le mal, du reste, est une plaie régionale. Plus M. Al-Assad réussit dans sa stratégie de pourrissement, plus il semble s’imposer comme faisant partie de la solution plutôt que du problème. Le maréchal Abdel Fatah Al-Sissi, qui dirige officiellement l’Egypte depuis juin, conçoit la politique comme le ferait un officier du renseignement militaire, mais son élection – et, comme toujours, la peur du vide – suffit au monde extérieur pour lui donner un blanc-seing. A Bahreïn, la famille régnante n’a cédé sur rien, mais n’en subit aucune conséquence.

    La pratique du pouvoir qui se répand consiste à abandonner toute ambition de gouverner à l’échelle d’un Etat-nation. Les régimes n’essaient même plus de surmonter les clivages existant au sein de leurs sociétés, que ce soit par l’idéologie, le développement ou la répression. Ils investissent ces lignes de fracture, les exacerbent et recherchent le conflit. En radicalisant une partie de leur société, ils consolident leur position dans une autre et font l’économie de tout programme constructif : la crainte de ce qui pourrait les remplacer suffit à les maintenir au pouvoir. Ils tendent aussi à fragiliser le caractère national de leurs institutions en les privant de leur autonomie, de façon à se rendre indispensables. Ils vont ensuite se vendre à l’étranger, au nom de la « guerre contre le terrorisme » et forts d’une élection « démocratique » qui reflète le vote hystérique d’un pan de la société et le boycott funeste de l’autre.

    L’Irak donne une bonne idée de ce à quoi mène, à terme, une telle pratique du pouvoir. Reste à se demander : pourquoi diable entrer dans ce jeu ?

    par Peter Harling
    (17 juillet 2014)

    Notes

    [1Lire Feurat Alani, « Irak-Syrie, mêmes combats », Le Monde diplomatique, janvier 2014.

    http://www.cetri.be/spip.php?article3598&lang=fr

  • Fin de la violence à Gaza: Bruxelles Manifestation nationale! (Fgtb)

    brux.jpg

    Suite à la manifestation du 27 juillet, la Plateforme Urgence Gaza appelle à poursuivre les actions de protestation et à intensifier la pression sur le gouvernement israélien, le gouvernement belge et l'union européenne.

    C’est pourquoi nous appelons à la participation à la grande manifestation citoyenne du 17 août à Bruxelles afin de protester contre le blocus de Gaza et les actes de violence quotidiens. 

    Info pratique

    • Quand? dimanche 17 août, 14h
    • Où? Bruxelles, Gare du Nord, Rue du Progrès 76, 1030 Brussel

    Plateforme Gaza:

    Association belgo-palestinienne WB ; CNCD 11.11.11; 11.11.11 ; Agir pour la Paix ; AMBDH ; association marocaine des droits humains (AMDH Belgique) ; AntwerpForPalestine ; Artistes contre le Mur ; Association Culturelle Joseph Jacquemotte ; Association des Démocrates Tunisiens au Benelux ; Awsa-Be ; BDS-ULB ; Beweging.net ; Broederlijk Delen, Bruxelles Laïque ; CADTM Belgique ; Centrale Générale-FGTB ; CNAPD ; Comité de Vigilance pour la Démocratie en Tunisie ; Comité Verviers Palestine ; Comité PJPO de Braine l’Alleud, Comité PJPO de d’Ittre & Comité PJPO de Mazerine ; Comité PJPO de Nivelles ; Comité surveillance Otan (CSO) ; Communauté Palestinienne en Belgique et au Luxembourg ; Coordination namuroise belgo-palestinienne ; Conseil de la Jeunesse ; CSC-ACV Bruxelles Halle Vilvorde ; Ecolo J ; Parti ECOLO, EmBeM - Empowering Belgian Muslims ; Esperanza Palestina Namur ; Fédération Euro-Tunisienne pour une Citoyenneté Active (FETCA) ; Femmes Prévoyantes Socialistes ; FGTB-ABVV ; FOS-socialistische solidariteit vzw ; Groupe Proche-Orient santé ; Hope-Espoir- Hoop asbl ; Intal ; Jeunes Anticapitalistes ; Jeunes socialistes ; Jeunesse et Culture - Réseau solidaris ; Käthe Kollwitz Vredesloop collectief - Ieper ; LCR-SAP ; LEF-FGE ; Le Monde selon les femmes asbl ; Les Amitiés belgo-algériennes (LABA) ; Ligue Communiste des Travailleurs (LIT-QI) ; Ligue des Musulmans de Belgique ; Médecine pour le Tiers Monde (M3M) / Geneeskunde voor de Derde Wereld (G3W) ; Mouvement Chrétien pour la Paix (MCP) ; Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) ; Palestina Solidariteit ; Parti Communiste; Plate-forme Charleroi-Palestine ; Présence et Action culturelle (PAC) ; Pax Christi Vlaanderen ; PTB-PVDA ; SCI ; Secours populaire Wallonie-Bruxelles , Solidarité socialiste ; Solidarity with Bedouins ; Théâtre du Public ; ULDP ; Union des Musulmans de Namur ; Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB) ; VEGA ; ViaVelo Palestina ; Vie féminine ; Vrede vzw ; Vrouwen in het Zwart Leuven ...

    http://www.abvv.be/web/guest/actions-fr/-/action/2546007/&p_l_id=10625

  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

     
    Palestinian Pride : Intifada Galerie photo
     
    *
    ROSS Andrew - 28 March 2014
    *
    BENSAÏD Daniel - 1980
    *
    Israel Collective - 12 August 2014
    *
    NPA - 12 août 2014
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    WARSCHAWSKI Michel, THEVOZ Sylvain - 7 août 2014
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    GILARDI Paolo - 8 août 2014
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  • Le problème palestinien et le conflit israélo-arabe (Manifeste Matzpen 1967)

    Le dix-neuvième anniversaire de la création de l'Etat d'Israël aura lieu ce mois-ci. Durant ces dix-neuf années le conflit israélo-arabe ne s'est pas rapproché d'une solution.

    Le problème palestinien demeure une plaie ouverte au sein du Moyen-Orient ; une source incessante d'effusions de sang, de souffrances et d'injustices ; un lourd fardeau pesant sur les ressources économiques de la région ; un prétexte pour l'intervention impérialiste et l'agression militaire ; une menace grave pour la paix mondiale.

    Mais ce qui est particulièrement grave, c'est la situation des Arabes palestiniens, les victimes directes de la guerre de 1948 et de la collusion entre « les frères-ennemis » : Ben Gourion et Abdallah. La majorité des Arabes de Palestine ont été dépossédés de leurs foyers et de leurs terres durant la guerre de 1948 et après celle-ci, et ils vivent depuis lors comme réfugiés, dans les souffrances et la détresse, à l'extérieur d'Israël.

    Les dirigeants israéliens refusent catégoriquement de reconnaître leur droit élémentaire au rapatriement. Les Arabes qui sont restés en Israël sont victimes d'une sévère oppression économique, civique et nationale.

    Durant ces dix-neuf années, Israël a été un îlot isolé au sein du Moyen-Orient, un état qui n'est indépendant qu'au sens formel du terme, vu sa dépendance économique et politique des puissances impérialistes, spécialement des Etats-Unis. Il a servi continuellement d'instrument de ces puissances contre la nation Arabe et contre les forces progressistes du monde arabe. Ce rôle de la politique officielle israélienne s'est manifesté le plus clairement (mais ce ne fut pas la seule occasion) en 1956, lorsque le gouvernement israélien s'est joint à l'impérialisme anglo-français dans une collusion agressive contre l'Egypte, fournissant même à ces puissances le prétexte d'une intervention militaire.

    L'état de guerre et l'hostilité entre Israël et ses voisins arabes s'est poursuivi depuis dix-neuf ans et les dirigeants sionistes d'Israël n'ont aucune perspective réelle de modifier cette situation. La politique israélienne est dans l'impasse.

    La crise économique actuelle en Israël, qui a entraîné un chômage important chez les ouvriers et qui soumet les masses populaires à une pénible épreuve, souligne le fait qu'Israël ne peut continuer à exister longtemps sous sa forme présente, en tant qu'Etat sioniste, coupé de la partie du monde où il se situe.

    Ainsi la situation actuelle est contraire aux intérêts des masses arabes : Israël, sous sa forme actuelle, constitue un obstacle important à la lutte de ces masses contre l'impérialisme et pour l'unité socialiste Arabe. Le maintien du statu quo est également contraire aux intérêts des masses israéliennes.

    L'Organisation Socialiste Israélienne dans les rangs de laquelle se trouvent des Arabes comme des Juifs, estime que le problème palestinien et le conflit israélo-arabe peuvent et doivent être résolus dans une direction socialiste et internationaliste, prenant en considération les aspects spécifiques de ce problème complexe. Ce n'est pas un conflit ordinaire entre deux nations.

    Par conséquent il ne suffit pas d'en appeler à une coexistence basée sur la reconnaissance mutuelle des droits nationaux des deux peuples.

    L'état d'Israël est la conséquence de la colonisation jusqu'au boutiste de la Palestine par le mouvement sioniste, aux dépens du peuple arabe et sous les auspices de l'impérialisme. Le présent état d'Israël, sioniste, est aussi un instrument de la poursuite du "projet sioniste". Le monde arabe ne peut approuver l'existence en son sein d'un Etat sioniste dont l'objectif déclaré est non pas de servir d'expression politique à sa propre population, mais de tête de pont, instrument politique et destination de l'immigration des juifs du monde entier. Le caractère sioniste d'Israël est également contraire aux véritables intérêts des masses israéliennes, parce qu'il signifie que le pays se trouve dans une dépendance constante de forces extérieures.

    Nous estimons, par conséquent, qu'une solution du problème requiert la désionisation d'Israël. L'Etat d'Israël doit subir une profonde transformation révolutionnaire, de sorte que cet état sioniste (c'est-à-dire état des Juifs du monde entier) devienne un état socialiste représentant les intérêts des masses qui y vivent. En particulier, la « loi du retour » (qui accorde à tout juif du monde le droit absolu et automatique d'immigrer en Israël et en devenir un citoyen), doit être abrogée. Chaque demande d'immigration en Israël sera jugée à ce moment séparément sur ses mérites propres, sans discrimination aucune de nature raciale ou religieuse.

    Le problème des réfugiés arabes de Palestine est l'aspect le plus douloureux du conflit israélo-arabe. Nous sommes donc d'avis que tout réfugié qui désire retourner en Israël doit être mis en mesure de le faire ; dans ce cas, il devrait obtenir un rétablissement intégral dans tous ses droits économiques et sociaux. Les réfugiés qui choisiraient librement de ne pas être rapatriés devraient être intégralement indemnisés pour la perte de propriété et les souffrances personnelles subies par eux.

    En outre, tous les lois et règlements ayant pour objet d'exercer une discrimination envers la population arabe d'Israël, de l'opprimer et d'exproprier ses terres doivent être abrogés. Toutes expropriations et tous dommages (relatifs à la terre, à la propriété et à la personne) causés sous couvert de ces lois et règlements doivent être intégralement dédommagés.

    La désionisation d'Israël implique également que soit mis fin à la politique étrangère sioniste, qui sert l'impérialisme. Israël doit prendre une part active à la lutte des arabes contre l'impérialisme et pour l'établissement d'une unité socialiste arabe.

    La colonisation sioniste de la Palestine se différencie de la colonisation d'autres pays sous un rapport essentiel : alors que dans d'autres pays les colons ont fondé leur économie sur l'exploitation du travail des autochtones, la colonisation de la Palestine a été réalisée par le remplacement et l'expulsion de la population indigène.

    Ce fait a engendré une complication extrême du problème palestinien. Comme résultat de la colonisation sioniste s'est formée en Palestine une nation hébraïque avec ses propres caractéristiques nationales (langue commune, économie séparée, etc.). Qui plus est, cette nation a une structure de classe capitaliste ; elle se divise en exploiteurs et exploités, bourgeoisie et prolétariat.

    L'argument que cette nation s'est formée artificiellement et aux dépens de la population arabe indigène ne change rien au fait que cette nation hébraïque est maintenant existante. Ce serait une erreur désastreuse que d'ignorer ce fait.

    La solution du problème palestinien doit non seulement réparer les torts faits aux arabes de Palestine, mais également garantir l'avenir national des masses hébraïques. Ces masses ont été amenées en Palestine par le sionisme, mais elles ne sont pas responsables des actions du sionisme. Tenter de punir les travailleurs et les masses populaires d'Israël pour les péchés du sionisme ne peut résoudre le problème palestinien, mais seulement mener à de nouveaux malheurs.

    Ceux des dirigeants nationalistes arabes qui en appellent au Jihad [guerre sainte] pour la libération de la Palestine ignorent le fait que, même si Israël était vaincu militairement et cessait d'exister en tant qu'Etat, la nation hébraïque existerait encore. Si le problème de l'existence de cette nation n'est pas résolu correctement, une situation de conflit national dangereux et prolongé sera à nouveau créée, ce qui causera une effusion de sang et des souffrances sans fin et servira de nouveau prétexte à l'intervention impérialiste. Ce n'est pas une coïncidence que les dirigeants qui préconisent pareille « solution » s'avèrent également incapables de résoudre le problème kurde.

    De plus, il faut comprendre que les masses israéliennes ne seront délivrées de l'influence du sionisme et ne lutteront contre lui qu'à la condition que les forces progressistes du monde arabe leur présentent une perspective de coexistence sans oppression nationale. L'Organisation Socialiste Israélienne estime par conséquent qu'une solution véritable du problème palestinien requiert la reconnaissance du droit de la nation hébraïque à l'autodétermination.

    Autodétermination ne signifie pas nécessairement séparation. Au contraire, nous sommes d'avis qu'un petit pays pauvre en ressources naturelles, tel qu'Israël, ne peut exister en tant qu'entité séparée. Une seule alternative s'offre à lui : ou bien continuer à dépendre des puissances étrangères, ou bien s'intégrer dans une union régionale.

    Il s'ensuit que la seule solution conforme aux intérêts des masses arabes, comme des masses israéliennes, est l'intégration d'Israël en tant qu'unité dans une union économique et politique du Moyen-Orient sur la base du socialisme. Dans un pareil cadre, la nation hébraïque sera à même de mener sa propre vie nationale et culturelle sans mettre en péril le monde arabe et sans que sa propre existence soit menacée par les arabes. Les forces des masses israéliennes se joindront à celles des masses arabes dans une lutte commune pour le progrès et la prospérité.

    Nous estimons, par conséquent, que le problème palestinien, de même que d'autres problèmes essentiels du Moyen-Orient, ne peut être résolu que dans le cadre d'une Union du Moyen-Orient. L'analyse théorique et l'expérience pratique montrent toutes deux que l'unité arabe ne peut se former et exister de manière stable seulement si elle a un caractère socialiste.

    On peut donc résumer la solution que nous proposons par la formule : désionisation d'Israël et intégration de celle-ci dans une Fédération Socialiste du Moyen-Orient. Nous sommes d'avis que le problème de l'avenir politique des Arabes palestiniens devrait également être résolu dans le cadre décrit ci-dessus.

    Certains estiment que la justice exige la création d'une entité politique spéciale des Arabes de Palestine. Notre opinion est que cette question doit être décidée par les Arabes palestiniens eux-mêmes, sans ingérence extérieure. Cependant, nous pensons que ce serait une grave erreur de poser le problème de l'avenir politique des arabes palestiniens séparément et indépendamment de la question de l'union socialiste arabe. Les arabes palestiniens sont à présent aux premiers rangs de la lutte pour l'unité. Si on devait leur présenter un objectif séparé et indépendant, la cause de l'unité arabe pourrait en subir de sérieux dommages. De même, la création d'un petit etat arabe séparé n'est pas conforme aux intérêts de la nation arabe, y compris du peuple arabe de Palestine.

    Par conséquent, nous sommes d'avis que si les arabes de Palestine se prononcent pour la création d'une entité politique propre, les dispositions politiques et territoriales nécessaires devraient être prises dans le cadre de la formation d'une Fédération socialiste du Moyen-Orient. Les pays qui détiennent actuellement des portions du territoire de la Palestine — Israël, la Jordanie, et l'Egypte — devraient contribuer en particulier à un tel règlement.

    Nous en appelons aux forces socialistes révolutionnaires des pays arabes et des autres pays, afin qu'elles prennent en considération le programme présent qui est le nôtre, et entament une large discussion en vue de mettre au point une position commune sur les problèmes du Moyen-Orient.  

    Organisation Socialiste Israélienne

    Matzpen (La Boussole) 18 mai 1967

    https://www.marxists.org/francais/4int/suqi/1967/05/manifeste_matzpen.htm