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Révolutions Arabes - Page 244

  • Israël assoiffe les Palestiniens (UJFP)

    Dans le nord de la Vallée du Jourdain, la semaine dernière, les forces israéliennes ont détruit une conduite d’un kilomètre de long installée qui fournissait de l’eau aux communautés palestiniennes.

    A l’Est de Jérusalem, des dizaines de milliers de Palestiniens ont été privés d’un approvisionnement régulier en eau courante pendant près d’un an. A Gaza, l’infrastructure de l’eau a été détruite et dans les foyers qui reçoivent encore de l’eau, elle n’est pas potable. L’eau et qui la contrôle sont devenus un élément clé de l’occupation d’Israël dans les territoires palestiniens, l’Est de Jérusalem et Gaza, dans une lutte constante pour la ressource vitale.

    Avant la naissance d’Israël, Chaim Weizmann, qui allait devenir le premier président du pays, a dit en 1919 : "[Il est] d’une importance vitale non seulement de prendre toutes les ressources en eau alimentant déjà le pays, mais aussi de contrôler leur source." Rafael Eitan, chef de cabinet et ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, a déclaré quelques années plus tard : "Israël doit s’approprier la Cisjordanie pour veiller à ce que les robinets de Tel Aviv ne soient jamais à sec."

    L’actuel Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré en 1998 : "Et quand je parle de l’importance de la sécurité d’Israël (...), cela veut dire qu’une ménagère à Tel Aviv peut ouvrir le robinet et elle a l’eau courante, et qu’elle n’est pas tarie à cause d’une décision inconsidérée qui aurait cédé le contrôle de nos aquifères aux mauvaises mains."

    En 1967, l’année du début de l’occupation [de la Cisjordanie , ndt], Israël a mis en action le plan dont Weizmann avait parlé dès 1919.

    Toutes les ressources palestiniennes en eau ont été déclarées "Propriété de l’Etat israélien" et les Palestiniens ont dû demander des autorisations pour développer cette ressource. Une trentaine d’années après, les Accords d’Oslo ont été signés, censés mettre un terme à la situation. 20 ans plus tard, il est clair qu’ils ont au contraire officialisé et légitimé un régime discriminatoire existant - un régime toujours en place aujourd’hui.

    En Cisjordanie , le Jourdain, l’une des principales sources d’eau, a été détourné en amont dans le lac de Tibériade (ou lac de Kinneret ou Mer de Galilée) à l’intérieur d’Israël, tandis que l’accès à ses berges est interdit aux Palestiniens. Les Palestiniens ont accès à un cinquième de l’aquifère de montagne, l’autre source principale, alors qu’Israël se taille la part du lion.

    Le mur de séparation, les barrages routiers, les checkpoints et autres "mesures de sécurité" israéliennes restreignent encore davantage l’accès des communautés palestiniennes aux ressources en eau et aux points d’approvisionnement. Pendant ce temps, les colons israéliens vivant sur le même territoire ont de l’eau en abondance ; la consommation des plus de 500.000 colons israéliens en Cisjordanie est environ six fois plus élevée que celle des 2,6 millions de Palestiniens.

    Pour augmenter des stocks insuffisant, les Palestiniens doivent acheter l’eau à la compagnie nationale israélienne de l’eau Mekorot - cette même eau qu’Israël extrait de l’aquifère de montagne et que les Palestiniens devraient être en mesure d’extraire pour eux-mêmes.

    Jamal Juma, coordinateur de la Campagne Stop The Wall, un organisme qui fait partie d’un réseau de groupes qui contestent Mekorot, a déclaré : "Le vrai problème de l’eau en Palestine n’est pas sa rareté. Il y a plus de précipitations annuelles à Ramallah qu’à Londres et la consommation d’eau par habitant en Israël est plus élevée que la consommation moyenne en Europe. Le problème de l’eau en Palestine est créé par Israël, par le vol systématique de l’eau et le déni d’accès à l’eau. Mekorot est l’acteur central qui met en œuvre ce que nous appelons l’apartheid de l’eau d’Israël."

    Pour les résidents de Jérusalem Est, la situation est légèrement différente. Jérusalem-Est est tombée sous juridiction israélienne après qu’Israël a annexé l’ensemble de la ville. Les Palestiniens jérusalémites paient des impôts à Israël et ont donc techniquement droit aux services de santé israéliens, aux prestations sociales et aux services municipaux - dont l’eau courante. Toutefois, les quartiers de Ras Shehada, Ras Khamis, Dahyat A’salam et le camp de réfugiés de Shuafat souffrent d’une sévère crise de l’eau depuis mars 2014, lorsque les habitants ont passé trois semaines sans eau. Ils sont obligés d’acheter de l’eau en bouteille à un coût élevé et doivent restreindre leur consommation en utilisant des pompes électriques et des conteneurs industriels.

    A Gaza, l’infrastructure de l’eau est en ruine à la suite des guerres à répétition et du blocus qui empêche les réparations et l’entretien.

    A la fin des derniers bombardements de cet été, au moins 26 puits ont été complètement ou partiellement détruits, tandis que 46km de réseaux d’approvisionnement en eau étaient endommagés, selon un rapport de l’Autorité palestinienne de l’eau. Le réseau de distribution d’eau a subi des dommages estimés à 34,4 millions de dollars.

    Le traitement des eaux usées est un autre problème de longue date dans la Bande de Gaza. Nombre de résidents ne sont pas reliés à un système d’égout et les eaux usées domestiques coulent dans des fosses d’aisance qui contaminent les eaux souterraines. Les pénuries d’électricité et les dommages aux structures de traitement de l’eau au cours de l’Opération Plomb Durci, l’offensive militaire israélienne de fin 2008-début 2009, ont aggravé la situation - quelques 90 millions de litres d’eaux usées non traitées se jettent dans la Méditerranée chaque jour.

    Avant la dernière attaque, 97 pour cent des résidents de Gaza étaient reliés à un réseau d’eau public.

    Cependant, 90 pour cent de celle-ci était impropre à la consommation et les résidents étaient donc obligés d’acheter de l’eau traitée dans les usines gouvernementales ou privées, ou des usines gérées par des organismes de bienfaisance. Le système public de l’eau permet que les ménages aient l’eau courante ; cependant, les coupures d’électricité et de carburant empêchent le pompage de l’eau pour l’injecter dans le réseau.

    L’accès à l’eau est une ressource hautement politisée et manipulée en Palestine.

    Parce que les communautés palestiniennes souffrent - que ce soit à cause de la destruction de leurs puits, parce que l’eau n’arrive pas aux robinets ou que les eaux usées se jettent dans les rues - il est évident qu’en Palestine, l’eau n’est pas un droit.

     

    Cisjordanie occupée - 13 février 2015  Par Jessica Purkiss

    Source : Middle East Monitor

    Traduction : MR pour ISM

    http://www.ujfp.org/spip.php?article3892

  • Entretien avec Pierre Stambul à paraître dans un journal algérien. (UJFP)

    1) Les positions de Roger Hanin en faveur de l’indépendance de l’Algérie, du temps du colonialisme français, et l’hommage qui a été rendu par le président Abdelaziz Boutéflika, après son décès, prouvent que l’Algérie n’est pas hostile aux Juifs, mais au sionisme qui occupe la Palestine. Un mot autour de ça ?

    La présence des Juifs au Maghreb est antérieure à l’arrivée des Arabes. La plupart d’entre eux étaient descendants de Berbères convertis au judaïsme. D’autres sont les descendants des Juifs chassés d’Espagne en 1492. Les Juifs maghrébins ont vécu en paix avec leurs voisins musulmans pendant des siècles. Il n’y a jamais eu au Maghreb d’expulsions, de spoliations ou de massacres contre les Juifs contrairement à ce que l’Europe chrétienne a souvent connu. En 1870, à l’époque du colonialisme français, le décret Crémieux a donné aux Juifs algériens la nationalité française. Les Juifs qui étaient autochtones ont été assimilés au colonisateur et artificiellement séparés de la population musulmane à qui cette nationalité a été refusée. Au moment de l’indépendance algérienne, la plupart des Juifs (mais pas tous) sont partis vers la France et plus rarement vers Israël. Il est fondamental que les Juifs maghrébins retrouvent la culture, la musique, la cuisine, les odeurs, les lieux qui correspondent à leur histoire et leurs racines. Il est tout aussi fondamental que l’Algérie retrouve sa part juive et recherche les traces de la présence séculaire des Juifs dans ce pays.

    2) Roger Hanin, Fernand Yveton et d’autres, ont prouvé que des Juifs anticolonialistes existent, au même titre que les musulmans et chrétiens. Un mot autour de ça, également ?

    Les Pieds Noirs n’ont pas tous été pour l’OAS et les Juifs n’ont pas tous été contre l’indépendance de l’Algérie. Il est important que l’Algérie célèbre, avec les centaines de milliers de victimes de la guerre d’indépendance, le courage de Maurice Audin, torturé à mort par les hommes du Général Aussaresses, le combat des « porteurs de valise », les risques incroyables pris par des Européens ou des Juifs qui sont allés au bout de leurs convictions contre le colonialisme. Je citerai plusieurs Juifs : Henri Curiel, Henri Alleg, William Sportisse. Je conseille d’ailleurs aux lecteurs de lire le livre autobiographique de William Sportisse (« Le camp des oliviers ») qui raconte des décennies de lutte anticoloniale dans la région de Constantine. À l’Union Juive Française pour la Paix, nous comparons souvent le combat des « porteurs de valise » (dont certains étaient juifs) à celui des anticolonialistes israéliens qui soutiennent les droits du peuple palestinien.

    3) Quels liens gardent encore les Juifs d’Algérie avec leur pays d’origine ?

    On ne peut pas généraliser. Beaucoup ont la nostalgie, le besoin d’aller visiter les endroits où leurs ancêtres ont vécu ou de fleurir les cimetières. Quelqu’un comme Roger Hanin a toujours considéré que l’Algérie était son pays.  En même temps, dans le climat d’islamophobie assez répugnant que connaît la France aujourd’hui, les Juifs français originaires du Maghreb sont des « cibles ». Certains occultent leurs origines berbères, prétendent que les Juifs maghrébins ont été persécutés et tiennent des propos racistes.

    4) Les Juifs hostiles au sionisme et à l’occupation de la Palestine sont-ils persécutés en Israël et en France ?

    En France, le problème n’est pas la répression mais plutôt l’ignorance. Pour les médias, c’est plus simple si les Musulmans sont pour la Palestine et les Juifs pour Israël. L’existence de Juifs antisionistes pose la question de la guerre du Proche-Orient, non pas en termes de religion, d’origine ou de communauté, mais en termes de refus du colonialisme, de lutte contre l’apartheid et de « vivre ensemble dans l’égalité des droits ». Pendant longtemps, les médias nous ont ignorés. Ils commencent doucement à nous donner la parole.


    En Israël, le pays se définit comme un « Etat juif ». Les non Juifs n’ont aucun droit mais, en principe, le pays est « démocratique » pour les Juifs. Les Israéliens anticolonialistes peuvent s’exprimer, y compris dans la presse, mais on observe un durcissement certain : les refuzniks (ceux qui refusent l’armée) vont en prison. Les manifestations de soutien aux Palestiniens sont souvent attaquées. Des lois sont votées pour criminaliser tout appel au boycott d’Israël. Nos camarades israéliens nous décrivent l’ambiance étouffante d’une société raciste et certains sont tentés de partir.

    5) Le Premier ministre Nétanyahou a réitéré son appel aux Juifs pour s’installer en Israël après les attentats terroristes de Paris et de Copenhague. S’agit-il d’une tentative de récupération politique ?

    C’est une infamie. Le sionisme n’a jamais lutté contre l’antisémitisme, il s’en nourrit. Il ne défend pas les Juifs, il les met volontairement en danger. Les Juifs français ont derrière eux une longue histoire de lutte pour la citoyenneté et l’égalité. Ils ont joué un rôle important dans la résistance contre le nazisme et dans les luttes anticoloniales. Et voilà un chef d’Etat étranger qui vient de commettre de nombreux crimes de guerre à Gaza qui arrive sur notre territoire pour nous expliquer que nous sommes des touristes et que nous avons mal compris, notre pays c’est là-bas. Il nous pousse à quitter notre pays pour aller voler des terres palestiniennes.

    Le sionisme a toujours affirmé que Juifs et non Juifs ne peuvent pas vivre ensemble (ni en France, ni au Proche-Orient). Son seul but a toujours été de pousser les Juifs à partir en Israël. Cette stratégie n’est pas seulement criminelle contre les Palestiniens. Elle est suicidaire pour les Juifs.

    Comble de la récupération : les victimes de l’attentat antisémite de Paris ont été enterrées au cimetière de Givat Shaul. Ce « nouveau quartier » de Jérusalem s’appelait autrefois Deir Yassine, le principal village palestinien martyr où, le 9 avril 1948, les milices de l’Irgoun dirigées par Menahem Begin ont massacré toute la population civile. Quel symbole !

    5) Les attentats terroristes de Paris ont-ils servi les intérêts politiques de Nétanyahou ?

    À l’évidence les actes de Daesh ou d’autres groupes semblables servent les intérêts de ce que ces terroristes prétendent combattre. Les sionistes ont toujours affirmé que juif=sioniste et ils sont devenus les élèves modèles du « choc des civilisations ». En s’en prenant aux Juifs parce que Juifs et en profanant l’Islam, des groupes comme Daesh veulent nous entraîner vers une guerre que nous devenons absolument refuser.
    Contre cette logique de mort, nous devons mener ensemble un combat contre tous les racismes : le racisme antiRom, antiArabe, antiNoir, antisémite, antimusulman …

    Pierre Stambul
    Coprésident de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) lundi 16 février 2015

    http://www.ujfp.org/spip.php?article3894

  • Israël contre les Juifs (UJFP)

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    C’est un refrain bien établi. Vous critiquez Israël et le sionisme ? Vous êtes antisémite !

     

    Un Juif français veut pouvoir « vivre son judaïsme » ? On l’invite à faire son « alyah » et à apporter sa pierre à la colonisation de la Palestine. On essaie de nous marteler que l’histoire des Juifs s’est achevée et qu’Israël en est l’aboutissement. Israël fonctionne comme un effaceur de l’histoire, de la mémoire, des langues, des traditions et des identités juives. La politique israélienne n’est pas seulement criminelle contre le peuple palestinien. Elle se prétend l’héritière de l’histoire juive alors qu’elle la travestit et la trahit. Elle met sciemment en danger les Juifs, où qu’ils se trouvent. Et elle les transforme en robots sommés de justifier l’injustifiable

    Retour sur un passé récent
    L’histoire des Juifs français n’a strictement rien à voir avec Israël. Régulièrement spoliés, massacrés ou expulsés par différents rois très chrétiens, les Juifs ont acquis la citoyenneté française avec l’Abbé Grégoire pendant la Révolution. Ces deux derniers siècles ont été marqués par une quête de la citoyenneté et de l’égalité des droits. L’affaire Dreyfus a révélé que, si une partie de la société française était antisémite, une autre partie, finalement majoritaire, considérait que l’acquittement et la réhabilitation de Dreyfus étaient l’objectif de tous ceux qui étaient épris de liberté et refusaient le racisme. L’histoire des Juifs français a été marquée par leur participation importante à la résistance contre le nazisme et le régime de Vichy, puis par l’engagement de nombre d’entre eux dans des luttes progressistes et/ou anticoloniales. Les intellectuels juifs de cette époque s’appelaient Raymond Aubrac, Marc Bloch, Laurent Schwartz, Pierre Vidal-Naquet, Stéphane Hessel. C’était une époque où beaucoup de Juifs pensaient que leur propre émancipation passait par celle de tou-te-s. C’était une époque où le racisme, le fascisme et la haine de l’autre étaient considérés comme des abjections à combattre. Les enfants juifs allaient à l’école publique, jamais il ne leur serait venu à l’idée de se séparer des autres dans des écoles confessionnelles.


    On s’efforce aujourd’hui en Israël d’effacer l’histoire des Juifs dans les différents pays où ils ont vécu. Si les Juifs ont longtemps été considérés par les antisémites en Europe comme des parias inassimilables et s’ils ont été persécutés parce qu’ils constituaient un obstacle aux nationalismes fous qui rêvaient de sociétés ethniquement pures, ils n’ont jamais recherché la séparation mais au contraire l’insertion à l’intérieur des sociétés dans lesquels ils vivaient.

    Une assignation à la désertion
    On fait un saut de quelques années. En tête d’une gigantesque manifestation parisienne censée dénoncer le terrorisme, on trouve trois criminels de guerre, Nétanyahou, Lieberman et Bennet qui viennent de s’illustrer dans le massacre de plus de 2000 Palestinien-ne-s (essentiellement des civil-e-s) à Gaza pendant l’été 2014. Profitant de l’émotion causée par l’attentat antisémite de la Porte de Vincennes, Nétanyahou est autorisé (par le gouvernement français) à déclarer aux Juifs français qu’ils sont en insécurité en France et qu’ils doivent partir dans leur « vrai » pays, Israël.


    En fait, le sionisme n’a jamais combattu l’antisémitisme.

    Il s’en est toujours nourri avec en permanence un seul et unique but : faire immigrer le maximum de Juifs en Israël. Du coup, Nétanyahou n’hésite pas à mettre en danger les Juifs français. Il en fait des étrangers dans leur propre pays, des « touristes » qui n’ont pas compris que leur « patrie » est là-bas. Les Juifs sont sommés d’être des « traîtres » (à la seule et unique cause, celle du Grand Israël de la mer au Jourdain) ou des complices. La France a toujours été un échec pour Israël : à peine 80000 Juifs sont partis depuis 1948 et une moitié est revenue. Alors la propagande se fait assourdissante. Pourtant, s’il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c’est Israël et il sera ainsi tant que la destruction de la Palestine se poursuivra.


    À « l’alyah » (la montée) des vivants vers Israël, s’ajoute à présent celle des morts. Les autorités israéliennes incitent vivement les Juifs français à faire enterrer leurs proches en Israël. Ainsi les victimes de la tuerie de la porte de Vincennes ont été inhumées au cimetière de Givat Shaul. Ce « quartier » de Jérusalem, c’est l’ancien Deir Yassine, le village martyr de la guerre de 1948 où les milices de l’Irgoun dirigées par Menachem Begin ont massacré toute la population avant que le village ne soit, comme tant d’autres, rayé de la carte. Quel symbole !

    Israël à l’avant-garde de l’islamophobie
    Les Juifs ont vécu pendant des centaines d’années dans le monde musulman. Ils ont même été accueillis par l’empire ottoman après leur expulsion d’Espagne en 1492. Aujourd’hui, Israël participe à la diabolisation des Arabes et des musulmans en se comportant en élève modèle du « choc des civilisations ». Le racisme anti-arabe et l’islamophobie s’expriment ouvertement, des politiciens en ont fait leur fond de commerce et les passages à l’acte sont fréquents. Les crimes de masse comme à Gaza ou la multiplication des propos racistes (Pour le rabbin Rosen, les Palestiniens sont des Amalécites et la Torah autorise qu’on les tue ainsi que leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux) laisseront des traces. Comment imaginer que ce qui est infligé aux Palestiniens sera sans conséquences ?
    En Israël, des propagandistes rivalisent pour expliquer que les Juifs ont vécu l’enfer dans le monde musulman, masquant le fait que l’antisémitisme a été avant tout une invention européenne et chrétienne. Les Juifs orientaux subissent en Israël des discriminations sociales et un mépris raciste. Ils ont souvent été humiliés et discriminés à leur arrivée. Ils sont coupés de leurs racines et poussés à renier leur identité. L’expulsion des Palestiniens de 1948 est présentée comme un « échange de population » alors que le sionisme est le principal responsable, et de la Nakba, et du départ des Juifs orientaux de leurs pays.

    Qu’y a-t-il de juif en Israël ?
    Les sionistes ont théorisé l’idée que les Juifs et les non-Juifs ne peuvent pas vivre ensemble. C’est totalement contraire à tout ce qui s’est passé pendant des centaines d’années. Cela va à l’encontre de l’aspiration des Juifs à sortir des ghettos, des mellahs et des juderias pour devenir des citoyens normaux.


    Les Juifs religieux qui émigrent en Israël y rencontreront rarement la religion telle qu’elle a été pratiquée pendant des siècles. Le courant national-religieux s’est imposé. Ce courant intégriste a totalement révisé la religion. Le « peuple élu », ça n’a jamais voulu dire qu’il a plus de droit que les autres mais au contraire qu’il a plus de devoirs. Parmi les préceptes, il y a « ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse » et « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». « L’an prochain à Jérusalem », ça n’a jamais voulu dire qu’il faut réaliser le nettoyage ethnique en cours, mais « vivement que le Messie vienne ». L’hébreu a toujours été une langue religieuse interdite à l’usage profane. La religion juive est une religion de « l’exil ». L’installation sur cette terre (d’Israël/Palestine) avant l’arrivée du Messie et a fortiori l’établissement d’un Etat juif étaient interdits. D’ailleurs les Juifs expulsés d’Espagne en 1492 ne sont pas allés à Jérusalem. Herzl a rencontré une hostilité quasi unanime des rabbins contre le projet sioniste dès qu’il a été question d’établir un État juif en Palestine.
    Pour les Juifs laïques, les valeurs dominantes d’Israël sont à l’antithèse de ce que sont pour eux les valeurs du judaïsme. Où trouve-t-on dans la tradition juive le racisme, le chauvinisme, le militarisme, le négationnisme de l’existence et de la dignité de l’autre ? Qu’y a-t-il de commun entre ce qu’ont représenté les grands intellectuels juifs (Einstein, Freud, Arendt, Kafka, Benjamin …) et les criminels de guerre qui dirigent Israël ? Qu’est devenue en Israël la mémoire de celles et ceux qui ont lutté contre le fascisme et le colonialisme (Marek Edelman, Abraham Serfaty, Henri Curiel …) ? De quel héritage juif peuvent se prévaloir les colons et les militaires qui justifient à l’avance les violences et les crimes commis contre les Palestiniens ?


    Comme l’écrit l’historien israélien Shlomo Sand à propos du livre de Yakov Rabkin Comprendre l’État d’Israël, « celui qui voit dans le sionisme une continuation du judaïsme ferait bien de lire ce livre. Mais celui qui croit que l’État d’Israël est un État juif est obligé de le lire ».
    Certains Juifs pensent qu’après le génocide nazi, Israël est l’ultime refuge. Au nom de quoi les dirigeants israéliens peuvent-ils brandir partout l’antisémitisme et le souvenir du génocide ? Les sionistes n’ont joué qu’un rôle marginal dans la lutte contre l’antisémitisme et la résistance au nazisme. Certains dirigeants sionistes ont même eu un comportement honteux pendant la montée du fascisme (Ben Gourion avec les accords de Haavara, 1933) et à l’époque de l’extermination (le groupe Stern assassinant des soldats et des dignitaires britanniques). Comment ne pas comprendre que la mémoire du génocide signifie « que cela n’arrive plus jamais » et pas « que cela ne NOUS arrive plus jamais », ce qui correspond à une vision tribale de l’humanité totalement contraire à toutes les formes d’héritage juif.

    Refuser l’assignation et la peur, refuser toutes les formes de racisme et de discrimination.
    Il y a des confrontations qui ont du sens : les luttes contre l’oppression, la domination, le colonialisme, pour l’égalité des droits. On nous vend aujourd’hui une guerre qui n’est pas la nôtre : celle d’un monde dit « civilisé » contre le « terrorisme islamique ». Dans cette « guerre », les musulmans sont considérés comme des terroristes en puissance et sont sommés de « prouver » qu’ils ne sont pas des complices de Daesh.


    Et les Juifs sont assignés à soutenir sans réserve une politique israélienne criminelle contre les Palestiniens et suicidaire pour les Juifs.
    Cette fuite en avant criminelle tient par la peur. Ce syndrome assure le consensus à un point tel qu’un négociateur palestinien (le professeur Albert Aghazarian) a pu dire que les Israéliens ont peur de ne plus avoir peur. Cette peur irrationnelle a gagné beaucoup de Juifs français.
    Dans le contexte du « choc des civilisations », prétexte des dominants pour ensanglanter le monde, il y a en France une montée générale de toutes les formes de racisme. Contrairement à l’image fabriquée par les principaux médias, le racisme frappe essentiellement tous les « dominés », toutes les victimes de l’apartheid social : Arabes, Noirs, Roms. Il prend une nouvelle tournure en se masquant derrière l’islamophobie. Comme il n’est plus politiquement correct de dire « sale arabe », on diabolise l’islam.
    Il y a aussi une incontestable et détestable montée de l’antisémitisme. Mais les différentes formes de racisme ne sont pas traitées de la même façon.


    Les dirigeants israéliens et en France le CRIF, participent activement à la stigmatisation des musulmans. Ils affirment contre toute évidence qu’il n’y a qu’un seul racisme à dénoncer (l’antisémitisme) et qu’on est à la veille d’une nouvelle « nuit de cristal ». Ils font apparaître les Juifs comme ceux que le pouvoir protège alors que l’idéologie sécuritaire, les déclarations des principaux dirigeants et le travail nauséabond de pseudo intellectuels, visent une seule population déclarée dangereuse.
    Les stéréotypes antisémites se nourrissent aussi de la complicité du CRIF avec la politique israélienne et de la partialité évidente du pouvoir. À l’heure des confusions, l’indignation légitime contre les crimes israéliens fait monter l’antisémitisme et les quelques paumés attirés par la violence effroyable de Daesh commettent des attentats criminels contre les Juifs parce que Juifs.

    La lutte contre le racisme ne peut pas être découpée. Choisir certaines « bonnes » victimes contre d’autres est à l’antithèse du combat antiraciste. La politique israélienne et la négation totale des droits du peuple palestinien ne protègent absolument pas les Juifs. Au contraire. Pour créer l’Israélien nouveau, il a fallu « tuer le Juif », celui qui pensait que son émancipation passait par celle de l’humanité. Comme le dit le militant israélien anticolonialiste Eitan Bronstein : « nous ne serons jamais libres tant que les Palestiniens ne le seront pas ». En refusant le tribalisme, les Juifs français réaffirmeront une histoire dont ils peuvent être fiers.
    C’est tou-te-s ensemble qu’il faut combattre tous les racismes, toutes les stigmatisations, toutes les discriminations. C’est tou-te-s ensemble qu’il faut défendre le droit, en Palestine comme ici.

    Pierre Stambul jeudi 19 février 2015

  • « L’État Islamique en Irak et au Levant (Daech) n’est pas une simple bande de tueurs sanguinaires sans objectif et sans stratégie » (Essf)

    L’État Islamique en Irak et au Levant (Daech) n’est pas une simple bande de tueurs sanguinaires sans objectif et sans stratégie.

    Il s’agit d’une entité politique et militaire qui s’appuie sur un système économico-social bien huilé (grâce, notamment, à l’argent du pétrole). Qui plus est, Daech a développé une véritable stratégie de communication politique destinée à susciter l’adhésion au-delà des territoires sous son contrôle, qui passe notamment par des prises d’otages… et des exécutions.

    Otages japonais

    Au cours des dernières semaines, l’État islamique a ainsi annoncé la capture, puis l’exécution, de deux otages japonais. Dans une des vidéos adressées au gouvernement japonais, Daech a exigé le verse- ment d’une rançon de 200 millions de dollars, une revendication qui a pu surprendre dans la mesure où l’organisation est largement auto-financée. Selon Jérôme Fritel, auteur d’un reportage sur Daech diffusé le 10 février sur Arte, le groupe aurait ainsi sous son contrôle «  à peu près 15 % du PIB irakien, c’est-à-dire environ 35 milliards d’euros, ce qui correspond à peu près au budget de la défense de la France ».

    La somme de 200 millions de dollars correspond en réalité précisément au montant versé par le gouvernement japonais à la coalition dirigée par les États-Unis pour soutenir les opérations militaires contre l’EI. Ainsi, bien que le Japon ne participe pas directement aux bombardements, il est à son tour désigné comme un ennemi qui doit s’attendre à payer le prix de sa collaboration avec Washington. Les otages japonais ont ainsi connu le même sort que les Étatsuniens Steven Sotloff et James Foley, exécutés dans des conditions similaires en 2014.

    Pilote jordanien

    Quelques jours plus tard, c’est un jeune pilote jordanien qui était à son tour exécuté, dans une macabre mise en scène vidéo : vêtu d’une combinaison orange (la même que celle des prisonniers de Guantánamo), trimballé sur le lieu de ce qui semble être un bombardement de la « coalition », le pilote est ensuite placé dans une cage dans laquelle il est brûlé vif. Cette fois, l’EI exigeait la libération de prisonniers « djihadistes » (également évoqués dans les vidéos concernant les otages japonais), notamment Sajida al-Richawi, condamnée à mort en Jordanie pour sa participation supposée à une vague d’attentats en 2005.

    Au travers de cette prise d’otage, c’est la Jordanie elle-même qui était visée, en tant que pays allié de la coalition dirigée par les États-Unis. Daech entend en effet dénoncer les États directement impliqués, qu’ils soient occidentaux ou arabes. Le message de l’EI est clair, et a vocation à être entendu non seulement en Occident mais aussi dans le monde arabe : «  si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ». Une rhétorique qui fait écho à celle du « choc de civilisation », développée après le 11 septembre 2001 par l’administration étatsunienne et reprise en chœur dans la majorité des pays occidentaux.

    Pris en otage entre les politiques impérialistes des grandes puissances et de leurs alliés locaux et le projet totalitaire de Daech, qui se nourrissent mutuellement, les peuples du Moyen-Orient ont ainsi besoin de notre soutien, à l’instar des Kurdes de Kobané dont la récente victoire militaire face à Daech est la première bonne nouvelle qui nous soit parvenue de cette région depuis de longs, trop longs, mois.

    Julien Salingue 12 février 2015

    * « Daech  : Retour sur la stratégie de l’État islamique ». L’Hebdo L’Anticapitaliste - 276 (12/02/2015). http://www.npa2009.org/

  • Nouveautés AFPS

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    Regards israéliens sur la société palestinienne : Thomas Vescovi, chercheur en histoire contemporaine

    Est Républicain, vendredi 13 février 2015
  • Lannion, Conférence-débat avec Michel Warschawsky (Afps)

     

    Conférence-débat avec Michel Warschawsky

    Mardi 24 février à 20h30 Mezzanine des Ursulines à LANNION

    L’Association France-Palestine Trégor aura l’honneur d’accueillir

    Michel WARSCHAWSKY grand militant israélien pour la Paix

    pour une conférence sur:

    "Le conflit israélo-palestinien et la stratégie du choc des civilisations"

    Né en 1949 à Strasbourg, Michel Warschawski est un journaliste et militant pacifiste israélien, cofondateur et président du Centre d’information alternative de Jérusalem. Anti-sioniste, il souhaite le remplacement d’Israël comme État juif par un État binational.

    Le Centre d’information alternative (AIC) qu’il a créé en 1984, rassemble plusieurs mouvements pacifistes israéliens et organisations palestiniennes. Le but de ce centre est de fournir aux organisations internationales et aux missions diplomatiques une analyse détaillée de la situation et de ses impacts sur le plan économique et social, ainsi qu’en informant la population. Le Centre d’information alternative a été récompensé en décembre 2012 par le prix des droits de l’homme de la République française.

    En 1989, il est condamné à vingt mois de prison ferme pour « prestations de services à organisations illégales », pour avoir imprimé des tracts relatifs à l’organisation palestinienne Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Georges Habache.

    Chroniqueur dans le journal satirique Siné Hebdo, il était membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine (http://www.russelltribunalonpalestine.com/en/) dont la première session internationale a été organisée en mars 2010 (Barcelone) et la dernière en mars 2013 (Bruxelles).

    Bibliographie sélective :

    Un autre Israël est possible (avec Dominique Vidal), Les Éditions de l’Atelier, 2012, 176 p. Au pied du mur, Éditions Syllepse, 2011 Destins croisés — Israéliens-Palestiniens, l’histoire en partage, Riveneuve, 2009 Israël-Palestine que se passe-t-il ?, La Fabrique, 2008 Programmer le désastre — La politique israélienne à l’œuvre, La Fabrique, 2008 À tombeau ouvert — La crise de la société israélienne, La Fabrique, 2003 À contre chœur - Les voix dissidentes en Israël (avec Michèle Sibony), Textuel, 2003

    http://www.france-palestine.org/Conference-debat-avec-Michel-Warschawsky

  • La jeunesse tunisienne entre déception et engagement (Orient 21)

    Première rencontre Orient XXI à Tunis

    Quatre ans après les soulèvements de 2011, que devient la jeunesse arabe ? Cette question a été le thème d’une rencontre organisée le vendredi 6 février à Tunis par Orient XXI et le programme Wafaw. Elle a permis de mettre en lumière, notamment, le désenchantement ressenti par une grande partie des jeunes Tunisiens, qui ne se retrouvent pas dans le paysage politique qui a émergé depuis la chute de Zine el-Abidine Ben Ali.

    Sous le titre «  Après les révolutions, les jeunes toujours à la marge  ?  », la manifestation a attiré un public important et suscité un nombre conséquent de questions et de commentaires. Elle s’est déroulée en trois parties, indistinctement en arabe et en français, elles-mêmes précédées par une présentation d’Orient XXI.

    Le nombre de diplômés chômeurs ne cesse d’augmenter

    Le premier panel intitulé «  Conditions économiques et contestations sociales  » a fait le constat d’une jeunesse tunisienne désenchantée, pour ne pas dire désemparée. Citant une étude de terrain récente, la politologue Olfa Lamloum, membre de l’équipe d’Orient XXI-Tunis, a indiqué que 90 % des jeunes interrogés avaient répondu par la négative à la question «  Votre situation s’est-elle améliorée depuis la chute du régime de l’ex-président Ben Ali  ?  » La chercheuse a aussi insisté sur «  une baisse de moral inquiétante au sein de la jeunesse tunisienne  ». Un propos confirmé par Salem Ayari, de l’Union des diplômés chômeurs (UDC). «  Le nombre de diplômés chômeurs n’a pas cessé d’augmenter depuis 2011  », a-t-il ainsi relevé. «   Les dégâts provoqués par cette situation sont énormes, à commencer par une persistance de l’émigration clandestine et la hausse de la délinquance  ». Pour Ayari, le problème structurel de la divergence entre les cursus universitaires et les besoins du monde du travail reste entier. «  Nous voulons un dialogue national sur ce sujet. Et cela passe aussi par une réflexion sur le modèle économique tunisien car c’est cela qui détermine le type d’emplois auxquels l’université doit préparer  », a-t-il plaidé.

    Le thème de la désespérance de la jeunesse tunisienne est revenu à plusieurs reprises dans les interventions. Alaa Talbi, du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) a lui aussi insisté sur «  l’échec de l’instance éducative  » et rappelé que les revendications socio-économiques de ces jeunes sont identiques à celles qui existaient avant janvier 2011. «  70 % des suicides en Tunisie concernent des personnes âgées de moins de 35 ans. Cela suffit à résumer la situation  », a-t-il expliqué. Une situation préoccupante qui s’ajoute à un sentiment marqué de relégation et de marginalisation éprouvée par la jeunesse des quartiers populaires. Citant des études menées notamment à Hay Ettadhamoun à Tunis, Mehdi Barhoumi, de l’ONG International Alert, a mis l’accent sur le fait que les jeunes déploraient le wasm, la stigmatisation dont leurs quartiers font encore l’objet. «  Avant la révolution, ces quartiers étaient décrits comme des zones de criminalité et de délinquance marquées. Aujourd’hui, ils sont aussi vus comme des bastions du salafisme tandis que les habitants se plaignent de l’insécurité qui y règne et du manque de moyen des forces de l’ordre  ».

    Une contestation sociale toujours réprimée

    Dans un contexte de chômage élevé et de désenchantement quant aux promesses nées de la révolution de 2011, de nombreux jeunes n’ont d’autres recours que la contestation dans la rue. Une démarche qui «  demeure confrontée à la persistance de la criminalisation des mouvements sociaux  », a relevé de son côté Mariem Bribri du collectif C’est mon droit. «  Les jeunes qui manifestent dans la rue sont le plus souvent poursuivis et parfois pour des motifs plus ou moins étonnants comme celui d’avoir entonné des ‘chants irritants’ ou pour avoir commis des ‘outrages par la parole’  », a-t-elle précisé. Analysant les statistiques liées aux poursuites ayant suivi des manifestations dans la rue, Bribri a indiqué que 80 % des personnes mis en cause ont un âge compris entre 14 et 35 ans. Et de réclamer «  la fin de la criminalisation de la revendication sociale et de la répression policière  ». Des termes forts, qui ont rappelé la période de Zine El-Abidine Ben Ali et qui ont fait dire à un militant d’extrême gauche présent dans la salle que «  finalement, la seule différence avec la période de la dictature, c’est qu’aujourd’hui on peut parler plus ou moins librement de cette répression à l’encontre des jeunes et qu’on peut aussi s’organiser au grand jour pour en rendre compte  ».

    De fait, cette question de la répression renvoie aussi au rapport compliqué qu’entretient l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la très influente centrale syndicale, avec d’autres organisations, dont l’Union des diplômés chômeurs (UDC). Intervenant sur ce point, la sociologue Hela Yousfi a d’abord rappelé que «  tous les gouvernements intérimaires depuis janvier 2011 ont maintenu la criminalisation des mouvements sociaux  », notamment ceux menés par des organisations de jeunes. «  L’UGTT a toujours eu un rapport ambivalent avec l’UDC  », a-t-elle précisé. «  Cette dernière, dont les effectifs sont mobilisables pour des actions de terrain a constitué une carte de pression pour l’UGTT, qui n’a pas toujours repris à son compte les revendications de l’UDC. La centrale lui a certes offert un soutien logistique quand il le fallait mais les agendas de ces deux organisations ne sont pas les mêmes  ». Dans les mois et les années qui viennent, l’universitaire a estimé qu’il sera important de suivre «  l’émergence des nouveaux acteurs sociaux et leur prise d’autonomie vis-à-vis de l’UGTT  ».

    Les destins multiples des cyberdissidents

    Le second panel, intitulé «  Que deviennent les cyberactivistes  ?  », a fait référence à l’un des points emblématiques de la révolution de 2011 même si, comme l’a relevé Larbi Chouikha, universitaire et membre d’Orient XXI-Tunis, «  il faut se garder d’attribuer toute la paternité de la chute du régime de Ben Ali aux cyberdissidents  ». Si ces derniers ont joué un rôle actif dans la propagation de l’information et, in fine, de la contestation, le web social tunisien «  est aujourd’hui traversé par de nouveaux rapports de force avec, peut-être un effet de génération  », constate pour sa part Thameur Mekki d’Orient XXI-Tunis. Pour Amira Yahyaoui, lauréate 2014 de la fondation Chirac et — désormais — très célèbre dirigeante d’Al-Bawsala, un observatoire de la vie parlementaire tunisienne, «  les jeunes qui ont été actifs sur Internet jusqu’à la chute de Ben Ali ont été confrontés par la suite au dilemme et aux limites de la reconversion  ». Ainsi, et à quelques exceptions près, nombre d’entre eux se sont tenus à distance des partis politiques. D’autres ont créé ou rejoint des ONG et ont dû faire avec «  la dictature de la neutralité  » afin de mener à bien leur action. Dans la foulée, elle a insisté sur le fait que la liberté d’expression restait menacée en Tunisie, avec une tentation du pouvoir politique d’imposer des lignes rouges telles que celle du «  respect de l’État  ».

    Dans ce panel, les débats ont aussi porté sur la différence entre cyberdissidence et cyberactivisme. L’anthropologue Kerim Bouzuita a estimé que les internautes étant tous devenus des «  cyborgs  », autrement dit des êtres humains aux capacités amplifiées par les machines (portables, ordinateurs, tablettes…), la notion même de «  cyberactivisme  » n’est plus pertinente, le simple terme d’activisme doit s’imposer. De son côté, Lilia Weslaty, du journal en ligne Webdo a indiqué que son choix en terme d’implication au lendemain de la révolution l’a mené à finalement opter pour le journalisme au nom de la mise en place de «  contre-pouvoirs  ». Et d’asséner ces mots forts : «  Le problème, ce n’était pas Ben Ali. C’était nous tous. Nous portions tous le mal de la dictature en nous. Notre pays a besoin de contre-pouvoirs, quelle que soit la nature du régime  ».

    Parmi les interventions de ce panel, il va sans dire que celle de Sami Ben Gharbia, du blog collectif Nawaat et figure de proue de la contestation contre Ben Ali sur Internet, était très attendue. Estimant que la priorité demeurait «  la bataille de la persistance des droits  » arrachés par la révolution de janvier 2011, notamment le droit à l’expression ou à l’initiative, le blogueur a revendiqué le terme «  de cyberactiviste  » et rejeté toute obligation «  de neutralité ou d’objectivité  ». Pour Sami Ben Gharbia, la nécessité de changer la Tunisie doit obliger à se confronter avec n’importe quel gouvernement en place sachant que, dans le même temps, le cyberactivisme pèse peu face à des médias comme la télévision.

    De son côté, Skander Ben Hamda, plus connu comme «  Bullet Skan  », son pseudonyme de cyberactiviste (terme qu’il revendique aujourd’hui encore) a, à sa manière, résumé le sentiment éprouvé par toute la société tunisienne après la fuite de l’ancien président. «  Avant la chute de la dictature, les choses étaient faciles. Nous étions unis car nous voulions sa chute. Par la suite, les divisions sont apparues. Désormais, chacun suit sa voie selon un angle différent. Nous nous sommes séparés mais des choses inquiétantes commencent à nous réunir, comme les menaces contre la liberté d’expression  ». Sofiane Belhaj, autre grande figure du web tunisien — son nom de «  guerre  » étant «  Hamadi Kaloutcha  » — a quant à lui plaidé pour l’usage du terme «  cyberdissident  » rappelant au passage que certains cyberactivistes défendaient le régime de Ben Ali et que l’un d’entre eux, Firas Guefrech, était même devenu depuis un conseiller du président Béji Caïd Essebsi. Plus important encore, «  Kaloutcha  » a dénoncé le fait que «   l’argent déversé par les fondations et les chancelleries étrangères ont fait se perdre l’esprit de la dissidence  ». Et de citer le cas de faux cyberdissidents, apparus comme par enchantement après la chute de Ben Ali et qui ont su capter à leur profit les aides proposées par de généraux donateurs. «  Certains de ceux qui croisaient le fer avec le régime ont quitté le pays, écœurés par le fait que des usurpateurs tiennent le haut du pavé avec leur ONG créée pour l’occasion  ».

    Ce panel, on s’en doute, a soulevé de nombreuses questions et interventions dans le public. Deux d’entre elles méritent d’être signalées. Pour Anouar Moalla, expert en communication, «  l’ennemi commun aux cyberactivistes, autrement dit l’ancien régime, est toujours présent et en voie de recyclage, d’où la nécessité de continuer la lutte et de ne pas céder aux sirènes de la neutralité  ». Quant à Omeyya Naoufel Seddik, du Centre for Humanitarian Dialogue, il a appelé à s’interroger sur le décalage qui peut exister entre la «  satisfaction que peut procurer l’activisme sur le web et la réalité de son impact plus ou moins faible sur le terrain  ».

    Un échec collectif

    L’un des constats réalisés quelques mois après la chute de Ben Ali a été qu’une grande partie de la jeunesse, celle-là même qui était descendue dans la rue, se désintéressait de la politique. Introduite par les deux politologues Khadija Mohsen-Finan (Orient XXI-Tunis) et Laurent Bonnefoy (Wafaw1), la troisième et dernière séance a concerné cette thématique et c’est elle qui a généré le plus de réactions et d’interventions dans le public. Il faut dire que la question est d’importance. Comment, dans un pays où les deux tiers de la population sont considérés comme jeunes, expliquer ce manque de présence de la jeunesse dans la vie politique  ?

    Pour Fayçal Hafiane, conseiller du président Béji Caïd Essebsi, «  la jeunesse a beaucoup été mobilisée lors des campagnes électorales mais a eu tendance ensuite à déserter d’elle-même les appareils politiques  ». Selon lui, les raisons d’une telle désaffection sont à retrouver dans «  une volonté d’obtenir des postes tout de suite par manque de patience  ». Autre raison invoquée, le fait de la persistance d’une méfiance à l’égard des jeunes, à la fois dans les médias mais aussi au sein de l’opinion publique plus encline à privilégier «  la sagesse des plus anciens  ». Un avis plutôt partagé par Osama Al-Saghir, député du parti Ennahda pour qui «  l’absence des jeunes en politique est un échec d’ordre collectif  », notamment lors de l’élaboration des programmes électoraux. Le député a appelé les jeunes à s’organiser en force de proposition de manière à peser sur les choix politiques, notamment dans la perspective des prochaines élections municipales, un rendez-vous électoral d’ores et déjà très attendu et dont la date reste à déterminer (peut-être en 2016).

    Autre figure de la cyberdissidence et se qualifiant lui-même de «  militant indépendant  », Azyz Amami a souhaité inverser la manière dont le sujet est abordé. Selon lui, «  les jeunes ne croient pas au roman politique actuel et ce ne sont pas eux qui sont à la marge mais bien les partis qui n’ont plus prise sur le réel  ». Estimant que la révolution de janvier 2011 n’est pas terminée et qu’elle «  doit être considérée comme un projet à mener jusqu’à la disparition de tous les vestiges du régime déchu  » (ministère de l’intérieur compris), et cela grâce au même «  transpartisanisme  » qui a permis d’abattre la dictature de Ben Ali.

    Intervenant dans ce panel, la politologue égyptienne Chaymaa Hassabo, membre de l’équipe d’Orient XXI, a fourni des éléments de comparaison avec la situation de la jeunesse dans son pays. Les éléments qu’elle a présentés ont fait écho aux diverses interventions de la journée à l’image de la «  criminalisation de toute revendication exprimée par la jeunesse dans la rue  » ou encore «  la fabrication, par les autorités, de faux représentants de la jeunesse  ». Surtout, la chercheuse a estimé nécessaire le fait de s’interroger sur cette idée reçue selon laquelle toute la jeunesse serait «  favorable à la révolution  ». Quant à la question de savoir pourquoi les jeunes Égyptiens ne sont pas actifs en politique, Chaymaa Hassabo a répondu en guise de conclusion que c’est tout simplement «  parce qu’une bonne partie d’entre eux se trouve en prison ou dans les morgues.  »

    Enfin, c’est l’économiste Aziz Krichen qui a clos les interventions sur ce thème. L’ancien conseiller du président Moncef Marzouki a d’abord rappelé la réalité des statistiques : «  Deux tiers des électeurs ne se sentent pas concernés par le processus électoral  », a-t-il précisé, ajoutant que «  85 % des 18-35 ans n’ont pas voté en 2011  » et que cette proportion a été certainement plus élevée en 2014. La faute, entre autres, au fait que cette jeunesse ne s’est pas retrouvée dans ce qui a politiquement émergé comme structures partisanes après janvier 2011. Et de souhaiter que les principales formations politiques tunisiennes s’engagent «  dans une trêve sur le front du débat identitaire  » et que le débat porte désormais sur les questions socio-économiques telles que l’état sinistré de l’agriculture, l’habitat précaire, la mauvaise santé des entreprises et, bien entendu, le chômage des jeunes.

    1When Authoritarianism Fails In The Arab World, programme de recherche multidisciplinaire dirigé par François Burgat, dont l’équipe de chercheurs (tous arabophones) a été formée par l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo). Wafaw est financé jusqu’en 2017 par le Conseil européen de la recherche.

    http://orientxxi.info/magazine/la-jeunesse-tunisienne-entre,0809

  • Égypte : la répression pour taire la résistance (Lcr.be)

     

    Quatre ans après la chute du dictateur Moubarak, l’Égypte, croulant sous le poids de la dette (1), traverse une crise économique et sociale d’ampleur dans une situation économique mondiale défavorable.

    Le régime voit dans la répression le seul moyen de maintenir son pouvoir. Mais dans le monde du travail et dans les universités, les mobilisations ne cessent de se multiplier 

    La répression se déchaîne…

    La veille de l’anniversaire de la révolution du 25 janvier, des dizaines de manifestants ont été assassinés par les forces du régime.

    Les photos choc de l’assassinat de Shaïmaa El-Sabbagh, une militante de gauche et des droits des travailleurs d’Alexandrie, ont été relayées dans le monde entier. Shaïmaa était à la tête d’une petite manifestation pacifique et voulait déposer une gerbe de fleurs sur la place Tahrir au Caire pour commémorer les martyrs de la révolution du 25 Janvier 2011. Le lendemain, les forces de sécurité se sont acharnées contre les manifestants en tirant systématiquement des salves de chevrotine et de gaz lacrymogène. Bilan : 28 personnes ont été tuées au Caire, à Alexandrie, Damanhur, Gizeh. Rien qu’au quartier El-Matariyya, au Caire, 13 personnes sont mortes (beaucoup plus que le nombre des martyrs de la révolution le 25 janvier 2011). Ce sont les actes de répression les plus sanguinaires depuis l’élection de Abdel Fattah Sissi comme président.

    Selon un rapport publié par la Campagne Al-Horriyya Lil Jidaan (Liberté pour les Braves) (2), qui établit le bilan de la répression lors du quatrième anniversaire de la révolution, 927 personnes ont été arrêtées le 25 janvier dans différentes provinces, dont 36 mineurs, 104 femmes, 82 étudiants et 20 journalistes.

    Cette répression n’est pas une nouveauté, car elle n’a jamais cessé depuis l’avènement de Sissi au pouvoir. C’est un choix, un mode d’emploi. Touchant militants de gauche et Frères musulmans, elle a permis au régime de se débarrasser d’une partie de ses opposants en les jetant en prison. Combinée à une justice aux ordres et une « Sissi-isation » des médias, selon l’expression de Reporters Sans Frontières, elle constitue l’un des piliers du régime et lui permet de contenir la colère sociale.

    … mais la résistance continue

    La répression n’a cependant pas réussi à écraser tous les mouvements de contestation. Déjà en ce début 2015 on a enregistré plusieurs mouvements de grève dans différents secteurs, dont voici quelques exemples :

    * Le 18 janvier quelque 500 travailleurs de la distribution du pain au gouvernorat de Beheira ont organisé un rassemblement de protestation devant le Conseil des ministres pour exiger un emploi permanent.

    * Les travailleurs de la Compagnie de filature et de tissage de Mahalla ont entamé mi-janvier une grève de cinq jours pour exiger, entre autres, la cessation du harcèlement contre les dirigeants syndicaux, la démission du représentant de l’administration, une prime et l’application du salaire minimum.

    * Le 29 janvier, des travailleurs de la Société Tanta du Lin et des Huiles ont débrayé pour exiger l’exécution d’un arrêt de justice portant sur la réintégration des travailleurs mis en retraite anticipée et le retour de l’entreprise au secteur public.

    Ces grèves montrent l’énorme force potentielle de la classe ouvrière qui reste l’épine dorsale du mouvement revendicatif. Elles constituent un vrai défi au régime.

    Des mobilisations ont également lieu dans les universités.

    La magnifique manifestation de femmes suite à l’assassinat de Shaïmaa El-Sabbagh est un autre acte de défi à la machine répressive du régime.

    Un pouvoir qui reste instable

    Le FMI avait prévu une croissance de 3,8% pour l’exercice 2014/2015, il faut le dire au prix de restructurations et mesures à faire saigner les travailleurs et les couches paupérisées. Mais ces taux de croissance restent difficiles à atteindre. Et ni les discours pompeux ni les projets pharaoniques de Sissi, comme celui de doubler le Canal de Suez, ne peuvent cacher le malaise profond dans la société égyptienne.

    Rien n’est cependant totalement gagné pour la contre-révolution, quoique rien ne menace son pouvoir à court terme.

    Les forces révolutionnaires sont affaiblies, mais elles sont toujours là. Plus largement, pour ceux et celles qui ont expérimenté la répression et l’injustice, la rupture avec le régime est faite, même si elle ne s’exprime pas politiquement.

    Le chômage, la précarité, les problèmes de logement, les difficultés d’accéder aux soins, l’érosion constante des salaires, la vie chère, le musellement des libertés démocratiques et syndicales… qui étaient le détonateur de la révolution du 25 Janvier 2011 ne sont toujours pas résolus.

    Avec sa fuite en avant répressive et une politique qui ne peut mener qu’à l’appauvrissement et au non-investissement, le régime ne peut qu’élargir le champ de la contestation.

    En considérant tous les pro-Morsi comme des terroristes, il en pousse un certain nombre à rejoindre les groupes terroristes djihadistes.

    Dans ces conditions, les élections législatives prévues en mars prochain intéressent peu la majorité des Égyptiens dont le souci premier est de sortir de la misère et d’en finir avec la machine répressive.

    Notes :

    1- http://countryeconomy.com/national-debt/egypt

    http://fr.tradingeconomics.com/egypt/government-debt-to-gdp

    2- Groupement indépendant de militants politiques et juristes d’horizons divers qui travaillent depuis la fin 2013 sur la question des prisonniers et détenus politiques en Égypte.

    http://www.lcr-lagauche.org/egypte-la-repression-pour-taire-la-resistance/

  • Maroc, la Zone franche de Tanger : Zone de non-droit (cadtm)

    Le samedi 22 janvier 2015, Mohammed Charki, un ouvrier et syndicaliste à l’entreprise américaine ECI Maroc située dans la Zone Franche de Tanger Automotive (Nord du Maroc) est sauvagement agressé, insulté et tabassé par des agents de la société de sécurité privée Colinco.

    Le conflit a éclaté dès que les ouvrier-e-s ont constitué un bureau syndical pour défendre leurs droits élémentaires reconnus par le code du travail : salaire minimum, droit au repos hebdomadaire, conditions de sécurité et respect des travailleurs et travailleuses.

    Suite à cela, la direction a décidé de licencier 7 ouvriers pour stopper le mouvement. La direction n’hésite pas à recourir aux menaces, insultes et aux méthodes de terreur face aux ouvrier-e-s.

    Dans cette zone de non-droit, les entreprises n’ont plus besoin de recourir aux forces de l’ordre public, elles ont leurs propres agents de sécurité privés pour affronter toute revendication ouvrière.

    Les entreprises bénéficient du soutien de l’État qui offre des terres, des infrastructures, une main d’œuvre jeune, exploitable et corvéable, une législation suffisamment malléable pour attirer de nouvelles sociétés multinationales.

    Un nouvel Eldorado pour le capitalisme qui profite de la zone de libre échange pour faire des profits juteux avec des salaires bas, une législation du travail et des charges sociales inexistantes, un taux de chômage élevé.

    Le mercredi 4 février 2015, les agents de sécurité interviennent sauvagement pour disperser les ouvrier-e-s tenant sit-in devant l’usine. Cette intervention fait plusieurs blessés, parmi lesquels Mohamed Charki, blessé au visage. Voici les témoignages de deux ouvriers de cette usine.

    Témoignage de Safaa Bahraoui, ouvrière dans la société américaine ECI Maroc

    ECI, est une société américaine qui fabrique des câbles pour voitures, pour appareils électroniques… La société est la première usine qui s’est installée dans la nouvelle zone industrielle. Elle est située entre Tétouan et Tanger, à 40 km de Tanger et emploie environ 260 ouvriers et ouvrières.
    7 ouvriers ont été licenciés pour raison syndicale, pour avoir dénoncé les conditions de travail et réclamé l’application du code du travail.

    « J’ai été menacée par un responsable de la sécurité, insultée, ensuite il m’a fait tomber par terre. Nous avons tenu un sit-in pacifique devant l’usine pour dénoncer ce manque de respect de l’agent de sécurité de la société Clinco Service.

    Pour cela, 30 ouvriers ont été licenciés, et 30 autres sont menacés.
    Nous avons lutté pour leur retour au travail, pour les indemnisations des heures supplémentaires, pour le droit des femmes enceintes.
    Maintenant ils menacent de licencier tous les ouvriers, environ 260 pour en embaucher d’autres.
    Nous poursuivons notre lutte, pour exiger nos droits, le respect des ouvrières et ouvriers. »

    Témoignage de Ahmed Charki : ouvrier, syndicaliste

    « J’ai dix ans d’expérience dans ce secteur. Avec d’autres ouvrières et ouvriers, j’ai dénoncé les conditions de travail exécrables, l’absence de formation pour les nouveaux travailleurs. Tout de suite après, j’ai été convoqué avec une ouvrière. Je me suis retrouvé dans une voiture, menacé, tabassé puis jeté dans la nature. Une ambulance est arrivée plusieurs heures après pour constater mes blessures.
    Nos revendications :

    • l’application du code du travail ;
    • notre salaire actuel : 2100 dirhams pour 8 h de travail, mais ils nous paient 7h30 au lieu de 8h, les 30 minutes journalières de pause sont retirées de notre salaire ;
    • en ce moment nous sommes en sit-in devant l’usine, dans la zone franche ;
    • cette zone industrielle s’installe sur les terres de culture, les habitants sont menacés d’expulsion. »

    Solidarité avec notre camarade Mohamed Charki, syndicaliste, militant de l’AMDH et d’Attac Maroc et avec toutes les ouvrières et ouvriers de l’usine.

    ECI MAROC est la première usine à s’installer dans la nouvelle zone industrielle.
    Elle témoigne du nouveau visage du capitalisme sauvage mondialisé qui se croit au dessus des lois, du droit local et international. Le pouvoir marocain exproprie les paysans de leurs terres, de leur culture, de leur environnement, s’accapare leurs terres pour les céder à moindre coût à des sociétés internationales sans foi ni loi.

    À qui profite ce type de développement ?

    12 février par Souad Guennoun

    http://cadtm.org/La-Zone-franche-de-Tanger-Zone-de