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Tunisie - Page 11

  • 25 juillet 1957, proclamation de la République tunisienne

    La Tunisie fêtera bientôt le 60e anniversaire de la proclamation de la République par Habib Bourguiba, le 25 juillet 1957. Retour sur les dernières années qui ont précédé cet événement exceptionnel

    A partir de 1949, Habib Bourguiba intensifie sa campagne pour l’indépendance de la Tunisie, avec l'appui l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), dirigée alors par Farhat Hached.

    En 1952, la lutte pour l’indépendance prend un nouveau tour après les arrestations de Bourguiba et des chefs nationalistes et la dissolution forcée du gouvernement Chenik, qui s’est ouvert au Néo-Destour et a élaboré un mémorandum sur l’autonomie interne. Les indépendantistes prennent les armes contre le colonisateur tandis qu’à l’opposé, l’organisation « la Main rouge », créée par des colons extrémistes, lance une campagne terroriste contre les nationalistes. Farhat Hached sera l'une de leurs premières victimes.

    Les émeutes populaires antifrançaises ainsi que les attentats se multiplient. Malgré les tentatives de réformes proposées par les Français, la Tunisie est au bord de la guerre.

    Le 31 juillet, Pierre Mendès France, nouveau président du Conseil français, promet l’autonomie interne. Habib Bourguiba, qui participe aux négociations, juge cette déclaration acceptable et les émeutes stoppent.

    Le 3 juin 1955, le Premier ministre et président du Conseil tunisien, Tahar Ben Ammar, signe à Paris, avec le ministre des Affaires étrangères Christian Pineau, le protocole confirmant l’indépendance de la Tunisie.

    Le 17 septembre, pour la première fois depuis 74 ans, un gouvernement composé exclusivement de Tunisiens est installé à Tunis.

    20 mars 1956, un nouvel accord abroge le traité du Bardo de 1881 et reconnaît la Tunisie comme une monarchie constitutionnelle entièrement souveraine, 18 jours après l'indépendance du Maroc. Suivront une série d'attentats, ainsi que le meurtre de deux colons.

    Les premières élections législatives de l’histoire tunisienne, organisées le 25 mars, donnent une large victoire au Néo-Destour. Le 8 avril, Habib Bourguiba est élu président de la première Assemblée nationale tunisienne, puis il est nommé Premier ministre le 11 avril. L’Assemblée adopte une Constitution transférant au peuple tunisien les pouvoirs législatifs.

    Le 12 novembre 1956, la Tunisie est admise à l’Organisation des Nations unies.

    La fin de la monarchie beylicale

    Bien que son pouvoir effectif ait été affaibli par le protectorat français à partir de 1881, c’est après l’indépendance de la Tunisie, proclamée en 1956, que les beys perdent définitivement leur pouvoir qui est déjà passé de fait dans les mains du parti du Néo-Destour d’Habib Bourguiba. L'éphémère Royaume de Tunisie proclamé en 1956, est très vite chassé par la république, proclamée à son tour le 25 juillet 1957. Elle abolit ainsi tout pouvoir monarchique.

    Bourguiba est immédiatement nommé président provisoire de la Tunisie et conservera le pouvoir jusqu’en 1987. Ses premiers objectifs consisteront à libérer son pays de toute présence française, ce qui engendrera de nombreux conflits, parfois sanglants, entre les deux Etats.

    http://www.lepetitjournal.com/25-juillet-1957-proclamation-de-la-republique-tunisienne

    Commentaire: Disons que devant le "mauvais exemple algérien" à tendance "socialiste" la bourgeoisie française avait intérêt à y voir un régime stable, n'en déplaise aux colons et à leur soif de sang!

  • Après Nice contre le Terrorisme : Résister et contribuer à chercher des alternatives (ESSF)

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    L’Association des Travailleurs Maghrébins de France salue, avec respect, la mémoire des victimes du massacre qui a fait 84 morts et des dizaines de blessés à Nice le soir du 14 juillet 2016 dont plusieurs enfants.

    Nous partageons la douleur des familles, des proches des morts et des blessés endeuillés pour longtemps.

    Nous nous associons à l’expression des condamnations unanimes venues du monde entier et à la solidarité internationale devant l’innommable qui a frappé encore une fois des innocents, perpétré, encore une fois dans des lieux de vie en commun, des lieux de partage, de liens humains et de liberté. La réaction émue, solidaire, de résistance du peuple est unanime.

    La journée emblématique de la Révolution, le 14 juillet, est désormais marquée par l’horreur indicible.

    Il est avéré que l’acte infernal est prémédité. Il s’inspire et s’inscrit dans la propagande de l’état-de fait, Daech, qui le revendique après coup mais qui le revendique en tant que tel.

    Les enquêtes et les spécialistes montreront le profil, de type singulier de l’auteur de ce massacre, au moins pour l’essentiel. Crapuleux, malade mental, terroriste, ou tout à la fois, à l’acte criminel peuvent s’ajouter d’autres dimensions, cernables ou non. Une constante est là : le formatage des esprits prédisposés à semer la mort collective. A un autre degré de la chaine mortifère, la manipulation des pulsions complexes, profondes et redoutables de l’être humain, se révèle aujourd’hui avec le tueur de Nice. Sa « radicalisation toute récente » n’est peut être que la surface visible de la vérité de cette complexité. Complexité de nature imprévisible, féroce, individuelle, avec ou sans réseau.

    Donner la mort est l’ADN de Daech. Viser des collectifs, des masses, des populations pour des choix qui opèrent sur le mode génocidaire, en tant que vision politique globale des cerveaux qui l’installent dans la durée pour hystériser leurs troupes. Les extrêmes droites et les droites extrêmes en Europe, en particulier en France, sont à la fois captées et instrumentalisent à leur tour les massacres d’innocents pour alimenter leurs programmes de haines, de rejets, d’amalgames, du tout-sécuritaire, de mesures liberticides sans précédent. L’esprit des mots « c’est eux ou nous » dans la boucle de l’extrême droite et la droite déborde sa lettre, au point de rendre public une proposition de loi de légitimation du port d’armes. C’est du pain béni pour Daech et des milices hors du droit en France et dans toute l’Europe qui, en visant la déstabilisation des sociétés et des institutions en Europe, veut dresser les communautés les unes contre les autres.

    Au lendemain de l’attentat de Nice, l’Elysée avait promis « d’intensifier ses frappes en Syrie et en Iraq pour frapper ceux qui nous menacent ». Le 18 juillet 2016, plus de 120 civils innocents seront tués par un raid de la coalition internationale.

    Par ailleurs, un ailleurs si près et si visible d’ici, caché ou rendu inaudible par les pouvoirs et les médias majoritaires qui leurs sont soumis, c’est une véritable guerre, conçue totale, innommable que ce nouvel ennemi de l’humanité mène d’abord à partir de son berceau et dans son berceau, le Cham (Palestine, Irak, Syrie, Jordanie, Liban ), c’est une véritable guerre de colonisation, d’occupation, d’oppression, de pillage du sol et du sous-sol, dans un seul but, soumettre sous son joug les peuples ou exterminer les populations qui y résistent ou les déporter. Sous d’autres formes, l’horreur est propagée au Maghreb, en Afrique, en particulier en Lybie dont il veut faire son prochain territoire, une nouvelle base armée de sa politique de domination et de destruction.

    Jamais les peuples arabes ou africains des régions où il frappe n’ont subi, il faut le dire et rappeler, de telles formes génocidaires dans leur histoire.

    L’origine principale est loin et directement liée à l’invasion de l’Iraq par l’armada américaine et ses alliés (par choix et /ou obligés, dont le gouvernement socialiste en France) qui prive le peuple Irakien des denrées de base et des infrastructures de base. La destruction de l’Etat en Irak a commencé là, en 1991. Une autre agression la suit en 2003, toujours sous le commandement des U.S.A « Axe du mal » et « les Etats Voyous » de Bush père et fils trouvent dans les livres « la fin de l’histoire » et « le choc des civilisations », dans le sillage de la chute de l’URSS, la feuille de route du démembrement de l’Irak qui ne finit pas de sombrer avec son peuple. Les peuples de la région vivent sous la même menace - sauf bien entendu l’Etat d’Israël qui, au contraire est conforté et encouragé dans sa politique d’apartheid et d’occupation coloniale des territoires palestiniens.

    Sans oublier le rôle que jouent les pétrodollars du Golfe et leurs Etats en particulier l’Etat Wahhabite de l’Arabie Saoudite.Tous sous la botte américaine et ses bases américaines co-dirigées par la C.I.A, ces Etats féodaux font tout pour empêcher les Etats voisins à se stabiliser ou à se reconstruire.

    Livrés à eux-mêmes, abandonnés par leurs Etats corrompus, déchirés par les guerres fratricides paupérisés à l’extrême, continuellement déplacés, les peuples Arabes subissent cet enfer nuit et jour.

    Cette vie qui est à peine une survie est marquée à l’encre rouge par une mondialisation des humiliations, des frustrations, des avenirs bouchés. Un lot quotidien qui ne peut que nourrir un ressentiment littéralement abyssal. La mort en masse en Méditerranée n’en est que la partie visible de l’iceberg.

    Il est dangereux, de croire et de faire croire, en particulier à la jeunesse, que « cela » est loin de « chez nous ».

    Tous les êtres vivants savent ou ressentent ce que souffrir est. Les populations de l’immigration poste-coloniale et ceux qui en sont issues des banlieues ghettoïsées et déstructurées par les discriminations et le chômage de masse, notamment, vivent dans leur chaire, directement, l’horreur des vies agonisantes ou en sursis de morts insoutenable. C’est le terreau du ressentiment qui mène à l’irréparable. La France a fait le choix désastreux de ne pas régler le contentieux de son passé colonial avec les peuples qu’elle a colonisés.

    Jusqu’ où vont aller Les Etats-va-en-guerre, encore actuellement menés par les USA, fondamentalement bellicistes, qui financent leurs guerres par la course à la vente des armes, des chantiers gigantesques des reconstructions, des industries mondiales du pétrole et du sol, des partages de dominations régionales et géo-stratégiques.

    Nourris par ces intérêts vertigineux, les Etats qui interviennent contre Daech sur des territoires spoliés, le font aussi pour des raisons géo-économico-politiques – c’est évident. Et, les bombes ciblant un terroriste ou un groupe d’entre eux, ne peut éviter les civiles – c’est évident aussi. S’il n’y a pas de guerre propre, une guerre légitimée par la sécurité à laquelle sont attachés tous les habitants de la terre, ne peut se livrer que strictement dans le respect inconditionnel du droit international, même s’il est loin d’être parfait en raison des rapports de force qui le constituent (voir les résolutions de l’ONU jamais appliquées par Israël).

    C’est ces raisons que nous réaffirmons, avec d’autres, ici et ailleurs, qu’une vie humaine est une vie humaine. Du Soudan ou du Nigeria, de Syrie ou d’Irak, de France ou de Belgique, chaque vie est à la fois la même et unique.

    Nous ne pouvons, donc, que réaffirmer nos convictions, avec de véritable sociétés civiles, sur la nécessité absolue de construire des alternatives par la paix en tant que projet politique global de l’humanité dans la sécurité de tous et protégé par des Etats de droit dignes de ce nom dans le cadre de démocraties ouvertes à toutes et à tous. Cela suppose la rupture nette avec les régimes corrompus et tyranniques du Proche Orient, comme une condition politique majeure. Cela suppose en même temps de donner les moyens de mobilisation aux peuples pour reconstruire des projets démocratiques. Les peuples concernés directement sont les plus à même de combattre l’organisation mafieuse de Daech. Cela suppose aussi, en termes de moyens, que l’occident paye son confort, un confort insultant et humiliant des peuples qu’il a paupérisé sur leur propre sol. L’argent en tant que nerf de la guerre, oui à la guerre contre les inégalités, oui pour un nouveau type de plan Marshall du partage des richesses.

    Nous considérons plus que jamais que face à la terreur, la contre terreur est contre-productive. La guerre provoque et/ou amplifie d’autres guerres.

    Seule une politique de paix digne de ce nom est et restera le projet de l’Humanité tel que le rêvent au quotidien et en pratique tous les peuples de la Terre.

    Paris le 21 juillet 2016


    Le C.A National de l’ATMF

    http://www.atmf.org/

    http://www.europe-solidaire.org/

    Bretagne:

    ATMF Rennes

    9 bis, square Charles Dublin, 35200 Rennes

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  • Tunisie : Rassemblement à Paris Mardi 26 juillet 2016 contre le projet de loi de blanchiment des corrompus de l’époque Ben Ali (Essf)

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    Non au blanchiment de la corruption en Tunisie ! Retrait du projet de loi dit de « réconciliation »

    Rassemblement unitaire à Paris

    Cinq ans après l’éviction de Ben Ali, on ne mesure pas encore l’ampleur de la corruption du pillage des ressources et des crimes économiques.


    Les violations des droits, en affaiblissant les capacités d’investissement de la Tunisie dans l’éducation, la santé et le logement, ont réduit des régions entières à la misère et poussé des milliers d’hommes et de femmes à l’exil. Le projet de loi dit de « réconciliation » consacre l’impunité et banalise la corruption : tous ceux qui se sont rendus complices de ce système qui perdure, seront blanchis sans devoir rendre des comptes au peuple tunisien, devant la Justice.

    Ce projet de loi viole la Constitution (art 148 alinéa 9) et constitue un formidable encouragement aux pots-de-vin, à la contrebande et à l’économie parallèle. Il prévoit la création d’une commission opaque, sous le seul contrôle du pouvoir exécutif, et favorise ainsi tous les arrangements et manipulations politiques.
    S’il est adopté, ce projet saperait le travail de l’Instance de la Vérité et la Dignité et tout le processus de la Justice transitionnelle.

    Les organisations signatairesréitèrent leur demande de retrait du projet de loi dit de « réconciliation » 
    expriment leur soutien au processus de la Justice transitionnelle tel qu’il est prévu dans la constitution ainsi qu’à la mobilisation de la campagne #‏مانيش_مسامح

    saluent le sursaut des organisations politiques, syndicales et associatives tunisiennes qui ont déposé un dossier devant l’IVD dans un même élan de solidarité, pour dire « non à l’impunité » et appellent les Tunisiens et tous les citoyens épris de justice et de liberté à participer au rassemblement qui aura lieu à Paris

    Mardi 26 juillet 2016 à 18h 30
    (à la sortie du métro Couronnes)

    Signataires :

    LA FTCR, L’ADTF, ALJOMHOURI FRANCE NORD, FRONT POPULAIRE PARIS IDF, ATTAYAR FRANCE, ETTAKATOL FRANCE, ACTION TUNISIENNE, ETTAHALOF FRANCE, MÉDECINS CONTRE LA DICTATURE, CRLDHT, UNION POUR LA TUNISIE, ASSOCIATION TUNISIE CULTURE ET SOLIDARITE, LE PONT GENEVE, AIN ALA TOUNES, RESEAU EURO-MAGHREBIN CITOYENNETE ET CULTURE, MOUVEMENT ECHAAB FRANCE, AL MASSAR FRANCE NORD

    Soutien à ce rassemblement :
    Union syndicale Solidaires

    samedi 25 juillet 2015

    Soutenez l’appel et envoyez vos signatures à : contact@citoyensdesdeuxrives.eu

    http://www.europe-solidaire.org/

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    http://www.europe-solidaire.org/

  • Nouveautés sur Orient 21

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    Tableau: musée de Tunis

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  • Justice climatique (Observatoire des Multinationales)

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    Au large de la Tunisie, l’archipel des Kerkennah souffre des effets du changement climatique, de l’industrie pétrolière et de la répression

    L’archipel des Kerkennah, au large de la ville de Sfax en Tunisie, se trouve confronté à la fois au réchauffement climatique, qui menace d’engloutir une partie de leur territoire, et aux impacts de l’extraction pétrolière et gazière. Depuis le début de l’année, pêcheurs et diplômés chômeurs sont en révolte ouverte contre les multinationales présentes dans l’archipel. Leur lutte témoigne à cette manière des promesses non tenues de la révolution tunisienne et de l’influence continue des intérêts économiques occidentaux dans le secteur des énergies fossiles. Reportage et analyse de Hamza Hamouchene.

    Les Kerkennah sont un archipel de la côte est de la Tunisie, dans le golfe de Gabès, à 20 kilomètres environ au large de la ville de Sfax. Ses deux îles principales sont appelées Chergui et Gharbi. Lorsque l’on s’approche de leurs côtes en ferry, on est frappé par un paysage très curieux : l’eau est quadrillée par des lignes constituées de milliers de feuilles de palmiers. C’est ce que les Kerkenniens appellent charfia, une ingénieuse méthode de pêche vieille de plusieurs siècles, qui consiste à attirer les poissons dans un réceptacle où ils sont capturés.

    En raison de son climat aride, l’archipel ne permet qu’une agriculture de subsistance. L’activité économique cruciale est la pêche. Ces îles sont particulièrement renommées pour leurs poulpes, capturés entre octobre et avril grâce à une autre méthode typiquement kerkennienne, qui fait usage de bocaux.

    J’ai entendu parler pour la première fois de l’archipel des Kerkennah dans le cadre de recherches que je menais sur une entreprise pétrolière et gazière britannique, Petrofac, à propos d’accusations de corruption liée à l’acquisition par cette firme d’une concession de gaz à Chergui, en 2006, dans la Tunisie de Ben Ali.

    Malgré l’article inséré dans la nouvelle Constitution tunisienne qui affirme la souveraineté nationale sur les ressources naturelles et la transparence des contrats pétroliers et gaziers, les entreprises du secteur continuent, en raison du pouvoir des lobbies, d’afficher des profits mirobolants en toute impunité. Les communautés locales, quant à elles, en subissent les externalités sociales et environnementales.

    Mécontentement des pêcheurs et des « diplômés chômeurs »

    Je me suis rendu dans les Kerkennah en mars 2016, après avoir entendu parler du mécontentement grandissant de la population, dû au refus de Petrofac d’honorer ses engagements à financer un fonds pour l’emploi. Je suis arrivé par le ferry de Gabès tôt le matin. Une délégation menée par le ministre tunisien de l’Environnement, accompagné d’une équipe de télévision, était à bord. Étaient-ils eux aussi venus pour enquêter sur la mobilisation en cours depuis deux mois ? Des sit-ins avaient été organisés par les îliens devant l’usine de Petrofac, mettant la production partiellement à l’arrêt, afin de pousser l’entreprise britannique à honorer ses engagements en termes de développement local et de création d’emplois.

    Après un voyage d’une heure, nous sommes enfin arrivés. Nous avons pris un taxi pour la plage de Sidi Fraj, pensant nous diriger vers l’usine de Petrofac. À notre arrivée, nous nous sommes rendus compte que qu’il s’agissait en fait du siège social d’une autre entreprise pétrolière, Thyna Petroleum Services (TPS). Une manifestation était effectivement en cours, mais elle rassemblait des pêcheurs, et non pas les diplômés chômeurs auxquels nous nous attendions. Nous avons ainsi découvert que TPS, une entreprise britannico-tunisienne, exploitait elle aussi une concession pétrolière offshore à Kerkennah. Les pêcheurs protestaient contre une immense marée noire qui avait été provoquée, selon eux, par la une fuite d’un pipeline sous-marin. Des allégations démenties par TPS, qui affirme que la fuite provenait d’un puits dans une des plateformes de forage - j’en comptai six depuis la plage de Sidi Fraj - qui entouraient, en forme de demi-cercle, l’île de Chergui.

    Les pêcheurs étaient en colère, non seulement parce que la marée noire décimait les poissons, mettait en danger la biodiversité marine et remettait ainsi en cause leurs moyens de subsistance, mais aussi parce que TPS tentait d’en minimiser l’impact et même de la dissimuler au public. Ils affirmaient que ce n’était pas la première fois, mais la troisième ou quatrième fois qu’un tel incident se produisait. Ils nous accompagnèrent sur les côtes pour nous montrer où la substance noire (sans doute du pétrole) avait échoué sur la plages et comment, à certains endroits, elle avait été recouverte de sable afin d’être dissimulée. Exaspérés, les pêcheurs demandaient à TPS d’assumer ses responsabilités, et exigeaient des autorités tunisiennes qu’elles forcent l’entreprise à rendre des comptes.

    En réalité, le ministre de l’Environnement avait été envoyé sur l’île pour rassurer les pêcheurs et promettre aux habitants qu’une enquête aurait lieu, et que des mesures seraient prises pour réparer les dégâts. Cependant, il ne paraissait pas être présent tant pour répondre aux doléances des pêcheurs que pour protéger les intérêts de l’industrie pétrolière, en empêchant une escalade des protestations. D’autant plus qu’au même moment, une autre entreprise pétrolière et gazière était elle aussi cible de la colère de la population de l’île.

    Soulèvement contre Petrofac

    Dix ans après avoir acquis la concession de gaz de Chergui dans des conditions douteuses, et cinq ans après le soulèvement de la Tunisie pour le pain, la liberté et la justice sociale, l’entreprise pétrolière et gazière britannique Petrofac est en effet confrontée au mécontentement grandissant de la population dans l’archipel des Kerkennah. Les deux premières semaines d’avril, les îles ont été le théâtre d’une violente répression policière contre les manifestants qui ciblaient l’entreprise.

    Les manifestations et leur répression faisaient suite à la dispersion de sit-ins pacifiques organisés pendant deux mois par les militants de l’Union des Diplômés Chômeurs devant l’usine de gaz de Petrofac. Le but de ce sit-in était de mettre la pression sur l’entreprise britannique afin qu’elle reprenne le financement d’un fonds pour l’emploi qui permettait de couvrir leurs maigres salaires.

    Lors de me séjour dans l’archipel, j’ai eu l’occasion de parler avec plusieurs jeunes qui avaient participé au sit-in de février-mars. Au cours de ces discussions, j’ai perçu leur ressentiment et leur colère face à la situation qu’ils vivaient. Comment était-il possible d’être chômeur quand toute cette richesse issue du pétrole et du gaz est produite dans ces îles ? Qu’en est-il des promesses de la révolution de 2011 en matière de justice sociale et de dignité nationale ? Autant de questions que j’avais déjà entendues lors d’autres voyages en Tunisie, la Tunisie intérieure, loin des sites touristiques, la Tunisie du sous-développement, où les gens continuent de se battre contre la paupérisation, la corruption et les injustices quotidiennes.

    La Tunisie sous la coupe des lobbys pétroliers

    Si les activités de Petrofac dans l’archipel ont attiré l’attention, il n’en va pas de même des conditions dans lesquelles la firme a fait l’acquisition de 45% de la concession gazière de Chergui. Une série de documents obtenus par la Justice indiquent que Petrofac a versé des pots de vin à Moncef Trabelsi, beau-frère de l’ancien président Ben Ali, lequel a été condamné pour ces faits en octobre 2011 [1]. En revanche, l’entreprise qui aurait versé les 2 millions de dollars en cause a échappé à toute poursuite au Royaume-Uni et en Tunisie.

    Ce n’est pourtant pas la première fois que Petrofac est impliquée dans un scandale de corruption : un de ses anciens dirigeants a été accusé d’avoir payé un pot-de-vin de 2 millions de dollars pour obtenir un contrat au Koweït. Ce qui est particulièrement incroyable dans cette affaire est qu’après avoir été impliquée dans l’acquisition illégale d’une concession, Petrofac fasse aujourd’hui preuve d’un tel mépris envers le peuple tunisien en refusant d’honorer ses engagements et en soutenant la répression policière. Son patron en Tunisie, Imed Derouiche, a formulé des accusations particulièrement condescendantes à l’encontre des jeunes manifestants. Comment Petrofac peut-elle continuer à bénéficier d’une telle impunité ?

    Le fait est que le lobby du pétrole est extrêmement puissant en Tunisie. L’influence de l’industrie des énergies fossiles est tellement omniprésente que l’opacité et l’irresponsabilité y sont devenues la norme. Par exemple, personne ne sait si des activités de prospection ou d’exploitation de gaz de schiste ont lieu ou non dans le pays. Les opérations pétrolières dans le sud de la Tunisie - de Tataouine à la zone militaire fermée (sauf pour les entreprises pétrolières et gazières apparemment) – paraissent particulièrement opaques.

    Les autorités tunisiennes semblent considérer les pratiques de l’industrie pétrolière et gazière comme une sorte de boîte de Pandore qu’ils préfèrent ne pas ouvrir [2]. Malgré le processus révolutionnaire initié il y a plus de cinq ans, les mêmes méthodes répressives sont aujourd’hui employées par l’État, qui prend le parti des multinationales contre les demandes légitimes de populations qui souhaitent simplement mener des vies décentes.

    Un archipel en première ligne du changement climatique

    Les Kerkennah sont l’un des endroits les plus vulnérables de la Méditerranée. Ils se caractérisent par un climat semi-aride avec une saison très sèche en été, des températures élevées, une forte évaporation de l’eau, et un déficit d’eau moyen d’environ 1000 mm/an. La montée des mers en raison du réchauffement met en danger cet archipel, dont l’altitude maximale est de 13 mètres, avec la majorité des terres sous les 10 mètres. Plusieurs études ont déjà mis en lumière l’érosion et le retrait de la ligne de côte de plus de 10 centimètres par an. Selon une étude alarmante réalisée par le gouvernement tunisien sur l’impact du changement climatique dans le pays, l’archipel pourrait être transformé en un plus grand nombre de petites îles. 30% de sa superficie (environ 4500 hectares) se retrouverait immergée d’ici 2100.

    En moins de trois décennies, les zones que l’on appelle sebkhas (marais salants côtiers) qui constituent près de la moitié de la surface de l’archipel, se sont étendues de 20%. L’eau de mer s’infiltre dans les réserves d’eau souterraines et dans les sols. Tout ceci exacerbe la pénurie d’eau, qui tue les palmiers locaux et grignote les terres arables, augmentant ainsi la vulnérabilité alimentaire et économique de la population. On compte aujourd’hui des centaines de milliers de palmiers parsemés sur l’île. Ils représentent un joyau à protéger, d’autant qu’ils servent plusieurs usages : source d’alimentation, mais aussi d’outils pour la pêche et l’artisanat traditionnels, etc.

    La population des Kerkennah a fortement baissé dans les années 1980 en raison des sécheresses. Les îles n’étaient pas en mesure de soutenir des systèmes d’irrigation adaptés, et avec le déclin des réserves d’eau douce, beaucoup d’habitants ont dû partir pour le continent, à commencer par la ville voisine de Sfax. Aujourd’hui, la population de l’archipel est estimée à 15 000 personnes. Elle est multipliée par 10 au cours de l’été, quand les émigrés du continent et de l’étranger reviennent. En raison de la fragilité de l’écosystème et des contraintes climatiques et environnementales qui pèsent sur l’agriculture et la pêche, les autorités tentent désormais de promouvoir l’éco-tourisme ou « développement touristique soutenable ». Mais à ce jour, ces programmes n’ont pas été mis en route.

    Souveraineté sur les ressources naturelles et transition juste

    La violence du changement climatique n’est pas naturelle. Elle est liée aux choix des puissants de continuer à brûler des énergies fossiles. Ce choix est fait par les multinationales et par les gouvernements occidentaux, en coopération étroite avec les élites nationales et militaires du Sud, y compris en Tunisie.

    Dans une économique néolibérale comme celle de la Tunisie, où l’économie est subordonnée aux lois du marché, qui génère des inégalités, privatise le social, et échoue à créer des emplois productifs de qualité, les phénomènes habituels de la précarité et de l’instabilité seront sans doute exacerbées par le réchauffement climatique, qui agit comme un « multiplicateur de menaces ».

    La pollution marine à répétition causée par l’industrie pétrolière, couplée à la montée des températures des océans et à la pêche illégale, aura très certainement un impact délétère sur les activités de pêche, sur les écosystèmes et sur la biodiversité des Kerkennah. Un document préparé pour la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) évoque la possibilité que les modes de pêche artisanaux des îles (charfia) soient restreints. On parle même de fracturation hydraulique offshore au large des Kerkennah, ce qui viendrait encore ajouter aux menaces.

    La population des Kerkennah est dans l’obligation de s’adapter à une situation qu’elle n’a pas créée, et se trouve à la merci de pollueurs puissants et corrompus, dissimulés sous l’aile protectrice de la répression d’État. Afin que les îliens conjurent le danger de devenir un jour des réfugiés climatiques et reprennent le contrôle de leur vie, de leur environnement, de leurs ressources et de leur destin, l’industrie des énergies fossiles doit être mise au pas et sommée de rendre des comptes. La poursuite de ses activités destructrices revient à signer l’arrêt de mort de l’archipel.

    Restaurer un contrôle démocratique sur les ressources naturelles apparaît comme une étape vitale en vue d’une transition juste des énergies fossiles vers les renouvelables. C’est particulièrement vrai dans une perspective de justice climatique, qui se focalise sur la minimisation du fardeau du réchauffement sur les populations marginalisées, dépossédées et vulnérables. Après tout, des décisions aussi cruciales sur la nature, la structure et le sens même de nos systèmes énergétiques peuvent-elles être prises sans consulter les populations ?

    Hamza Hamouchene

    Cet article a été traduit de l’anglais et abrégé. La version originale a été publiée sur OpenDemocracy.

    [1Tous les détails de cet accord seront documentés dans un rapport qui sera publié prochainement, coécrit par Hamza Hamouchene, auteur de cet article, pour Platform London.

    [2L’exemple de British Gas (BG) est révélateur, il s’agit du plus grand producteur de gaz de la Tunisie, responsable d’environ 60% de la production nationale de gaz à travers ses opérations à Miskar et Hasdrubal. BG Tunisia contrôle 100% du champ gazier offshore de Miskar (le plus productif), qui se situe à 125 kilomètres des côtes dans le golfe de Gabès. Le gaz est ensuite traité à la centrale Hannibal, et transféré, via un contrat de long-terme, à la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG), l’entreprise publique de gaz et d’électricité de la Tunisie, au prix du marché international et payé en devises. Le gaz tunisien est vendu aux Tunisiens comme s’il était une matière première importée !

    http://multinationales.org/Au-large-de-la-Tunisie-l-archipel-des-Kerkennah-souffre-des-effets-du

    Lire aussi:

    https://nawaat.org/portail/2016/04/19/reportage-a-kerkennah-les-raisons-de-la-colere/

  • La dette : l’arme qui a permis à la France de s’approprier la Tunisie (Cadtm)

     

    L’utilisation de la dette comme instrument de domination et d’aliénation de la souveraineté d’un État est bien illustrée par le sort réservé à la Tunisie par la France dans la deuxième moitié du 19e siècle. En 1881, la France conquiert la Tunisie en la transformant en protectorat. Jusque-là, la Tunisie, connue comme Régence de Tunis était une province de l’Empire ottoman |1|, disposant d’une importante autonomie sous l’autorité d’un Bey.

    Jusque 1863, la Tunisie n’empruntait pas à l’étranger

    Jusqu’à la fin du règne du Bey Mustapha en 1837, il n’existait aucune dette publique. La production agricole assurait la souveraineté alimentaire du pays. Son successeur, Ahmed Bey, qui régna de 1837 à 1855, entreprit un programme de dépenses publiques qui donnait la priorité à la constitution d’une armée permanente, à l’achat de matériel militaire, à la construction de résidences somptueuses et créait quelques manufactures (notamment la manufacture de draps de Tebourba) sur le modèle européen. Ces réalisations étaient très en deçà de ce que Mohamed Ali, le monarque égyptien, avait entrepris avec un succès |2| qui lui valait l’agressivité des puissances européennes |3|. Il y avait néanmoins un point commun entre les deux processus : l’absence d’emprunt à l’étranger durant la première partie du XIXe siècle. Les investissements étaient réalisés avec des ressources internes au pays.

    Le programme d’investissements publics fut un fiasco car il n’était pas basé sur la mise en valeur et le renforcement des producteurs locaux. L’armée permanente fut licenciée en 1853, le plus grand palais ne fût pas achevé et des manufactures furent abandonnées. Le Bey de Tunis avait recours à l’emprunt interne en acceptant des taux souvent usuraires qui ont fait gonfler la dette. L’État beylical contractait des dettes en vendant aux riches Tunisiens et aux résidents étrangers fortunés (Livournais, Génois, Français,…) des teskérés, c’est-à-dire des bons du trésor à court terme.

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    Mohammed es-Sadok

    Avec l’accession au trône de Mohammed es-Sadok en 1859 |4|, augmente fortement l’influence des puissances européennes, de leurs intérêts commerciaux et de leurs entreprises, en particulier de leurs banquiers. La corruption était répandue à la tête du régime et son responsable principal était le premier ministre Mustapha Khaznadar qui avait occupé d’importants postes depuis 1837 en commençant par celui de « trésorier » du Bey (trésorier = khaznadar en turc). Mustapha Khaznadar resta au faîte de l’État jusque 1873. Il prélevait des commissions sur chaque transaction, sur chaque emprunt, sur les recettes des impôts au point que sa fortune devint colossale. Jusqu’à sa mise à l’écart en 1873, Mustapha Khaznadar joua un rôle plus important que le Bey lui-même dans les décisions de l’État et dans les accords passés avec les financiers et entrepreneurs européens.

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    Mustapha Khaznadar

    En 1859-1860, Mustapha Khaznadar et le Bey Mohammed es-Sadok augmentèrent les dépenses publiques et la dette interne par des achats d’armes inutilisables à la Belgique, remplacées, au prix fort, par des fusils français, et par la construction de résidences consulaires de haut standing pour la France et pour la Grande-Bretagne. Des dépenses qui ne correspondaient évidemment nullement à l’intérêt de la population. La dette publique interne augmenta de 60 % au cours des trois premières années du règne de Mohamed es-Sadok. Les Tunisiens fortunés et les résidents étrangers tiraient profit d’une politique d’endettement interne qui leur fournissait un rendement élevé, les hauts dirigeants de l’État en profitaient car ils détournaient une partie de l’argent emprunté (s’ajoute à cela qu’ils se portaient eux-mêmes acquéreurs de la dette), les fournisseurs étrangers en tiraient également un bénéfice. Par contre le peuple devait supporter une charge croissante d’impôts.


    Le premier emprunt étranger de 1863 : une véritable arnaque

    Le premier emprunt de la Tunisie à l’étranger remonte à 1863. Il constitua une véritable arnaque qui déboucha 18 ans plus tard sur la conquête de la Tunisie par la France.

    À l’époque, la place financière de Paris était très active dans la concurrence avec celle de Londres, la principale au monde. Les banquiers parisiens, comme les londoniens, disposaient de liquidités abondantes et cherchaient des occasions de placement à l’étranger. Les prêts vers l’Amérique latine, l’Asie, l’Empire ottoman, l’Égypte, la Russie et l’Amérique du Nord étaient abondants |5|. Les crédits étaient destinés principalement à la construction des chemins de fer (avec une bulle spéculative en formation dans ce secteur), au refinancement des anciennes dettes - c’est le cas de l’Amérique latine - et à l’achat d’armes. Les rendements obtenus à Paris sur le marché local tournent autour de 4 à 6 % tandis que les rendements sur les prêts à l’étranger sont beaucoup plus élevés (ils pouvaient atteindre 10 à 11 % en rendement réel).

    Quand, début 1863, le Bey annonce qu’il souhaite emprunter 25 millions de francs à l’étranger, plusieurs banquiers et courtiers de Londres et de Paris proposent leur service, parmi lesquels le baron James de Rothschild, d’autres sociétés londoniennes, ainsi qu’à Paris le Crédit mobilier et Émile Erlanger, un banquier de Francfort basé dans la capitale française.

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    Émile Erlanger

    Le Consul de Grande-Bretagne à Tunis soutenait les offres des banquiers de Londres et celui de France appuyait les offres provenant de Paris. Finalement, le banquier Émile Erlanger obtint le « contrat ». Sa biographie mériterait d’être résumée |6|. Selon le consul britannique, le banquier Émile Erlanger lui aurait proposé 500 000 francs afin d’obtenir son soutien.


    En quoi consiste l’emprunt de 1863 ?

    Le banquier Erlanger, associé à d’autres, obtint l’autorisation du gouvernement français de vendre à la bourse de Paris des titres tunisiens. Selon un rapport établi en 1872-1873 par Victor Villet, un inspecteur français des finances, cet emprunt est une véritable escroquerie.

    D’après le banquier Erlanger, 78 692 obligations tunisiennes ont été émises. Chacune avait une valeur nominale de 500 francs. Elles ont été vendues à 480 francs et chacune donnait droit à un coupon annuel de 35 francs pendant une durée de 15 ans. Cela représente un taux d’intérêt théorique de 7 % mais, vu que les obligations ont été vendues à 480 francs, l’intérêt réel est de 7,3 %. Pour l’acheteur, cela veut dire qu’en déboursant 480 francs, il pouvait obtenir 525 francs (15 ans x 35 Fr.) sous forme d’intérêts plus les 500 Fr. que vaut une obligation.

    Pour l’emprunteur, le gouvernement tunisien, alors qu’il doit recevoir 415 Fr. (c’est-à-dire 480 Fr. moins 65 Fr qui correspondent à la commission d’émission et d’autres frais pour rémunérer le banquier), il doit rembourser 1025 Fr.

    Une autre manière de calculer, plus globale celle-là : l’emprunteur (la Tunisie) devrait recevoir environ 37,7 millions de francs (78 692 obligations vendues à 480 Fr., soit 37,77 millions) et en échange il s’engage à rembourser 65,1 millions.

    Selon les recherches réalisées par l’inspecteur français des finances, Victor Villet, le banquier Erlanger a prélevé un peu plus de 5 millions de commission (soit environ 13 % de la somme récoltée). Il faut aussi défalquer de la somme qui aurait dû être reçue, 2,7 millions Fr. qui ont été détournés, certainement par le premier ministre et le banquier E. Erlanger.

    Donc, pour environ 30 millions de francs à recevoir, le gouvernement tunisien s’engageait à rembourser 65,1 millions de francs.

    Pour parler de véritable arnaque ou escroquerie, il faut prendre en compte des éléments aggravants dans le comportement du banquier Émile Erlanger et du premier ministre tunisien. Erlanger a affirmé qu’il avait vendu un peu plus de 38 000 obligations à Paris et 40 000 à Tunis (rappelons que le total des obligations émises s’établissait à 78 692 obligations). Il semble que la vente à la bourse de Paris ait été très inférieure à ce que Erlanger a affirmé et, qu’en réalité, plus de 30 000 n’avaient pas trouvé acquéreurs et étaient restées en possession d’Erlanger. Or Erlanger a prélevé une commission totale de plus de 5 millions de Fr. comme s’il avait vendu toutes les obligations… Il semble qu’Erlanger ait emprunté à d’autres banquiers la somme qu’il s’était engagé à transférer au trésor tunisien (environ 30 millions Fr.) en quatre versements. Il est probable qu’il empruntait à d’autres banquiers en mettant en garantie les 30 000 titres qu’il n’avait pas réussi à vendre. C’est ce qu’avance le rédacteur du Moniteur des Fonds Publics dans un article publié le 19 août 1869 : « Nous croyons être dans le vrai en affirmant que 5 000 obligations, tout au plus, devinrent la propriété de porteurs résidant en France… Il restait donc environ 30 000 obligations entre les mains de M. Erlanger. Dans cette situation, il se trouvait fort embarrassé pour faire face aux engagements qu’il avait contracté avec le Bey. Comment fit-il ? Nous croyons que, déposant entre les mains du Comptoir d’escompte les titres qu’il n’avait pu placer, il en obtint une avance à l’aide de laquelle il put envoyer quelques fonds à son altesse ».

    Un indice clair de la solidité de cette hypothèse est que le banquier Erlanger prétend avoir racheté sur le marché secondaire de la dette 20 962 titres en janvier 1864 et 8 000 autres en 1865. Or ces rachats n’ont pas entraîné d’augmentation du cours de ces titres. Ce n’est pas vraisemblable. Un rachat de 20 000 titres alors que 38 000 sont officiellement en circulation doit produire automatiquement une augmentation du cours. Or, on n’a pas constaté d’augmentation du prix des obligations tunisiennes sur le marché secondaire. Cela signifie que les titres n’étaient pas en circulation sur le marché. Le banquier Erlanger a fait semblant de racheter des titres qu’en réalité il possédait.

    Notons que, par ailleurs, chaque année ces 30 000 titres donnaient lieu au paiement d’intérêts. Tant qu’ils étaient en possession du banquier Émile Erlanger, c’est lui qui touchait les intérêts…


    Le résultat immédiat de l’emprunt de 1863

     
    Cet emprunt extérieur devait servir à restructurer la dette interne qui était évaluée à une somme équivalente à 30 millions de Francs français (rappelons qu’elle avait augmenté de 60 % entre 1859 et 1862 à cause des dépenses du Bey Mohamed es-Sadok qui avait multiplié les achats de marchandises à l’étranger). Il s’agissait concrètement de rembourser les anciens titres avec l’argent emprunté à l’étranger. En réalité, alors que les anciens titres ont été remboursés, les autorités ont émis de nouveaux teskérés (ou bons du trésor) pour un montant équivalent. C’est ce que raconte l’inspecteur des Finances français, Victor Villet : « en même temps que dans les bureaux du représentant de la maison Erlanger à Tunis on remboursait les anciens titres… un courtier du gouvernement (M. Guttierez) installé dans le voisinage reprenait du public l‘argent que celui-ci venait de recevoir, en échange de nouveaux teskérés émis au taux de 91 %. A la faveur de cette comédie de remboursement, la dette se trouva simplement… augmentée de 15 millions à peu près ». Les recettes provenant de la vente de ces nouveaux teskérés étaient largement détournées vers les coffres du premier ministre, d’autres dignitaires et de résidents européens fortunés.

    Le même inspecteur des finances écrivait : « Les fonds provenant de l’emprunt de 1863 [qui] étaient versés en espèce au Bardo (le Bey et le premier ministre siégeaient au palais du Bardo) ont été … inscrits à un compte spécial : mais ne sont pas entrés dans la comptabilité générale du gouvernement, ils ne sont pas entrés dans les caisses de l’État et rien ne fait croire qu’ils aient servi à l’acquittement des dépenses publiques ».

    En moins d’un an, l’emprunt de 1863 a été dilapidé. Dans le même temps, l’État s’est retrouvé endetté, pour la première fois de l’histoire tunisienne, à l’égard de l’étranger et cela pour un montant très élevé. Les montants à rembourser envers l’étranger chaque année étaient insoutenables. Quant à la dette interne qui aurait dû être remboursée par l’emprunt extérieur, elle a été multipliée par deux. Le gouvernement du Bey a choisi sous la pression des créanciers de transférer la facture vers le peuple en augmentant de 100 % la mejba, l’impôt par habitant.


    La révolte de 1864, conséquence de la décision d’augmenter de 100% un impôt pour rembourser l’emprunt de 1863

    L’augmentation de l’impôt provoqua en 1864 une rébellion générale dans le pays. Le refus de l’augmentation de l’impôt mejba, la capitation, était la revendication principale des protestataires |7|. Dès que les agents du Bey se déplacèrent dans le pays pour prélever la mejba portée à 72 piastres, la révolte éclata. Le 10 mars 1864, le vice-consul français Jean-Henri Mattei télégraphia de Sfax : « Toutes les tribus sont d’accord pour ne point payer le nouvel impôt de 72 piastres. (…) La jonction de toutes les tribus aura lieu au premier signal du départ de Tunis d’un camp quelconque ayant l’intention de prélever cet impôt » |8|. Quelques semaines plus tard, dans une autre dépêche consulaire, on lisait « L’insurrection est générale et s’étend jusqu’à une heure de Tunis » |9|. D’après différents témoins, les insurgés accusaient le gouvernement, et en premier lieu le premier ministre Mustapha Khaznadar, d’avoir vendu le pays aux Français. Selon eux, l’emprunt de 1863 émis à Paris par le banquier Erlanger en était une preuve.
    La France, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Empire ottoman envoyèrent des navires de guerre dans les eaux territoriales tunisiennes afin d’intimider les populations et d’intervenir pour prêter secours aux autorités si la situation devenait incontrôlable. Le Bey recula face aux protestations et annonça le 21 avril 1864 qu’il renonçait au doublement de la mejba |10|. Il réitéra les concessions en juillet 1864 afin d’obtenir un accord avec le leader principal de la révolte Ali ben Ghedahem |11|. Puis, avec l’appui des puissances étrangères, il se lança dans la répression. Le Sultan, monarque de l’Empire ottoman, apporta un soutien financier au Bey pour qu’il puisse lever des troupes fraîches et se lancer dans la répression. C’était une initiative du Sultan pour ne pas être débordé par la France |12|, la Grande-Bretagne et l’Italie.


    Une répression massive

    Le Bey se lança dans une répression massive a posteriori permettant d’extorquer un maximum d’impôts et d’amendes à la population. Le consul français écrivit le 4 décembre 1864 au ministre des Affaires étrangères à Paris : « Le gouvernement du bey a promptement renoncé au système de clémence qu’il semblait vouloir inaugurer… ; il est revenu à la rigueur, à celle qui se traduit par les fers et la torture, pour obtenir, des provinces du littoral, des impôts exorbitants de guerre ». « Il est de mon devoir de vous informer » déclara par écrit au consul de France, un vice-consul : « de la façon barbare dont agit le général Zarrouk pour exécuter les ordres du bey, en dépouillant complètement les indigènes, en mettant à la torture les personnes âgées et les femmes qui n’ont pris aucune part à la révolution » (lettre du 16 février 1865). Un autre fonctionnaire français : « L’amende n’a pu être perçue qu’au moyen de la réclusion, de la mise aux fers, de la bastonnade et des rigueurs les plus illégales au point de vue de notre droit public actuel. Parmi ces rigueurs, je signalerai la confiscation des biens, la torture poussée parfois jusqu’à ce que lésion ou mort s’ensuive, la violation de domicile… et, enfin, le viol des femmes tenté ou consommé sous l’œil même des pères ou des maris enchaînés » (1er mars 1865). Jean Ganiage ajoute : « En mars 1865, Espina, vice-consul, estimait à 23 millions de piastres, les sommes que le gouvernement avait tirées du Sahel, d’octobre 1864 à janvier 1865, sans compter quelque 5 millions de piastres extorqués par ses employés pour leur propre compte » |13|.


    Le deuxième emprunt externe réalisé à Paris en 1865

    Vu que l’emprunt de 1863 n’avait en rien amélioré la situation financière du pays, le Bey et son premier ministre optèrent pour la fuite en avant et passèrent un accord avec le banquier Erlanger pour réaliser un nouvel emprunt en mars 1865. La Tunisie s’endetta pour un montant de 36,78 millions de Fr. Il le fit à des conditions encore plus mauvaises et scandaleuses qu’en 1863. En effet, alors que les titres de 500 Fr. avaient été vendus au prix de 480 Fr. en 1863, les nouveaux titres furent vendus à 380 Fr. c.-à-d. à 76 % de la valeur faciale.

    Un acheteur d’un titre à 500 Fr. payait 380 Fr. pour l’acquérir en escomptant percevoir chaque année un coupon de 35 Fr. pendant 15 ans (soit 525 Fr.) auquel s’ajoutait 500 Fr. à l’échéance en 1880. Un investissement de 380 Fr. rapportant 1025 Fr., soit un bénéfice de 645 Fr. était très alléchant. Le taux d’intérêt théorique était de 7 % mais vu que le coupon annuel s’élevait chaque année à 35 Fr., le rendement réel était de 9,21 % (=35/380).

    Si on se place du point de vue de l’État tunisien emprunteur : la nouvelle dette liée à l’emprunt de 1865 s’est élevée à 36,78 millions de Fr., mais il ne devait recevoir qu’un peu moins de 20 millions de Fr. car les frais de courtages et les commissions prélevées par le banquier Erlanger et ses associés Morpurgo-Oppenheim se sont élevés à 18 %. Il faut y ajouter que près de 3 millions ont été détournés directement, une moitié pour les banquiers, une moitié pour le premier ministre et ses associés. Le bilan tient en trois chiffres :

    • La nouvelle dette contractée en 1865 s’élève à 36,78 millions de Fr.
    • La somme réellement reçue s’élève à moins de 20 millions de Fr. |14|
    • La somme à rembourser en 15 ans s’élève à 75,4 millions.

    Les banquiers avaient réalisé une très bonne affaire : sans avoir rien investi, ils ont prélevé au moment de l’émission environ 6,5 millions de Fr. sous forme de commissions, de frais de courtage et de vol pur et simple. Tous les titres ont été vendus en quelques jours. Il régnait à Paris une euphorie à propos des titres des pays musulmans (Tunisie, Empire ottoman, Égypte), qui était désignés comme les « valeurs à turban ». Les banquiers payaient les rédactions des journaux pour publier des nouvelles tout à fait rassurantes. Alors que l’économie et les finances tunisiennes étaient en plein marasme, l’hebdomadaire parisien la Semaine financière écrivait à propos de l’emprunt de 1865 : « Le Bey de Tunis est aujourd’hui sous le protectorat moral de la France, qui a intérêt à favoriser la prospérité du peuple tunisien puisque cette prospérité est une sécurité de plus pour l’Algérie » |15|.

    Les escroqueries des banquiers Erlanger, Morpurgo-Oppenheim ne s’arrêtent pas là. Non contents d’endetter la Tunisie à des conditions léonines, ils sont intervenus activement pour que l’argent prêté soit utilisé pour des dépenses dont ils allaient pouvoir tirer profit. Deux exemples : ils ont convaincu le Bey d’acheter à un négociant marseillais, un certain Audibert, deux navires inutilisables au prix du neuf (250 000 Fr.). Selon l’inspecteur des Finances, Victor Villet, E. Erlanger qui s’était engagé à faire livrer 100 canons rayés nouveau modèle pour un million Fr. n’a en réalité fourni «  que de vieux canons dont la culasse avait été doublée d’une sorte de manchon. La fraude était par trop grossière ; on sut bien vite que ces canons n’avaient coûté au fournisseur que 200 000 Fr environ » |16|. La liste des affaires de fournitures contenant des signes évidents d’escroquerie est longue. Par ailleurs, Erlanger obtint du Bey comme garantie de l’emprunt, la concession de la manufacture de draps de Tetourba.


    Les dettes accumulées pendant la période 1863-1865 conduisent à la mise sous tutelle de la Tunisie

    Les nouvelles dettes accumulées au cours des années 1863 – 1865 mirent la Tunisie à la merci de ses créanciers extérieurs ainsi que de la France. Il était tout simplement impossible à la Tunisie de réussir à rembourser les sommes qui étaient exigées d’elles. Les recettes exceptionnelles d’impôts suite à la répression de la fin 1864-début 1865 avaient permis de faire rentrer dans le trésor public une somme importante (30 millions de piastres, somme qui dépassait largement les revenus de l’État en année normale) qui fut engloutie rapidement par le paiement de la dette ainsi que de nouvelles dépenses somptuaires et contraires à l’intérêt des populations.

    L’année 1867 fut très mauvaise en termes de production agricole. De plus, pour se procurer des revenus, le Bey faisait exporter des produits agricoles. Cela déboucha sur une disette dans plusieurs parties du pays et sur une épidémie de choléra, favorisée par l’état d’affaiblissement d’une partie de la population (écrasée par les impôts et affectée par la hausse du prix des aliments de base) et par l’absence de dépenses publiques au niveau sanitaire. On parle de 5 000 décès dans la capitale, dus à la famine principalement, et de 20 000 dans toute la Tunisie |17|.

    Au niveau international, les banquiers étaient devenus subitement frileux et en tout cas ils exigeaient des rendements encore plus élevés que par le passé. En 1866, le Mexique avait infligé une défaite militaire cuisante au corps expéditionnaire français et, dans la foulée, avait répudié le paiement de la dette, considérée comme odieuse, à l’égard des banquiers français et des porteurs de bons mexicains (notamment ceux vendus à Paris par le banquier Erlanger en 1864 et en 1865). En conséquence le Bey et son premier ministre ne réussirent pas à obtenir la réalisation d’un nouveau grand emprunt à Paris ou ailleurs. Ils visaient un emprunt de 100 millions mais cela se termina par un fiasco. En effet, en février 1867, ils avaient signé un nouveau contrat avec le banquier Erlanger. Alors qu’Erlanger souhaitait vendre 200 000 obligations tunisiennes à Paris, après quelques semaines, il n’en avait vendu que 11 033. Il n’y avait plus d’engouement pour les valeurs tunisiennes à turban. Du coup, le Bey recourait à de « petits » emprunts à des taux usuraires auprès d’autres banquiers parisiens comme Alphonse Pinard |18|, directeur du Comptoir d’escompte de Paris qui organisa un emprunt de 9 millions Fr. à Paris en janvier 1867. Rothschild, contacté, ne voulait pas prêter à la Tunisie. Oppenheim et d’autres exigeaient des taux de l’ordre de 15 %.

    À partir de 1867, le Bey suspend partiellement le paiement de la dette interne et externe. Cela amène A. Pinard, directeur du Comptoir d’Escompte de Paris, à poursuivre la Tunisie au tribunal civil de la Seine pour non-exécution des clauses de l’emprunt de 9 millions Fr. de janvier 1867. A. Pinard demande à être mis en possession notamment des revenus des douanes tunisiennes ainsi que des revenus tirés de la récolte d’olives. La sentence est rendue en août 1867 et A. Pinard perd le procès : la Régence de Tunis était un pays étranger et non soumis à la juridiction du tribunal.

    Alphonse Pinard et d’autres banquiers utilisent une autre stratégie. Il forme un syndicat |19| de détenteurs de titres tunisiens dans lequel on retrouve les banquiers Bischoffsheim, Bamberger, Lévy-Crémieu, Edmond Adam, mais aussi Joseph Hollander, administrateur de la Banque des Pays-Bas, futur beau-père du fils Pinard. Ce syndicat se charge « d’aider » le gouvernement beylical à payer les coupons. Plus tard, en 1869-1870, il réussit à être représenté directement dans la commission internationale financière qui prend le contrôle des finances tunisiennes et obtient une victoire totale (voir plus loin).


    Les dettes qui sont la conséquence des emprunts de la période 1863-1867 sont odieuses et auraient dû être répudiées

    La dette contractée entre 1863 et 1867 est clairement une dette odieuse pour le peuple tunisien. Elle correspond à la lettre à la définition donnée en 1927 par Alexander Nahum Sack, professeur de droit à Paris et théoricien de la doctrine de la dette odieuse : « Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’État entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir. » |20|

    Il ajoute un peu plus loin : « On pourrait également ranger dans cette catégorie de dettes les emprunts contractés dans des vues manifestement intéressées et personnelles des membres du gouvernement ou des personnes et groupements liés au gouvernement — des vues qui n’ont aucun rapport aux intérêts de l’État ». Cela s’applique parfaitement au comportement du premier ministre Mustapha Khaznadar et aux autres dignitaires du régime beylical |21|.

    Sack souligne également que les créanciers de telles dettes, lorsqu’ils ont prêté en connaissance de cause, « ont commis un acte hostile à l’égard du peuple ; ils ne peuvent donc pas compter que la nation affranchie d’un pouvoir despotique assume les dettes « odieuses », qui sont des dettes personnelles de ce pouvoir ». Le banquier Émile Erlanger, le banquier Alphonse Pinard et leurs associés savaient parfaitement que les montants empruntés ne servaient pas l’intérêt général. De plus, ils étaient, comme nous l’avons montré, acteurs directs de l’escroquerie.

    S’agissant de la politique d’émission de titres à haut risque sur le plan financier et odieux sur le plan juridique de la part du banquier E. Erlanger, il faut également rappeler qu’à la même époque, il a émis en 1864 et en 1865 des titres mexicains pour le compte de l’État fantoche mis en place par l’armée française au Mexique avec à sa tête Maximilien d’Autriche qui sera fusillé en juin 1867. En 1863, E. Erlanger a émis à Paris et à Londres un emprunt de 15 millions de dollars pour les États esclavagistes du Sud (les Confédérés) gagé sur le coton et lui permettant de faire un profit immédiat d’environ 4 millions de dollars |22|.

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    Le démantèlement de l’empire Ottoman


    La France cherche le moment opportun pour prendre complètement le contrôle de la Tunisie

    Depuis qu’ils se sont lancés dans la colonisation de l’Algérie dans les années 1830, les dirigeants français ont considéré que la France avait le droit d’étendre son domaine colonial à la Tunisie. Il fallait trouver le prétexte et le moment opportun. Il y avait aussi d’autres priorités tant sur le plan interne que sur le continent européen ou ailleurs dans le monde. Dans la région arabe, l’Égypte constituait la priorité pour des raisons géostratégiques : la possibilité d’avoir un accès direct à l’Asie par l’ouverture du canal de Suez entre la Méditerranée et la Mer rouge ; l’accès à l’Afrique noire par le Nil ; la proximité de l’Orient par voie terrestre ; le potentiel agricole de l’Égypte ; la concurrence entre la Grande Bretagne et la France : celle des deux puissances qui contrôlerait l’Égypte aurait un avantage stratégique sur l’autre. Napoléon l’avait compris et l’avait mis en pratique avec sa campagne d’Égypte en 1798.

    La conquête de la Tunisie ne constituait pas une priorité, d’autant que la stabilisation de la domination française sur l’Algérie était coûteuse en raison de la résistance rencontrée. En France, le soutien populaire à une nouvelle entreprise coloniale n’était pas du tout assuré. Dans les années 1860, l’entreprise de conquête du Mexique tournait à la catastrophe. Comme mentionné plus haut, Louis-Napoléon Bonaparte a dû retirer les soldats français du sol mexicain en 1866 face à la contre-offensive victorieuse des forces progressistes mexicaines et il a dû affronter la répudiation des dettes réclamées par les banquiers français au Mexique (environ 60 millions de francs) |23|. Fin 1867, Napoléon III était également préoccupé par l’avancée des chemises rouges républicaines de Garibaldi qui menaçaient de prendre Rome, protégée de la France.

    Néanmoins pour le consul en place à Tunis, représentant plénipotentiaire de la France auprès du Bey, la recherche de la mise sous tutelle ou de la conquête pure et simple de la Tunisie constitue une priorité et quasiment une obsession. Les faits et gestes des différents consuls qui se sont succédés à Tunis l’attestent. En pleine révolte de 1864, le Consul français, Charles Beauval, jouait sur deux tableaux : alors qu’officiellement la France soutenait le Bey, il négociait avec le principal leader de la révolte, Ali ben Ghedahem, au cas où il se déciderait à renverser le Bey. Il écrivait le 30 mai 1864, « Il sera digne de l’Empereur de réunir plus tard toutes les tribus de la Tunisie en une petite confédération arabe ». En septembre 1865, selon l’historien Jean Ganiage, « les affaires tunisiennes furent discutées en un conseil des ministres présidé par l’empereur. Consulté, le gouverneur de l’Algérie, le maréchal de Mac-Mahon, proposait d’envoyer un corps expéditionnaire jusqu’à Tunis et présentait un projet détaillé sur la marche et l’organisation de cette colonne. Mais ce plan dépassait de beaucoup les intentions du gouvernement » |24|. Deux ans plus tard, toujours selon J. Ganiage, « le consul de Botiliau ne voyait plus d’autre solution qu’une occupation de la Tunisie par la France, annexion définitive à l’Algérie ou occupation temporaire à titre de gage ».
    Par ailleurs, les déclarations racistes ne manquaient pas dans la correspondance des représentants de la France en Tunisie comme en témoigne une lettre du 2 décembre 1867 du consul de Botiliau dans laquelle il dénonçait « les moeurs de la race arabe, son inaptitude au travail, ses habitudes de fausseté, de mensonge, de corruption… » |25|.


    La Création de la Commission financière internationale en 1869

    La proposition de création d’une commission internationale qui doit prendre le contrôle des finances de la Tunisie est mise par écrit dans ses grandes lignes par le ministre des affaires étrangères de la France, le marquis de Moustier en janvier 1868 : « Il semble donc que nos efforts doivent avoir avant tout pour objet d’assurer s’il se peut la bonne gestion des revenus donnés en gage par le gouvernement du Bey, et qu’en parvenant à établir un contrôle sérieux sur les produits du fisc aujourd’hui abandonnés à des mains inhabiles ou infidèles, nous aurions fait un grand pas vers le but que nous poursuivons. Dans le cas où l’application de ce principe serait admise, on pourrait en confier le soin à une commission qui aurait son siège à Tunis ».

    En avril 1868, sous la dictée des représentants de la France, le Bey adopte un projet de décret de constitution de la Commission internationale financière. Et 15 mois plus tard, après que la France ait obtenu l’assentiment définitif de la Grande Bretagne et de l’Italie, le décret définitif est adopté par le Bey. Le texte du décret du 5 juillet 1869 constitue un véritable acte de soumission de la Tunisie aux créanciers (voir le texte complet en encadré). L’article 9 est particulièrement important car il indique très clairement que la commission percevra tous les revenus de l’État sans la moindre exception. Il ajoute qu’aucun emprunt ne pourra être réalisé sans son accord. L’article 3 précise, en termes diplomatiques il est vrai, que le représentant de la France est le personnage le plus important dans cette commission et est désigné par l’Empereur des Français. Le Bey ne fait en réalité que ratifier. C’est la commission qui établira le montant exact de la dette (art. 5). Du point de vue des banques créancières, c’est un point fondamental car la commission va restructurer la dette réclamée à la Tunisie et va déterminer s’il y a ou non une réduction de celle-ci. L’article 10 est également d’une importance fondamentale pour les banquiers de France car il prévoit que deux représentants directs de ceux-ci feront partie de la Commission. Effectivement quand celle-ci a été mise en place en novembre 1869, le syndicat des détenteurs de titres dirigé par le banquier parisien Alphonse Pinard y a obtenu un représentant de même que le banquier Erlanger |26|. Les créanciers anglais et italiens porteurs de titres de la dette interne y étaient également représentés.

    La restructuration de la dette tunisienne en 1870

    Une des tâches principales de la commission, la plus urgente, consiste à restructurer la dette. Victor Villet, l’inspecteur des finances désigné par la France s’y emploie. Comme nous l’avons dit c’est en principe le personnage principal de la commission. En décembre 1869, il propose à la commission de réduire de plus de moitié la dette évaluée au montant nominal de 121 millions de francs. Le dette réduite et restructurée devrait s’établir à 56 millions de francs |27|.

    Les représentants des banquiers refusent la proposition de l’inspecteur des finances et obtiennent le soutien de leur gouvernement respectif en particulier l’approbation du gouvernement de Louis-Napoléon Bonaparte, très lié à la haute finance de France. Aucune réduction de dette n’est accordée à la Tunisie. Au contraire, les banquiers obtiennent qu’elle soit portée à 125 millions de francs. C’est une victoire totale pour les banquiers représentés par les délégués d’Alphonse Pinard et d’Emile Erlanger. Alors qu’ils avaient racheté en bourse des titres de 1863 et de 1865 (qu’ils avaient émis pour le compte de la Tunisie) à 135 ou 150 Fr. après avoir spéculé à la baisse, ils obtiennent grâce à la restructuration de 1870 un échange de titres quasiment au prix de 500 Fr. Concrètement un ancien titre de 1863 ou de 1865 d’une valeur de 500 Fr. qu’ils ont racheté à 150 Fr. par exemple est échangé contre un nouveau titre de 500 Fr. Une véritable aubaine débouchant sur une nouvelle dette odieuse !

    Comme l’écrit l’historien Nicolas Stoskopf, il s’agissait de serrer un peu plus le nœud de la corde que le Bey s’était lui-même passé autour du cou. Réalisant un bilan de l’action du banquier A. Pinard qui dirige le syndicat des détenteurs de titre, N. Stoskopf écrit : « Dès 1867, la banqueroute tunisienne permit de passer à l’étape suivante. Dans les négociations âpres et les manœuvres occultes qui s’ensuivirent, Pinard n’eut de cesse de réaliser les profits attendus, avec un parfait cynisme à l’égard des épargnants français comme du sort des Tunisiens, mais avec l’efficacité redoutable d’un financier hors pair qui lui permit in fine de récupérer, lors de l’unification de la dette tunisienne en 1870, treize millions pour les cinq qui avaient été engagés par le syndicat » |28|.

    Les autorités tunisiennes étaient activement complices de ce pillage des ressources publiques. Le premier ministre Mustapha Khaznadar, d’autres dignitaires du régime, sans oublier les autres Tunisiens fortunés qui détenaient une très grande quantité de titres de la dette interne, ont pu faire d’énormes profits lors de la restructuration. Comme dans la grande majorité des pays, les classes dominantes locales sont solidaires des créanciers internationaux car elles tirent elles-mêmes une partie de leurs revenus du remboursement de la dette. C’était vrai au 19e siècle et c’est toujours le cas au 21e siècle.


    Les succès des banquiers sur le dos du peuple tunisien

    Les banquiers Alphonse Pinard et Émile Erlanger décident de se retirer de la Tunisie, ils ont été indemnisés et sont largement satisfaits. Émile Erlanger a réussi à construire un empire financier notamment grâce à ses opérations en Tunisie. Il met la main sur la banque Crédit mobilier de Paris et, quelques années plus tard, sur la fameuse agence de presse internationale Havas |29|. Alphonse Pinard, de son côté, poursuit ses activités en France et ailleurs dans le monde en contribuant à la création de la Société Générale (une des trois principales banques françaises aujourd’hui) ainsi qu’à une autre banque qui allait se transformer au cours du temps en BNP Paribas (la principale banque française actuelle).

    Ce passage du Capital de Karl Marx publié en 1867 résume bien le rôle joué par la dette publique : « Le système de crédit public, c’est-à-dire des dettes publiques, dont Venise et Gênes avaient, au Moyen Age, posé les premiers jalons, envahit l’Europe définitivement pendant l’époque manufacturière. (...) La dette publique, en d’autres termes, l’aliénation de l’État, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l’ère capitaliste. (...) La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive. (...) Avec les dettes publiques naquit un système de crédit international qui cache souvent une des sources de l’accumulation primitive chez tel ou tel peuple. » |30|
    Il ajoutait : « Dès leur naissance, les grandes banques, affublées de titres nationaux, n’étaient que des associations de spéculateurs privés s’établissant à côté des gouvernements et, grâce aux privilèges qu’ils en obtenaient, à même de leur prêter l’argent du public. (…) La dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l’agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne. » |31|.


    L’échec de la Commission internationale financière

    Comme prévu à l’article 9 du décret de création de la commission internationale financière de juillet 1869, ses membres ont le contrôle sur les revenus de l’État. Cependant, la politique économique dictée par le remboursement de la dette débouche sur la stagnation économique car l’État ne réalise aucun investissement productif, ne fait pas de dépenses pour stimuler l’activité économique et écrase d’impôts les petits producteurs locaux, qu’ils soient ruraux ou urbains. En conséquence, les recettes fiscales ne suffisent pas à rembourser la dette de 125 millions de francs.

    Les membres de la commission représentant les banquiers se retirent dès 1871 car ils ont obtenu satisfaction et n’ont plus de bénéfices à retirer des travaux de la commission, qui est confrontée à l’échec des politiques qu’elle dicte depuis 1869. L’échec est tel que le premier ministre Mustapha Khaznadar, qui occupe des postes gouvernementaux depuis 36 ans, est viré en 1873. Il est consigné à résidence car les détournements de fonds et la corruption dont il est responsable ont fini par avoir raison de lui sous pression de la France.

    Khérédine, le remplaçant de Mustapha Khaznadar essaye d’entreprendre quelques réformes, mais sans succès et il est mis à l’écart en 1876 notamment parce qu’il ne favorisait pas suffisamment les intérêts des entreprises françaises. Khérédine souhaitait également obtenir une réduction des intérêts à verser sur la dette. C’en était trop.

    La situation des artisans tunisiens est désastreuse car, suite aux accords de libre commerce, ils n’arrivent pas à faire face aux produits importés d’Europe. Les paysans vivotent. Aucune manufacture importante n’existe. Le réseau des chemins de fer ne dépasse pas quelques dizaines de kilomètres (Tunis – La Marsa et Tunis - La Goulette). Les rues de Tunis ne sont pas pavées et il n’y a pas de système d’égouts.

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    Artillerie Beylicale


    La France obtient le feu vert des autres grandes puissances pour s’emparer de la Tunisie

    Lors du Congrès des Nations tenu à Berlin en juin 1878, tant l’Allemagne que l’Angleterre font savoir à la France qu’elle peut disposer de la Tunisie comme elle l’entend.

    L’Allemagne du chancelier Otto von Bismarck qui a infligé une défaite cuisante à la France en 1870-1871 (elle a fait prisonnier Louis Napoléon Bonaparte à Sedan, a pris l’Alsace-Lorraine et obtenu des réparations) considère qu’il faut un cadeau de consolation pour les nouveaux dirigeants français (le Second Empire a été remplacé en 1870 par la Troisième République |32|). La Tunisie ne présente aucun attrait pour l’Allemagne. Bismarck considère que si la France se concentre sur la conquête de la Tunisie avec son accord, elle sera moins revendicative en ce qui concerne la récupération de l’Alsace-Lorraine. L’Angleterre, qui donne la priorité en Méditerranée à la partie orientale (Chypre, Egypte, Syrie,…), voit aussi d’un bon œil que la France soit occupée par l’accaparement de la Tunisie. Lord Salisbury, le représentant de l’Angleterre déclare à son homologue français : « Prenez Tunis, si vous voulez, l’Angleterre ne s’y opposera pas et respectera vos décisions. D’ailleurs, vous ne pouvez pas laisser Carthage aux mains des barbares » |33|. Le ministre français de l’Intérieur écrit de son côté : « M. de Bismarck nous fit entendre que nous pourrions nous emparer de la Tunisie sans qu’il eût rien à redire… » |34|. Le gouvernement français en discute longuement mais ne se résout pas à passer à l’action car il a d’autres priorités. Pendant ce temps, le Consul français à Tunis cherche des occasions de provoquer un faux pas du Bey qui pourrait justifier une intervention militaire française |35|.

    Finalement, le passage à l’acte se déroule en 1881 quand une majorité se dégage dans le gouvernement français pour conquérir la Tunisie. Le prétexte : les « exactions » de la tribu des Kroumirs (voir plus loin).

    Les banquiers informés des intentions du gouvernement rachètent à bas prix massivement à la bourse de Paris les titres de la dette tunisienne qui se vendaient à 330 Fr. en janvier 1881. A la veille de l’intervention française, ils valaient 487 Fr. (pour une valeur nominale de 500 Fr.), un montant qu’ils n’avaient jamais atteint auparavant. Le raisonnement des banquiers et d’autres financiers est simple : si la France prend le contrôle de la Tunisie, elle restructurera la dette une nouvelle fois et indemnisera les créanciers. Ils n’ont pas eu tort : la restructuration de la dette a lieu en 1884, pendant le second mandat de Jules Ferry et le Trésor public a été mis à contribution pour satisfaire les banquiers.

    L’agence Havas qui appartient au banquier Erlanger depuis 1879 participe à une campagne médiatique en faveur de l’intervention française.


    L’invasion de 1881

    La France n’attend donc qu’une occasion favorable pour mettre à exécution cet accord. La difficulté, pour Jules Ferry, président du Conseil, est que cela signifie une intervention militaire, et qu’il faut donc convaincre la Chambre des députés.

    Comme indiqué plus haut, la diplomatie française n’a de cesse de provoquer un incident ou de trouver une occasion qui justifie une intervention de la France. Théodore Roustan, le consul de France, était à la manœuvre. En mai 1880, il écrivait au baron de Courcel fort influent dans la diplomatie française (il sera ambassadeur à Berlin à partir de 1881 et participe à la conférence de 1884-1885 sur le partage colonial de l’Afrique) |36| : « Nous devons attendre et préparer nos motifs d’agir avant nos moyens d’actions. La sottise du gouvernement tunisien nous y aidera ». Le conflit entre la tribu algérienne des Ouled Nahd et les Kroumirs tunisiens donnera l’occasion de lancer une intervention militaire française de grande ampleur. Vers la fin février 1881, à la suite de nombreux différends entre deux tribus, les Ouled Nahd « algériens » attaquent le campement des Kroumirs « tunisiens ». Cinq Ouled Nahd et trois Kroumirs sont tués.

    Le Consul français exulte : « Nous ne saurions trouver une meilleure occasion pour agir ici et pour agir seuls, car c’est une question dans laquelle les autres puissances n’ont rien à voir ». Pour venger leurs morts, les 30 et 31 mars, 400 à 500 membres de la tribu nomade des Kroumirs attaquent à deux reprises la tribu des Ouled Nahed en territoire algérien mais se voient repoussés par les troupes françaises ; les combats font six morts parmi les soldats français |37|.

    Jules Ferry obtient un crédit du Parlement pour « rétablir l’ordre ». Voici comment Jules Ferry présente, de manière parfaitement hypocrite et mensongère, la demande de crédit de guerre le 11 avril 1881 à l’Assemblée nationale : « Nous allons en Tunisie pour châtier les méfaits que vous connaissez ; nous y allons en même temps pour prendre toutes les mesures qui pourront être nécessaires pour en empêcher le renouvellement. Le Gouvernement de la République ne cherche pas de conquêtes, il n’en a pas besoin (vifs applaudissements à gauche et au centre) ; mais il a reçu en dépôt des gouvernements qui l’ont précédé cette magnifique possession algérienne que la France a glorifiée de son sang et fécondée de ses trésors. Il ira dans la répression militaire qui commence, jusqu’au point où il faut qu’il aille pour mettre à l’abri, d’une façon sérieuse et durable la sécurité et l’avenir de cette France africaine (Nouveaux applaudissements) » |38|.

    24 000 soldats sont envoyés contre les Kroumirs.

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    Le traité du Bardo est validé, à une écrasante majorité, par la Chambre des députés française. Un seul député vote contre, le courageux socialiste Alfred Talandier |39|. Ce traité du 12 mai 1881 est signé entre le Bey de Tunis et le gouvernement français (voir en encadré le texte du traité du Bardo). Il instaure un protectorat français en Tunisie. De peur de se voir détrôner par les Français qui tenaient en réserve son frère Taïeb, le Bey se soumet et confie, au « résident général de France », tous ses pouvoirs dans les domaines des affaires étrangères, de la défense du territoire et de la réforme de l’administration.

    Il faut souligner que quelques mois plus tard, la France sous la conduite de Ferry renforce son action militaire en Indochine pour étendre son domaine colonial. Pendant l’été 1881, Ferry fait voter à l’assemblée nationale des crédits pour une offensive militaire dans le Tonkin |40|. La France utilise là aussi un prétexte pour justifier ses manœuvres coloniales.

    L’armée française occupe Tunis en octobre 1881 et s’empare de la ville sainte de Kairouan à la fin du même mois |41|.

    Devant la résistance de la population et en particulier des tribus tunisiennes qui entrent en rébellion |42|, l’intervention militaire de la France s’accroît. Le corps expéditionnaire français est porté à 50 000 soldats. La France, par la convention de La Marsa de juin 1883, dépouille le Bey du reste de son autorité et institue une administration directe de la France sur le pays (voir en encadré le texte de la Convention de La Marsa).

    Il faut souligner que tant le traité du Bardo (1881) que la convention de la Marsa (1883) contiennent des dispositions très claires en ce qui concerne la dette comme outil de soumission et de spoliation. L’article 7 du traité du Bardo décrète que : « Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse le Bey de Tunis se réservent de fixer, d’un commun accord, les bases d’une organisation financière de la Régence, qui soit de nature à assurer le service de la Dette publique et à garantir les droits des créanciers de la Tunisie. ». L’article 2 de la Convention de la Marsa précise : « Le Gouvernement français garantira, à l’époque et sous les conditions qui lui paraîtront les meilleures, un emprunt à émettre par Son Altesse le Bey, pour la conversion ou le remboursement de la dette consolidée s’élevant à la somme de 125 millions de francs et de la dette flottante jusqu’à concurrence d’un maximum de 17.550.000 francs. Son Altesse le Bey s’interdit de contracter, à l’avenir, aucun emprunt pour le compte de la Régence sans l’autorisation du Gouvernement français. »


    Conclusion

    Nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, après cette analyse de l’irruption de la dette en Tunisie pendant la deuxième moitié du 19e siècle, qu’elle était de nature odieuse et qu’elle a facilité la mainmise coloniale sur le pays.

    Par la suite, elle n’a cessé d’être un outil important de domination et de pillage des ressources naturelles et humaines de la Tunisie, et par là même une des causes essentielles de son « arriération » et de sa marginalisation.
    Se fondant sur ce constat, le peuple tunisien est en droit de réclamer des réparations à la France, qui devrait mettre à contribution les banques (par exemple BNP Paribas et Société générale) et les entreprises françaises qui ont profité de la dette pour spolier le peuple tunisien.

    Par ailleurs, les enseignements qu’on peut tirer de cette analyse sont d’un grand intérêt pour la compréhension de la situation de la Tunisie contemporaine.

    À l’image de la dette contractée entre 1863 et 1867, celle contractée sous le régime de Ben Ali, entre 1987 et 2010 est largement odieuse, et les institutions financières internationales et les créanciers du Nord (au premier rang desquels figure la France) le savent parfaitement, comme en témoignent des résolutions du Sénat belge (juillet 2011) et du Parlement européen (mai 2012).

    Les politiques économiques et sociales mises en œuvre par le pouvoir beylical au 19e siècle pour rembourser sa dette sont étonnamment similaires à celles fixées par les conditionnalités du FMI depuis son plan de restructuration en 1986 |43|.

    En 1864, l’augmentation de la mejba conduisit à une révolte populaire importante. En décembre 2010, c’est l’abandon des politiques sociales à cause de la charge de la dette qui conduit à la révolution. Alors qu’en 1864, la France dépêcha des navires de guerre pour faire face à la révolte, en janvier 2011 elle propose au régime de Ben Ali son aide matérielle afin de maintenir l’ordre, par la voix de la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie.

    Enfin, là où les créanciers internationaux profitèrent de la situation au 19e siècle pour instaurer des accords de libre commerce, la libéralisation des échanges imposée à la Tunisie par l’Union européenne depuis 1995 pour les produits manufacturiers, et qui est en train d’être étendue aux produits de l’agriculture et de la pêche, aux services et aux marchés publics (Accord de libre-échange complet et élargie - ALECA) conduit aux mêmes effets désastreux pour la société tunisienne.

    Le renversement du dictateur Ben Ali en 2011 n’a pas mis fin au système dette. Au contraire, les gouvernements successifs, sous la pression des créanciers, ne cessent de pousser la Tunisie dans plus d’endettement.
    Dans le même temps, la lutte s’organise et s’intensifie contre la dette. Un projet de loi portant sur l’audit de la dette publique extérieure et intérieure, depuis juillet 1986, sera déposé au cours du mois de juin 2016 à l’Assemblée des Représentants du Peuple par une quarantaine de députés (sur un total de 217).

    La Tunisie n’a pas d’autre choix, pour sortir de l’impasse de la domination et du sous-développement, que de rompre les chaînes du système de la dette. 31 mai par Eric Toussaint

    http://cadtm.org/La-dette-l-arme-qui-a-permis-a-la

     

  • Nouveautés sur Orient 21

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  • Comment les médias tunisiens traitent le dilemme de l’endettement public (CADTM)

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    Le quotidien tunisien La Presse a consacré un éditorial le dimanche 17 avril 2016 (voir ci-dessous) à la question du poids de l’endettement public.

    L’article met très clairement en garde contre l’hémorragie entraînée par l’endettement et le grand danger que celui-ci représente pour l’économie tunisienne, compte tenu en particulier de ce que le taux de croissance est à zéro.

    Ce qui est frappant dans cet article et dans d’autres, et chez de nombreux journalistes et « experts », c’est l’absence de courage quand il s’agit de défendre le rythme fou de l’endettement. Mais les critique mettent souvent l’accent sur deux points : le premier, c’est le montant élevé des prêts, engloutis par les salaires et la consommation, et le second, c’est que sans le soutien des institutions créancières et des États amis qui sont aux côtés de la Tunisie, l’économie tunisienne se serait effondrée lamentablement.

    En réalité, ces deux arguments sont défectueux :

    1. Le plus gros des montants empruntés (environ 75 pour cent) depuis l’année 2011 se sont évaporés dans le remboursement de la dette odieuse (du régime Ben Ali) et de tout cela, le peuple tunisien n’a rien eu sur le plan social et la consommation a notablement diminué vu que le taux d’inflation est resté élevé. Comment peut-on accuser les familles tunisiennes de surconsommation et de gaspillage de l’argent emprunté, alors que tout indique que le taux de consommation a diminué par rapport à la période avant 2010 et ne s’est pas stabilisé. Comment accuser les salaires alors que le salaire réel n’a pas évolué si l’on tient compte des taux d’inflation ? Nos journalistes doivent dire toute la vérité et faire le lien entre l’explosion de la crise de la dette publique et la poursuite dans les mêmes choix économiques et sociaux, et arrêter de rejeter la faute de cette crise sur les salaires et les familles populaires.

    2. « Les grands pays et les institutions financières internationales (entendez impérialistes !) soutiennent la Tunisie dans les critiques conditions politiques et économiques locales et régionales » : poudre aux yeux. Ces pays et institutions créancières ne sont pas avec « la Tunisie », c’est un petit groupe qui contrôle la Tunisie et soutient les choix de ses dirigeants, médiatiquement et politiquement, sous couvert d’experts, de docteurs et d’ associations spécialisées. S’ils étaient vraiment avec le peuple tunisien, pourquoi n’annulent-ils pas la dette de la dictature, dont ce peuple subit le joug ? Pourquoi offrir des prêts à taux d’intérêt élevé ? Et pourquoi baisser la notation de la Tunisie ? Pourquoi imposer des conditions politiques et sociales nuisibles et toxiques à leurs prêts ?

    Il suffit de faire un petit calcul arithmétique simple sur les transactions nettes entre la Tunisie, la France, l’Allemagne et autres, pour voir que c’est la Tunisie qui finance les créanciers, les soutient et se tient à leurs côtés, et pas le contraire. Il suffit aussi de faire un tour dans quelques quartiers populaires, et dans les nombreuses régions pauvres du pays, pour voir clairement que les choses se sont encore détériorées à cause de ces soi-disant « aux-côtés-de-la-Tunisie », qui sont en fait sur et contre elle. Ils sont en train de détruire tout un peuple avec leur politique et la complicité des agents locaux chargés de la mettre en œuvre.

    Surendettement

    par Sald Benkraiem, La Presse, 17/4/2016

    POUR un pays qui réalise une croissance économique presque nulle, le recours à l’endettement extérieur n’est pas forcément la solution la plus indiquée. Il est vrai que les bailleurs de fonds ont encore confiance en la Tunisie et surtout en sa capacité à honorer ses engagements. Toutefois, ce capital-confiance ne doit pas encourager nos décideurs à choisir les solutions de facilité, à savoir l’endettement extérieur qui ne fait qu’hypothéquer l’avenir des futures générations, porter atteinte à la souveraineté nationale et rendre difficile toute sorte de croissance économique. Bien au contraire, notre gouvernement doit faire fructifier ce capital et le promouvoir davantage, notamment auprès des investisseurs, qu’ils soient tunisiens ou étrangers.

    Il est vrai que le pays a besoin de crédits pour dynamiser son économie. En revanche, il a intérêt à impulser les investissements, véritable créateurs d’emplois et de richesse. Par contre, l’endettement extérieur ne crée pas la richesse en Tunisie, puisqu’il est la plupart du temps orienté vers la consommation et la couverture des dépenses le l’État. En d’autres termes, on s’endette non pas pour investir mais pour consommer. Un constat amer pour un pays qui compte plus de six cent mille chômeurs et qui a plus que jamais besoin de grands projets générateurs d’emplois. Un besoin pressant, voire une priorité nationale, si on veut vraiment conforter la paix sociale et permettre à nos jeunes demandeurs d’emploi de s’insérer effectivement dans le circuit économique du pays.

    Ainsi, les crédits ne représentent que des calmants pour un pays comme la Tunisie dont l’économie nationale a besoin d’un sursaut d’investissement et non pas de surendettement. Être un client fidèle de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international n’est guère synonyme de bonne santé économique. Bien au contraire, la Tunisie ne doit jamais donner l’image du bon élève de ces deux institutions monétaires internationales qui ne font pas certes de la charité. Notre pays doit compter en premier lieu sur ses moyens, ses enfants et ses richesses naturelles, malheureusement prises en otage par une poignée d’individus.


     
    Mokhtar Ben Hafsa

    Membre de la coordination CADTM Afrique et Raid Attac-CADTM Tunisie

  • En quatre jours, la coalition quadripartite au pouvoir a ramené la Tunisie en arrière d’un siècle et demi (Cadtm)

    Le ministre des Finances Slim Chaker, Christine Lagarde, dir. générale du FMI et Chedly Ayari, gouverneur de la BCT

    Les députés de l’ARP (Assemblée des représentants du peuple) ont passé quatre jours (8-9 et 11-12 avril) à des séances de marathon pour discuter du nouveau projet de loi organique sur la Banque centrale de Tunisie (BCT), présenté par le gouvernement. Il convient de noter qu’une main cachée ou un « grand responsable », à en croire un lapsus du Président de la République, a imposé à la Commission des finances et à l’assemblée plénière de mettre de côté tout son programme pour examiner ce projet, qu’elle ou il considérait comme une priorité absolue.

    En un temps record, la nouvelle loi a été ratifiée en séance mardi soir le 12, par uniquement 73 voix, ce qui était le minimum requis pour la faire passer, ce qui signifie que les forces libérales qui veulent libérer la banque centrale et la rendre indépendante du reste des institutions de l’État ont atteint leur but, même si cela s’est fait avec beaucoup de difficultés.

    On n’a pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour savoir que la main « cachée » est très visible et que le « grand responsable » est connu. Puisque c’est le pouvoir exécutif qui a la haute main, contrôlant le pouvoir législatif et lui dictant quoi faire. Le « grand responsable » n’est autre que le Fonds monétaire international, dont les interventions dans la politique tunisienne se sont renforcées au cours des dernières années, passant du rôle de conseiller à celui de donneur d’ordre.

    Ainsi, cette loi fait partie du plan élaboré par le FMI pour financer l’État tunisien qui vit de grandes difficultés financières, a un besoin urgent d’emprunter plus et est à la recherche d’un montant d’environ un cinquième du budget de 2016. C’est ce besoin urgent, ajouté au dogme qui ne voit de solution que dans plus d’endettement, pour être à la page avec l’idéologie dominante de l’époque, qui a incité le gouvernement de la coalition quadripartite à accepter les conditions du FMI pour un nouveau prêt de 2,8 milliards de $. Parmi les premières conditions se trouvait celle d’une nouvelle loi réglementant la Banque centrale, pour la restructurer de manière à ce qu’elle devienne complètement indépendante de l’intervention de l’État et des instances élues. Cela permettra une prise de contrôle sur cette importante institution afin d’assurer une poursuite de l’endettement du pays de manière durable et le renforcement d’une politique libérale coupant la route à toute possibilité d’orientation alternative, puisque dans le sillage du soulèvement révolutionnaire, des perspectives existent encore, malgré la grande victoire remportée par la contre-révolution. Quel paradoxe que de voir les partisans de cette nouvelle loi montrer le même enthousiasme en faveur de l’indépendance de la BCT vis-à-vis de l’État tunisien que pour sa subordination aux lois des marchés financiers mondiaux !

    Quiconque lira les articles de la nouvelle loi comprendra que notre critique au vitriol ne relève pas d’une chamaillerie idéologique : il était explicitement écrit dans un brouillon de rapport de la Commission des finances que cette loi s’inscrit dans le cadre de la coopération avec le FMI. Pour corriger cette gaffe, le rapport officiel a supprimé cette phrase, remplacée par « le respect des normes internationales ».

    La nouvelle loi comprend un article séparant la Banque centrale du reste de l’appareil d’État, adopté sous le prétexte de neutraliser les pressions politiques et l’ingérence des partis au pouvoir sur la banque. Autrement dit, c’est une garantie que cette institution reste dans le cadre de la vision financière libérale, peu importe qui accède au pouvoir, parmi les partis politiques avec des programmes et des orientations différents ; c’est une claire mise à l’écart de la politique dans les affaires financières et économiques, comme si la politique aux yeux de ces gens-là n’était qu’un hobby pratiqué dans nos temps libres.

    La nouvelle loi soulève également une autre question extrêmement importante pour l’exercice démocratique de la supervision et de la redevabilité : le ministre des Finances et un certain nombre de députés ont rejeté l’inclusion de cette notion de la redevabilité dans les articles de la nouvelle loi, malgré les efforts de l’opposition, n’acceptant qu’une formule très souple, celle d’un « suivi ». Un tel article ne devrait pas exister dans une démocratie, dont il enterre vivant, de manière franche et obscène, un des principes fondamentaux, celui du contrôle populaire direct ou indirect des institutions de l’État.

    Un autre article de la nouvelle loi peut sans exagération être qualifié d’arme de destruction massive : il prévoit expressément la possibilité de prêts de la Banque centrale aux banques privées et lui interdit strictement de prêter à l’État. L’article 50 de la loi organique de 1958, abrogé en 2006, stipulait que la Banque centrale « peut dans la limite d’un montant maximum égal à 5% des recettes ordinaires de l’État constatées au cours de l’année budgétaire écoulée, consentir au Trésor des découverts en compte courant dont la durée totale ne peut excéder 240 jours, consécutifs ou non, au cours d’une année de calendrier ».

    Au lieu de revenir à cet article, qui permettait à l’État d’emprunter un montant significatif sans intérêt (l’État se prêtant à lui-même), on va en sens contraire, c’est-à-dire qu’on garantit que l’État sera au service des banques et se verra serrer la vis pour les dépenses publiques. Le rejet total de la proposition de l’opposition pour modifier les choses vise en fait à contraindre l’État tunisien, en cas de besoin urgent d’argent, à s’endetter auprès des institutions financières internationales en dépit de la hausse des taux d’intérêt et de la faiblesse des notations attribuées à la Tunisie par les agences. En ce sens, ces parlementaires - et derrière eux le gouvernement – qui plaident pour empêcher l’État de s’auto-emprunter à 5%, sont de fait devenus des députés des institutions financières et n’ont plus rien à voir avec la représentation du peuple, des intérêts et de la souveraineté de la Tunisie.

    Cette nouvelle loi ouvre clairement la deuxième phase de la liaison de l’idéologie libérale locale et mondiale avec l’État tunisien. L’État, ayant été utilisé pour démanteler l’économie par les privatisations et l’ouverture aux capitaux privés et la diffusion de l’économie de marché durant une vingtaine d’années, travaille aujourd’hui d’arrache-pied à se dépouiller de ce qui lui reste d’armes et à s’exclure du champ de la politique monétaire et économique en général à travers la réforme de diverses lois, dont celle sur la Banque centrale, le Code de promotion des investissements et autres. L’adoption de cette loi réalise le rêve de Rothschild qui a dit : ’’ Donnez-moi le contrôle sur la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à me soucier de ceux qui font ses lois’’.

    Le FMI et ses partenaires locaux, au gouvernement et dans le parlement, préparent la voie au renforcement de la tutelle néocoloniale et de leur emprise sur la Tunisie. Ce qui se passe aujourd’hui dans la politique économique et financière est le remake d’une vieille scène, nous ramenant à la Commission financière internationale imposée à la Tunisie lourdement endettée en 1869. L’histoire se répète sous forme de tragédie. La décision de la coalition quadripartite nous a ainsi ramenés un siècle et demi en arrière en quatre jours !

    Travaillons ensemble pour arrêter cette agression néocoloniale.

    Lire Le communiqué de presse du 15 avril 2016 :

    Le FMI conclut avec la Tunisie un accord de principe pour un programme sur quatre ans d’un montant de 2,8 milliards de dollars au titre du Mécanisme Élargi de Crédit


    Traduit par Rim Ben Fraj 26 avril par Mokhtar Ben Hafsa