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  • Ksibet El-Mediouni (Tunisie): la société civile revendique le droit à l’emploi (Africanmanager)

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    Les composantes de la société civile et des représentants de partis, à Ksibet El-Mediouni, revendiquent le droit à l’emploi, à un environnement sain et à des services publics de qualité.


    A l’issue d’un meeting tenu, lundi, Place des arts, ils appellent le gouvernement à mettre fin à la marginalisation de leur ville, l’exhortant à trouver des solutions aux problèmes de la pollution, du chômage, de la faiblesse de l’infrastructure et des services publics. Ils menacent d’une grève générale et d’une marche pacifique, le 2 mai 2017, si leurs revendications ne sont pas prises en compte.

    La ville de Ksibet El-Mediouni est devenue marginalisée du fait de sa situation sur le littoral, alors qu’elle l’était déjà dans le passé en raison de son militantisme et de son opposition au despotisme, déclare à l’agence TAP Mounir Hassine, président de la section du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), à Monastir.

    Les composantes de la société civile s’étaient réunies les 7 et 12 mars 2017 au siège du Forum, à Ksibet El-Mediouni, et avaient publié une déclaration dénonçant  » la politique de marginalisation  » menée contre leur ville.

     Tunis Afrique Presse -

    http://africanmanager.com/

    Lire aussi:

    Pollution : Baie de Monastir à Ksibet El Mediouni, un «triangle de la mort» (Nawaat)

  • Tunisie: Action protestataire nationale menée par 59000 ouvriers de chantiers (Mosaique fm)

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    59 mille ouvriers de chantiers ont observé aujourd’hui 21 mars 2017 une action protestataire nationale conformément à un appel lancé dans ce sens par le groupement des coordinations régionales des ouvriers de chantiers.

    Les ouvriers protestataires ont réitéré leur appel à la régularisation de leur situation professionnelle ainsi que leur intégration progressive. Plus de détails dans cette déclaration de Sami Khelifi, membre de la coordination.

    21 Mars 2017

    http://www.mosaiquefm.net/

  • Qui sont les militants israéliens pour la paix ? (Orient 21)

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    La société israélienne, comme toute société, n’est pas monolithique, et il existe des organisations et des militants, peu nombreux, en faveur de la paix et en faveur de la fin de l’occupation de la Palestine.

    En Israël, ces militants pour la paix agissent en ordre dispersé. Il n’existe pas d’organisation rassemblant les différents groupes. À quelques exceptions près, ils ne condamnent pas en bloc les guerres d’Israël à l’extérieur, mais plutôt la colonisation des territoires palestiniens.

    —  Combien sont-ils ? Quelques centaines, quelques milliers de membres actifs. La société israélienne est de plus en plus opposée à la création d’un État palestinien, et les positions du « camp de la paix » ne sont guère populaires.

    —  Qui sont-ils ? Il y a d’abord les ONG civiles. La principale est Shalom Archav (La paix maintenant). Fondée en 1978 pour soutenir les négociations entre Israël et l’Égypte, elle a joué ensuite un rôle important contre la guerre au Liban (en particulier entre 1982 et 2000) par de vastes manifestations, même si ses militants repartaient en général sans rechigner au Liban lorsque l’armée les y appelait. Son travail principal aujourd’hui est d’établir des cartes qui montrent la progression de la colonisation des territoires palestiniens. Le mouvement est divisé. En principe, il accepte de discuter avec le Hamas, qui gouverne Gaza, mais beaucoup de ses membres ne sont pas d’accord. La majorité est aussi défavorable au droit des Palestiniens réfugiés au retour dans leurs anciens foyers.

    Un autre gros travail est effectué par B’Tselem, qui signifie « À l’image de », d’après le verset de la Bible « Et Dieu créa l’homme à son image » (Genèse, 1 :27). Cette ONG rapporte au jour le jour les violations des droits des Palestiniens par l’armée israélienne : arrestations, violences, morts, etc.

    Dans l’armée, des mouvements de soldats éclosent périodiquement. Certains refusent de combattre dans des guerres extérieures. Yesh Gvul (Il y a une limite) a été créée par des officiers de réserve qui ont refusé de se battre au Liban en 1982, pour ne pas tuer des civils. Quelques militaires ont aussi refusé de se battre au Liban dans la guerre de 2006 contre le Hezbollah, pour les mêmes raisons. Depuis, Yesh Gvul soutient les conscrits et les réservistes qui n’acceptent pas de participer à la répression dans les territoires palestiniens. On peut aussi citer la « Lettre des pilotes », écrite par 27 aviateurs qui ont refusé de bombarder Gaza en 2003. Plus récemment, en 2014, des spécialistes de la surveillance électronique ont refusé de continuer à réprimer les Palestiniens. Et l’association Breaking the Silence (Briser le silence) est allée plus loin : ses membres décrivent en détail, dans les médias, les violences dont ils ont été les témoins quand ils étaient sous l’uniforme.

    En général, ces dissidents n’effectuent pas de longues peines de prison, mais ils paient cher leur action. Ils ont du mal à trouver un emploi et sont souvent exclus par leurs familles et leurs amis.

    Il existe aussi en Israël des mouvements politiques, très minoritaires, dont le programme porte pour l’essentiel sur la fin de l’occupation, la paix et l’égalité des droits entre Palestiniens et Israéliens. C’est le cas, par exemple, de Hadash, le Front démocratique pour la paix et l’égalité, qui réunit diverses organisations, notamment le parti communiste, et où se retrouvent Israéliens juifs et Palestiniens d’Israël. La liste unifiée qu’il a présentée aux élections législatives de 2015 a obtenu cinq sièges. C’est aussi le cas du Matzpen, parti trotskiste (Autrefois! Note du blog).

    Au-delà, il existe une kyrielle de petites organisations. Ainsi de Taayush (Coexistence), du centre d’information alternatif (Alternative Information Center, AIC, israélo-palestinien), de Gush Shalom (Bloc de la paix), ou encore de Machsom Watch, qui surveille l’action des soldats aux checkpoints, de Rabbis for Human Rights (Rabbins pour les droits de l’homme), d’autres qui reconstruisent des maisons palestiniennes démolies par l’armée, et de nombre de petites structures.

    Tout un arsenal législatif de lois nouvelles ou en débat au Parlement vise à empêcher le travail de ces organisations.

    Pierre Prier  20 mars 2017
     
  • La rébellion en pleine démonstration de force à Damas (Souria Houria)

    Un groupe rebelle syrien dans le quartier de Jobar, à Damas, dimanche, lors des affrontements sans précédent qui ont secoué la ville. Photo Amer Almohibany. AFP

    La capitale syrienne est depuis dimanche le théâtre de violents affrontements entre rebelles et forces du régime. L’occasion pour les insurgés, alliés avec les jihadistes, de galvaniser les troupes démotivées après la défaite d’Alep.

    Une bataille féroce et inattendue a éclaté ces dernières quarante-huit heures au cœur de la capitale syrienne. L’attaque, lancée dimanche par une coalition de groupes rebelles dans des quartiers de l’est de Damas, a pris par surprise les forces du régime de Bachar al-Assad. Ces dernières ont mené une contre-offensive appuyée par d’intenses bombardements aériens, reprenant lundi les positions perdues la veille.

    En six ans de conflit, les habitants de Damas n’avaient jamais vécu la guerre de si près. Elle fait rage depuis dimanche dans leur ciel et dans leurs rues.

    Surprise.

    Explosions, tirs de mortiers et d’armes automatiques ont même atteint la place des Abbassides, un carrefour central de la capitale, comparable à la place de la Nation à Paris. L’attaque coordonnée de plusieurs groupes de l’Armée syrienne libre (ASL) et de jihadistes du Front Fatah al-Sham, ancienne branche syrienne d’Al-Qaeda, était destinée à briser le siège de trois quartiers insurgés du nord-est de Damas, encerclés et bombardés par les forces du régime depuis des mois. Dimanche, l’offensive a commencé par deux voitures piégées lancées contre une position forte de l’armée et des milices progouvernementales, faisant des dizaines de victimes et provoquant surtout une grande panique dans leurs rangs. L’effet de surprise a permis l’avancée rapide des rebelles sur le terrain et la prise d’un tronçon de l’autoroute Damas-Alep, qui sépare les deux quartiers assiégés de Jobar et Qaboun. Cette voie a été une cible prioritaire de la contre-offensive menée par les forces du régime, qui ont réussi à la reprendre lundi matin grâce à leur supériorité militaire dans les airs. Des raids intensifs des aviations syrienne et russe se sont poursuivis, même après la reprise de positions conquises dimanche par les insurgés.

    Outre son objectif militaire local, cette bataille a été lancée par l’ASL «pour montrer que la révolution reste forte et que le régime n’a pas gagné la partie comme on le dit à l’extérieur», selon les mots d’un commandant.

    Dans un appel audio diffusé par WhatsApp aux groupes insurgés à travers le pays, le chef militaire de la région de Damas appelle à rallumer les fronts contre les forces du régime. Une volonté de remonter le moral des troupes transparaît dans cette démonstration de force en pleine capitale au moment où la rébellion syrienne est rongée par les divisions et la démotivation depuis la défaite d’Alep.

    Protestation.

    A quelques jours de la reprise des négociations sous l’égide de l’ONU, prévue jeudi à Genève entre les représentants du régime d’Al-Assad et de l’opposition, la rébellion veut ainsi signaler qu’elle ne désarme pas et peut résister à la capitulation. Les groupes armés qui avaient participé aux pourparlers d’Astana au Kazakhstan, initiés par la Russie, ont refusé de se rendre la semaine dernière à une nouvelle session de discussions. Un geste de protestation contre le non-respect par le régime du cessez-le-feu négocié en décembre par la Russie et la Turquie puisque les combats n’ont pas cessé dans le pays. Reste que le morcellement des forces opposées à Al-Assad entre modérés, islamistes ou jihadistes, qui se combattent ou se regroupent selon les régions et les adversaires à affronter, mine leur crédibilité dans toute négociation.

    Source : Liberation - Date de parution le : 20/03/2017

    Souria Houria le 21 mars 2017

    https://www.facebook.com/

    souriahouria.com
     
     
  • À nos ennemis “anti-impérialistes” (Souria Houria)

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    Un jour à Istanbul, j’ai croisé un communiste turc qui a cru nécessaire de m’expliquer le conflit syrien.

    Selon lui, il s’agissait d’un complot impérialiste contre le régime progressiste de Bachar El-Assad. Moi, Syrien, ayant passé les cinquante-deux années de ma vie en Syrie, je devais écouter sans broncher les élucubra- tions de cet homme qui n’y avait probablement jamais mis ses pieds. La même chose s’est reproduite lors de rencontres avec des Allemands, Britanniques ou Américains convaincus d’en savoir plus que moi sur mon pays.

    On n’accorde guère de valeur à ce que disent les Syriens sur leur propre pays et on leur dénie la capacité intellectuelle d’avoir des analyses pertinentes.

    Au mieux, ils sont ravalés au rôle de source secondaire pour fournir une citation qui permettra de compléter l’article d’un journaliste ou les travaux académiques d’un chercheur. Ce traitement nous est réservé aussi bien de la part de la gauche anti-impérialiste que de la droite et plus généralement d’une majorité d’Occidentaux.

    Cette majorité a une approche de la Syrie et du Moyen-Orient qui repose sur trois points.

    Premièrement, le discours géopolitique qui a pour principale préoccupation la stabilité régionale. Deuxièmement, le discours culturaliste qui se focalise sur l’islam, l’islamisme, le terrorisme et les droits des minorités. Troisièmement, il y a le discours droits-de-l’hommiste, qui aborde les Syriens en tant que victimes (victimes de tortures, réfugiés…), mais qui ne s’attarde guère sur la dimension politique et sociale de leur lutte. Aucun de ces trois discours ne s’intéresse aux individus, ni à la réalité de la vie sociale, ni aux aspirations des gens.

    La droite occidentale fait siens les deux premiers discours, le géopolitique et le culturaliste.

    Et la gauche anti-impérialiste considère qu’il faut se préoccuper uniquement des grands dossiers de la politique internationale et combattre l’impérialisme sans regarder les choses par le petit bout de la lorgnette. Pour elle, le conflit syrien avec ses obscurs ressorts locaux est subalterne par rapport aux grandes considérations géopolitiques : Israël occupe une partie du territoire syrien, donc la Syrie est anti-impérialiste et propalestinienne. Et puisque la Syrie est gouvernée par la famille Assad depuis plus d’un demi-siècle, cette gauche en vient à être pro-Assad.

    Cette approche ignore la réalité politique, économique, culturelle, sociologique et historique.

    Obnubilés par de grandes considérations générales, ces anti-impérialistes ne croient pas nécessaire de s’intéresser à la réalité d’en bas. Ainsi ne voient-ils pas que le peuple syrien est “palestinisé” par le régime Assad, c’est-à-dire que les Syriens sont traités dans leur propre pays comme s’ils étaient sous occupation. Le régime d’Assad n’a rien d’anti-impérialiste. Mais, au-delà de cette évidence, les luttes pour la démocratie et la justice sociale ne sont pas subalternes aux grands dessins abstraits ; elles existent per se. Personne n’aurait l’idée, au nom de considérations géopolitiques, de dénier aux Coréens du Nord le droit de combattre leur régime fasciste. Pour critiquer le monde et le changer, l’anti-impérialisme ne s’avère pas être la bonne entrée pour y parvenir, faute de culture démocratique en son sein.

    Il faut donc affirmer l’autonomie des différentes luttes [locales par rapport aux grandes considérations géopolitiques], et en comprendre les logiques internes.

    L’État d’Assad n’est rien d’autre qu’un régime fasciste héréditaire dont le bilan après un demi-siècle d’histoire se résume à l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie, extrêmement riche et brutale, prête à détruire le pays pour garder le pouvoir.

    L’idéologie de cette classe de privilégiés met à l’honneur une modernité matérielle, mais certainement pas une modernité de valeurs.

    Au contraire, elle s’accommode d’un violent racisme envers les pauvres de Syrie – parmi lesquels les sunnites sont surreprésentés –, à l’instar des Blancs d’Afrique du Sud pendant l’apartheid envers les Noirs. Dans chacun des exemples cités, les premiers considèrent les seconds comme des personnes arriérées, dont l’extermination ne pose pas de problème moral, voire est considérée comme souhaitable. Cet État a accepté toutes les injonctions impérialistes au fi l des ans. Et il a surtout traité les Syriens comme des esclaves, détruisant toute possibilité de l’émergence d’une vie sociale, politique ou syndicale indépendante. En Syrie aussi, il existe des communistes anti-impérialistes locaux, fidèles à l’État assadien. Ce sont les “bakdachis”, de la tendance de Khaled Bakdach, qui était le secrétaire général du PC syrien officiel, fidèle parmi les fidèles à Moscou. À sa mort, son épouse, Wessal Farha, a récupéré le parti en héritage. Puis c’est le fils qui en a hérité quand elle est morte à son tour.

    Les bakdachis appartiennent aujourd’hui à la classe moyenne, avec leur mode de vie mondialisé, vivant dans les centres-villes, totalement préservés des affres que connaissent leurs compatriotes.

    Et quand les Syriens se font arrêter, humilier, torturer et assassiner, les bakdachis rabâchent des discours anti-impérialistes. Je ne connais pas un seul héraut de l’anti-impérialisme occidental qui, dans un des pays “impérialistes”, ait été torturé, discriminé légalement ou politiquement, interdit de voyager ou d’écrire. Je crois que ces anti-impérialistes ne savent même pas le sens de ces mots, à l’instar d’un Africain qui ne sait pas ce qu’est l’abondance ou d’un Suédois qui ne sait pas ce que c’est un manque.

    Un peu de modestie.

    Des journalistes occidentaux lassés de leur vie dans les grandes métropoles trouvent plaisant d’aller faire un tour à Damas ou à Beyrouth. Avec leurs confortables salaires, ils peuvent vivre où ils veulent. Nous, démocrates syriens, nous ne voulons pas les priver du droit de voyager, ni de la liberté d’expression. Mais nous voudrions qu’ils se montrent solidaires de nous et qu’ils condamnent cette clique qui s’ingénie à nous priver, nous autres Syriens ordinaires, de ces mêmes droits.

    Il y a quelque chose d’intrinsèquement impérialiste dans l’anti-impérialisme de cette gauche.

    Le conflit syrien justement permet de le montrer. Quand les anti-impérialistes occidentaux sortent l’argument de la guerre contre le terrorisme islamiste, ils semblent ne pas voir que cette guerre s’articule autour d’une conception étatiste qui renforce les États au détriment des sociétés et des mouvements sociaux. C’est une guerre qui insère Assad dans le système de domination du monde par les puissants. Qui plus est, elle lui permet de se prévaloir d’une cause alors qu’il n’en avait aucune. Il y a quelque chose d’intrinsèquement étatiste dans la structuration de la gauche anti-impérialiste. Et la guerre contre le terrorisme n’a aucun succès à son actif, mais a détruit au moins trois pays : l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie. Un tel bilan n’a rien d’étonnant de la part de forces impérialistes qui se caractérisent par l’arrogance et le racisme et qui ne se sentent pas obligées de rendre compte de leurs crimes.

    Mais là où l’impérialisme a subordonné sa vision du conflit syrien à la guerre contre le terrorisme, l’anti-impérialisme a subordonné la sienne à la notion de changement de régime.

    Or une politique de changement de régime ne peut être autre chose aux yeux des anti-impérialistes qu’une manigance impérialiste.Faut-il leur rappeler que ce n’est pas l’impérialisme américain qui a voulu le changement de régime syrien ? C’est nous, Syriens, qui le voulons. Les États-Unis et la Russie subordonnent notre lutte pour la liberté à la guerre sans fi n contre le terrorisme. La gauche occidentale subordonne notre lutte pour la liberté à la lutte contre l’impérialisme.

    De son côté, le régime assadien subordonne les aspirations à la liberté du peuple syrien au mensonge de la lutte contre Israël.

    Finalement, les islamistes subordonnent notre lutte globale à une guerre religieuse. Le point commun de tous est qu’ils prennent la posture de celui qui peut décider à notre place, enfants immatures que nous sommes à leurs yeux. Ceux des Syriens qui refusent d’être ainsi infantilisés sont alors considérés comme incompétents par les uns, traîtres par les deuxièmes et mécréants par les troisièmes.

    Mais le fondement du paternalisme des anti-impérialistes est à trouver dans l’évolution de cette gauche et de son accession à une classe moyenne coupée des problèmes de la société.

    Cela est lié aux transformations économiques dans les pays occidentaux, avec une industrie à l’agonie et une classe ouvrière en perte de vitesse, favorisant l’émergence d’une gauche “des campus”, qui ne fait rien et qui sait peu. Il ne s’agit pas de leur dire de ne pas se mêler de nos affaires. Au contraire, nous voulons qu’ils s’en mêlent. Nous aussi nous nous mêlons de leurs affaires et personne ne nous en empêchera. Nous vivons dans le même monde.

    Mais nous exigeons un peu de modestie.

    Cette gauche anti-impérialiste doit écouter plutôt que donner des leçons ; elle doit cesser de subordonner notre lutte à d’autres causes ; elle doit accepter que nous sommes ses égaux et semblables.

    Yassin Al-Haj Saleh  Al-Jumhuriya (extraits) Istanbul – Publié le 2 mars سورية واليسارالأنتي-إمبريالي الغربي

    * Michel Seurat, sociologue et chercheur français, spécialiste de la Syrie, mort en captivité à Beyrouth en 1986, alors qu’il était otage du Hezbollah, selon différentes sources.

     PASCAL FENAUX·MERCREDI 15 MARS 2017

    Coup de colère du grand intellectuel syrien Yassin Al-Haj Saleh contre une gauche occidentale qui soutient le régime syrien et ferme les yeux sur ses crimes abominables.

    “À la mémoire de Michel Seurat*”

    Source : Courrier International - Date de parution le : 15/03/2017

     Souria Houria le 20 mars 2017

    https://www.facebook.com/

  • Le Maroc sans gouvernement ? Le FMI assure le job jusqu’à 2021 (ATTAC Maroc)

    Le Maroc sans gouvernement ? Le FMI assure le job jusqu’à 2021

    Le Maroc sans gouvernement ? Le FMI assure le job jusqu’en 2021

    Dans la lutte des places, en cours, pour la formation du prochain gouvernement marocain, la politique économique du pays pour les cinq prochaines années semble décidée d’avance par le FMI. A ATTAC Maroc, nous refusons cette servitude économique volontaire. 

    Salaheddine Lemaizi, militant ATTAC Maroc

    Le Maroc est sans gouvernement depuis plus de cinq mois. Les tractations pour la formation du prochain exécutif sont au point mort. Le Parti justice et développement (PJD) [Islamiste, pro-monarchie], est sorti vainqueur des élections législatives du 7 octobre 2016. Depuis ce jour-là, ce parti fait face à un chantage de la part de partis affiliés au Makhzen[1]. Pendant que les négociations s’enlisent, un acteur habitué aux situations de crise politique s’immisce dans la gestion économique du pays. Le Fonds monétaire international (FMI) s’offre un boulevard pour « accélérer le rythme des réformes structurelles ».

    Aidé par un ministre des Finances par intérim[2] aligné sur les positions du FMI et de la Banque mondiale et un directeur de la Banque centrale, artisan de l’ajustement structurel permanent au Maroc depuis trois décennies[3], ainsi que par la haute technocratie du département des Finances, le FMI obtient gain de cause sur quasiment toutes ses demandes. Ainsi tout le processus de démocratie électorale se trouve vidé de son sens. Avant d’analyser le contenu de ce programme, deux remarques s’imposent sur le manque de transparence du Maroc et la nature anti-démocratique du FMI.

    Sur l’absence de transparence gouvernementale  

    À travers le suivi de la relation FMI-Maroc depuis quatre ans par ATTAC Maroc[4], nous ne pouvons qu’être scandalisés par le manque de transparence des autorités marocaines sur ce dossier. Au moment de la signature de la première Ligne de précaution et de liquidité (LPL) en juillet 2012, les représentants de l’État marocain ont nié s’être engagés sur des réformes précises. Or, ils seront démentis par leur partenaire, le FMI. L’institution financière publiait la lettre d’intention signée par le ministre des Finances marocain et le directeur de la banque centrale, mentionnant des engagements chiffrés sur quatre ans[5].

    Précisons que le LPL n’est pas un prêt mais simplement « une assurance contre les chocs externes » destinée aux pays « dont l’économie est foncièrement solide et qui ont fait leurs preuves en appliquant une politique économique avisée, mais qui restent exposés à certains facteurs de vulnérabilité », selon FMI. Ce que ne dit pas cette institution c’est que cette assurance comprend deux niveaux de conditionnalités et a couté aux contribuables 540 millions de DH en quatre ans[6], sans que le Maroc ne reçoive un seul dirham.

    Dans un pays qui respecte ses citoyens et leur intelligence, le minimum aurait été de publier ces informations sur les sites officiels marocains, accompagné d’une traduction de ce document vers l’arabe, langue officielle du pays. Au lieu de cela, l’État marocain préfère la stratégie de l’autruche.

    De l’anti-démocratique FMI 

    Il ne faut pas se leurrer non plus sur la nature du FMI. Cette institution est le contraire d’une institution démocratique. « Le FMI s’est vu adjoindre un mode de fonctionnement proche de celui d’une entreprise »[7], décrivent Damien Millet et Éric Toussaint. Entre les État-actionnaires du FMI les rapports de force sont fortement déséquilibrés. Les États-Unis disposent, à eux seuls, de 17 % des droits de vote au sein du Conseil d’administration du FMI, contrôlant de facto cette institution et ses choix. Ce pouvoir est démesuré si on le compare à celui des Pays en voie de développement dont les droits de vote sont ridiculement réduits eu égard à la taille des populations qu’ils représentent (voir graphique ci-dessous). Les réformes apportées à cette répartition des votes n’ont pas changé l’ADN anti-démocratique du FMI.

    FMI Droits de votes

    Figure 1 Répartition des droits de votes au sein du CA du FMI. Source: Millet et Toussaint (2012)

    Durant l’apartheid en Afrique du Sud, le FMI a fait affaire avec ce régime raciste. « En 1970-1971, l’Afrique du Sud, que le FMI a jugé tout à fait fréquentable en dépit des violations continues des droits de l’homme, lui a vendu de grosses quantités d’or », rappellent Millet et Toussaint[8]. Plus récemment, le FMI et ses alter egos, la Commission européenne et la Banque centrale, n’ont pas dissimulé leur mépris pour le choix démocratique du peuple grec lors du référendum de juillet 2015[9].

    De l’illégitimité de la Ligne de précaution et liquidité

    Nous sommes en juillet 2016, le gouvernement dirigé par Abdelilah Benkirane (PJD) joue les arrêts de jeu. Pourtant, cet exécutif demande de renouveler pour une troisième fois en quatre ans, la Ligne de précaution et de liquidité (LPL) pour un montant de 3,47 milliards de dollars. Ce gouvernement ne tient pas sa promesse[10], celle de ne pas renouveler cette LPL. Le ministre des Finances marocain déclarait en octobre 2016 : « Les conditions qui ont amené le Maroc à recourir en 2012 à la première LPL ne sont plus d’actualité. Et l’opportunité de recourir à une 3ème LPL se justifie de moins en moins »[11]. Amnésique, le ministre des Finances défendra cette nouvelle LPL en avançant ses arguments bricolés : « rassurer les investisseurs internationaux, disposer d’une assurance face aux chocs exogènes…». Le gouvernement n’est pas à une contradiction près.

    Le package de « réformes » prévu par cette nouvelle LPL conduira le pays pour les quatre prochaines années à poursuivre la politique d’austérité initiée dans son premier mandat[12]. Ce programme et cette LPL n’ont aucune légitimité démocratique, car signés par un gouvernement sortant, aux dernières semaines de son mandat.

    De l’austérité pour cinq ans

    Les engagements du gouvernement sortant dans le cadre de la LPL réduisent à néant tout espoir d’une relance économique. « Les objectifs énoncés pour 2020-2021 dans la dernière note du FMI donnent une idée assez précise des objectifs gouvernementaux pour les cinq prochaines années », explique, l’économiste Zouhair Ait Benhamou[13]. Pour ce dernier, les choix macro-économique sont déjà faits jusqu’en 2021.

    D’ici 2021, le Maroc devrait réduire son déficit budgétaire à 2,4 %. Un engagement dangereux pour la population et l’économie du pays. Une cible qui devrait s’accompagner de nouvelles réductions budgétaires (baisse de la dépense publique et du recrutement dans la fonction publique). Le FMI s’acharne  à  exiger une réduction du déficit depuis 2012. Ce qu’il a obtenu -essentiellement- grâce à la baisse de la facture énergétique du pays. Le déficit public est passé de 7,3 % en 2012 à 3,9 % en 2016. Rappelons l’objectif de départ pour 2016, était un déficit de 3 % dès 2016.

    Croissance Maroc et déficit

    Figure 2 Croissance économique et équilibres budgétaires. Source HCP

     Comme l’indique le graphique ci-dessus, le rôle essentiel du gouvernement sortant a été le retour aux sacro-saints « équilibres macro-économiques » chers au FMI, au détriment de la « croissance »[14] et aux efforts dans les secteurs. Ceci est le constat amer du très officiel Haut-commissariat au Plan (HCP). Dans son document intitulé : « Budget Economique Exploratoire 2017»[15], on pouvait lire cet aveu d’échec :

    « La recherche de la stabilité macroéconomique dans un contexte de croissance économique faible et d’un contenu en opportunités d’emploi ne répondant pas aux aspirations de la population, suscite des interrogations sur la pertinence d’un tel modèle dans le contexte d’une transition démographique accélérée ».

    Le deuxième engagement phare est celui de la réduction de la dette publique de 4,3 % du PIB. La dette publique du Trésor correspond à 64,3 % du PIB. Une dette en hausse de 17,4 % en huit ans. Pourtant, les engagements des deux premières LPL de 2012 et 2014 visaient à faire baisser la dette. À l’opposé, la dette a continué à croitre (voir graphique n°3). Désormais et par la grâce de cette troisième LPL, le Maroc devrait réduire sa dette de 4,3 % en un mandat. Pour y arriver, le FMI et le Maroc promettent des chimères : «  Le Staff du FMI et les autorités sont d’accord pour maintenir l’objectif de réduire la dette public à 58,7 % du PIB d’ici 2020, afin d’accroitre l’assiette fiscale, sans affecter la croissance »[16]. Ce jeu d’équilibrisme est perdu d’avance. Chercher à réduire la dette se fera au détriment des secteurs sociaux.

    Dette situation Maroc 2015 (1)

    Figure 3 Evolution de l’encours de la dette du Trésor. Source: Min. Finances 2017

    Cet objectif est intenable économiquement et socialement. Une tentative de l’appliquer serait synonyme d’un plan d’austérité drastique. Avec des conséquences sociales catastrophiques pour le peuple marocain. D’ailleurs, la Loi de finances 2017 donne un avant-goût de ce menu avec une deuxième baisse consécutive du budget de l’Éducation nationale.

    Troisième engagement, c’est la flexibilité du change. Vieille revendication du FMI depuis les années 80, les différents gouvernements ont fait de la résistance durant trois décennies pour retarder son application. Il a fallu l’arrivée de ce gouvernement en fin de mandat pour accélérer la mise en application de cette troisième réforme dangereuse. Faute d’un gouvernement, c’est la Banque centrale qui gère toute l’opération. Le tout sans consultation du parlement et de vrai débat public sur cette question fondamentale[17].  Les autorités monétaires présentent la migration vers le change flottant comme une décision technique. Alors qu’en regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il s’agit d’une décision aux lourdes conséquences sur l’économie[18].

    De la servitude économique volontaire

    Ce rappel des engagements du Maroc pris par un gouvernement en fin de mandat pose la question du rôle des élections et de la démocratie dans un pays. De fait, le prochain gouvernement n’aura aucune marge de manœuvre économique et sociale. Encadré fortement par le FMI et sa LPL, épaulé par la Banque centrale, le prochain exécutif ne fera qu’appliquer ces mesures.

    Ne nous faisons pas d’illusion non plus, tous les partis (majorité comme opposition parlementaire) sont alignés sur les thèses du FMI. A tel point que les programmes électoraux des grands partis marocains se rejoignent sur « la rigueur budgétaire » à appliquer les prochaines années. Mais, il est nécessaire de rappeler qu’un virage de la politique économique ne peut se faire sans une rupture avec les recommandations du FMI, et en premier lieu en finir avec cette LPL, qui est une forme de servitude économique volontaire.

    Certes, le Maroc n’est pas du tout une démocratie. L’essentiel des décisions politiques se prennent dans d’autres cercles que celui du gouvernement, mais il faut mettre les politiques face à leurs responsabilités, leur rappeler qu’une autre économie est possible et envisageable. L’austérité, la réduction des budgets des secteurs sociaux, la privatisation ne sont plus des solutions. Ces remèdes mortifères ont partout échoué. Une institution sous influence comme le FMI ne sert que les intérêts de ses principaux actionnaires et des classes dirigeantes au Nord comme au Sud. En finir avec l’hégémonie d’une pensée économique dominante est le sens du combat d’ATTAC Maroc et de notre réseau CADTM, pour un autre monde possible.

    Salaheddine Lemaizi, militant d’ATTAC Maroc, association membre du Comité pour l’Abolition des dettes illégitimes (CADTM).  

    http://attacmaroc.org/fr/

    Notes:

    [1] Appareil de gouvernance de la monarchie, composé de relais dans le monde politique, économique, sécuritaire, médiatique et associatif.

    [2] Mohamed Boussaid, a été directeur du département de la privatisation entre 2001 et 2004, période où État avait bradé ses plus importantes entreprises. En 2004, il est nommé ministre de la modernisation des secteurs publics, où il appliquera le sinistre Programme de départ volontaire des fonctionnaires, pensé par le Banque mondiale. Un programme qui a eu des conséquences dramatiques sur la qualité de la fonction publique.

    [3] Abdelatif Jouahri, gouverneur de la banque centrale depuis 2003, ce personnage clé du néolibéralisme à la marocaine a été ministre des Finances durant le PAS entre 1981-86.

    [4] Voir à ce sujet, un dossier complet sur notre site et notamment, le texte S. Lemaizi, Austérité et ajustement au Maroc. Le gouvernement garde la « Ligne » du FMI et le citoyen paie le prix,  mai 2014

    [5] Morocco, Request for a Precautionary Credit Line arrangement, Letter of intent, Rabat, 27 july 2012

    [6] Selon la déclaration du ministre du budget, la LPL coûte 135,1 millions de DH/an. Voir, G.W. Karmouni, LPL, un piège tendu au Maroc, E&E, juin 2014,

    [7] Damien Millet et Eric Toussaint, 65 questions 65 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, p.70 CADTM, 2012

    [8] Millet et Toussaint, p.70

    [9] Cinzia Arruzza, Référendum en Grèce : la nouvelle bataille de Marathon, CADTM, juillet 2015.

    [10] Momar Diao, Maroc-FMI, La LPL, c’est fini, Finance News, janvier 2016

    [11] Amine Khadiri, FMI/Maroc : La LPL sera-t-elle reconduite ?, Finance News, Novembre 2015

    [12] Pour une analyse complète de ce programme, lire, Omar Aziki, Le FMI continue à imposer ses réformes catastrophiques au Maroc, février 2017

    [13] Zouhair Ait Benhamou, Les objectifs macro-économiques du Maroc, déjà fixés avec le FMI jusqu’en 2021, août 2016, LeDesk

    [14] Nous utilisons ce terme avec beaucoup de précaution, car même dans le cas d’une croissance positive, il n’est pas avéré qu’elle profite aux classes populaires.

    [15] HCP, Note de synthèse du budget économique exploratoire 2017, juillet 2016

    [16] Morocco : 2016 Article IV Consultation-Press Release; Staff Report; and Statement by the Executive Director for Morocco, p. 14

    [17] Pour un éclairage critique sur cette question, lire : Mouvement ANFASS, La libéralisation de change de la monnaie nationale est une affaire politique !, janvier 2017

    [18] Mohamed Taleb, Le change flexible n’est pas qu’un choix technique : A. Jouahri doit s’expliquer, Perspectives Med, juillet 2016.

  • En Tunisie, on assiste à un mouvement de restauration qui s’est produit de manière démocratique (L'Orient Le Jour)

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    Depuis 2011, le souffle révolutionnaire dans le monde arabe a progressivement décliné jusqu'à l'affirmation du conservatisme et l'abandon des objectifs proclamés.
     
    La thèse des processus révolutionnaires en cours, avec leurs reculs, leurs revers, mais qui aboutiraient inéluctablement à la transformation des valeurs idéologiques des sociétés et à la démocratisation des pays concernés, ne résiste nulle part à l'épreuve des faits. C'est au contraire une puissante dynamique contre-révolutionnaire qui semble à l'œuvre, favorisée par un contexte global ou la gouvernance remplace le politique, sur fond de crise du sens des divisions idéologiques et de panne de la gauche institutionnelle des partis. En Europe comme dans le monde arabe, l'incapacité de cette gauche à appréhender le réel, la désertion du champ social et la réappropriation du discours identitaire ont renforcé la montée des mouvements réactionnaires et la production d'idéologies communautaires.

    En Tunisie, l'inscription de l'épisode de « 2011 » comme séquence historique d'un long processus réformiste puisant dans la tradition bourguibiste est pour Nadia Marzouki, chargée de recherches au CNRS, une illustration criante de l'opération intellectuelle de contre-révolution idéologique. Invitée à s'exprimer sur le thème « Les contre-révolutions arabes, réflexions sur la persistance d'un nationalisme autoritaire après les printemps arabes » dans le cadre du colloque organisé par l'Institut de sciences politiques de l'USJ, les 15 et 16 avril, la chercheuse revient à travers cet entretien sur l'analyse des facteurs et des formes de la contre-révolution en cours en Tunisie depuis 2011.

    Dans quel contexte a triomphé la contre-révolution et quels sont les facteurs qui, selon vous, entretiennent encore l'illusion mystificatrice d'un processus révolutionnaire miné par des contradictions mais toujours en marche ?
    L'Occident a besoin d'une success story dans le monde arabe, c'est la Tunisie qui l'a fournie. Il est vrai qu'en comparaison avec d'autres pays, la Tunisie semble pour le moment avoir mieux réussi. Le pays a accompli des avancées significatives de façon pacifique avec la rédaction d'une nouvelle Constitution, les élections et la production d'une alternance pacifique. Ce sont évidemment des résultats qu'il faut saluer. Mais la capacité de nombreux journalistes et d'analystes à dénigrer l'importance des réseaux et discours de contre-révolution est assez inquiétante. Dans le cas tunisien, ce qui est singulier, c'est qu'on assiste à un mouvement de restauration qui s'est produit de manière démocratique, par le vote. Cette contre-révolution était présente dès les premiers jours qui ont suivi les manifestations de Kasbah 1 et 2. Si les jeunes qui se sont mobilisés ont réussi l'inimaginable, en provoquant le départ de Ben Ali, il ne faut pas oublier tous ceux qui sont restés chez eux, par peur ou scepticisme face à ces soulèvements. Les révolutionnaires à proprement parler ont été doublement victimes : d'une part parce que ce sont eux qui ont été blessés ou tués, et d'autre part parce qu'ils ont été ensuite dépossédés du processus révolutionnaire par les forces politiques et syndicales traditionnelles qui se sont réapproprié cette lutte. Ce n'est pas spécifique à la Tunisie : c'est un mécanisme que l'on retrouve pratiquement dans tous les pays. « La révolution, comme Saturne, dévore ses propres enfants. » (La Mort de Danton). Il faut distinguer entre la révolution et le pouvoir. Les révolutionnaires partis de Sidi Bouzid en 2011 avaient une revendication légitime, de justice, de dignité mais ce ne sont pas eux qui ont pris le pouvoir. L'Assemblée constituante élue en 2011 était fondée sur cette légitimité révolutionnaire. Mais le pouvoir est resté dans les mains de l'ancien régime, des médias qui en sont proches, de la justice pas toujours indépendante, du ministère de l'Intérieur, des milieux d'affaires corrompus. L'ancien réseau du RCD s'est donc rapidement reconstitué.

    Pourquoi estimez-vous dans le cas tunisien que la légitimité révolutionnaire a été éclipsée par la légitimité démocratique ?
    À partir de 2011, le lexique de la transition démocratique a très vite remplacé le langage de la réalisation des objectifs de la révolution. C'est la notion de « démocratie » qui devient la norme centrale qui guide le travail des constituants politiques. Certains vont même jusqu'à rejeter l'idée de révolution en affirmant qu'ils ne sont pas jacobins, qu'il faut refuser de faire table rase du passé et insistent sur le besoin de rétablir l'unité pour construire de manière progressive et pacifique un nouvel ordre politique. Le débat sur la justice transitionnelle, et sur le devenir de ceux qui ont occupé des fonctions politiques sous Ben Ali, a été une parfaite illustration de ce processus de substitution d'un discours démocratique pragmatique à la logique révolutionnaire. C'est ainsi que le personnel administratif et politique de l'ancien régime s'est trouvé souvent réintégré aux partis et institutions de manière curieusement assez peu conflictuelle. Le référent révolutionnaire est rapidement disqualifié parce qu'associé à tort à la seule idée d'épuration et de violence. C'est là une déformation problématique de ce qui s'est passé en 2011 car les revendications des révolutionnaires tunisiens n'étaient pas la violence et l'éradication mais la justice sociale et la dignité. Très vite le lexique de la révolution a été remplacé par celui de la réforme, de la pacification, de la réconciliation, de l'unité. La contre-révolution passe largement par cette reconstruction du sens des soulèvements de 2011.

    L'alliance entre Nidaa Tounes et al-Nahda a-t-elle constitué un facteur déterminant dans le succès de la mise en œuvre de la stratégie contre-révolutionnaire ?
    Oui. En 2014, Nidaa Tounes a gagné les élections, al-Nahda s'est retrouvé en deuxième position, il avait le choix entre devenir le premier parti d'opposition, ou de faire alliance avec son ancien adversaire, qui avait fait sa campagne contre lui. À la surprise de nombreux analystes et au mécontentement d'une partie de sa base, al-Nahda a choisi la voie de la collaboration assumée et revendiquée en la justifiant par le contexte régional volatil, le besoin de stabilité et l'impératif d'unité. Les raisons pour lesquelles al-Nahda s'est associé à Nidaa Tounes sont multiples. La peur d'un scénario « à l'égyptienne » a été un facteur important. Le pragmatisme en est un autre. Les islamistes tunisiens ne sont pas des révolutionnaires. Leur objectif est de devenir un parti reconnu comme démocrate, accepté de ses partenaires et des pays occidentaux. La volonté d'inclusion dans le champ politique prime sur la défense des objectifs de la révolution. Cela a eu comme conséquence positive à court terme de pacifier la scène politique mais avec pour effet pervers à moyen et long termes de la paralyser. C'est en ce double sens que j'évoque un compromis pourri entre les deux partis : par le déséquilibre du rapport de force initial qui a poussé al-Nahda à accepter cette alliance et du fait des implications désastreuses sur le champ politique dès lors vidé de toute substance idéologique. Dans un contexte où les Tunisiens n'accordent plus d'importance à l'idéologie politique, aux conflits des idées, l'union des deux anciens adversaires tend à confirmer le préjugé selon lequel le politique est devenu une simple affaire d'administration et de gouvernance du social, dénuée de toute vision et de tout idéal. La contre-révolution de velours passe donc par cette transformation du politique en management à la petite semaine. Elle repose aussi sur une opération historiographique et sémantique qui réinscrit la rupture de 2011 dans la continuité du récit mythique du réformisme tunisien

    La négation de la dimension innovante de 2011 est-elle une stratégie consciente ?
    Oui : affirmer que les émeutes étaient de simples soulèvements passagers par lesquels un petit groupe de mécontents auraient demandé à l'élite de se reprendre en main, c'est un discours conscient qui s'inscrit dans la logique contre-révolutionnaire. Celle-ci consiste à nier la radicalité des revendications des mouvements de 2011 et permet de justifier la politique conservatrice du gouvernement actuel. Nier toute positivité de l'idée de conflit politique et social régulé, cela est devenu l'assise normative du discours de la coalition de Nidaa-Nahda. Celle-ci s'efforce de reconceptualiser la révolution comme un simple épisode dans l'histoire du réformisme tunisien. Ce faisant, elle réécrit l'histoire de la Tunisie, comme une histoire dans laquelle la violence n'aurait eu aucune place, alors qu'elle a été un élément structurant de l'histoire de la formation de l'État postcolonial. Le gouvernement actuel promeut une vision irénique, développementaliste, unidirectionnelle de l'histoire tunisienne, celle de la marche continue et pacifique vers la modernité et le progrès. Dans cette histoire, le Sud, les pauvres, les révolutionnaires n'ont presque aucune place. En cherchant ainsi à réinscrire les soulèvements de 2011 dans ce grand récit mythique du réformisme pacifique, ce discours aspire à faire oublier que ce qui s'est passé en 2011, c'était une révolution inédite.

    Quels sont les facteurs de résistance aujourd'hui face à cette contre-révolution ?
    Cette contre-révolution est toxique mais elle est fragile. Les réseaux mafieux de l'ancien régime sont en train de s'autodétruire sous les effets conjugués de leur compétition interne et de leur incompétence. Si le projet de la contre-révolution cherche à trouver une rationalisation intellectuelle par la référence au réformisme, il n'est toutefois pas porté par une véritable idéologie ou un projet intellectuel. Ceux qui ont voté pour l'ancien régime en 2014 l'ont fait soit par réflexe de défense de leurs intérêts, soit par peur de l'islamisme ou par lassitude. De plus, on assiste aujourd'hui à l'implosion annoncée de Nidaa Tounes. Des mouvements fragiles émergent, au mépris certes d'une grande partie de la population, mais ils ont le mérite d'exister. Il y a également une vivacité et une créativité très importantes de la société tunisienne qui par le biais d'associations diverses et variées tente de recréer du politique. Malheureusement, on reste dans une vision du politique qui est purement horizontale et sectorielle avec une fragmentation des engagements et des causes, et une réticence par rapport à l'idée d'organisation partisane. Là encore, il ne s'agit pas d'un défi propre à la Tunisie. La sectorisation des luttes s'inscrit dans une logique globale de gouvernance néolibérale qui produit cette fragmentation du politique. La lassitude par rapport aux modes d'organisations partisans et hiérarchisés se retrouve dans toutes les mobilisations contemporaines, de Tunis à New York, du Caire à Madrid. Mais dans le monde arabe, et en Tunisie en particulier, l'enjeu est beaucoup plus urgent. Or pour venir à bout de la contre-révolution et des réseaux de l'ancien régime, les mobilisations sectorielles, même si elles sont récurrentes, ne suffisent pas. Ces processus sont, bien sûr, lents et imprévisibles. En attendant, il importe de réhabiliter l'idée du conflit politique régulé comme une idée positive et de rejeter l'équation simpliste entre révolution et violence, afin de résister au discours lénifiant et dépolitisant du réformisme et de l'unité.

    Nadia Marzouki met en lumière la réforme de la révolution et la contre-révolution en Tunisie.

     Lina KENNOUCHE 20/04/2016
     
  • "On est dans l'urgence" : en Irak, les camps autour de Mossoul submergés par l'afflux de réfugiés (France Info)

    Des déplacés irakiens au camp Hammam al-Alil, au sud de Mossoul, en mars 2017
    Des déplacés irakiens au camp Hammam al-Alil, au sud de Mossoul, en mars 2017 (ARIS MESSINIS / AFP)

    Ils fuient les combats de Mossoul. Près de 98 000 Irakiens ont trouvé refuge dans des camps alentours mi-mars. Oriane Verdier s'est rendue dans le camp d'Hammam al-Alil, qui a du mal à faire face.

    "Si tu ne te bats pas, tu n'auras pas de nourriture. C’est de la boxe ! Et moi, je suis enceinte !" Devant le camp d'Hammam al-Alil, Zahra sort de la cohue les mains vides, désespérée. Sur un terrain vague couvert d’ordures, hommes, femmes et enfants sont attroupés autour de pickups. Ils ont été conduits ici par l'armée irakienne dans leur fuite des combats qui font rage à Mossoul. Voilà un mois, depuis le 19 février, que les forces irakiennes ont déclenché leur offensive contre le groupe État islamique dans les quartiers ouest de la deuxième ville d'Irak.

    À Hammam al-Alil, plusieurs milliers de déplacés arrivent chaque jour

    Selon un bilan du gouvernement irakien établi le 17 mars, plus de 98 000 personnes ont déjà trouvé refuge dans des camps, où elles reçoivent soins, vivres et couvertures. Géré par les autorités irakiennes et des ONG, le camp d'Hammam al-Alil se situe à une trentaine de kilomètres au sud de Mossoul. Des hommes des villages voisins sont venus distribuer de la nourriture aux dizaines de mains tendues.

    "Chez nous, sous les bombardements, c'était mieux qu'être ici, commente encore Zahra. On dort tous dans un immense chapiteau. On n'a même pas de natte pour dormir. On nous dit qu’il n'y a plus de places dans le camp, qu'il faut attendre que d’autres camps soient finis d'être construits."

    Nous, on a tout laissé derrière nous. On n'a rien. La nuit, c’est l’enfer !" Zahra à franceinfo

    Non loin de là, Nicolas Andrade tente de parer au plus pressé. Lui et son organisation humanitaire, Norwegian Refugee Council, ont repris la direction du camp mi-mars. La tâche est immense. "On est dans l'urgence, explique-t-il. On a eu un afflux massif de déplacés, plusieurs milliers qui arrivaient chaque jour. Normalement, ils sont censés repartir dans des bus en moins de 24 heures, vers des camps où il y a encore de la place. Mais la plupart des autres camps sont pleins ! Les gens restent coincés ici."

    Parmi la foule amassée au camp d'Hammam al-Alil, certaines familles ne sont pas originaires de Mossoul. Ahmad, par exemple, est originaire de Domiz, un village repris il y a plus de deux ans par les combattants kurdes. Mais malgré le départ des jihadistes, il ne peut pas y retourner. "Quand les affrontements ont commencé entre Daech et les peshmergas à Domiz, nous avons fui et nous n'avons pu qu'aller vers Mossoul, nous confie-t-il. Maintenant, les autorités kurdes pensent que nous avons collaboré avec Daech. Elles disent qu’il faut attendre la libération complète de Mossoul pour qu'on nous donne l’autorisation de rentrer chez nous. Mais notre village est arabe, pas kurde."

    Nous ne sommes pas des guerriers ! Nous sommes simplement des gens qui fuient les combats et qui veulent retourner chez eux. Ahmad, un Irakien à franceinfo

    Car derrière la lutte contre le groupe État islamique se joue également désormais un rapport de force entre les différentes entités militaires et politiques d'Irak. Un jeu dangereux pour les communautés habitant la région.

    En Irak, les camps autour de Mossoul submergés par l'afflux de réfugiés. Oriane Verdier Radio France

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