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  • Pour une Assemblée constituante représentative des travailleurs et des opprimé·e·s (PST)

    http://dzactiviste.info/wp-content/uploads/2013/06/pts-algerie.jpg

    Algérie. Contre le nouveau Code du travail, la Loi sanitaire, l’adhésion à l’OMC,

    Alors que la rentrée sociale a été marquée par l’annonce de projets visant à l’accentuation du cours libéral à travers le projet du nouveau Code du travail [qui remet en cause le droit de grève, les libertés syndicales, généralise la précarité du travail, fait de l’UGTA le seul «partenaire social»], le projet de nouvelle Loi sanitaire [le Syndicat des praticiens de Santé publique a une position critique face à ces changements] et l’accélération du processus d’adhésion à l’OMC (Organisation mondiale du Commerce), les manifestations des policiers dans plusieurs villes [à Alger mardi 14 octobre, devant la Présidence et avant à Ghardaïa dès le dimanche 12 octobre] viennent rappeler la fragilité du consensus de façade entre les factions au pouvoir, illustré par le Quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika [après 15 ans à la présidence, «élu» avec 81,53% des suffrages en avril 2014, à l’âge 87 ans et bien qu’impotent], et les ravages sociaux des politiques libérales au sein même des sans-grade des corps constitués.

    Au-delà des revendications socioprofessionnelles et du droit légitime à constituer un syndicat, la mobilisation des policiers dénonce l’arrogance des barons importateurs, met en évidence l’échec de la politique répressive du pouvoir face aux contestations sociales et remet en cause leur hiérarchie synonyme de passe-droit et de népotisme. Mais ce droit de manifester doit être aussi reconnu aux autres catégories de la société.

    Le projet du nouveau Code du travail aggrave d’avantage l’exercice du droit syndical, du droit de grève et précarise le droit au travail par la généralisation de CDD [contrat à durée déterminée] et la remise en cause des acquis des travailleurs et travailleuses.

    Le projet de la nouvelle loi sanitaire menace de démanteler la médecine gratuite et ouvre la voie à la privatisation du secteur. L’adhésion à l’OMC est un gage du pouvoir de Bouteflika aux grandes puissances (France, Etats-Unis), qui participent, par le biais des sociétés étrangères, à la dilapidation des richesses nationales.

    Faut-il rappeler le rôle de ces sociétés (Saipem, Haliburton, SNC Lavain…) dans les scandales successifs de corruption à Sonatrach [Société Nationale pour la Recherche, la Production, le Transport, la Transformation et Commercialisation des Hydrocarbures; c’est une clé de voûte de l’économie algérienne] et ailleurs?

    Ces options constituent une attaque frontale contre les acquis des travailleurs et des masses populaires et hypothèquent l’avenir de notre pays et son indépendance. Ces projets prouvent que, même si Bouteflika est momifié, le pays est gouverné par le régime libéral de… Bouteflika.

    Les partis et les coalitions de l’opposition «démocratique», qui font partie du consensus libéral, sont trop préoccupés à quémander une quelconque transition pour participer au pouvoir. Ils ne revendiquent pas la souveraineté du peuple, source de toute légitimité.

    Les travailleurs et les masses populaires font tous les jours l’expérience de leurs luttes et ils savent que leur unité, leur solidarité et leur organisation indépendante sont la seule voie pour défendre leurs acquis et exiger une autre politique.

    Les militant·e·s de la classe ouvrière et le mouvement syndical sont appelés plus que jamais à unir leurs forces pour construire une convergence démocratique antilibérale et anti-impérialiste.

    • Mobilisons-nous contre le nouveau code du travail, la loi sanitaire !
    • Non à l’adhésion à l’OMC. Exigeons un débat national et démocratique!
    • Pour une assemblée constituante représentative des travailleurs et des opprimés!
    Publié par Alencontre le 20 - octobre - 2014
     
    Par le Parti Socialiste des Travailleurs (PST)
     
     
  • Syrie : Déclaration des détenues politiques dans la prison centrale de Damas (Adra)

    Notre peuple endure beaucoup de douleur en attendant la lumière de la nouvelle aube.

    Des maux qu’il subit, nous en souffrons dans un silence et un blackout prémédités.

    Aujourd’hui, nous allons parler au nom des sans-voix ; nous avons fait des statistiques approximatives qui peuvent contribuer à mettre la lumière sur notre situation pénible et nos souffrances quotidiennes.

    1- Le nombre de détenues politiques dans la prison centrale de Damas (prison d’Adra) est d’environ 500 femmes. Ce chiffre n’inclut pas le nombre des femmes détenues dans les sections de la sûreté estimé à quelques milliers, dont certaines sont maintenues en détention depuis plusieurs mois, bien que la loi en vigueur limite la phase de l’instruction à soixante jours.

    2- Le taux des détenues dans la prison d’Adra qui dépassent la cinquantaine : 30%

    3 - Le taux de femmes enceintes : 5%

    4- Le taux de natalité : 1 naissance par mois

    5- Le taux d’incapacités permanentes (handicaps) en raison de la torture dans les centres de la sûreté : 10%

    6- Le nombre de détenues souffrant de maladies incurables et de maladies dont le traitement est indisponible et qui sont négligées en raison du manque de médecins et la non-disponibilité permanente du médicament : 60%

    7- Le taux de celles qui ont bénéficié de la grâce publiée dernièrement : 10 % dont seulement une petit nombre ne dépassant pas les 3% ont été effectivement libérées.

    8- Le taux des détenues qui ont les moyens financiers pour engager un avocat : 20%, bien que l’avocat ne joue aucun rôle dans les tribunaux de la terreur excepté celui de rapprocher les délai du traitement du dossier.

    9- Le taux des détenues pouvant recevoir de la visite de parents et par conséquent la possibilité d’obtenir un peu d’argent nécessaire à leurs dépenses et besoins personnels ne dépasse pas 30%. Sachant que le coût minimum nécessaire pour un détenu est 5000 livres syriennes par mois.

    Sur ce, nous demandons :

    • Premièrement, le soutien médiatique sous toutes ses formes et de mettre la lumière sur notre situation inhumaine et illégale, puisque la plupart d’entre elles sont maintenues indéfiniment en détention par les juges des tribunaux de la terreur sans aucune justification légale, et d’autres ont vu leur libération refusée, exceptés pour certaines qui ont été en mesure de fournir d’importantes sommes d’argent dont la plupart d’entre nous sommes incapables de réunir.
    • Deuxièmement, le soutien pécuniaire et l’organisation de campagnes de secours au profit des nombreuses détenues qui ont passé plus d’un an en prison avec tout ce que cela suppose comme préjudice infligé à leurs familles et à leurs enfants ; et d’assurer une assistance à leurs familles. A savoir que certaines prisonnières surtout celles dont le conjoint est aussi détenu, se démènent même à l’intérieur de la prison pour collecter de petites sommes qui proviennent des aides et les envoie à leurs enfants qui n’ont aucun soutien.
    • Troisièmement, intensifier la pression internationale pour mettre la lumière sur le simulacre d’amnistie publié récemment et embarrasser le régime syrien pour le forcer à libérer toutes les détenues politiques.
    Collectif-10 octobre 2014 Damas

    https://www.facebook.com/Syria.SANA...

    * Traduction de l’arabe par Rafik Khalfaoui.

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article33301

  • Syrie. La Turquie ouvre la frontière pour rejoindre Kobané (Ouest France)

    La Turquie a pris des mesures pour aider les combattants kurdes d'Irak à rejoindre, via son territoire, la ville syrienne kurde de Kobané assiégée par les jihadistes.

    « Nous aidons les forces des 'pechmergas kurdes' à franchir la frontière pour aller à Kobané. Nos discussions à ce sujet continuent », a déclaré ce lundi le ministre turc des Affaires étrangères, Mevul Cavusoglu, lors d'une conférence de presse avec son homologue tunisien, Mongi Hamdi, sans donner d'autres précisions. Syrie - 11h43

    http://www.ouest-france.fr/syrie-la-turquie-ouvre-la-frontiere-pour-rejoindre-kobane-2917933

     

  • A Kobané, elles se battent pour nous (mâles compris) (SQ)

     
    Vivons, apprenons et combattons. Les femmes de Kobané sur le front des contradictions
    Dans une récente interview sur le front réalisée par la reporter australienne Tara Brown, une femme combattante kurde de l’YPJ (Unité de protection des femmes) a déclaré que l’Etat islamique était un ennemi de l’humanité. Pour elle et pour les femmes de sa brigade, Kobané est la frontière totale qui sépare la civilisation de la barbarie. Il y a quelque chose de troublant dans ces paroles parce que ce sont les mêmes qui, surtout depuis le 11 décembre 2001, ont prétendu justifier une guerre combattue sans frontières, de l’Afghanistan à l’Irak aux banlieues des villes américaines et européennes, au nom de l’enduring freedom d’un Occident menacé par le terrorisme mondial.
     
    Mais tout aussi troublant est le changement radical de perspective qu’imposent le contexte et la position de qui parle : si nous nous déplaçons des salles blindées du Pentagone à une terre de passage du Moyen-Orien nous n’avons plus devant nous un groupe d’hommes qui prétendent mener une guerre juste pour la liberté – y compris celle des femmes opprimées par l’intégrisme taliban – mais des femmes protégées seulement par de minces murs de pierre et par leurs propres armes qui combattent pour se libérer elles-mêmes. Mais cette observation ne suffit pas à calmer la sensation de trouble. Suffit-il vraiment que ce soit une femme qui prononce ces paroles pour changer leur signification, pour renverser un discours qui a véhiculé hiérarchies et oppressions et pour le transformer en chanson pour la liberté ? Le fait que ce soient des femmes qui embrassent les armes suffit-il à faire renoncer au pacifisme que nous avons soutenu devant l’invasion étatsunienne de l’Afghanistan, à nous faire reconnaître les raisons de la guerre ?
     
    Les rangs de l’Unité de protection du peuple comptent 45000 personnes, dont 35% de femmes. Près de 16000 guerrières contredisent pratiquement tout lien substantiel entre le sexe, la guerre ou la paix.
     
    Il s’agit, pour la majeure partie, de kurdes syriennes, mais chaque jour de nouvelles combattantes provenant de la Turquie et de la Syrie, pas seulement kurdes, s’unissent à celles du YPJ. Le détonateur de cette vague de recrutements a été la prise du Sinjar par une partie de l’Etat islamique, le 3 août dernier. Des milliers de femmes kurdes yézidi ont été capturées. Celles qui n’ont pas été tuées pour s’être rebellées ou avoir tenté de fuir et celles qui ne se sont pas tuées pour échapper à leur destin ont été violées, réduites en esclavages et vendues à des combattants et à des émirs dans le but de satisfaire leurs exigences sexuelles et les nécessités de produire et d’élever des martyres jihadistes.
     
    Des centaines d’enfants ont été capturés et renfermés dans des écoles coraniques pour être transformés en combattants. Derrière la haine déchaînée de l’IS à l’égard des femmes – soumises à des normes implacables qui règlent leur habillement et limitent leur mobilité, qui les déclarent « disponibles au viol » - il y a leur réduction en instruments de reproduction d’un ordre violemment patriarcal suivant une logique qui, toute extrémisée et confessionnellement orientée qu’elle soit, a un caractère terriblement mondial.
     
    A Kobané, se combat une « guerre de position » et cette définition n’a rien à voir avec les stratégies militaires.
    Le fait est que ce qui est en jeux, c’est aussi la place que les femmes occupent dans le monde et pour cela les guerrières des YPJ sont pleines d’orgueil d’avoir pris les armes, comme le sont leurs mères organisées dans le groupe Şehîd Jîn’. L’éthique du soin dont ces femmes sont porteuses prend des formes tout à fait imprévues pour qui, dans notre partie du monde, font du soin quelque chose qui concerne la vie et qui, par sa nature, nie la guerre. Mais à Kobané, la guerre est le choix obligé pour qui entend prendre soin de sa propre vie et de sa propre liberté, de la vie et de la liberté de ses camarades, de sa région, de ses idées.
     
    Interviewée par Rozh Ahmad, qui a réalisé un très beau documentaire sur le front de la Rojava, la mère d’une combattante, qui porte le voile, raconte : « deux de mes filles sont parties la même semaine. Une est entrée dans les YPJ, l’autre s’est mariée. Heureusement, je ne m’inquiète pas pour celle qui est dans les YPJ. Elles ont des bonnes idées et pour nous, c’est un honneur d’avoir une fille dans leurs rangs. Ma fille mariée va bien, mais je suis encore inquiète pour elle. » Cette mère ne dit pas quelle est son inquiétude mais nous pouvons l’imaginer d’après le récit de la fille combattante : « notre société ne considérait les femmes que comme de bonnes ménagères, les femmes étaient faites sur mesure pour les hommes et enfermées à la maison comme des esclaves. Maintenant, nous avons appris cette réalité amère. Maintenant nous avons changé : nous vivons, nous apprenons et nous combattons. Nous sommes maintenant des soldates (…) nous vivons pleinement notre différence. »
     
    Les femmes combattantes de Kobané, en premier lieu, sont différentes de ce qu’elles ont été. Les armes ont marqué un changement décisif par rapport à l’inépuisable continuité de la tradition et peut-être aussi par rapport à la « Charte du contrat social » de la Rojava, qui garantit aux femmes l’égalité et la participation active à tout organe d’autogouvernement. Il s’agit d’un changement qui est dû, dans une certaine mesure, à la poussée politique du PKK, dans l’ « idéologie » duquel se reconnaît pleinement le Haut conseil des femmes du mouvement de libération du Kurdistan. Comme l’explique Handan Çağlayan, la persistance d’habitudes comme le namus, l’obligation pour les hommes de surveiller les corps, les comportements et la sexualité des femmes, constituait une importante limite à la mobilisation de masse en faveur de la cause kurde. Le lien établi par Öcalan entre la libération des femmes et la révolution sociale (Woman and Family Question, 1992), ne peut en tout cas pas être lu exclusivement à la lumière de la « stratégie de mobilisation », mais doit être considéré aussi comme une réponse à une présence massive des femmes, y compris dans la guerre, à partir de la fin des années 80.
     
    En outre, l’absence de reconnaissance de la minorité kurde par la Syrie a produit chez les femmes un sentiment d’oppression et, avec lui, le sens de la possibilité et de la nécessité de la rébellion. C’est ce que raconte clairement à Rozh Ahmad une des combattantes interviewées : « nous autres jeunes filles kurdes, nous étions obligées à parler arabe entre nous à l’école. Nous kurdes, nous étions opprimées, l’Etat contrôlait complètement nos vies. Mais nous nous sommes toujours rebellées contre tout ça. » Au-delà de l’identification de ces femmes avec la cause kurde, il y a, toutefois, quelque chose de plus. Une d’elles raconte que, selon certains, les combattantes « sont coupées de la vie sociale » parce qu’elles ont pris les armes. A quoi elle répond avec orgueil que, avec ses compagnes, elle a « une vie beaucoup plus riche que ce qu’ils pensent ». Avec orgueil, une autre affirme que certains hommes, qui n’ont pas eu le courage de combattre, baissent la tête à leur passage. Quoique cela passe au second plan devant l’impressionnante résistance qu’elles sont en train d’opposer à l’IS, il semble que ces femmes portent en avant une bataille sur le front intérieur pour affirmer leur droit à conquérir la liberté. 
     
    C’est la participation à la guerre qui les a conduites à se sentir égales. Contre toute rhétorique nationaliste construite sur la « défense de nos femmes », les guerrières des YPJ ont commencé à se défendre elles-mêmes et ont accepté le risque de mourir, sans avoir pour cela une heureuse propension au martyre. Contre l’incrédulité de leurs pères et de leurs frères qui doutaient de leur force et bien au-delà de la reconnaissance formelle de leur égalité exprimée par la constitution de la Rojava, ces femmes ont démontré qu’elles avaient non seulement la force mais aussi le courage. Elles n’aiment pas la guerre, elles n’aiment pas tuer, elles n’aiment pas les armes et le répètent dans leurs interviewes. Une combattante raconte que nettoyer son fusil n’était pas après tout si difficile, mais que pour tirer elle a dû surmonter la peur. Chacune de ces femmes a combattu avant tout contre une part d’elle-même, sa propre « passivité », comme l’appelle l’une d’elle, l’ignorance ce que peut signifier « être une femme », pour aller sur le front de Kobané. Aucune d’elles n’était déjà libre, chacune d’elles a dû conquérir un bout de liberté.
     
    Convaincues que la guerre et la pratique de la violence ne sont pas le propres des femmes, certaines pourraient en arriver à nier que ces ces femmes soient vraiment des femmes. Il est déjà arrivé devant les images de Lynndie, la fière tortionnaire d’Abou Grahib. Entre elle et les combattantes de la Rojava, il y a un abîme, mais dans les deux cas, il est clair qu’il y a bien des manières d’être au monde comme femmes, au-delà de tout destin tracé dans l’ordre symbolique du père ou dans celui de la mère.
     
    Convaincues que l’égalité n’est rien d’autre que l’expression politiquement correcte de la perpétuation d’un pouvoir sexuel sur les femmes, d’autres pourraient voir en ces guerrières la reproduction d’un « modèle masculin » d’autonomie. Et pourtant, ces combattantes sont des femmes et combattent pour les femmes, contre un esclavage qui ne porte pas seulement les masques noirs de l’IS et de son fondamentalisme, mais qui, comme le rappelle l’une d’elles, arrive en Europe sous les dehors acceptables et colorés du capitalisme. Peut-être, alors, n’est-ce pas l’histoire de ces femmes qui serait inadaptée par rapport aux objectifs de la liberté féminine. Peut-être sont-ce les discours que les femmes et les féministes ont à leur disposition qui n’est pas à la hauteur de l’histoire des combattantes de Kobané. Il ne s’agit pas, évidemment, de faire de la lutte armée le paradigme de tout parcours de libération, ni d’oublier combien d’oppression et combien d’exploitation passent par l’égalité formelle. Mais on ne peut ignorer que, tandis qu’elles revendique d’être « une brigade uniquement de femmes qui vivent de manière complètement indépendantes », en combattant au front côte à côte avec leurs camarades hommes, ces femmes revendiquent et pratiquent l’égalité et enseignent quelque chose aux hommes.
     
    Il y a, en cela, quelque chose de profondément subversif, qui ne sera peut-être pas décisif du point de vue militaire mais l’est certainement du point de vue politique. Deux mille femmes, misérablement équipées et avec un faible appui international, donnent une contribution fondamentale à la défense d’une ville assiégée par 9000 djihadistes bien armés. Leur force – comme l’a rappelé la combattante des YPJ Xwindar Tirêj  — n’est pas dans les fusils mais dans la détermination. Bien sûr, leurs camarades hommes aussi sont déterminés, mais dans l’égalité féminine, il y a quelque chose de plus. C’est le visage et le corps de cette détermination qui terrorise les combattants de l’Etat islamique convaincus que, s’ils sont tués par une femme, ils n’iront pas au paradis. Ainsi, tandis que les miliciens de l’IF aspirent au paradis, les femmes de Kobané exigent de le ramener sur terre et, en le faisant, posent des questions vraiment dérangeantes au-delà de Kobané. Peut-être cela explique-t-il le silence fracassant de beaucoup de femmes et de féministes devant cette guerre et le rôle de l’Unité de protection des femmes. Peut-être est-il plus facile de se déclarer dans la guerre quand le rôle des femmes est celui de victimes, quand leur corps est un terrain de bataille, quand elles se font médiatrices et ambassadrices de paix, quand elles une parmi tant de genres qui subissent la discrimination et l’oppression fondamentaliste, quand elles peuvent être considérées comme la métaphore d’une vulnérabilité qui unit le genre humain et révèle les prétextes belliqueux de domination du sujet Mâle, Blanc et Occidental, quand les sujets post-coloniaux sont exotiques. Peut-être est-il plus difficile de prendre part à la guerre quand elle signifie admettre que les mêmes qui donnent la vie peuvent l’ôter à coups de mortier, que les mêmes qui incarnent la paix peuvent décider de s’armer et d’aller au front, que les mêmes qui devraient contester le pouvoir luttent pour prendre le pouvoir et le font en tant que femmes. Tandis qu’elles rient et tirent, tandis qu’elles se reposent et dansent en tenue de combat et foulards colorés, les femmes combattantes de Kobané semblent indiquer le point où chaque discours formulé jusqu’ici par des femmes et des féministes risque de s’effriter sur le front des contradictions. C’est pourquoi, plutôt que de se retrancher dans le silence, il vaut peut-être la peine d’écouter et d’essayer de comprendre l’enjeu global de la guerre des femmes de Kobané.
    Par Paola Ruban
     
     
     

  • Puissances locales, impérialismes, question kurde... Comprendre le Moyen-Orient (Npa)

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    Depuis des années, le Moyen-Orient s'affiche à la une de l'actualité : guerres impérialistes, lutte de libération nationale, soulèvements populaires...

    Le Moyen-Orient une zone stratégique pour les grandes puissances qui élaborent leur agenda : le grand Moyen-Orient des administrations étasuniennes, l'Union pour la méditerranée de l'Union européenne, la nouvelle stratégie géopolitique définie par la Russie après l'effondrement de l'URSS et ses satellites...

    Les États de la régions tentent, eux, de s'imposer comme « régulateurs » de la région, en complicité ou en compétition avec les impérialistes occidentaux. A cela s'ajoute la montée en puissance des courants islamiques fondamentalistes, militarisés et transnationaux.

    Le Moyen-Orient est aujourd'hui une région de guerres, et de luttes, « démocratiques » ou de « libération ». Le mouvement ouvrier, les organisations révolutionnaires, y sont très faibles et subissent une répression impitoyable, tant des États que des forces obscurantistes religieuses.

    L'objet de ce dossier est d'en donner quelques éclairages.

  • "Entre aspiration à un espace transnational et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles" (Npa)

    Analyse.  Entretien. Daoud est docteur en science politique et chercheur à Amman en Jordanie.

    Avec lui, nous revenons sur la situation du Moyen-Orient depuis la fin du « partage du monde » USA-URSS et la politique des grandes puissances depuis.

    Quelles ont été les conséquences de la fin du bipolarisme mondial USA-URSS sur la région ?

    La chute de l’URSS a eu des effets contradictoires sur le monde arabe. D’un côté, l’URSS s’était clairement désengagée, sous le mandat de Gorbatchev, des questions moyen-orientales. De plus, le rapport de l’URSS au monde arabe fut paré d’ambiguïté : soutien à la naissance d’Israël en 1948, pour, quelques années plus tard, favoriser le transfert d’armes tchécoslovaques à l’Égypte de Nasser, dans le cadre d’un conflit général entre l’Égypte nationaliste arabe et Israël.


    En dépit de ces contradictions, la chute du bloc soviétique a favorisé une crise générale des gauches arabes : des formations comme le Parti communiste libanais ou le Front populaire pour la libération de la Palestine ont perdu, à partir de 1989, une manne financière, et indirectement militaire, qui était bien réelle.

    Si la montée des courants islamistes précèdent clairement, dès le début des années 1980, la crise des gauches arabes, il est certain que l’abandon de l’aide soviétique au début des années 1990 a permis une inversion radicale du rapport de forces entre forces islamistes et mouvements de gauche.

    Y a t-il une relation entre les guerres actuelles et la division territoriale imposée par les impérialistes anglais et français avec les accords de Sèvres et Lausanne (1920-1923) ? Peut-on parler d’État-nation dans la région, dans le sens où des communautés de peuple décident de partager un « destin » national dans un espace géographique défini ?


    Les accords Sykes-Picot, en 1916, tout comme la conférence de San Remo, en 1920, associé à l’abolition du califat ottoman en 1924, ont permis une nouvelle définition des frontières dans le monde arabe. Clairement, l’ensemble des forces politiques du monde arabe, des nationalistes arabes baathistes et nassériens aux islamistes en passant par la gauche, ont porté jusqu’à aujourd’hui ce refus des frontières coloniales imposées à l’époque.

    Il y a encore aujourd’hui une réalité panarabe : elle se définit par une langue commune, présente dans les médias transnationaux arabes, par un attachement commun, du Maroc au Yémen, à la cause palestinienne. En même temps, une certaine réalité des États-nations s’est imposée : il y a bien un nationalisme tunisien, égyptien, des particularités nationales construites. Le monde arabe vit perpétuellement cette dialectique entre aspiration à un espace transnational qui n’est pas rêvé, et cristallisation autour d’identités nationales bien réelles.

    Depuis 1980 et l’Afghanistan, le bloc impérialiste occidental, et ses alliés locaux, ont favorisé l’émergence de groupes « militaires » idéologiquement religieux. Aujourd’hui, ces groupes, descendants de ces années d’affrontement entre les deux blocs, sont-ils toujours soumis à l’agenda occidental, ou bien ont-il leur propre agenda, contradictoire avec celui du bloc occidental ?

    Tout dépend ce qu’on entend par « groupes religieux armés ». Certains groupes religieux entretiennent un antagonisme continu avec les États-Unis, comme le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien. D’autres, anti-­américains autrefois, comme le mouvement islamiste Ennahdha tunisien, veulent aujour- d’hui un modus vivendi avec les États-Unis et l’Union européenne. Le dernier cas, plus complexe, est celui de la mouvance salafiste jihadiste : cette dernière, soutenue par les États-Unis dans les années 1980 lors de la guerre d’Afghanistan, s’est clairement retournée contre les États-Unis. La mouvance salafiste jihadiste, comme nous la connaissons actuellement en Syrie et en Irak, avec l’action de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), a son logiciel propre : communautaire, dirigé contre les chiites de la région, mais aussi anti-américain.

    Dans ce monde post bipolaire, comment comprendre l’agenda des puissances montantes, telles la Russie et la Chine, dans la région ?

    La Russie de Poutine articule deux discours : un discours néo-­tiermondiste, qui ferait de la Syrie de Bashar al-Assad et du Venezuela de Chavez et Maduro un axe clair face à la politique américaine, réveillant la politique bipolaire des années 1960 et 1970. D’autre part, la Russie de Poutine a établi des liens privilégiés avec Israël. Dans les deux cas, il faut lire la politique très pragmatique de Poutine comme la redéfinition progressive d’un nationalisme russe, malmené dans les années 1990 par la chute de l’Union soviétique.

    Concernant le Moyen-Orient, la politique chinoise est plus prudente, et moins en avant que celle de Poutine : ils s’alignent certes sur les positions de la Russie, en ce qui concerne le soutien au régime syrien et à l’Iran, mais avancent leurs cartes prudemment, n’ayant ni bases militaires dans la région, ni implantation politique historique.

    Quel est l’agenda particulier, dans les affrontements régionaux, de l’Iran ? Et des monarchies de la péninsule (Arabie saoudite / Qatar) ?


    La Syrie a cristallisé une politique des axes. On a pas un, mais trois axes, si ce n’est plus. Un axe Iran-Syrie soutenu par le Hezbollah libanais ; un axe Qatar-Turquie favorable à la chute du régime de Bashar al-Assad, soutenant certains groupes armés de l’opposition sur place ; un axe Egypte-Arabie saoudite soutenant d’autres formations de l’opposition syrienne.

    Concernant le premier axe, il participe à la résilience du régime de Bashar al-Assad. Concernant les deux autres, ils font partie de la tragédie de l’opposition syrienne, divisée en interne selon ses lignes d’alliances régionales, participant à son effritement.

    Les soulèvements populaires en Égypte, à Barhein, en Syrie, au Yémen, et dans une moindre mesure Jordanie... ont-ils comme facteur premier une dimension économique et sociale, ou bien faut-il intégrer à la réflexion d’autres facteurs ?

    La dimension économique et sociale est indéniable. Le modèle tunisien est central, notamment au travers du rôle central qu’a pu jouer un syndicat, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), dans le processus révolutionnaire.

    Il serait cependant très réducteur de réduire les révolutions arabes à un pur déterminisme socio-­économique. Les facteurs communautaires, religieux et géographiques, sont pleinement intervenus. À Bahrein, c’est majoritairement une politique chiite, discriminée socialement, qui s’est mobilisée. En Jordanie, la révolte des mouvements tribaux de l’est jordanien, contre les régions plus urbaines de l’ouest, fut centrale. La révolution yéménite butte sur une question encore insurmontable : celle de l’opposition entre Houthis (chiites) et populations sunnites.

    Pour conclure, partages-tu l’idée que pour l’impérialisme occidental, il s’agit d’empêcher toute existence d’une puissance étatique qui puisse concurrencer l’État d’Israël dans la région ?

    C’est là tout l’enjeu autour de l’Iran et de la Syrie. Le blocus américain sur l’Iran, malgré les dernières négociations, résulte depuis plus de trente ans d’une peur fondamentale : qu’une puissance régionale puisse concurrencer Israël en termes économique et militaire. C’est là tout l’enjeu autour du dossier nucléaire.

    Concernant la Syrie, la guerre civile à l’œuvre profite à tous les acteurs :

    un régime baathiste faible, tout comme une opposition syrienne faible, qui se combattrait encore dix ans dans un pays complètement et déjà détruit, ce qui empêche à terme l’émergence d’un État fort qui jouxterait les frontières d’Israël. C’est en somme la résultante de la théorie néo­conservatrice du chaos constructif.

    Propos recueillis par Marc Prunier

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • Repères. Scènes politiques du (des) Kurdistan (Npa)

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    Cette note a pour but de rappeler brièvement les composantes politiques des quatre parties du Kurdistan, ainsi que leurs dynamiques.

    La présence d’un bassin de peuplement kurde remonte à plusieurs millénaires, mais le traité de Lausanne en 1923 sacrifie l’idée d’un Kurdistan sur l’autel des intérêts occidentaux liés à la Turquie kémaliste naissante. Les Kurdes se retrouvent alors divisés sur quatre États : la Turquie, foyer de population kurde le plus important (15 à 20 millions), l’Irak (4 à 5 millions), la Syrie (3 à 4 millions) et l’Iran (5 à 6 millions). (Il y a des kurdes dans d'autres états, comme ceux de l'ex URSS et l'Europe de l'Ouest note du blog)

    Turquie


    La création de la République turque s’est accompagnée d’une sévère répression de la population kurde et de sa culture.

    En 1979 est créé le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). D’abord marxiste-léniniste et nationaliste, le parti change de direction après l’arrestation de son leader, Abdullah Ocalan, emprisonné depuis 1999 en Turquie. Aujourd’hui, la ligne politique du PKK et des organisations affiliées à l’idéologie d’Ocalan tient dans la mise en place d’un confédéralisme démocratique, où les entités locales sont autonomes et démocratiques et où l’économie est au service de l’humain et respectueuse de la nature.

    Le droit des femmes est également un axe majeur de cette idéologie, notamment par la codirection politique. La revendication d’un État-nation kurde n’est plus au programme du parti. Le KCK regroupe le PKK et des groupes partageant la même idéologie présents dans les autres zones Kurdes. PKK et KCK sont classés terroristes et traqués par les autorités turques. Le fragile cessez-le-feu en vigueur depuis 2013 risque de ne pas tenir devant l’inaction des Turcs face à l’attaque jihadiste en cours à Kobané.

    Depuis 1993, les Kurdes de Turquie ont le droit de créer des partis politiques pour défendre leurs intérêts et représenter le PKK. Ces partis sont régulièrement dissous. Le dernier en date est le BDP, Parti pour la paix et la démocratie, majoritaire dans les zones kurdes. En 2014, hors des zones kurdes, des dirigeants importants du BDP ont démissionné pour créer le HDP (Parti démocratique des peuples). Le HDP reprend les idées politiques du BDP, tout en englobant en son sein d’autres minorités de la société turque : Alévis, LGBT, etc. Enfin, si une partie importante des Kurdes de Turquie soutient le PKK et les partis affiliés, il existe aussi un électorat conservateur qui vote pour l’AKP, parti islamiste du président Erdogan ou pour Hüda-Par, le parti islamiste kurde minoritaire.

    Irak

    Le Kurdistan irakien est marqué par les guerres qui l’ont traversé. C’est là qu’est né en 1946 le PDK (Parti démocratique du Kurdistan) sous l’égide de Mustafa Barzani et de son clan. En 1975, l’UPK, Union patriotique du Kurdistan, fait scission avec le PDK.

    PDK et UPK ont tous deux lutté contre le régime de Saddam Hussein, arrivant à obtenir un Kurdistan autonome après la guerre du Golfe, puis se sont déchirés dans une guerre de pouvoir de 94 à 98.
    À l’heure actuelle, le Kurdistan irakien est divisé en deux : le nord sous contrôle du PDK, dirigé par Massoud Barzani, fils du fondateur, et le sud contrôlé par l’UPK dirigé par Jalal Talabani. Ce dernier a été poussé par les Américains à la présidence de l’Irak jusqu’en 2014. Barzani, lui, préside le KRG, Kurdish Regional Government.


    En 2009, un nouveau parti apparaît : Goran (« Changement »), mais malgré son nom, beaucoup le voient comme une pseudo-alternative. On trouve aussi de petits partis politiques : les islamistes de l’UIK et du GIK, et les minorités (dont le PC). Suite à la percée de l’État islamique, les Kurdes d’Irak ont étendu leurs zones de contrôle, notamment sur Kirkouk, et ont réclamé leur indépendance totale. Après la débandade de l’armée irakienne devant les jihadistes, l’Occident a choisi de les soutenir militairement, sans pour autant appuyer leur revendication.

    Le Kurdistan irakien reste très conservateur.

    Le clientélisme partisan et la corruption sont de mise, ainsi que le fonctionnement clanique, cela malgré un vernis démocratique. L’économie est ultralibérale. L’argent apporté par la manne pétrolière a été dilapidé dans des investissements hasardeux et a amené à un abandon progressif de toute forme de production alimentaire ou énergétique locale, conduisant la zone à devenir dépendante de la Turquie et de l’Iran. Les investissements occidentaux ont été accueillis les yeux fermés. Mais la puissance médiatique du Kurdistan irakien lui permet de travailler son image. Suite au cessez-le-feu avec le gouvernement turc, les combattantEs du PKK se sont réfugiés dans leur bastion des montagnes du nord de l’Irak. Leurs relations avec le PDK sont très mauvaises.

    Iran

    Aujourd’hui, c’est en Iran que les Kurdes subissent le plus de discriminations. Leurs droits civils et politiques sont régulièrement bafoués. Le taux de chômage des Kurdes avoisine les 50 %, engendrant nombre de problèmes sociaux. Régulièrement, des militantEs sont arrêtés et exécutés. Les Kurdes d’Iran ont une représentation politique via le PDKI, le Parti démocratique du Kurdistan iranien, issu du mouvement de Barzani. Dans les montagnes à la frontière irakienne, une guérilla issue du PKK, le PJAK, continue à se déclarer en lutte contre l’Iran, et cohabite avec le Komala, un parti à l’idéologie marxiste devenu aujourd’hui sociale-démocrate. Le parti communiste-ouvrier d’Iran comprend aussi un courant nationaliste kurde.

    Syrie

    En Syrie, sous Bashar al-Assad, les Kurdes étaient soumis à une politique de répression et de discrimi- nation. La guerre civile fut une opportunité pour eux de prendre leur destin en main. Le Kurdistan syrien (appelé Rojava) est composé de trois cantons situés au nord de la Syrie, le long de la frontière avec la Turquie : Afrin à l’ouest, Kobané au milieu, Jezireh à l’est. 10 % des Kurdes syriens vivaient dans la banlieue de Damas.

    Rojava est divisée entre deux coalitions. Le PYD, ou Kurdish democratic union party, affilié au PKK et ses alliés, se sont regroupés fin 2013 au sein du People’s council of western Kurdistan et ont déclaré la formation d’un gouvernement autonome de transition dans les trois cantons, avec la mise en place d’administrations locales, dirigées chacune par un Premier ministre et constituées de représentants des divers partis alliés au PYD, ainsi que des minorités (syriaques, arabes...).

    Le KNC, Kurdish national council, a été fondé sous l’égide de Barzani et est composé de l’aile syrienne du PDK, le PDKS et de ses alliés. Le KNC ne reconnaît pas la légitimité de l’administration locale des cantons et n’y participe pas, malgré l’offre qui leur a été faite. Il a préféré miser sur l’opposition syrienne en intégrant fin 2013 le Conseil national syrien (CNS). Ce rapprochement est une divergence importante entre les deux partis car le CNS est proche de la Turquie, et s’oppose donc aux projets d’autonomie des Kurdes. Le KNC accuse le PYD de vouloir la mainmise sur les zones kurdes, mais sans proposer de réelles alternatives.

    Le PYD travaille activement à une reconnaissance internationale. Confronté aux assauts incessants des jihadistes et à un embargo, Rojava a un besoin urgent d’aide humanitaire et militaire, mais la proximité politique avec le PKK braque les puissances occidentales.

    Yann Renoult


    Photographe reporter qui a vécu plusieurs mois en 2014 entre le Kurdistan syrien et irakien. Reportage photo : http://cargocollective.com/yannrenoult/Syrian-Kurdistan-towards-autonomy

    http://npa2009.org/arguments/puissances-locales-imperialismes-question-kurde-comprendre-le-moyen-orient

  • « L’État islamique a déjà perdu la bataille de Kobanê » (AL)

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    Dans une interview donnée le 17 octobre au journal turc prokurde Özgür Gündem, et reproduite par le site web anglophone Rojava report, Mehmûd Berxwedan, du commandement général des YPG, explique pourquoi l’État islamique (Daech) a, selon lui, « déjà perdu » la bataille de Kobanê.

    Mehmûd Berxwedan est un officier des Unités de protection populaire (YPG), proches du PKK, qui défendent Kobanê face à Daech.

    Dans le cadre d’une interview donnée à un journal sympathisant, il lui est certes impossible de paraître pessimiste, et il faut donc rester prudent quant à certaines de ses déclarations triomphalistes. Néanmoins, un certain nombre de ses analyses sont intéressantes, et renforcent l’idée que tout n’est pas perdu à Kobanê.

    Ses déclarations reflètent également le nécessaire pragmatisme du combattant dos au mur, prêt à accepter toute aide d’où qu’elle vienne, y compris des puissances impérialistes arabo-occidentales.

    L’essentiel de ses déclarations, en six points.

    Pourquoi tant de haine ?

    Daech a déjà essayé de s’emparer de Kobanê en juillet 2014. La bataille a duré un mois, et s’est soldée par la défaite des djihadistes. Pour Mehmûd Berxwedan, avec cette deuxième tentative, Daech poursuit des objectifs autres que purement géostratégiques. Certes, la ville est enclavée, ce qui facilitait son attaque, mais ce n’est pas seulement pour cela qu’elle a été ciblée : « La révolution du 19 juillet [2012] dans la Rojava a débuté à Kobanê, qui est devenue un symbole de résistance et de liberté. […] Pour cette raison, Kobanê entrave les plans de certaines puissances régionales et internationales, qui redoutent que les Kurdes expriment leur propre volonté. » Une allusion limpide à la Turquie. « Ils pensaient qu’ils pourraient briser la volonté de Kobanê et s’en emparer assez vite. Mais ils n’ont pas atteint leur but. Finalement, ils ont pris conscience que malgré la concentration de leurs forces ici, ils n’y parviendraient pas. […] Nous estimons que Daech a amassé ici près de 70 % de ses combattants. »

    « Nous avions décidé de livrer la véritable bataille dans la ville. Nous voulions que le tournant se joue là. »

    La tactique des YPG-YPJ. Mehmûd Berxwedan explique que cette 2e bataille de Kobanê a en fait connu plusieurs phases successives. Dans un premier temps, Daech s’est emparée de dizaines de villages autour de la ville, en attaquant « sur 4 ou 5 fronts simultanément », selon une technique habituelle chez eux, avec des tanks, de l’artillerie, des mortiers et des armes lourdes. « Bien sûr ils pensaient que les choses se passeraient comme à Mossoul [en Irak] et dans les autres régions qu’ils occupent, et que Kobanê tomberait en quelques jours. En fait, ils tablaient sur une semaine. C’est à peu près ce que pronostiquaient aussi la Turquie et d’autres puissances. »

    En réalité, il leur a fallu trois semaines pour atteindre les abords de la ville. Les YPG-YPJ ont défendu les villages, le temps d’évacuer la population civile, mais ont préservé leurs forces en se repliant progressivement en bon ordre. « Les djihadistes pensaient détruire l’essentiel de nos forces dans les villages avant d’entrer en vainqueurs dans la ville, en brandissant leurs armes, explique Mehmûd Berxwedan. Nous avions décidé de livrer la véritable bataille dans la ville. Nous voulions que le tournant se joue là. »

    Le retour de l’espoir. Durant ces trois semaines, le président turc Erdogan, de nombreux États et le monde entier ont pensé que la chute de Kobanê était imminente. « Pendant que tout le monde se fondait sur cette hypothèse, nous brisions Daech. Un mois a passé. Nous entamons le second mois. Ça a été une résistance historique. […] Cela fait trois jours qu’ils n’ont pas avancé d’un pas. Depuis trois jours, nous n’avons pas reculé, et nous regagnons même du terrain. Daech est fini. Ils sont fatigués. Leurs forces les abandonnent. […] Durant ce premier mois nous avons résisté. Dans ce second mois, nous allons détruire Daech à Kobanê. Nous n’ambitionnons plus seulement la résistance, mais la victoire. »

    Le moral des djihadistes. Selon Mehmûd Berxwedan, Daech a d’ores et déjà épuisé ses meilleures troupes, et fait appel à ses réserves, peu formées et d’une moindre valeur sur le terrain. « Nous avons vu pas mal de gamins auxquels ils avaient donné une arme. Récemment ils ont enrôlé des femmes dans ce qu’ils appellent les Unités féminines (Ketibe-i Unsa). A présent ils font appel à des renforts de plus en plus lointains. Malgré tout cela, ces trois derniers jours, nous avons brisé leur moral. […] Ni leurs camions kamikazes ni leurs autres armes n’ont été d’aucune utilité. Et pour cause : cette ville est notre ville. Nous en connaissons chaque rue, chaque avenue. Nous savons d’où ils vont venir, et où les frapper. […] Depuis hier, nous avons repris 5 ou 6 quartiers. Et sur le front ouest, nous les avons repoussé hors de Kobanê. »

    L’attentisme de la Turquie. Récemment, des roquettes tirées par Daech se sont abattues sur le territoire turc. Mehmûd Berxwedan pense que c’est un pur accident : « Daech ne frapperait pas volontairement son partenaire. » La non-réaction turque est elle-même très parlante : « Si c’est nous qui avions tiré, ne serait-ce qu’une balle en direction de la Turquie, quel enfer ça aurait été ! »

    Les bombardements arabo-américains. La coalition dirigée par Washington pensait que la ville tomberait en une semaine. Au bout de 15 ou 20 jours, la durée de la résistance lui ôtant tout prétexte pour ne pas agir, elle s’est finalement décidé à bombarder les assaillants de Kobanê. Dans un premier temps, elle l’a fait à l’aveugle, ne daignant pas prendre contact avec les YPG-YPJ. A présent, explique Mehmûd Berxwedan, la communication a été établie et, « depuis 10 jours », l’aviation de la coalition « joue un rôle important, en coordination avec les YPG. Ils travaillent très efficacement. Jusqu’ici, il n’y a pas eu d’erreur ni de bavure ». Jouant sur les contradictions entre la Turquie et les États-Unis, le commandant YPG réclame à présent que la coalition aille plus loin, et leur livre franchement des armes : « Si la coalition formée contre Daech veut vaincre, elle doit fournir des armes à ceux et celles qui se battent au sol. Et les forces qui combattent au sol, ce sont les YPG-YPJ. […] Les combattants qui veulent nous rejoindre devraient y être autorisés. Or la Turquie ne l’autorise pas. […] Il faut faire pression sur la Turquie pour qu’elle ouvre un corridor. »

    Transcription et commentaire : Guillaume Davranche (AL Montreuil)

    Lire aussi:

    http://www.lcr-lagauche.org/la-question-kurde-en-turquie-une-cle-de-la-guerre-en-cours-au-moyen-orient/

    http://alternativelibertaire.org/?L-Etat-islamique-a-deja-perdu-la

  • Belfast et Derry

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