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Elle a presque disparu de « nos » médias dominants. Mais elle continue de faire des ravages, un an et quatre mois après son début : la guerre sanglante que mène (en premier lieu) « notre » allié, le régime saoudien, en terre yéménite...
Ce conflit militaire dans le plus pauvre des pays arabes a coûté la vie, jusqu’ici, d’environ 6 400 personnes. On décompte aussi quelques 40 000 blesséEs, et 2,5 millions de Yéménites ont été contraintEs de quitter leurs foyers. La majorité d’entre eux et elles vivent comme « déplacés internes » dans d’autres parties du pays. Depuis le 11 avril 2016, une négociation de paix a été ouverte au Koweït, sous les auspices des Nations unies, sans grand résultat...
Du point de vue du régime wahhabite saoudien, ce conflit se présente avant tout comme une guerre « de procuration » contre son rival stratégique sur la scène régionale : le régime iranien. Les belligérants yéménites sont considérés, « vu depuis Riyadh » (la capitale saoudienne), comme des pions dans ce jeu géopolitique et teinté de confessionnalisme. Cela concerne avant tout les « Houthistes », une force rebelle d’obédience chiite que le régime saoudien considère comme une marionnette de l’Iran. La réalité est plus nuancée : si les slogans de cette milice chiite (« Mort à l’Amérique, malédiction aux juifs », un soutien à l’ « Axe de résistance » formé notamment par les régimes iranien et syrien, etc.) sont bien en phase avec ceux du pouvoir de Téhéran, elle puise néanmoins sa force dans des conflits internes à la société yéménite. Dans un pays au jeu politique largement confessionnalisé et tribalisé, elle traduit les aspirations et exaspérations de la minorité chiite (zaïdite).
Bombardements aveugles
Les « Houthistes », qui étaient entrés dans la capitale Sanaa à partir de septembre 2014, s’étaient alliés avec l’ancien président du pays Ali Abdallah Saleh et ses partisans, contre son successeur (depuis 2012), Abd Rabbo Mansour Hadi. Saleh avait présidé le pays de manière autocratique depuis 1978, mais avait renoncé au pouvoir sous la pression d’un mouvement de masse né en 2011. Porté par des civils, ce mouvement s’inscrivait dans la foulée des révoltes des « printemps arabes ». Après plusieurs mois de révolte démocratique, son ancien vice-président, Mansour Hadi, fut élu président lors d’un vote où il était le candidat unique. Saleh, blessé lors de combats, s’était d’abord enfui en Arabie saoudite, puis s’était exilé aux USA pour y recevoir de soins médicaux. Mais animé par le désir de revenir sur la scène politique yéménite, il y a nourri un conflit qui a malheureusement conduit à une reconfessionnalisation extrême des clivages politiques.
Face à l’avancée de la milice rebelle chiite, le régime saoudien est intervenu ouvertement depuis la fin mars 2015 avec l’opération militaire baptisée « Tempête décisive ». Il est soutenu par une alliance politico-militaire qui comprend plusieurs monarchies du Golfe, d’autres monarchies arabes – Jordanie et Maroc – ainsi que les régimes égyptien et soudanais. Mais c’est surtout le régime saoudien qui mène cette guerre avec une violence extrême.
Le 15 mars dernier, l’un des bombardements aveugles du régime saoudien a tué au moins 119 personnes (dont 22 enfants) sur un marché dans la province de Hajja. Peu de temps après, le Haut commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a publié un communiqué, expliquant à propos des bombardements de la coalition saoudienne qu’« ils ont frappé des marchés, des hôpitaux, des cliniques, des écoles, des usines, des réceptions de mariage, et des centaines de résidences privées dans des villages, des villes, y compris dans la capitale Sanaa. » Mais l’Arabie saoudite reste un grand partenaire des principales puissances européennes, ainsi que, malgré quelques tensions, des USA.
Son conseil s’est réuni vendredi et samedi derniers à Genève (Suisse)
L’Internationale socialiste (IS) a adopté une résolution sur le Sahara occidental acceptée par les délégations du Front Polisario et l’USFP (Maroc).
Réuni les 1er et 2 juillet à Genève en présence de représentants du FFS, le conseil de l’Internationale socialiste a également adopté une autre déclaration sur la Libye, qui affirme que seule une solution politique consensuelle et inclusive des forces en présence est susceptible d’assurer une stabilité durable et de jeter les fondements d’une vraie réconciliation nationale. Selon un communiqué du FFS, l’IS réaffirme son soutien au processus démocratique en Tunisie.
L’IS a reconnu également la légitimité du combat du mouvement Boycott, Divestment and Sanctions (BDS) à faire pression sur l’occupation israélienne. «Le FFS félicite les partis frères du Fatah et du PNI pour cette victoire et les assure de son indéfectible solidarité», précise le parti dans un communiqué.
29 juin 2016 La politique de confiscation de terres par Israël a notablement augmenté dans Jérusalem et en Cisjordanie occupée, avec une hausse de 439% depuis le début de l’année 2016 par rapport à l’an dernier, selon ce que montre un rapport palestinien publié mardi dernier. L’Institut de Recherche Appliquée de Jérusalem (ARIJ) a fait...
Palest’In & Out est le premier festival d’art contemporain qui célèbre à Paris la scène émergente palestinienne. De jeunes artistes de moins de 35 ans sont sélectionnés leurs pairs et par des responsables de structures culturelles et de festivals innovants, sur la base de critères professionnels exigeants. Révéler la création palestinienne dans ce qu’elle a...
Patricia de Blas, The Electronic Intifada, 1er Juillet 2016 Le fils de Mourad Shtaiwi, dirigeant du comité populaire de résistance, a été blessé à la jambe par une balle enrobée de caoutchouc, tirée par les soldats israéliens lors d’une manifestation hebdomadaire à Kafr Qaddoum. « Nous aimons notre terre et nous nous battrons » Voilà ce qui est écrit...
De Michael Schaeffer Omer-Man | 4 Juillet 2016 Israël voit une résurgence préoccupante de tentatives d’entraver et de supprimer la contestation, en particulier celle des militants contre l’occupation et pour la défense des droits humains. Ce processus ne s’inscrit pas dans le vide. Le Parlement israélien est sur le point de voter, dans les jours...
Par Mairav Zonszein, 29 juin 2016 Al-Araqib est l’un des 35 villages « non reconnus » en Israël que les autorités refusent de fournir en eau, en électricité et en infrastructures de base. Pour la centième fois ce matin, les forces israéliennes de sécurité ont démoli le village bédouin d’al-Araqib. Il s’agissait de la deuxième démolition au...
Par Ben White, 29 juin 2016 Lundi, le premier ministre turc Binali Yildirim a déclaré que le blocus de la Bande de Gaza par Israël avait été « largement levé » comme convenu dans le contrat de réconciliation fraîchement signé entre Israël et la Turquie. La normalisation des relations turco-israéliennes, six ans après que les forces israéliennes...
Une famille palestinienne porte plainte en France pour complicité de crime de guerre et homicide involontaire contre l’entreprise française Exxelia Technologies. Les plaignants, représentés par le cabinet Ancile-avocats et assistés par l’ACAT (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture), sont des membres de la famille Shuheibar résidant à Gaza City, dont trois enfants ont perdu la vie lors d’une frappe israélienne en 2014.
Le 17 juillet 2014, au cours de l’offensive israélienne dans la bande de Gaza appelée l’opération « Bordure protectrice », un missile – vraisemblablement tiré par un drone - s’est abattu sur le toit de leur maison où cinq enfants nourrissaient les pigeons. Une fille, Afnan (8 ans) et deux garçons, Wassim (9 ans) et Jihad (10 ans) sont morts. Deux autres garçons, Udai (15 ans) et son cousin Bassil (9 ans), ont été grièvement blessés.
Un composant de fabrication française a été trouvé parmi les débris du missile tiré sur la maison. L’ACAT et son partenaire palestinien ont documenté l’attaque, recueilli des témoignages et soumis les débris à l’analyse d’experts militaires internationaux. Les rapports d’expertise permettent d’établir que le composant français retrouvé sur les lieux de l’attaque est un capteur sensoriel à effet Hall fabriqué par l’entreprise française Eurofarad , aujourd’hui nommé Exxelia Technologies depuis son rachat par Exxelia Group en 2015. Ce composant fait partie d’un missile de petite taille tiré depuis les airs, vraisemblablement par un drone.
Les survivants et les témoins affirment qu’aucune cible militaire n’était présente dans la maison au moment de l’attaque ni à aucun autre moment. Ce faisant, le domicile est considéré comme un objet civil qui ne peut pas visé par une attaque selon le droit international. L’attaque de la maison avec les morts civils et les dégâts matériels qui en ont résulté était donc illégale et pourrait constituer un crime de guerre. Les plaignants accusent l’entreprise française de s’être rendue coupable de complicité de crime de guerre ou, a minima, d’homicide involontaire, s’il est établi qu’elle a vendu le capteur à une entreprise de défense israélienne. Ils ont porté plainte auprès du parquet du pôle judiciaire spécialisé dans les crimes de guerre.
« Il est malheureux que l’impunité criante des crimes de guerre commis à Gaza impose aux victimes de devoir saisir la justice française », regrette Joseph Breham, avocat au cabinet Ancile-avocats, Selon son associée, Me Ingrid Metton, « L’industrie de l’armement française ne peut plus échapper à sa responsabilité morale et juridique. Vendre du matériel qui sert à commettre des crimes de guerre doit être sévèrement sanctionné ».
Au-delà d’Exxelia, nous appelons la France à faire preuve de responsabilité, elle qui a joué un rôle moteur dans l’élaboration et l’adoption du Traité sur le commerce des armes » rappelle Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb/Moyen-Orient à l’ACAT. Ce traité interdit aux États d’exporter des armes mais aussi des composants qui pourraient être utilisés pour commettre des crimes de guerre. « Au lieu de se féliciter de vendre des armes à des pays qui commettent de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire, la France devrait faire en sorte qu’à l’avenir, on ne puisse plus trouver une seule pièce de fabrication française sur un site de crimes de guerre »
Deux ans après l’opération “Bordure protectrice”, les autorités israéliennes n’ont toujours pas effectué d’enquête crédibles sur les attaques Illégales menées directement contre des civils. Ce dernier exemple d’impunité est emblématique de l’échec patent d’Israël à se conformer à son obligation internationale d’enquêter sur les sérieuses allégations de violations et de garantir la justice et la réparation des victimes d’attaques militaires illégales. Israël a refusé ou omis de mener des enquêtes crédibles sur des centaines de cas.
29 juin 2016 - Communiqué de presse de l’ACAT
Contacts presse : • Pierre Motin, ACAT, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr • Me Joseph Breham et Me Ingrid Metton, cabinet Ancile-avocats, 01 44 54 46 33
Notes aux rédactions : • Un document de questions/réponses concernant la plainte est disponible en suivant ce lien. • Des photographies sont disponibles en suivant ce lien. Pour un achat de ces photographies pour une utilisation média, envoyer un mail à annepaq@gmail.com. Cette photographie est quant à elle libre de droit pour une utilisation à 1/4 de page sauf couverture, avec le crédit : Anne Paq/Activestills.org.
• Un webdocumentaire intitulé « Obliterated Families » réalisé par la photojournaliste Anne Paq et la reporter Ala Qandil avec le soutien de l’ACAT sera rendu public le jeudi 7 juillet, à l’occasion des deux ans de l’opération « Bordure protectrice ». Anne Paq a pris les photos des fragments du missile chez la famille Shuheibar. Il raconte l’histoire de 10 familles ayant subi les attaques israéliennes de l’été 2014, dont la famille Shuheibar.
En Egypte, en Tunisie, en Algérie ou même en Syrie, des médias indépendants ont éclos depuis les Printemps arabes. Tous partagent des aspirations communes : informer face aux intox et à la propagande, consolider leur indépendance malgré des moyens réduits, faire de l’investigation et traiter des sujets de fond, y compris ceux qui fâchent les conservatismes culturels. Confrontés à des régimes répressifs, à la menace terroriste ou à la guerre-civile, ils se battent pour les sociétés démocratiques du futur. Basta ! a croisé plusieurs de ces journalistes courageux, à l’occasion d’une rencontre organisée à par le site OrientXXI.
Son site d’information est une « fille de la crise ». Lina Attalah est directrice de Mada Masr, un média indépendant égyptien lancé à la veille du coup d’État militaire de 2013 contre le président islamo-conservateur Mohamed Morsi, démocratiquement élu un an plus tôt. Basés au Caire, les membres de Mada Masr ont tous en commun d’avoir été renvoyés du journal Egypt Independent. En cause : leur trop grande indépendance d’esprit et leur liberté de parole. « Nous avons dû fonder notre propre média pour continuer notre travail, couvrir l’actualité en profondeur, y compris dans les domaines de la culture, de l’économie, de l’environnement », précise Lina, soucieuse de son indépendance vis à vis des partis au pouvoir.
Trois ans après son lancement, Mada Masr contemple une Égypte qui ne cesse de restreindre la liberté d’expression. « Ce qui est important aujourd’hui, c’est de documenter ce qu’il se passe dans le pays sur le plan social et politique », estime Lina. Une préoccupation partagée par des journalistes venus d’Algérie, de Tunisie, de Syrie, du Liban ou de Jordanie, à l’occasion d’une rencontre initiée par le site d’information OrientXXI [1]. « Les révolutions ont ouvert les yeux sur une situation politique commune aux différents pays arabes, relève Ihsane El Kadi, directeur de Maghreb Emergent en Algérie. Nous avons connu l’ouverture politique, la guerre civile, la résilience. Qu’est-ce qu’il en reste aujourd’hui ? » A voir les journalistes présents autour de la table, une première certitude : toutes et tous entendent développer davantage de relations entre leurs rédactions dans les différents pays de la Méditerranée et du Proche-Orient.
Face à « une jungle de l’information où tout est prétexte à l’intox et à la propagande »
Journaliste, Sana Sbouai a co-fondé le site d’information tunisien Inkyfada, lancé en juin 2014. « Ici, on prend le temps nécessaire pour produire une information de qualité », préviennent les journalistes, développeurs et graphistes à l’initiative de ce web-magazine. Une manière de dépasser les réseaux sociaux qui, s’ils ont été un outil essentiel pendant la révolution, seraient devenu depuis « une jungle de l’information où tout est prétexte au commentaire, à l’intox et à la propagande » [2]. « On se concentre sur l’investigation, les reportages, le data-journalisme [3], et c’est en ce sens qu’on parle de "slow journalism" [littéralement, « journalisme lent », ndlr] », détaille Sana.
Le sérieux de leur travail paie : l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) a choisi Inkyfada pour révéler début avril les noms tunisiens figurant dans les Panama papers. Les menaces de poursuites en diffamation n’ont finalement pas été suivies d’effets. « Notre site a par contre été piraté, et des noms ont été changés dans les articles, précise Sana. Derrière cette attaque très pointue, il y avait une volonté de manipuler l’information. » Mais l’idée même qu’il puisse exister des « médias indépendants » reste difficile à faire passer en Tunisie, comme le souligne Sana : « On a du mal à faire entendre qu’on travaille sans agenda politique. »
L’aspiration à une vraie démocratie
La Jordanie a également connu quelques manifestations au début du Printemps arabe. « C’était une demande de liberté, de démocratie, face à la concentration des pouvoirs du Roi, qui est plutôt vu dans la communauté internationale comme progressif et libéral, relève Lina Ejeilat, rédactrice en chef de 7iber. Mais c’est très difficile de pousser le public à se mêler des questions de transformation politique, démocratique... On nous dit qu’on devrait être heureux de ce que nous avons en Jordanie. » Lina égrène les noms de journalistes et de blogueurs comparaissant devant les tribunaux, auxquels personne ne prête attention. « La liberté d’expression, politique, civile, ne fait pas partie des priorités en Jordanie ».
La question de l’indépendance des médias se pose aussi au Liban. Nahla Chahal, professeure de sociologie politique et directrice de publication de l’hebdomadaire Arabi Assafir, vulgarise des textes d’analyse sur le Liban, sur ses villes, son économie, l’architecture, le goût, la politique... « Au Liban, la répression n’a pas été aussi directe qu’ailleurs, témoigne Nahla. L’État est faible, et nous pouvons écrire ce que nous voulons. Ils ont essayé d’intervenir sur des thématiques sensibles, morales en particulier, mais ils ont dû reculer devant la levée de boucliers. »
« Si on veut résister, il faut aussi parler de social et de culture »
La Syrie figure parmi les pays les plus dangereux pour les journalistes. Al-Jumhuriya est un site d’information sur les transformations politiques, sociales et culturelles en Syrie et dans le monde arabe, créé en mars 2012 à Istanbul par un groupe d’intellectuels syriens exilés. Son directeur, Kerem Nachar, enseigne aujourd’hui les sciences politiques en Turquie. Comment écrire en temps de guerre ? « Il faut diversifier la narration, ne pas se contenter de savoir combien de gens sont morts tel jour ou tel autre, comme le font les grands médias, observe Kerem. La Syrie est une société vivante, où des gens résistent. Notre site travaille par exemple sur les résistances laïques contre l’islamisation de la sphère publique. » Récemment, Al-Jumhuriya a publié une série d’articles sur les dix dernières années de l’histoire d’Alep. « Aujourd’hui, ma ville natale est connue comme la cité la plus dangereuse du monde. Nous montrons que c’est aussi l’une des plus riches et complexes. »
« Nous écrivons beaucoup de choses malgré la guerre, poursuit Kerem. Si nous voulons résister, il faut aussi parler de social, de culture.... Nous parlons de la sexualité ou des LGBT [4]. Certains nous disent qu’en temps de guerre, ces questions sont secondaires. Mais pour nous, il faut lutter sur plusieurs fronts. » Bien que les noms de leurs journalistes en Syrie soient confidentiels, des menaces sont régulièrement adressées à Al-Jumhuriya. « Nous développons des stratégies pour ne pas nous mettre en danger. » Mais la conscience d’être une cible, y compris en-dehors des frontières syriennes, demeure présente en permanence.
« L’emprisonnement ou la disparition »
En matière de sécurité, la situation en Égypte diffère de la Syrie. « En 2015, l’Égypte est le pays qui a emprisonné le plus de journalistes après la Chine. C’est le genre de prix que l’on gagne », ironise Lina Attalah. « Le risque ici, c’est vraiment l’emprisonnement ou la disparition. » Des craintes qui peuvent se traduire par une forme d’autocensure. « Il faut résister à l’idée de ne pas publier parce que nous avons peur. Nous avons peur la plupart du temps. » Lina évoque la publication, quelques jours plus tôt, d’un dossier sur la corruption de l’État égyptien. « Le rédacteur du rapport est un inspecteur : il a été relevé de ses fonctions et envoyé en prison. Nous avons toujours des discussions internes avant de publier ce type de document. Mais nous arrivons toujours à la même conclusion : c’est exactement pour publier ce type d’articles que nous avons décidé de créer Mada Masr. »
Au Liban, malgré tout, Nahla Chahal subit régulièrement des attaques, comme après avoir publié un article sur les queers de Palestine. « Nous pesons le pour et le contre avant de publier un sujet, et c’est légitime. Nous savons que des sujets ayant trait à la sexualité peuvent choquer, mais nous passons outre. Nous voulons montrer notre société telle qu’elle est. » Mais le recours à des pseudonymes ne suffit pas toujours à garantir la sécurité des auteurs face à la surveillance de masse. « Nous poussons les journalistes à crypter leurs communications sur internet », raconte Lina Ejeilat. Mais c’est difficile de changer la culture d’utilisation des réseaux. Il faut sans cesse se remettre à jour. »
Le défi de l’indépendance économique
« Le modèle économique est une question décisive. Il s’agit de rendre soutenable des médias qui se sont construits sur des bases alternatives », observe Ihsane El Kadi du Maghreb Emergent en Algérie. « La première garantie de l’indépendance, c’est le lecteur. Mais sous l’ère Bouteflika, le paiement électronique n’existe pas encore, nous ne pouvons donc pas développer ce modèle. » En Égypte, l’équipe de Mada Masr s’attelle à diversifier les sources de revenus pour garantir l’accès libre à leur site : abonnements, prestations de service, publicité, subventions, organisation d’événements, vente de revues de presse... « Nous sommes indépendants parce qu’il n’y a pas qu’une seule source qui nous donne de l’argent », complète Lina Ejeilat du site jordanien 7iber.
Sur les deux rives de la Méditerranée, l’enjeu pour les médias indépendants est de ne pas rester confiné dans les marges. « Nous n’aurons peut-être jamais le lectorat que les grands sites web ont en Égypte, mais nous tenons à notre différence qualitative », insiste Lina Attalah. La tunisienne Sana Sbouai évoque l’effet levier de certains articles, comme celui portant sur un groupe de migrants expulsés et abandonnés à la frontière algérienne par les autorités tunisiennes. « Suite à la publication de cette enquête, l’Organisation internationale pour les migrations a eu un rendez-vous dans la nuit avec le ministère de l’Intérieur. Le lendemain, ces migrants étaient libérés et de retour à Tunis. Nous pouvons obliger les décideurs à agir en étant des watchdogs [chiens de garde, ndlr]. » Et Nalha Chalal d’opiner : « Si nous pouvons sauver une seule personne par notre travail d’enquête, nous pouvons déjà en être fiers. »