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  • En soutien à la lutte du peuple kurde pour vivre libre et dans la dignité (ESSF)

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    Le Bureau de la Quatrième Internationale, sur mandat du Comité International du 2 mars, publie la déclaration suivante.

    1. Après deux années de négociation avec le leader du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) Abdullah Öcalan, le régime autoritaire-néoliberal-islamiste d’Erdogan a décidé de reprendre une guerre sanglante contre le peuple kurde à partir de l’été 2015.
    Cet été avait pourtant débuté avec un immense espoir populaire, suite aux résultats des élections législatives du 7 juin. L’exceptionnel résultat de 13% obtenus par le HDP (Parti démocratiques des peuples – parti unitaire réformiste de gauche issu du mouvement kurde) qui en doublant ainsi ses voix obligeait l’AKP à former un gouvernement de coalition, susceptible de briser sa domination dans les sphères de l’appareil d’Etat. De plus ce résultat empêchait l’AKP d’atteindre le nombre de siège nécessaire pour opérer un changement de la constitution et instaurer le régime présidentiel autocratique souhaité pas R.T. Erdogan et dont il serait le sultan.

    2. Erdogan avait déjà donné dès le mois de mars 2015 les signes de son virage vers un nationalisme pur et dur, confronté à la perte de voix que semblait subir l’AKP en faveur de l’extrême-droite hostile aux négociations, mais surtout terrifié par les émeutes d’octobre 2014 en soutien à la résistance de Kobanê assiégé par DAESH/Etat Islamique. Cette explosion de colère des masses kurdes reposait sur l’accumulation de déceptions causées par le refus de l’AKP de prendre des mesures concrètes dans le cadre des « négociations de paix ». A ceci s’ajoutait l’indignation relevant de la conviction largement partagée que l’AKP soutenait DAESH. Cela s’appuyait sur le fait que les djihadistes de l’Etat Islamique ont longtemps pu passer à travers la frontière turco-syrienne dans les deux sens sans être contrôlés, et ont bénéficié de soins sanitaires dans les hôpitaux proches de la frontière. Et nous savons que le régime turc préférait et préfère toujours explicitement avoir DAESH comme voisin que les kurdes. “La question kurde n’existe pas” a donc fini par déclarer Erdogan en interdisant toute visite à Öcalan et suspendant ainsi de facto le déroulement des négociations déclarées en mars 2013.

    3. Mécontent du résultat des législatives, l’AKP, sous les auspices d’Erdogan s’est déclaré pour des élections anticipés. Toutefois l’affaiblissement du HDP était pour l’AKP la condition sine qua non de sortir vainqueur des prochaines élections. C’est ainsi que de façon fort suspecte, l’attentat de Suruc attribué à DAESH et les représailles immédiates “d’unité locales” du PKK causant la mort de deux policiers ont fourni l’occasion de re-déclencher la guerre contre les kurdes, et par-là même de criminaliser le HDP considéré comme branche légale de “l’organisation terroriste”. Le climat de guerre civile, accompagné d’une répression violente envers toute contestation sociale et politique, d’une criminalisation de la presse oppositionnelle et d’un renforcement du nationalisme se traduisant par des tentatives de pogroms envers les kurdes a finalement donné ses résultats. L’AKP a remporté haut la main les élections anticipées du 1er novembre 2015.

    4. C’est désormais un régime de massacres qui est en vigueur. Le parti-Etat d’Erdogan mobilise des brigades “antiterroristes” ouvertement fascistes et islamistes liées à la police et la gendarmerie pour écraser toute contestation et résistance dans le Kurdistan de Turquie. Les divers quartiers des villes de Diyarbakir, Mardin, Şırnak, Hakkari où les jeunes milices kurdes urbaines liés au PKK (mais non sous son contrôle direct) ont déclaré une “autonomie démocratique” -parallèlement au modèle de Rojava-, sous couvre-feu depuis plusieurs mois, en proie à la famine, sont assiégés et détruits par les tanks et véhicules blindés militaires. Des centaines de cadavres, certains totalement brûlés et non reconnaissables gisent sous les décombres, plus d’une centaine de milliers d’habitants ont dû quitter leur foyer. Selon les chiffres de la Fondation des droits de l’homme de Turquie, 224 civils (dont 42 enfants), 414 militants et 198 membres de l’appareil policier et militaire ont perdu la vie entre mi-août 2015 et début février 2016.

    5. Le choix du PKK et des milices urbaines du YDG-H (Mouvement des Jeunesses Révolutionnaires Patriotiques) de transférer les conflits de la montagne vers la ville – contrairement d’ailleurs aux recommandations antérieures d’Öcalan – peut bien sûr susciter des débats au niveau tactique. L’atmosphère de conflit a manifestement affaibli les possibilités de réception du message démocratique, combatif et en défense de la paix du HDP, qui avait réussis à s’imposer comme un pôle hégémonique pour de larges secteurs de la population opposée aux tentations dictatoriales d’Erdogan et aux manœuvres étatiques d’islamisation de la société – dépassant le seul cadre du peuple Kurde.

    Mais c’est bien au régime d’Erdogan et à l’instrumentalisation de ses politiques successives vis-à-vis du peuple kurde en vue de consolider son pouvoir qu’incombe la responsabilité de cette tragédie, qui attise de plus les sentiments nationalistes des deux côtés et dégrade profondément les possibilités d’une vie commune des deux peuples.
    Nous condamnons la politique guerrière du régime d’Erdogan et de l’AKP. Nous exigeons que l’Etat turc mette fin aux massacres et qu’il lève les couvre-feux et blocus en cours dans les villes kurdes. Nous exigeons de même que soient identifiés et condamnés les responsables des violations des droits de l’homme et de la femme.

    Nous appelons l’Etat turc à mettre fin à l’isolement d’Öcalan et à reprendre les négociations avec les divers composantes du mouvement kurde afin d’instaurer les conditions d’une paix durable, qui ne peut passer que par la satisfaction des revendications démocratiques et sociales du peuple kurde.

    Nous dénonçons de même la complicité des impérialismes occidentaux et notamment de l’Union Européenne qui, terrifiée par le flux migratoire –dont elle est d’ailleurs en partie responsable- semble prête à s’accommoder d’un régime de répression et de massacre, à condition que la Turquie accepte de devenir un énorme camp de détention pour migrants, loin de ses yeux. Nous réclamons l’arrêt des persécutions et des poursuites contre le mouvement kurde en Europe. Le PKK doit être retiré de la liste des organisations terroristes partout où il s’y trouve.

    Nous exprimons notre soutien au peuple kurde dans sa lutte pour vivre dans la dignité, au HDP en proie à une criminalisation sans pareils de la part de l’appareil d’Etat, aux militant-E-s de la gauche radicale, aux activistes pour la paix et la défense des droits de l’homme, aux universitaires et journalistes persécutés par le régime autoritaire nationaliste et confessionnel d’Erdogan.

    6. La guerre menée par l’Etat turc contre le mouvement kurde tout autant que la stratégie du PKK sont maintenant principalement déterminées par les développements survenus en Syrie.

    La consolidation et l’élargissement des administrations sous son contrôle à travers son parti frère le PYD (Parti de l’Union démocratique) dans le nord de la Syrie (le Rojava) est beaucoup plus important pour le PKK que les acquis qu’il peut obtenir par des négociations avec l’Etat turc, notamment du point de vue de sa concurrence historique avec la ligne féodale et pro-américaine de Barzani pour instaurer son hégémonie sur le peuple kurde divisé en quatre pays (Iran, Irak, Turquie et Syrie).

    Quant à la Turquie, dans sa visée de devenir la puissance régionale hégémonique dans le Moyen Orient, le régime d’Erdogan avait, après le début du soulèvement populaire syrien, d’abord cherché les premiers mois une sorte de négociation entre le régime et les Frères musulmans, puis centré sa politique étrangère sur un engagement actif dans la question syrienne en misant sur un renversement rapide d’al-Assad. Dans cet objectif la Turquie a tout d’abord soutenu le Conseil National Syrien dominé par les Frères musulmans et l’opposition libérale. Et avec la militarisation du soulèvement face à la violente répression du régime, elle n’a pas hésité à soutenir à différents niveaux (politique, financier, logistique, militaire, sanitaire) divers groupes armés djihadistes dont DAESH, que ce soit de manière directe et/ou indirecte.

    7. Une des principales raisons de l’engagement du régime d’Erdogan dans le combat pour le renversement d’al-Assad a été la présence d’une forte population kurde à la frontière turco-syrienne. La formation d’une administration régionale kurde au nord de l’Irak suite à l’intervention impérialiste en 2003 avait sans doute constitué un des traumatismes politiques les plus marquants de l’État turc. C’est donc manifestement la crainte de revoir le même scénario se réaliser à la suite d’un changement de régime en Syrie qui a poussé le gouvernement turc à tenter d’intervenir dans la crise syrienne. Cependant la situation est devenue d’autant plus critique que suite au retrait des forces armées du régime d’une partie du Kurdistan syrien en juillet 2012, le PYD a réussi à prendre le contrôle de cette région frontalière à la Turquie pour, par la suite, y proclamer l’autonomie.

    Aujourd’hui, le gouvernement turc impose un blocus à la frontière avec la Syrie, faisant obstacle aux efforts de solidarité avec le Rojava organisés en Turquie et à l’étranger. Nous condamnons l’emploi du contrôle des frontières par les gouvernements pour empêcher les initiatives civiles contre l’oppression et soutenons les campagnes contre ce blocus.

    8. Issu de la tendance à la décentralisation du PKK en 2003, le PYD reconnait toujours la direction idéologique et politique d’Abdullah Öcalan. L’administration des trois cantons de Jazira, Afrin et Kobanê faisant suite à la « Révolution de Rojava » représente une tentative d’application de la stratégie de « l’autonomisme démocratique » (ou « fédéralisme démocratique ») d’Öcalan, censée remplacer l’ancienne adhésion du PKK au marxisme-léninisme (auquel il a renoncé au début des années 1990). La Charte de Rojava déclarée en janvier 2013 est fondée sur des principes démocratiques, laïcs, multiculturalistes et est marquée par une profonde sensibilité écologique. L’accent mis sur les droits des femmes, des minorités ethniques et religieuses, surtout au milieu du chaos syrien, est impressionnant. Et malgré l’instabilité qui règne dans la région, tous ces engagements ne restent pas totalement lettre morte, même si bien sûr ils méritent d’être approfondis. Toutefois dans cette expérience originale et progressiste d’auto-administration à travers divers conseils et assemblées, le pluralisme politique est pratiquement absent. Le PYD, n’ayant pas une forte implantation historique dans le Rojava, a réussi à instaurer son hégémonie après son retour d’exil depuis le Kurdistan irakien en 2011 en grande partie grâce à sa puissance militaire (YPG : Unités de protection du peuple). Ce dont il n’a pas non plus hésité à se servir pour réprimer les divers courants locaux du nationalisme kurde de même que des réseaux démocratiques de jeunes activistes kurdes profondément engagés dans le soulèvement révolutionnaire. Ajoutons aussi que dans certaines villes comme Hassake et Qamichli, même après la déclaration d’autonomie le régime Assad continuait à garder une présence.

    9. Aujourd’hui le PYD et les YPG jouissent, grâce à leur héroïque résistance de Kobanê (à laquelle participèrent aussi des organisations révolutionnaires de Turquie, des groupes de l’Armée Syrienne Libre et les Peshmergas du Kurdistan Irakien) face à la barbarie de DAESH, d’un prestige international largement mérité. La position du PYD sur le terrain et son efficacité dans le combat en fait paradoxalement un allié privilégié, d’une part de Washington soucieux de ne pas s’enfoncer dans le chaos syrien dans lequel il porte une responsabilité majeure, et d’autre part de Moscou qui désormais depuis le 30 septembre 2015 intervient militairement dans le conflit aux côtés du régime sanguinaire d’al-Assad, de l’Iran et du Hezbollah libanais afin d’accroître sa domination dans la région. Cependant Erdogan tente d’empêcher à tout prix que la région qui s’étend d’Azaz à Jarablus - se trouvant en grande partie sous le contrôle de DAESH - passe aux mains du PYD-PKK, car c’est la seule partie de ses frontières avec la Syrie qui ne soit pas contrôlée aujourd’hui par les forces kurdes.

    Ainsi les Forces Démocratiques de Syrie (FDS) dont la principale composante sont les YPG, avec le soutien des raids aériens russes combattent de façon effectives les différents groupes djihadistes de DAESH, El Nusra ou Ahrar El Sham et autres groupes salafistes soi-disant modérés, armés et soutenus par l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Qatar. Toutefois ces avancés et victoires des troupes des FDS sont traversés de contradictions en raison du pragmatisme des politiques d’alliance en cours sur le terrain. Ils peuvent se retrouver côte à côte avec les forces du régimes ou bien en concurrence avec eux pour occuper le plus tôt les territoires “adversaires”. De plus comme conséquence de la domination des groupes salafistes-djihadistes dans les zones libérées du régime, et des cas d’interpénétration de ceux-ci avec l’Armée Syrienne Libre, les FDS et donc les YPG entrent souvent en conflit avec l’ASL et les milices rebelles locales très hétérogènes, ce qui accroit les risques d’être perçus comme solidaires du régime par les populations locales. De plus les accusations à l’égard du YPG de déplacements de populations arabes dans certaines régions, reposant sur plusieurs rapports et témoignages, renforcent aussi le sentiment de méfiance envers le PYD, sur fond de tensions ethniques dans les régions du nord de la Syrie qui durent depuis des décennies entre arabes et kurdes. Enfin, les faits que les forces dominantes (libérales et liés au Frères musulmans) au sein de la Coalition Nationale Syrienne parrainée par la Turquie et Monarchies du Golfe, soutiennent la répression du régime turc contre le PKK, tiennent des discours chauvinistes arabes et ne donnent aucune garantie pour les droits nationaux kurdes, expliquent la méfiance du PYD contre cette opposition.

    10. La Quatrième Internationale réaffirme son opposition à tout type d’intervention militaire et à tout plan impérialiste de découpage de la Syrie. Ces interventions impérialiste et sous-impérialistes n’ont pour seul but que de renforcer les intérêts propres de ces puissances mondiales et régionales, et constituent une catastrophe supplémentaire pour les peuples de Syrie. Nous réclamons l’arrêt immédiat des bombardements russes comme de tout bombardement, et le retrait de toutes forces belligérantes étrangères. Nous pensons d’autre part que, face à la barbarie djihadiste de même qu’à celle du régime, et contre toute forme d’oppression les populations de Syrie ont le droit de se défendre par les différents moyens qu’elles peuvent acquérir.

    Malgré les critiques que nous pouvons formuler à l’égard de certaines pratiques du PYD et des FDS, nous saluons leur combat contre les forces réactionnaires et djihadistes qui constituent un des pôles de la contre-révolution en Syrie et exprimons toute notre solidarité à la lutte du peuple kurde pour son autodétermination. Et nous soulignons résolument que le destin de l’autodétermination du peuple kurde et celui de la révolution syrienne sont profondément liés. L’émancipation des peuples de la région ne passera que par le renversement des régimes autoritaires et la libération de l’emprise des grandes puissances et des multinationales, à travers l’alliance des classes populaires de ces peuples.

    Bureau de la Quatrième Internationale, Paris le 9 mars 2016

    , par Quatrième Internationale

    http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37423

  • Syrie : Les révolutionnaires syriens toujours debout ! (Npa)


     

    Le vendredi 4 mars, des manifestations populaires massives ont eu lieu à travers les zones libérées de la Syrie sous le slogan « La révolution continue »1. Plus de 100 manifestations ont été enregistrées ce jour-là du nord au sud du pays.

    L’esprit du début de la révolution se retrouvait dans les slogans et chants démocratiques et non confessionnels comme « Le peuple syrien est un et uni », ou comme un manifestant l’a écrit sur une pancarte, « les portes de la révolution pacifique s’ouvrent à nouveau ». Le drapeau révolutionnaire syrien était brandi partout. Il faut souligner que les forces salafistes djihadistes et leurs symboles étaient absentes de ces manifestations, tandis que les soldats de Jabhat al-Nusra ont organisé une contre-manifestation plus petite dans la ville de Ma’aret al-Naaman près d’Idlib, et scandaient des slogans contre la démocratie et la laïcité et pour un État islamique.

    Ces mobilisations surviennent une semaine après un cessez-le feu négocié par les États-Unis et la Russie, qui a ralenti le rythme des hostilités mais sans les stopper. Les forces du régime d’Assad et ses alliés ont continué à bombarder et attaquer des zones tenues par l’opposition, alors même que les forces de l’État islamique et de Jabhat al-Nusra, non incluses dans la trêve, n’y sont pas présentes. Selon diverses sources, il y a eu plus de 180 violations du cessez-le-feu par les forces du régime et de l’opposition… dans les cinq premiers jours de la trêve entrée en vigueur le 27 février. La majorité de ces violations ont néanmoins été commises par les forces du régime. 135 personnes ont été tuées, dont 32 civils, dans les régions couvertes par la trêve, et 552 personnes dans les autres zones.

    Assad doit partir !

    L’Organisation des Nations unies a déclaré que le prochain cycle de « négociations de paix » devrait reprendre à Genève le 10 mars, malgré les réticences de l’opposition qui, se plaignant des nombreuses violations du cessez-le-feu, doit encore confirmer sa participation. Celle-ci réclame aussi la libération des prisonniers et l’acheminement de l’aide humanitaire, conformément à la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU. Son médiateur, S. de Mistura, a rappelé que «  l’ordre du jour du processus est clair : premièrement des négociations en vue d’un nouveau gouvernement, deuxièmement une nouvelle Constitution, et troisièmement des élections parlementaires et présidentielle dans un délai de 18 mois ». En réalité, un départ d’Assad semble encore bien loin, alors qu’aucun changement du régime autoritaire, notamment de ses forces de sécurité, n’est à l’ordre du jour…

    Les nombreuses manifestations populaires de la semaine dernière, dans un pays autant écrasé par les bombes et la répression, sont impressionnantes. Elles ont montré que les Syriens libres sont prêts à saisir toutes les occasions, même un répit partiel des frappes aériennes, pour réitérer leurs revendications et proclamer les objectifs de la révolution. Leurs slogans démocratiques et non confessionnels rappellent au monde entier, une fois encore, qu’il existe une alternative au régime d’Assad et aux forces salafistes djihadistes, les deux acteurs de la contre- révolution et les deux perdants de ces mobilisations. L’alternative, ce sont ces centaines de milliers de Syriens et de Syriennes libres. Comme scandé par les révolutionnaires, « cinq ans après le début de la révolution, le peuple veut toujours la chute du régime ».

    La solidarité internationale de la société civile, qui fait tant défaut au peuple syrien, est plus que jamais nécessaire ! publié dans 14 mars 2016

    Joseph Daher

     

  • Brest: Un jeune Palestinien opéré à l’hôpital (Ouest France)

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    Il avait été amputé de deux doigts, suite à un accident domestique. Grâce à Dominique Le Nen, chirurgien à l’hôpital, il pourrait retrouver un usage partiel de sa main gauche.

    « Bonjour ! », lance Abdalrahman Ayaseh, 7 ans, fier de s’exprimer en français. Le jeune Palestinien se remet bien de son opération. Ala’a, sa mère, veille sur lui. Ils sont chaleureusement entourés par Mahmoud et Florence Ibrahim, leur famille d’accueil, au Relecq-Kerhuon.

    Abdalrahman est originaire de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. Il y a une dizaine de jours, dans un cadre humanitaire, il a été opéré par le professeur Dominique Le Nen, chirurgien reconnu, spécialisé en orthopédie et traumatologie au Centre hospitalier régional universitaire (CHRU).

    Greffe d’articulationLa délicate opération a duré quatre heures. Objectif : redonner de la souplesse au majeur gauche. En janvier 2014, une porte de voiture s’était refermée sur la main du garçon. Il a dû être amputé de l’index et l’annulaire. Un an après, l’enfant a été examiné par le Pr Le Nen qui se rend souvent en Palestine. Et qui a participé à plus de vingt missions humanitaires bénévoles depuis 2002.

    Le majeur, l’un des trois doigts restés entiers, était devenu aussi raide qu’un bâton, car l’articulation a été détruite. Une chirurgie de reconstruction a été décidée. Mais l’hôpital de Jénine manquait un microscope perfectionné et un suivi spécialisé.

    D’où la décision du transfert. Un parcours administratif du combattant. « Il a fallu obtenir l’autorisation d’Israël de sortie de Palestine, celle de la France pour l’accueillir, et celle de l’hôpital de Brest pour l’opération », raconte Mahmoud Ibrahim, ami du professeur. Ce Libanais a assuré la traduction, le garçon et sa mère ne parlant que l’arabe.

    Abdalrahman est le premier enfant palestinien à être envoyé en France pour traitement médical par le PCRF (Palestine children’s relief fund). Cette ONG américaine soigne les blessures de guerre des enfants au Moyen-Orient.

    L’enfant a été bénévolement opéré à la Cavale-Blanche, puis hospitalisé à Morvan. « J’ai transféré et greffé une partie de l’articulation d’un orteil. J’ai suturé les vaisseaux, veines et artères, sous microscope », explique le chirurgien. Si la greffe réussit, l’enfant pourra plier son index et utiliser sa main, comme une pince. Il conservera l’usage de son orteil de pied.

    La mer !
     
    Durant ses quatre jours d’hospitalisation, le restaurant Mont Liban a concocté les falafels et l’humus si appréciés par le garçon. Amaury, le fils du chirurgien, a aussi réalisé des dessins pour l’aider à mieux comprendre les soins prodigués. Des jouets ont été donnés.

    C’est la première fois que l’enfant voyage si loin de chez lui. À Brest, sa mère et lui ont découvert la mer. Et les coquillages qu’on ramasse sur la plage, sans avoir besoin de les acheter !

    Samedi, Abdalrahman a quitté la France. Lundi, il retrouvera ses deux sœurs, son frère, et son père. D'ici une dizaine de jours, il reverra le Pr Le Nen qui retourne en Palestine pour une semaine. Les 15 broches lui seront retirées. On saura alors si l’opération est pleinement réussie.
     

  • Les surprenantes leçons des élections législatives en Égypte (Orient 21)

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    Pourquoi il ne s’agit pas d’un simple retour au passé

    Si les élections législatives de 2015 ont été marquées par la situation née du renversement du président Mohamed Morsi le 3 juillet 2013, la politisation du corps électoral reste une réalité. Et l’idée de citoyenneté progresse.

    Les élections législatives représentent l’un des moments au cours desquels se négocient les rapports entre États et sociétés. Elles constituent de ce fait un enjeu important, même dans des configurations politiques où elles ne peuvent en aucun cas déboucher sur une alternance1. Dans les périodes de profonde transformation, elles peuvent parfois se trouver à la traîne de l’événement révolutionnaire, mais elles sont presque toujours l’un des moyens par lesquels une société en proie à l’accélération de l’Histoire cherche à refonder son pacte social. D’où l’intérêt, dans le contexte de crise que traverse actuellement le Proche-Orient, de se pencher sur ces échéances électorales pour voir ce qu’elles nous révèlent des tensions traversant actuellement la région. Cela est tout particulièrement vrai dans le cas de l’Égypte, où les élections se sont enchaînées à un rythme effréné ces dernières années dans le but d’encadrer le processus de transition et de faciliter un éventuel compromis entre les différents intérêts en conflit, illustrant ainsi la fluidité de la situation et accompagnant une rapide restructuration du champ politique.

    Clientélisme de l’ancien régime

    Sous la présidence de Hosni Moubarak, l’élection parlementaire en était venue au fil du temps à remplir une double fonction de cooptation des élites et de réaffirmation périodique du lien clientélaire unissant l’État aux députés et ces derniers à leurs électeurs2. En effet, l’Égypte a connu, à partir du milieu des années 1990, une multiplication de candidats «  indépendants sur les principes du PND3  » (Parti national démocratique), ce qui permettait aux électeurs de choisir l’homme qui allait représenter leur circonscription, étant entendu qu’une fois élu, celui-ci irait grossir les rangs du PND, assurant à ce dernier une majorité à la chambre.

    L’élection avait alors pour résultat d’objectiver la puissance sociale des notables en lice dans chaque circonscription. Celui qui parvenait à emmener aux urnes le plus grand nombre d’électeurs (en mobilisant ses réseaux familiaux, tribaux ou religieux, en faisant voter ses employés et obligés, en offrant à certains quartiers des équipements en bien collectifs, en recourant à la charité, voire tout simplement en achetant des voix) capitalisait sur le plan politique les ressources investies dans la campagne électorale. Sa position au sein de l’Assemblée lui facilitait ensuite l’accès aux ressources de l’État, ce qui lui permettait en retour de consolider son assise locale. Le PND s’apparentait ainsi à un réseau de réseaux, une accumulation de puissance sociale assise localement, qui reliait le cœur du régime à l’ensemble des territoires via une cascade de relations client/patron. Le président de la République, par ailleurs dirigeant du PND, apparaissait alors comme le patron des patrons — ce qui explique qu’il en soit venu à personnifier aux yeux de nombreux Égyptiens la corruption du régime.

    Prisonniers de ce système4, les rares partis d’opposition représentés à l’Assemblée s’avéraient incapables de mobiliser autour d’un quelconque projet politique. Cette situation se reflétait d’ailleurs dans le taux de participation, qui atteignait rarement les 15 %, seuls les électeurs les plus pauvres et les plus vulnérables ayant intérêt à aller voter pour un patron.

    Participation électorale en augmentation dès 2011

    L’un des premiers effets de la révolution de 2011 a été de casser cette mécanique5. La réforme de la loi des partis, le 28 mars de cette année, suivie le 16 avril par la dissolution du PND, a entraîné un élargissement sans précédent de l’offre politique. Ceci, ainsi que la perspective d’élections sans fraudes ni violences — pourvues qui plus est d’un caractère constituant, les députés élus dans les deux chambres du Parlement ayant notamment pour mission de nommer une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution — a eu pour première conséquence une augmentation sans précédent du taux de participation, qui s’est élevé à 54 % en moyenne pour l’élection de l’Assemblée du peuple de 2011-2012, les classes moyennes s’étant cette fois-ci fortement mobilisées6. Par ailleurs, ces élections ont été marquées par une forte politisation du corps électoral, accompagnée par les partis politiques, qui sont à cette occasion entrés en compétition pour tenter de représenter les intérêts des différents segments de l’électorat7.

    En une année à peine (les dernières élections organisées par l’ancien régime s’étaient tenues en novembre 2010), on est ainsi passé d’un corps électoral faible et dépolitisé à une masse importante d’électeurs cherchant à exprimer des choix politiques par l’intermédiaire des partis. Les récentes élections parlementaires, conduites en deux phases du 17 octobre au 2 décembre 2015, se trouvent à mi-chemin entre ces deux modèles.

    Un champ politique moins ouvert en 2015

    Alors que sous l’ancien régime, le scrutin majoritaire à deux tours s’était imposé depuis 1990, le Conseil supérieur des forces armées (CSFA)8 avait opté en 2011 pour un système mixte, dominé par le scrutin de liste (deux tiers des sièges). En 2015, le principe d’un scrutin mixte est maintenu, mais seul un cinquième des sièges est désormais pourvu à la proportionnelle (la liste obtenant la majorité des voix dans une circonscription donnée y obtient désormais la totalité des sièges)  ; le reste est attribué au scrutin majoritaire à deux tours, réputé favoriser les notables au détriment des partis9.

    Le champ politique est plus ouvert que sous l’ancien régime, lorsque la commission des partis contrôlée par le PND délivrait au compte-gouttes les autorisations de créer un parti politique, mais moins inclusif que durant la période 2011-2012 lorsque la compétition était virtuellement ouverte à tous. En 2015, l’offre politique est de facto limitée aux forces ayant soutenu l’éviction du président Morsi en juillet 2013, bien que certaines de ces forces, à l’instar du parti Al-Doustour, n’aient pas participé au scrutin, par manque de ressources ou par volonté de boycott : libéraux, conservateurs, socialistes, nationalistes et salafistes du parti Al Nour, à l’exclusion donc des Frères musulmans et de leurs alliés. Soit l’essentiel des forces islamistes, ainsi que quelques libéraux tels que le parti Al Ghad d’Ayman Nour.

    Enfin, le taux de participation plafonne à 28 %, ce qui représente la moitié de ce qu’il était en 2011, mais le double de ce que l’on était accoutumé à voir sous l’ancien régime.

    Aucune majorité nette à l’Assemblée

    Si les catégories populaires dominent à nouveau le corps électoral et si les partis se font discrets durant la campagne, il semblerait que la politisation de l’électorat produise toujours des effets. Cela se traduit notamment par une perte d’efficacité de l’achat des voix, une partie importante des électeurs n’hésitant désormais plus à accepter l’argent d’un candidat tout en accordant leur suffrage à un autre. De ce fait, non seulement le PND n’a pas été reconstitué, sous une forme ou une autre, mais les partis sont parvenus à s’emparer de plus de 40 % des sièges à l’Assemblée, malgré un mode de scrutin réputé défavorable.

    La victoire de la liste «  Pour l’Amour de l’Égypte  » dans les quatre circonscriptions pourvues à la proportionnelle (soit 120 sièges) montre qu’une fraction non négligeable de l’opinion soutient toujours le régime. Visant au départ à réaliser l’union nationale, cette liste n’a au final rassemblé qu’une dizaine de partis, d’obédience libérale ou conservatrice. Ces partis ne représentaient du reste qu’un tiers des membres de la liste, les deux tiers restants étant des personnalités indépendantes, choisies en fonction de leur expertise et de leur réputation. Suite aux élections, les animateurs de cette liste on cherché à la transformer en coalition majoritaire, baptisée «  Soutien de l’État  », en ralliant une partie des députés élus au scrutin individuel, malgré l’opposition d’une importante minorité conduite par les partis libéraux. Il semblerait néanmoins que cette coalition ait des difficultés à maintenir une discipline de vote parmi ses membres. Depuis son élection, l’Assemblée a en effet à plusieurs reprises critiqué les politiques du gouvernement, ce qui l’a amenée en particulier à annuler la loi de réforme de la fonction publique adoptée quelques mois plus tôt.

    Ceci étant dit, il est important de souligner que les résultats de ces élections sont peu lisibles, notamment du fait de la domination des députés indépendants au sein de l’Assemblée, de la dispersion des partis qui y sont représentés — dont le plus important, le parti des Égyptiens libres (libéral), occupe moins de 10 % des sièges —, et de la répartition de leurs élus dans des circonscriptions très diverses, alors qu’a contrario, les résultats de toutes les élections organisées en 2011 et 2012 mettaient en évidence une division territoriale très nette entre le cœur du pays (delta du Nil et canal de Suez) qui soutenait les forces politiques séculières, et les territoires périphériques (Sud et marges désertiques), qui accordaient en masse leurs suffrage aux islamistes.

    Un électorat toujours en rupture avec l’ère Moubarak

    S’il semble que les anciens électeurs islamistes se soient cette fois-ci massivement abstenus — comme en témoigne le résultat obtenu par le parti Al Nour (salafiste), seul représentant du camp islamiste dans ces élections, qui n’obtient même pas 2 % des sièges à l’Assemblée, contre 22 % en 2012 —, il n’en demeure pas moins que les votants ont exprimé des choix, dont certains sont en rupture franche avec les pratiques antérieures. Ainsi, 73 femmes ont été élues dans ce Parlement (soit plus de 12,5 %), ainsi que 36 coptes (6,3 %, dont respectivement 56 et 24 par le biais des quotas imposés à la composition des listes en compétition au scrutin proportionnel), ce qui constitue un double record dans l’histoire de la République égyptienne si l’on excepte l’Assemblée élue en novembre 2010 et dissoute en février 2011 qui comportait un quota de 12,7 % de femmes (64 députées).

    Cinq ans après le soulèvement de 2011, la politisation du corps électoral et la progression de l’idée de citoyenneté soulignent ainsi que, malgré le retour de pratiques autoritaires, l’Égypte est toujours en rupture avec l’ère de Moubarak.

  • 300 Algériens passés par la guillotine entre 1956 et 1959 (Anti-k)

     

     Au moment où Hollande va commémorer la fin de la guerre coloniale menée par la France en Algérie, en imposant à son peuple un martyr, dont les traces perdurent, il est bon de rappeler quelques faits:  350/400 000 morts, dont 300 guillotinés.

    Précisons que c’est François Mitterrand, alors ministre de «la Justice» qui mit en branle la guillotine pour assassiner 38 algériens et c’est de Gaulle qui mit fin à ces horreurs. Les « socialauds » portent bien leur nom depuis un certain 4 août 1914…

    Que quelqu’un le dise à Mélenchon, idolâtre Mitterrandien. … Mais à la différence d’aujourd’hui, où un Valls affectionne les poses martiales pour parler de « guerre »; durant la guerre d’Algérie, les autorités de « gauche » comme de droite s’évertuaient à ne pas prononcer le mot « guerre »  préférant parler des « événements » d’Algérie. D’où vient se renversement sémantique ?

     Les sacrifiés de la «justice» française

    Ahmed Zahana, dit Zabana, le premier guillotiné en 1956

    Le 19 juin 1956 à 4 heures du matin, le couperet de la guillotine, qui avait auparavant «refusé» par deux fois d’aller jusqu’au bout de la sale besogne qui lui avait été assignée, trancha la tête d’Ahmed Zahana dit Zabana, un des moudjahidine de la première heure et responsable du FLN-ALN de la zone Ouest d’Oran. Cinq minutes plus tard, le temps de mettre le corps de Zabana dans la nacelle prévue à cet effet, un autre Algérien, déserteur de l’armée coloniale pour rejoindre le FLN-ALN, Abdelkader Ferradj, subit le même sort.
     
    Ahmed Zahana
     
    Cette double exécution ne répond nullement à une décision de justice – nul besoin de s’étaler sur la parodie de procès réservée aux militants nationalistes algériens –, mais c’est plutôt une abdication du gouvernement Guy Mollet devant la pression du lobby colonial et des pieds-noirs, qui voulaient coûte que coûte qu’il y ait passage d’Algériens à l’échafaud pour en faire un exemple à ceux qui auraient osé défier la France.
     
    Cette sentence fut prononcée par François Mitterrand, alors ministre de «la Justice» du gouvernement français depuis 1955. «L’Algérie, c’est la France […] ceux qui veulent l’en dissocier seront partout combattus et châtiés»», avait-il annoncé. Il ne tardera pas à «légaliser» cette sentence. Le 17 mars 1956 sont publiées au Journal officiel français les lois 56-268 et 56-269, qui permettent de condamner à mort, sans instruction préalable, les membres du FLN pris les armes à la main. François Mitterrand est l’un des quatre ministres à avoir signé ce texte: «En Algérie, les autorités compétentes pourront […] ordonner la traduction directe, sans instruction préalable, devant un tribunal permanent des forces armées des individus pris en flagrant délit de participation à une action contre les personnes ou les biens […] si ces infractions sont susceptibles d’entraîner la peine capitale lorsqu’elles auront été commises.»

    François Mitterrand l'un des quatre ministres signataires du texte relatif à l'exécution de

    Pourquoi Zabana et Ferradj ?

    Au 19 juin 1956, 150 Algériens étaient déjà condamnés à mort, pour avoir osé porter les armes pour le recouvrement de l’indépendance de leur pays, spoliée en 1830. Pourquoi la justice mitterrandienne, cautionnée par Guy Mollet et Robert Lacoste, a-t-elle jeté son «dévolu» sur Zabana et Ferradj pour inaugurer la longue liste des 300 Algériens envoyés chez le bourreau ? La raison est politique. Pierre Nicolaï, directeur de cabinet de François Mitterrand à l’époque, le confirme : «C’est une décision politique.» Il avait été chargé par Mitterrand de lui trouver les premiers condamnés à exécuter (1). Il avait l’embarras du choix. Voulant réprimer le plus tôt possible la Révolution du peuple algérien, la «justice» mitterrandienne avait, à la veille du 19 juin 1956, condamné 150 Algériens à mort. Quelle rapidité ! Ce chiffre témoigne, on ne peut mieux, de la justice expéditive (2). Les critères lui avaient été signifiés. Il faut que le personnage candidat à l’échafaud doive être «crapule» et «politique». Quel dosage ! Il prit tous les dossiers de recours en grâce rejetés par Mitterrand et choisit Zabana, car étant un militant politique et un «assassin», puisqu’il avait tué le garde-forestier Braun, près de la Mare d’eau (sud d’Oran). Il prit le dossier de Ferradj une «crapule», car c’était un déserteur qui avait rejoint le FLN-ALN et pris part à des embuscades meurtrières. Il ne restait à Mitterrand qu’à fixer la date. Ce sera le 19 juin.

    Zabana portait une prothèse oculaire. Son œil fut perdu quand il s’était tiré une balle dans la tête, le 8 novembre 1954, jour de son arrestation et du démantèlement de son groupe, à Ghar Boudjelida (grotte de la chauve-souris) près de l’ex-Saint-Lucien (actuelle Zahana). De plus, il boitait de la jambe gauche du fait d’une blessure par balle. Les demandes de grâce du muphti d’Alger de l’époque et de l’archevêque d’Alger Mgr Duval subirent une fin de non-recevoir de la part de Robert Lacoste, ne pouvant lui aussi mécontenter le lobby colonial assoiffé de sang, malgré l’escalade de violence que cette exécution pouvait engendrer (3).

    Zabana a été exécuté en dépit du fait que le couperet se soit enrayé par deux fois à quelques centimètres de la nuque du chahid. Ce qui signifie pour les juristes que la sentence a été exécutée. Mais Zabana devait mourir ce jour-là. C’étai son destin.

    Ferradj n’a bénéficié d’aucune clémence, lui aussi. Selon Me Benbraham, invitée d’une émission à la Télévision algérienne, le chahid Ferradj avait flanché les derniers moments. Malgré sa crise de démence, aucune clémence ne lui fut accordée et il marcha tel Zabana digne vers l’échafaud. Malgré les représailles du FLN-ALN, qui avait averti que toute exécution à la guillotine sera suivie d’attentats, les gouvernements français firent fi de cette menace et poursuivirent l’envoi des moudjahidine algériens à la «Veuve».

    Bilan macabre

    François Mitterrand qui se fera le chantre de l’abolition de la peine de mort, à son arrivée à la présidence française en 1981, avait fait passer 38 Algériens par la guillotine. Robert Lacoste, le libéral qui voulait pacifier l’Algérie par des réformes sociales, signa l’arrêt de mort de 27 Algériens. La période la plus terrible vécue par ceux qui attendaient dans le sous-sol de Serkadji fut celle allant du 3 au 12 février 1957, en pleine Bataille d’Alger. Douze moudjahidine furent passés par la guillotine. La «justice» devait appuyer le travail des paras de Massu, venus redorer leur blason terni par la défaite de Diên Biên Phu, au détriment des Algériens. Ils l’ont terni encore plus par leurs pratiques moyenâgeuses et qui dépassaient les atrocités nazies, en instituant la torture et les exécutions sommaires (la corvée de bois) (4).

    En quittant son bureau au ministère de la «Justice», Mitterrand venait de faire de la peine de mort par la guillotine le destin de tout Algérien pris les armes à la main. Les gouvernements ayant succédé à celui de Guy Mollet n’ont pas failli à la règle de conduite : 29 Algériens guillotinés en trois mois sous le gouvernement de Bourgès-Maunoury et 49 durant les six mois de Félix Gaillard.

    Même l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir ne fera pas arrêter la machine de la mort. Elle continuera à fonctionner jusqu’en 1959. Après son appel à «la paix des braves», le général, en signe de bonne volonté, décide de suspendre les exécutions et de les commuer en emprisonnement à perpétuité. Les militaires qui «voulaient casser du fellagha» ne l’entendirent pas de cette oreille. Ils continuèrent à exécuter les Algériens mais non pas avec la guillotine, mais en recourant aux pelotons d’exécution (5).

    Cette cruauté et cet acharnement n’avaient en rien entamé la détermination des moudjahidine. Ils s’étaient tous avancés vers l’échafaud sereins, car ils savaient que leur sacrifice n’aurait pas été vain. Ils étaient certains que leur mort signifiait la vie de l’Algérie indépendante.

    La guillotine

    Cette machine de la mort a été créée et mise au point par le chirurgien Antoine Louis, mais elle porte le nom de Joseph Guillotin, qui en a fait la présentation devant le Parlement français, le 28 novembre 1789. Un voleur du nom de Nicolas-Jacques Pelletier sera le premier humain à avoir la tête tranchée par cette machine, un certain 25 avril 1792. Elle sera, en plus du nom de guillotine, appelée la «Veuve», «Louisette» et «Louison».  12 mars 2016

    Par Salim Rebahi – Publié le 01 jui 2012
    1. Entretien accordé par Pierre Nicolaï à Sylvie Thénault, auteur d’une thèse de doctorat sur la Justice dans la guerre d’Algérie, Université Paris X- Nanterre, novembre 1999.
    2. Les chercheurs qui se sont intéressés aux condamnés à mort durant la Révolution algérienne ont été étonnés dans les Archives du ministère de la Justice français des dossiers ne contenant pour la plupart qu’une à trois feuilles. Des dossiers moins épais que ceux des droits communs.
    3. Le FLN-ALN avait annoncé que toute exécution à la guillotine d’un militant sera suivie de représailles. Après l’exécution de Zabana et Ferradj, 49 attentats visèrent des Français âgés entre 18 et 54 ans (le FLN-ALN n’étant pas un assassin de femmes, d’enfants et de vieillards). Sur chaque corps, témoigne Yacef Saâdi, ordre fut donné de laisser une feuille de papier sur laquelle était écrit : «Zabana et Ferradj, vous êtes vengés.»
    4. Les tortionnaires français emmenaient le moudjahid arrêté, non sans lui avoir fait subir les affres des gégènes et autres tortures dans un bois, et lui intimaient l’ordre de partir, lui faisant croire à sa libération. Une fois qu’il se mettait à courir il était abattu d’une rafale dans le dos. Dans le rapport justifiant sa mort, on mettait la mention :«Tentative d’évasion».
    5. Selon Boualem Nedjadi, dans son livre Viva Zabana, édité à l’ANEP en 2006, les premiers à être passés par le peloton d’exécution, sont les chouhada Mohamed Baghdadi dit si Abdelwahab et Ahmed Moulay dit si Abdelhafid. Ils furent fusillés le 1er juillet 1959 à Canastel à 12 km à l’Est d’Oran.

    Prolonger :

    http://www.lepoint.fr/politique/les-guillotines-de-mitterrand-31-08-2001-56908_20.php

    http://www.anti-k.org/2016/03/12/300-algeriens-passes-par-la-guillotine-entre-1956-et-1959/

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  • Nouveautés sur Association France Palestine Solidarité

    palestine_1_2944x1224px.jpg

    Récolte dans la révolte

    L’Humanité, jeudi 10 mars 2016
  • Nouveautés sur Europe Solidaire Sans frontières

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  • La Syrie après le « Printemps arabe » : 8 faits essentiels (Amnesty)

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    Il y a cinq ans, le gouvernement de Bachar el Assad a brutalement réprimé les manifestations de masse qui ont débuté le 15 mars 2011. Cette réponse violente a déclenché le conflit armé le plus grave que la région ait jamais connu.

    1. Selon l'ONU, il a coûté la vie à plus de 250 000 personnes. Les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre sont monnaie courante.

    2. Depuis, plus de 11 millions de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer ; on compte environ 7 millions de déplacés internes en Syrie et plus de 4 millions sont désormais réfugiés à l'étranger, principalement en Turquie, au Liban et en Jordanie. Des dizaines de milliers de réfugiés originaires de Syrie ont également fui vers l'Europe, bien souvent au péril de leur vie.

    3. Les forces gouvernementales ont pilonné et bombardé à maintes reprises des zones civiles en utilisant des armes non discriminantes, notamment des bombes-barils. Elles ont également bombardé des hôpitaux, ciblé le personnel de santé et mis en place de longs sièges dans des zones contrôlées par l'opposition, privant la population de nourriture, de médicaments et d'autres produits de première nécessité. D'après Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits humains), rien qu'en 2015, 112 centres médicaux ont été attaqués, pour la plupart par les forces gouvernementales.

    4. D'après le Réseau syrien pour les droits humains (SNHR), environ 65 000 personnes ont été arrêtées par les forces de sécurité du gouvernement et ont « disparu », quelque part dans le réseau de centres de détention non officiels. D'autres sont emprisonnées pour avoir aidé des personnes jetées sur les routes par les combats, ou pour avoir parlé de la situation en Syrie. Des avocats, des médecins et des journalistes ont été incarcérés simplement pour avoir fait leur travail.

    5. Les services de renseignement et d'autres forces gouvernementales continuent d'utiliser la torture à grande échelle. Des milliers de personne sont mortes en détention depuis 2011 à cause de la torture et d'autres facteurs, notamment le manque de nourriture et d'accès aux soins.

    6. Le groupe armé se désignant sous le nom d'État islamique (EI) a bombardé des zones civiles et a tué des dizaines de civils et de prisonniers. Il a enlevé, torturé et exécuté des journalistes, des militants pacifiques et des opposants présumés. L'EI assiège également des zones civiles, ce qui rend l’accès à la nourriture, aux médicaments et aux autres produits de première nécessité difficile pour la population.

    7. D'autres groupes armés, notamment le Front al Nosra, ont également attaqué des zones civiles, enlevé des opposants présumés et tué des prisonniers.

    8. Les frappes aériennes russes qui viennent soutenir le gouvernement de Bachar el Assad ont tué des centaines de civils et frappé des centres médicaux.

    9 mars 2016

    https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2016/03/syria-after-arab-spring-eight-facts/