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  • Cherif El Hachemi (1939-2005)

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  • Une famille syrienne à Brest (Ouest France)

    syrians

    Brest. Les chrétiens attendent une famille syrienne

    L’association oecuménique brestoise SOS réfugiés du Moyen-Orient a tout prévu pour accueillir une famille de cinq personnes. Il ne manque plus que les autorisations, qui tardent à arriver…

    Entretien

    Vous avez affiché samedi une banderole sur la façade du temple de Brest…

    C’est une campagne nationale spécifique à notre Église réformée que nous relayons au niveau local. C’est une manière de rappeler au gouvernement l’engagement qu’il avait pris pour l’ac- cueil des réfugiés. Parallèlement, nous nous sommes engagés ici à tendre la main à ceux qui en ont besoin, via l’association œcuménique brestoise SOS réfugiés du Moyen-Orient qui rassemble des protestants, des catholiques et toutes personnes de bonne volonté.

    Pensez-vous que les promesses n’ont pas été tenues ?

    Il est certain que cela a pris beaucoup de retard par rapport à ce qui avait été annoncé. Ainsi, à Brest, nous avons fait le nécessaire pour accueillir une famille, mais tout est bloqué depuis plusieurs semaines car nous attendons les autorisations qui doivent être données par le consulat. Nous n’avons plus d’interlocuteur direct. Par des membres de nos églises, nous savons que de nombreuses associations en France sont, comme nous, dans des impasses.

    Où se trouve actuellement la famille qui doit venir à Brest ?

    Il s’agit d’un couple et de ses trois enfants de 9 à 15 ans. Nous avons leur nom. Ils ont pu nous envoyer une photo. Ils sont réfugiés dans la ville d’Erbil, au Kurdistan irakien (1). Dans un dernier message, ils nous ont donné des nouvelles et demandé si nous avions fait avancer leur dossier. Nous avons compris que pour eux là-bas, la vie n’est vraiment pas facile…

    Qu’est-ce qui a été prévu pour les accueillir ?

    Nous avons mobilisé nos réseaux. Concrètement, nous avons trouvé un appartement et nous sommes prêts à collecter des fonds pour régler le loyer. Nous avons un interprète. Par nos églises, nous sommes bien renseignés sur toutes les démarches administratives à effectuer. L’idée est de les soutenir au moment où ils en ont besoin, de les accueillir quelque temps ici avec l’idée qu’un jour ils pourront repartir chez eux, lorsque cette période troublée sera passée. Sabine NICLOT-BARON 29/07/2016

    (1) Plusieurs camps accueillent, autour de la petite bourgade d’Erbil, des dizaines de milliers de réfugiés, principalement chrétiens.

    http://www.ouest-france.fr/bretagne/Brest-les-chretiens-attendent-une-famille-syrienne

  • Comment remettre la Syrie sous nos yeux ? (Anti-k)

     

    « Nos » morts, si proches ; « leurs » morts, si lointains…

    La Syrie connaît une tragédie humanitaire peu relayée en France. Les associations invitent les médias à échapper à la loi du mort-kilomètre pour ne rien occulter du conflit.

    Quatre jours après l’attaque au camion qui a fait 84 morts sur la promenade des Anglais, à Nice, au moins 56 syriens dont onze enfants ont péri sous les bombes de la coalition. Selon le quotidien Le Monde, il s’est agi de « la plus grosse bavure commise par la coalition internationale alliée contre l’État islamique depuis son entrée en action dans le ciel, en septembre 2014 ».

    Alors que la stratégie terroriste de l’ÉI est au centre de l’actualité, la couverture médiatique des bombardements du 18 juillet se résume au minimum, comme l’a souligné Arrêt sur images dans un article intitulé « Syrie : Bombardement de civils, discrétion des médias français ». Dans le viseur du site de décryptage de l’actualité des médias, les chaînes de télévision françaises. Sur France 2, un duplex depuis Washington, où se tenait une réunion internationale autour de la résolution du conflit, a suffi à traiter le sujet. Aucune image des bombardements, ni de chiffre sur le nombre de morts.

    Informer à distance

    « On essaye de comprendre les logiques du conflit », explique Christophe Ayad, rédacteur en chef au Monde, spécialiste du Proche-Orient. Le quotidien a été le premier à qualifier comme telle la bavure de la coalition internationale, le lendemain des bombardements. Une analyse effectuée à distance par les journalistes Allan Kaval et Benjamin Barthe (correspondant à Beyrouth, au Liban). À cause du risque d’enlèvement, la rédaction n’envoie plus de journaliste sur place depuis 2013. Cette année, six journalistes ont été tués en Syrie et neuf sont emprisonnés, selon le recensement de l’organisation Reporters sans frontières. Christophe Ayad explicite :

    « Je ne veux pas voir un de mes journalistes sur une vidéo de revendication de Daesh. »

    Les témoignages sont recueillis par Skype depuis la France ou bien grâce à des contacts qui vivent entre la Turquie et la Syrie. Un processus long qui complique la couverture journalistique des dégâts sur la population civile. Avec ou sans ces témoignages, la priorité du quotidien est « de faire de l’information », loin des polémiques qui touchent les chaînes télévisées.

    Sortir de l’indifférence

    Journaliste indépendant d’origine syrienne et photographe reconnu, Ammar Abd Rabbo raconte que les rédactions mettent souvent en avant la fameuse « loi du mort/kilomètre » pour expliquer la faible couverture des drames syriens. Selon cette règle informelle connue aussi sous le nom de « mort kilométrique », l’éloignement géographique accompagne l’éloignement affectif. « Mais hélas, même ce rapport n’est pas vrai, nous sommes dans un autre rapport à la vie des civils, que l’on pourrait assez grossièrement ramener aux civils blancs et riches », explique-t-il en précisant :

    « Une dizaine de morts à Atlanta ou à Miami auront beaucoup plus de couverture qu’une dizaine de morts à Alger ou en Irak, alors que ces villes sont géographiquement bien plus proches de nous. »

    Et de reprendre la phrase de l’écrivain George Orwell dans La Ferme des animaux (1945) : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres ». Une façon de pointer du doigt l’inégalité criante entre le traitement médiatique des victimes. La concomitance avec la tragédie de Nice a cruellement mis en avant le fossé qui sépare la France de la Syrie. « Les morts syriens ne sont qu’un chiffre, il n’auront jamais de visage ni de nom dans nos médias », regrette Ammar Abd Rabbo. Qui accuse :

    « Ces comportements, cet aveuglement, ces trahisons de nos idéaux et de nos principes, c’est aussi ça qui fournit le carburant de Daesh. »

    À l’image de ses séries de photographies sur Alep réalisées entre 2013 et 2014, Amar Abd Rabbo revendique la narration de la tragédie des civils syriens comme arme contre la propagande de l’État islamique. Un point de vue militant peu audible dans le paysage médiatique français.

    Les réseaux sociaux, espace de compensation

    En parallèle du travail journalistique, les réseaux sociaux accueillent images et vidéos amateur en provenance de Syrie. Parmi elles, une vidéo postée par l’ONG française Syria Charity sur Facebook, le 20 juillet, devient virale. La page de l’association propose de « plonger trois minutes au cœur de l’urgence et des bombardements à Alep », ville sinistrée et assiégée située à cent kilomètres des zones bombardées par la coalition dans la nuit du 18 au 19 juillet. Les images sont filmées à l’aide d’une caméra fixée sur le casque d’un des ambulanciers. En immersion, le petit film débute quelques instants après une frappe aérienne. Un projectile venu du ciel brise la vitre de l’ambulance affrétée par l’ONG. Devant eux, un épais mur de poussière dans lequel les brancardiers avancent pour y découvrir un homme blessé, rampant vers la civière.

     

    Un document exceptionnel et inédit sur le dénuement dans lequel est plongé la ville. En une semaine, la vidéo est regardée 4.500.000 fois et partagée par plus de 73.000 personnes. À titre de comparaison, l’article du Monde consacré à la bavure a été partagé 29.000 fois, dans le même laps de temps.

    Voir la réalité du terrain

    Malgré ce retentissement, Mohammad Alolaiwy, président de Syria Charity, regrette une absence presque totale de communication avec les médias français. Lorsque l’hôpital mère-enfant de l’ONG est bombardé en février, il affirme avoir contacté plusieurs titres de presse pour leur proposer les photos et vidéos de la catastrophe, en vain [1]. « Le traitement médiatique est ultra-focalisé sur Daesh alors que le vrai problème de la Syrie, c’est le problème humanitaire », estime Mohammad Alolaiwy. Il regrette que les acteurs humanitaires ne soient pas invités dans les émissions consacrées à la Syrie, mais élargit la perspective :

    « Je pense que les réseaux sociaux sont là pour compenser, voire corriger un traitement médiatique dans lequel on ne voit pas assez la réalité du terrain. »

    L’association loi 1901 a été fondée par des franco-syriens, en 2011, au moment où la révolution basculait dans la guerre civile. Syria Charity, subventionnée par le ministère des Affaires étrangères et les Nations unies, est l’une des principales associations à pourvoir l’intérieur du pays en aide humanitaire et médicale. Longtemps restée confidentielle, sa page Facebook, son principal outil de communication, est suivie par plus de 600.000 personnes. Un succès assez récent, que Mohammad Alolaiwy attribue en partie au mouvement de compassion né après les attentats du 13 novembre 2015 :

    « Les gens ont partagé un instant la réalité vécue par les civils syriens. Je pensais qu’ils allaient se renfermer. Ce fut le contraire. »

    Une surprise qui lui a donné espoir. Mercredi, Le Monde, La Croix et BFMTV ont décidé de ne plus montrer le visage des terroristes pour éviter de participer à la propagande de l’Organisation de l’État islamique. Un espace s’est libéré, à nous de le remplir avec les visages des vivants et des morts du conflit syrien.

     28 juillet 2016  Regards  Emma Donada

    [1Le bombardement de l’aviation russe a tout de même été traité par Le Monde, et « Les observateurs » de France 24.

    http://www.anti-k.org/Comment-remettre-la-syrie-sous-nos-yeux

     

  • Comment j’ai été contraint de «passer aux aveux» sous la torture en Égypte (Amnesty)

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    Omar Mohammed Ali et deux de ses amis ont été enlevés dans la rue l’an dernier, en Égypte. Contraint sous la torture de faire des « aveux » devant une caméra, Omar Mohammed Ali a été condamné à l’emprisonnement à vie. Sa famille a fait appel. Il décrit la manière dont il a été poussé à bout par des agents des services de renseignement militaires.

    J’avais à peine pénétré dans le bâtiment des services de renseignement militaires que des agents m’ont entouré et ont commencé à me frapper. Je suis ensuite resté les mains menottées dans le dos jusqu’à ce que j’entende la prière de l’aube. C’était l’aube du mercredi. L’officier en chef n’arrêtait pas de me poser des questions sur ma vie privée, depuis le jour de ma naissance. J’ai de nouveau été roué de coups, et puis il m’a dit : « Je vais te laisser, mais je reviendrai m’occuper de toi dans la matinée. »

    Je suis resté là jusqu’à l’après-midi, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre m’appelle. Un autre fonctionnaire a commencé à me frapper avec un gros bâton. Il me l’a mis sur les organes sexuels et il m’a frappé à la tête. Il m’a également donné des coups avec les jambes et les mains, ainsi qu’avec un câble de faible section. Les coups ont redoublé quand il a appris que mon père était mort à Rabaa, et il a demandé à plusieurs de ses subalternes qui étaient présents dans la pièce de me déshabiller. Ils m’ont retiré tous mes vêtements, y compris mon slip.

    Ils m’ont fait asseoir sur une chaise, m’ont attaché les mains derrière le dos et les ont reliées à une barre de fer. Puis ils ont retiré la chaise et je me suis retrouvé suspendu en l’air. L’officier m’a donné des coups de bâton et de câble tandis que j’étais dans cette posture. Ils m’ont également mis debout sur la chaise, avant de la retirer brusquement.

    Ensuite, ils m’ont envoyé des décharges électriques dans les organes sexuels. Ils m’ont frappé le dos avec un chiffon enflammé, ce qui m’a occasionné des brûlures, puis ils ont recommencé à m’envoyer des décharges électriques. Je me suis mis à crier encore plus fort et l’officier leur a dit : « C’est bien, c’est ce qu’on veut. Vous pouvez le descendre, maintenant. » Ils m’ont allongé sur le sol, les bras en croix. Ils se sont assis sur mes mains et sur mes jambes et ont continué à m’administrer des décharges d’électricité dans les parties génitales, pendant environ une heure.

    Après, l’officier a dit à ses subordonnés  qu’ils pouvaient me laisser me rhabiller. Je ne pouvais plus du tout bouger mon bras, alors ils m’ont rhabillé et m’ont emmené dans une autre pièce. Un type s’est mis à me donner des coups de câble à la tête et dans le ventre. Je suis resté comme ça dans cette pièce ; de temps en temps, quelqu’un entrait et me frappait. Cela continué jusqu’à la prière du petit matin. Après, ils m’ont laissé dormir jusqu’au lendemain.

    Le jeudi, on m’a apporté un bout de fromage et une miche de pain. Je suis resté menotté, les yeux bandés, jusqu’au mardi suivant. Ce jour-là, on m’a fait monter dans un minibus et on m’a conduit, à deux minutes de là, dans un autre bâtiment, où on m’a tendu deux feuilles de papier, en me demandant d’en apprendre le contenu par cœur. On m’a dit de me mettre devant la caméra et de réciter ce que j’avais lu, qui était censé constituer des « aveux ». On m’a filmé, puis on m’a ramené dans ma cellule, où je suis resté jusqu’au vendredi.

    Les « aveux » filmés de Omar Mohammed Ali ont été utilisés à charge lors de son procès, qui a eu lieu un peu plus tard, bien que le procureur militaire et un agent des services de renseignement lui aient dit qu’ils le savaient innocent. L’un d’eux lui aurait même confié : « Je sais que tu es accusé à tort. » Omar Mohammed Ali a été condamné en mai dernier à l’emprisonnement à vie, en compagnie de 12 autres  co-accusés ; huit autres personnes ont été condamnées à mort. Ces condamnations ont été prononcées par un tribunal militaire égyptien à l’issue d’un procès totalement contraire aux normes d’équité. Les juges se sont notamment fondés sur d’autres « aveux » extorqués sous la torture. Amnesty International demande que tous les condamnés soient rejugés dans des conditions équitables et que des enquêtes indépendantes soient ouvertes sur toutes les allégations de torture.

    Omar Mohammed Ali,

    Pour en savoir plus :

  • Quatre régions, quatre autorités en Syrie (Orient 21)

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    La Syrie en guerre est actuellement divisée en quatre régions principales, contrôlées respectivement par le régime, l’organisation de l’État islamique (OEI), les Kurdes et différents groupes de l’opposition. Il existe à présent une grande variété d’administrations locales autonomes et l’essentiel de l’activité économique s’est déplacé vers la zone côtière. C’est cette situation et ses conséquences qu’il faudra affronter lors du règlement du conflit.

    Avant l’insurrection, la Syrie pouvait être divisée en deux régions. L’ouest du pays, qui comprend l’axe Damas-Alep et inclut les principales grandes villes de la zone côtière, constituait la partie la plus développée tandis que le sud (les provinces de Deraa, berceau de la révolte, Quneitra et Soueida) et l’est (Deir ez-Zor, Hassakeh et Rakka) étaient plus démunies, selon les indicateurs socio-économiques.

    Il y avait cependant des exceptions à ce tableau.

    Ainsi, la province d’Idlib comptait parmi les plus pauvres. À majorité rurale, elle avait été détachée d’Alep en 1958 afin d’affaiblir la métropole du nord et deuxième ville du pays. De même, les niveaux de développement économique et social dans la campagne autour d’Alep étaient faibles. De fait, la fracture ville/campagne dans la province d’Alep est la plus criante du pays.

    Dans le même temps, les provinces orientales sont les plus riches en ressources naturelles. Le pétrole est extrait dans les champs autour de Rakka et Deir ez-Zor et à la frontière nord-est de l’Irak. Le blé, l’orge et le coton — trois cultures stratégiques — sont cultivés dans ces régions, également les plus riches en ressources minérales grâce notamment aux eaux de l’Euphrate qui descend de la Turquie et arrose l’Irak après avoir traversé la Syrie. En conséquence, les régions riches en ressources naturelles ne tiraient qu’un bénéfice limité de leur sol.

    La Syrie était gouvernée par un État central relativement fort. Les institutions étaient actives, le gouvernement continuant d’offrir ses services (scolarisation, éducation, etc.), d’investir dans l’infrastructure et de fixer les prix de certains produits de consommation (pain, gazole, etc.) ou à la production (produits agricoles, électricité, prêts bancaires). Dans les zones les plus sous-développées, il demeurait un employeur important, en partie en raison du faible niveau de l’investissement privé.

    85 % de pauvres

    La décennie de Bachar al-Assad, en particulier après 2005, a vu une notable réduction du rôle de l’État. L’investissement public était en baisse et les subventions à la majeure partie des biens et services réduites. Les politiques économiques du gouvernement ont été axées sur le secteur des services, et en faveur des grands centres urbains au détriment des banlieues, de la campagne et plus globalement des régions les plus reculées du pays. Marquant une rupture avec les politiques passées des gouvernements baasistes, la responsabilité du développement de ces zones délaissées était transférée au secteur privé, et les sociétés privées qui investissaient dans les parties reculées du pays bénéficiaient de réductions d’impôts et de régulations plus flexibles afin de les encourager. Cependant, en l’absence d’une forte volonté politique, les investissements dans les régions les plus pauvres ont marqué le pas. Ce n’est pas parce que les autorités n’ont pas réalisé les lacunes et la nécessité d’y remédier, mais elles en ont pris conscience trop tard.

    En 2016, les effets dévastateurs de la guerre sur l’économie et la vie des Syriens ne sont plus à démontrer. Selon le dernier rapport publié fin 2015 par les experts du Syrian Centre for Policy Research (SCPR), le conflit avait infligé à la fin de l’an dernier des pertes économiques d’environ 255 milliards de dollars, le PIB du pays était équivalent à moins de la moitié de sa valeur de 2010, le chômage s’élevait à plus de 50 % et la pauvreté touchait plus de 85 % de la population. En raison de la fuite des capitaux, de la chute des réserves de la banque centrale et du déficit de la balance commerciale, la livre syrienne va aujourd’hui à vau-l’eau. Échangée aux alentours de 600-700 LS pour un dollar, elle ne vaut plus que le dixième de sa valeur à la veille du conflit.

    Un impact important et durable de la guerre semble être la fragmentation du pays en au moins quatre zones distinctes :


    - la première, sous contrôle du régime, correspond à la partie occidentale et la plus développée susmentionnée : la zone côtière et le principal axe Damas-Alep, à l’exception de quelques régions rurales et suburbaines et autour de la moitié de la ville d’Alep, majoritairement aux mains de l’opposition et dans une moindre mesure du Front Al-Nosra. La ville d’Alep elle-même est sous le contrôle du gouvernement dans sa plus grande partie (ouest) et des rebelles qui tiennent la partie est  ;


    - la deuxième est contrôlée par l’OEI dans l’est du pays, le long de l’Euphrate, ce qui correspond grosso modo aux zones des tribus arabes historiquement liées à l’Irak, et autour des champs pétroliers de Deir-ez-Zor et de Rakka, bastion de l’OEI en Syrie  ;


    - une troisième zone, kurde, s’étend au nord-est et dans une poche à l’ouest d’Alep. Elle est sous domination du Parti de l’Union démocratique (PYD), la branche syrienne du PKK. C’est là que les Kurdes de Syrie sont majoritaires ou forment tout au moins la plus grande minorité  ;


    - enfin, une quatrième zone est contrôlée par divers groupes d’opposition, en plus du Front Al-Nosra. Ces régions de l’opposition (Armée libre syrienne – ALS — et autres groupes rebelles) sont fragmentées et ne possèdent pas de continuité territoriale contrairement aux trois autres.

    Ces trois dernières zones correspondent aux régions sous-développées du sud et de l’est de la Syrie.

    L’activité économique retranchée dans la zone côtière

    Bien que beaucoup moins ravagées que le reste du pays et en dépit d’une stabilité en trompe-l’œil, les régions sous contrôle du régime ont subi des changements aux impacts profonds sur le tissu économique, social et culturel de la Syrie. Dans cette partie du pays où vivent toujours deux tiers de la population, un nouvel équilibre est en train d’être instauré. L’axe Damas-Alep, qui constituait la colonne vertébrale du pays, a été particulièrement affaibli par la destruction des villes — Homs (troisième ville du pays), la moitié d’Alep et les banlieues de Damas —, la fuite des investisseurs et des classes moyennes ainsi que par l’affaiblissement du rôle et des institutions de l’État.

    L’investissement privé et public — ou ce qui en reste — se déplace vers la région côtière, considérée comme sûre et protégée. Ainsi en 2015, par exemple, 32 % des investissements privés autorisés par la Syrian Investment Agency (SIA) étaient localisés dans les provinces de Tartous et de Lattaquié (les deux principaux ports du pays) tandis que les provinces de Damas et d’Alep n’en absorbaient que 27 %. En comparaison, ces deux dernières attiraient en 2010 quelque 40,5 % des projets agréés par la SIA contre 4,5 % pour Tartous et Lataquieh. L’an dernier à Tartous, la création de petites entreprises a doublé : 1 752 nouvelles sociétés ont été créées en 2015 contre 867 l’année précédente. Et le nombre de sociétés par actions est passé de 119 en 2014 à 251 en 2015. Les investisseurs sont naturellement attirés par la sécurité qui règne dans la zone côtière, notamment le gouvernorat de Tartous, le plus paisible depuis le début de l’insurrection. À cela s’ajoute le mouvement de population fuyant d’autres régions du pays qui s’est accompagné d’un afflux d’investisseurs soucieux de placer leurs capitaux dans une région où la demande de produits connaît une hausse relative. Le changement en faveur de la zone côtière reflète ainsi une nouvelle donne démographique : les alaouites ne constituent plus la majorité des habitants de cette région comme auparavant.

    Dans une large mesure, le déplacement de l’investissement public vers la zone côtière est le résultat de la politique du régime visant à satisfaire sa «  clientèle  ». À l’automne 2015, le premier ministre Waël Al-Halqi a annoncé le lancement d’investissements, dont les medias officiels se sont fait largement l’écho, totalisant 30 milliards de livres syriennes dans les provinces de Lattaquié et de Tartous. Au même moment, le gouvernement n’allouait qu’une mince enveloppe de 500 millions de LS à la ville d’Alep, auparavant cœur industriel et commercial du pays.

    Un grand nombre d’investisseurs traditionnels ont quitté le pays et se sont installés dans d’autres régions du monde. De nouveaux hommes d’affaires ont bâti leur fortune sur des activités liées à l’état de guerre. Les élections aux chambres de commerce de Damas et d’Alep à la fin 2014, par exemple, ont illustré ces changements. À Alep, sur les douze membres du conseil d’administration, dix sont de nouveaux venus dont les noms étaient inconnus avant l’insurrection. Et à Damas, sept des douze membres sont dans cette situation.

    Grâce à l’appareil d’État, les régions côtières continuent d’entretenir des liens solides avec Damas et le gouvernement central. Une majorité d’alaouites sont toujours employés dans les secteurs civils et militaires de l’État qui a de tous temps été un pourvoyeur d’emplois pour cette communauté. Et ce rôle s’est accentué avec la guerre et la contraction de l’économie. Cette grande dépendance de la communauté alaouite vi-à-vis de l’Éat central est un facteur important plaidant contre une éventuelle autonomie de la région côtière, ce qui explique l’importance du contrôle de Damas.

    Des institutions concurrentes de l’État

    Pour ce qui est des zones hors du contrôle des forces du régime — dont certaines le sont depuis plus de trois ans — elles ont dû s’adapter à la nouvelle situation et créer des institutions et une certaine forme de gouvernance. Dans ces régions, des centres et des modes de production ont été détruits, des hommes d’affaires sont partis et les réseaux de transport et commerciaux ont été disloqués. Ces destructions ont surgi après des décennies de sous-développement. Pour les populations, les nouvelles institutions, mises en place pour pallier l’absence de l’État et le vide laissé par la destruction de l’économie d’avant la guerre, ont souvent, mais pas toujours, plus de légitimité que le gouvernement. À cela plusieurs raisons :

    - plusieurs instances sont élues, notamment dans les zones où l’opposition est installée, même si les processus électoraux laissent souvent beaucoup à désirer  ;
    - elle sont dirigées par des locaux dont un grand nombre ont lutté pour protéger leur communauté du régime  ;
    - elles font partie d’un projet politique plus ambitieux accepté par la population (Kurdes, opposition).

    En réalité, ces institutions sont en compétition avec celles du gouvernement, et la Syrie se trouve dans la situation où au moins trois d’entre elles se considèrent — ou prétendent être — le gouvernement, avec à la clé au moins quatre programmes scolaires et trois monnaies utilisées comme moyen d’échange. Ainsi, les Kurdes autorisent-ils des projets d’investissement et leurs propres publications  ; au cours des deux dernières années, ils ont édicté des dizaines de lois censées réglementer la vie dans leurs régions. L’OEI lève des impôts, autorise des investissements et a sa propre force de police. Une pléthore de conseils locaux gèrent la vie quotidienne. Enfin, le gouvernement intérimaire de l’opposition est composé de plusieurs ministères et a créé des instances chargées de de l’administration des hôpitaux et de la distribution du blé, du pain et des aides à l’intérieur du pays.

    Les dépenses effectuées par ces nouvelles autorités ne font qu’augmenter. Les experts du SCPR estiment que le total des dépenses «  publiques  » combinées des zones de l’opposition, de l’OEI et kurdes équivaut actuellement à 13,2 % du PIB syrien en 2015, contre 31,6 % dans les régions du régime. Ce qui veut dire que les dépenses «  publiques  » dans les zones non gouvernementales représentent actuellement l’équivalent de plus du tiers du budget, ce qui montre la place de plus en plus importante des nouvelles institutions créées à travers le pays pour remplacer l’État.

    Incontournable décentralisation

    La «  stabilité  » des frontières intérieures de la Syrie au cours des trois dernières années, l’ancrage des institutions nouvellement établies et l’autonomisation ainsi que les pouvoirs des nouveaux acteurs poseront à coup sûr, à la fin du conflit, de sérieux défis auxquels il faudra répondre. L’un d’entre eux est la décentralisation. Car au-delà de la question kurde, dont le règlement nécessitera un fort degré d’autonomie, la décentralisation offre l’une des rares options permettant aux différentes forces issues du conflit de se rassembler. D’ores et déjà, des appels à plus de pouvoirs locaux se font écho à travers la Syrie, et l’une des principales difficultés qui empêche l’unification de l’opposition est précisément le fort sentiment d’autonomie qui s’est développé dans les diverses communautés du pays. Le conflit a également reflété le degré de méfiance, longtemps refoulé, entre les villes, entre les villes et leurs campagnes environnantes et entre les différentes régions. Les élites urbaines, notamment à Damas, associent souvent la décentralisation à la partition du pays et à la perte de souveraineté, ce qui ne manquera pas de susciter des rejets des deux côtés de la ligne de fracture régime/opposition.

    Une autre question, partiellement liée à celle de la décentralisation, concerne l’équitable allocation des ressources. Les régions les plus riches en ressources naturelles sont aussi les moins développées, et il paraît peu probable qu’elles acceptent à nouveau le contrôle de Damas sur leurs richesses, comme par le passé. Les dépenses dans les zones kurdes, par exemple, sont dans une grande mesure financées grâce à l’exploitation du pétrole. À Deir-ez-Zor, avant l’émergence de l’OEI, les tribus et communautés locales se sont battues pour le contrôle des gisements pétroliers, considérées comme «  usurpés  » par Damas. Or, l’allocation d’une plus grande part de ressources aux régions sera combattue par tout gouvernement futur devant faire face à une pénurie de revenus. Et ce d’autant plus qu’il sera engagé dans un considérable effort de reconstruction.

    Le conflit syrien a également démontré la centralité de la question communautaire en révélant des tensions sectaires et ethniques : la peur des minorités de l’islamisme, la crainte des Kurdes de l’arabisme, la peur des chrétiens assyriens des Kurdes ainsi que le profond sentiment d’injustice ressenti par la majorité sunnite. Au-delà de ces peurs, il sera nécessaire de trouver des solutions aux questions identitaires qui sont restées longtemps réprimées. La construction d’un État qui se maintienne à égale distance de tous ses citoyens tout en assurant leurs droits politiques et culturels en tant qu’individus et en tant que communautés, pour l’instant irrésolue, sera déterminante.

    Jihad Yazigi 29 juillet 2016
  • Syrie. La mise en place de voies d’évacuation pour les civils ne permettra pas d’éviter une catastrophe humanitaire à Alep (Amnesty)

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    Photo de la route du Castello (La route de la mort)

     

    Pour soulager les souffrances de milliers de civils, qui vont bientôt manquer de nourriture et d’autres produits de première nécessité, il faut de toute urgence fournir à Alep une assistance humanitaire qui soit impartiale et ne subisse aucune restriction, a déclaré Amnesty International jeudi 28 juillet.

    Dans la matinée, le ministre russe de la Défense a annoncé le lancement d’une « opération humanitaire », avec la mise en place de corridors sûrs pour permettre aux civils et aux combattants qui déposent les armes de quitter Alep, et l’installation à l’extérieur de la ville de structures où ils pourront recevoir des vivres et de premiers soins. Cependant, de nombreux civils risquent d’accueillir avec scepticisme les garanties de sécurité offertes par le gouvernement syrien et pourraient choisir de ne pas partir par crainte de représailles. La seule voie de ravitaillement de la ville, la route du Castello, est coupée depuis le 7 juillet, à la suite d’une offensive du gouvernement syrien avec d’intenses bombardements et des tirs de snipers.

    « Depuis des années, le gouvernement syrien bloque l’acheminement d’une aide essentielle aux civils assiégés tout en leur faisant subir quotidiennement des pilonnages et des frappes aériennes. Il utilise la famine comme arme de guerre et fait délibérément souffrir celles et ceux qui vivent dans des zones contrôlées par l’opposition, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

    « La mise en place de voies d’évacuation sûres pour les civils qui souhaitent fuir Alep ne permettra pas d’éviter une catastrophe humanitaire. Cette mesure ne peut se substituer à l’acheminement d’une aide humanitaire impartiale aux civils toujours présents dans les zones de la ville contrôlées par l’opposition ou dans d’autres secteurs assiégés, car nombre d’entre eux vont se montrer sceptiques face aux promesses du gouvernement. »

    Les engagements de la Russie risquent eux aussi d’être accueillis avec méfiance par certains civils d’Alep, les autorités russes ayant procédé à des frappes aériennes illégales – qui pourraient équivaloir à des crimes de guerre – dans des zones contrôlées par l’opposition et s’étant systématiquement gardées d’user de leur influence auprès du gouvernement syrien pour faire cesser les violations des droits humains généralisées.

    Cinq organismes humanitaires locaux ont indiqué à Amnesty International que les réserves alimentaires d’Alep pourraient être épuisées d’ici deux semaines, ce qui mettrait en danger la vie des civils.

    Le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations unies, Stephen O’Brien, s’est également inquiété de ce que les vivres à Alep devraient être épuisées d’ici la mi-août, ajoutant qu’entre 200 000 et 300 000 personnes étaient menacées.

    Les attaques menées par les forces gouvernementales syriennes contre des habitations, des hôpitaux et d’autres établissements médicaux à Alep et autour de la ville se sont également intensifiées ces derniers jours.

    Amnesty International s’est entretenue avec des habitants d’Alep bloqués dans la ville, 10 médecins et plusieurs organismes humanitaires en Syrie et en Turquie. Leurs témoignages donnent une image très sombre de ces 20 derniers jours.

    La « route de la mort »

    Un travailleur humanitaire a expliqué à Amnesty International que la route du Castello était désormais surveillée 24 heures sur 24 par le gouvernement syrien et les forces de l’administration autonome dirigée par le Parti de l’union démocratique (PYD), parti politique kurde de Syrie. « Tout ce qui bouge sur la route est pris pour cible », a-t-il déclaré.

    Même avant que la route soit coupée, deux camions qui transportaient suffisamment de vivres pour nourrir 400 familles ont été attaqués.

    « Tout leur chargement a été détruit. Ces familles comptent sur l’aide humanitaire que nous leur prodiguons. Que deviendront-elles quand les stocks de nourriture seront entièrement épuisés ? », a-t-il demandé.

    Un ancien habitant d’Alep a raconté à Amnesty International comment il avait fui avec sa famille en passant par la route du Castello, au péril de leurs vies, pour rejoindre la Turquie huit jours plus tôt.

    « Nous ne supportions plus le bruit des avions de guerre et des explosions, alors nous avons décidé de quitter la ville à l’aube. La “route de la mort” [route du Castello] fait quelque 500 mètres […]. Le taxi devant nous, avec à son bord une famille, a été touché par une frappe aérienne. Il a pris feu […]. Nous ne pouvions pas nous arrêter pour voir s’il y avait des survivants. J’ai vu cinq corps en décomposition sur le bord de la route », a-t-il déclaré.

    « Hala » (nom d’emprunt pour des raisons de sécurité), qui habite à Alep, a confié à Amnesty International que les prix avaient doublé ces derniers jours.

    « Le prix de denrées de base, comme le sucre ou le boulghour, a doublé. Un kilo de sucre coûte maintenant 13 dollars des États-Unis environ. Je n’ai pas les moyens d’acheter les rares légumes disponibles. »

    « Hussam », père de deux garçons qui habite lui aussi à Alep, a déclaré à Amnesty International : « Chaque matin, mon fils aîné et moi commençons par faire la tournée des boulangeries. Leur production de pain couvre à peine 30 % des besoins de la population. La plupart du temps, nous revenons les mains vides ou avec une seule miche de pain. »

    Des frappes aériennes incessantes

    Les frappes aériennes et les intenses bombardements menés en permanence par les forces gouvernementales syriennes rendent la vie à Alep encore plus difficile. Des habitants et des médecins ont indiqué à l’organisation que la ville, en particulier les quartiers d’al Sakhour, d’al Shaar et d’al Fardous, avait été la cible d’offensives aériennes quotidiennes ces 10 derniers jours.

    « Maen », un habitant d’Alep, a déclaré : « Nous nous réveillons avec le bruit des bombardements et nous nous couchons après avoir enterré ceux qui ont été tués. »

    Il a raconté avoir été témoin d’une frappe aérienne le 19 juillet près de son domicile, dans le quartier de Bab al Hadid, un secteur résidentiel de la vieille ville d’Alep. Six maisons ont été détruites.

    « J’ai traversé un écran de fumée en courant pour rejoindre le site attaqué. Une femme enceinte, son bébé et une fillette de 9 ans avaient été tués. C’était horrible. Vingt minutes plus tard, j’ai de nouveau entendu un avion de guerre approcher. Nous avons dit aux gens qu’il fallait partir le plus rapidement possible. J’ai réussi à me mettre à l’abri avant que le même site exactement soit pris pour cible. Je suis [ensuite] retourné en courant sur le site : une femme avait eu une jambe complètement arrachée, sa fille d’une douzaine d’années, blessée elle aussi, se trouvait à côté d’elle. »

    « Maen » a déclaré que des éclats d’obus avaient été projetés sur un rayon de 200 mètres, ajoutant qu’il s’agissait selon lui d’une roquette à sous-munitions, car il l’avait vu s’ouvrir dans le ciel, puis créer toute une série de petites explosions. Les armes à sous-munitions sont interdites par le droit international, et l’emploi de ces armes non discriminantes par nature constitue une violation du droit international humanitaire.

    Sept hôpitaux et autres établissements médicaux d’Alep ont été la cible de frappes aériennes en l’espace de 10 jours, d’après des médecins sur place. Seuls trois hôpitaux de la ville fonctionnent encore et sont en mesure de prodiguer des soins d’urgence aux civils blessés.

    Abdel Basset, un médecin qui travaille en Syrie, a raconté à Amnesty International que des frappes aériennes avaient endommagé deux entrepôts, détruisant partiellement des vivres et des fournitures médicales.

    Un médecin syrien qui surveille la situation depuis la Turquie a quant à lui fait savoir que les stocks de fournitures médicales seraient bientôt épuisés.

    « Si les bombardements se poursuivent à ce rythme et avec la même intensité, les fournitures médicales ne dureront pas plus de deux mois. Des blessés meurent alors qu’ils font la queue pour être soignés, car il n’y a pas assez de personnel ni d’hôpitaux ouverts », a-t-il déclaré.

    Des médecins, des travailleurs humanitaires et des habitants d’Alep ont dit à Amnesty International que les attaques les plus meurtrières avaient touché des zones résidentielles, bien loin des lignes de front et des objectifs militaires.

    Le droit international humanitaire prohibe les attaques contre les civils et les biens de caractère civil, dont les hôpitaux et d’autres structures médicalisées, ainsi que l’utilisation contre la population civile de la famine comme méthode de guerre.

    « Le gouvernement syrien et ses alliés font preuve d’un mépris total pour le droit international humanitaire, et bafoue de manière flagrante toutes les dispositions relatives aux droits humains des résolutions adoptées sur la Syrie par le Conseil de sécurité. Cet organe des Nations unies n’a quant à lui pas accordé la priorité à la protection des civils contre des violations de leurs droits, a déclaré Philip Luther.

    « Tous les États participant aux négociations de Genève sur la Syrie, en particulier la Russie, l’alliée du gouvernement syrien, doivent exercer de fortes pressions sur ce dernier pour qu’il mette fin à ses attaques incessantes contre les civils et les biens de caractère civil et autorise l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire. »

    Complément d’information

    D’après le Réseau syrien pour les droits humains (SNHR), 99 civils (25 enfants, 16 femmes et 58 hommes) ont été tués par les forces gouvernementales syriennes entre le 10 et le 23 juillet. Quatorze d’entre eux auraient trouvé la mort sur la route du Castello.

    En février 2016, Amnesty International a publié un communiqué de presse, Les forces syriennes et russes prennent des hôpitaux pour cible dans le cadre de leur stratégie de guerre, où elle expliquait, preuves à l’appui, que les forces syriennes et russes semblaient avoir délibérément et systématiquement pris pour cible des hôpitaux et d’autres établissements médicaux.

    En mai 2015, l’organisation a publié un rapport, ‘Death everywhere’: War crimes and human rights abuses in Aleppo, qui rendait compte d’attaques au baril d’explosifs, entre autres attaques contre les civils imputables aux forces gouvernementales syriennes à Alep. 28 juillet 2016

    Les noms entre guillemets ont été modifiés pour protéger l’anonymat des personnes interrogées.

    https://www.amnesty.org/fr/

  • «Arrêtez le bain de sang en Syrie. Protégez les établissements médicaux et la population civile» (Al'Encontre.ch)

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    Rassemblement devant l’ONU à Genève,

    vendredi 5 août 2016, de 17h à 18h30

    Le 11 juillet 2016 un appel urgent a été lancé par le Conseil local de la ville d’Alep:

    «Le Conseil local de la ville d’Alep, élu démocratiquement pour représenter plus de 400’000 personnes vivant à Alep, tient à informer à l’échelle internationale ses partenaires politiques, ainsi que les organisations civiles, les ONG et les médias que les civils vivent sous la menace d’une catastrophe résultant du siège imposé par le régime Assad, avec l’appui des mercenaires iraniens et des miliciens du Hezbollah, et soutenu par l’aviation russe. Ainsi a été coupée l’unique voie de ravitaillement en nourriture, médicaments et en carburant pour les civils.»

    Depuis le 17 juillet, la ville d’Alep est soumise à un siège complet, ce qui conduit à un manque de nourriture, voire à une famine, à un manque de matériel médical et de soins appropriés aux malades et aux blessés. L’intensification des bombardements de l’aviation ces derniers jours et le ciblage des hôpitaux accentuent par ailleurs la souffrance de la population sous siège. L’UOSSM a publié des témoignages vidéo des médecins d’Alep [1] _ à ce sujet.

    Le réseau syrien pour les droits de l’homme annonce le chiffre effrayant de 80 établissements détruits par ces attaques au premier semestre 2016; 81 membres du personnel médical et casques blancs ont été tués durant la même période. Depuis le début du conflit en 2011, plus de 700 médecins et personnels médicaux ont été tués lors d’attaques d’hôpitaux, de centres sanitaires, selon le président de la commission d’enquête de l’ONU sur les droits de l’Homme en Syrie, le Brésilien Paulo Pinheiro. Il s’est exprimé à Genève le 21 juin 2016.

    «Nous enjoignons à la France et à la communauté internationale de tout mettre en œuvre pour faire arrêter les bombardements, protéger les hôpitaux et le personnel médical ainsi que les populations civiles syriennes. Nous ne pouvons rester aveugles face à cette catastrophe humanitaire et sanitaire que subit la Syrie suite aux attaques aériennes incessantes», lance le Dr Ziad Alissa, président de l’UOSSM France [2].

    Nous nous joignons à l’UOSSM pour appeler l’ONU et la communauté internationale à faire face à leurs responsabilités, à intervenir fermement pour stoper les bombardements, protéger les institutions médicales, le personnel médical et la population civile à Alep. Mais également afin d’intervenir pour imposer le cessez-le-feu partout en Syrie et agir pour instaurer une transition politique sans Assad et son régime qui sont les principaux coupables de la destruction de la Syrie et de son tissu social.

    Pour instaurer une paix durable, il est primordial de commencer par amener les criminels de guerre et les responsables de crimes contre l’humanité devant la justice, aussi bien ceux appartenant au régime Assad que ceux qui agissent au nom de Daech et de ses semblables. L’impunité et l’injustice sont à l’origine de l’augmentation de la violence en Syrie et dans tout le Moyen-Orient, ainsi que des débordements de violence actuels sur l’Europe.

    Venez nombreux pour dire STOP au bain de sang en Syrie, Oui à une solution politique qui garantisse la justice, pour permettre une paix durable. (28 juillet 2016)

    Publié par Alencontre le 28 - juillet - 2016
     

    Rassemblement organisé par FemmeS pour la Démocratie et soutenu par le Mouvement pour le socialisme (MPS), le site alencontre.org, solidaritéS.

  • Le défunt poète national palestinien va continuer à hanter Israël (Ujfp)

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    Mahmoud Darwish insiste pour mentionner ce que les Israéliens ne veulent pas reconnaître : Un grand péché a été commis ici lorsque l’État d’Israël a été fondé en 1948.

    Le spectre du poète national palestinien Mahmoud Darwish ne nous quittera jamais. Périodiquement, une chasse aux sorcières éclatera sur sa poésie, en remuant les émotions et agaçant les Israéliens jusqu’à ce qu’ils le comparent à Hitler. Cela s’atténue mais cela revient à nouveau plus tard. Il n’y a pas moyen d’y échapper. Aucun des fantômes de la guerre d’indépendance de 1948 nous laissera jusqu’à ce que nous reconnaissions notre culpabilité, admettions le péché et en assumions la responsabilité en présentant des excuses, en versant des indemnités et, surtout, jusqu’à ce que nous changions nous-mêmes. Sans cela, les fantômes continueront à nous tourmenter et ne nous donnerons pas de repos.

    Le plus récent scandale de Darwish, qui a été attisé par deux ministres ignorants – la ministre de la Culture et des Sports Miri Regev et le ministre de la Défense Avigdor Lieberman, dont il est douteux qu’ils aient jamais lu un poème de Darwish – est un autre maillon de la chaîne. Malgré leur ignorance, ces deux-là savaient qui attaquer. Ils savaient que, plus que toute autre personnage, Darwish frappe le nerf le plus sensible de la société israélienne et rend les Israéliens fous à chaque fois. Ils essayent toujours de le dissimuler par n’importe quel moyen – cachant, niant, mentant et réprimant – mais toujours sans succès.

    Darwish touche au péché originel, ce qui fait de lui un Hitler.

    Il expose la plaie béante, ce qui le place en dehors des limites. Si les Israéliens étaient convaincus qu’il n’y avait eu aucun péché, ni aucune plaie ouverte, ils n’auraient pas si peur de sa poésie. S’ils étaient convaincus que tout avait été fait correctement à l’époque, en 1948, et que rien n’aurait pu être différent, Darwish aurait été relégué au domaine des départements de littérature.

    Mais le défunt poète insiste pour mentionner ce que les Israéliens ne veulent pas savoir : un grand péché a été commis ici. La création d’Israël – comme elle a été faite – s’accompagnait d’un crime impardonnable de nettoyage ethnique sur de larges parties du pays. Aucune plantation du Fonds national juif ne peut recouvrir les ruines morales sur lesquelles l’État a été construit. Israël a ajouté l’insulte à la blessure en ne permettant pas aux Palestiniens qui ont été expulsés ou ont fui de revenir. Mille témoignages historiques, que nous évitons également comme le feu, n’égalent pas une ligne de poésie de Darwish : « Où me mènes-tu père ? »

    Je ne pourrai jamais oublier ce coup de poing à l’estomac, ou plutôt, ce coup de poignard dans mon cœur, venu du numéro du Spring 1996 de la revue hébraïque Hadarim, éditée par Halit Yeshurun. Une douzaine de pages de poèmes de Darwish de « Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ? » (traduit en hébreu par Anton Shammas) :

    « - Et qui après nous, père

    Habitera la maison ?

    Elle restera telle quelle

    Comme par le passé

    Mon enfant.

     Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?

     Pour qu’il tienne compagnie à la maison, mon enfant,

    Car en l’absence des leurs

    Meurent les maisons

    Résiste avec moi

    Pour le retour

    – Quand le retour ?

    – Demain !

    Tout au plus dans deux jours,

    Mon enfant. »

    Un lendemain insouciant

    Mâchait déjà le vent

    Derrière eux

    Dans les interminables nuits d’hiver ». [1].

    Je ne savais pas à l’époque, et je ne sais pas aujourd’hui, ce que nous faisons, nous Israéliens, avec ces lignes. Avec :

    « Dans notre hutte, l’ennemi se débarrasse de son fusil

    Qu’il pose sur la chaise de mon grand-père.

    Il mange de notre pain

    Comme des invités le font, et sans se déplacer.

    Fait une petite sieste

    Sur la chaise en bambou ».

    Ou :

    « Demande comment ma maison est faite, monsieur l’étranger.

    Mes petites tasses de café / pour notre café amer

    Sont-elles encore restées comme elles étaient ?

    Entrera-t-elle dans votre nez

    L’odeur de nos doigts sur les tasses ? »

    Ou :

    « Et je vais porter le désir ardent

    Jusqu’à

    Mon commencement et jusqu’à son commencement

    Et je vais aller sur mon chemin

    Jusqu’à ma fin et jusqu’à sa fin » !

    La fin de Darwish est venue trop tôt, malheureusement, depuis quelques temps déjà, en 2008. Mais ce ne fut pas la fin de sa poésie – il suffit de demander à Regev et Lieberman. L’année 1948 date aussi de quelque temps, mais, tout comme la poésie de Darwish, elle n’a jamais pris fin, pas même pour un instant. Israël n’a jamais changé de conduite – ni son approche violente et dominatrice sur les Palestiniens, qui étaient nés ici, ni leur dépossession, l’occupation et parfois également leurs expulsions.

    En 2016, Israël traite les Palestiniens exactement comme il l’a fait en 1948. C’est pourquoi Darwich ne laisse pas Israël seul, et c’est pourquoi il est si effrayant pour le pays : il affronte Israël avec la vérité la plus primordiale sur lui-même.

    Traduction GD pour le Comité Solidarité Palestine de la Région nazairienne.

    25 juillet Gideon Levy pour Haaretz

    http://www.ujfp.org/

  • Comment Mohammed VI s’enrichit (Anti-k)

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    Maroc: les rayons très argentés du « Roi soleil »

    Les « Panama papers » ont révélé que le secrétaire particulier du roi du Maroc possédait deux sociétés offshore qui lui permettaient de gérer un hôtel particulier à Paris et un somptueux trois-mâts. En novembre  2015 déjà, le magazine américain Forbes estimait à 5 milliards de dollars la fortune du roi Mohammed VI, le double de ce qu’elle était en 2011 au début du printemps arabe. Pour les responsables de la Société natio- nale d’investissement (SNI), un mastodonte financier contrôlé par la famille royale, le secteur des énergies renouvelables est le nouveau trésor de guerre sur lequel le « Roi soleil » entend projeter ses rayons bien argentés.

    Le 6 février 2016, Mohammed VI inaugure en grande pompe le projet Noor 1, l’une des plus grandes centrales solaires au monde sous le soleil radieux de la ville de Ouarzazate, au sud du royaume. Grâce à ses paysages désertiques parsemés d’oasis, sur fond de cimes enneigées, cette ville berbérophone reste une destination très prisée des réalisateurs de films historiques à grand budget1. Le soleil y est présent presque toute l’année. Parmi les invités d’honneur, la ministre française de l’écologie, Ségolène Royal, pour qui le projet est «  un formidable espoir pour tous les pays qui ont beaucoup d’ensoleillement et des terres désertiques  ». D’une puissance de 160 mégawatts, cette centrale est la première d’un vaste parc solaire qui devrait produire d’ici 2018 plus de 500 mégawatts d’énergie photovoltaïque.

    La presse est quasi unanime : l’événement est salué tant par les médias marocains — mais faut-il s’en étonner  ? — qu’étrangers, notamment français. Sous un même titre, «  Le Roi soleil  », le magazine marocain TelQuel et le quotidien français Libération indiquent que le royaume devient ainsi un «  leader mondial  » et que de tels projets renforceront l’autonomie du royaume vis-à-vis des énergies fossiles. Depuis dix ans, le Maroc s’est en effet lancé dans un important processus visant à atteindre cet objectif, en mobilisant des fonds considérables pour la mise en place des infrastructures appropriées. Mais l’ampleur des dépenses engagées et l’importance de ces projets suscitent des interrogations sur la manière dont ils sont conduits de bout en bout, et notamment le rôle que joue la monarchie en tant qu’opérateur financier privé.

    Trésor de guerre

    Le 7 mars 2016, un marché public pour la construction de cinq parcs éoliens d’un montant de 12 milliards de dirhams (1,1 milliard d’euros) a été remporté par un consortium composé de Nareva Holding, Enel et Siemens. Il aura la charge de «  développer, concevoir, financer, construire, exploiter et assurer la maintenance  » de ces parcs éoliens situés dans cinq régions du royaume : Midelt (150 MW), Tiskrad (300 MW), Tanger (100 MV), Jbel Lahdid (200 MW) et Boujdour (100 MW).

    Filiale de la Société nationale d’investissement (SNI), le groupe financier contrôlé par le roi Mohammed VI, Nareva Holding a été créée en 2006.

    Elle se définit aujourd’hui comme leader dans le secteur des énergies renouvelables. Le fait que Nareva ait remporté le marché du 7 mars 2016 ne surprend plus aucun observateur économique : ce n’est pas la première fois que cette entreprise royale gagne un méga-appel d’offres portant sur le secteur des énergies renouvelables. Depuis sa création, Nareva Holding a décroché la quasi-totalité des marchés lancés par l’Office national d’électricité (ONEE). Cette information est donc passée comme une lettre à la poste alors que les enjeux financiers de tels projets, les acteurs auxquels ils sont confiés et les conditions de leur réalisation échappent à toutes les institutions incarnant la souveraineté populaire et la représentation nationale, Parlement et gouvernement notamment.

    Le premier appel d’offres remporté par le groupe royal date d’octobre 2010 : parmi quatorze autres candidats (malheureux), Nareva a pu décrocher un grand projet de parc éolien à Tarfaya, au sud, d’un montant de 450 millions d’euros. Depuis cette date, l’essentiel des marchés liés au secteur des énergies renouvelables est remporté par Nareva Holding, le dernier étant celui, précité.

    Il faut dire que depuis la création de Nareva en 2006, la conquête du marché intérieur des énergies renouvelables est un objectif à la fois constant et prioritaire pour les dirigeants de la SNI : «  Notre trésor de guerre sera consacré à nos sociétés en développement dans les télécommunications et les énergies nouvelles  », avait pronostiqué Hassan Bouhemou, l’ancien président de la SNI2. Présidée par Ahmed Nakkouch (ancien président de l’ONEE), Nareva — faut-il le rappeler — est également partie prenante de la future centrale à charbon géante de Safi, dans le sud-ouest du royaume.

    Un homme d’affaires très particulier

    La domination écrasante de Nareva Holding sur le marché des énergies pose problème par le simple fait que celui qui la contrôle, le roi, n’est pas un homme d’affaires ordinaire. Son statut et ses attributions politiques et judiciaires ne peuvent empêcher les observateurs de penser au conflit d’intérêts qu’une telle situation peut engendrer. C’est le roi qui nomme le patron de l’Agence marocaine de l’énergie solaire (Moroccan Agency for Solar Energy, Masen)3, «  habilitée à mener toutes opérations industrielles, commerciales, immobilières, mobilières et financières nécessaires ou utiles à la réalisation de son objet  », précise son statut.

    C’est également le roi qui nomme le directeur général de l’ONEE, l’opérateur marocain unique de fourniture d’électricité et, surtout, le lanceur exclusif des appels d’offres et des marchés. Cet important pouvoir de nomination dont dispose le roi, son statut religieux qui en fait un personnage quasi sacré et ses attributions judiciaires (il nomme les magistrats et les jugements sont prononcés en son nom, préside le conseil supérieur de la magistrature) sont-ils compatibles avec la fonction d’homme d’affaires contrôlant des groupes financiers qui postulent à des marchés de grande envergure  ?

    Les règles du marché et de la concurrence loyale sont-elles respectées?

    Ces interrogations continuent de susciter la controverse au Maroc à cause de la multiplicité des casquettes du monarque et ses attributions. Plus concrètement, le fait que le roi nomme les personnages clés de la Masen et de l’ONEE peut-il éviter les risques du conflit d’intérêts dans l’octroi des marchés et des appels d’offres  ? Si la plupart des hommes d’affaires marocains se contentent pour l’instant de ruminer ces questionnements à voix basse dans leurs salons feutrés à Casablanca, il paraît difficile cependant, à travers tous ces éléments réunis, d’occulter le conflit d’intérêts tel qu’il est communément défini : «  un conflit entre la mission d’un agent public et ses intérêts privés, conflit susceptible d’influencer la manière dont il exerce ses fonctions  ». Cette situation problématique prend tout son effet dans le secteur lié aux énergies renouvelables qui semble, depuis quelques années, intéresser tout particulièrement celui que l’on surnomme désormais «  le Roi soleil  ».

    La fortune et le pouvoir

    Le 26 décembre dernier, le palais décide de renforcer davantage son contrôle sur la Masen en écartant définitivement le gouvernement au profit du cabinet royal. Dans un communiqué publié le même jour par l’Agence de presse officielle Maghreb arabe presse (MAP), on peut ainsi lire que des «  instructions royales  » sont données pour que le gouvernement se dessaisisse «  de l’ensemble des stratégies nationales relatives aux énergies renouvelables  ». Une mise à l’écart  ? Un coup d’État dans l’État  ? Cette décision a été prise après une réunion aux allures kafkaïennes le 26 décembre 2015 à l’intérieur du palais à Casablanca, le nerf de l’économie marocaine. En l’absence du roi Mohammed VI, le chef du gouvernement, l’islamiste Abdelilah Benkirane et le ministre de l’énergie Abdelkader Amara sont convoqués par les conseillers du cabinet royal, dont le puissant Fouad Ali el-Himma. Au cours d’une entrevue de quelques minutes, ils informent le chef du gouvernement que son équipe n’est plus concernée par la mission de la Masen et son action, désormais du seul ressort du palais. «  C’était dur et proprement humiliant pour le gouvernement et son chef. Après lecture des instructions royales devant Benkirane, celui-ci n’a rien dit  », confie un député islamiste.

    Le non-cumul de la fortune et du pouvoir faisait partie des slogans du Mouvement pro-réformes du 20 février, né dans le sillage du Printemps arabe en février 2011.

    Mais depuis la fin des espérances que ce dernier avait suscitées au Maroc, la fortune du roi Mohammed VI a doublé : de 2 milliards d’euros en 2012, elle est passée à 4,5 milliards d’euros en 2015, selon le magazine américain Forbes. Le budget alloué chaque année par la loi de finances à la monarchie est de plus de 120  millions d’euros. Douze fois plus que celui de la monarchie espagnole. Et les «  Panama papers  » ont jeté une nouvelle lumière sur la fortune du souverain.